PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la récente crise des banlieues démontre aussi à quel point nous avons, durant des décennies, failli dans notre politique d'aménagement harmonieux du territoire.

La présence d'une mégalopole francilienne qui concentre, à la fois, une très grande, voire une trop grande, partie de la richesse nationale et, en même temps, des poches de pauvreté affligeantes ne lasse pas de nous préoccuper.

Fort heureusement, nous ne connaissons pas les mêmes problèmes dans nos milieux ruraux ; ces derniers sont néanmoins, hélas ! confrontés à d'autres difficultés bien réelles sur lesquelles je ne cesse d'insister depuis que je représente mon département au sein de la Haute Assemblée.

Tout d'abord, je voudrais féliciter le Gouvernement d'avoir mis en place des pôles de compétitivité qui vont permettre d'associer de manière plus efficace les entreprises ainsi que les centres de formation et de recherche et pour lesquels, très souvent - le grand Est n'y déroge pas -, plusieurs départements se sont associés.

Le Gouvernement va consacrer près de 1,5 milliard d'euros en trois ans à ces pôles de compétitivité. Fort bien ! Mais je souhaiterais que le même effort soit consacré aux pôles d'excellence ruraux !

Le Premier ministre a en effet souhaité que la démarche des pôles de compétitivité soit étendue au domaine rural pour valoriser le patrimoine naturel, culturel et touristique.

En conséquence, a germé cette idée, au demeurant excellente et dont la véritable paternité vous revient, monsieur Estrosi, de créer des pôles d'excellence ruraux. Vous vous êtes en effet rendu compte que la répartition des pôles de compétitivité laissait sur la carte de France de très grands vides qu'il convenait impérativement de combler.

Nous mobiliserons nos collègues élus afin d'être en mesure de vous faire des propositions pertinentes en temps et en heure.

Mais comme je l'indiquais voilà peu, je ne souhaiterais pas que, s'agissant des moyens financiers qui seront consacrés respectivement aux pôles de compétitivité et aux pôles d'excellence ruraux, se produise le même déséquilibre qu'entre l'aide apportée aux centres urbains à travers la DSU  - les événements récents démontrent que l'argent ne fait pas le bonheur - et la dotation de solidarité rurale qui, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à votre collègue ministre de la cohésion sociale, est devenue le parent pauvre.

Une politique d'aménagement du territoire bien pensée passe également par une politique d'infrastructures de transports qui permettent d'irriguer tous les territoires.

Je n'insisterai guère dans la mesure où, dès demain, je solliciterai M. le ministre des transports sur le sujet. Je dirai simplement que, si la construction de lignes à grande vitesse est une bonne chose en termes de réduction des temps de transport, encore faut-il que ce nouveau service soit accessible au plus grand nombre !

Or, de ce point de vue, alors que le TGV Est n'est pas encore en service, les usagers commencent à se rendre compte que les horaires envisagés et la desserte des gares classiques se révéleront souvent problématiques. Cela n'est pas forcément cohérent...

Par ailleurs, nos territoires ruraux ne pourront jamais rivaliser avec les zones urbaines s'ils ne sont pas non plus correctement desservis en infrastructures de télécommunications.

Or, malgré les efforts qui ont été entrepris, malgré l'importance des crédits inscrits à votre budget au titre du développement territorial et de la solidarité, la fracture numérique est très loin d'être résorbée dans nos régions.

Cette fracture concerne bien évidemment la téléphonie mobile ainsi que l'Internet à haut et à très haut débit. Je ne cesse d'intervenir auprès des opérateurs afin qu'ils fassent droit aux doléances de nombreux maires de la Meuse, qui se plaignent d'un immense retard dans ce domaine.

Messieurs les ministres, sachez, par exemple, que le centre-bourg de ma commune n'est toujours pas relié à l'Internet à haut débit, si ce n'est grâce à une mesure exceptionnelle que j'ai prise et qui implique l'utilisation d'un satellite. Sur la zone industrielle de ma ville, le téléphone mobile ne fonctionne pas à l'intérieur des bâtiments !

Comment voulez-vous attirer, voire retenir des entreprises si vous n'êtes pas en mesure de leur offrir ces services, qui sont devenus indispensables à leur activité ? Comment voulez-vous développer le télétravail, lorsque les outils vous manquent ?

Mais il y a bien pis ! Certains élus, dans nos villages reculés, se plaignent même de la mauvaise qualité du téléphone filaire, ce qui est tout de même un comble en ce début de XXIe siècle.

Le milieu rural a un énorme besoin de services publics qui, dans mon esprit, ne se limitent pas seulement à la présence postale.

Je sais gré à M. le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire d'avoir donné provisoirement un coût d'arrêt à la fermeture intempestive des services publics en décidant de suspendre les réorganisations jusqu'à la fin de la présente année, dans l'attente d'une très large concertation, et ce afin de pouvoir proposer des mesures visant à améliorer la qualité et l'accès aux services en milieu rural.

J'attends avec beaucoup d'intérêt vos propositions à ce sujet, messieurs les ministres. Vous le savez bien, lorsqu'il n'y a plus de gare, plus de perception, plus d'agence postale, plus de services divers, la population, inexorablement, se détourne des communes victimes de cette disparition, et tout cela contribue à la désertification.

Mais d'autres décisions peuvent être ravageuses. Ainsi vient-on de décider une diminution sensible du financement des heures d'aide à domicile, ce qui suscite, croyez-moi, de multiples protestations et de l'inquiétude.

Nous avons réalisé de gros efforts avec les associations concernées pour développer l'aide à domicile afin de maintenir chez elles les personnes âgées moyennement dépendantes et éviter leur hospitalisation ou leur admission en maison de retraite qui, vous le savez bien, coûterait autrement plus cher que des heures d'aide à domicile.

S'agissant des crédits européens de la politique régionale qui s'élevaient, jusqu'alors, à 2,3 milliards d'euros, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous préciser quelles sont les perspectives de les voir pérennisés à compter de l'an prochain ; par ailleurs, pouvons-nous espérer que tous les départements de Lorraine soient traités dans l'équité, ce qui ne nous semble pas toujours être le cas.

En second lieu, je voudrais insister sur les difficultés auxquelles les élus se heurtent souvent, non seulement pour accéder à ces crédits, dans la mesure où tous les projets présentés par nos collègues ne sont pas toujours retenus, mais aussi, à supposer qu'ils le soient, pour obtenir leur règlement.

En effet, le mode de calcul de la participation au titre de ces fonds européens - je fais notamment référence à ceux des programmes Leader + - n'est pas toujours très judicieux et peut réserver de très mauvaises surprises. Les modalités d'application sont parfois étonnantes, voire décevantes : on a laissé croire aux élus qu'ils pouvaient prétendre à une certaine somme, avant que celle-ci ne diminue largement.

Il faut dire que le poids de l'administration, présente dans les débats au lieu et place des élus, perturbe quelquefois les meilleures intentions et paralyse les plus beaux projets. Je me permettrai, monsieur le ministre, de vous poser prochainement une question orale sur ce thème afin que vous puissiez m'apporter toutes les précisions utiles.

Enfin, je dirai quelques mots sur le tourisme. Comme vous le savez, le tourisme militaire représente une activité non négligeable dans notre département.

En 2006 sera célébré le quatre-vingt-dixième anniversaire de la terrible bataille de Verdun. Les communes concernées - et en premier lieu la ville de Verdun -, les associations patriotiques et le département se mobilisent d'ores et déjà dans cette perspective. Je souhaiterais qu'ils puissent compter sur un concours financier de l'État. À événement exceptionnel, moyens exceptionnels, si possible !

Le tourisme favorise une activité économique qui passe par des investissements en infrastructures, mais aussi par l'entretien du patrimoine, y compris le patrimoine culturel, dont les financements devraient tenir compte du fait qu'il s'agit d'une richesse nationale permettant un tourisme performant. Or il est souvent difficile de bâtir des projets ou des programmes sans être assuré de la pérennité de l'engagement financier.

Telles sont donc les réflexions dont je souhaitais vous faire part, messieurs les ministres, dans le cadre de l'examen des crédits de cette mission désormais interministérielle de la « Politique des territoires ».

En conclusion, je souhaiterais qu'à côté du nécessaire concept de compétitivité on n'oublie pas la notion de péréquation. Vous le savez bien, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, vous qui êtes à la tête d'un département dont la façade méditerranéenne est très urbanisée, mais dont l'arrière-pays, au charme fou, compte des villages très dispersés et quelquefois difficilement accessibles en cas d'intempéries. Je suis persuadé que le conseil général de votre département fait jouer la solidarité et la péréquation afin de venir en aide aux communes qui en ont le plus besoin.

Il serait bon qu'il en soit également ainsi au niveau national, afin que les territoires ruraux puissent enfin bénéficier des mêmes services, des mêmes infrastructures et de la même technologie que l'ensemble des centres plus importants. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Politique des territoires », je m'en tiendrai au programme « Aménagement du territoire », programme qui est le plus largement doté, avec 275 millions d'euros en crédits de paiement et 382 millions d'euros en autorisations d'engagement Il représente à lui seul 40 % des crédits de la mission.

Je retiendrai en premier lieu le changement d'appellation du comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire, le CIADT, ainsi que le futur nom de la DATAR.

Ces changements ne sont pas neutres et nous font craindre que la compétitivité ne devienne le maître mot, au détriment de la solidarité. Vous faites ainsi rimer territoire et compétition.

En effet, dans un domaine aussi sensible, la péréquation financière et la notion d'égalité doivent être la règle et le principe de base, si l'on veut un développement harmonieux, juste et solidaire.

À travers certaines de vos interventions, monsieur le ministre délégué, j'ai cru comprendre que vous souhaitiez favoriser les acteurs les plus dynamiques et les plus volontaires, les collectivités les plus imaginatives.

Certes, il est important d'encourager volontarisme et dynamisme, mais il est encore plus important de permettre à ceux qui sont le plus en difficulté de s'en sortir. Tel me semble être le rôle de régulation de l'État.

Après cette introduction, je souhaite aborder trois dossiers, et tout d'abord la question des contrats de plan État-région.

On note - et c'est récurrent - un retard dans l'exécution de ces contrats. On constate également que les collectivités locales sont obligées d'augmenter leur part dans les programmes pour éviter la remise en cause de ceux-ci.

Le Gouvernement semble vouloir profiter de ce décalage pour finaliser la nouvelle génération de contrats calqués sur la durée des mandats. Mais on en ignore aujourd'hui et le périmètre et le contenu.

Ce sont les gels et les annulations de crédits qui sont en cause, pas seulement la complexité des procédures ou la multiplicité des partenaires.

Selon les domaines, les taux d'exécution varient. La « palme » du retard revient au volet « santé social », ce qui est vraiment regrettable. Des retards importants affectent également les volets routier et ferroviaire. Cette politique est dangereuse, car elle risque de favoriser les collectivités les plus riches et d'aggraver la fracture territoriale.

Peut-on parler de compétitivité sans donner à toutes les régions des moyens équivalents pour se battre, notamment dans le domaine des transports ? Cette question est d'autant plus d'actualité en raison de la crise de l'énergie. On ne peut dissocier territoire, transport, environnement et énergie : c'est bel et bien une politique de développement durable qu'il faut mettre en oeuvre.

Je pense tout particulièrement à une région excentrée comme la mienne, la Bretagne, pour laquelle le développement du TGV est essentiel. Il faut rappeler que Brest ou Quimper sont encore à quatre heures et quinze minutes de la capitale, l'objectif étant de limiter à trois heures le temps du parcours.

Tous les élus bretons, de quelque bord qu'ils soient, s'accordent sur ce constat et sur cette nécessité. Il est temps que le Gouvernement s'engage sur un calendrier précis concernant la TGV Ouest.

J'en viens - c'est le deuxième dossier - aux pôles de compétitivité, déjà longuement cités.

Le principe de ces pôles me paraît intéressant. Le succès de l'appel à projet est clair. Mais précisément, le nombre élevé de dossiers retenus laisse craindre un saupoudrage.

Il existe trois types de pôles : les pôles mondiaux, les pôles à vocation mondiale et les pôles nationaux. L'État ne risque-t-il pas de « hiérarchiser » ses moyens en fonction de l'importance des pôles ? Cela mérite d'être clarifié, car les partenaires se sont mobilisés et risquent d'être déçus. En outre, certains de ces pôles souffrent de carences en matière d'infrastructures routières et ferroviaires.

Enfin, j'aborderai un troisième dossier : celui des pôles d'excellence ruraux.

Lors d'une audition devant la commission des affaires économiques, M. le délégué à l'aménagement du territoire a évoqué ces pôles en les définissant ainsi : « Ils viseront à faire fructifier des partenariats locaux à l'échelle de pays ou d'intercommunalités autour de thématiques variées - patrimoine, tourisme, culture, énergies renouvelables, etc. », en précisant qu'ils seraient conçus à l'échelle d'intercommunalités afin de renforcer leur attractivité.

Depuis lors, le Premier ministre s'est exprimé devant le congrès de l'Association des maires de France et a annoncé que trois cents pôles d'excellence ruraux seront retenus, dans l'objectif de renforcer les synergies locales. Il a également évoqué les modalités financières.

Pouvez-vous nous confirmer et nous préciser ces dispositions, et répondre tout particulièrement aux interrogations suivantes : quels seront les critères de sélection ? Quelle procédure sera retenue ? Qui sera le porteur du projet ? Comment, et selon quel calendrier, les dossiers seront-ils sélectionnés ? Qui assurera la maîtrise d'ouvrage ?

La question du zonage mérite aussi des explications : il est question de bassins de vie ruraux structurés par des aires urbaines de 30 000 à 50 000 habitants. Ne peut-on imaginer d'y intégrer les petites villes qui jouent un rôle dans l'équilibre et le maillage du territoire ?

La directrice de la DATAR, lors des assises de l'Association des petites villes de France, l'APVF, en septembre dernier, s'exprimait ainsi : « Les petites villes sont les bases arrière de la compétitivité de tout le territoire national. »

Comment cela se traduira-t-il dans vos propositions ?

Par ailleurs, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 avait jeté les bases d'un développement concerté des territoires. Vous vous appuyez sur l'intercommunalité, mais quel rôle entendez-vous faire jouer aux pays issus de cette loi ?

Je pense que la création de ces pôles suscite un réel intérêt, mais encore faut-il disposer d'explications claires à leur sujet.

Pour conclure, je rappellerai les craintes que j'ai soulignées dans mon intervention. Vous voulez encourager les territoires à être ambitieux. Mais les territoires ont tous des ambitions pour leur développement. Simplement, il leur faut les moyens de les réaliser.

Vous promouvez une politique qui rompt avec les solidarités territoriales et qui repose sur une prime au mérite. Nous ne pouvons l'accepter. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre vos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention se limitera à l'examen du programme 162 consacré aux « Interventions territoriales » et portera plus particulièrement sur le programme exceptionnel d'investissement, ou PEI, pour la Corse.

Je rappelle que ce programme, institué par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, entamera en 2006 la quatrième année effective de sa mise en oeuvre, la première année - 2002 - n'ayant donné lieu qu'à une programmation très réduite. Il va également atteindre en 2006 la dernière année de la première convention d'application.

L'examen du traitement réservé au PEI dans le projet de loi de finances pour 2006, dans le nouveau cadre de la LOLF, est donc l'occasion de tirer un premier bilan de ce programme et de tracer des perspectives pour la suite de son exécution. Faut-il rappeler que celle-ci, en vertu de la loi de 2002, doit se poursuivre jusqu'en 2017 ?

Une première approche conduirait à être prudent dans l'analyse de ces quatre premières années, qui ne représentent après tout qu'à peine plus d'un quart des quinze années prévues pour le PEI.

Une analyse plus poussée incite cependant à dresser un constat rigoureux qui débouche sur une véritable stratégie pour la mise en oeuvre de ce rattrapage structurel, indispensable à la Corse. À la fin de l'année 2006, en effet, c'est le tiers du PEI qui, théoriquement, aura été engagé.

La durée d'élaboration des projets d'investissement, les difficultés de la maîtrise d'ouvrage, la complexité technique des travaux envisagés, la lourdeur de certaines procédures administratives et financières laissent penser que ce qui n'aura pas été programmé dans les quatre ou cinq prochaines années ne saura plus s'inscrire dans le cadre d'un programme qui doit lui aussi obéir à une programmation rationnelle et à une grande rigueur d'exécution.

Or, d'après les chiffres d'exécution actuellement connus, à la lecture du budget que vous nous proposez pour le PEI en 2006, au moins quatre sujets d'interrogation, sinon d'inquiétude, méritent de votre part quelques éclaircissements.

En premier lieu, je vise le rythme d'exécution du PEI. À la fin de l'année 2005, la programmation des crédits consacrés aux travaux représente 330 millions d'euros, soit 68 % de la première convention d'application. Sur ce total, la part de l'État, conformément à la loi, s'élève à 60 %, soit environ 200 millions d'euros. Mais si ce rythme de programmation peut paraître convenable, compte tenu notamment de la montée en charge depuis deux ans, il n'en va certainement pas de même de l'exécution. Les chiffres communiqués voilà quelque temps faisaient état d'un taux de paiement de l'ordre de 12% de la programmation. Il convient donc de s'interroger sur ce décalage et sur les moyens de le résorber.

Une deuxième question, plus fondamentale, concerne la lisibilité de ce programme.

Certes, la convention-cadre et la convention d'application fixent les grands axes du financement éligibles au programme, un accent très fort étant d'ailleurs mis sur les infrastructures de transports intérieures. Mais ces conventions ne fixent pas le détail, et les grands projets, jusqu'à présent étroitement programmés par l'État et la collectivité territoriale, ne laissent pas l'impression d'une vigoureuse planification de la résorption du retard structurel de l'île.

De plus, la spécificité du PEI et son articulation avec les autres grandes sources de financement n'apparaissent pas très clairement.

Ainsi, l'une des opérations les plus lourdes jusqu'ici programmées concerne le chemin de fer de Corse. Or ce secteur reçoit également des financements au titre du contrat de plan ou des fonds européens. Qu'est-ce qui justifie dans ce contexte l'intervention d'un plan exceptionnel ? Comment cela va-t-il s'articuler avec la baisse prévisible de ces financements de droit commun ? Le PEI a-t-il simplement vocation à se substituer aux fonds européens, qui diminueront très probablement à partir de 2007 ? Quelle est la position de l'État sur ce sujet ? Plus généralement, quels sont les moyens mis en oeuvre pour éviter que les crédits du programme n'échappent au risque de financement d'opérations symboliques non justifiées, ou encore à celui d'un saupoudrage certes satisfaisant pour un grand nombre de maîtres d'ouvrage, mais finalement peu déterminant pour le développement réel de l'île ? En définitive, quelle est la position de l'État sur les grands axes de la future programmation du PEI ?

Ces considérations m'amènent tout naturellement à, l'examen de ce qui est prévu dans le projet de loi de finances pour 2006.

La première question porte sur le mécanisme de la ligne budgétaire unique, mis en place par M. Sarkozy en 2003 et destiné à permettre une souplesse dans l'utilisation des fonds du programme : ce mécanisme est-il préservé avec le passage en système « LOLF » ?

Parallèlement, le programme 162 en question ne comporte pas uniquement le programme exceptionnel d'investissement. On y trouve, dans un inventaire à la Prévert, des « actions » aussi diverses que le « Rhin et la bande rhénane », la « filière bois en Auvergne et Limousin » ou « l'accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes ». La cohérence de ces actions au sein d'un même programme n'apparaît pas d'emblée...

Mais l'essentiel n'est pas là : les prévisions d'autorisations d'engagement pour le PEI en 2006 s'élèvent à 45,937 millions d'euros. Je rappelle que la première convention d'application doit théoriquement s'achever en 2006. Un calcul rapide de ce qui reste à programmer pour cela donne un résultat d'environ 150 millions d'euros de total de travaux, soit une part pour l'État de près de 90 millions d'euros, c'est-à-dire le double de ce qui est prévu en autorisations d'engagement.

Ce chiffre traduit-il donc un ralentissement prévu de la programmation ? Cela semble d'autant plus vraisemblable que, compte tenu de la montée en charge progressive du programme depuis 2002-2003, le total des engagements de l'État en 2005 a certainement déjà dû être supérieur au chiffre prévu pour 2006.

Par ailleurs, les crédits de paiement prévus s'élèvent à 18,043 millions d'euros. Dès lors, anticipez-vous, monsieur le ministre, une poursuite du décalage entre la programmation et l'exécution ?

Un dernier point, plus technique, nous ramène à la mise en oeuvre de la LOLF pour cette action particulière qu'est le PEI pour la Corse.

L'examen de la partie dépenses du projet de loi de finances pour 2006 montre bien l'accent qui va devoir être mis sur l'appréciation des résultats, souvent à partir d'indicateurs dont la réalisation conditionnera la poursuite du financement.

Je souhaiterais donc obtenir quelques éclaircissements sur l'application de ces contraintes de la LOLF dans le cas de ce programme si spécifique qu'est le PEI. En effet, au moins deux points semblent singulièrement complexes.

En premier lieu, comment la responsabilité financière de l'État, accentuée par les mécanismes de la LOLF, peut-elle se combiner avec la nécessité de conduire le programme exceptionnel en étroite concertation avec les maîtres d'ouvrage locaux ? Ne risque-t-on pas de constater quelque paradoxe dans la conduite par l'État - qui en a, encore une fois, la responsabilité - d'un programme dont il n'assumera jamais ou quasiment la maîtrise d'ouvrage ?

Dans une Corse dont il n'est pas nécessaire de rappeler le haut niveau de décentralisation, l'exécution et donc la réussite du PEI dépendent totalement de la capacité et de l'efficacité de maîtres d'ouvrage locaux, dont on peut craindre, au minimum, qu'ils puissent être rapidement dépassés par l'ampleur de la tâche si le programme se développe réellement sur le rythme envisagé en 2002.

En second lieu, et en lien direct, quels sont les indicateurs aujourd'hui envisagés pour apprécier la réussite du PEI ? Comment peut-on mesurer dès aujourd'hui l'impact d'un programme à qui la loi du 22 janvier 2002 assigne la mission de « résorber les handicaps dus au relief et à l'insularité, et combler le déficit en équipements et services collectifs » durant quinze ans ? Enfin, au regard des indicateurs choisis, quelles conséquences l'État entend-il tirer de leur plus ou moins bon respect, sur la poursuite et l'évolution du PEI ?

Messieurs les ministres, j'attends avec intérêt, sinon avec gourmandise, les réponses à ces questions. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Politique des territoires », je concentrerai à mon tour mon intervention sur le programme 162 intitulé « Interventions territoriales de l'État ». En effet, il s'agit, à mon sens, d'une parfaite illustration d'un dispositif apparemment séduisant, mais finalement bien mal utilisé.

Oui, le programme « Interventions territoriales de l'État » aurait pu être un outil au service d'une meilleure gouvernance, à l'échelle déconcentrée, des projets de nature interministérielle.

Composé, comme vous le savez, de huit actions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, et doté de 134,83 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 81,17 millions d'euros de crédits de paiement, ce programme se caractérise par le rôle joué au niveau déconcentré par le préfet de région et par la fongibilité des crédits au sein d'une même action.

Ces deux caractéristiques vont, me semble-t-il, dans le bon sens, à la condition expresse que le renforcement des pouvoirs des préfets de région n'aboutisse pas, par ricochet, à une « reconcentration » masquée des pouvoirs au profit du ministère de l'intérieur.

En ce qui concerne le contenu du programme lui-même, je souhaiterais mettre l'accent sur plusieurs incertitudes et approximations.

Tout d'abord, convenons-en, la frontière entre les « grands projets interministériels » et les actions des « Interventions territoriales de l'État » n'est pas du tout évidente. Je prendrai pour exemple le « plan Loire grandeur nature-Centre », qui faisait, jusqu'en 2005, partie de ces grands projets et qui relèvera en 2006 du programme « Interventions territoriales de l'État ». Je note d'ailleurs que le fonds de concours spécifique à cette action manque singulièrement de précision.

Plus importante, l'intégration au sein du programme « Interventions territoriales de l'État » de l'action 8 « Accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes », dotée tout de même pour 2006 de 34 millions d'euros de crédits de paiement, est difficilement justifiable, comme l'ont déjà souligné les rapporteurs spéciaux, notre collègue Roger Besse et le député Louis Giscard d'Estaing.

Ces crédits, dont je ne discute pas au fond l'utilité, auraient dû à l'évidence être inscrits au sein de la mission « Solidarité et intégration » dans laquelle un programme spécifiquement dédié à l'accueil des étrangers existe.

En tout état de cause, mes chers collègues, on ne voit pas pourquoi cette action a été retenue pour la seule région Rhône-Alpes. Certes, ce problème y est important, mais il ne l'est pas beaucoup plus ni beaucoup moins que dans d'autres régions frontalières. La région Alsace, par exemple, en raison de sa situation géographique et de son histoire, se trouve confrontée à la même difficulté. Pourtant, elle ne peut pas faire appel, semble-t-il, à la même solidarité nationale pour le développement et l'amélioration de ses capacités d'accueil.

D'ailleurs, plus profondément, au-delà du renforcement des capacités d'accueil de telle ou telle région concernée par ce phénomène, c'est d'abord, me semble-t-il, la question de la répartition sur l'ensemble du territoire national des demandeurs d'asile qui doit être posée au niveau de l'État.

Enfin, l'action pour la région Rhône-Alpes a été sélectionnée, avec sept autres. Mais selon quels critères ? S'agissant de la méthode, le Gouvernement a pratiqué une mise en concurrence des territoires pour déterminer quelles régions allaient bénéficier de la manne - ou de l'espoir de manne, j'y reviendrai - représentée par ce programme budgétaire « Interventions territoriales de l'État ».

Je crois savoir que de nombreux projets ont été déposés par les préfets de région. Mais je ne sais rien des critères qui ont permis de retenir tel projet plutôt que tel autre. En toute hypothèse, l'influence de tel ou tel préfet de région au niveau de son administration centrale ne saurait évidemment tenir lieu de politique d'aménagement du territoire.

Je ne reviendrai pas sur les conclusions de notre rapporteur spécial Roger Besse concernant la mesure tout à fait insuffisante de la performance des actions du programme « Interventions territoriales de l'État ». L'évaluation ne me paraît pas avoir été prévue dans les conditions posées par la LOLF.

Bref, aujourd'hui, le Gouvernement a fait de ce programme un véritable bric-à-brac budgétaire, dont la future évaluation sera particulièrement difficile, sans cohérence d'ailleurs avec le reste de la politique qu'il mène.

Je crains fort que tout ce programme ne dépasse guère les effets d'annonce sans lendemain. Ce que vient de dire notre collègue Nicolas Alfonsi sur la Corse illustre tout à fait ce propos.

En conclusion, messieurs les ministres, je voudrais vous donner rendez-vous dans un an. Nous pourrons alors constater ensemble quels sont les beaux projets élaborés par les préfectures de région, dont vous aurez effectivement permis la réalisation en débloquant les crédits prévus. Malheureusement -  le plan exceptionnel d'investissement pour la Corse en témoigne d'une manière éclatante -, après les effets d'annonce, la déception est souvent à la mesure des espérances que l'on a fait miroiter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.

M. Yves Krattinger. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vais m'intéresser plus particulièrement au programme « Aménagement du territoire ». Ce dernier compte des priorités ambitieuses, ainsi qu'une légère hausse budgétaire par rapport à 2005.

Cet affichage doit cependant s'apprécier au regard des engagements antérieurs et du retard cumulé au niveau des politiques contractuelles d'aménagement.

À travers l'exemple des contrats de plan État-région, les CPER, et celui de la création des « pôles de compétitivité », on peut se demander quels sont les objectifs réels du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.

Il est intéressant de constater que, si le budget du FNADT est globalement en hausse, la partie « volet territorial » des contrats de plan État-région augmente peu. L'indispensable rattrapage aura-t-il lieu dans ces conditions ? La réponse est évidemment négative !

Notre sentiment est le suivant : le Gouvernement prend acte du retard accumulé dans l'exécution des CPER et laisse entendre que leur prolongation est d'ores et déjà acquise, sans que cela ait fait l'objet d'une décision officielle.

Au rythme actuel des délégations de crédits, les CPER présenteront à la fin de 2006 un retard considérable, conduisant à envisager leur prolongation non pas d'une année, ce qui serait compréhensible, mais de deux voire de trois années, ce qui nuit à la crédibilité même de la notion de contrat.

Le Gouvernement affiche ainsi sa très grande difficulté, ou son absence de volonté, à consolider ce dispositif, et son renoncement devant les enjeux de l'aménagement du territoire.

Sur la base de ces retards, vous contestez l'efficacité des CPER, oubliant que ce sont les gels et les annulations de crédits qui sont la cause principale des décalages accumulés, beaucoup plus que la complexité des procédures ou la multiplicité des partenaires.

Il n'est pas inutile de rappeler que les gels de crédits n'ont cessé d'augmenter : 13 % de la programmation en 2002, 19 % en 2003, 29,3 % en 2004.

En ce qui concerne plus particulièrement le domaine des transports, seulement 50,4 % des crédits avaient été délégués sur le volet routier à la fin de 2004. Monsieur le ministre, combien avaient réellement été consommés ?

Malheureusement, le bilan à la fin de 2005 ne sera pas moins déprimant.

Pour le volet ferroviaire, les montants délégués sont véritablement catastrophiques - respectivement de 33 % à la fin de 2004 et de 46 % à la fin de 2005 -, et ceux qui reflètent les sommes effectivement consommées sont dérisoires.

Ce bilan est le signe d'une très grande faiblesse de l'État dans la politique d'investissement. Pour l'avenir, il faut absolument écarter le risque qui consisterait à préférer une contractualisation à la carte où seules les collectivités riches, dotées de moyens humains et financiers importants, pourraient financer une part sans cesse croissante des investissements de l'État.

Nombre de collectivités locales sont aujourd'hui dans une situation bien moins confortable qu'à la fin des années quatre-vingt-dix, et sont dans l'incapacité totale de parer aux insuffisances de l'État.

L'an dernier, le rapport de la délégation à l'aménagement du territoire préconisait le maintien des CPER dans leur cadre actuel, avec cependant un resserrement des objectifs sur l'essentiel. Ce rapport concluait à la nécessité pour l'État d'assurer une plus grande stabilité aux CPER et de s'engager sur les contrats déjà signés.

Nous souhaitons vivement, messieurs les ministres, que l'Etat renoue le dialogue de la contractualisation avec les collectivités territoriales.

L'Etat ne doit pas céder à la tentation du laisser-faire, du laisser-aller, au risque d'amplifier les déceptions et les mécontentements.

Vous avez décidé que le comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires se substituerait désormais au comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire. Ce n'est pas neutre.

Il faut effectivement renforcer la compétitivité des territoires. Il s'agit de les tirer vers le haut et de permettre le développement de l'emploi.

La politique des territoires demande une volonté politique, une stratégie et des moyens, pour permettre à chaque bassin de développer un ou plusieurs projets attractifs et ambitieux.

Mais sans péréquation financière, sans solidarité entre les territoires riches et les territoires pauvres, sans déclinaison du principe d'égalité dans l'aménagement du territoire, il y a un risque important d'accentuer le sentiment d'enclavement vécu dans un grand nombre de territoires ruraux et urbains.

Le vote du 29 mai est également marqué par cette réalité.

Messieurs les ministres, vos intentions ne sont bien sûr pas méprisables.

Pour conforter une économie nationale qui vacille, vous voulez renforcer la compétitivité des territoires. C'est une ambition que chacun partage dans cette enceinte.

Qui n'a pas rêvé de voir chaque territoire engagé dans un vrai projet de développement économique, social et culturel ?

Mais les moyens que vous affectez à votre politique sont tellement loin des ambitions affichées ! Vos actes de ces dernières années affaiblissent la crédibilité de vos intentions. Comment vous croire quand on mesure la somme des annulations de crédits de ces dernières années ? Comment vous croire lorsque vous plaidez le renforcement des liens entre les acteurs publics et les acteurs privés, alors que, simultanément, vous affaiblissez le ressort historique de cette relation entre eux que constitue la taxe professionnelle ?

En pratique, vous en restez aux intentions, et nous ne trouvons, dans ce projet de budget, ni volonté, ni stratégie, ni suffisamment de moyens mis au service de la politique des territoires.

C'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits correspondants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'évoquerai les grandes lignes du budget du programme « Aménagement du territoire » pour l'année 2006.

Je veux tout d'abord remercier sincèrement M. Roger Besse, rapporteur spécial, et MM. Jean-Paul Alduy, Jean Boyer et Dominique Mortemousque, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'excellent travail qu'ils ont accompli et pour la pertinence de leurs remarques, dont nous tirerons le meilleur profit.

Sans revenir sur le détail des chiffres de mon budget, je rappelle simplement à M. Aymeri de Montesquiou, qui s'interrogeait sur les moyens de la politique des territoires, que ce projet de budget pour 2006 est tout entier dédié à nos territoires, au service de ces derniers. Il totalise 382 millions d'euros d'autorisations d'engagement - plus 11 % par rapport à 2005 - et 275 millions d'euros de crédits de paiement - plus 3,5 % par rapport à 2005.

J'évoquerai les différents points qui ont été soulevés et j'aurai à coeur de défendre une vision de l'aménagement du territoire, qui est d'ailleurs partagée sur la plupart de ces travées mais avec des termes parfois différents - suscitant des incompréhensions, voire des caricatures qui sont à mes yeux le signe de véritables malentendus - ou avec des mots derrière lesquels on essaie de se cacher ou de se faire peur.

J'observe, d'abord, la contradiction affichée par certains d'entre vous, pour ne prendre que l'exemple de celle qui existe entre, d'une part, Mmes Evelyne Didier et Yolande Boyer dénonçant toutes deux les efforts du Gouvernement en vue de développer et dynamiser la compétitivité de nos territoires et, de l'autre, M. Yves Krattinger soulignant, au contraire, combien il partageait notre volonté d'accroître la compétitivité des territoires et considérant que notre ambition n'était encore pas assez forte dans ce domaine.

Je veux vous dire, pour ma part, sans a priori idéologique et sans sectarisme aucuns, que nous devons conduire une politique non pas d'égalité, mais d'équité.

Certains ont affirmé, notamment M. Krattinger, qu'il fallait lire dans le résultat du référendum du 29 mai dernier sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe un certain désarroi dans notre monde rural. Je partage cette analyse, car l'étendue du fossé qui s'est creusé en France au cours de ces vingt ou trente dernières années entre les citoyens de la ville et ceux du monde rural est le fruit de véritables incompréhensions, qui sont aussi le résultat d'un profond désengagement de la part de l'État au fil des années.

La preuve en est que le monde rural a voté pour le « non » à 60, 65, voire 70 %, alors que les grands centres urbains ont enregistré des pourcentages avoisinant 50 % pour le « oui » et 50 % pour le « non ».

Cela montre que nos concitoyens ruraux avaient besoin de s'exprimer sur autre chose que sur la question qui leur était posée et, en particulier, sur ce désengagement de l'État sous les gouvernements successifs, au cours des vingt ou trente dernières années.

La mission m'a été confiée par le Premier ministre de réconcilier la France des villes et la France de la ruralité. J'ai conscience que les risques d'échouer sont plus grands que mes chances de réussir, mais je mets toute mon énergie dans ce budget pour donner un signe et, au-delà, des moyens, des outils supplémentaires.

Nous devons conduire une politique d'équité, et non d'égalité, ai-je dit. En effet, l'égalité, c'est donner la même chose à tous, que l'on se situe sur un territoire favorisé ou un territoire défavorisé. L'équité, c'est donner plus à ceux qui en ont le plus besoin.

Madame Didier, vous avez reproché au Gouvernement de reculer en matière de péréquation. J'ai le sentiment que vous avez mal regardé la ligne budgétaire, puisque la dotation de solidarité rurale est en augmentation de 15 % en 2006, ce qui représente un effort substantiel par rapport aux exercices précédents en faveur de cette péréquation à laquelle je reste profondément attaché. De même, la dotation de solidarité urbaine est doublée sur une période de quatre ans.

Contrairement à vos affirmations, ce budget montre bien le souci du Gouvernement de se préoccuper du développement des territoires les plus défavorisés et de donner plus, pour accompagner plus, et fournir davantage d'outils à ceux qui ont la volonté d'entreprendre.

À mes yeux, donner plus de moyens à ceux qui ont des projets à soumettre au Gouvernement n'est nullement une « prime au mérite », comme vous l'affirmez. Il s'agit de mettre des outils à la disposition de celles et de ceux qui manifestent une véritable volonté, de l'imagination, des capacités d'inventivité et de travail.

À quoi bon donner des outils à ceux qui n'ont pas envie de s'en servir ?

Le Gouvernement veille donc à donner à la fois plus de moyens à ceux qui en ont besoin et des outils - et j'aurai l'occasion de préciser ce point -, à ceux qui ont la volonté de les saisir pour favoriser la création de richesses, d'activités et d'emplois sur leur territoire.

Nous proposons donc une carte et non pas un menu, tout en veillant à ce que cet effort de péréquation soit non seulement maintenu, mais amplifié. Il ne s'agit pas d'aider les plus riches, mais de consacrer des moyens substantiels aux territoires qui ont des projets.

D'ailleurs, la démonstration est faite ne serait-ce que par les zones de revitalisation rurale. Vous conviendrez qu'à partir du moment où un territoire est classé en zone de revitalisation rurale, cela signifie qu'il est identifié comme étant un territoire plus fragile que les autres.

J'ai d'ailleurs veillé, dès mon arrivée à ce ministère, à ce que les décrets d'application de la loi relative au développement des territoires ruraux, concernant les zones de revitalisation rurale, qui n'étaient toujours pas pris, soient immédiatement soumis au Conseil d'État. Le décret a été pris le 21 novembre dernier et, grâce à ce dernier, 13 103 communes représentant un peu plus de 5 millions d'habitants sont désormais classées en zone de revitalisation rurale.

Un département comme le Gers - le plus rural de France, selon M. de Montesquiou - compte dorénavant, sur un total de 463 communes, 436 communes classées en ZRR, contre 417 auparavant : plus de 90 % du territoire est donc couvert par les ZRR.

En outre, s'agissant des pôles d'excellence ruraux, les projets en zones de revitalisation rurale sont subventionnés à hauteur de 50 %, ce qui démontre bien que le Gouvernement apporte une aide plus importante aux territoires les plus fragiles.

S'agissant des services publics en milieu rural, sujet évoqué par nombre d'intervenants, notamment par M. Claude Biwer, leur désengagement a suscité des réactions de la part de nos concitoyens ruraux et un sentiment de désamour de la part de l'État.

Quelles mesures avons-nous prises dans ce domaine ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et moi-même avons adressé une circulaire à tous les préfets de France pour leur annoncer la suspension de toute fermeture de service public.

En prenant cette décision, nous avons mis un terme à un long processus qui avait été engagé depuis très longtemps, permettez-moi de vous le dire ! Il n'est pas dans mon intention de polémiquer sur ce sujet, mais, lorsque j'entends dire que ce gouvernement a décidé de fermer des perceptions ou des trésoreries, je pose la question suivante : qui a décidé de fermer ces services publics en milieu rural, si ce n'est un ministre de l'économie et des finances du gouvernement de M. Jospin, M. Christian Sautter ? Si les perceptions rurales existent encore aujourd'hui, elles n'ont plus pour seule responsabilité que celle qui relève de leur collaboration avec les collectivités territoriales ! Elles n'accueillent plus de public depuis bien longtemps !

C'est à cette époque-là aussi que la décision avait été prise, par l'une des ministres qui m'a précédé, de mettre en place, dans le cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, des schémas nationaux d'aménagement du territoire, qui reflétaient une vision unilatérale de la France, impliquant que les décisions soient prises à Paris et s'appliquent de façon identique sur tous les territoires de France, sans respecter l'identité, la spécificité, l'histoire et l'authenticité de ces derniers.

Pour ma part, je ne peux pas admettre qu'un ministre de l'économie et des finances impose à tous ses trésoriers-payeurs généraux d'appliquer de manière unilatérale la même gestion du territoire sur toute la France quant aux fermetures de perceptions et de trésoreries, qu'un ministre de l'équipement réorganise de manière unilatérale toutes les directions départementales de l'équipement, qu'un ministre de l'éducation nationale mette en oeuvre une gestion identique en matière de fermeture de classes dans tout le pays, etc. Je pourrais citer aussi la carte judiciaire, la fermeture des greffes de tribunaux d'instance, lesquels ont quasiment disparu de notre monde rural au cours des années écoulées.

Tout cela ne correspond pas à ma vision des choses, car, selon moi, les schémas nationaux sont destructeurs.

Au contraire, le Gouvernement a voulu engager une véritable concertation avec les élus locaux. Toutes les fermetures de service public sont gelées et aucune décision n'est prise sans le moindre accord avec l'ensemble des acteurs locaux, et au premier chef les maires de France. En effet, quel service public de notre pays est-on toujours assuré de trouver dans les 36 000 communes de France, si ce n'est la mairie ?

À partir de là, discutons avec les maires sur leurs priorités, par exemple sur les fermetures d'écoles ! De fait, plus personne ne peut supporter qu'un inspecteur d'académie vienne au mois de juin annoncer au maire qu'il n'y aura pas de rentrée dans son école en septembre, ou qu'une classe sera fermée. C'est devenu tout à fait inacceptable, à mes yeux.

C'est pourquoi je veux que nous mettions en place un système d'alerte permettant aux maires d'être prévenus trois ans à l'avance que, s'ils ne veillent pas à favoriser l'implantation d'activités et de familles nouvelles sur leur territoire, la courbe démographique de leur commune conduira à une fermeture de classe.

Un tel système, par la vision différente du dialogue et de la concertation qui le sous-tend, présenterait l'avantage d'éviter la brutalité qui accompagne les procédures actuelles. Il permettrait également - et c'est peut-être le plus important - de respecter la diversité qui caractérise la ruralité de notre pays : pour moi, la France des montagnes n'est pas celle des villes, celle des plaines et des campagnes n'est pas celle des littoraux.

Alors, respectons l'identité de chacun, et veillons à ce que, désormais, la gestion des services publics, plus précisément des services au public, se fasse, sans tabou, en relation directe avec l'ensemble des élus locaux de notre pays. D'ailleurs, le Premier ministre l'a annoncé à l'Association des maires de France : en 2006 seront engagés 50 millions d'euros pour soutenir la réorganisation d'un certain nombre de ces services.

Vous m'avez également interrogé, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les contrats de plan. M. Alduy, en particulier, a émis le souhait que figure dans les documents budgétaires une rubrique consacrée aux contrats de plan État-région et mentionnant les indicateurs qui leur sont propres. C'est de toute évidence une bonne proposition.

Cependant, je suggère d'attendre la prochaine génération des contrats de plan pour la mettre en oeuvre, afin de partir sur des bases saines. En effet, c'est actuellement la DATAR qui assure le suivi de la mise en place des crédits d'État dans le cadre des contrats de plan : je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, c'est complexe, ce n'est pas toujours précis, et l'outil informatique de suivi n'est pas des plus performants.

En revanche, pour la prochaine génération, allons-y ! Mettons en place un outil budgétaire performant de suivi ! Dotons d'abord la DATAR d'un logiciel de suivi de qualité. Ensuite, nous pourrions établir dans les documents budgétaires, comme le prévoit la LOLF, un document de politique transversale - un DPT, dans le jargon « LOLFien » - qui ferait une présentation synthétique de tous les crédits mobilisés par l'État pour les contrats de plan.

Monsieur Krattinger, vous avez évoqué la possibilité que l'exécution des contrats de plan de la génération actuelle soit reportée de deux ans. Je le dis clairement à cette tribune, c'est effectivement ce que je propose aujourd'hui au Gouvernement. J'ignore si j'aurai gain de cause, mais un débat est ouvert.

Vous contestez, monsieur le sénateur, que cela puisse être porteur de résultats ; mais mon sentiment et ma conviction sont que ce serait une bonne formule. Quoi qu'il en soit, la question mérite de faire l'objet d'une discussion, que j'ai effectivement entamée avec l'Association des maires de France, avec l'Assemblée des départements de France, à laquelle vous appartenez, et avec l'Association des régions de France, là encore sans dogmatisme aucun.

Vous nous reprochez aujourd'hui la mauvaise exécution de certains volets des contrats de plan, et Dominique Perben, tout à l'heure, entrera certainement davantage dans le détail. Cependant, l'exemple du volet « infrastructures » montre qu'aucun des trois derniers contrats de plan n'a connu d'exécution supérieure à 70 %, ou 75 % dans le meilleur des cas. En outre, il se trouve que, du fait du jeu de l'alternance politique permanente, chaque contrat de plan a été négocié par un gouvernement et mené à son terme par un autre : tous, quelle que soit leur couleur politique, ont reporté ce terme pour essayer de consommer davantage de crédits.

Mais il est un point sur lequel je vous donne totalement raison : ainsi que le préconise le rapport dont vous avez fait état, il faut des contrats mieux identifiés, plus resserrés, permettant une gestion plus rigoureuse. Je ne peux sur ce point que partager votre analyse et votre sentiment.

Je vous ferai observer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le contrat de plan 2000-2006 est pour ainsi dire virtuel : l'effet d'affichage est énorme du fait des montants annoncés, mais beaucoup de ceux-ci sont sous-évalués, et aujourd'hui, moins de cinq ans après la signature du contrat, certains projets d'infrastructures voient leur chiffrage atteindre plus du double de celui qui avait été initialement avancé. Quel État, quelle collectivité pourrait disposer des moyens nécessaires pour y faire face ?

En prorogeant les contrats de deux ans et en abondant plus largement, dans le même temps, l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, l'AFITF, conformément au choix qu'a fait le Premier ministre à la demande de Dominique Perben et de Nicolas Sarkozy, nous réussirons à obtenir une meilleure exécution du volet « infrastructures ». Qui plus est, nous pourrons mettre cette période à profit pour établir une nouvelle génération de contrats de plan, mieux ciblés, mieux identifiés, plus rigoureux, dont nous serons désormais à peu près certains de pouvoir respecter les engagements.

MM. Biwer et Saugey ont abordé le problème de la politique européenne.

Je voudrais d'abord vous rassurer, monsieur Biwer : la Lorraine bénéficiera d'un traitement équitable dans la négociation que nous menons aujourd'hui avec Bruxelles. Néanmoins, je ne vous cache pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour l'élaboration du cadre de référence stratégique national, le CRSN, qui doit régir l'utilisation des fonds européens en France pour la période 2007-2013, la discussion, qui se déroule sous présidence britannique, est aujourd'hui difficile. J'étais encore à Bruxelles jeudi dernier pour en débattre : on peut affirmer qu'une épreuve de force s'est engagée.

Nous avons la ferme volonté de défendre les régions françaises et d'obtenir au plus tard dans le courant du premier semestre 2006 des garanties pour la période 2007-2013. Nous nous sommes attelés à cette tâche. Au demeurant, la première version du CRSN a été transmise aux régions à la mi-novembre 2005 pour consultation, toujours sous la coordination des préfets de région ; ceux-ci devront rendre leur copie pour le 20 janvier 2006. Une deuxième version devrait être élaborée dans le courant du mois de février 2006 pour prendre en compte les retours régionaux.

Je tiens toutefois à préciser que les crédits européens attribués à nos régions jusqu'à la fin de 2006, dans le cadre de l'actuelle génération de contrats de plan, sont encore disponibles, et un certain nombre de programmes en bénéficieront : nous ne sommes pas encore arrivés au terme de cette aide, loin s'en faut.

M. le président. Monsieur le ministre, puis-je vous attirer votre attention sur le fait que l'ensemble des ministres disposent d'un temps de parole de trente minutes ? J'en suis désolé, mais je suis obligé de vous le rappeler.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans ce cas, je ne pourrai pas répondre à l'ensemble des intervenants, et je le regrette pour eux. Mais, bien évidemment, monsieur le président, je respecterai votre volonté.

Je rappellerai rapidement, en ce qui concerne la fracture numérique, que le Gouvernement a pour préoccupation et pour priorité de respecter tous ses engagements d'ici à 2007, que ce soit pour la téléphonie mobile ou pour le haut débit. Dans les deux cas, le rythme actuel nous garantit que nous y parviendrons. Il est vrai que, semaine après semaine, nous veillons à ce que les opérateurs tiennent le calendrier que nous leur avons imposé.

Cela vaut aussi pour la télévision numérique terrestre, et c'est important. Aujourd'hui, 50 % des foyers peuvent bénéficier sur notre territoire de dix-huit chaînes de télévision gratuites ; je souhaite que nous arrivions à 100 % d'ici à 2007, en même temps que la téléphonie mobile et que le haut débit. Cela nous permettrait de proposer une date plus rapprochée pour le passage de l'analogique au numérique. Grâce aux fréquences qui se seront libérées, l'ensemble de nos concitoyens pourront accéder à la quatrième génération de téléphonie mobile et bénéficier de ce que l'on appelle le « dividende numérique ». La France aura alors, à l'horizon 2007, la meilleure couverture du tout-numérique de tous les pays de l'Union européenne.

Monsieur Mortemousque, votre rapport sur les NTIC était très argumenté, et je tiens à vous rassurer. Le WiMax, en particulier, qui fait l'objet d'un appel à projets lancé par le ministère de l'industrie, nous permettra de combler dès la fin de 2006, au plus tard au début de 2007, les 2 % ou 3 % manquants de notre territoire demeurant en zone blanche. Au-delà, nous pourrons recourir à certaines solutions alternatives comme le réseau Wifi et le satellite.

Pour ce qui est du changement de nom de la DATAR, ce n'est qu'affaire de mots et, je veux vous rassurer, le Premier ministre, en choisissant le nouvel intitulé - DIACT, ou délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires -, lui a essentiellement apporté un contenu supplémentaire. Ce n'est pas une soustraction, c'est une addition, c'est un effort supplémentaire pour dynamiser cette structure, à laquelle nous sommes attachés, en lui confiant la mission de veiller à l'accompagnement territorial des mutations économiques. Le terme « compétitivité » exprime à la fois une ambition économique -  les sénateurs, je pense, y seront sensibles - et une nouvelle légitimité.

Je mentionnerai brièvement le programme « Interventions territoriales de l'État », le PITE, pour vous indiquer que l'inscription à ce programme permet d'aller plus loin dans la mutualisation des moyens de l'État, l'objectif étant la réduction du délai global de traitement des demandes. Certes, le ministère de la cohésion sociale est le principal contributeur de cette action, puisqu'il apporte 31 des 34 millions d'euros prévus ; mais d'autres ministères participent aussi : l'intérieur, les affaires étrangères - au travers de l'OFPRA - et l'éducation nationale. L'approche est donc globale. Je souligne au passage que les préfets ne s'y sont pas trompés. Pour l'instant, c'est vrai, l'expérimentation se limite à une région, la région Rhône-Alpes. Mais deux autres préfets de région - Île-de-France et Centre - avaient souhaité disposer de cet outil pour conduire une politique intégrée efficace.

Je terminerai en évoquant un point que tous les intervenants ont abordé : les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence ruraux. Nombre d'entre vous ont soutenu ces initiatives du Gouvernement, en particulier MM. Boyer et Saugey, que je remercie.

Madame Didier, je ne comprends pas vos contradictions, je ne comprends pas que vous critiquiez notre politique des pôles, qui est une politique en faveur de la création de richesse et d'emploi. (Mme Evelyne Didier s'exclame.) Ainsi, au moment où la France se dote d'une politique qui lui permet de lutter contre des délocalisations et une désindustrialisation que vous n'avez cessé de dénoncer ces dernières années, vous préféreriez voir de grandes entreprises françaises continuer d'aller vers l'étranger et être rachetées par des capitaux étrangers ? Cela me paraît peu acceptable.

De même, Mme Yolande Boyer, d'un côté, parle de saupoudrage lorsque nous décidons de créer 67 pôles et, de l'autre côté, nous reproche de hiérarchiser six pôles mondiaux. C'est une vraie contradiction !

Nous, nous restons sereins. Nous avons parfaitement répondu aux objectifs de décloisonnement de l'Université, de la recherche publique et privée, de l'innovation industrielle, pour que notre pays ait de véritables champions du monde industriels et non pas de simples champions de région. Nous avons engagé à cet effet 300 millions d'euros d'exonérations fiscales et de charges sociales et près de 1,2 milliard d'euros d'aides à l'investissement, à la recherche, à l'innovation, auprès des meilleures industries de notre pays et des meilleurs centres de recherche de notre pays. Oui, nous sommes en train de doter notre pays d'une véritable politique de compétitivité, qui se situe aussi au service de nos territoires.

Pour moi, la France qui innove, la France qui imagine, la France qui a de grands projets structurants, ce n'est pas simplement la France des grands projets scientifiques et industriels. Telle est la raison pour laquelle j'ai proposé pour la ruralité de notre pays, à la demande du Premier ministre et du ministre d'État, de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, la création de pôles d'excellence ruraux.

Nous avons sur nos territoires ruraux des savoir-faire, des talents, une matière grise tout à fait exceptionnelle auxquels nous devons donner des outils de développement. C'est ce que nous ferons au travers des pôles d'excellence ruraux.

J'évoquerai maintenant les quatre thématiques prioritaires retenues : la promotion des richesses naturelles, culturelles et touristiques, la valorisation et la gestion des bio-ressources, l'offre de services et l'accueil de nouvelles populations, enfin l'excellence technologique pour des productions industrielles, artisanales et de services localisés.

L'économie industrielle, bien au-delà de l'activité agro-industrielle, constitue l'un des piliers de l'économie rurale.

Nous consacrerons 150 millions d'euros à ce nouveau label des pôles d'excellence ruraux que nous accorderons dans le courant du premier semestre de l'année 2006 à un certain nombre de territoires qui se porteront candidats, sans compter, bien évidemment, les exonérations de charges sociales dont bénéficieront les zones de revitalisation rurale sur l'ensemble des projets qui se rattacheront à ces pôles d'excellence ruraux.

Monsieur Alfonsi, l'exécution du programme exceptionnel d'investissement a pris un certain retard, mais je vous rassure : en 2006, l'État abondera de 29 millions d'euros les autorisations d'engagement en complément des 38 millions d'euros prévus. Tous les engagements de l'État seront donc tenus. Je regrette bien sûr que ce programme ait démarré avec un peu de retard, mais je souhaite que nous rattrapions ce dernier au cours des deux prochaines années.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que nous unissions nos efforts pour relever ce formidable défi autour d'une équité au service de nos territoires. Je remercie toutes celles et tous ceux qui soutiennent les propositions du Gouvernement ; je crois avoir démontré notre volonté farouche de veiller à ce que chacun, du plus fragile au plus nanti, bénéficie en n'importe quel lieu du territoire de notre plus totale solidarité et, surtout, d'une équité qui, demain, sera reconnue et qui permettra de réconcilier enfin les citoyens de la ville et les citoyens de la ruralité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier MM. les rapporteurs des analyses très précises qu'ils ont réalisées.

Je rappellerai, avant de laisser Léon Bertrand évoquer les questions relatives au tourisme, l'importance de ce secteur avec quelques chiffres : 2 millions d'emplois, 106 milliards d'euros de consommation touristique. Il s'agit d'un secteur tout à fait stratégique en termes d'emplois et d'économie.

J'en viens tout de suite aux questions qui m'ont été adressées.

S'agissant de la mission « Politique des territoires », je dirai à MM. Besse et Alduy qui m'ont interrogé sur l'articulation des programmes « Stratégie en matière d'équipement », d'une part, et « Conduite des politiques d'équipement », d'autre part, que cette dichotomie est à l'évidence une imperfection qu'il nous faut corriger pour 2007.

Messieurs les sénateurs, je vous donne également acte du fait que nous devons faire évoluer l'articulation du programme « Conduite des politiques d'équipement » qui regroupe aujourd'hui l'ensemble des crédits de personnels. Nous le ferons dès que la structure de l'administration déconcentrée sera stabilisée, c'est-à-dire après la deuxième phase de la décentralisation qui sera réalisée au cours de l'année 2006. Il était extrêmement difficile de le faire avant la décentralisation des routes, mais il nous faudra y procéder pour 2007.

M. Alduy a également évoqué les indicateurs du programme « Stratégie en matière d'équipement ». Les services de mon ministère ont cherché, pour cette année, à proposer des indicateurs susceptibles d'être renseignés, c'est-à-dire relativement simples. Cela étant, je conviens avec vous que nous ne sommes pas à l'optimum. Il nous faudra revoir ce dispositif d'indicateurs, et je vous propose que nous essayions de le faire ensemble, monsieur le rapporteur pour avis, puisque vous avez montré, lors de votre intervention, que vous l'aviez analysé de près. Je pense que c'est un vrai sujet et qu'il faut nous donner les moyens méthodologiques d'apporter des éclairages plus précis sur la pertinence et l'efficacité de nos actions.

M. Saugey m'a interrogé sur la réforme du permis de construire et des autorisations de travaux. Je citerai un chiffre qui montre l'importance de cette question pour la vie de nos concitoyens et de nos entreprises : 500 000 permis de construire ou autorisations de travaux ont été délivrés l'année dernière, dont un tiers à des particuliers.

J'ai présenté hier en conseil des ministres une ordonnance relative aux permis de construire et aux autorisations d'urbanisme. Les décrets d'application seront mis au point au cours du premier semestre de l'année 2006. Nous devrons ensuite réaliser un important travail de pédagogie et de présentation de l'ensemble de la réforme lorsqu'elle sera complète, avec d'un côté l'ordonnance, c'est-à-dire la partie législative, et de l'autre le décret, c'est-à-dire la partie réglementaire.

Cette réforme constituera un vrai changement.

Elle permettra tout d'abord une meilleure lisibilité, avec un système juridique beaucoup plus clair qu'auparavant : alors que nous avions un empilement de textes, ce qui devenait totalement illisible, à part pour quelques spécialistes, l'un des objectifs de l'ordonnance est de réécrire l'ensemble du droit concerné par les permis de construire et les déclarations de travaux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette ordonnance est relativement longue, tout en étant cependant plus courte que la première ébauche, très largement conçue avec les associations d'élus.

Par ailleurs, le nombre des différentes autorisations sera réduit, puisque nous passerons de onze à trois.

En outre, des dispositifs très pragmatiques permettront de gérer la question des délais. En effet, comme le savent bien tous ceux qui ont été maires, la règle des deux mois n'était que très rarement appliquée : en général, avant le trentième jour, une lettre de demande de complément pour le dossier permettait de faire redémarrer le délai.

Le dispositif, tel qu'il est proposé, passe à deux mois plus un mois, délai au terme duquel l'autorisation sera tacite. À mon avis, c'est une règle qui devrait être extrêmement efficace et qui devrait nous permettre d'accélérer la construction et de soulager la vie de nos concitoyens et la vie des entreprises sur le plan administratif.

Enfin, dernier point très important, l'ordonnance permet de modifier les règles d'octroi du certificat de conformité. Le dispositif actuel avait pour conséquence d'entraîner une certaine insécurité juridique pour les bénéficiaires d'un permis de construire. Le dispositif tel qu'il est proposé devrait nous donner une meilleure sécurité juridique.

Par ailleurs, comme vous le savez les uns et les autres compte tenu de vos responsabilités locales, nous avons engagé une transformation assez profonde des directions départementales de l'équipement, avec un rôle croissant de la fonction de conseil de ces dernières. Il est important que nous puissions réussir cette évolution, en particulier pour les communes de petite taille - moins de 10 000 habitants -, qui continueront à avoir évidemment besoin de la fonction de conseil des directions départementales de l'équipement.

Mais les directions départementales de l'équipement doivent aussi assurer un rôle d'ingénierie publique, en particulier dans les zones relativement moins denses sur le plan économique. En effet, s'il est possible de trouver assez facilement un concours en matière d'ingénierie privée dans un certain nombre d'agglomérations ou de régions, ce n'est pas le cas partout. Il est donc nécessaire que les structures déconcentrées du ministère de l'équipement puissent poursuivre cette tâche.

Je répondrai également en quelque sorte en avant-première à deux questions qui concernent les crédits de la mission « Transports » que nous examinerons demain après-midi.

Madame Boyer, comme cela a été annoncé aujourd'hui même à Saint-Malo par le président de Réseau ferré de France, la liaison TGV entre Le Mans et Rennes sera réalisée pour 2012 ou 2013. L'enquête d'utilité publique devrait être lancée en avril ou mai 2006 avec des travaux commençant, si toutes les procédures se passent bien, en 2009, ce qui permettrait d'atteindre l'objectif que vous évoquiez tout à l'heure de trois heures pour atteindre Brest ou Quimper à partir de Paris et d'une heure et demie entre Rennes et Paris. Voilà qui sera, pour la capitale de Bretagne, un changement tout à fait considérable sur le plan économique !

Madame Didier, je confirme les propos de Christian Estrosi, voilà un instant, c'est-à-dire la possibilité pour les budgets relatifs aux infrastructures de transports d'un rattrapage, pour la fin de l'année 2006, des retards par rapport aux engagements faits sous forme d'avances par les collectivités territoriales. Telles sont les réponses que je tenais à apporter aux différents intervenants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Léon Bertrand, ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier MM. les rapporteurs pour la qualité et la pertinence de leurs travaux.

Je note que la commission des affaires économiques et du Plan a donné un satisfecit à ce projet de budget, présenté pour la première fois sous la forme d'un programme, et j'y suis tout à fait sensible.

Le programme « Tourisme » s'élève en 2006 à 78,3 millions d'euros. Il est pratiquement stable par rapport à la loi de finances initiale de 2005.

La politique menée par le ministère délégué au tourisme est articulée autour de trois axes principaux.

Le premier tient à la promotion de la destination « France », assurée par le GIE « Maison de la France », avec une enveloppe de 29 millions d'euros cette année. En 2006, la mise en place du site « franceguide.com » nous permettra d'entrer dans une nouvelle phase de commercialisation, et nous ouvrira par conséquent des horizons tout à fait intéressants.

Le deuxième axe est constitué par le soutien à l'économie touristique. Nous y avons consacré plus de 28 millions d'euros, avec de grandes opérations comme le plan « Qualité France », que nous avons lancé au début de l'année dernière.

Enfin, le troisième axe concerne la partie sociale du programme, avec le développement de l'accès aux vacances : nous y consacrons cette année 3,7 millions d'euros.

Je répondrai maintenant aux différents orateurs qui m'ont interrogé.

Madame Khiari, depuis quelques années, nous constatons en effet une baisse de notre PIB, même si le chiffre de 75 millions de touristes reste stable. Telle est la raison pour laquelle ce gouvernement a mis en place deux comités interministériels, lancé un nouveau plan marketing et le plan « Qualité France ». Je dirai « heureusement » ! Nous vivons dans un monde où le tourisme est de plus en plus concurrentiel, et il nous fallait réagir : nous avons ainsi pu réduire les dégâts.

Vous avez demandé, madame, pourquoi le programme « Tourisme » était rattaché à la mission « Politique des territoires ».

Les activités touristiques entretiennent des liens extrêmement directs avec l'aménagement du territoire. Elles contribuent d'ailleurs à la création d'emplois directs et indirects et au maintien de l'activité économique. C'est donc tout à fait naturellement que ce rattachement a été opéré.

Vous avez évoqué la capacité de « Maison de la France » à mobiliser les partenariats financiers et vous vous êtes demandée, au même titre que beaucoup de parlementaires d'ailleurs, pourquoi la lisibilité n'était pas meilleure.

Cette année, nous allons un peu plus loin : non seulement nous avons des indicateurs qui comprennent un ratio, mais nous disposons également d'une indication précise des valeurs des parts des financements publics et privés. Cela permet, progressivement, de satisfaire le besoin de lisibilité que vous évoquiez dans votre intervention.

Vous avez également fait état du non-rattachement de l'ANCV à l'action 3 du programme « Tourisme ». L'ANCV ne bénéficiant pas de financements publics, elle ne peut être considérée comme un opérateur de l'État.

Vous évoquez, à juste titre, l'extension des chèques-vacances au secteur des PME et des PMI. Sachez que cet objectif reste au nombre de nos préoccupations. Je sais que les parlementaires ont mené des opérations qui, malheureusement, n'ont pas abouti, sans doute du fait du coût trop important de l'exonération de cotisations sociales. Néanmoins, nous continuons à travailler sur ce sujet avec l'espoir de réussir et de permettre aux PME et aux PMI de moins de cinquante salariés de bénéficier de cette possibilité.

Enfin, vous évoquez l'absence de crédits en faveur du programme de consolidation des hébergements de tourisme social. Une réflexion est en cours avec le ministère délégué au budget et à la réforme de l'État. Nous étudions notamment une solution impliquant l'ANCV, avec la mise en oeuvre d'un fonds de concours. Il s'agit là aussi d'un sujet majeur pour lequel nous ne cessons de nous battre.

Enfin, vous vous posez la question de savoir si le tourisme ne pourrait pas être considéré comme un secteur propice à l'intégration sociale. Je vous répondrai par l'affirmative. Nous conduisons des opérations afin que le tourisme soit reconnu comme une véritable filière universitaire. Dans le même temps, nous travaillons dans le cadre du plan « banlieues », parce que nous savons que, là, il y a des choses à faire, notamment en matière de formation et d'apprentissage. Il convient de trouver de bonnes passerelles et de faire en sorte que le tourisme joue un rôle dans le domaine social, qu'il apporte un « plus » et qu'il contribue ainsi à éviter que ne se renouvellent les événements observés voilà quelques semaines autour de Paris.

M. Bernard Saugey a parlé de Maison de la France, qui, je le rappelle, joue un rôle éminent. C'est la raison pour laquelle nous y consacrons un financement important, qui représente quelque 47 % du programme « Tourisme ». Nous faisons tout notre possible pour porter le solde de notre balance des paiements de 33 milliards d'euros aujourd'hui à 40 milliards d'euros en 2010.

Mme Evelyne Didier considère que le solde du tourisme a tendance à baisser. En fait, les recettes du tourisme ne diminuent pas. Mais en 2004, nous avons enregistré plus de départs à l'étranger. C'est pourquoi la différence entre le poste des sorties du territoire et celui des entrées révèle une contraction du solde de la balance des paiements. Cela dit, pour l'année 2005, les tendances s'annoncent très intéressantes, et je pense que nous allons rattraper ce retard.

La clientèle européenne fait partie de nos préoccupations, et Maison de la France constitue un instrument adapté pour nous permettre de la toucher. Le plan marketing que j'ai mis en place à la fin de l'année 2004 et les moyens financiers que nous y consacrons, tout comme la campagne que j'ai lancée ce matin même, précisément pour corriger l'image négative de notre pays à l'étranger à la suite des événements qui se sont déroulés dans les banlieues, nous permettront non seulement de maintenir l'attractivité de notre pays, mais également de regagner des parts de clientèle européenne.

S'agissant du droit aux vacances pour tous, vous vous interrogez notamment sur la participation de la SNCF au développement du tourisme.

La SNCF, au même titre que la Banque de France et d'autres partenaires, participe depuis de nombreuses années à des enquêtes. Ces dernières bénéficient bien entendu à Maison de la France, mais aussi à la SNCF elle-même. Nous avons en effet besoin de connaître certains paramètres afin de définir des stratégies et de gagner des parts de marché. Voilà qui explique la participation de la SNCF à ces enquêtes, à hauteur de 260 000 euros sur un budget total de 1,3 million d'euros.

Enfin, monsieur Biwer, sachez que le tourisme de mémoire fait partie de nos stratégies. Depuis maintenant deux ans, nous conduisons des opérations conjointes avec le ministère de la défense, le ministère délégué aux anciens combattants et le ministère de la culture. Nous avons signé des conventions.

Monsieur Biwer, le ministère délégué au tourisme est à votre disposition pour vous aider à préparer la célébration du quatre-vingt-dixième anniversaire de la bataille de Verdun, comme il a participé, l'année dernière, au soixantième anniversaire du Débarquement sur les plages de Normandie. Il s'agit là, en effet, d'événements qui sont des facteurs importants d'attractivité. De telles commémorations attirent de nombreux touristes. Je suis donc prêt à examiner favorablement votre dossier.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voici, en quelques mots, les réponses que je souhaitais apporter aux orateurs qui sont intervenus sur le programme « Tourisme ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Politique des territoires » figurant à l'état B.