Art. 24
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art. 25 (interruption de la discussion)

Article 25

Après l'article L. 912-1, sont insérés deux articles L. 912-1-1 et L. 912-1-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 912-1-1. - La liberté pédagogique de l'enseignant s'exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l'éducation nationale et dans le cadre du projet d'école ou d'établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d'inspection.

« Art. L. 912-1-2. - Lorsqu'elle correspond à un projet personnel concourant à l'amélioration des enseignements et approuvé par le recteur, la formation continue des enseignants s'accomplit en priorité en dehors des obligations de service d'enseignement et peut donner lieu à une indemnisation dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Elle peut intégrer les dispositifs de formation à distance agréés par le ministère chargé de l'éducation nationale. Elle est prise en compte dans la gestion de leur carrière. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Je me réjouis de prendre la parole peu avant que nous interrompions nos travaux. Puissent mes propos inciter à la poursuite de la réflexion, à un moment si propice, puisque la nuit commence... (Sourires.)

Monsieur le ministre, nous légiférons sous le regard, certes de marbre mais vigilant, de Portalis. Je voudrais simplement faire observer à notre assemblée combien il était fâcheux que certains des articles qui nous sont proposés dans ce projet de loi sur l'avenir de l'école soient écrits dans un français si embrouillé, si amphigourique ; de telles formulations seraient certainement censurées par les enseignants que nous sommes, du moins pour un certain nombre d'entre nous, si elles leur étaient soumises par des élèves !

Je prendrai l'exemple de ce seul article 25 pour contribuer à la réflexion.

Vous nous proposez, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de consacrer dans la loi de la République française la phrase suivante : « La liberté pédagogique de l'enseignant s'exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l'éducation nationale et dans le cadre du projet d'école ou d'établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d'inspection. » Je pose la question : quel enseignant accepterait une telle rédaction ?

On nous dit que la liberté pédagogique de l'enseignant s'exerce, premièrement, « dans le respect », deuxièmement, « dans le cadre », troisièmement, « avec le conseil » et, quatrièmement, « sous le contrôle ». Il y a là une succession de conjonctions et de prépositions qui, mal harmonisées les unes avec les autres, donnent une syntaxe particulièrement difficile à comprendre. Songeons à Boileau et revenons à plus de clarté dans ce que nous concevons !

J'éprouve donc un certain sentiment de malaise, monsieur le ministre, à penser qu'une loi sur l'école de la République puisse être écrite dans une telle langue.

En plus, si j'ai bien compris, dès lors que l'on fait ce que dit le ministre, ce que dit l'inspecteur, ce que disent les instructions, ce que disent les programmes, ce que dit l'équipe pédagogique, ce que dit le projet d'établissement, on est libre... Curieuse liberté pédagogique ! A quoi cette précision sert-elle ?

J'ai sous les yeux la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, magnifiquement écrite : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. » Tout est dit ! Par comparaison, la phrase si lourde, si mal écrite, si mal rédigée dont je vous ai donné lecture voilà un instant n'apporte rien.

Le paragraphe suivant n'est guère meilleur : « Lorsqu'elle correspond à un projet personnel concourant à l'amélioration des enseignements et approuvé par le recteur, la formation continue des enseignants s'accomplit en priorité... ». Mais enfin, qui irait soutenir une formation continue des enseignants qui ne concourrait pas à l'amélioration des enseignements ? Vous imaginez ce que serait une formation continue qui contribuerait à la détérioration des enseignements ? Faut-il écrire cela dans la loi ? A quoi cela sert-il ?

Et que penser d'une formation qui « s'accomplit » ? Pour ma part, je ne comprends pas ce que cela veut dire. On peut considérer que des personnes reçoivent une formation, que des enseignants délivrent une formation, mais écrire qu'une formation puisse « s'accomplir », c'est contraire à la clarté que l'on est en droit d'exiger d'une loi qui traite de l'école de la République.

Monsieur le ministre, je plaide ici pour la langue française.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. J'apprécie beaucoup les leçons de français de M. Sueur ; je l'invite d'ailleurs à déposer des amendements pour améliorer la rédaction d'un texte dont je précise qu'il a fait l'objet d'un certain nombre de modifications à l'Assemblée nationale.

Sur le fond, en revanche, M. Sueur a vraiment tout faux, et d'abord parce que, si nous avons voulu inscrire la liberté pédagogique dans la loi, c'est pour éviter que les enseignants ne soient soumis, comme c'est le cas aujourd'hui, à cette sorte de pression qui est exercée sur eux - on ne sait pas très bien avec quelle autorité, d'ailleurs - pour les contraindre à recourir à des méthodes pédagogiques imposées par telle ou telle école.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous des exemples en tête de ces enseignants qui cherchent à innover ou qui recourent à des méthodes anciennes, des méthodes éprouvées, par exemple dans le domaine de l'apprentissage de la lecture, et qui se font sanctionner par l'inspection au motif qu'ils n'utilisent pas les méthodes qui doivent être utilisées.

Pour moi, et c'est d'ailleurs un vieux principe, l'enseignant est maître de sa pédagogie dans sa classe ; le travail de l'inspection consiste à vérifier que ses méthodes pédagogiques donnent de bons résultats et qu'elles sont efficaces, et non pas à imposer une méthode pédagogique à l'enseignant à l'intérieur de sa classe. Voilà pourquoi cette phrase figure dans la loi, et je la crois, moi, très importante.

M. Jean-Pierre Sueur. Les instructions sont pleines de méthodes pédagogiques : il y en a des dizaines, et même des centaines !

M. François Fillon, ministre. Eh bien, il y en aura de moins en moins !

Quant au second paragraphe cité, si nous écrivons, parlant de la formation continue des enseignants, qu'elle « s'accomplit en priorité en dehors des obligations de service d'enseignement », lorsqu'elle concourt « à l'amélioration des enseignements », c'est parce que nous ouvrons un droit nouveau aux enseignants en permettant aux recteurs de rémunérer ces formations continues.

Au titre de ce droit nouveau que nous offrons aux enseignants, sur le modèle de celui qui a été accordé aux salariés du secteur privé, grâce à une loi que j'avais eu l'honneur de vous présenter et que vous avez bien voulu voter, l'institution peut rémunérer des formations choisies par les enseignants, à condition toutefois que ces formations présentent un intérêt pour elle. On peut en effet imaginer qu'un enseignant ait envie de suivre une formation dans un secteur qui soit totalement étranger à l'éducation nationale ; il pourra le faire, mais, dans ce cas-là, la formation continue ne donnera pas lieu à rémunération décidée par le recteur.

Donc, quelle que soit la qualité de leur rédaction, ces deux paragraphes manifestent une intention forte du Gouvernement qui, je l'espère, sera suivi par le législateur.

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément au souhait du président de la commission des affaires culturelles, nous allons interrompre nos travaux.

Je souhaite que nous puissions continuer dans le même esprit constructif que celui qui nous a guidés à la fin de cette séance. J'en remercie par avance les uns et les autres.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Art. 25 (début)
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Discussion générale

5

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, samedi 19 mars 2005, à quinze heures et, éventuellement, le soir :

Suite de la discussion du projet de loi (n° 221, 2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'avenir de l'école.

Rapport (n° 234, 2004-2005.) fait par M. Jean-Claude Carle, au nom de la commission des affaires culturelles.

Avis (n°239, 2004-2005.) de M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (n° 172, 2004-2005) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 22 mars 2005, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 22 mars 2005, à dix-sept heures.

Projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale (n° 208, 2004-2005) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 23 mars 2005, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 23 mars 2005, à seize heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 19 mars 2005, à deux heures quarante-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD