sommaire

présidence de M. Roland du Luart

1. Procès-verbal

2. Lutte contre le terrorisme. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Article additionnel avant l'article 1er

Amendement no 34 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Jean-Pierre Sueur. - Rejet.

Amendements nos 83 et 82 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement no 83 ; rejet de l'amendement no 82.

Article 1er

Mme Éliane Assassi.

Amendements nos 64 de Mme Eliane Assassi, 35 à 37 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 84, 86 de M. Jean-Claude Peyronnet, 1 à 7 de la commission et 51 rectifié ter de M. Hugues Portelli. - Mmes Éliane Assassi, Alima Boumediene-Thiery, MM. Louis Mermaz, le rapporteur, Jean-René Lecerf, le ministre délégué. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement no 64 ; rejet des amendements nos 35, 84, 36, 37 et 86 ; adoption des amendements nos 1 à 7 et 51 rectifié ter.

Adoption de l'article modifié.

Article 1er bis

Amendement no 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Claude Peyronnet. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 2

Amendements nos 66 de Mme Eliane Assassi, 52 rectifié ter, 53 rectifié quater de M. Hugues Portelli, 59 à 61 de M. Denis Badré, 9, 10 de la commission et 87 de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Claude Merceron, le rapporteur, le ministre délégué, Charles Gautier, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Retrait des amendements nos 59 à 61 ; rejet de l'amendement no 66 ; adoption des amendements nos 52 rectifié ter, 9, 53 rectifié quater et 10, l'amendement no 87 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article 3

Mme Alima Boumediene-Thiery.

Amendements identiques nos 67 de Mme Eliane Assassi et 88 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 3

Amendement no 62 rectifié bis de M. Philippe Goujon. - MM. Jean-René Lecerf, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Claude Peyronnet, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Sueur, le président de la commission, le président. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 4

Mme Hélène Luc, MM. Jean-René Lecerf, le ministre délégué.

Amendements nos 68 de Mme Eliane Assassi, 39 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 89 de M. Jean-Claude Peyronnet et 11 de la commission. - Mmes Josiane Mathon-Poinat, Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Sueur. - Rejet des amendements nos 68, 39 et 89 ; adoption de l'amendement no 11.

Adoption de l'article modifié.

Article 5

Amendements nos 69 de Mme Eliane Assassi, 12 à 15 de la commission, 40 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 90 de M. Jean-Claude Peyronnet, 54 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 55 rectifié bis de M. Alex Türk. - Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Lucienne Malovry.

3. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

4. Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président.

contrat professionnel de transition

MM. Jean-François Humbert, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

situation de l'emploi

MM. Richard Yung, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

aide française au pakistan

Mmes Gisèle Gautier, Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

edf

MM. Yves Coquelle, Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

commémoration d'austerlitz

MM. Nicolas Alfonsi, Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants.

conférence de montréal

M. Gérard César, Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable.

article 4 de la loi du 23 février 2005 relative aux français rapatriés

MM. Jean-Pierre Michel, Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants.

grèves du rer

MM. Hugues Portelli, Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

zones d'education prioritaires (zep)

MM. Joël Bourdin, Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

rôle des départements dans la suspension des allocations familiales

MM. Bernard Cazeau, Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Adrien Gouteyron

5. Communication relative à une commission mixte paritaire

6. Candidatures à une commission mixte paritaire

7. Lutte contre le terrorisme. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Article 5 (suite)

Amendements nos 69 de Mme Eliane Assassi, 12 à 15 de la commission, 40 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 90 de M. Jean-Claude Peyronnet, 54 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 55 rectifié bis de M. Alex Türk (suite). - MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Jean-Pierre Sueur. - Retrait de l'amendement no 55 rectifié bis ; rejet des amendements nos 69, 40 et 90 ; adoption des amendements nos 12 à 15 et 54 rectifié ter.

Adoption de l'article modifié.

Article 6

M. Paul Girod, Mme Catherine Tasca.

Amendements identiques nos 70 de Mme Eliane Assassi et 91 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendements nos 42 à 44 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 16 à 18 de la commission et 56 rectifié bis de M. Alex Türk. - Mme Éliane Assassi, M. Louis Mermaz, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, Hugues Portelli, le ministre délégué, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Rejet, par scrutin public, des amendements nos 70 et 91 rectifié ; rejet des amendements nos 42 à 44 ; adoption des amendements nos 16 à 18 et 56 rectifié bis.

Adoption de l'article modifié.

Article 7

Mme Alima Boumediene-Thiery.

Amendements identiques nos 71 de Mme Eliane Assassi et 92 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendements nos 107 rectifié ter de M. Michel Charasse, repris par la commission, 93 de M. Jean-Claude Peyronnet, 19 de la commission, 57 rectifié ter de M. Alex Türk et sous-amendement no 114 rectifié de M. Philippe Goujon. - Mme Éliane Assassi, MM. Louis Mermaz, le président de la commission, le rapporteur, Hugues Portelli, Philippe Goujon, le ministre délégué, Jean-Pierre Sueur, Éric Doligé. - Rejet, par scrutin public, des amendements nos 71 et 92 rectifié ; rejet de l'amendement no 93 ; adoption des amendements nos 107 rectifié ter, 19, du sous-amendement no 114 rectifié et de l'amendement no 57 rectifié ter.

Adoption de l'article modifié.

Article 8

Amendements nos 72 de Mme Eliane Assassi, 20, 21 de la commission, 46 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 94 de M. Jean-Claude Peyronnet et 58 rectifié ter de M. André Dulait. - Mme Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Louis Mermaz, Robert Del Picchia, le ministre délégué, Jean-Pierre Sueur. - Rejet des amendements nos 72, 46 et 94 ; adoption des amendements nos 20, 21 et 58 rectifié ter.

Adoption de l'article modifié.

Article 8 bis

Amendements identiques nos 73 de Mme Eliane Assassi et 95 de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre délégué, Robert Del Picchia. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 9

Amendement no 74 de Mme Eliane Assassi. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Robert Badinter, Éric Doligé. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 9 bis. - Adoption

Articles additionnels après l'article 9 bis

Amendement no 50 rectifié ter de M. Paul Girod. - MM. Paul Girod, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Amendement no 63 rectifié de M. Philippe Goujon. - MM. Philippe Goujon, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 10

Mme Alima Boumediene-Thiery.

Amendements identiques nos 75 de Mme Eliane Assassi et 96 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 10

Amendement no 22 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 10 bis

Amendement n° 23 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 10 ter

Amendements identiques nos 48 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 76 de Mme Eliane Assassi ; amendement no 97 rectifié bis de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mmes Alima Boumediene-Thiery, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Nicolas Alfonsi. - Rejet, par scrutin public, des amendements nos 48 et 76 ; adoption de l'amendement no 97 rectifié bis.

Adoption de l'article modifié.

Article 10 quater. - Adoption

Articles additionnels après l'article 10 quater

Amendement no 80 rectifié bis de M. Aymeri de Montesquiou. - MM. Aymeri de Montesquiou, le rapporteur, le garde des sceaux, le président de la commission. - Rejet.

Amendement no 81 rectifié bis de M. Aymeri de Montesquiou. - MM. Aymeri de Montesquiou, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

Article additionnel après l'article 12 (priorité)

Amendement no 24 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 10 quinquies

Amendement no 98 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 10 sexies. - Adoption

Article 11

Amendements identiques nos 49 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 77 de Mme Eliane Assassi et 99 de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mmes Alima Boumediene-Thiery, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des trois amendements.

Adoption de l'article.

Article 11 bis. - Adoption

Articles additionnels avant l'article 12

Amendements nos 109 à 112 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des quatre amendements.

Présidence de M. Guy Fischer

Article 12

Amendements nos 100 et 101 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Division et articles additionnels avant le chapitre VII

Amendement no 25 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.

Amendement no 26 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 27 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 13

Amendements nos 28 et 29 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 14

Amendements nos 30 rectifié et 113 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Articles 15 A et 15 B. - Adoption

Article 15 C

Amendements identiques nos 78 de Mme Eliane Assassi et 102 de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 15

Amendement no 103 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 15

Amendement no 31 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Intitulé du projet de loi

Amendement no 104 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Louis Mermaz, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-Luc Mélenchon, Jean-François Humbert, Pierre Fauchon, le ministre délégué.

Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

9. Transmission d'un projet de loi

10. Dépôt d'une proposition de loi

11. Transmission de propositions de loi

12. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

13. Dépôt d'un rapport

14. Dépôt d'un rapport d'information

15. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. additionnels avant l'art. 1er

Lutte contre le terrorisme

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (nos 109 et 117).

Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

CHAPITRE IER

Dispositions relatives à la vidéosurveillance

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La Commission nationale de l'informatique et des libertés exerce ses pouvoirs de contrôle prévus par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés sur l'ensemble des dispositifs prévus par la présente loi.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement, qui a déjà été présenté, sans succès, à l'Assemblée nationale, a pour objet de rendre effectif les pouvoirs de contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

La CNIL s'est clairement prononcée au sujet de ce projet de loi. Elle a notamment dénoncé l'absence d'équilibre général entre la nécessité de maintenir l'ordre public et l'obligation de protéger les droits et libertés.

Des dispositions supplémentaires tendant à aller dans ce sens ont, certes, été adoptées à l'Assemblée nationale. Quoique bienvenues, elles sont largement insuffisantes, et elles le sont d'autant plus - et c'est là le fond de la problématique soulevée non seulement par ce projet de loi en particulier, mais également par l'orientation imprimée à notre droit pénal en général - que les prérogatives de la CNIL ne sont pas respectées dans de nombreux domaines.

Je le répète, nous avons l'obligation de lutter fermement contre le terrorisme. Mais, dans un domaine aussi sensible, notamment pour créer un sentiment de consensus national, le Gouvernement aurait dû commencer par placer la CNIL au coeur de ce nouveau dispositif. Or c'est loin d'être le cas.

La CNIL constate que ce dispositif instaure un cadre de police administrative de lutte contre le terrorisme échappant au contrôle a priori du juge.

Le renforcement du rôle de la police administrative, qui bénéficiera désormais d'un large accès à plusieurs types de fichiers publics et privés, à des informations provenant de la vidéosurveillance ou des services de renseignement, marque un basculement radical dans notre dispositif antiterroriste, dont les conséquences présentent un grand potentiel de dangerosité en termes d'atteinte aux droits et aux libertés.

Ces dangers potentiels ne peuvent être restreints que par la mise en oeuvre préalable de garanties fortes, claires et incluses dans le dispositif de la loi, qui doit prévoir une limitation dans le temps, fixée à trois ans, ainsi que l'information constante et régulière du Parlement suivie de la remise d'une évaluation précise. Enfin et surtout, la CNIL doit exercer sans restriction les pouvoirs de contrôle prévus par la loi sur l'ensemble des dispositifs prévus.

À la lecture des articles du projet de loi, nous constatons que la CNIL est considérée comme totalement subalterne dans un certain nombre de circonstances, notamment lorsqu'est prétextée l'urgence.

Mes chers collègues, c'est en me fondant sur ces préalables et afin de rendre à la CNIL la place qui lui est due que je vous demande d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement tend à insérer un article additionnel rappelant que la CNIL exerce ses pouvoirs de contrôle sur les dispositifs du projet de loi dans les conditions prévues par la loi du 6 janvier 1978.

La CNIL a émis un avis favorable dans son ensemble à ce projet de loi et les amendements qui sont inspirés de ses recommandations lui donnent toute garantie.

L'amendement n° 34 n'est pas utile puisque les traitements de données à caractère personnel déjà autorisés ou qui vont l'être par le présent texte relèvent de la loi de 1978. La CNIL exercera donc son contrôle dans les conditions prévues par cette loi.

Si M. le ministre confirme cette analyse, l'amendement devrait pouvoir être retiré ; s'il ne l'était pas, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame Boumediene-Thiery, je comprends le sens de votre amendement, mais je partage l'avis de M. le rapporteur.

Les dispositions du projet de loi entrant dans le champ d'application de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés sont automatiquement soumises au contrôle de la CNIL, conformément à l'article 44 de cette loi, que nous respectons totalement. C'est le cas des articles 6, 7 et 8 du projet de loi auxquels vous avez déjà fait référence.

Il ne me semble donc pas nécessaire de compléter le projet de loi sur ce point. Pour autant, M. le rapporteur vient de le rappeler, plusieurs amendements ultérieurs concerneront la CNIL. Le Gouvernement se montrera très ouvert aux amendements, présentés par la commission ou par MM. Türk, Portelli et Nogrix, précisant le rôle de la CNIL ou allant dans le sens des recommandations de cette dernière.

Nous allons donc accepter un certain nombre d'avancées et il me semble que, pour ne pas alourdir le texte en ajoutant un article additionnel avant l'article 1er, il serait peut-être bon, madame, que vous retiriez cet amendement sur lequel nous pourrons revenir dans la discussion concernant la CNIL.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 34 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je le maintiens, monsieur le président, car je considère que des garanties supplémentaires ne sont pas inutiles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement souligne la grande importance qui s'attache au respect des libertés et l'attention qu'y porte constamment la CNIL.

J'entends bien les remarques, sur le plan juridique, de M. le rapporteur et de M. le ministre,...

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ah ! Tout de même !

M. Jean-Pierre Sueur. ...mais, à la faveur de cette explication de vote, je veux revenir sur la déclaration que M. Hyest a faite hier soir en fin de séance. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Vous avez dit, monsieur le président de la commission, que ceux qui s'opposeraient à ce texte en raison de certaines de ses dispositions - et certaines sont, pour nous, inacceptables - démontreraient qu'ils ne veulent pas véritablement oeuvrer contre le terrorisme.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je n'ai pas dit cela !

M. Jean-Pierre Sueur. Il y a dans ce propos un sophisme inacceptable et nous ne pouvons le laisser sans réponse.

Chacun nous a entendus insister sur notre totale solidarité et sur notre pleine détermination à lutter contre le terrorisme, solidarité et détermination que personne ne peut mettre en doute ! Mais il faut que vous démontriez - et, pour l'heure, je n'ai pas entendu le début du commencement d'une démonstration - qu'en dessaisissant les juges...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. On ne les dessaisit pas !

M. Jean-Pierre Sueur. ...du contrôle de la liberté d'aller et de venir ou encore de la surveillance de certaines communications vous servez la cause de la lutte contre le terrorisme.

Nous considérons, et nous l'avons démontré amplement,...

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. ... que c'est une erreur fondamentale de restreindre inutilement les libertés et de porter atteinte à l'État de droit. C'est notre position.

Monsieur le président de la commission, on ne peut pas inférer de la position qui est la nôtre et dire que nous ne serions pas déterminés à lutter contre le terrorisme. Partir sur un tel chemin, distinguer ceux qui veulent lutter contre le terrorisme et ceux qui ne le veulent pas, est absurde !

La question dont il faut pouvoir discuter est celle des moyens et du rapport entre ces moyens et d'éventuelles réductions des libertés et de l'État de droit !

Nous n'avons pas non plus apprécié que M. le président de la commission des lois nous accuse, dans le début de son intervention, de faire de la politique politicienne.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Vous ne faites que cela !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président de la commission, vous avez entendu comme moi-même M. le ministre expliquer, à propos d'un décret qui n'était pas paru, que M. Sarkozy s'était ému de constater en revenant au ministère de l'intérieur que M. Dominique de Villepin, aujourd'hui Premier ministre, avait pris quelque retard, commis quelques négligences. On est bien là en pleine politique politicienne, car en quoi était-il utile au représentant du ministre de l'intérieur de mettre en cause l'attitude qui fut celle de l'actuel Premier ministre alors qu'il était ministre de l'intérieur du gouvernement précédent ?

Nous, nous ne faisons pas de politique politicienne dans ce débat. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Simplement, nous ne voulons pas d'amalgame s'agissant de la lutte, à laquelle nous sommes profondément attachés, contre le terrorisme.

M. le président. Mes chers collègues, compte tenu du nombre d'amendements que nous avons à examiner, je vous invite à la concision.

Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 83, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Il est constitué une délégation parlementaire d'évaluation des actions conduites par les services de renseignements et d'informations dépendants du ministère de l'intérieur, du ministère de la défense et du ministère des finances.

La délégation est constituée de sept députés et sept sénateurs désignés de façon à assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques. Les députés sont désignés au début de chaque législature pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement du Sénat.

Après chacun de ses renouvellements, la délégation élit son président et son premier vice-président qui ne peuvent appartenir à la même assemblée.

Si le président appartient à la majorité, le vice-président sera issu de l'opposition.

Si le président appartient à l'opposition, le vice-président sera issu de la majorité.

Les membres de la délégation prêtent serment dont le contenu sera déterminé par un décret en Conseil d'État. Ce serment comporte la reconnaissance du secret des débats et de la confidentialité des documents ou des exposés présentés à la délégation.

Les membres de la délégation sont soumis, après la fin de leurs mandats, aux conditions définies par le dit serment.

La violation de leur serment par les membres de la délégation est punie des peines prévues à l'article 413-10 du code pénal.

La délégation peut entendre tous les responsables des services, quel que soit leur grade, afin de recueillir les éléments nécessaires à sa mission d'évaluation.

La délégation établit son règlement intérieur qui est soumis à l'approbation du bureau des assemblées.

Ses dépenses sont financées et exécutés comme dépenses des assemblées parlementaires.

La délégation peut établir des rapports en tenant compte du secret et de la confidentialité nécessaires. Ses rapports, s'ils sont publiés, doivent recevoir l'aval du président de l'Assemblée nationale et du président du Sénat et l'autorisation des ministres de l'intérieur, de la défense et de l'économie et des finances.

L'amendement n° 82, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé : 

Il est institué une commission destinée à élaborer un projet de texte relatif à la création d'un dispositif parlementaire d'évaluation des actions conduites par les services de renseignements et d'informations dépendants du ministère de l'intérieur, du ministère de la défense et du ministère des finances. 

La commission est constituée de députés et de sénateurs désignés de façon à assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques. 

La commission élit son président et un rapporteur. Si le président appartient à la majorité, le rapporteur sera issu de l'opposition. Si le président appartient à l'opposition, le rapporteur sera issu de la majorité. 

La commission est assistée d'un conseil composé de directeurs des services de renseignements et d'informations dépendants du ministère de l'intérieur, du ministère de la défense et du ministère des finances. 

Ses dépenses sont financées et exécutés comme dépenses des assemblées parlementaires. 

La commission devra rendre les conclusions de son travail deux mois après la promulgation de cette loi. 

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Ces deux amendements visent à faire entrer le Parlement dans le processus d'évaluation des actions conduites par les services de renseignement.

L'amendement n° 82 prévoit l'institution d'une commission, composée de sénateurs et de députés, qui aurait pour objet d'élaborer un projet de texte relatif à la création d'un dispositif parlementaire d'évaluation.

L'amendement n° 83 va plus loin puisqu'il prévoit l'institution d'une délégation parlementaire d'évaluation des actions conduites par les services de renseignement et d'informations dépendant du ministère de l'intérieur, du ministère de la défense et du ministère des finances.

L'histoire des relations entre les services de renseignement et le pouvoir législatif en France, faites de méfiance des uns à l'égard de l'autre, ne date pas de la Ve République. Sans remonter à l'affaire Dreyfus, il y a toujours eu de la part de l'armée, du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'intérieur une grande méfiance à l'égard de tout contrôle sur le renseignement.

Or, actuellement, certains l'ont évoqué à l'envi et à bon droit, du fait de l'accroissement du terrorisme et de ses réseaux intérieurs et extérieurs, la nécessité d'infiltrations et de renseignements de plus en plus étoffés et performants se fait sentir. En conséquence, encore plus que par le passé, le Parlement doit pouvoir évaluer et contrôler effectivement les activités des services de renseignement.

Je me garderai bien de me lancer dans la polémique. Toutefois, lorsque l'on se remémore l'histoire récente, il n'est pas sérieux de dire que rien n'a été fait en la matière, notamment sous le gouvernement de M. Jospin, M. le ministre de l'intérieur l'a rappelé hier.

Certes, nous ne sommes pas parvenus à ce que tendait à mettre en place la proposition de loi de M. Paul Quilès, confiant au Parlement le contrôle des services de renseignement. Dans le compte rendu des débats de la commission de la défense de l'époque, on lit que « M. René Galy-Dejean a indiqué que les commissaires du groupe RPR, opposés à l'esprit de la proposition de loi, voteraient contre. Il a considéré que la culture du renseignement en France n'avait rien de commun avec celle que connaissent d'autres pays et que les exemples étrangers n'étaient, par conséquent, pas transposables. »

Les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne et bien d'autres Etats ont mis en place des systèmes aux modalités différentes ; mais tous exercent un contrôle effectif sur les activités des services de renseignement.

Il ne s'agit pas d'en obtenir le détail, nous ne demandons ni la levée du secret des enquêtes menées ni la déclaration sur la place publique du nom des personnes infiltrées dans tel ou tel réseau ! Il s'agit d'examiner s'il y a bien adéquation entre les objectifs et la réalité, et d'évaluer le travail accompli.

Les choses ont évolué puisqu'à l'Assemblée nationale ont été examinés trois amendements émanant l'un du rapporteur M. Alain Marsaud, qui n'est pas laxiste dans ce domaine et que je connais bien puisqu'il est de mon département, l'autre du groupe socialiste et le troisième du groupe UDF. Ces trois textes tendaient, selon des modalités différentes, à la création d'une instance chargée de l'évaluation en la matière.

Le ministre a donné son accord de principe et a demandé le retrait de ces textes afin que soit mis en place un groupe de travail chargé de procéder à une première évaluation et de fournir une feuille de route au plus tard le 15 février.

Pourquoi ces amendements ont-ils été déposés ? Il ne s'agit pas d'une défiance à l'égard du ministre ! Toutefois, lorsque ce dernier nous dit qu'il prend les choses en main, nous préférerions que le Parlement le fasse. Lorsqu'il nous propose, par exemple, la présence dans cette commission d'un représentant par groupe, nous lui répondons qu'il vaudrait mieux une représentation à la proportionnelle ! Lorsque nous souhaitons un président d'une couleur politique et un rapporteur d'une autre, sur le modèle de ce qui se passe à l'Assemblée nationale et qui n'existe pas dans notre règlement, nous pensons faire chose utile !

Mes chers collègues, tel est le sens de ces amendements. Encore une fois, il ne s'agit pas de défiance à l'égard du ministre. À ce titre, nous saluons l'évolution du groupe du RPR devenu l'UMP, qui, de ce point de vue, semble avoir été bénéfique. Nous pensons néanmoins qu'il est bon d'aller plus loin dès maintenant et de formaliser une telle proposition dès aujourd'hui.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 82 tend à créer une commission chargée d'élaborer une proposition de loi relative à la création d'un organe parlementaire compétent pour contrôler les services de renseignement. En somme, cet amendement a pour objet de formaliser l'engagement pris par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale de mettre en place un groupe de travail, qui, comme vous l'avez dit, monsieur Peyronnet, doit rendre ses conclusions avant le 15 février 2006.

Je ne suis pas favorable à cet amendement, car il est étrange que la loi crée une commission provisoire.

Ainsi, sans préjuger le fond de l'amendement n° 83, il convient d'attendre les conclusions de ce groupe de travail, qui sera composé des groupes parlementaires et des chefs de service concernés.

Quant à l'idée d'appliquer la règle de la proportionnelle à la représentation des groupes politiques, il s'agit d'une idée intéressante, mais qui peut mener à des résultats assez surprenants !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Peyronnet, je comprends parfaitement le sens de votre démarche, mais je vous demanderai très solennellement de retirer ces amendements, au regard des engagements pris par le ministre d'État devant l'Assemblée nationale et hier devant la Haute Assemblée.

Voter un amendement à la sauvette sur un sujet aussi sensible pourrait avoir un certain nombre de conséquences. Nous avons, tous ensemble, dans ce domaine, le même souci de transparence. Néanmoins, nous savons aussi qu'il faut trouver le juste équilibre entre transparence et discrétion ; or, pour ce faire, le travail doit être préparé en commun.

Nous sommes favorables à l'idée que la représentation nationale exerce un droit de regard sur les services de renseignement. C'est acquis et je renouvelle cet engagement. Il s'agit d'une exigence démocratique que nous partageons tous.

Dans une démocratie moderne, le Parlement assume une responsabilité de contrôle sur les activités de renseignement que le Gouvernement met en oeuvre. C'est incontestable. Toutes les démocraties avancées d'ailleurs, à de rares exceptions près, appliquent ce principe. En ce qui nous concerne, la discrétion, ce n'est pas le secret.

Le Gouvernement a déjà examiné, avec grand intérêt, les amendements présentés à l'Assemblée nationale par le rapporteur Alain Marsaud, Pierre Lellouche, ainsi qu'au nom du groupe socialiste, par MM. Jacques Floch et Julien Dray ; c'est dans le même esprit que nous examinons aujourd'hui les amendements nos 82 et 83.

En conclusion, je réitère notre engagement. Une fois la présente loi votée, nous mettrons en place un groupe de travail associant des parlementaires et des fonctionnaires des services de renseignement, et qui sera chargé de proposer un texte avant le 15 février. Il ne s'agit pas d'un engagement à court, moyen ou long terme, car la date est fixée. Le texte proposé fera alors l'objet dans les mois à venir d'un projet de loi ou d'une proposition de loi qui, inscrite à l'ordre du jour du Parlement, sera débattue.

Telles sont les différentes étapes : la mise en place du groupe de travail, un débat avant le 15 février pour aboutir à un texte et l'examen d'un projet ou d'une proposition de loi.

Fort de cet engagement, monsieur Peyronnet, je vous demande très solennellement de bien vouloir retirer vos amendements, comme avaient accepté de le faire vos collègues socialistes de l'Assemblée nationale.

Notre engagement est très fort et très ferme, l'échéancier est précis et arrêté par le ministre d'État. Nous allons ensemble dans cette direction. Je souhaite que nous n'allions pas plus loin aujourd'hui.

M. le président. Monsieur Peyronnet, les amendements nos 82 et 83 sont-ils maintenus ?

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous sommes d'accord sur les principes que pose de manière satisfaisante M. le ministre. Nos collègues socialistes de l'Assemblée nationale ont retiré leurs amendements ; nous, nous les maintenons !

Nous avons travaillé à la sauvette, comme vous dites, parce que, compte tenu de la promesse du ministre, il a été décidé en commission d'accepter sa proposition. Pourtant, nous aurions pu travailler encore longtemps sur ces textes, qui ne mettent pas en cause la sécurité nationale.

Ces amendements tendent à déterminer la composition d'une commission ou d'une délégation ! Ce n'est pas à un règlement intérieur d'insister sur la confidentialité, sur le serment. Nous avons pris un certain nombre de précautions. Qu'elles soient insuffisantes et que le travail n'ait pas été assez réfléchi, c'est votre droit de le penser. De notre côté, à ce stade, on peut déjà mettre en place, nous semble-t-il, une telle instance.

Les choses avancent certes, mais très lentement. À la fin de l'année 2001, il a été décidé qu'une commission de contrôle - purement financier - devait être mise en place. Elle joue un rôle utile. Deux députés, deux sénateurs et des magistrats y siègent. Mais elle a seulement le pouvoir de vérifier qu'il y a bien adéquation entre les objectifs financiers et les dépenses effectives, qu'il n'y a pas de dérive de ce point de vue. Elle n'exerce aucun contrôle sur le travail réel et les objectifs des services de renseignement.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous maintenons les amendements nos 82 et 83 et nous demandons un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous allons voter contre ces deux amendements pour plusieurs raisons.

L'amendement n° 82 tend à créer une commission chargée de préparer un projet, ce que propose le Gouvernement. Cet amendement, s'il est adopté, aura normalement une durée de vie d'un mois et demi ou de deux. Compte tenu de l'engagement du Gouvernement, un tel amendement ne me paraît pas utile.

Quant à l'amendement n° 83, la délégation parlementaire n'est certainement pas, me semble-t-il, le bon outil lorsqu'on voit l'important problème qu'a constitué la commission des interceptions de sécurité par le passé.

À une autre époque, déjà parlementaires, nous avons rencontré d'importantes difficultés pour que les interceptions de sécurité fassent l'objet d'une plus grande transparence vis-à-vis du Parlement. C'est quand même important en matière de liberté publique.

Nous allons voter contre l'amendement n° 83 parce qu'il ne nous paraît pas prévoir le bon outil. Quant à l'amendement n° 82, sur le principe, nous sommes d'accord, mais prenons en compte l'engagement qui a été pris.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 60 :

Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 120
Contre 205

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 1er bis

Article 1er

L'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa du II est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La même faculté est ouverte aux autorités publiques aux fins de prévention d'actes de terrorisme ainsi que, pour la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, aux autres personnes morales, dans les lieux susceptibles d'être exposés à des actes de terrorisme.

« Il peut être également procédé à ces opérations dans des lieux et établissements ouverts au public aux fins d'y assurer la sécurité des personnes et des biens lorsque ces lieux et établissements sont particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol ou sont susceptibles d'être exposés à des actes de terrorisme. » ;

2° Le III est ainsi modifié :

a) Après le deuxième alinéa sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le cas échéant, l'autorisation peut également prescrire que les agents individuellement habilités des services de la police ou de la gendarmerie nationales sont destinataires des images et enregistrements. Elle précise alors les modalités de transmission des images et d'accès aux enregistrements. La décision de permettre aux agents individuellement habilités des services de la police ou de la gendarmerie nationales d'être destinataires des images et enregistrements peut également être prise à tout moment, après avis de la commission départementale, par arrêté préfectoral. Ce dernier précise alors les modalités de transmission des images et d'accès aux enregistrements. Lorsque l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme le requièrent, cette décision peut être prise sans avis préalable de la commission départementale. Le président de la commission est immédiatement informé de cette décision, qui fait l'objet d'un examen lors de la plus prochaine réunion de la commission.

« Les systèmes de vidéosurveillance installés doivent être conformes à des normes techniques définies par arrêté ministériel, à compter de l'expiration d'un délai de deux ans après la publication de l'acte définissant ces normes.

« Les systèmes de vidéosurveillance sont autorisés pour une durée de cinq ans renouvelable. L'autorisation peut être renouvelée pour la même durée. Dans le cas contraire, le système est retiré.

« La commission départementale instituée au premier alinéa peut à tout moment exercer un contrôle sur les conditions de fonctionnement des dispositifs autorisés en application des mêmes dispositions. Elle émet le cas échéant des recommandations et propose la suspension des dispositifs lorsqu'elle constate qu'il en est fait un usage anormal ou non conforme à leur autorisation. » ;

b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Les autorisations mentionnées au présent III et délivrées antérieurement à la date de publication de la loi n°            du                    relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers sont réputées délivrées pour une durée de cinq ans à compter de cette date. » ;

3° Après le III, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis. - Lorsque l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme le requièrent, le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent délivrer aux personnes mentionnées au II, sans avis préalable de la commission départementale, une autorisation provisoire d'installation d'un système de vidéosurveillance, exploité dans les conditions prévues par le présent article, pour une durée maximale de quatre mois. Le président de la commission est immédiatement informé de cette décision. Il peut alors réunir sans délai cette dernière afin qu'elle donne un avis sur la mise en oeuvre de la procédure d'autorisation provisoire.

« Le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police, recueillent l'avis de la commission départementale sur la mise en oeuvre du système de vidéosurveillance conformément à la procédure prévue au III et se prononcent sur son maintien. La commission doit rendre son avis avant l'expiration du délai de validité de l'autorisation provisoire. Si l'autorisation n'est pas accordée à l'expiration de ce délai, le système est retiré. À défaut, le responsable du système s'expose aux sanctions prévues au VI. » ;

4° Le VII est ainsi rédigé :

« VII. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles le public est informé de l'existence d'un dispositif de vidéosurveillance ainsi que de l'identité de l'autorité ou de la personne responsable. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles les agents sont habilités à accéder aux enregistrements et les conditions dans lesquelles la commission départementale exerce son contrôle. »

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. Je ne reviendrai pas sur l'argumentaire que j'ai développé hier soir quant à nos doutes sur l'efficacité de la vidéosurveillance.

J'insiste toutefois pour comprendre la raison de cette passion soudaine du Gouvernement pour la vidéosurveillance, d'autant que la loi autorisait déjà son installation pour assurer la sécurité des personnes.

Le projet de loi présenté aujourd'hui prévoit que les lieux susceptibles d'être des cibles d'actes terroristes peuvent être surveillés. En quoi la référence à la sécurité des personnes ne suffisait-elle pas ? Cette remarque souligne une volonté d'affichage.

Par ailleurs, M. le rapporteur m'étonne en indiquant que la vidéosurveillance pourra « être très utile en cas d'attentat à la voiture piégée », mais est-ce avant ou après l'attentat ? Je crains que, là encore, il ne s'agisse d'une information dont l'efficacité sera a posteriori douteuse.

Le rapport, en évoquant la jurisprudence du Conseil constitutionnel élaboré en 1995, souligne que le projet de loi ne remet pas en cause l'équilibre trouvé.

De deux choses l'une, ou M. le ministre nous indique que l'évolution sera marginale, loin des multiples carences du Big Brother britannique, ou bien M. le rapporteur ne peut pas dire qu'il n'y aura pas d'évolution quant au respect de la Constitution, puisque l'installation de caméras sera massive et généralisée.

Vous devez nous préciser ce que seront les conséquences exactes de la loi en matière d'installations nouvelles pour permettre au Conseil constitutionnel, si une saisine par 60 sénateurs ou 60 députés a lieu, de prendre position.

Monsieur le ministre, cet article symbolise à nos yeux une démarche dont l'objectif tend à renforcer un dispositif générateur d'une société policée, régentée dans le moindre détail, alors que, sur le plan des grands équilibres, des foyers mêmes du radicalisme islamique, par exemple, rien n'est fait pour engager le monde vers la paix, la sérénité.

Lutter contre le terrorisme ne peut se résumer aux nombreuses mesures policières et judiciaires qui existent déjà.

Je vous demanderai également de cesser de taxer de laxistes ou d'irresponsables ceux qui, comme nous, vous rappellent la réalité du monde d'aujourd'hui, sa dureté qui constitue le terreau de la violence.

Ce sont bien des réponses politiques ou économiques qui permettent de fermer définitivement ces pages sombres de l'histoire.

Nous voterons contre cet article 1er, à l'effet d'affichage dérisoire et à l'inefficacité annoncée et prouvée.

M. Josselin de Rohan. Bla ! Bla !

Mme Janine Rozier. Il faut lutter, mais ne rien faire !

M. le président. Je suis saisi de seize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 64, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L'article 1er complète l'article 10-II de la loi de 1995 et ajoute aux motifs légaux pouvant justifier l'installation de caméras la prévention des actes terroristes.

Ce qui apparaît comme étant la nouveauté de cet article me gêne beaucoup. Ainsi, des personnes morales autres que les autorités publiques compétentes pourront installer aux abords de leurs bâtiments des caméras qui seront susceptibles de filmer ce qui se passe sur la voie publique.

Cette mesure, déjà attentatoire aux libertés, pourra être, de surcroît, contournée par la nouvelle procédure d'urgence, qui permet à l'autorité préfectorale de se passer de l'avis, déjà purement formel, de la commission départementale afin d'autoriser l'installation de dispositifs de vidéosurveillance.

Comme nous pouvons le constater, les atteintes à la liberté d'aller et venir sont multiples : possibilité de filmer ce qui se passe sur la voie publique, sans que des précisions soient clairement apportées ; possibilité pour certains agents des services de la police ou de la gendarmerie d'accéder directement et de manière permanente à ces images pour les besoins de leurs missions de police administrative et, donc, sans contrôle du juge judiciaire ; instauration d'une procédure d'urgence dérogatoire, justifiée par « l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme », et qui diminue d'autant les maigres garanties encadrant la collecte et la consultation des données filmées. Par ailleurs, cette notion d'urgence et d'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme est particulièrement vague.

Les atteintes aux libertés de ce nouveau dispositif de vidéosurveillance justifieraient-elles, à elles seules, la suppression de l'article 1er ?

Néanmoins je tiens à mettre en avant nos doutes sur l'efficacité de la vidéosurveillance en matière de terrorisme.

Dans son rapport, à la page 29, M. le rapporteur considère que « la vidéosurveillance peut dans certains cas prévenir des actions terroristes ». Il relativise cette affirmation en admettant que « cet aspect ne doit toutefois pas être exagéré, le mode opératoire des attentats suicides rendant particulièrement difficiles la détection et l'interruption de l'opération terroriste ».

La vidéosurveillance dans le cadre de ce projet de loi n'est qu'une mesure d'affichage destinée à rassurer l'opinion publique, mais qui ne permettra pas, par exemple, de démanteler plus efficacement les réseaux terroristes.

C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression de l'article 1er et nous demandons un scrutin public.

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer le 1° de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article, notamment son premier alinéa, pèche par son absence d'efficacité et par le danger qu'il représente pour nos droits et libertés.

Il convient de rétablir une certaine vérité. La multiplication des caméras n'aidera en rien à la prévention des actes terroristes, notamment parce que l'efficacité de tels systèmes est toute relative.

C'est un fait établi. New York, Madrid et Londres en sont de tragiques exemples. Les caméras qui y étaient présentes, encore plus nombreuses pour Londres, n'ont pu empêcher les attentats.

La crainte de voir enregistrés leurs actes n'est pas assez dissuasive pour les terroristes, notamment pour ceux qui préparent des actions suicides.

Au mieux, la vidéosurveillance présente un intérêt si des mesures de police interviennent après la commission d'actes terroristes. À ce stade, les images peuvent permettre d'identifier a posteriori les auteurs des actes incriminés.

Dès lors, étendre le champ de la vidéosurveillance, sans contrôle judiciaire préalable, présente un danger quant à la mise en oeuvre de tels dispositifs, d'autant plus que des personnes morales de droit privé pourront enregistrer des images de ce qui s'est passé sur la voie publique ou dans des lieux et établissements ouverts au public.

Toutefois, la vidéosurveillance constitue en soi une atteinte à nos droits et libertés. Elle contrevient à la liberté d'aller et venir, au respect de la vie privée. En un mot, elle s'oppose au principe de sûreté, cette atteinte n'étant rendue acceptable que par le strict respect du principe de proportionnalité.

En mettant en oeuvre un dispositif où la CNIL et les juges sont mis hors jeu au profit du Gouvernement et de la police administrative, où l'efficacité proclamée n'est pas l'efficacité atteinte et où de simples particuliers pourront pratiquer la vidéosurveillance de tous les citoyens dans des lieux publics, vous marquez là le caractère largement disproportionné de ce projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 84, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour insérer quatre alinéas après le deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995:

« Lorsque l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme le requièrent, l'autorisation peut également prescrire, sous contrôle de l'autorité judiciaire, que les agents individuellement habilités des services de la police ou de la gendarmerie nationales spécialement chargés de ces missions sont destinataires des images et enregistrements. Elle précise alors les modalités de transmission des images et d'accès aux enregistrements au cas par cas pour chacun des systèmes de vidéosurveillance concerné par la présente disposition. Cette décision peut être prise sans avis préalable de la commission départementale. Le président de la commission est immédiatement informé de cette décision, qui fait l'objet d'un examen lors de la plus prochaine réunion de la commission.

 

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Même si nous comprenons parfaitement l'argumentation de Mmes Assassi et Boumediene-Thiery, nous avons une position différente. Si nous souhaitons placer sous le contrôle de la CNIL et de l'autorité judiciaire les systèmes de vidéosurveillance, nous ne voulons pas scier la branche, mais simplement l'élaguer pour que soient respectés le principe fondamental de finalité et, par voie de conséquence, celui de proportionnalité.

Nous ne faisons pas de fixation sur la vidéosurveillance ; elle existe partout. Pour nous, le problème, c'est qu'elle soit encadrée et que les éléments recueillis ne soient pas transmis à n'importe qui et n'importe comment. A partir de là, la vidéosurveillance a son utilité. Encore faut-il qu'elle ne soit pas détournée de son objet et que toutes les garanties existent.

Nous souhaitons qu'une fois mis en place le contrôle fonctionne avec la plus grande rapidité sans nuire en rien à la recherche des renseignements qui peuvent être utiles à notre sécurité.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour le III de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, supprimer les mots :

Le cas échéant,

et le mot :

également

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans les première et troisième phrases du premier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour le III de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, après les mots :

agents individuellement

insérer les mots :

désignés et dûment

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision et d'harmonisation, qui tient compte de la recommandation de la CNIL de bien préciser les modalités selon lesquelles les agents ayant accès aux images sont désignés.

Je me permettrai, d'ailleurs, de présenter, au nom de la commission, des amendements similaires aux articles 5, 6 et 8.

M. le président. L'amendement n° 51 rectifié ter, présenté par MM. Portelli,  Türk et  Nogrix, Mme Malovry, MM. Mouly,  Seillier,  Cambon,  Goujon et  Lecerf, est ainsi libellé :

Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le a) du 2 de cet article pour modifier le III de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 par les mots :

ainsi que la durée de conservation des images, dans la limite d'un mois à compter de cette transmission ou de cet accès, sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Il est nécessaire que l'autorisation préfectorale, en matière d'installation de dispositifs de vidéosurveillance, précise non seulement les modalités de transmission des images aux services de police et de gendarmerie compétents, mais également leur durée de conservation par ces services.

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I- Après le premier alinéa du texte proposé par le a) du 2°de cet article pour insérer quatre alinéas après le deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toute constitution de nouveaux fichiers à partir de ces images et enregistrements ou tout rapprochement avec d'autres traitements sont soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6  janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel.

II- En conséquence, dans le deuxième alinéa a) du 2°  de cet article, remplacer le mot :

quatre

par le mot

cinq

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 4, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer les deux dernières phrases du troisième alinéa du texte proposé par le a) du 2 de cet article pour le  III de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à supprimer une mention inutile et redondante.

M. le président. L'amendement n° 65 rectifié, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour insérer quatre alinéas après le deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, remplacer les mots :

peut à tout moment

par le mot :

doit

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 3, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour le III de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, après les mots :

peut à tout moment exercer

insérer les mots :

, sauf en matière de défense nationale,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence.

Le droit en vigueur prévoit que l'avis préalable de la commission départementale n'est pas requis en matière de défense nationale pour installer un système de vidéosurveillance.

De la même manière, la commission ne peut pas être saisie par toute personne intéressée d'une difficulté tenant au fonctionnement d'un système de vidéosurveillance, lorsque ce dernier concerne la défense nationale.

Par souci de cohérence, il semble donc nécessaire de préciser que la commission départementale ne peut exercer son pouvoir de contrôle lorsque la défense nationale est en cause.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour insérer quatre alinéas après le deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle en effectue une évaluation chaque année.

L'amendement n° 37, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer le 3 de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il convient de rendre effectif le contrôle de la commission départementale. À cet effet, il ne peut être limité à d'éventuelles réclamations présentées par les administrés.

C'est la raison pour laquelle il convient d'instituer un contrôle obligatoire tous les ans, et cela est d'autant plus vrai que les commissions départementales n'ont pas une réelle possibilité de contrôle. Il s'agit souvent d'un simple effet d'affichage.

Or comment ces commissions pourront-elles effectuer un contrôle effectif de l'installation technique des systèmes de vidéosurveillance ? Comment pourront-elles vérifier l'identité de celles et ceux qui se trouveront derrière les caméras, du sort qui sera fait aux images prises ainsi qu'à la destination qui leur sera réservée ?

Par ailleurs, la multiplication et l'extension des systèmes de vidéosurveillance impliquent des conséquences humaines, techniques et budgétaires très lourdes.

Si l'on veut accroître au maximum l'efficacité des systèmes de vidéosurveillance afin de prévenir des actes terroristes, il faudrait qu'il y ait au moins une personne derrière chaque objectif de caméra.

Or, en l'absence d'un personnel suffisant, les images sont d'abord enregistrées, pour pouvoir être consultées ultérieurement des jours, des semaines, voire des mois plus tard. Il n'y a pas d'intervention immédiate de secours.

La fonction de la vidéosurveillance est alors essentiellement psychologique. Mais, comme je l'ai dit, l'effet dissuasif en matière de lutte contre le terrorisme est plus que relatif.

En outre, au facteur humain que suppose une telle intensification, s'ajoute la problématique technique.

Toutes les caméras, tous les systèmes de vidéosurveillance ne se valent pas. En effet, selon les conditions météorologiques, l'obscurité ambiante ou les caractéristiques du lieu dans lesquels les caméras sont installées, on ne peut pas être assuré que les images enregistrées seront d'une qualité d'exploitation convenable.

Seuls des systèmes techniques très complexes peuvent être garants d'une telle qualité. Or, qu'il s'agisse du personnel humain placé derrière les caméras ou des systèmes techniques complexes réellement performants, tout cela a un coût financier très lourd, qui s'élève, au minimum, à des dizaines de millions d'euros.

Ainsi, pour que 1 % d'une ville comme Lyon soit couvert, il conviendrait de dépenser environ 5 millions d'euros, ce qui représente un coût exorbitant, alors que rien, absolument rien, ne permettra de démontrer l'efficacité du dispositif.

Où trouvera-t-on l'argent ? Combien cela coûtera-t-il réellement ? Le Gouvernement ne nous en dit absolument rien.

On tente de nous faire basculer dans l'ère de Big Brother, alors que de tels choix techniques, à l'efficacité toute relative, risquent de grever le budget du renseignement humain, qui, malgré ses failles et ses zones d'ombre, caractérise le dispositif français, efficace en matière de lutte antiterroriste ?

Je voudrais mettre l'accent sur une autre difficulté. Si la vidéosurveillance n'a pour objet unique que l'élucidation des délits, l'intervention rapide en vue de porter assistance à des personnes en danger n'impliquerait-elle pas une augmentation importante des effectifs des services de police, notamment de la police de proximité ?

Or, à cet égard, comme j'ai eu l'occasion de le dire précédemment, le dispositif préexistant, issu de la loi du 21 janvier 1995, permet déjà la vidéosurveillance. Malheureusement, à ce jour, nous ne disposons d'aucune évaluation, ni d'aucun bilan a fortiori de ce système. Il serait pourtant intéressant, nous semble-t-il, cinq ans après le vote de la loi, de savoir où nous en sommes exactement.

Alors que les garanties indispensables sont absentes ou insuffisantes dans le projet de loi qui nous est soumis, à ce système déjà exorbitant vient s'ajouter une procédure dérogatoire encore plus exorbitante.

C'est ainsi qu'est instituée une procédure d'urgence permettant une autorisation provisoire de quatre mois pour l'installation d'un système de vidéosurveillance, sans avis préalable de la commission départementale.

Seul le préfet pourra octroyer cette autorisation, l'avis de la commission n'intervenant que pour régulariser une installation préalablement mise en place.

Après l'atteinte supposée aux droits et libertés de chacun, s'ajoutera alors une autre atteinte manifeste.

Ce caractère manifestement attentatoire est renforcé par la règle selon laquelle la commission n'intervient que quatre mois après la décision unilatérale et discrétionnaire du préfet. En d'autres termes, une fois de plus, les juges sont écartés !

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer les deux dernières phrases du second alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un III bis à l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995.

L'amendement n° 6, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le 3° de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

3° bis Au VI, après les mots : « Le fait » sont insérés les mots : « d'installer un système de vidéosurveillance ou de le maintenir sans autorisation, » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 5 est un amendement rédactionnel tendant à supprimer une mention inutile et redondante.

S'agissant de l'amendement n° 6, le paragraphe VI de l'article 10 de la loi de 1995 définit les sanctions pénales applicables en cas de non-respect de la législation en matière de vidéosurveillance.

Toutefois, étonnamment, dans l'hypothèse où un exploitant maintiendrait un système de vidéosurveillance ne bénéficiant plus d'une autorisation, mais ne disposant pas de dispositif d'enregistrement, il ne pourrait pas être sanctionné sur le fondement du paragraphe VI, lequel ne réprime que le fait de procéder à des enregistrements sans autorisation.

Cet amendement a pour objet de remédier à cette situation en obligeant les exploitants à retirer les systèmes non autorisés ou qui ne le sont plus.

M. le président. L'amendement n° 86, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début de la première phrase du texte proposé par le 4° de cet article pour le VII de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier1995, après les mots :

Un décret en Conseil d'État

insérer les mots :

, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés,

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Cet amendement répond au même souci de faire intervenir la CNIL, ce qui constitue, pour nous, une garantie minimale.

En effet, la CNIL doit pouvoir jouer son rôle, tout son rôle. Encore faut-il lui en donner les moyens.

En participant à la rédaction des décrets d'application, elle pourrait exercer sa mission d'intérêt général consistant à veiller à ce que l'informatique soit au service du citoyen et ne porte atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles et publiques, autant de droits garantis par la Constitution.

Le Gouvernement peut-il nous dire, dès aujourd'hui, quand seront publiés les décrets d'application, qui conditionnent l'application de la loi ?

Figurent, d'ailleurs, dans ce texte, des articles déjà adoptés lors du vote de la loi pour la sécurité intérieure, et qui feront l'objet d'un nouvel examen devant le Parlement, faute d'avoir trouvé, jusqu'à présent, leur raison d'être du fait d'une carence réglementaire.

Dans son rapport écrit, M. Courtois demande que le Gouvernement publie une circulaire d'application à destination des maires. Pourquoi pas ? Il semblerait que de nombreuses municipalités attendent cette loi pour installer des systèmes de vidéosurveillance.

De la même manière, notre rapporteur suggère que l'arrêté devant fixer les normes techniques soit pris le plus rapidement possible afin que des travaux qui ne sont pas aux normes ne soient pas engagés, car cela entraînerait des dépenses supplémentaires.

Monsieur le président, du fait d'un incident technique, je n'ai pu tout à l'heure présenter l'amendement n° 85. Je dirai simplement qu'il visait également à tenir compte des recommandations de la CNIL, ce qui allait exactement dans le même sens que l'amendement que je viens de présenter.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du texte proposé par le 4°de cet article pour le  VII de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, après les mots :

les conditions dans lesquelles les agents

insérer les mots :

visés au III

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 64, qui tend à supprimer l'article 1er, il est évident que la commission ne peut qu'y être défavorable. Elle a, pour sa part, déposé plusieurs amendements sur cet article.

Sur un plan personnel, je voudrais souligner que la vidéosurveillance me paraît particulièrement importante, à titre préventif, en ce qu'elle permet d'identifier, au moyen de photos, de films, des individus susceptibles de repérer des lieux au préalable, mais aussi, même si ce n'est qu'a posteriori, malheureusement, d'identifier les commanditaires.

Un tel dispositif nous paraît donc important pour éviter que ces individus ne recommencent et pour qu'ils puissent être punis par la justice de notre pays.

En conséquence, la commission est très défavorable à l'amendement n° 64.

S'agissant de l'amendement n° 35, il tend, notamment, à supprimer la possibilité pour des personnes morales privées de filmer la voie publique aux abords de leurs bâtiments ou installations aux fins de prévenir des actes de terrorisme.

Cet amendement est contraire à la position de la commission des lois. Je rappelle que de tels systèmes de vidéosurveillance ne pourraient être installés que dans les lieux susceptibles d'être exposés à des actes de terrorisme, en particulier les lieux très fréquentés. En outre, la technologie permettant d'ores et déjà d'empêcher de filmer l'intérieur des habitations privées, le détournement de tels systèmes serait de fait très difficile.

Par ailleurs, les commissions départementales auront désormais un pouvoir de contrôle propre. Ne préjugeons donc pas leur insuffisance.

Aussi la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 84, il vise à restreindre la possibilité pour les services de police et de gendarmerie d'accéder aux images et enregistrements des systèmes de vidéosurveillance aux seul cas où l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'acte terroriste le requièrent.

Le projet de loi ne limite pas cet accès à cette seule finalité. Le préfet pourrait ainsi autoriser, pour un système de vidéosurveillance déterminé, l'accès aux images aux services de police et de gendarmerie. La vidéosurveillance est envisagée comme un outil général de police administrative. Cet accès n'est pas exempt de garantie, puisque seuls des agents individuellement désignés et dûment habilités en auraient le droit.

D'ailleurs, l'amendement n° 51 rectifié ter, présenté par M. Portelli, précise que la conservation de ces images ne peut excéder un mois.

Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à une restriction du droit d'accès qui s'inscrit dans un cadre de police administrative et non de police judiciaire, contrairement à ce qui est prévu dans le présent amendement, sur lequel la commission a, par conséquent, émis un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 51 rectifié ter, il précise que les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie qui ont accès aux images de vidéosurveillance ne peuvent, en tout état de cause, conserver ces images plus d'un mois.

Il s'agit d'aligner le plus possible le régime d'accès à ces images par les services de police et de gendarmerie sur le régime de droit commun en matière de vidéosurveillance.

C'est la raison pour laquelle la commission est favorable à cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 65 rectifié, très proche de l'amendement n°36, il tend à rendre obligatoire tous les ans le contrôle de chaque système de vidéosurveillance par la commission départementale.

Le projet de loi prévoit seulement qu'elle peut exercer à tout moment un contrôle sans en préciser la périodicité.

Or je crains qu'un tel amendement n'engorge complètement l'activité des commissions départementales ; un examen annuel ne me paraît pas indispensable. La commission doit cibler son contrôle sur les systèmes les plus sensibles ou ayant fait l'objet d'un signalement par un tiers.

En outre, il est prévu dans le projet de loi que l'autorisation préfectorale sera délivrée pour une durée de cinq ans, contre une durée indéterminée aujourd'hui. Ce renouvellement périodique sera l'occasion d'un réexamen du système installé.

Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements.

Pour ce qui est de l'amendement n° 37, il vise à supprimer la procédure d'urgence au motif que celle-ci permettrait de contourner l'ensemble des garanties prévues par la loi.

Or, selon nous, la portée de cette procédure d'urgence ne doit pas être exagérée, puisque celle-ci n'est applicable qu'en cas de risque d'actes de terrorisme.

Par ailleurs, l'avis préalable de la commission départementale n'est pas requis uniquement pour l'autorisation provisoire d'une durée maximale de quatre mois. Cette commission peut également donner son avis quand elle le souhaite, même si l'avis préalable reste requis pour la délivrance de l'autorisation préfectorale définitive. L'urgence n'efface donc pas les garanties mises en place.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Enfin, s'agissant de l'amendement n° 86, il tend à prévoir que le décret d'application de l'article 10 de la loi de 1995 est pris après avis de la CNIL. Or il convient de rappeler que la CNIL n'est pas compétente en matière de vidéosurveillance, sauf s'il y a constitution de fichier, ce qui n'est pas le cas.

La commission est donc également défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mesdames Assassi et Boumediene-Thiery, avec les amendements nos 64 et 35, vous proposez quasiment de supprimer l'article 1er du projet de loi, qui permet de développer l'installation de réseaux de télésurveillance pour faire face à la menace terroriste dans notre pays.

Comme je l'ai dit hier soir, je suis très ému que vous considériez la mise en place de caméras de télésurveillance, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et de la prévention des attentats, comme un élément de privation de liberté, quand, au contraire, elle contribue à garantir nos droits, dont le premier est tout de même d'assurer la sécurité de nos concitoyens.

Mme Éliane Assassi. Toujours la même rengaine !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Assassi, vous avez affirmé que la télésurveillance était inutile car elle ne pouvait éviter les d'attentats suicides ! Nous estimons, au contraire, que les caméras permettent, d'une part, de détecter des comportements qui pourraient être les prémices d'attentats criminels et terroristes et, d'autre part, de démanteler les réseaux et d'arrêter les commanditaires.

Permettez-moi de vous rappeler que les commanditaires des attentats de Londres ont été interpellés et mis hors d'état de nuire grâce aux caméras de télésurveillance, ce qui, du même coup, a sûrement permis d'éviter d'autres attaques. Or, madame Assassi, vous semblez estimer que, après tout, l'interpellation des commanditaires, grâce au système de caméras de télésurveillance, n'apporte rien de plus et qu'il valait mieux laisser les commanditaires en liberté ! Telle est la logique de votre raisonnement.

Au contraire, nous considérons, nous, qu'il est plus criminel encore d'être l'organisateur ou le commanditaire d'un attentat que le kamikaze lui-même. Il est donc de notre devoir de nous donner tous les moyens de développer ces systèmes, comme l'a fait le Royaume-Uni.

Vous évoquez une « installation de caméras massive et généralisée ». Il faut relativiser ! Voici simplement les chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs : nous disposons, aujourd'hui, en France, d'environ 300 000 caméras de vidéosurveillance, réparties entre 250 communes. Le Royaume-Uni en compte 4 millions, et il s'est donné comme objectif de passer à 25 millions ! La différence est considérable, d'autant qu'avec cet article 1er, nous nous fixons, nous, un objectif qualitatif, et non quantitatif.

Il est donc évident que ces amendements de suppression de l'article 1er ne se justifient pas. De surcroît, madame Alima Boumediene-Thiery, vous faites référence aux mosquées et aux synagogues, ...

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je n'ai jamais dit cela !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...alors que nous savons qu'elles comptent parmi les lieux les plus menacés de notre territoire et que les deux communautés concernées insistent fortement auprès du Gouvernement pour que des dispositions soient prises pour assurer la protection de chacun de leurs membres.

Nous avons le devoir impératif de leur apporter une réponse positive et concrète. Sincèrement, madame Boumediene-Thiery, je m'étonne que vous fassiez référence à ces lieux de culte comme à une menace pour les libertés individuelles dès lors que nous y installerions des caméras de surveillance pour y assurer la protection et la sécurité des membres de la communauté.

Le Gouvernement est donc totalement défavorable aux amendements n°s 64 et 35.

S'agissant de l'amendement n° 84, je ferai quatre remarques.

Premièrement, définir a priori dans la loi les cas où les images pourront être visionnées et analysées par les services de police et de gendarmerie affecterait grandement l'efficacité de la lutte contre le terrorisme, lequel revêt un caractère multiforme et imprévisible, comme vous le savez.

Deuxièmement, il est nécessaire de ne pas figer dans la loi la désignation des services dont la mission serait spécialement, en cas d'attaque terroriste, d'avoir accès aux images et de les exploiter, à un moment où la mobilisation de toutes nos forces serait nécessaire.

Troisièmement, en tant que décisions de police administrative, prises en vue d'assurer la sécurité publique, ces décisions peuvent faire l'objet d'un contrôle du juge administratif, et de lui seul.

Quatrièmement, il n'est pas nécessaire de mentionner que la transmission des images et l'accès aux enregistrements se feront au cas par cas. Il est prévu, en effet, que ces décisions figureront dans l'autorisation même ou, par la suite, seront prises relativement à un système de vidéosurveillance donné. Elles seront donc nécessairement examinées au cas par cas, en fonction de l'appréciation du contexte spécifique au système concerné.

Monsieur Courtois, le Gouvernement est bien évidemment favorable à vos amendements nos 2 et 1. S'agissant de ce dernier, je tiens à préciser que les agents seront mentionnés ès qualités et que leur désignation nominative et leur habilitation relèveront des chefs de service de la police et de la gendarmerie.

Concernant l'amendement n° 51 rectifié ter, qui a pour objet de pallier une insuffisance du texte proposé, l'avis du Gouvernement est favorable.

L'amendement n° 3 de M. Jean-Patrick Courtois tend à introduire une précision justifiée. J'y suis donc favorable, comme à l'amendement n° 4.

S'agissant de l'amendement n° 36 de Mme Alima Boumediene-Thiery, l'avis du Gouvernement est défavorable, car le projet de loi répond déjà entièrement aux préoccupations qui se trouvent à l'origine de cet amendement, qui nous paraît donc inutile.

Le Gouvernement est également défavorable, bien sûr, à l'amendement n° 37. Je l'expliquerai par un exemple. Un magasin qui ne serait pas équipé de vidéosurveillance peut-il demander au préfet l'autorisation de s'équiper très rapidement ?

Imaginons que, demain, se produise une flambée de violence terroriste dans notre pays et que certains magasins, afin d'assurer la sécurité de leurs clients, souhaitent prendre des mesures rapides pour s'équiper techniquement en systèmes de vidéosurveillance. Aux termes de la législation actuelle, ce serait impossible, il faut le savoir ! Mais demain, grâce à ces dispositions, ce sera possible en cas d'urgence et d'exposition particulière à un risque d'acte terroriste : le préfet pourra autoriser l'installation de caméras, pour une période limitée à quatre mois, au cours de laquelle, d'ailleurs, la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance devra donner son avis.

Je ne vois pas en quoi cette procédure de bon sens serait attentatoire aux libertés.

Monsieur Jean-Patrick Courtois, je vous remercie de contribuer, par les amendements nos 5, 6 et 7 à l'amélioration du texte. Le Gouvernement y est évidemment favorable.

Enfin, s'agissant de l'amendement n° 86, je répondrai à M. Mermaz que le décret fixant les modalités d'application de l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 ne relève pas de la compétence de la CNIL et ne doit donc pas être soumis à son avis, car il porte sur des systèmes de vidéosurveillance qui se situent hors du champ d'application de la loi du 6 janvier 1978.

Les deux réglementations s'excluent l'une l'autre. Les fichiers normatifs qui sont structurés selon des critères permettant d'identifier les personnes physiques et qui utilisent des images enregistrées par un système de vidéosurveillance sont soumis, aux termes du I de l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995, aux conditions prévues par la loi du 6 janvier 1978, donc au contrôle de la CNIL, et non à la réglementation relative à la vidéosurveillance.

Par ailleurs, monsieur Mermaz, vous vous êtes inquiété des décrets d'application de la loi. Je veux vous rassurer : le ministre d'État a demandé à ses services de travailler d'ores et déjà à leur rédaction, afin que la loi, une fois votée, puisse être appliquée dans les meilleurs délais.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaite interpeller M. le ministre car, à aucun moment dans mon intervention, je n'ai parlé de synagogue ni de mosquée ! (M. le ministre s'entretient avec un sénateur.)

Monsieur le ministre, vous pourriez écouter ce que je vous dis ! Votre attitude témoigne d'un manque de respect.

M. le président. Monsieur le ministre, Mme Alima Boumediene-Thiery vous interpelle ! (M. Christian Estrosi se tourne vers Mme Boumediene-Thiery.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, je n'ai parlé à aucun moment de synagogue ni de mosquée. Je vous mets, d'ailleurs, au défi de réécouter l'enregistrement de la séance ou de consulter le compte rendu intégral des débats : vous verrez que, dans mes propos, il n'est jamais question de mosquées ou de synagogues, mais de lieux de culte.

Je tenais à le souligner, parce que, d'une part, en ce qui me concerne, je ne fais pas d'amalgame entre terrorisme et religion.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous non plus !

Mme Alima Boumediene-Thiery. D'autre part, vos propos révèlent vos fantasmes. Est-ce parce que je m'appelle Boumediene que vous pensez aux mosquées et aux synagogues ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Cela suffit ! Vous exagérez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Messieurs de l'UMP, gardez votre calme !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Enfin, si vous nous écoutiez davantage, au lieu de lire vos notes, vous nous répondriez mieux ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, gardons un peu de sérénité à ce débat, je vous en prie !

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Boumediene-Thiery, tout d'abord, je ne vous ai jamais manqué de courtoisie, et je regrette que vous n'en fassiez pas autant à mon égard, comme le montre, notamment, votre utilisation, à l'endroit du modeste représentant de l'État que je suis, du terme de fantasme. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Éliane Assassi. Mais vous avez des fantasmes !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout le monde a des fantasmes ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ces propos ne me semblent pas dignes de vous ni de la Haute Assemblée.

C'est le texte même de votre amendement qui fait référence aux synagogues et aux mosquées, puisqu'il interdirait aux personnes qui régissent, administrent et animent les lieux de culte d'installer des caméras ! Madame Boumediene-Thiery, j'en suis désolé, mais vous y faites implicitement référence en évoquant les lieux de culte. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Eh oui, « implicitement » !

Mme Éliane Assassi. Les lieux de culte en général !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les églises ? Il y a beaucoup plus d'églises en France que de synagogues et de mosquées ! Notre-Dame de Paris est un lieu important à surveiller !

M. Josselin de Rohan. Si madame Borvo Cohen-Seat veut s'exprimer, qu'elle demande la parole !

M. le président. Mes chers collègues, un peu de sérénité !

Je mets aux voix l'amendement n° 64.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 61 :

Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 252
Majorité absolue des suffrages exprimés 127
Pour l'adoption 31
Contre 221

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 2

Article 1er bis

Un arrêté ministériel détermine les services dont les missions consistent à lutter contre le terrorisme au sens de la présente loi. Pour l'application des articles relatifs à la vidéosurveillance, des arrêtés préfectoraux fixent la liste de ces services au plan départemental.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l'article 1er bis, car le choix de situer de telles dispositions à cet endroit du texte n'est pas satisfaisant. Puisque celles-ci prévoient notamment qu'un arrêté ministériel détermine les services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme « au sens de la présente loi », elles auraient plutôt leur place dans les dispositions finales que dans le chapitre relatif à la vidéosurveillance.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous présenterai tout à l'heure un amendement tendant à reprendre ces dispositions et à préciser que les services concernés sont uniquement les services de police et de gendarmerie.

En revanche, je vous proposerai d'abandonner la seconde phrase de l'article 1er bis, selon laquelle des arrêtés préfectoraux fixent, en matière de vidéosurveillance, la liste de ces services au niveau départemental. Cette précision paraît inutile et relève d'une mauvaise compréhension de l'article 1er. En effet, ce dernier limite l'accès aux images de vidéosurveillance, non pas aux seuls services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme, mais aux seuls agents des services de police et de gendarmerie individuellement désignés et dûment habilités.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le rapporteur, sans être hostile à la position de la commission, je rappellerai simplement que cet article est issu d'un amendement du groupe socialiste adopté par l'Assemblée nationale. Le vote d'un sous-amendement a d'ailleurs permis d'améliorer la rédaction de l'article, puisque le décret en Conseil d'État initialement prévu a été remplacé par un arrêté ministériel, lequel déterminera « les services dont les missions consistent à lutter contre le terrorisme au sens de la présente loi ». Cette disposition est véritablement nécessaire.

Cela dit, lorsque nous examinerons l'amendement de la commission tendant à rétablir l'article, il serait bon d'avoir un débat sur l'intérêt de la seconde phrase, puisque vous nous avez annoncé votre intention de supprimer l'intervention des services préfectoraux.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 1er bis est supprimé.

Art. 1er bis
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Art. 3

Article 2

Après l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 précitée, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :

« Art.10-1. - I. - Aux fins de prévention d'actes de terrorisme, le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent prescrire la mise en oeuvre, dans un délai qu'ils fixent, de systèmes de vidéosurveillance, aux personnes suivantes :

« - les exploitants des lieux et établissements ouverts au public aux fins d'y assurer la sécurité des personnes et des biens lorsque ces lieux et ces établissements sont particulièrement exposés à des actes de terrorisme ;

« - les exploitants des établissements, installations ou ouvrages mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense ;

« - les gestionnaires d'infrastructures, les autorités et personnes exploitant des transports collectifs, relevant de l'activité de transport intérieur régie par la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

« - les exploitants d'aéroports qui n'étant pas visés aux deux alinéas précédents, sont ouverts au trafic international.

« II. - Préalablement à leur décision et sauf en matière de défense nationale, le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police saisissent pour avis la commission départementale instituée à l'article 10, quand cette décision porte sur une installation de vidéosurveillance filmant la voie publique ou des lieux et établissements ouverts au public. La commission départementale exerce un pouvoir de contrôle dans les conditions prévues au dernier alinéa du 1° du III de l'article 10.

« Les systèmes de vidéosurveillance installés en application du présent article sont soumis aux dispositions des quatrième et cinquième alinéas du II et des deuxième, troisième, quatrième et sixième alinéas du III de l'article 10.

« III. - Lorsque l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme le requièrent, le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent prescrire, sans avis préalable de la commission départementale, la mise en oeuvre d'un système de vidéosurveillance, exploité dans les conditions prévues par le II du présent article. Le président de la commission est immédiatement informé de cette décision. Il peut alors réunir sans délai cette dernière afin qu'elle donne un avis sur la mise en oeuvre de la procédure de décision provisoire.

« Avant l'expiration d'un délai maximal de quatre mois, le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police, recueillent l'avis de la commission départementale sur la mise en oeuvre du système de vidéosurveillance conformément à la procédure prévue au III de l'article 10 et se prononcent sur son maintien.

« IV. - Si les personnes mentionnées au I refusent de mettre en oeuvre le système de vidéosurveillance prescrit, le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police, les mettent en demeure de procéder à cette installation dans le délai qu'ils fixent en tenant compte des contraintes particulières liées à l'exploitation des établissements, installations et ouvrages et, le cas échéant, de l'urgence.

« V. - Est puni d'une amende de 150 000 € le fait pour les personnes mentionnées au I de ne pas avoir pris les mesures d'installation du système de vidéosurveillance prescrit à l'expiration du délai défini par la mise en demeure mentionnée au IV.

« VI. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles le public est informé de l'existence d'un dispositif de vidéosurveillance ainsi que de l'identité de l'autorité ou de la personne responsable. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles les agents sont habilités à accéder aux enregistrements et les conditions dans lesquelles la commission départementale exerce son contrôle. »

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 66, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 2 se situe dans la même logique que l'article 1er puisqu'il tend également à étendre l'utilisation de la vidéosurveillance dans le but de lutter contre le terrorisme.

Ainsi, le préfet peut prescrire la mise en oeuvre de dispositifs de vidéosurveillance de certains sites particulièrement sensibles et visés par le code de la défense et celui de l'environnement, tels que les centrales nucléaires, les barrages, mais aussi les usines chimiques.

Toutefois, pour ces installations sensibles, une procédure dérogatoire d'urgence est prévue et permet au préfet de passer outre l'avis de la commission départementale. Ces sites sont pourtant soumis à une réglementation très stricte en matière de sécurité puisqu'ils doivent disposer, si ce n'est déjà le cas, d'un plan efficace en matière de surveillance, d'alarme et de protection matérielle.

Puisque les sites visés sont déjà dotés des moyens proposés, le seul risque contre lequel il faudrait encore se prémunir est celui d'une attaque aérienne. Par conséquent, nous ne comprenons pas du tout l'utilisation des caméras pour la protection de ces lieux.

M. le président. L'amendement n° 52 rectifié ter, présenté par MM. Portelli, Türk et Nogrix, Mme Malovry, MM. Mouly, Seillier, Cambon, Goujon et Lecerf, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour insérer un article 10-1 dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Le pouvoir préfectoral d'imposer l'utilisation des caméras nous semble devoir être limité aux seuls sites d'intérêt public sur lesquels pèse une menace terroriste susceptible d'entraîner une désorganisation massive du fonctionnement du pays.

Pour les autres lieux et établissements ouverts au public, il nous paraît préférable que les préfets privilégient la voie de la concertation, pour sensibiliser les responsables de ces lieux et de ces établissements et pour les inciter à mettre en place des systèmes de vidéosurveillance.

M. le président. Les amendements nos 59, 60 et 61 sont présentés par MM. Badré, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste-UDF.

L'amendement n° 59 est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 10-1 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995, après les mots :

exploitants

insérer les mots :

ou pour ce qui concerne les transports collectifs relevant de l'activité de transport intérieur régie par la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, les autorités organisatrices,

L'amendement n° 60 est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début de l'avant-dernier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 10-1 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 :

- les autorités organisatrices de transports, relevant...

L'amendement n° 61 est ainsi libellé :

Compléter le I du texte proposé par cet article pour l'article 10-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, par un alinéa ainsi rédigé:

« Les surcoûts identifiables et spécifiques éventuellement exposés par les exploitants et les gestionnaires mentionnés aux précédents alinéas pour la mise en oeuvre de systèmes de vidéosurveillance font l'objet d'une compensation financière.

La parole est à M. Jean-Claude Merceron, pour présenter ces trois amendements.

M. Jean-Claude Merceron. Ces amendements visent à modifier et à clarifier les compétences entre les différents organismes concourant à l'organisation et au fonctionnement des transports collectifs.

Ainsi, il convient de cerner au mieux les responsabilités de chacun des acteurs de la sécurité dans les transports. C'est pourquoi il est proposé que les autorités organisatrices des services de transports de personnes soient les destinataires de la prescription du préfet, ou du préfet de police de Paris, de mettre en oeuvre des systèmes de vidéosurveillance.

Par ailleurs, l'obligation de mettre en place des systèmes de vidéosurveillance dans les réseaux de transports collectifs pose la question de leur financement. Le projet de loi étant silencieux sur cet aspect, il est proposé, à l'instar de ce qui est prévu à l'article 5 pour les opérateurs de télécommunication, que le surcoût supporté par les exploitants et les gestionnaires pour la mise en oeuvre de tels systèmes fasse l'objet d'une compensation financière.

L'État est le garant de la sécurité intérieure et, notamment, de la protection des citoyens face à la menace terroriste. Il doit donc assumer pleinement toute sa responsabilité, en prenant notamment en charge financièrement les conséquences des ordres qu'il donne par l'intermédiaire de ses représentants.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour insérer un article 10-1 dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit de supprimer une mention redondante avec les dispositions de l'alinéa suivant. En effet, la possibilité pour la commission départementale d'exercer son contrôle à tout moment est déjà satisfaite.

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié quater, présenté par MM. Portelli, Türk et Nogrix, Mme Malovry, MM. Mouly, Seillier, Cambon, Goujon et Lecerf, est ainsi libellé :

I. Rédiger comme suit le second alinéa du II du texte proposé par cet article pour insérer un article 10-1 dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 :

« Les systèmes de vidéosurveillance installés en application du présent article sont soumis aux dispositions des quatrième et cinquième alinéas du II, des deuxième, troisième, quatrième et sixième alinéas du III, du IV, du V, du VI et du VII de l'article 10.

II. En conséquence, supprimer le VI du même texte.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. La rédaction actuelle de l'article 2 soumet les systèmes de vidéosurveillance à certaines garanties, mais celles-ci nous paraissent insuffisantes.

Compte tenu de l'extension considérable des dispositifs de surveillance des lieux publics induite par les dispositions de cet article, il nous semble en effet essentiel d'apporter aux citoyens des garanties en termes de transparence, qu'il s'agisse du droit d'accès aux enregistrements ou du rappel de la faculté de saisir la commission départementale ou la juridiction concernée.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au début de la deuxième phrase du premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour insérer un article 10-1 dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, ajouter les mots :

Quand cette décision porte sur une installation de vidéosurveillance filmant la voie publique ou des lieux ou établissements ouverts au public,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. Il convient que la commission départementale ne soit compétente que dans les cas où la vidéosurveillance filme la voie publique ou des lieux ouverts au public.

M. le président. L'amendement n° 87, présenté par MM. Peyronnet, Badinter et Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et Tasca, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz, Sueur, Vantomme et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début de la première phrase du VI du texte proposé par cet article pour l'article 10-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, après les mots :

Un décret  en Conseil d'État

insérer les mots :

, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés,

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement ne devrait pas, à mon sens, poser de problèmes. Nous proposons en effet que le décret en Conseil d'État qui est prévu soit pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Qui verra, ici, un obstacle à ce que l'avis de cette commission soit sollicité avant de publier un tel décret ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Elle n'est pas compétente !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission est évidemment défavorable à l'amendement n° 66 de suppression de l'article, car nous devons nous prémunir contre les risques pesant, notamment, sur les centrales nucléaires.

L'amendement n° 52 rectifié ter vise à supprimer la possibilité offerte au préfet de prescrire l'installation d'un système de vidéosurveillance aux exploitants de lieux et établissements ouverts au public. Cette faculté, qui a été introduite à l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement du groupe socialiste, a eu pour conséquence d'élargir considérablement le champ d'application de l'article 2, alors que la rédaction initiale du texte restreignait le recours à cette procédure de prescription aux seuls sites d'intérêt public sur lesquels pèse une menace terroriste particulière.

La commission émet naturellement un avis favorable sur l'amendement n° 52 rectifié ter, qui tend donc à revenir à cette rédaction initiale. Autrement, nous risquerions de rompre l'équilibre obtenu dans la loi de 1995 en matière de vidéosurveillance.

Les amendements nos 59, 60 et 61 du groupe de l'Union centriste-UDF tendent à modifier la définition des personnes chargées des transports collectifs qui pourraient se voir prescrire par le préfet l'installation de systèmes de vidéosurveillance.

Le projet de loi fait peser cette obligation sur les exploitants et sur les gestionnaires des transports collectifs. Les amendements nos 59 et 60 tendent à la faire reposer sur les autorités organisatrices des transports. Or il me semble que ces autorités, telles que les régions ou les communes, ne sont pas les plus aptes à réagir à la décision du préfet, si elles n'exploitent pas directement les transports collectifs. La rédaction proposée nous semble donc moins claire.

En outre, le fait de prévoir, par l'amendement n° 61, la prise en charge par l'État des surcoûts constatés présente deux risques d'écueil.

D'une part, si une compensation financière de l'État est décidée, les exploitants de transports collectifs ou d'installations vitales risquent de faire délibérément porter le coût de ces systèmes sur l'État et de refuser d'installer des systèmes de vidéosurveillance dans l'attente que le préfet les prescrive. Il importe donc que la disposition prévue, qui doit permettre d'éviter quelques cas de carence manifeste, ne soit pas détournée.

D'autre part, la charge de ces investissements doit incomber aux exploitants des systèmes de vidéosurveillance, qui sont tenus d'assurer la sécurité des personnes qu'ils reçoivent et, plus généralement, celle de leurs clients. La législation et la réglementation prévoient déjà de trop nombreuses prescriptions de sécurité qui ne font l'objet d'aucune compensation. C'est ainsi le cas en matière de sécurité incendie et d'obligation de surveillance dans de nombreux domaines tels que certains garages ou parcs de stationnement. L'adoption de cette mesure entraînerait donc un transfert de charges.

Compte tenu de ces explications et de la position du Gouvernement sur ce sujet, la commission vous demande donc, monsieur Merceron, de bien vouloir retirer ces trois amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

L'amendement n° 53 rectifié quater tend à aligner le plus possible le régime applicable aux systèmes de vidéosurveillance installés en vertu du présent article sur celui de droit commun. En effet, la nouvelle procédure instaurée ne diffère de la procédure normale que pour ce qui concerne la personne qui demande l'installation de systèmes de vidéosurveillance.

L'amendement n° 53 rectifié quater précise, par renvoi à l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995, que la durée de conservation des enregistrements ne peut être supérieure à un mois. Par ailleurs, toute personne intéressée a un droit d'accès aux images dans les conditions prévues par l'article 10 précité.

En outre, cet amendement a été rectifié, à la demande de la commission, afin d'aligner encore plus complètement les deux procédures susvisées. Par conséquent, la commission émet un avis favorable.

L'amendement n° 87 prévoit que le décret en Conseil d'État précisant les modalités d'application de l'article 2 est pris après avis de la CNIL. Or cette dernière n'est pas compétente en matière de vidéosurveillance. La loi de 1995 a d'ailleurs tranché en ce sens. Bien entendu, si la vidéosurveillance donnait lieu à la constitution de fichiers, cette action relèverait de la CNIL. Mais c'est un autre sujet puisque, en l'occurrence, tel n'est pas le cas. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'amendement n° 66 tend à supprimer l'article 2 du projet de loi, ce qui reviendrait à priver les autorités publiques d'un moyen d'action essentiel dans la lutte contre le terrorisme qui menace notre pays. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Monsieur Lecerf, par l'amendement n° 52 rectifié ter, vous proposez de supprimer la possibilité pour les préfets d'imposer l'installation de systèmes de vidéosurveillance dans les lieux et établissements ouverts au public. Je partage votre préoccupation de reconnaître le droit aux préfets d'imposer un système de vidéosurveillance uniquement dans les lieux où la nécessité de se prémunir contre des actes de terrorisme est la plus accrue.

En la matière, une contradiction apparaît de façon flagrante entre les membres du groupe socialiste de l'Assemblée nationale et ceux du Sénat. Alors que M. Dray, à l'Assemblée nationale, a fait adopter un amendement maximaliste, considérant qu'il fallait développer le plus possible les lieux d'implantation de caméras de télésurveillance, à la Haute Assemblée, les membres du groupe socialiste estiment au contraire que cette mesure est totalement inutile...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Qu'il en faut le moins possible !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... et qu'il ne faudrait surtout pas permettre à l'autorité administrative de multiplier le nombre d'implantations.

Bien évidemment, monsieur Lecerf, je partage totalement votre point de vue tendant à corriger la vision maximaliste des membres du groupe socialiste de l'Assemblée nationale. Il nous appartient de réglementer les lieux d'implantation. Contrairement aux établissements d'importance vitale ou aux infrastructures de moyens de transports, les lieux ouverts au public peuvent difficilement être considérés comme une catégorie homogène de sites exposés à une menace terroriste. Le Gouvernement est donc totalement favorable à cet amendement, qui revient à la rédaction initiale du projet de loi.

En ce qui concerne les amendements nos 59, 60 et 61, je rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'article 2 du projet de loi aborde la question des transports collectifs et de leur équipement en matériel de vidéosurveillance. Si les exploitants n'ont pas souhaité demander l'autorisation d'équiper les lieux concernés de systèmes de vidéosurveillance, selon le régime normal de l'article 1er, alors que le préfet estime un tel équipement nécessaire pour lutter contre le terrorisme, aux termes de l'article 2, ce dernier peut imposer à ces exploitants l'installation de caméras.

En l'occurrence est bien visé le gestionnaire. C'est sur lui - RATP ou entreprise équivalente - que pèsera la charge. Les autorités organisatrices ne sont pas directement mises en cause.

De même qu'un établissement recevant du public doit respecter des normes de sécurité, que tout élu local connaît bien, de même qu'une usine classée « Seveso » doit elle aussi respecter des normes, il est tout à fait envisageable qu'un exploitant de transports collectifs soit contraint d'équiper en caméras un hall de gare, un couloir de métro ou une rame de tramway, si la lutte antiterrorisme l'exige. C'est souhaitable tant pour les usagers que pour l'intérêt général.

Aucun principe ne s'oppose à ce que, sans compensation financière, une telle mesure soit imposée aux opérateurs. C'est d'ailleurs ce raisonnement qui a dicté l'avis rendu par le Conseil d'État sur ce point.

Fort de cette explication et de l'avis émis par la commission des lois, je vous demande, monsieur Merceron, de bien vouloir accepter de retirer les amendements nos 59, 60 et 61.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 9 de la commission, ainsi que sur l'amendement n° 53 rectifié quater, car la proposition formulée est tout à fait justifiée, et sur l'amendement n° 10, texte de cohérence.

Pour ce qui concerne l'amendement n° 87, comme je l'ai indiqué, la CNIL n'a pas à intervenir systématiquement en matière de vidéosurveillance. En l'espèce, aucune constitution de fichier informatique n'est prévue, c'est-à-dire un traitement automatisé de données, au sens de la loi du 6 janvier 1978. Je veux rappeler en cet instant que, depuis 2004, la CNIL est destinataire d'un rapport du Gouvernement relatif à l'ensemble de la vidéosurveillance en France. C'est dans ce cadre qu'elle aura à connaître des développements de la vidéosurveillance. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 87.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote sur l'amendement n° 52 rectifié ter.

M. Charles Gautier. Monsieur le ministre, je veux réagir contre vos méthodes, notamment contre vos propos à l'égard de Mme Boumediene-Thiery. Et maintenant, voilà que vous vous faites l'exégète de la pensée des élus socialistes tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat en cherchant à opposer les deux groupes, ce que vous n'arriverez pas à faire, je tiens à vous le dire tout de suite, monsieur le ministre.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous n'avez pas la même position !

M. Charles Gautier. Vous employez toujours la même méthode. Vous nous prêtez des propos qui ne sont pas les nôtres.

Vous avez dit tout à l'heure que nous nous opposions à l'extension du champ des caméras où que ce soit. M. Mermaz n'a pas du tout défendu cette position. Si nous acceptons tout à fait l'utilisation de caméras, nous demandons toutefois que l'extension du champ des caméras et la définition des sites de leur implantation, qu'ils soient publics ou privés, soient encadrées par la réglementation et l'action judiciaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce n'est pas moi qui ai dit, c'est M. Peyronnet tout à l'heure : « Eux, c'est eux, nous, c'est nous ». C'est donc vous-même qui reconnaissez de fait l'opposition qui existe entre vos deux groupes parlementaires.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Gautier, la police administrative, soumise aux juridictions administratives et au Conseil d'État, a toujours su défendre les libertés publiques.

Vous soutenez qu'il faut tout ramener au judiciaire, mais cela ne se justifie pas dans le cas présent. Sont visées des autorisations administratives. Si l'administration commet des abus, les juridictions administratives et le Conseil d'État seront amenés à se prononcer.

Vous affirmez depuis le début de ce débat qu'il y aura des abus. Mais si un projet de loi nous est soumis aujourd'hui, c'est justement pour encadrer les systèmes de vidéosurveillance. Bien entendu, s'il y a des abus...

M. Josselin de Rohan. Il y a des recours !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ... il y a effectivement des recours, notamment le recours pour excès de pouvoir. Je ne comprends pas votre point de vue, mon cher collègue.

En la matière, la police administrative, de qui relève la prévention, est en cause. De ce fait, la juridiction administrative est compétente. Sur ce point, le projet de loi est parfait. Je ne comprends pas ce débat, qui me paraît artificiel. Il faut parfois rappeler des choses simples, qui constituent la structure de notre droit français.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Merceron, les amendements n°59, 60, 61 sont-ils maintenus ?

M. Jean-Claude Merceron. Non, je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements n°59, 60 et 61 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53 rectifié quater.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 87 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

CHAPITRE II

Contrôle des déplacements et communicationdes données techniques relatives aux échanges téléphoniques et électroniques des personnes susceptibles de participer à une action terroriste

Art. 2
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Art. additionnel après l'art. 3

Article 3

I. - Après la première phrase du huitième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale sont insérées trois phrases ainsi rédigées :

« Lorsque ce contrôle a lieu à bord d'un train effectuant une liaison internationale, il peut être opéré sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière. Toutefois, sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques particulières de desserte, le contrôle peut également être opéré entre cet arrêt et un arrêt situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants. Ces lignes et ces arrêts sont désignés par arrêté ministériel. »

II. - Dans la deuxième phrase du huitième alinéa du même article, les mots : « mentionnée ci-dessus » sont remplacés par les mots : « mentionnée à la première phrase du présent alinéa ».

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Une fois de plus, les dispositions de cet article révèlent la volonté de ce gouvernement d'amalgamer criminalité, grande criminalité, terrorisme et immigration clandestine. Faire croire que derrière chaque immigré se cache un terroriste potentiel ne fait qu'augmenter les peurs. Cette méthode sert à légitimer la politique répressive actuellement conduite.

Ce qui compte, ce n'est pas tant de renforcer la lutte contre le terrorisme que de faciliter, de multiplier les contrôles d'identité à l'encontre de tous les citoyens. Parmi eux, pense ce gouvernement, certes, il y a peu de chance que se trouve un terroriste, mais il y a de fortes chances qu'il y ait un immigré clandestin, alors même que la pratique démontre quotidiennement la très faible effectivité des garanties que constituent les critères d'ouverture de cette procédure définie au premier alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale.

Justifier une telle mesure par la lutte contre le terrorisme procède d'une pure hypocrisie. Évidemment, les contrôles d'identité n'ont jamais eu aucun rôle notable en ce domaine. Chaque jour, dans le métro, dans les gares de banlieue se multiplient les contrôles, qui contribuent plus à l'humiliation quotidienne des jeunes qu'à la véritable lutte contre le terrorisme. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir combien de terroristes sont arrêtés chaque matin à l'issue de ces contrôles !

Une telle mesure est tout à fait inacceptable car elle relève, en fait, de la mise sous surveillance permanente des citoyens. C'est la raison pour laquelle nous nous inscrivons en faux contre cet article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 67 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 88 rectifié est présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 67.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 3 du projet de loi étend le champ d'application des contrôles d'identité opérés à bord des trains transnationaux. Nous nous situons dans le cadre général des contrôles d'identité et non dans celui de la lutte contre le terrorisme, c'est évident Les policiers pourront donc vérifier à bord des trains susvisés l'identité de toute personne à l'égard de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a tenté de commettre ou commis une infraction sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt situé au-delà des vingt kilomètres de la frontière.

Pour les lignes ferroviaires « présentant des caractéristiques particulières de dessertes », ces contrôles pourront également être opérés « dans la limite des cinquante kilomètres suivants », c'est-à-dire au cours des cinquante kilomètres suivant « le premier arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière. »

Cette nouvelle contrainte pèsera donc en permanence sur tous les concitoyens, que la lutte contre le terrorisme soit ou non le prétexte à ces contrôles. Nous sommes bien confrontés à un article d'application générale qui permet tout simplement de faciliter et de multiplier les contrôles d'identité.

De plus, le Gouvernement veut nous faire croire que cette disposition sera temporaire, puisque l'article 15 du projet de loi la rend applicable jusqu'au 31 décembre 2008.

Malheureusement, nous doutons de la sincérité de cet engagement. Selon une fâcheuse habitude, les dispositions temporaires sont, en effet, pérennisées avant même l'expiration de leur terme. Tel fut le cas des dispositions à caractère prétendument exceptionnel de la loi relative à la sécurité quotidienne, qui ne devaient être applicables que jusqu'au 31 décembre 2003 mais dont M. Sarkozy, à peine arrivé au Gouvernement, proposa la prolongation jusqu'au 31 décembre 2005 dans la loi pour la sécurité intérieure, et qui furent finalement pérennisées par la loi Perben II du 9 mars 2004.

Nous refusons l'adoption de toute législation d'exception.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 88 rectifié.

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous proposons la suppression de l'article 3. Je ne reviens pas sur l'objet de ce dernier, qui a été décrit largement.

Pour nous, comme pour beaucoup de magistrats, justifier une telle mesure par la lutte contre le terrorisme procède d'une pure hypocrisie : il s'agit plus, en effet, d'un essai de renforcement des mesures contre l'immigration irrégulière que de la lutte contre le terrorisme.

Certes, nous ne sommes pas favorables à l'immigration irrégulière. Nous participons, d'ailleurs, à une commission d'enquête parlementaire sur l'immigration clandestine. Je rappelle qu'un texte sera déposé prochainement sur ce sujet, qui n'est pas celui dont nous débattons aujourd'hui. Je tiens simplement à préciser que nous sommes hostiles à l'amalgame constant qui est fait dans le présent texte, notamment, sur cette question.

La modification envisagée par le biais de l'article 3 apparaît en l'état comme un moyen de contourner les autres procédures plus encadrées de contrôle d'identité.

Cette mesure n'est pas une disposition autonome visant précisément à la lutte contre les membres de cellules terroristes. Au contraire, elle s'insère dans un texte existant, l'article 78-2 du code de procédure pénale, dont l'objet est la lutte contre les réseaux d'immigration irrégulière et de criminalité organisée. Parmi ces immigrants peuvent, bien entendu, se trouver des terroristes, mais ce n'est que par ricochet, d'une certaine façon, que l'on peut en rencontrer.

Je rappelle également que la dernière modification de l'article 78-2 du code de procédure pénale date de la loi du 26 novembre 2003, relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

Elle prévoit que, lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone des vingt kilomètres, les contrôles d'identité peuvent avoir lieu jusqu'au premier péage autoroutier, même si celui-ci se situe au-delà des vingt kilomètres, sur la voie ou les aires de stationnement, ainsi que sur le lieu de ce premier péage et les aires de stationnement attenantes. Son objet est bien la lutte contre l'entrée et le séjour irréguliers en France dans des sections du territoire national ouvertes au trafic international et ayant les caractéristiques des zones frontalières.

On perçoit bien qu'une telle disposition n'est destinée qu'à faciliter les contrôles pour lutter, d'abord et avant tout, contre l'immigration irrégulière.

Monsieur le rapporteur, je note que vous êtes très prudent sur le respect de cet équilibre entre sécurité publique et respect des libertés individuelles, dont vous assurez, à la page 53 de votre rapport, qu'il est respecté en employant le conditionnel : « Eu égard aux spécificités du transport ferroviaire, ces dispositions semblent respecter l'équilibre entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle. Elles ne méconnaîtraient pas la compétence du législateur, conformément aux exigences du juge constitutionnel. »

Je souligne surtout que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 5 août 1993, s'est exprimé sur une mesure d'extension analogue. Il a déclaré qu'une telle disposition devait être accompagnée de justifications appropriées tirées d'impératifs constants et particuliers de la sécurité publique.

Il ne me semble pas que ces dispositions, ces prescriptions, ces préconisations soient parfaitement respectées dans le texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission n'est pas favorable à la suppression de cet article.

Sur le plan pratique, quelle est la situation actuelle ? Les contrôles, dans les trains internationaux, peuvent être opérés dans la bande des vingt kilomètres. Sauf à admettre que des passagers sautent en cours de route, ce qui permettrait de régler une partie du problème, compte tenu de la vitesse des trains, on peut considérer que ce sont les mêmes personnes qui sont contrôlées dans la bande des vingt kilomètres jusqu'à la prochaine gare. Il paraît donc parfaitement logique de préciser que ces contrôles peuvent avoir lieu à partir d'une certaine gare jusqu'à une autre gare, y compris dans les gares elles-mêmes, ce qui préserve le confort des passagers.

Une formule analogue a été retenue pour les autoroutes : il semble en effet également parfaitement logique de prévoir des dispositions fondées sur le même principe pour ces deux types de transport.

Pour ces deux raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements visant à la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ces deux amendements tendent à supprimer l'article 3. Je regrette qu'une fois de plus l'amalgame soit fait entre immigration et terrorisme.

M. Jean-Claude Peyronnet. C'est vous qui le faites !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il est bizarre, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous sembliez découvrir que les terroristes se déplacent. Voyez-vous, les terroristes se déplacent. C'est ainsi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous nous prenez pour des débiles !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous laisse l'entière responsabilité de vos propos !

En tout cas, je le précise, à l'intention de ceux qui, ici, semblent l'ignorer : les terroristes se déplacent. C'est un constat.

Je rappelle que les contrôles d'identité dont il s'agit ici, monsieur Badinter, ont été instaurés en 1993, en compensation de la suppression des contrôles aux frontières dans l'espace Schengen.

Le Conseil constitutionnel lui-même - vous le connaissez peut-être ? - a reconnu la légitimité de cette décision le 5 août 1993. Il me semble me souvenir que vous y étiez...

M. Robert Badinter. Cette décision a déclenché chez M. Pasqua une fureur à nulle autre pareille !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...et que vous avez proposé, dans votre sagesse, que toute extension à cette disposition ne puisse s'appuyer que sur une justification réelle.

M. Robert Badinter. Je ne proposais rien. Je présidais le Conseil constitutionnel, qui est un organisme collégial : une décision rendue n'est pas l'oeuvre d'un seul homme.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Permettez-moi de vous dire que le terrorisme est une justification tout à fait légitime, selon la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 1993 susmentionnée. D'ailleurs, ce texte avait totalement convaincu le Conseil d'État, qui l'avait validé dans son entier.

Le droit actuel permet de réaliser ces contrôles, d'une part, dans la bande frontière de vingt kilomètres, d'autre part, dans les gares dans lesquelles s'arrêtent les trains internationaux.

Le présent article 3 ne vise qu'à adapter les modalités d'exercice de ces contrôles à la réalité de la circulation ferroviaire.

Faut-il tirer la sonnette d'alarme une fois atteinte la limite des vingt kilomètres pour que le train s'arrête et pour pouvoir procéder à ces contrôles ? Il n'est pas toujours possible de les réaliser dans la bande des vingt kilomètres, surtout si le train est rapide. Du fait de l'extension des lignes à grande vitesse, les vingt kilomètres sont parcourus de plus en plus vite.

Même en gare, il est difficile de pratiquer ces contrôles : ils gênent les usagers, les retardent, et mobilisent des dizaines de fonctionnaires qui pourraient être employés à d'autres missions de lutte antiterroriste.

Il est plus simple de réaliser des contrôles à bord des trains internationaux. L'équilibre juridique est maintenu en raison des limites très strictes fixées par le projet de loi : les contrôles ne peuvent intervenir que jusqu'à la première gare commerciale située après la bande de vingt kilomètres et, pour les lignes à risque, dans une limite de cinquante kilomètres après celle-ci.

À titre d'exemple, je rappellerai simplement que l'un des terroristes de Londres a traversé notre pays en train pour fuir l'Angleterre et se rendre en Italie.

Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à ces deux amendements.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les terroristes se déplacent : CQFD !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 67 et 88 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 4

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 62 rectifié bis, présenté par MM. Goujon,  Lecerf et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Après l'article 25 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les personnels de la police nationale revêtus de leurs uniformes ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, sont autorisés à faire usage de matériels appropriés pour immobiliser les moyens de transport dans les cas suivants :

« - lorsque les conducteurs ne s'arrêtent pas à leurs sommations ;

« - lorsque le comportement du conducteur ou de ses passagers est de nature à mettre délibérément en danger la vie d'autrui ou d'eux-mêmes ;

« - en cas de crime ou délit flagrant, lorsque l'immobilisation du véhicule apparaît nécessaire en raison du comportement du conducteur ou des conditions de fuite.

« Ces matériels doivent être conformes à des normes techniques définies par arrêté ministériel. »

II - L'ordonnance n° 58-1309 du 23 décembre 1958 est abrogée.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. C'est bien volontiers que je prends le relais de mon collègue Philippe Goujon, à qui je reconnais la paternité pleine et entière de cet amendement, que j'approuve pleinement.

L'article 2 de l'ordonnance du 23 décembre 1958 relative à l'usage des armes et à l'établissement de barrages de circulation par le personnel de la police dispose que les membres du personnel de la police en uniforme sont autorisés à faire usage de tous engins et moyens appropriés tels que herses, hérissons, câbles, pour immobiliser les moyens de transports quand les conducteurs ne s'arrêtent pas à leurs sommations.

Les herses et les hérissons, dont l'évocation nous rappelle les films en noir et blanc, sont des moyens lourds qui sont de moins en moins utilisés, car ils nécessitent une mise en place préalable. Ils sont remplacés par des matériels plus aisés d'utilisation et moins dangereux pour les personnels qui les utilisent comme pour les conducteurs des véhicules immobilisés et leurs passagers.

Le matériel de nouvelle génération peut être utilisé de manière beaucoup plus souple et, au besoin, projeté par les agents de la force publique au-devant d'un véhicule en marche, sans provoquer, au détriment du conducteur ou du véhicule, de dommages liés à son utilisation.

Lors d'opérations de police impliquant des contrôles de véhicules, les comportements dangereux et agressifs vis-à-vis des fonctionnaires chargés de ces opérations sont de plus en plus fréquents.

À titre d'exemple, je rappelle que les membres d'ETA se sont signalés à plusieurs reprises par un comportement extrêmement dangereux à l'occasion de contrôles routiers. Il n'est plus rare de constater que les conducteurs n'hésitent pas à foncer sur les forces de sécurité intérieure lors de la mise en place de dispositifs d'interpellations.

Le texte qui est proposé a pour objet d'ouvrir le champ d'application de l'utilisation de matériels appropriés pour immobiliser les véhicules afin de couvrir deux cas de figure supplémentaires : la prévention de la mise en danger délibérée d'autrui et l'interpellation d'auteurs de crimes ou délits flagrants.

Cette disposition doit être insérée dans la loi du 21 janvier 1995 pour permettre de rassembler les textes relatifs aux dispositifs de sécurité intérieure dans un texte unique.

Il est également prévu dans cet amendement que les matériels utilisés devront être soumis à un agrément préalable, ce qui apporte des garanties sur les types de matériels utilisés, testés en fonction de leur innocuité.

Enfin, cet amendement est aussi porteur de simplification, puisqu'il a pour objet d'abroger l'ordonnance de 1958, dont il ne restait plus qu'une disposition en vigueur, désormais intégrée dans la loi du 21 janvier 1995 susvisée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à actualiser les règles selon lesquelles les forces de police peuvent immobiliser des véhicules.

Ces règles relèvent aujourd'hui -  je vous le rappelle, mes chers collègues - de l'ordonnance du 23 décembre 1958, aux termes de laquelle les véhicules peuvent être immobilisés lorsque les conducteurs ne s'arrêtent pas aux sommations.

Par cet amendement sont ajoutées deux circonstances dans lesquelles il pourrait être fait usage de moyens techniques d'immobilisation des véhicules, « lorsque le comportement du conducteur ou de ses passagers est de nature à mettre délibérément en danger la vie d'autrui » et « en cas de crime ou délit flagrant ».

Cette modification tient compte de l'évolution de la criminalité : bien souvent, les agents de la police nationale n'ont pas le temps de faire les sommations. Cette précision me paraît donc particulièrement importante.

Il est apporté, en outre, dans cet amendement, la précision suivante : « Ces matériels doivent être conformes à des normes techniques définies par arrêté ministériel. »

En effet, les méthodes d'immobilisation ont beaucoup évolué et ne se limitent plus aux herses et aux barrières, qui s'avèrent dangereuses pour les policiers eux-mêmes et pour les conducteurs.

Il est en outre prévu que les policiers revêtus d'insignes extérieurs et apparents pourront faire l'usage de ce procédé, alors que, aux termes de l'ordonnance de 1958, seuls les policiers en uniforme ont ce pouvoir.

La commission des lois est donc très favorable à cet amendement, présenté par MM. Goujon et Lecerf.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cet amendement est le bienvenu. Je remercie M. Lecerf de l'avoir présenté et M. Goujon de l'avoir proposé.

Tout comme M. le rapporteur, nous estimons que cet amendement tend à moderniser des dispositions anciennes, en intégrant le délit de mise en danger et en rendant possible l'utilisation de ces moyens nouveaux dans le cas des crimes et délits flagrants.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On va voir comment ça marche ! Il faudra expérimenter !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. On m'a reproché tout à l'heure d'avoir rédigé à la sauvette, sans savoir où j'allais, deux amendements tendant à insérer, avant l'article 1er, des articles additionnels.

Or, s'agissant de cet amendement, on nous a simplement dit, en commission, qu'il existait des « bidules » que l'on pouvait lancer sous les roues des voitures afin de les immobiliser tranquillement. Nous aurions aimé en savoir un peu plus !

En effet, ce dont nous discutons n'est tout de même pas anodin : il s'agit de l'utilisation d'engins nouveaux et, du moins l'espérons-nous, efficaces, dont on nous dit qu'ils sont adaptés à la lutte contre le terrorisme. Or, en l'occurrence, celle-ci ne semble concernée qu'à la marge, et même plus qu'à la marge !

Il se peut que, par accident ou par erreur, un terroriste soit arrêté à cette occasion. Mais, dans la plupart des cas, les automobiles qui ne s'arrêtent pas ne sont pas conduites par des terroristes !

Il s'agit donc manifestement d'un texte de commande - nous avons été au pouvoir et nous savons comment les choses se passent ! - qui rend possible l'utilisation d'armes nouvelles, dont on nous dit qu'elles ne sont pas dangereuses.

Certes, nous voulons bien vous croire sur parole, mais nous sommes tout de même un peu inquiets !

J'ajoute que cet amendement accentue le caractère « fourre-tout » d'un texte qui n'en avait vraiment pas besoin.

Nous voterons donc contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est vrai qu'il s'agit d'une disposition générale, mais elle n'est pas la seule dans ce projet de loi. Il en est une autre qui concerne le statut des policiers. Mais que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, la commission des lois souhaite simplement connaître, car cela l'intéresse, le fonctionnement des nouveaux dispositifs.

Je vous proposerai donc, mes chers collègues, lorsque le ministère de l'intérieur sera prêt, et comme cela a été fait, à ma demande, à l'occasion de l'examen d'autres textes, de constater de visu le fonctionnement de ces dispositifs.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, car il faut d'abord que ce dispositif ait été autorisé !

M. Louis Mermaz. On va au Bazar de l'Hôtel de Ville avant de faire un achat ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, quand on achète sur catalogue ! (Sourires.)

Nous savons que les herses sont des dispositifs très dangereux et mal utilisés. J'ai d'ailleurs pu constater moi-même que certains grands criminels disposaient de véhicules équipés de pneus increvables et que les herses ne suffisaient donc pas à les arrêter.

Il s'agit, en outre, d'adapter les dispositifs existants afin de les rendre moins dangereux pour les forces de police et de gendarmerie, car il n'y a pas de raison qu'une arrestation mette en danger ces personnels.

M. Jean-Claude Peyronnet. Est-ce valable aussi pour les deux-roues ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, aussi !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit là, typiquement, d'une mesure d'ordre général dont personne, y compris dans la majorité, ne savait ce qu'elle recouvrait lorsqu'elle a été présentée à la commission des lois. C'est tout de même extraordinaire ! Je rappelle que nous sommes les législateurs !

Nous avons donc cru sur parole M. Goujon, qui connaît bien tout ce qui concerne la police, puisqu'il en est très proche.

M. Philippe Goujon. Et la gendarmerie !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À ce titre, il a dû, sans doute, assister à une démonstration de cet appareillage.

Mais, mes chers collègues, lorsque l'on nous a demandé de nous prononcer sur le bracelet électronique, on nous en a montré un exemplaire en nous indiquant qu'il s'agissait d'une sorte de GPS, pas encore totalement homologué, mais qui le serait bientôt. En tout cas, on nous l'a montré !

Quant à la commission des lois, il lui arrive de procéder à des auditions et de mener ses propres enquêtes.

En l'occurrence, rien de tel ne s'est passé ! Nous savons simplement que M. Goujon connaît le dispositif qu'il nous est proposé de généraliser.

Vous savez, mes chers collègues, des arrestations musclées, il y en a peut-être peu dans la France profonde, mais à Paris, on en voit !

Alors, de grâce, avant que nous, législateurs, ne votions une mesure d'ordre général tendant à permettre l'arrestation de conducteurs d'automobiles et de deux-roues, avec les dangers que cela comporte, voyons d'abord si ce dispositif est au point et comment il fonctionne ! Nous aurons ensuite tout le temps de le mettre en oeuvre, sans doute à bon escient.

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour explication de vote.

M. Philippe Goujon. Bien sûr, Mme Borvo Cohen-Seat caricature un peu la situation.

M. Philippe Goujon. Mais surtout elle refuse, ce qui est à l'opposé de notre démarche, que la police et la gendarmerie disposent aujourd'hui des moyens adaptés pour remplir leurs missions. (Mme Borvo Cohen-Seat proteste.)

Car c'est bien de cela qu'il s'agit et non d'une quelconque querelle idéologique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. « Idéologique », le gros mot !

M. Philippe Goujon. De quoi s'agit-il en effet ?

Tout d'abord, la police et la gendarmerie disposent actuellement, pour immobiliser les véhicules, de moyens totalement obsolètes. En effet, les herses, qui sont désormais très peu utilisées, sont dangereuses tant pour les occupants et les conducteurs des véhicules que pour les forces de police, qui doivent faire des sommations.

Or nous savons, depuis plusieurs années, qu'il existe de nouveaux matériels, mais qu'il est nécessaire de modifier l'ordonnance de 1958 pour les utiliser. Ces matériels d'un type nouveau - pointes de plastique, barres de plastique projetables, herses en plastique, etc - sont fabriqués avec des matières nouvelles, afin justement de rendre ces procédures d'immobilisation de véhicules beaucoup moins dangereuses. Il s'agit donc d'un progrès, du point de vue de la sécurité tant des gendarmes et des policiers que des occupants des véhicules, je le répète.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Faites-nous une démonstration !

M. Philippe Goujon. C'est ce progrès qui nous motive.

De plus, ces dispositifs sont plus efficaces. Je ne vois donc vraiment pas où est le problème ! Par ailleurs, ces matériels ont été testés pendant un an par les services spécialisés.

Par ailleurs, il existe un rapport direct entre l'utilisation de ces nouveaux moyens et la lutte contre le terrorisme, qui fait l'objet de notre débat. En effet, nous le savons, ce sont principalement les terroristes d'ETA qui forcent habituellement, et de façon très dangereuse, les barrages de police.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ETA maintenant !

M. Philippe Goujon. Même si les membres d'ETA ne sont pas les seuls concernés, le rapport direct avec le terrorisme est donc établi : nous sommes au coeur du débat !

Dans l'intérêt de tous, et notamment des personnes interpellées, les personnels de police et de gendarmerie doivent pouvoir bénéficier des mesures les plus appropriées, ainsi que des matériels les plus performants et les plus modernes, dans la mesure où ceux-ci sont moins dangereux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce débat montre combien notre réticence, s'agissant de l'ensemble du dispositif qui nous est proposé, est justifiée.

J'ai remarqué que M. le président de la commission des lois prenait cela avec une certaine légèreté !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez dit, monsieur Hyest, que celui qui n'avait jamais péché pouvait jeter la première pierre.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous tentiez ainsi de justifier, si j'ai bien compris votre raisonnement - car je m'efforce toujours de comprendre -, le fait d'agglutiner à ce texte toute une série de dispositions.

Nous sommes en désaccord total sur cette méthode, mes chers collègues !

Si vous jugez utile, monsieur le ministre, de prendre des mesures législatives concernant l'équipement ainsi que les différents matériels et dispositifs nécessaires à la police et à la gendarmerie dans l'exercice quotidien de leurs missions, faites un autre projet de loi !

Mme Catherine Tasca. Il est déjà annoncé !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais, ici, il s'agit d'un autre sujet !

En effet, de deux choses l'une : ou bien on parle de terrorisme, situation exceptionnelle qui requiert - nous en sommes d'accord, nous l'avons dit et nous le répétons -, sous certaines conditions, des mesures exceptionnelles, ou bien on envisage l'ensemble des problèmes de la police à travers le prisme du terrorisme, ce que vous êtes en train de faire.

Nous sommes en total désaccord avec cette méthode, comme nous le serons encore tout à l'heure, lorsque la question de l'immigration sera examinée à travers le prisme du terrorisme, ce qui est une faute totale !

Si on décide de faire une loi relative à la lutte contre le terrorisme, alors il ne faut y inclure aucun cavalier. Sinon, on prête le flanc à la critique !

En effet, à travers le prisme du terrorisme, vous envisagez toutes sortes de problèmes et, à partir de là, vous bâtissez toute une conception que nous ne saurions partager.

Monsieur le président de la commission des lois, vous nous avez dit et répété ce matin que, si un problème se posait, la justice ne serait pas dépossédée de ses missions, car tout un chacun pourrait toujours saisir le tribunal administratif (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.),...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si vous n'y croyez pas, alors ! ...

M. Jean-Pierre Sueur. ... voire, encore après, le Conseil d'État ! Nous savons tout cela. Mais là n'est pas la question ! Ce qui est en cause, c'est ce qui vient avant, et non après, la décision de mise en oeuvre du dispositif ! Ce qui précède relève de l'autorité judiciaire et il importe de n'y toucher qu'avec des doigts tremblants.

En revanche, après la décision, nous sommes totalement d'accord avec vous, monsieur le président de la commission des lois, on peut saisir le tribunal administratif. Mais là n'est vraiment pas la question !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vais essayer d'éclairer davantage la Haute Assemblée - quoique M. Goujon y ait déjà largement contribué -, puisque celle-ci semble se passionner pour la modernisation du matériel mis à disposition des forces de sécurité intérieure en matière de lutte contre le terrorisme. En effet, monsieur Sueur, c'est de cela qu'il s'agit, et de rien d'autre !

Je suis toujours étonné par votre propension à vous ranger du côté de ceux qui remettent en cause l'intégrité de notre territoire, de son droit, de ses règles ...

M. Jean-Pierre Sueur. C'est inadmissible ! Nous demandons une suspension de séance !

M. le président. Monsieur le ministre, acceptez-vous cette demande de suspension de séance ?

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, c'est très grave !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous verrons ce qui est le plus grave !

Je souhaite que M. Sueur attende, pour réagir, que j'aie achevé mon explication.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je demande à réagir tout de suite !

Monsieur le ministre, j'ai le droit de vous interrompre si je le souhaite ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez dit quelque chose de très grave, monsieur le ministre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous m'interrompez au milieu de ma phrase !

M. Jean-Pierre Sueur. Je n'accepte pas vos propos !

M. le président. Monsieur Sueur, c'est moi seul qui donne la parole !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Sans doute redoutez-vous, monsieur Sueur, la fin de ma phrase !

Je répète, monsieur Sueur, que je m'étonne de votre propension à vous ranger du côté des fauteurs de troubles plutôt que du côté des forces de l'ordre, qui assurent la sécurité des personnes et des biens ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Suspension de séance !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je suis allé au terme de ma phrase. Maintenant, vous pouvez m'interrompre, monsieur Sueur !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en des fauteurs de troubles !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Comme certains d'entre vous l'ont rappelé, nous savons qu'à de nombreuses reprises, des terroristes d'ETA ont foncé sur les forces de l'ordre, mettant la vie de ces personnels en danger.

Mon rôle est d'abord de défendre les hommes et les femmes qui ont pris l'engagement devant les Françaises et les Français de protéger nos concitoyens, et nous souhaitons mettre à leur disposition les moyens matériels nécessaires à leur propre protection, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il ne s'agit pas de cela !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Voilà, monsieur Sueur, de quoi il s'agit, et de rien d'autre !

Vous avez souhaité des explications sur le matériel dont il s'agit. Comme certains l'ont dit, les herses et les hérissons sont des moyens lourds, qui sont de moins en moins utilisés, car ils nécessitent une mise en place préalable. Les forces de l'ordre, qui ont besoin d'être le plus réactives possible chaque fois que nécessaire, n'ont pas le temps d'installer ces matériels.

C'est dans ce cadre que nous proposons la modification de l'ordonnance du 23 décembre 1958. Le matériel que l'on utilisait en 1958 n'est plus celui que nous mettons à la disposition de nos forces de l'ordre aujourd'hui.

D'ailleurs, en l'occurrence, il n'est fait que proposer à la police nationale d'adopter les moyens qui sont à disposition de la gendarmerie nationale aux termes du code de la défense.

De quels matériels s'agit-il ? Je vais vous donner quelques précisions puisque M. le président de la commission des lois lui-même a souhaité savoir comment fonctionnait ce matériel. Je tiens à la disposition de ceux qui le souhaitent, la documentation correspondante. Il s'agit d'éléments légers emballés dans des housses en plastique faciles à déplacer, qui peuvent être déployés en quelques secondes sur la voirie là où il fallait plusieurs heures pour installer les herses et hérissons.

Nous disposons aujourd'hui de dispositifs qui permettent aux forces de l'ordre d'être plus réactives pour interpeller des terroristes présumés tout en se protégeant elles-mêmes. Pourquoi nous priver de cette opportunité ?

Voilà de quoi il s'agit, monsieur Sueur, et je ne comprends pas pourquoi vous ne voudriez pas que, dans ce projet de loi de lutte contre le terrorisme, nous permettions à nos forces de l'ordre de disposer de ce matériel ; une telle attitude ne pourrait que favoriser indirectement l'action des terroristes.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, j'ai dit qu'il s'agissait d'une disposition d'ordre général qui s'appliquait aussi au terrorisme et M. le ministre a eu raison de rappeler à ce propos que, dans le cadre des attentats exécutés par l'ETA, des gendarmes ont été écrasés par des véhicules. Tout le monde est d'accord pour moderniser le dispositif.

Au demeurant, monsieur Sueur, vous avez raison de dire que nos méthodes de travail ne sont pas bonnes. Toutefois, vous savez bien que, lorsque nous souhaitons apporter une modification ponctuelle à la législation, compte tenu de la lourdeur de la discussion en séance publique, c'est très difficile. Dès lors, on profite de la discussion de grandes lois pour y « accrocher » de petites modifications qui s'imposent. Si nous changions complètement de méthode de travail, peut-être pourrions-nous à la fois nous livrer à une meilleure appréciation de la législation, à une évaluation régulière d'un certain nombre lois pour déterminer si elles sont toujours pertinentes et, ensuite, faire les modifications nécessaires qui toutefois ne justifieraient pas un grand débat comme nous savons en organiser et qui font perdre beaucoup de temps.

Par ailleurs, un jour ou l'autre nous serons obligés de repréciser ce qui est du domaine de la loi et ce qui est du domaine du règlement. La Constitution le fait, mais, malgré cela, nous nous « vautrons » dans le réglementaire. J'ai essayé à plusieurs reprises de lutter contre cette propension qui n'est pas tellement le fait de la commission des lois d'ailleurs. En tout cas, je pourrais évoquer un texte qui comportait 150 articles dans lequel j'ai eu du mal à en trouver trois relevant du domaine législatif.

Si nous voulons rationaliser notre travail de cette façon, nous pourrons le faire à l'occasion d'une réorganisation du travail du Sénat. Monsieur Sueur, je suis peut-être léger, mais pas trop quand même ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, la mise au point que je vais faire ne porte pas sur les propos de M. le président de la commission des lois car, si nous avons des désaccords parfois, nous nous exprimons toujours en termes mesurés. Ma mise au point porte sur les propos extrêmement graves qui ont été tenus par M. le ministre.

De quoi s'agit-il ?

Des mesures relatives au matériel utilisé par la police et la gendarmerie sont proposées dans un amendement. Ces mesures n'avaient pas été prévues dans le projet de loi initial, c'est le signe qu'elles n'étaient pas perçues par le Gouvernement comme nécessaires dans la lutte contre le terrorisme.

M. Philippe Goujon. Il y a un droit d'amendement !

M. Jean-Pierre Sueur. Le droit d'amendement existe en effet.

M. Pierre Fauchon. Et même un devoir d'amendement !

M. Jean-Pierre Sueur. Le devoir d'amendement existe également, mon cher collègue.

Nous avons dit, d'une part, que nous souhaitions avoir des précisions sur les matériels, ce qui n'est quand même pas une demande exorbitante.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous les avez eues !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons dit, d'autre part, qu'il était, à notre sens, de mauvaise méthode de traiter en même temps du terrorisme, qui relève de dispositions à caractère exceptionnel, et de mesures générales concernant l'action de la police et de la gendarmerie, qui devraient relever d'un texte de loi spécifique.

Telle est notre position. Chacun peut exprimer son avis. Sur cet amendement le nôtre est différent de celui du Gouvernement, c'est notre droit.

Mes chers collègues, j'estime qu'aucun d'entre nous, quel que soit le groupe auquel il appartienne, ne devrait accepter d'être traité comme je l'ai été par le Gouvernement.

Monsieur le ministre, vous m'avez dit, et le procès-verbal en fera foi : « Vous avez une propension à vous ranger du côté de ceux qui mettent en cause l'intégrité du territoire ». Puis, vous avez rectifié : « Vous avez une propension à vous ranger du côté des fauteurs de trouble. »

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Eh oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Chacun peut défendre ses positions avec conviction, et je ne dirai jamais à l'un de mes collègues, parce qu'il n'est pas d'accord avec moi, qu'il est du côté de ceux qui portent atteinte à l'intégrité du territoire.

Si je vous comprends bien, monsieur le ministre, nous serions complices !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous défendrions ceux qui portent atteinte à l'intégrité du territoire, nous défendrions les fauteurs de trouble, parce que nous ne sommes pas d'accord avec un amendement.

Monsieur le ministre, c'est très grave.

Dans ces conditions, monsieur le président, j'ai l'honneur de vous demander, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance de manière que le Gouvernement ait le temps de réfléchir aux excuses qu'il voudra bien nous présenter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je souhaite que la sérénité prévale au cours de nos débats. Chacun doit pouvoir s'exprimer comme il l'entend.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est difficile !

M. le président. M. le ministre a apporté un certain nombre de précisions, M. le président de la commission des lois également.

Monsieur Sueur, vous demandez une suspension de séance. Je suis libre d'en apprécier l'opportunité, mais je pense qu'elle couperait le débat.

Si vous insistez, je vais mettre aux voix cette demande de suspension.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est inadmissible !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je veux bien renoncer à ma demande de suspension de séance, mais je pense que nous serons tous d'accord pour affirmer que, quelle que soit la position qu'il prend sur un amendement, un sénateur de la République ne peut pas se voir reprocher d'avoir une propension à se ranger du côté de ceux qui portent atteinte à l'intégrité du territoire ou du côté des fauteurs de trouble. Je demande donc à M. le ministre de bien vouloir revenir sur ses propos.

M. le président. Monsieur Sueur, je vous donne acte de votre déclaration.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, je vous sens blessé.

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne suis pas blessé, ce n'est pas une question personnelle !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, je veux vous dire avec le grand respect que je vous porte que je suis désolé si mes propos vous ont blessé.

M. Goujon a proposé un amendement visant à protéger nos forces de l'ordre qui ont perdu des vies humaines à de multiples reprises à cause de terroristes qui ont foncé sur elles, M. le président de la commission des lois l'a rappelé. Depuis 1958, les technologies ont évolué et nous disposons aujourd'hui de moyens leur permettant de pouvoir combattre le terrorisme tout en protégeant leur intégrité physique.

En tant que ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, vous comprendrez que je sois très attaché à la protection de ces hommes et de ces femmes qui sont au service de la sécurité des personnes et des biens dans notre pays.

Lorsque vous intervenez dans ce débat pour dire qu'il n'est pas utile de donner à nos forces de l'ordre les moyens nécessaires pour protéger leur vie, vous comprendrez que le ministre que je suis ait du mal à suivre les propos du sénateur que vous êtes. C'est dans cet esprit que je me suis exprimé, en me rangeant totalement aux côtés des hommes et des femmes qui attendent de la part du Gouvernement, mais aussi des élus de la nation, des moyens pour se défendre et pour se protéger.

Si je vous ai blessé, je veux bien l'admettre, monsieur Sueur, mais je voudrais que vous admettiez également que les mesures proposées par M. Goujon nous permettent de nous ranger ensemble du côté des forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à respecter les positions des uns et des autres. Cela serait à l'honneur de notre Haute Assemblée ; il faut dépassionner ce débat, qui est extrêmement riche et intéressant, mais qui doit rester mesuré.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, il ne s'agit absolument pas de blessure personnelle : il s'agit d'une question de principe.

Le terrorisme est une horreur, nous l'avons tous dit. Les policiers et les gendarmes font un métier difficile et nous sommes, tous groupes politiques confondus, parfaitement solidaires de leur action. Mais il n'est pas possible que, dès lors que nous émettons une appréciation sur l'une ou l'autre des mesures de ce texte, l'on nous taxe d'être hostiles aux moyens qui doivent être donnés à la police pour qu'elle exerce son travail et d'être opposés à la lutte contre le terrorisme. À ce moment-là, aucune discussion ne serait plus possible.

Nous devrions tout accepter en bloc, y compris les dispositions qui figureront dans la vingt-troisième, la vingt-quatrième ou la vingt-cinquième loi contre le terrorisme, sinon nous serions considérés comme complices. C'est de l'intimidation !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est de l'amalgame !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous estimons que nous pouvons avoir des points de vue différents sur l'équilibre entre les mesures exceptionnelles qui sont nécessaires, je le répète, et la protection des libertés. Nous pouvons avoir également des points de vue différents sur les dispositions qui doivent être prises dans un texte sur le terrorisme. L'on pourrait y faire figurer une multitude de choses, mais nous réaffirmons que ce n'est pas de bonne méthode, car la situation exceptionnelle due au terrorisme doit être traitée comme telle.

Nous aimons tous notre pays, nous aimons tous ceux qui le servent, dans la police et dans la gendarmerie en particulier.

Nous sommes attachés à l'intégrité du territoire et nous n'avons nullement l'intention de soutenir les fauteurs de troubles. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir bien voulu en prendre acte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.

Art. additionnel après l'art. 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 5 (début)

Article 4

I. - Le I de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale ou accessoire, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l'intermédiaire d'un accès au réseau, y compris à titre gratuit, sont soumises au respect des dispositions applicables aux opérateurs de communications électroniques en vertu du présent article. »

II. - Dans la première phrase du II du même article, les mots : « il peut être différé » sont remplacés par les mots : « il doit être différé ».

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier matin, un quotidien, s'appuyant sur un rapport du Sénat relatif à la nouvelle génération de documents d'identité et à la fraude documentaire, révélait que 500 000 cartes d'identité et 100 000 passeports étaient volés chaque année. Cela pose à nouveau le problème de la sécurisation des documents d'identité, dont les passeports, et des possibilités de lutte contre leur falsification.

Nous savons tous que l'utilisation de documents d'identité falsifiés fait partie de la panoplie qu'utilisent les malfaiteurs et les terroristes pour accomplir leurs méfaits.

Or, le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers prétend remédier à ces dérives.

Le site de l'Imprimerie nationale de Douai - une autre unité est implantée à Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne - doit pouvoir être doté de la capacité d'imprimer les passeports personnalisés. Dans le cas contraire, nous nous heurterions à de très grandes difficultés, non seulement pour la sécurité de l'État, parce qu'il faudrait transporter les passeports d'une imprimerie à l'autre, mais aussi pour la sécurité des citoyens. Il en résulterait également des difficultés financières pour le centre de Douai et des menaces sur l'emploi des personnels.

Monsieur le ministre, une telle évolution serait inconciliable avec le rôle qui est imparti à l'Imprimerie nationale. Si elle ne pouvait pas exécuter ce travail de sécurisation, à quoi servirait-elle ?

Des coups terribles ont déjà été portés à l'Imprimerie nationale. Elle ne conserve plus que trois divisions sur onze et 520 salariés sur 1 350. Il serait inconcevable que son développement soit bloqué du fait de la non-réalisation des travaux qui lui permettrait d'assurer la personnalisation des documents d'identité.

En 2004, Bercy a décidé de recentrer l'activité de l'Imprimerie nationale sur les activités régaliennes et l'État vient tout juste de procéder à la recapitalisation de l'entreprise. La compétence de l'Imprimerie nationale est donc reconnue et elle a les moyens de réaliser très vite des travaux.

J'ai attiré l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de cette situation tant sur la sécurité de l'État et des citoyens que sur l'emploi. Une solution rapide doit être trouvée afin d'assurer à l'Imprimerie nationale la centralisation de la production des documents d'identité nationale électronique sécurisée, dit INES.

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Je me permets d'intervenir parce que j'ai présidé la mission sénatoriale sur la fraude documentaire et sur la nouvelle génération de documents d'identité et je souhaiterais corriger les chiffres qui ont été énoncés. Chaque année, 500 000 cartes d'identité sont perdues, et non pas volées, même si l'on peut penser qu'elles ne sont pas perdues pour tout le monde. En outre, 85 000 passeports ont été volés en cinq ans, auxquels il faut ajouter les 90 000 passeports vierges qui ont été dérobés sur la même période. Et il ne s'agit là que de la partie émergée de l'iceberg, car la fraude documentaire est considérable.

L'unité de l'Imprimerie nationale de Douai connaît en effet des difficultés. Certaines sont liées à la mise en concurrence et à l'application de la réglementation européenne. Il serait en effet souhaitable que l'Imprimerie nationale soit chargée de la réalisation des cartes d'identité et de leur personnalisation dans le cadre du programme INES. Je sais que le ministère y travaille, dans le respect du cadre légal et de la réglementation européenne.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je souhaite apporter quelques éléments de réponse à Mme Hélène Luc et à M. Jean-René Lecerf, qui sont très préoccupés par l'avenir de l'Imprimerie nationale et du site de Douai.

Les questions que vous évoquez, madame, monsieur le sénateur, n'ont pas de lien direct avec notre débat. Le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme ne modifie en rien la situation de l'Imprimerie nationale. Je tiens néanmoins à vous apporter quelques éléments d'information sur cette question dont je perçois bien l'importance.

Nous devons mettre à la disposition des Français un nouveau passeport incluant un composant électronique. Il s'agit de répondre à une exigence de sécurité, car les nouveaux passeports seront beaucoup plus difficiles à falsifier. Il s'agit aussi de répondre à une exigence internationale. Nous sommes invités à cette évolution par le règlement européen du 13 décembre 2004 et par les engagements que nous avons pris envers les États-Unis.

Il nous reste aujourd'hui à définir les modalités de production de ce passeport. Un débat juridique a eu lieu devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris, qui a à connaître d'un contentieux portant sur les modalités de passation du marché public relatif à la personnalisation des passeports.

Dans notre esprit, il n'est nullement question de mettre en cause les tâches actuellement assurées par l'Imprimerie nationale, qui est une belle entreprise. Elle conserve la production des livrets vierges des passeports, dont le nombre ne saurait décroître, bien au contraire. Lorsqu'elle met en oeuvre la mission de réalisation des titres et documents qui lui est confiée aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1993, l'Imprimerie nationale assure l'impression fiduciaire et l'assemblage des documents en ayant recours à des matériaux et des techniques d'impression spécialement conçus pour empêcher la falsification et la contrefaçon.

J'ajoute que la loi du 31 décembre 1993 doit être lue à la lumière de nos engagements européens, tels qu'ils ont été rappelés par la Commission européenne dans une décision du 20 juillet 2005 autorisant, sous certaines conditions, le versement par l'État d'une aide à la restructuration de l'Imprimerie nationale. Cette aide est conséquente : il s'agit d'une augmentation de capital de 197 millions d'euros. C'est la marque de la détermination du Gouvernement et du ministre d'État, ministre de l'intérieur à sauvegarder l'avenir de l'Imprimerie nationale dans l'intérêt général et dans celui de ses salariés.

Mme Hélène Luc. Il faudra prendre des dispositions pour les cartes d'identité.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 68, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 4 a pour objet d'assimiler à des opérateurs de communication électronique les personnes dont l'activité professionnelle principale ou accessoire est d'offrir au public une connexion à l'Internet par l'intermédiaire d'un accès au réseau.

Compte tenu de l'imprécision de la notion d'activité principale ou accessoire, le champ des personnes proposant un accès Internet au public se trouve dès lors considérablement élargi. Ainsi, au-delà des seuls cybercafés, seront désormais soumis à l'obligation de conservation des données techniques de connexion les universités, les mairies, les bibliothèques, les postes, les hôtels offrant à titre accessoire une connexion au réseau.

L'application d'une telle disposition semble d'ores et déjà difficilement réalisable en pratique. Elle concernerait, en effet, des milliers de communications électroniques et, par voie de conséquence, autant d'utilisateurs du réseau Internet.

Aurez-vous seulement les moyens humains, matériels et financiers de traiter ainsi toutes ces données ? M. Courtois en convient lui-même lors qu'il consigne dans son rapport que « la conservation des données ne garantit pas l'identification de l'utilisateur » que, s'agissant des « connexions par des bornes Wifi, l'identification d'un utilisateur est pratiquement impossible » et que « cet article, comme plusieurs autres articles du projet de loi, n'est pas à lui seul une réponse décisive au terrorisme ».

Nous l'avons dit et redit : la technologie n'est pas la solution miracle dans la lutte contre le terrorisme. Pour toutes ces raisons, l'article 4 nous paraît inutile et sans doute inefficace.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour compléter le I de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques par une phrase ainsi rédigée :

Il sera précisé par décret d'application de la présente loi la liste des personnes concernées.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article traduit la double tare de ce projet de loi : l'inefficacité et la dangerosité. En cela, il convient de le dire haut et fort aux Français.

Les dispositions de cet article se révèlent, en effet, être inefficaces pour une série de raisons à la simplicité imparable. Il est très simple, pour une personne s'apprêtant à participer à une opération de terrorisme, de passer à travers les fils du maillage électronique. Il lui suffit de se procurer en toute facilité une puce sans abonnement chez un quelconque opérateur et de la placer dans un téléphone mobile. Il ne lui reste plus alors qu'à passer des appels ou à brancher son mobile sur un ordinateur portable ou encore à se connecter à l'Internet.

Il en va de même si quelqu'un décide tout simplement, selon une habitude de plus en plus répandue aujourd'hui chez les jeunes, de se balader dans la rue avec son portable, de trouver un réseau Wifi et de se connecter à une borne. On n'a même plus besoin de cybercafé. Tout cela se fait en laissant derrière soi des traces infimes, très difficiles à remonter.

De plus, les communications par voie électronique, qui laissent inéluctablement des traces, sont d'ores et déjà traitées de façon beaucoup plus sévère que les autres modes de communication, à la différence du courrier par voie postale, par exemple. Le courrier postal, je le rappelle, ne laisse aucune trace facile à appréhender. Il bénéficie d'un régime de protection intégrale, qu'il s'agisse du contenu des lettres ou de l'identification des correspondances.

Enfin, ces dispositions sont dangereuses pour toutes les autres personnes, pour tous ceux qui ne sont pas des terroristes, c'est-à-dire l'étudiant dans son université, l'habitant dans son local municipal ou même l'usager d'Internet, chez lui ou dans un cybercafé. Tous, avec les dispositions de ce projet loi, seraient des victimes potentielles d'une atteinte à leur vie privée. Ils pourront encore plus être contrôlés, surveillés, observés, suivis. Chacune de leur connexion, chaque site où ils seront allés, l'heure à laquelle ils auront commencé ou arrêté de « surfer » sur le Web, la personne à qui ils auront envoyé un courriel, tout cela sera accessible, contrôlé, hors de toute garantie judiciaire.

En se fondant sur l'avis de la CNIL, il convient de reconnaître que la définition contenue dans ce projet s'agissant de la catégorie des données numériques qui devront être conservées est plus que floue, donc propice à l'arbitraire.

De la même manière, la plus grande incertitude plane sur les personnes morales ou physiques concernées. Une fois encore, les garanties que vous apportez sont plus qu'insuffisantes. Le critère consacré qui renvoie aux dispositions de l'article 33-1 du code des postes et des télécommunications électroniques ne me permet pas d'exclure catégoriquement de cette définition des établissements comme les mairies, les universités ou les bibliothèques.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, mes chers collègues, dans un simple souci de bon sens, d'efficacité et de respect des principes de proportionnalité, mais aussi de respect de la vie privée, de voter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 89, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques par une phrase ainsi rédigée : 

Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés détermine les catégories de personnes et le type d'activités professionnelles concernées,  notamment les personnes dont l'activité même est d'offrir un service payant de connexion en ligne, et les personnes qui offrent à leurs clients, dans un cadre public, ou à des visiteurs une connexion en ligne. 

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Notre position est un peu différente de celle des deux collègues qui viennent de s'exprimer.

Cet amendement vise à compléter l'article 4 en prévoyant qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale d'informatique et des libertés - mais je suis prêt à retirer cette référence à la CNIL si l'essentiel de mon amendement est accepté -, détermine les catégories de personnes et le type d'activités professionnelles concernées, notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un service payant de connexion en ligne et les personnes qui offrent à leurs clients, dans un cadre public ou à des visiteurs, une connexion en ligne.

Monsieur le ministre, la cybercriminalité existe. Nous ne sommes donc pas du tout hostiles à la conservation des données pendant un certain temps pour pouvoir les examiner afin de permettre la poursuite des délinquants qui utilisent le web. Cela étant, il faut éviter les dérives. Il convient donc de prévoir un encadrement adapté.

C'est pourquoi nous proposons qu'un décret en Conseil d'État précise le dispositif, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Les organismes dont l'activité même est d'offrir un service payant de connexion en ligne, les cybercafés, doivent être clairement ciblés. Mais sont également concernés ceux qui offrent, dans un cadre public, une connexion en ligne à leurs clients ou à des visiteurs, comme les hôtels ou les compagnies aériennes. Le décret devra définir dans quelles conditions seront examinées toutes les données recueillies à partir d'une connexion établie dans ces lieux ou par ces prestataires de services.

À l'Assemblée nationale, le ministre de l'intérieur a déclaré que cette disposition ne visait « pour l'essentiel » ou « directement » - ce n'était pas très clair - que les cybercafés. Il a, en particulier, précisé que les mairies, les universités et les bibliothèques publiques n'étaient pas concernées « en principe » par cette mesure. Mais il n'a pas exclu, pour autant, que les données émises à partir d'une connexion dans ces lieux doivent être conservées. Pour quel usage ? Nul ne le sait, vraisemblablement pour être examinées ultérieurement. Pourquoi pas ?

En tout cas, monsieur le ministre, nous attendons vos explications, afin de savoir, notamment pour les bibliothèques d'universités, quelle sera votre politique dans ce domaine. Nous pensons que cette disposition est utile mais mérite d'être précisée.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer le II de cet article.

La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 11 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 68, 39 et 89.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 11 tend à supprimer le II de l'article 4 puisque l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que les opérateurs de communications électroniques « doivent » différer l'effacement des données aux fins de constatation des infractions pénales. Le texte actuellement en vigueur prévoit seulement qu'il « peut » être différé, à charge pour le décret d'application d'en définir les conditions.

L'Assemblée nationale a motivé son amendement par le souci d'obliger les opérateurs de communications électroniques, notamment les cybercafés, à conserver leurs données sans attendre la publication du décret attendu lui-même depuis quatre ans.

Bien que comprenant cette impatience, je ne suis pas favorable à cet amendement pour deux raisons.

D'une part, le principe général doit être l'effacement des données. L'amendement de l'Assemblée nationale peut faire croire que le principe est renversé. J'ajouterai que la portée du texte de l'Assemblée nationale est limitée car même avec l'expression « doit différer », un décret restera nécessaire pour fixer les modalités de cette conservation des données et les modalités de la compensation financière du surcoût engendré.

D'autre part, en créant une obligation de conservation, la loi empêcherait le décret de prévoir des exceptions ou des modalités différentes dans l'application de cette obligation de conservation. Je pense aux mairies qui mettent à disposition des ordinateurs en accès libre.

À cet égard, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez l'étendue de cette obligation de conservation des données techniques, notamment quant aux personnes auxquelles elles devraient s'appliquer.

Enfin, pouvez-vous prendre l'engagement que le décret attendu depuis près de quatre ans paraisse très rapidement ?

S'agissant de l'amendement n° 6, qui tend à la suppression de l'article 4, la commission a émis un avis défavorable, dans la mesure où, tout en l'amendant, elle souhaite que l'article soit conservé.

L'amendement n° 39 renvoie à un décret le soin de fixer la liste des catégories de personnes soumises à l'obligation de conservation des données techniques de connexion. Je crains qu'un tel décret ne fige par trop l'étendue de l'obligation de conservation des données et qu'on oublie, dans cette liste, certains services. Une série de décrets complémentaires suivra alors, au risque de compliquer inutilement la réglementation.

Nous préférerions que le ministre précise oralement, comme il l'a fait à l'Assemblée nationale, la liste approximative des catégories de personnes visées par cette obligation de conservation afin de permettre l'application de cette loi.

Il en va de même pour l'amendement n° 89 de nos collègues socialistes, qui renvoie également à un décret en Conseil d'État, mais pris après avis de la CNIL, cette dernière exigence alourdissant encore la procédure. J'ai bien compris que M. Peyronnet était prêt à modifier son texte sur ce point, mais cela nous ramènerait à l'amendement précédent.

En conséquence, j'émets un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'amendement n° 68 de Mme Josiane Mathon, qui est un amendement de suppression, démontre une méconnaissance des modes opératoires des terroristes. Plusieurs affaires ont montré l'importance de ces points d'accès, notamment pour organiser des actions criminelles. Est-il besoin de rappeler l'affaire Richard Reid, ce terroriste interpellé aux États-Unis après avoir transité par la France et utilisé les services de cybercafés ainsi qu'un accès Wifi de l'aéroport de Roissy pour recevoir ses propres instructions. C'est exemple me semble suffisamment significatif.

Je pourrais compléter mes explications en informant la Haute Assemblée que, parmi les 25 personnes interpellées lundi dernier, figurent deux gérants de cybercafés de Seine-Saint-Denis.

M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sont des suspects, pas des coupables !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ces éléments sont suffisamment probants pour justifier cet article 4. Le Gouvernement souhaite compléter le dispositif législatif existant afin d'éviter que les terroristes n'utilisent des moyens de cette nature, facilement accessibles en toute confidentialité, pour mettre en place leurs réseaux. Je suis donc défavorable à cet amendement de suppression.

Concernant les amendements n° 39 de Mme Alima Boumediene-Thiery et n° 89 de M. Jean-Claude Peyronnet, qui sont pratiquement identiques, le deuxième n'ajoutant que la consultation de la CNIL, je vais être très clair puisque les orateurs, ainsi que M. le rapporteur m'ont demandé des explications détaillées.

Monsieur Peyronnet, nous visons d'abord les cybercafés, c'est-à-dire les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale, offrent au public une connexion au réseau Internet. Ce sont eux que nous voulons soumettre au même régime que les opérateurs classiques : obligation de conservation des données techniques de connexion, numéros de terminaux, dates, horaires et durée des communications, indépendamment du contenu des messages électroniques dont la conservation est complètement exclue, je tiens à le dire.

Les mairies, les universités, les bibliothèques ne sont pas concernées, en principe, car leur activité ne consiste pas principalement à proposer au public des connexions au réseau Internet. Mais, comme vous le rappelez vous-même, nous savons, hélas, que les universités sont souvent des lieux d'utilisation des technologies de la communication qui y sont installées. Si l'on nous signalait que telle université ou bibliothèque devenait une sorte de cybercafé déguisé, elles pourraient entrer dans le champ des personnes soumises à cette obligation de conservation de données au titre de leur activité accessoire. De toute façon, il ne serait pas question de mener des investigations et d'utiliser quelque donnée que ce soit concernant la fonctionnalité de l'université et de sa bibliothèque, la recherche porterait exclusivement sur l'activité accessoire, liée à l'utilisation d'Internet dans les mêmes conditions que dans un site public tel qu'un cybercafé.

Il faut se ménager cette possibilité. Nous avons en effet l'exemple de Mohammed Atta, le chef des commandos kamikazes du 11 septembre 2001, qui avait entretenu une partie de son réseau à partir des postes Internet que l'université de Hambourg mettait à disposition de ses étudiants.

La définition proposée par le projet du Gouvernement a été élaborée, je le précise, par le Conseil d'État. Il serait donc inutile de la compléter par un décret en Conseil d'État. Voilà pourquoi je suis défavorable à ces deux amendements.

Vous m'aviez demandé des explications détaillées sur le contenu de cet article 4 et ses objectifs ; après vous les avoir données, je souhaiterais que ces amendements soient retirés.

Enfin, l'amendement n° 11 de la commission recueille l'avis favorable du Gouvernement car je suis en mesure de confirmer que, malgré les vicissitudes du travail interministériel, le décret d'application de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques va enfin être publié dans les premières semaines de 2006. La consultation du Conseil d'État est en cours et devrait aboutir dans les délais les plus brefs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 89.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous maintenons cet amendement, d'autant plus que la réponse donnée par M. le ministre semble le justifier.

L'article 4 vise les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l'intermédiaire d'un accès au réseau. On peut donc considérer qu'un objet est ainsi défini : l'activité professionnelle. Cependant, lorsqu'on interroge le ministre, on se rend compte que l'objet est élargi. En effet, M. le ministre aurait pu répondre que les universités, les mairies, les bibliothèques ne sont pas visées, que seuls sont visés ceux qui exercent cette activité professionnelle à titre principal. C'eût été clair.

Mais M. le ministre nous dit, et nous pouvons le comprendre, qu'on ne peut pas exclure qu'elles soient visées.

Nous savons ce qui se passe dans une université. Si quelqu'un veut préparer un acte terroriste, le fera-t-il dans la cafétéria, dans la bibliothèque... ? On ne peut exclure que n'importe quel ordinateur soit utilisé : le problème devient donc extrêmement complexe. Au nom de l'efficacité du contrôle, on aboutit à son extension illimitée. Par conséquent, il faut adopter des dispositions précises.

Nous sommes donc bien fondés à conclure, après avoir entendu la réponse du ministre, qu'il faut préciser et clarifier. C'est pourquoi un décret en Conseil d'État ne serait pas inutile. En effet, vient forcément un moment où il faut procéder à une appréciation. La question est de savoir qui apprécie et comment, ce qui renvoie à notre argumentation générale. À partir du moment où celui qui apprécie est clairement désigné, avec toutes les garanties, notamment celles de l'autorité judiciaire, le problème se pose différemment.

Ainsi, notre amendement constitue une précaution, ô combien nécessaire, compte tenu du caractère éminemment vague de la réponse du ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, je ne pense pas du tout avoir répondu de manière vague. Au contraire, je vous ai très précisément expliqué que nous visions d'abord les cybercafés, c'est-à-dire les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale, offrent au public une connexion au réseau Internet.

Nous ne visons pas les universités et les bibliothèques, dont l'activité principale ne consiste pas à proposer des connexions Internet au public, même si M. Peyronnet sait par expérience, et pour être attentif à l'actualité du monde, qu'il arrive ou qu'il est arrivé, malheureusement, que les universités soient aussi concernées, les personnes qui fréquentent ces lieux pouvant, de manière publique, avoir accès à Internet. C'est donc à cette activité seule et non aux autres activités de l'université que les dispositions de l'article pourraient éventuellement s'appliquer

Pour répondre à vos préoccupations et tenter de vous convaincre de toutes mes forces, monsieur Sueur, je compléterai les informations que je vous ai déjà apportées en précisant que, l'année prochaine, comme le prévoit l'article 15 du projet de loi, le Gouvernement soumettra chaque année au Parlement un rapport sur l'application de la loi, et donc sur cet aspect accessoire de l'article 4. A cette occasion, vous aurez l'opportunité de faire le bilan et, ensemble, nous évaluerons ce qu'il y a lieu de modifier dans la définition figurant à l'article 4.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 5 (interruption de la discussion)

Article 5

I. - Après l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 34-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 34-1-1. - Afin de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme, les agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement désignés en charge de ces missions peuvent exiger des opérateurs et personnes mentionnés au I de l'article L. 34-1 la communication des données conservées et traitées par ces derniers en application dudit article.

« Les données pouvant faire l'objet de cette demande sont limitées aux données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l'ensemble des numéros d'abonnement ou de connexion d'une personne désignée, aux données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu'aux données techniques relatives aux communications d'un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date des communications.

« Les surcoûts identifiables et spécifiques éventuellement exposés par les opérateurs, prestataires et personnes mentionnés au premier alinéa pour répondre à ces demandes font l'objet d'une compensation financière.

« Les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision d'une personnalité qualifiée, placée auprès du ministre de l'intérieur. Cette personnalité est désignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité sur proposition du ministre de l'intérieur, pour une durée de trois ans renouvelable. Des adjoints pouvant la suppléer sont désignés dans les mêmes conditions. La personnalité qualifiée établit un rapport d'activité annuel adressé à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Les demandes, accompagnées de leur motif, font l'objet d'un enregistrement et sont communiquées à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

« Cette instance peut à tout moment procéder à des contrôles relatifs aux opérations de communication des données techniques. Lorsqu'elle constate un manquement aux règles définies par le présent article ou une atteinte aux droits et libertés, elle saisit le ministre de l'intérieur d'une recommandation. Celui-ci lui fait connaître dans un délai de quinze jours les mesures qu'il a prises pour remédier aux manquements constatés.

« Les modalités d'application des dispositions du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui précise notamment la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des données transmises. »

bis. - Après le II de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. - Afin de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme, les agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement désignés en charge de ces missions peuvent exiger des prestataires mentionnés aux 1° et 2° du I la communication des données conservées et traitées par ces derniers en application du présent article.

« Les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision de la personnalité qualifiée instituée par l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques selon les modalités prévues par le même article. La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité exerce son contrôle selon les modalités prévues par ce même article.

« Les modalités d'application des dispositions du présent paragraphe sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui précise notamment la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des données transmises. »

II. - 1 A. Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, les mots : « ou de la personne que chacun d'eux aura spécialement déléguée » sont remplacés par les mots : « ou de l'une des deux personnes que chacun d'eux aura spécialement déléguées ».

1 B. Dans le premier alinéa de l'article 19 de la même loi, les mots : « de l'article 14 et » sont remplacés par les mots : « de l'article 14 de la présente loi et au ministre de l'intérieur en application de l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques et de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, ainsi que ».

1. Il est inséré, dans la même loi, un titre V intitulé : « Dispositions finales » comprenant l'article 27 qui devient l'article 28.

2. Il est inséré, dans la même loi, un titre IV ainsi rédigé :

« TITRE IV

« COMMUNICATION DES DONNÉES TECHNIQUES RELATIVES À DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

« Art. 27. - La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité exerce les attributions définies à l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques et à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique en ce qui concerne les demandes de communication de données formulées auprès des opérateurs de communications électroniques et personnes mentionnées à l'article L. 34-1 du code précité ainsi que des prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée. »

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 69, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 5 du projet de loi tend à permettre, dans le cadre des pouvoirs de police administrative, l'accès des agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie nationale à certaines données de trafic générées par les communications électroniques.

Alors qu'actuellement ces données sont systématiquement communiquées dans un cadre judiciaire, demain elles le seront dans un cadre administratif adapté et donc en dehors de tout contrôle du juge judiciaire. Nous ne saurions l'accepter.

En effet, comme le relève à juste titre la CNIL dans son avis du 10 octobre dernier : « L'obligation ainsi faite aux opérateurs de communiquer, dans le cadre des pouvoirs de police administrative et hors contrôle des autorités judiciaires, les traces des connexions qui, par recoupement avec d'autres données, peuvent dévoiler l'identité des utilisateurs d'internet, leur navigation sur le Web et, de manière plus générale, l'usage privé que l'on fait du réseau, déroge aux principes fondamentaux de protection des libertés individuelles. » Comprenons le respect de la vie privée.

Quoi qu'en dise notre rapporteur, cette réquisition administrative n'est pas entourée de garanties permettant de préserver les libertés individuelles, dont le droit au respect de la vie privée est l'une des composantes. Le fait que ces mesures soient limitées dans le temps, à savoir jusqu'au 31 décembre 2008, ne nous rassure pas pour autant. L'expérience nous a montré qu'en la matière le provisoire est fait pour durer.

Rappelons, enfin, que des dispositions antiterroristes insérées dans la loi relative à la sécurité quotidienne au lendemain des attentats du 11 septembre, bien qu'initialement limitées dans le temps, ont été cependant prorogées.

M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par M. Courtois, au nom de la commission.

L'amendement n° 12 est ainsi libellé :

I. - Au premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 34-1-1 dans le code des postes et des communications électroniques, supprimer les mots :

et de réprimer

II. - En conséquence, procéder à la même suppression au premier alinéa du texte proposé par le I bis de cet article pour insérer un II bis à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

L'amendement n° 13 est ainsi libellé :

I. - Au premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 34-1-1 dans le code des postes et des communications électroniques, remplacer les mots :

les agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement désignés en charge de ces missions

par les mots :

les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement chargés de ces missions

II. - En conséquence, procéder au même remplacement au premier alinéa du texte proposé par le I bis de cet article pour insérer un II bis à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

L'amendement n° 14 est ainsi libellé :

Au troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 34-1-1 dans le code des postes et des communications électroniques, supprimer les mots :

, prestataires

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces trois amendements.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Avec l'amendement n° 12, je vous propose de rétablir la rédaction initiale du projet de loi à propos des finalités pour lesquelles les réquisitions administratives des données techniques des communications peuvent être demandées.

Le projet de loi initial prévoyait une seule finalité, la prévention des actes de terrorisme. L'Assemblée nationale a souhaité élargir ces finalités à la répression des actes de terrorisme.

Je suis conscient que la limite entre répression et prévention est souvent délicate en matière de terrorisme. Les articles 6, 7 et 8 du projet de loi font d'ailleurs référence à cette double finalité.

Toutefois, en l'espèce, il semble préférable de se limiter à la seule prévention du terrorisme. En effet, dans les trois articles précités, il s'agit de permettre la consultation de fichiers constitués à des fins de police administrative. Le dispositif prévu au présent article est de nature différente, puisqu'il s'agit de consulter des données recueillies dans un cadre privé.

En introduisant la finalité de répression du terrorisme, un risque de confusion avec la procédure judiciaire de réquisition de ces données existe. S'agissant en effet des interceptions de sécurité, c'est-à-dire les écoutes administratives, la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques est très claire. Elle ne permet des écoutes administratives que pour prévenir le terrorisme et non pour le réprimer. Dans ce dernier cas de figure, on bascule dans le cadre juridique des écoutes judiciaires.

L'amendement de précision et d'harmonisation rédactionnelle n° 13 répond à une recommandation de la CNIL, qui souhaite que soient parfaitement encadrées les conditions d'accès à ces données.

Enfin, l'amendement n° 14 est un amendement de coordination.

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. En parallèle de la procédure de réquisition judiciaire, il est mis en place une procédure de réquisition administrative qui ne respecte pas le principe de proportionnalité, garantie essentielle à la protection des droits et des libertés.

Ce qui marque la logique de ce projet - je l'ai déjà dit -, c'est la volonté de déjudiciariser la lutte contre le terrorisme.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Les mesures permettant l'accès direct aux données retenues par les opérateurs, en dehors de tout contrôle judiciaire, sont au fond de même nature que celles qui autorisent les interceptions téléphoniques administratives. Prévoir un dispositif d'autorisation et de contrôle distinct constitue donc une source de complexité injustifiée qui affaiblit l'effectivité des garanties offertes, déjà toutes relatives.

Il conviendrait au moins d'aligner ces deux régimes et de prévoir, pour ce qui concerne l'accès aux données de trafic, un contingentement, comme en matière d'écoutes.

Il est d'ailleurs paradoxal, d'un côté, de placer la commission nationale de contrôle de sécurité au coeur du processus de lutte contre le terrorisme, notamment en étendant ses missions et ses compétences, et, de l'autre, de ne pas lui assurer les moyens financiers et d'autonomie juridique indispensables à l'exercice effectif de ses fonctions. Encore une fois, nous sommes beaucoup trop dans l'annonce et dans l'affichage, et pas assez dans les moyens et le bon sens.

Enfin, à cet article, comme dans d'autres articles, l'exercice d'un contrôle effectif par la CNIL n'est pas encore rendu possible. Malheureusement pour l'ensemble de nos citoyens, la CNIL est le parent pauvre de ce projet de loi !

M. le président. L'amendement n° 90, présenté par MM. Peyronnet, Badinter et Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et Tasca, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz, Sueur, Vantomme et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I - Remplacer le quatrième alinéa du texte proposé par le I  de cet article pour l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques par un alinéa ainsi rédigé :

Les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Ces demandes, accompagnées de leur motif, font l'objet d'un enregistrement. Cette instance établit un rapport d'activité annuel adressé au ministre de l'intérieur et  à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

II - En conséquence :

1) Au début du cinquième alinéa du texte proposé par le I  de cet article pour l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques, remplacer les mots :

Cette instance

par les mots :

La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité

2) Remplacer le deuxième alinéa du texte proposé par le I bis de cet article pour insérer un II bis après le II de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 janvier 2004 par un alinéa ainsi rédigé :

Les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité selon les modalités prévues par l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques. La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité exerce son contrôle selon les modalités prévues par ce même article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes très préoccupés par ce dispositif qui vise à intercepter toute une série d'informations relatives aux communications entre les individus. Nous l'avons dit et nous ne cesserons de le répéter, car c'est notre position, cela doit se faire dans un cadre strict et sous l'autorité de la justice.

En raison de l'urgence, de l'imminence, de la gravité évidente de la menace terroriste, nous devons, nous dit-on, faire fi des procédures mises en oeuvre sous l'autorité de la justice. Nous ne le pensons pas. En l'espèce, il est quand même tout à fait étonnant que le Gouvernement nous demande, avec ce projet de loi, de renoncer aux prérogatives de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS.

Chacun se souvient des nombreux débats que nous avons eus sur les écoutes téléphoniques...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh oui !

M. Jean-Pierre Sueur. ... et qui ont conduit à mettre en oeuvre cette commission. Celle-ci compte en son sein des magistrats dont l'autorité est reconnue. Nous ne comprenons vraiment pas pourquoi vous voulez la disqualifier.

Certes, en matière d'écoutes téléphoniques, la CNIS ne dispose que d'un pouvoir consultatif. Mais l'on constate qu'au fil des différents gouvernements le Premier ministre suit presque toujours ses avis, preuve que ces derniers sont finalement reconnus.

Rien n'interdit - et vous auriez pu nous le proposer - de faire évoluer les compétences de cette autorité sur des sujets qui, en matière de respect des libertés publiques, requièrent une vigilance accrue. Le seul argument qui est donné est celui de l'urgence et de la rapidité. Mais, je tiens à le souligner, cette autorité a prouvé qu'elle pouvait faire preuve d'une réactivité importante.

Ainsi, en avril 2003, sans modification de la loi, et en accord avec M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, le régime d'avis préalable aux demandes d'écoute a été étendu aux demandes urgentes. Cette réforme a été motivée par la forte augmentation du nombre de décisions d'interception urgente, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Selon les indications de la CNCIS, cette évolution a été réalisée sans ralentissement, grâce à la disponibilité accrue de la structure permanente de la commission, qui est par conséquent en mesure de rendre un avis dans le délai maximal d'une heure en cas de saisine urgente, en se fondant sur la jurisprudence de la commission. Ainsi, le délégué général de la commission, ou son adjoint, informe systématiquement le président de l'autorité de toute saisine.

L'article 1er du règlement intérieur de la CNCIS prévoit en effet que celle-ci se réunit sur l'initiative de son président lorsque celui-ci estime que la légalité d'une autorisation d'interception n'est pas certaine.

Par conséquent, le dispositif actuel fonctionne et peut être très réactif.

Dans le cas qui nous occupe, ce qui est vraiment incompréhensible, surtout lorsqu'il s'agit d'un problème d'interception de communications, qui a donc trait aux libertés publiques, c'est que vous nous demandiez de vous affranchir des prérogatives de cette commission pour, si j'ai bien compris, mettre en place une personnalité qualifiée. Vous avez même obtenu à l'Assemblée nationale que celle-ci soit nommée par la commission, mais sur proposition du ministre de l'intérieur. Alors, foin d'hypocrisie ! Autant dire que cette personnalité qualifiée est nommée par le ministre de l'intérieur.

Dans ce cas précis, c'est d'autant plus incompréhensible que le pouvoir régalien de l'État intervient en dehors de toute autorité de justice et même en dehors de la commission mise en place à cet effet ! Pourtant, il a été démontré que cette commission, à laquelle M. Jean-Pierre Raffarin a fait référence, qu'il a lui-même utilisée - et je ne doute pas que M. de Villepin, fera de même - peut se prononcer en moins d'une heure !

M. le président. L'amendement n° 54 rectifié ter, présenté par MM. Portelli,  Türk et  Nogrix, Mme Malovry, MM. Mouly,  Seillier,  Cambon,  Goujon et  Lecerf, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la deuxième phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques :

Cette personnalité est désignée pour une durée de trois ans renouvelable, par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité parmi les personnes figurant sur une liste établie par le ministre de l'intérieur et comportant trois noms.

La parole est à Mme Lucienne Malovry.

Mme Lucienne Malovry. Aux termes du projet de loi, la personnalité qualifiée est désignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité sur proposition du ministre de l'intérieur.

Le présent amendement vise à prévoir que le ministre de l'intérieur établira une liste comportant trois noms. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est démocratique, ça ?

Mme Éliane Assassi. C'est un amendement de circonstance !

Mme Lucienne Malovry. Le choix entre plusieurs candidats apportera une plus grande objectivité à la désignation de la personnalité qualifiée par la CNCIS.

M. le président. L'amendement n° 55 rectifié bis, présenté par MM. Türk,  Portelli et  Nogrix, Mme Malovry, MM. Mouly,  Seillier et  Cambon, est ainsi libellé :

Compléter l'avant-dernière phrase du quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques par les mots :

et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés

La parole est à Mme Lucienne Malovry.

Mme Lucienne Malovry. L'article 5 du projet de loi prévoit l'accès des services de police aux données de connexion.

Au regard de la sensibilité particulière des informations auxquelles les agents des services de police et de gendarmerie nationales chargés des missions de prévention des actes de terrorisme peuvent avoir accès, les garanties entourant cet accès doivent être améliorées.

En la matière, l'intervention de la CNIL est justifiée par la nature des données, qui relèvent directement de la loi du 6 janvier 1978 modifiée le 7 août 2004. Dès lors, la CNIL devrait être également destinataire du rapport annuel établi par la personnalité qualifiée. Cette transmission était d'ailleurs prévue dans l'avant-projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par le I bis de cet article pour insérer un II bis à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les surcoûts identifiables et spécifiques éventuellement exposés par les prestataires mentionnés au premier alinéa du présent II bis pour répondre à ces demandes font l'objet d'une compensation financière. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. De la même manière que le paragraphe I de l'article 5 prévoit une compensation financière des surcoûts résultant, pour les opérateurs de communications électroniques, des demandes de réquisitions administratives des données techniques, cet amendement prévoit une compensation financière des éventuels surcoûts pour les fournisseurs d'accès ou les fournisseurs d'hébergement visés par la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les autres amendements ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 69 tendant à supprimer l'article 5 du projet de loi, la commission ne peut qu'y être défavorable puisqu'elle propose elle-même d'amender cet article.

L'amendement n° 40 vise à supprimer la procédure spéciale selon laquelle seront autorisées les demandes de réquisition administrative des données de connexion. Les auteurs de cet amendement souhaitent que cette procédure spéciale soit confondue avec la procédure applicable aux écoutes administratives. Une procédure distincte me semble préférable, car les données de connexion ne sont pas de même nature que les écoutes administratives.

En effet, une donnée de connexion ne porte pas sur le contenu des communications ; au regard du respect des libertés individuelles, leur réquisition est donc beaucoup moins instructive.

J'ajoute que, contrairement aux écoutes administratives, la procédure proposée offre des garanties fortes puisqu'il s'agit non pas d'un contrôle a posteriori, mais d'un contrôle a priori.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l'amendement n° 90, il tend à attribuer à la Commission nationale des contrôles d'interception de sécurité les pouvoirs de contrôle des réquisitions administratives des données techniques que le projet de loi attribue à une personnalité qualifiée nommée par ses soins.

Le choix de confier à une personnalité qualifiée le contrôle de ces réquisitions a été guidé par le souci de ne pas alourdir les missions de la CNCIS.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne tient pas !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En outre, en confiant ce contrôle à une personnalité qualifiée, on conjugue les impératifs opérationnels de rapidité et les garanties nécessaires au regard du respect des libertés individuelles.

M. Jean-Pierre Sueur. Une personnalité qualifiée respecterait mieux les libertés individuelles ! C'est incroyable !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Si la CNCIS était compétente, il serait très difficile, pour des raisons matérielles, qu'elle exerce un contrôle a priori. Je le répète, en matière d'écoutes administratives, la CNCIS exerce un contrôle a posteriori.

Le projet de loi prévoit un contrôle a priori par l'intermédiaire d'une personnalité qualifiée, nommée par la CNCIS.

M. Jean-Pierre Sueur. Sur proposition du ministre !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le régime est donc très protecteur, sachant que la CNCIS peut exercer un contrôle a posteriori.

Le projet de loi issu de l'Assemblée nationale prévoit que la personnalité qualifiée qui autoriserait chaque demande de réquisition administrative des données de connexion serait désignée par la CNCIS, sur proposition du ministre de l'intérieur. L'amendement n° 54 rectifié ter vise à proposer que la commission devrait choisir parmi trois noms proposés par le ministère de l'intérieur.

Je suis favorable à ce dispositif : de la sorte, la CNCIS ne se verra pas imposer un candidat, elle aura le choix.

L'amendement n° 55 rectifié bis prévoit que le rapport annuel d'activité établi par la personnalité qualifiée et adressé à la CNCIS devrait être également adressé à la CNIL.

Je ne suis pas fondamentalement contre cet amendement, mais je me demande s'il apporte réellement quelque chose de plus. Je crains qu'il n'engendre un enchevêtrement entre les missions de la CNCIS et celles de la CNIL.

Au vu de ces observations, je demande à Mme Malovry de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, la commission s'en remettra à la sagesse du Sénat.

M. le président. Mes chers collègues, la sagesse veut que nous interrompions maintenant l'examen du projet de loi. Nous entendrons l'avis du Gouvernement après les questions d'actualité.

Art. 5 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Discussion générale

3

DÉClaration de l'urgence d'un projet de loi

M. le président. Par lettre en date du 15 décembre 2005, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi de programme pour la recherche (n° 91, 2005-2006).

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

4

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l'auteur de la question de même que le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

Je veillerai à ce que chacun respecte rigoureusement le temps de parole qui lui est imparti.

Contrat professionnel de transition

M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-François Humbert. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

M. le Premier Ministre a présidé lundi dernier une réunion qui regroupait l'ensemble des partenaires sociaux et qui faisait suite à une réunion de la Commission nationale de la négociation collective.

À cette occasion, il a été souligné qu'il allait devenir nécessaire de changer plus fréquemment de travail ou d'activité et que les entreprises avaient besoin de davantage de souplesse dans leur recrutement et dans leur organisation. Deux contreparties légitimes ont alors été réclamées : la première, c'est « un parcours professionnel dynamisé et sécurisé », la seconde, « une meilleure récompense de l'effort ».

En effet, face aux licenciements économiques qui remettent sur le marché du travail des personnes dont la qualification n'est pas toujours adaptée aux emplois proposés, il est indispensable de proposer des transitions vers d'autres métiers, pour lesquels l'offre de travail se caractérise par une certaine tension.

M. Roland Muzeau. Ce n'est pas du tout une question téléphonée ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

M. Jean-François Humbert. Les moyens doivent être personnalisés, afin que chacun, en fonction de son histoire propre, puisse retrouver un emploi dans les meilleures conditions.

Dans cette optique, le chef du Gouvernement a annoncé le lancement, d'ici au 1er septembre 2006, d'un « service public de l'orientation », ainsi que la nomination, « dans les prochains jours », d'un délégué interministériel chargé de coordonner ce chantier.

Le Premier ministre a également annoncé la mise en place, à titre expérimental, dans six bassins d'emploi en difficulté, d'un contrat de transition professionnelle, ou CTP, pour les licenciés économiques d'entreprises de moins de 300 salariés.

Un salarié licencié qui signera ce type de contrat touchera donc une rémunération proche de son ancien salaire et bénéficiera d'une formation, tout en mettant son expérience professionnelle au service d'entreprises privées ou d'organismes publics.

M. Roland Muzeau. Cela sonne faux !

M. Jean-François Humbert. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner plus de détails sur les modalités de ce dispositif, qui nous semble efficace et porteur d'espoir pour ceux qui peinent à retrouver un emploi ? Qui financera ce contrat ? Comment et par qui sera-t-il mis en oeuvre dans les six départements concernés ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. C'est une bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, notre économie se caractérise par des mutations et des évolutions. Un certain nombre d'entreprises se transforment, des métiers disparaissent progressivement, d'autres apparaissent.

Nous avons le devoir de relever un certain nombre de défis. Comment faciliter les évolutions professionnelles ? Comment aider les salariés à retrouver un emploi, à se réorienter professionnellement, à se former, à acquérir de la mobilité ?

Car il est bien évident que nous ne pouvons négliger la dimension humaine des mutations économiques. Or, pour faciliter la reconversion des hommes et des femmes, il faut un accompagnement : c'est ce que prévoit la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier dernier.

Par ailleurs, nous avons mis en place la convention de reclassement personnalisé. De quoi s'agit-il ? Les licenciés économiques, notamment ceux des petites et moyennes entreprises - la loi de modernisation sociale avait en fait induit une profonde disparité entre les salariés, ceux des PME se trouvant dans une situation d'inégalité totale par rapport à ceux des grandes entreprises-, bénéficient, pendant une période de huit mois, d'un accompagnement dans leurs recherches d'emploi et de formation, ainsi que d'une allocation spécifique. Aujourd'hui, 20 000 personnes bénéficient de ce dispositif.

Monsieur le président du Sénat, vous le savez, dans le département des Vosges, nous avons pu mettre en place, avec l'aide du président du conseil régional de Lorraine, M. Masseret, à l'échelon de la région comme du département, la convention de reclassement personnalisée pour faire face aux difficultés du secteur textile.

M. Raymond Courrière. Qui a payé ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. S'inspirant de cet exemple, M. le Premier ministre a autorisé des expérimentations dans six bassins d'emploi caractérisés par la mono-industrie et particulièrement touchés par les mutations économiques.

La convention de reclassement personnalisé est en quelque sorte une plateforme de soutien qui évite au licencié économique de passer par la « case chômage », en le préparant à rebondir. L'accompagnement est en effet au coeur du dispositif : accompagnement mensuel des demandeurs d'emploi, parcours sécurisé, et c'est là un élément essentiel des propositions que le Premier ministre a soumis aux partenaires sociaux.

Pour les jeunes, un plan d'action est également prévu, afin qu'ils n'enchaînent pas les « galères », mais obtiennent, de manière suivie, les réponses qu'on doit leur apporter pour favoriser leur insertion professionnelle.

Tel est le projet social du Gouvernement. Il est porté par le Premier ministre ainsi que par l'ensemble du pôle de cohésion sociale et du Gouvernement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Situation de l'emploi

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Depuis plusieurs jours, tous les médias nous régalent à satiété de la baisse du chômage, que le redémarrage de la croissance aurait, semble-t-il, rendue possible.

M. Henri de Raincourt. Ça vous gêne !

M. Richard Yung. Si cela était vrai, nous serions les premiers à nous en réjouir ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Richard Yung. Toutefois, permettez-nous d'être sceptiques - ce n'est pas interdit ! - et de vous interroger, monsieur le ministre, sur ces chiffres, qui nous semblent en trompe-l'oeil.

La croissance économique ? À 1,5 % en rythme annuel, pour l'instant, elle reste atone ! Monsieur le ministre, quand prévoyez-vous ce fameux redémarrage ?

M. Alain Gournac. Demandez à Mme Soleil !

M. Richard Yung. Les sorties du chômage ? Elles s'expliquent plutôt par des artifices comptables !

M. Richard Yung. Ainsi, depuis le mois d'avril dernier, le nombre des radiations administratives est passé, en moyenne, de 15 000à 36 000 par mois.

M. Richard Yung. Quel sens a la baisse du chômage lorsqu'elle coïncide avec une hausse de plus de 5 % du nombre des RMIstes, soit plus de 60 000 personnes, demandeurs d'emploi, arrivés en fin de droits, victimes de la réforme de l'indemnisation de l'assurance chômage, qui réduit de trente à vingt-trois mois la durée d'indemnisation ?

En outre, l'évolution naturelle de la démographie entraîne des dizaines de milliers de départs à la retraite.

Vous nous vantez les contrats « nouvelles embauches », les CNE. Mais correspondent-ils véritablement à des créations d'emploi ?

M. Richard Yung. Nous savons en effet que, sur cent personnes « sortant » de l'ANPE, seules vingt-cinq ont trouvé un emploi réel.

S'agissant des emplois aidés, certes, vous en avez créé 130 000 - nous le reconnaissons -, mais c'est après en avoir supprimé 430 000, que nous avions, nous, créés !

Quand et comment allez-vous rattraper ce retard ?

Le Premier ministre a fait lundi dernier, nous dit-on, le « voyage » de la rue de Varenne à la rue de Grenelle. Même le Français de l'étranger que je suis sait que c'est un bien court trajet ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. C'est sportif, quand même !

M. Richard Yung. Le « Grenelle social » qui a été promis, avec son projet de contrat de transition professionnelle, a fait « pschitt », pour reprendre une formule devenue célèbre. (Sourires sur les mêmes travées.) Ce dispositif ne concerne que quelques centaines de salariés dans six bassins d'emploi, vous venez de le rappeler, monsieur le ministre.

Combien d'emplois réels ont été créés depuis six mois ? Comment comptez-vous ajuster votre politique économique pour maîtriser le chômage ?

Le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de tant d'autres choses (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP)...

M. Alain Gournac. Il est bon !

M. Richard Yung. ...explique que le modèle social français n'est « ni juste ni efficace », et qu'il faut par conséquent introduire un contrat de travail unique beaucoup plus flexible.

Cette politique n'est, semble-t-il, pas la même que celle que vous venez d'annoncer, monsieur le ministre ! Par conséquent, pouvez-vous nous préciser quelle est votre véritable politique en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, que vous le vouliez ou non, la France compte aujourd'hui 130 000 chômeurs de moins qu'il y a sept mois ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a pas d'emplois en plus !

M. Robert Hue. C'est du maquillage !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pour ceux qui sont restés pendant un an ou deux ans sans emploi, le temps a paru bien long !

Par ailleurs, vous vous référez à une publication de l'INSEE, mais, manifestement, vous n'êtes pas allé jusqu'à la page 2 ! En effet, l'INSEE prévoit, pour le troisième trimestre de 2005, une croissance de 0,7 %, et, pour le premier semestre de 2006, autour de 2 % en rythme annuel.

M. Raymond Courrière. Ce n'est pas trop !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. D'après les chiffres de l'UNEDIC parus ce matin, le régime des salariés du secteur privé n'a jamais compté autant d'affiliés. À la différence de l'INSEE, en effet, l'UNEDIC prend en compte l'ensemble des salariés, y compris ceux du secteur de la santé, ceux d'un certain nombre de services couverts par les associations et ceux des secteurs agricole et para-agricole. Je vous livre le chiffre exact : on dénombre 15 983 000 salariés affiliés au régime des salariés du secteur privé, soit  70 000 de plus qu'au 1er janvier dernier.

Vous vouliez des chiffres précis, monsieur le sénateur, en voilà ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP)

M. Raymond Courrière. Et combien de RMIstes ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Depuis le 5 août dernier, 200 000 CNE ont été signés.

Dans le secteur de l'apprentissage, le nombre d'inscrits a augmenté de 7 % aux mois de septembre et d'octobre derniers, par rapport à la même période en 2004.

M. Pierre-Yves Collombat. C'est une aubaine !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par ailleurs, 150 000 contrats d'avenir ont été conclus.

En outre, depuis le mois de juin dernier, 113 000 jeunes sont aujourd'hui en CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale. Nous proposons à ces jeunes un accompagnement pour qu'ils sortent de la « galère ». Eh bien, je revendique cette action comme relevant d'une politique de retour à l'emploi et de dignité pour les jeunes !

C'est autour de cette politique que le Gouvernement continuera à se mobiliser. C'est sa priorité ! Chaque matin, le Premier ministre nous demande d'être mobilisés autour de cet unique objectif.

Alors, monsieur le sénateur, des créations d'emploi, vous en aurez ! C'est l'intérêt de toutes les Françaises et de tous les Français ! C'est l'intérêt de notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Aide française au Pakistan

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

Le terrible séisme qui a frappé le Cachemire le 8 octobre dernier a provoqué la mort de près de 70 000 personnes. Il en a aussi blessé, parfois grièvement, près de 50 000.

Aussi effrayants que soient ces chiffres, le pire pourrait encore être à venir.

Cette catastrophe a fait plus de 120 000 sans-abri, qui vivent dans des conditions dramatiques, manquant de tout. Et ce nombre s'accroît chaque jour. Avec l'arrivée de l'hiver, le nombre des victimes du tremblement de terre a augmenté dans des proportions terrifiantes.

Face à l'ampleur de la catastrophe, la communauté internationale a réagi avec générosité, s'engageant à verser plus de 5 milliards de dollars. Pourtant, compte tenu de l'importance des besoins et de leur urgence, cette aide pourrait ne pas être suffisante.

Ma question porte sur le montant et sur les modalités de l'engagement français. Celui-ci peut être financier ou en nature, être assuré par l'État ou par les collectivités locales, bien que la proposition de loi relative au renforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale, que le Sénat a votée, n'ait pas encore été examinée par l'Assemblée nationale, ce qui est d'ailleurs un peu regrettable au regard des circonstances.

Le Sénat vient d'adopter la loi de finances pour 2006. Dans la mission « Aide publique au développement », l'action n° 6, « Aide aux populations touchées par les crises », est dotée de 58,7 millions d'euros : 38 millions d'euros sont affectés à l'aide humanitaire et alimentaire d'urgence et 20,5 millions d'euros à la sortie de crises.

Je voudrais savoir quelle part de ce budget sera consacrée à la crise du Cachemire ? Cette action est-elle coordonnée avec celle des collectivités locales ? Répond-elle aux besoins des populations touchées ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Madame la sénatrice, vous venez de rappeler les conséquences épouvantables du drame qui s'est produit le 8 octobre dernier au Pakistan.

Depuis cette date, la France est fortement mobilisée pour venir en aide aux populations qui ont été touchées par le séisme.

Nous avons débloqué une aide d'urgence de 12 millions d'euros, que nous avons centrée sur le secteur médical, à la demande des autorités pakistanaises. Nous avons envoyé des équipes de secouristes, des équipes médicales, civiles et militaires, et pour 3 millions d'euros de matériel humanitaire. Nous avons réparti 9 millions d'euros entre l'UNICEF, pour lui permettre de fournir des vaccins contre le tétanos et la rougeole, la Croix-Rouge, pour lui permettre de fournir des prothèses orthopédiques. Nous avons en outre contribué au Programme alimentaire mondial et au programme du Haut commissariat pour les réfugiés.

Au-delà de cette aide d'urgence de 12 millions d'euros, nous avons également octroyé une aide de 13 millions d'euros par le biais de l'Union européenne.

Enfin, aujourd'hui même, un nouvel avion-cargo part pour le Pakistan avec quatre-vingt-dix tonnes de matériel humanitaire, précisément pour éviter que de nouvelles victimes ne succombent en raison des conditions climatiques actuelles. Cette cargaison est constituée en partie de vêtements chauds, de tentes et d'équipements d'hiver.

Nous contribuons aussi à la reconstruction des sites dévastés. À cette fin, nous avons inscrit 80 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2006, dont 30 millions seront débloqués dès le début de l'année.

La semaine dernière, la France a envoyé une mission d'experts pour évaluer, avec les autorités pakistanaises, les projets à mettre en oeuvre. Nous essayons de combiner des constructions de logements et la réhabilitation des infrastructures de base, telles que les réseaux d'eau et d'assainissement.

Vous le voyez, nous avons d'emblée été très présents et nous continuons à l'être. Je vous précise également, madame la sénatrice, que nous veillons à assurer sur place la meilleure coordination possible avec tous les intervenants, qu'ils soient français ou étrangers. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

EDF

M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.

M. Yves Coquelle. Ma question s'adresse à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions annoncé que la privatisation d'EDF, engagée sous prétexte d'adapter l'entreprise à l'ouverture du marché, ne manquerait pas d'avoir des conséquences négatives directes sur le prix de l'énergie, sur l'emploi et sur la qualité du service rendu.

Il n'aura pas fallu attendre longtemps pour vérifier la justesse de ces prévisions. En effet, EDF a confirmé sa volonté de supprimer 6 000 à 6 500 emplois d'ici à 2007 en ne remplaçant pas tous les départs à la retraite.

M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

M. Yves Coquelle. Il était prévisible qu'il y aurait des réductions massives d'emplois, afin de satisfaire les actionnaires et d'atteindre le niveau de dividendes que le Gouvernement et la direction se sont promis de leur verser. À preuve, dès l'annonce des suppressions d'emplois, l'action a bondi !

Cette décision scandaleuse et totalement injustifiable va peser sur les conditions de travail de tous les salariés d'EDF et réduire la qualité du service rendu aux usagers.

Nous considérons que l'énergie n'est pas une marchandise, mais un bien public, et qu'elle devrait par conséquent échapper à la logique de rentabilité financière. Le secteur de l'énergie requiert de lourds investissements qui nécessitent des engagements à long terme.

C'est la raison pour laquelle la France s'était dotée, avec EDF et GDF, de deux entreprises publiques échappant à la logique de la rentabilité capitaliste et qui ont fait la preuve de leur grande efficacité.

M. Robert Hue. Absolument !

M. Yves Coquelle. Quel que soit leur lieu d'habitation, les Français paient le kilowattheure au même prix, qui, soit dit en passant, est l'un des plus bas d'Europe.

Monsieur le ministre, allez-vous stopper cette politique libérale, en refusant les suppressions d'emplois annoncées, et garantir le service public actuel ? En effet, nous craignons également, non sans raison, que ne soient remises en cause la garantie de la continuité du service, la garantie de la sûreté et de la sécurité des installations, des biens et des personnes et la garantie de la péréquation tarifaire ?

Ce sont autant de questions qui ne peuvent trouver de réponse favorable si l'on se place dans la logique de la rentabilité capitaliste.

Dans cette affaire, l'État se désengage progressivement et cherche à faire entrer de l'argent dans ses caisses, ce qui relève d'ailleurs d'une vision à court terme. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce qu'ont coûté réellement à l'État les privatisations de ces dernières années ?

En ce qui nous concerne, nous proposons de renationaliser EDF...

M. Robert Hue. Très bien !

M. Yves Coquelle. ...et d'aller vers la création d'un pôle énergétique 100 % public, pérennisant EDF et GDF. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Robert Hue. Comme aux États-Unis !

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser Thierry Breton, qui ne pouvait participer à cette séance et m'a demandé, monsieur Coquelle, de vous répondre à sa place.

Je veux d'abord faire un rappel important. L'annonce de ces licenciements..., de ces réductions d'effectifs, voulais-je dire, pardonnez-moi,...

M. Robert Hue. Quel lapsus !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Lapsus révélateur !

M. Dominique Perben, ministre. ...est antérieure à la décision d'augmentation du capital. Ne liez donc pas deux faits qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre.

Du reste, ces réductions d'effectifs sont comparables à celles qui ont eu lieu au cours de la période 2000-2003, et elles font suite à des embauches importantes qui ont été réalisées en 2004 et en 2005. Cela fait partie de la gestion des ressources humaines de l'entreprise.

En outre, la question est de savoir comment EDF va pouvoir se situer dans l'évolution du secteur de l'énergie en Europe.

M. Dominique Perben, ministre. Comment cette très grande et très performante entreprise française va-t-elle pouvoir continuer à être ce champion de l'énergie à l'échelle continentale ? C'est pour lui en donner les moyens que le Gouvernement a décidé de l'autoriser à augmenter son capital de 40 milliards d'euros, qui financeront ses investissements au cours des cinq ans à venir. De la sorte, cette entreprise française continuera d'être l'un des leaders européens, voire le leader européen dans le domaine de l'énergie.

Bien sûr, pour poursuivre dans cette démarche, il lui faut faire le travail normal de toute grande entreprise, à savoir gérer la problématique de la productivité et identifier les manières d'améliorer celle-ci. Il appartient aux dirigeants de l'entreprise de s'y employer, comme ils l'ont annoncé.

C'est donc en soutenant ce processus de développement, de renforcement de sa capacité d'investissement et de recherche d'une plus grande productivité que nous pourrons maintenir ce que vous avez évoqué, à savoir la qualité du service public, la qualité du service rendu aux usagers. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est en France que la productivité est la meilleure !

commémoration d'austerlitz

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

À entendre les commentaires autorisés qui, chaque jour, évoquent, pour la regretter, la modestie - j'allais dire la quasi-clandestinité - avec laquelle les pouvoirs publics ont célébré le deux centième anniversaire de la bataille d'Austerlitz, ma question demeure d'actualité. (Exclamations. - M. Yves Détraigne applaudit.)

Comment peut-on accepter, alors que les Britanniques viennent de célébrer Trafalgar avec un faste exceptionnel, de surcroît avec le concours du porte-avions Charles de Gaulle en témoignage de réconciliation, alors que les Allemands projettent d'organiser l'an prochain à Iéna un grand « rendez-vous avec Napoléon », que le Gouvernement n'ait finalement célébré la reine des batailles qu'à travers la personne du garde des sceaux, place Vendôme - sans doute parce que c'est aussi le siège du ministère de la justice -, et de Mme le ministre de la défense, présente sur le plateau de Pratzen ?

Comment l'opinion ne serait-elle pas troublée quand le Gouvernement assure la promotion, à la Commission nationale consultative des droits de l'homme, de l'auteur d'un ouvrage comparant, dans un raccourci surréaliste et anachronique, Bonaparte à Hitler et évoquant la déportation des esclaves sur l'île d'Elbe ?

On peut admirer le Premier consul et détester l'Empire, mais nous ne saurions souscrire à cette politique qui renonce à célébrer un homme qui prenait cent décisions par jour et ne se contentait pas de créer des commissions ! Nous ne saurions souscrire à cette politique qui veut faire plaisir à tout le monde et s'adapter en permanence à l'air du temps.

Nous recevons tous l'ouvrage consacré aux célébrations nationales. L'édition de 2006 évoque Iéna, qui avait donné l'occasion à Hegel d'écrire à son ami Niethammer, au lendemain de la bataille : « J'ai vu l'Empereur, cette âme du monde, sortir de la ville pour aller en reconnaissance. C'est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré sur un point, assis sur un cheval, s'étend sur le monde et le domine. »

Mes chers collègues, jusqu'à quand allons-nous refuser d'assumer notre histoire ? La nation a aujourd'hui plus que jamais besoin de repères. Si l'on veut assurer un avenir à nos enfants, leur montrer le chemin, encore faut-il qu'ils sachent d'où ils viennent.

M. Robert Hue. Il faut laisser cela aux historiens !

M. Nicolas Alfonsi. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, quelles sont les causes réelles de tant de discrétion et nous préciser si les pouvoirs publics ont l'intention - ce qui, venant de l'auteur des Cent jours, pourrait sembler paradoxal - de retirer Napoléon Bonaparte de notre histoire nationale ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP. - M. Jean-Pierre Michel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Alfonsi, Austerlitz est une victoire de l'art militaire français. En effet, il s'agit d'une page emblématique de notre histoire militaire. C'est ainsi que cette bataille est commémorée tous les 2 décembre par des mouvements associatifs.

De même, l'École spéciale militaire de Saint-Cyr célèbre chaque année, à cette date - le « 2 S », dans le jargon de l'école - célèbre le souvenir de cette bataille, au moyen d'une vaste fresque historique animée.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Cette année, le deux centième anniversaire de la bataille a donné lieu, sur le terrain même d'Austerlitz, à une cérémonie à laquelle notre ministre de la défense a assisté. De même, place Vendôme, à Paris, a eu lieu une cérémonie de commémoration présidée par le garde des sceaux.

Comme l'a déclaré le Premier ministre, « nous assumons toute l'histoire de France, avec ses épreuves et sa grandeur. »

Le Napoléon d'Austerlitz n'est pas celui de la retraite de Russie. Nous devons être attentifs à toutes les facettes de notre histoire et à toutes les facettes de l'oeuvre de Napoléon, si grande par bien des aspects.

C'est la responsabilité des historiens que d'écrire l'histoire.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Et c'est notre responsabilité, celle des femmes et des hommes politiques de notre pays, que d'encourager le rassemblement de nos compatriotes et d'assurer la pérennité de la cohésion nationale.

Nous devons naturellement prendre en compte le fait que les sources de la mémoire puissent être multiples. Nous devons être respectueux de toutes les expériences, de toutes « les » histoires, et faire de cette diversité de la mémoire une source de richesse.

Monsieur le sénateur, notre histoire doit être le ferment de notre cohésion sociale. C'est la priorité du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

conférence de montréal

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'écologie et du développement durable, notre ancienne et excellente collègue. (C'est vrai ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Le réchauffement de notre planète est aujourd'hui une évidence. L'émission des gaz à effet de serre augmente, la température augmente et le lien de causalité entre ces deux phénomènes est de plus en plus vraisemblable.

C'est pourquoi, face à cette menace qui pèse sur l'avenir de l'humanité, le protocole de Kyoto constitue un texte fondamental.

En effet, il fixe, pour les pays industrialisés, des engagements chiffrés de baisse des émissions de gaz à effet de serre et propose aux pays en voie de développement le mécanisme dit de « développement propre ».

Ce protocole de 1997, on le sait, est entré en vigueur récemment et les États-Unis ne l'ont toujours pas ratifié.

En outre, le protocole de Kyoto doit prendre fin dans sept ans. Sa pérennisation au-delà de 2012 était donc un enjeu très important. Je dis « était », car la conférence de Montréal sur le climat a débouché, à la fin de la semaine dernière, sur un accord qui assure un réel avenir à la lutte contre le changement climatique et redonne espoir pour un engagement de toute la communauté internationale dans ce domaine.

Madame le ministre, vous étiez à Montréal, pour y représenter la France. Pouvez-vous nous indiquer les principaux termes de cet accord et les perspectives concrètes qu'il ouvre pour lutter efficacement, tous ensemble et sur le long terme, contre le réchauffement climatique ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, la conférence qui s'est tenue à Montréal la semaine dernière a permis de franchir un cap important dans la mobilisation de la communauté internationale pour la lutte contre le réchauffement climatique.

Je rappelle que la France, contrairement aux autres pays industrialisés, respecte dès maintenant le protocole de Kyoto, puisque les émissions de gaz à effet de serre sont aujourd'hui inférieures de 1,9 % à celles de 1990.

Nous avions donc trois objectifs principaux.

Le premier était d'assurer la mise en oeuvre effective du protocole de Kyoto, et donc de faire approuver les accords de Marrakech. Ils ont été approuvés sans réserve.

Le deuxième objectif était d'assurer le démarrage du mécanisme de développement propre, qui, vous le savez, permet aux pays industrialisés de bénéficier de « crédits carbone » en réalisant un investissement en technologies propres dans un pays en voie de développement. Ce deuxième objectif a également été atteint.

Le troisième objectif était d'engager un processus pour fixer les ambitions de l'après-2012.

À ce stade, seuls les pays industrialisés ont pris des engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Or, pour assurer la pérennité du dispositif, il est nécessaire de définir des engagements au-delà de 2012, et ce pour tous les pays, y compris les pays émergents et ceux qui n'ont pas ratifié Kyoto. Ce troisième objectif était extrêmement difficile à atteindre.

Des négociations soutenues avec les représentants de différents pays comme les États-Unis, l'Inde et le Brésil, nous ont permis de présenter et de promouvoir la position de la France.

Un accord a donc pu être trouvé au terme de la conférence. Il s'agit d'« engager un dialogue sur les approches stratégiques dans le cadre d'une collaboration mondiale à long terme ».

Une série d'ateliers est prévue en vue de recenser les solutions proposées par les différents pays pour lutter contre les changements climatiques.

Nous pouvons nous féliciter d'avoir réussi à obtenir un tel accord, qui rallie l'ensemble des pays membres de la convention-cadre sur le climat, c'est-à-dire également les États-Unis et les pays émergents. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Article 4 de la loi du 23 février 2005 relative aux Français rapatriés

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Oui, monsieur le Premier ministre, nous sommes tous français et fiers de l'être,...

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Jean-Pierre Michel. ...et nous assumons toute notre histoire, avec ses pages glorieuses, mais aussi avec ses pages plus sombres, sans repentance masochiste.

Certes, il existe « des souffrances encore vivantes » et « des identités blessées », que nous devons respecter. C'est d'ailleurs le contenu de l'article 1er de loi du 23 février dernier : « La nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française... »

En revanche, l'article 4 de cette loi, qui dispose que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord... », suscite un débat passionné. Depuis des mois, des historiens, des enseignants, des chercheurs, se mobilisent pour en demander l'abrogation. Des pétitions recueillent des milliers de signatures.

Ce texte constitue par ailleurs un obstacle à la signature du traité d'amitié entre la France et l'Algérie. Mais nous-mêmes, sommes-nous prêts à ce traité ? À entendre certains parlementaires de votre majorité, on peut en douter, monsieur le Premier ministre.

Devant les protestations en Martinique, dominées par la grande figure d'Aimé Césaire - son compagnon de route Garcin Malsa est présent dans les tribunes -, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a été contraint d'annuler la visite qu'il projetait d'y effectuer. Deux membres de votre gouvernement, Léon Bertrand, élu de Guyane, et Azouz Begag vous en demandent le retrait. Néanmoins, votre majorité a refusé violemment, le 29 novembre, d'adopter la proposition de loi du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.

Comment s'étonner, dès lors, que certains s'estiment moins français que d'autres, surtout lorsqu'ils sont traités de « racaille » et que votre politique de classe (Lamentations et exclamations sur les travées de l'UMP) ajoute des contraintes à celles qui existent déjà. Vous donnez aux uns et retirez aux autres.

Devant l'ampleur du désastre, le Président de la République et vous-même, en des termes identiques ou voisins, avez été contraints d'intervenir solennellement : « Ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire. »

Monsieur le Premier ministre, selon vos propres termes, « il faut un temps d'apaisement, un temps de dialogue », et il est nécessaire « que des gestes soient faits qui permettent d'avancer tous ensemble ». Aujourd'hui, la seule décision qui s'impose pour respecter tous les Français est l'abrogation de cet article.

Le groupe socialiste, attachés et apparentés du Sénat a été, dans la sphère politique, le premier à réagir...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Michel. ... en déposant, le 4 juillet dernier, une proposition de loi tendant à l'abrogation de l'article en question.

Faites en sorte qu'elle soit inscrite à notre ordre du jour - nonobstant l'opposition réitérée du bureau du Sénat - avant la fin de l'année et qu'elle soit adoptée. C'est l'apaisement indispensable, le préalable à la mise en place de la mission pluraliste pour évaluer l'action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l'histoire, demandée par le chef de l'État.

Lorsqu'une faute a été commise, il faut savoir la corriger, tous ensemble, sans arrière pensée politicienne. C'est votre devoir, monsieur le Premier ministre.

M. Charles Pasqua. La question !

M. Jean-Pierre Michel. Et ne nous répondez pas que, d'après certains sondages, une majorité de nos concitoyens serait favorable à ce texte. Si le Gouvernement avait suivi les sondages, la peine de mort n'aurait pas été abolie en 1981 sur l'initiative de François Mitterrand. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, l'article 4 de la loi du 23 février 2005 a évidemment donné lieu à un débat au Parlement. Au Sénat, votre groupe l'a même approuvé. (Ah ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Le débat a aussi eu lieu dans les associations, les partis politiques, la presse. Il a été libre, parfois vif. Chacun a fait connaître son point de vue.

Le Premier ministre s'est exprimé de la manière la plus claire : « Ce n'est pas au Parlement de faire l'histoire. En France, il n'y a pas d'histoire officielle ».

MM. Charles Pasqua et Henri de Raincourt. Très bien !

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Au moment opportun, le Président de la République a jugé utile de s'adresser au pays. Il a rappelé les enjeux, les principes. Il a créé les conditions de la sérénité et de l'apaisement. Il a chargé M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, de conduire une mission pluraliste. Elle permettra à chacun de s'exprimer et aboutira, d'ici à trois mois, à des propositions concrètes.

Monsieur le sénateur, dans le même temps, le chef de l'État nous a demandé d'accélérer la mise en place de la fondation prévue par l'article 3 de la loi déjà citée. Ce sera l'espace naturel de travail des historiens, des chercheurs et des enseignants.

Le temps est désormais au travail et à la sérénité. Car notre priorité reste, bien entendu, la cohésion nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Grèves du RER

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Ma question s'adresse à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Monsieur le ministre, si le droit de grève est un droit constitutionnellement garanti, le principe de continuité du service public l'est tout autant. Or il apparaît évident, lorsque l'on considère les mouvements qui ont pénalisé pendant plus de dix jours les 450 000 usagers de la ligne D du RER et les 250 000 voyageurs de la ligne B, que la continuité du service public n'est pas la priorité de certains syndicats.

Pourtant, comment comprendre la prise en otages des usagers, qui paient des impôts pour financer la retraite de cette catégorie très particulière d'agents publics, qui cessent de travailler à cinquante ou cinquante-cinq ans après vingt-cinq ans de service ? (Protestations sur les travées du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.) C'est à 2,515 milliards d'euros en 2005, soit 54, 6% du montant total des charges du régime et 2,641 milliards d'euros dans le budget pour 2006 que nous venons de voter, que s'élève la contribution financière de l'État, et donc des contribuables.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la retraite des professeurs de droit devenus sénateurs ?

M. Hugues Portelli. Comment comprendre cet énième mouvement que le directeur du Transilien estimait incompréhensible dans la mesure où, sur la ligne D, onze conducteurs supplémentaires avaient été embauchés pour faire face à la hausse du trafic du fait du passage au service d'hiver ?

Comment accepter que, en dehors des mouvements sociaux déclarés, les usagers se plaignent quotidiennement de trains supprimés, de gares oubliées, d'une vétusté et d'une saleté inacceptables ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et, bien sûr, c'est la faute des cheminots !

M. Hugues Portelli. Doit-on définitivement admettre que l'Île-de-France soit un secteur sinistré sur le plan ferroviaire, du fait de la saturation de lignes construites au début du siècle ?

Ne peut-on craindre qu'après le désengagement de l'État et de la SNCF en matière d'achat du matériel roulant, le syndicat des transports parisiens et de la région d'Île-de-France, le STIF, aujourd'hui compétent, n'ait pas la volonté de commander suffisamment de nouveaux trains, qui, rappelons-le, n'arriveront pas avant trois ans ?

Nous devons saluer la fermeté inhabituelle de la direction, comme la solidarité du service public. Mais la mise à disposition de bus par la RATP n'a pas pu empêcher les usagers d'arriver en retard à leur travail. D'ailleurs, comment seront-ils indemnisés ?

Dans cette affaire, le comportement de certains syndicats a été inadmissible. Le refus de SUD et de Force ouvrière de la moindre avancée après soixante heures de négociation - ce radicalisme syndical sur fond d'élections en mars rappelle la surenchère, les 22 et 23 novembre dernier, précédente de la CFDT... de la CGT veux-je dire... j'aime bien la CFDT  - suscite des interrogations sur les méthodes de ces organisations.

Ces mouvements sociaux seraient certainement moins fréquents si la grève était décidée non pas à main levée, mais de manière démocratique, par un vote à bulletin secret ou par correspondance, et si la présence des délégués syndicaux dans les bureaux de vote était interdite. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. C'est la république des colonels que vous voulez !

M. Hugues Portelli. Ne doit-on pas, enfin, définir clairement ce que l'on entend par service minimum, notamment aux heures où les usagers se rendent au travail ou en reviennent ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le vote au Sénat par bulletin secret !

M. Charles Pasqua. Laissez l'orateur s'exprimer !

M. Hugues Portelli. Et ne faut-il pas que le législateur tranche une fois pour toutes sur ce sujet, puisque notre Constitution dispose depuis 1946 que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, ô combien je comprends l'agacement, l'énervement, la colère des usagers (Applaudissements sur les mêmes travées. - Exclamations sur les travées du groupe CRC) qui, dans l'Essonne et au nord de la région parisienne, ont eu à souffrir du fait que, dans cette entreprise, certains ont tendance à considérer que la résolution des problèmes, quels qu'ils soient, passe nécessairement par le recours à la grève, de préférence au dialogue social.

C'est la raison pour laquelle, dès le début de cette grève, j'ai dit qu'elle était disproportionnée au regard des enjeux et du motif de la divergence entre certaines organisations syndicales et la direction.

Cela doit nous conduire à réfléchir sur une question tout à fait concrète : comment améliorer le dialogue social dans les grandes entreprises de service public ? Comme j'ai eu l'occasion de le dire avant-hier à l'Assemblée nationale, il n'est pas possible de se satisfaire de la manière dont les choses se passent le plus souvent, et cela pour une raison toute simple : la relation de confiance entre les usagers et ces entreprises risque de se dégrader profondément.

Bien entendu, nous avons pris un certain nombre de décisions qui s'imposaient dans l'immédiat.

Premièrement, j'ai demandé à la SNCF d'assurer un minimum de service, comme vous l'avez rappelé, monsieur Portelli ; mille autobus ont été loués par l'entreprise pour suppléer au service défaillant, en particulier sur la ligne B du RER.

Deuxièmement, j'ai également demandé très clairement à la SNCF, au nom du Premier ministre, de prévoir une indemnisation des usagers qui n'ont pas bénéficié du service pour lequel ils ont payé une carte d'abonnement au titre du mois de janvier. La SNCF a annoncé publiquement ce matin même que cela sera fait.

Mais il nous faut évidemment aller plus loin.

Tout d'abord, comme l'ont dit d'ailleurs plusieurs dirigeants syndicaux, sur une affaire comme celle qui était en jeu, c'est-à-dire l'organisation du travail au fil de la semaine, dans des périodes de pointe où il est nécessaire d'ajouter des trains supplémentaires, nous devons instaurer des dispositifs de négociation qui permettent de discuter et de trouver des solutions sans déclencher une grève qui pénalise 700 000 personnes ! C'est une évidence ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Ensuite, à l'instar des régions d'Ile-de-France et Alsace qui ont su passer des accords avec la SNCF sur le service garanti, je souhaite que l'ensemble du territoire national puisse disposer d'un système identique. J'ai donc demandé à la SNCF de le proposer à tous les conseils régionaux.

J'ai écrit également écrit à l'ensemble des autorités organisatrices de transports urbains pour leur demander de faire de même, si possible de manière contractuelle - car c'est la meilleure démarche à mes yeux -, pour avoir un service garanti partout et en toutes circonstances.

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je suis bien d'accord !

M. Dominique Perben, ministre. Cela me paraît indispensable ! Sinon, c'est la notion même de service public qui sera remise en cause dans l'esprit de nos concitoyens, et ce ne sera un bien pour personne ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Zones d'éducation prioritaires (zep)

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Les événements dramatiques qui se sont produits dans nos banlieues, voilà quelques semaines, illustrent à l'évidence un déchirement de notre tissu social. S'il a des causes multiples, il soulève également la question de l'efficacité du système éducatif.

Il y a quelques années, en 1981, pour réparer les inégalités qui pouvaient être décelées ici et là, des zones d'éducation prioritaires ont été crées. Depuis, ces zones se sont étendues, multipliées, et désormais il en existe un très grand nombre.

Mais l'évolution de leur nombre et de leur répartition est assez étonnante, car elles ne sont pas toujours là où on pouvait l'imaginer. Et puis l'évaluation de leur efficacité ne semble pas avoir été toujours effectuée. Or on s'est aperçu que, dans nos grandes banlieues, des enfants, des adolescents allaient peu au collège, ou carrément n'y allaient pas du tout, et, lorsque l'on se penche sur leur sort, on constate qu'ils parlent mal, écrivent mal, ne maîtrisent pas ce qu'on est censé savoir quand on entre au collège.

Il faut s'interroger sur l'efficacité des zones d'éducation prioritaires.

L'école de la République doit ménager l'égalité des chances à tous les enfants et pratiquer la discrimination positive, en mettant plus de moyens ici, un peu moins là, car, s'il en faut plus ici, c'est que la matière est plus difficile et que les conditions sociales et économiques sont beaucoup plus dures.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est laborieux ! Quelle est la question ?

M. Robert Hue. Il faut l'écrire !

M. Joël Bourdin. Monsieur le ministre, des moyens ont été mis dans les ZEP, des moyens en personnels d'éducation, en personnels d'encadrement, mais est-ce que les méthodes pédagogiques ont été modifiées ?

Mme Nicole Bricq. Bien sûr que oui !

M. Joël Bourdin. Est-ce que les modes d'affectation des enseignants dans ces collèges ont été revus ?

Je me souviens que nous avons eu plusieurs débats dans cette assemblée et que nous disions, à peu près majoritairement, peut-être même à l'unanimité, que les professeurs des collèges, des écoles en zone prioritaire devaient être chevronnés, devaient avoir des barèmes de promotion revus, etc.

M. Robert Hue et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une ZEP au Sénat !

M. Joël Bourdin. Tout cela ne semble pas avoir été fait.

Mme Hélène Luc. La question, monsieur Bourdin !

M. Joël Bourdin. Monsieur le ministre, pour remédier à cela, vous avez annoncé cette semaine la création des collèges « ambition réussite ». Pouvez-vous nous donner quelques éléments supplémentaires sur ce projet ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. A refaire ! Cinq sur vingt !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Bourdin, où en serions-nous sans l'éducation prioritaire !

Mme Nicole Bricq. Quand même !

M. Gilles de Robien, ministre. Pour autant, chacun le sait, la situation d'aujourd'hui ne peut pas durer, probablement parce que l'éducation prioritaire a été peu ou mal pilotée et que les moyens, malgré le grand dévouement des enseignants et des équipes pédagogiques, se sont dilués, ce qui fait que les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances.

M. Gilles de Robien, ministre. Pour ma part, je veux redonner aux jeunes de ces quartiers et de l'ambition et les mêmes chances de réussite qu'aux autres. Ils y ont droit !

M. Jacques Mahéas. Vous avez supprimé les emplois-jeunes !

M. Gilles de Robien, ministre. A cet effet, dans les toutes prochaines semaines, je compte labelliser deux cents à deux cent cinquante collèges, où les difficultés sociales sont particulièrement aiguës et les échecs scolaires, particulièrement nombreux.

Permettez-moi de répondre très simplement à deux interrogations qui sont répétées depuis des mois.

Tout d'abord, comment renforcer les équipes éducatives ?

Mme Nicole Bricq. Avec quel argent ?

M. Gilles de Robien, ministre. Souvent jeunes, tout juste sortis des IUFM, possédant peu d'expérience, mais beaucoup de générosité, ces enseignants ont besoin d'être épaulés ; ils nous le disent.

J'entends affecter dans les ZEP mille enseignants expérimentés qui, grâce à des évolutions de carrière plus rapides, seront vraiment tentés de revenir en éducation prioritaire.

Seconde interrogation : comment aider les jeunes des milieux sociaux défavorisés à apprendre leurs leçons ou à faire leurs devoirs le soir, alors qu'ils ne disposent parfois même pas d'un coin de table et ne peuvent guère compter sur leurs parents, qui, malgré toute leur bonne volonté, ne savent généralement pas leur faire réciter leurs leçons, ne peuvent pas les guider dans leur travail ?

Grâce à 3 000 assistants pédagogiques, il sera désormais possible de rendre obligatoires des études surveillées et accompagnées qui permettront ces répétitions indispensables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Enfin, lors de la conférence des présidents d'université, ce matin, j'ai demandé, avec François Goulard, que 100 000 étudiants viennent assurer un tutorat auprès de 100 000 jeunes dans ces quartiers, afin de leur donner de l'ambition ou même simplement l'idée qu'ils ont droit à la réussite, comme les autres, et donc à l'accès à l'enseignement supérieur.

Monsieur le sénateur, je piloterai moi-même la mise en place du dispositif. Une évaluation annuelle aura lieu, dont je vous ferai part. En outre, chaque collège « ambition réussite » sera suivi par un inspecteur général. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Rôle des départements dans la suspension des allocations familiales

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Ma question concerne le contrat de responsabilité parentale et, en particulier, les mesures connexes que vous avez annoncées, monsieur le Premier ministre, lors de votre conférence de presse du jeudi 1er décembre 2005.

Le contrat de responsabilité parentale s'appliquerait dans le cas de situation d'absentéisme à l'école, du fait d'une présence tardive et sans surveillance dans les espaces publics, ou en cas de comportement déviant en milieu scolaire.

Nul ne nie le phénomène en question. Selon une étude de l'éducation nationale datant de 2004, l'absentéisme atteignait 10,7 % chez les lycéens professionnels hors ZEP et 12,1 % en ZEP. La lutte contre l'inassiduité à l'école doit donc être une priorité pour les zones défavorisées.

Toutefois, les mesures que vous avez préconisées en cas d'échec sont inacceptables pour nous, comme pour l'ensemble des acteurs concernés, c'est-à-dire l'éducation nationale, les conseillers généraux, voire les travailleurs sociaux.

Comme vous le savez, depuis la loi du 3 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, il n'est plus possible de porter atteinte aux allocations familiales, sauf s'il s'agit de familles de mineurs délinquants.

Dès lors, monsieur le Premier ministre, faut-il confondre mineurs délinquants et enfants ou adolescents en situation d'échec scolaire ? Faut-il penser que la délinquance est systématiquement la conséquence de l'échec scolaire ? Une telle assimilation va au-delà de ce qui est admissible au regard de l'éthique, voire sur le plan légal.

Faut-il, par ailleurs, laisser s'aggraver la situation de familles défavorisées en les pénalisant financièrement ? L'abbé Pierre ne nous dit-il pas que la France compte déjà aujourd'hui un million d'enfants pauvres ?

Faut-il penser que vous avez trouvé les moyens de différencier et de sanctionner les comportements à l'école et que vous souhaitez vous substituer au monde enseignant, dont le rôle éducatif est primordial ?

Enfin, voulez-vous transformer en auxiliaires de justice les responsables du monde éducatif et de la protection de l'enfance que sont les chefs d'établissement et les conseils généraux ? Il est peu probable qu'ils y consentent.

Pensez-vous que réagir par des effets d'annonce, comme vous le faites à travers cette mesure - prise sans concertation avec l'ensemble des acteurs du terrain -, constitue la meilleure réponse aux incidents sociaux qui se sont produits sur la scène publique française le mois dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Cazeau, si vous êtes contre le contrat de responsabilité parentale, il faut le dire !

M. Alain Gournac. Mais oui, c'est cela !

M. Philippe Bas, ministre délégué. J'observe que vous ne le dites pas, car, effectivement, vous n'assumez pas le fait d'être contre cette nouvelle aide aux familles et aux enfants en difficulté. (M. Jacques Mahéas s'exclame.) Alors, vous vous attaquez aux procédures et aux modalités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Bel et Mme Nicole Bricq. Pas du tout !

M. Yannick Bodin. Ce n'est pas la question !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Permettez-moi de vous rappeler ce qu'est le contrat de responsabilité parentale.

Il y a des enfants de dix ou douze ans qui gâchent leurs chances d'avenir en « séchant » les cours, qui sont laissés dehors la nuit, livrés à eux-mêmes et à toutes les mauvaises influences.

M. Robert Hue. Oh là là !

M. Simon Sutour. On voit même Sarkozy dans les rues !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Que nous proposez-vous ? Sans doute de ne rien faire !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Eh bien, le Gouvernement, sur l'initiative du Premier ministre, Dominique de Villepin, a prévu de proposer à la représentation nationale un contrat qui est destiné d'abord à aider les parents à reprendre la main et à jouer pleinement leur rôle. (Mme Catherine Tasca s'exclame.)

Et ce rôle, les parents vont pouvoir le jouer grâce à l'aide des services de l'aide sociale à l'enfance.

M. Jacques Mahéas. Et donc des départements !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Cazeau, vous qui êtes président de conseil général, vous le savez mieux que quiconque : qui, mieux que les services de l'aide sociale à l'enfance - avec un effectif de 150 000 personnes, des moyens s'élevant à 5 milliards d'euros par an, soit le premier poste budgétaire des départements -, pourrait aider les parents et les enfants pour rétablir l'exercice de la fonction parentale ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Jean-François Picheral. C'est vrai ! Et le conseil général, lui, il va payer !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais il est vrai que, dans le cas où les parents feraient preuve de mauvaise volonté et où, après plusieurs semaines d'efforts pour les amener à mieux exercer leur rôle, ils refuseraient de le faire, une disposition, qui s'ajoute à la mise sous tutelle ou à l'amende prononcées par le juge, prévoit la possibilité non pas de la suppression, mais de la suspension temporaire des allocations familiales (Très bien ! sur les travées de l'UMP) avec versement sur un compte bloqué.

M. Jean-Pierre Sueur. Comment les enfants mangeront-ils à la cantine ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Ce blocage du compte sera levé quand les parents auront enfin accepté de jouer pleinement leur rôle.

Mais, bien entendu, cette disposition ne sera appliquée que sur l'initiative de ceux qui sont les protecteurs naturels des enfants et de leurs parents, c'est-à-dire les intervenants de l'aide sociale à l'enfance, et seulement, je le répète, pour les parents de mauvaise volonté. (Hourvari.)

Tel est, monsieur le sénateur, l'objet de cette disposition et il ne s'agit de rien d'autre. Mais si vous préférez qu'on ne fasse rien, comme vous-même et vos amis voilà quelques années, il faut le dire ! (Applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

COMMUNICATION relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2006 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

6

CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme actuellement en cours d'examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

7

Art. 5 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 5

Lutte contre le terrorisme

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen des amendements portant sur l'article 5 et faisant l'objet d'une discussion commune.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 6

Article 5 (suite)

M. le président. Les amendements déposés sur cet article ont été défendus, et la commission s'est déjà exprimée à leur sujet.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. L'amendement n° 69, présenté par le groupe communiste républicain et citoyen, vise à la suppression de l'article 5. Or mieux vaut prévenir que guérir. Veut-on continuer d'avoir un temps de retard ? Le choix du Gouvernement est clair : il préfère anticiper plutôt que subir. Il émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Les amendements nos 12, 13 et 14 ont été défendus par le rapporteur, M. Courtois. Le premier a pour objet de revenir à la rédaction initiale ; le deuxième tient compte des recommandations de la CNIL pour renforcer les dispositions du projet de loi ; le troisième est rédactionnel. Le Gouvernement est favorable à ces trois amendements.

Je m'attarderai un peu plus longuement sur les amendements nos 40, présenté par Mme Boumediene-Thiery, et 90, défendu par M. Sueur.

Je sais, monsieur Sueur, madame Boumediene-Thiery, que vous êtes, tout comme nous, attachés au rôle de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS. Il est donc nécessaire que vous disposiez de l'ensemble des éléments qui ont été pris en compte dans la rédaction de ce texte.

Le Gouvernement ne peut pas être favorable à un amendement ayant pour objet de supprimer la procédure équilibrée qui permettra d'encadrer avec toutes les garanties utiles les demandes de transmission par les opérateurs des données techniques de connexion.

Je voudrais commencer par rappeler de quoi il est question : il s'agit non pas d'intercepter des contenus, mais d'être informé sur des données techniques : numéros d'abonnement, connexions à des services de communication électronique, localisation des équipements terminaux utilisés. Nous ne sommes donc pas dans le même régime que celui des interceptions de sécurité parce que nous ne sommes pas dans le même champ de données.

La procédure que nous proposons est équilibrée, à la fois réactive et suffisamment encadrée pour garantir qu'il en sera fait un usage respectueux des libertés.

Je rappellerai également que les demandes des agents sont centralisées et soumises à la décision d'une personnalité qualifiée, placée hors hiérarchie et nommée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, après avis du ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Sueur. Non pas après avis : sur proposition du ministre de l'intérieur ! Pourquoi ne dites-vous pas ce qui est dans votre texte ?

M. le président. Monsieur Sueur, je vous en prie ! Monsieur le ministre, veuillez poursuivre.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, vous vous permettez souvent d'interrompre les orateurs, quels qu'ils soient : commission des lois, Gouvernement...

M. Jean-Pierre Sueur. Je dis la vérité !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Non !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est dommage, car cette assemblée mérite que chacun de ses membres fasse preuve d'une grande sérénité et d'une grande sagesse.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et qu'il en soit fait autant à l'égard de chacun de ses membres !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'aurai l'occasion, à propos de l'amendement n° 54 rectifié ter, de préciser les conditions de cette nomination. Soyez attentif jusqu'au bout, monsieur Sueur, tranquillement, sereinement !

Les demandes font l'objet d'une parfaite traçabilité puisqu'elles sont toutes motivées, enregistrées et communiquées à la CNCIS, qui est en outre destinataire d'un rapport annuel élaboré par la personnalité qualifiée. La Commission nationale peut à tout moment procéder à des contrôles et demander des explications au ministre de l'intérieur. La procédure de suivi des demandes et les conditions et durées de conservation des données feront en outre l'objet d'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNCIS et de la CNIL.

Ces nombreuses et fortes garanties rendent votre amendement, madame Boumediene-Thiery, inopportun. Voilà pourquoi nous y sommes défavorables.

Quant à l'amendement que vous avez déposé, monsieur Sueur, j'ai l'impression qu'il procède d'un malentendu, que je vais m'efforcer de lever.

Pour renforcer le rôle de la CNCIS, vous souhaitez supprimer la personnalité qualifiée, qui, pour être placée auprès du ministre de l'intérieur et proposée par lui, n'en est pas moins nommée par la CNCIS et rend compte à celle-ci. En d'autres termes, dans les conditions actuelles de sa nomination et de son contrôle, la personnalité qualifiée travaillera en parfaite articulation avec la Commission, et sa suppression n'apporterait aucune garantie supplémentaire. Au contraire, elle affaiblirait beaucoup l'efficacité du dispositif.

La personnalité qualifiée et ses suppléants pourront en réalité travailler de manière extrêmement réactive, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, pour centraliser les demandes des agents de police antiterroriste. Nous ne devons pas nous priver de cette souplesse et de cette réactivité au moment où, précisément, nous créons cette procédure pour garder un temps d'avance par rapport aux terroristes.

Nous sommes donc défavorables à ces deux amendements.

Madame Malovry, vous avez présenté l'amendement n° 54 rectifié ter, cosigné par M. Türk. Nous sommes très favorables au renforcement que vous proposez de l'indépendance de la personnalité qualifiée nommée par la CNCIS. Celle-ci pourra faire un choix parmi les trois noms proposés par le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Sueur. Donc, de fait, c'est lui qui choisira !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Non, monsieur Sueur, c'est la CNCIS qui choisira !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est la CNCIS qui choisira parmi trois personnalités, et si l'une d'entre elles ne lui convient pas, elle aura tout loisir de la récuser. C'est donc bien à elle qu'appartient le choix !

Nous ne voyons que des avantages, madame la sénatrice, à consolider les garanties d'indépendance de la personnalité ainsi désignée pour centraliser les demandes des agents et en rendre compte à la CNCIS.

En revanche, madame Malovry, je pense que les co-auteurs de l'amendement n° 55 rectifié bis et vous-même serez d'accord avec le Gouvernement pour considérer qu'il convient de ne pas le maintenir, de manière à conserver l'équilibre propre à l'article 5.

En effet, nous ne sommes pas ici dans le champ de la loi de 1978 : le projet de loi ne prévoit qu'une simple communication des données de connexion, et non la mise en oeuvre d'un traitement automatisé des données. La procédure qui est proposée, faisant intervenir une personnalité qualifiée et la CNCIS se suffit à elle-même. Je ne suis pas sûr, par conséquent, que la CNIL puisse être utilement destinataire du rapport que la personnalité qualifiée remet à la CNCIS.

La CNIL n'est pas, pour autant, totalement absente de ce dispositif puisque nous avons prévu, alors même que la loi de 1978 ne l'imposait pas, que la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des données feraient l'objet d'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNCIS et de la CNIL.

Enfin, l'amendement n° 15, présenté par M. Courtois, est un amendement de cohérence auquel le Gouvernement est bien évidemment favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 90.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, la question dont nous débattons en ce moment est d'une grande gravité puisqu'il s'agit du droit, pour une instance, de procéder à toute interception de données qui concernent la vie personnelle de chacun, c'est-à-dire concrètement : « À qui avez-vous téléphoné ou envoyé un message électronique, d'où, quel jour, à quelle heure... ? » Chacun comprendra que ce type de données revêt un caractère éminemment sensible au regard des libertés.

Nous sommes bien d'accord pour estimer que, dans des circonstances spécifiques et pour le seul objet de la lutte contre le terrorisme, il peut être fondé de procéder à de telles interceptions. Encore faut-il déterminer que nous sommes bien dans cet état de fait !

Je me suis en effet permis tout à l'heure, monsieur le ministre, de vous interrompre. Mais vous pourrez consulter, et chacun pourra le faire également, le compte rendu intégral de vos propos, qui figureront au Journal officiel.

J'ai tout de même été choqué de vous entendre dire que la personnalité qualifiée en question était désignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité sur avis du ministre de l'intérieur.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Non, « sur proposition » !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez dit « avis » !

J'ai réagi parce que ce que vous avez dit était faux et contraire à la lettre du texte que vous avez la charge de présenter et de défendre.

Je le répète, la personnalité qualifiée n'est pas désignée sur avis du ministre de l'intérieur, mais sur proposition de ce dernier. Or cela est grave, et je vais vous dire pourquoi.

Pour traiter un sujet aussi sensible - les interceptions de communications, les écoutes téléphoniques, etc. -, notre République a estimé devoir mettre en place une Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité dont l'objet est de statuer sur ces questions.

J'ai dit tout à l'heure que cette commission avait garanti qu'elle pouvait statuer dans l'heure qui suit sa saisine par l'autorité ministérielle ou administrative.

Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, qu'il ne fallait pas que cette commission soit compétente. Je vous ai demandé pourquoi, et je vous le redemande puisque vous n'avez pas fourni le début du commencement d'une réponse.

Rappelons, monsieur le ministre, comment la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité est composée. Elle est présidée par une personnalité désignée, pour une durée de six ans, par le Président de la République, sur une liste de quatre noms établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat et le premier président de la Cour de cassation.

Cette commission comprend par ailleurs un sénateur et un député, et elle est assistée de deux magistrats de l'ordre judiciaire.

M. Paul Girod. C'est bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Je partage votre sentiment, monsieur Girod : c'est bien.

Qu'est-ce qui explique que cette commission ne soit soudain plus compétente, mes chers collègues, et qu'il faille lui substituer une personnalité qualifiée ? Bien sûr, on recourt à des artifices !

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que la « personnalité qualifiée » sera de nature à garantir les libertés publiques. Mais enfin, dans quelle République sommes-nous ? Pensez-vous vraiment que de telles affaires doivent être confiées à une personnalité plutôt qu'à une commission composée de magistrats et de parlementaires, et alors même que celle-ci a précisément pour mission de traiter ces affaires ?

Regardons bien comment cette personnalité qualifiée sera nommée : le ministre de l'intérieur proposera trois noms et la CNCIS devra choisir parmi ces trois noms. Autrement dit, c'est le ministre de l'intérieur qui la désignera !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes là en dehors de tout contrôle judiciaire, mais aussi de tout contrôle de la part d'une Commission nationale de contrôle qui a été créée pour cela, pour traiter de ces sujets touchant aux libertés fondamentales.

Mes chers collègues, je ne comprends vraiment pas comment vous pouvez aujourd'hui décider de dessaisir cette commission au profit d'une personnalité qualifiée nommée dans ces conditions.

Mais il y a encore un moyen de l'éviter, c'est de voter notre amendement n° 90.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, nous n'avons pas la même conception de la République !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Madame Malovry, l'amendement n° 55 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Lucienne Malovry. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 55 rectifié bis est retiré.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

CHAPITRE III

Dispositions relatives aux traitements automatisés de données à caractère personnel

Art. 5
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 7

Article 6

I. - Afin d'améliorer le contrôle aux frontières et de lutter contre l'immigration clandestine, le ministre de l'intérieur est autorisé à procéder à la mise en oeuvre de traitements automatisés de données à caractère personnel, recueillies à l'occasion de déplacements internationaux en provenance ou à destination d'États n'appartenant pas à l'Union européenne, à l'exclusion des données relevant du I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :

1° Figurant sur les cartes de débarquement et d'embarquement des passagers de transporteurs aériens ;

2° Collectées à partir de la bande de lecture optique des documents de voyage, de la carte nationale d'identité et des visas des passagers de transporteurs aériens, maritimes ou ferroviaires ;

3° Relatives aux passagers et enregistrées dans les systèmes de réservation et de contrôle des départs lorsqu'elles sont détenues par les transporteurs aériens, maritimes ou ferroviaires.

Les traitements mentionnés au premier alinéa sont soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée.

II. - Les traitements mentionnés au I peuvent également être mis en oeuvre dans les mêmes conditions aux fins de prévenir et de réprimer des actes de terrorisme. L'accès à ceux-ci est alors limité aux agents individuellement habilités des services spécialement chargés de ces missions et des services spécialement chargés de la sûreté des transports internationaux.

III. - Les traitements mentionnés aux I et II peuvent faire l'objet d'une interconnexion avec le fichier des personnes recherchées et le système d'information Schengen.

IV. - Pour la mise en oeuvre des traitements mentionnés aux I et II, les transporteurs aériens sont tenus de recueillir et de transmettre aux services du ministère de l'intérieur les données énumérées au 2 de l'article 3 de la directive 2004/82/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers, et mentionnées au 3° du I.

Ils sont également tenus de communiquer aux services mentionnés à l'alinéa précédent les données du 3° du I autres que celles mentionnées au même alinéa lorsqu'elles les détiennent.

Les obligations définies aux deux alinéas précédents sont applicables aux transporteurs maritimes et ferroviaires.

V. - Est puni d'une amende d'un montant maximum de 50 000 € pour chaque voyage le fait pour une entreprise de transport aérien, maritime ou ferroviaire de méconnaître les obligations fixées au IV.

Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l'autorité administrative compétente. L'amende est prononcée pour chaque voyage ayant donné lieu au manquement. Son montant est versé au Trésor public par l'entreprise de transport.

L'entreprise de transport a accès au dossier. Elle est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction. La décision de l'autorité administrative est susceptible d'un recours de pleine juridiction.

L'autorité administrative ne peut infliger d'amende à raison de faits remontant à plus d'un an.

M. le président. La parole est à M. Paul Girod, sur l'article.

M. Paul Girod. Avant de m'exprimer sur un point technique relatif à l'article 6, je ne voudrais pas laisser passer l'occasion de dire à M. le ministre que le texte que nous étudions va dans le bon sens, vu ce que j'ai entendu tout à l'heure à la radio.

D'après cette information, un important arsenal a été saisi cette nuit à Clichy-sous-Bois dans le cadre d'une enquête antiterroriste. Je ne sais si la vidéosurveillance a facilité l'enquête et permis de localiser l'arsenal en question, mais, quoi qu'il en soit, je me réjouis de ce succès qui devrait permettre d'empêcher des attentats, car c'est bien de cela qu'il s'agit : on n'accumule pas des explosifs, des armes de guerre, des munitions et des détonateurs pour le plaisir !

Ceci étant dit, monsieur le ministre, je reviens à l'article 6.

Nous allons examiner dans un instant un amendement de la commission des lois qui prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe les modalités de transmission des données mentionnées dans cet article.

Je voudrais simplement vous demander comment vous concevez les modalités pratiques de l'extension aux transports maritime et ferroviaire des obligations prévues actuellement pour le transport aérien.

Il n'est déjà pas simple d'organiser le suivi des passagers du transport aérien. Pourtant, les points de départ et d'arrivée ne sont pas extraordinairement nombreux et, si les flux sont parfois importants, les installations sont alors à la hauteur. Or les points de départ et les points d'arrivée sont infiniment plus nombreux s'agissant du transport ferroviaire et il en est de même pour le transport maritime.

Par conséquent, je voudrais attirer votre attention sur la préparation du décret d'application demandé par la commission des lois pour que soient prises en compte les difficultés particulières qui se posent dans les lieux d'embarquement maritime ou ferroviaire. Cela ne sera pas simple !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est vrai !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, l'article 6 nous éclaire bien sur votre projet.

La loi est une chose trop sérieuse et le terrorisme un crime trop grave pour que l'une et l'autre servent de prétexte à une véritable propagande qui attise les peurs et égare nos concitoyens.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !

Mme Catherine Tasca. Il n'est pas acceptable qu'un ministre de la République opère une telle manipulation.

Le terrorisme est injustifiable, quelles que soient les situations économiques et sociales qui nourrissent parfois les extrémismes. Personne ne peut avoir la moindre tolérance à cet égard et, sur toutes les travées de cette assemblée, nous attendons l'action la plus ferme du Gouvernement pour protéger nos concitoyens.

Or le texte que vous nous présentez risque de manquer son objectif déclaré, car, le plus souvent, il amplifie des dispositifs existants et jusqu'ici inopérants face au terrorisme.

En revanche, ce texte opère une succession d'amalgames entre terrorisme et délinquance et un glissement constant du délinquant à l'étranger et de l'étranger à l'immigré dit « clandestin ».

Plusieurs dispositifs visent en fait ces populations dont vous faites depuis des mois vos cibles de prédilection à seule fin d'attiser les peurs et de creuser chaque jour un peu plus profond le sillon de la xénophobie et du racisme.

C'est le cas, nous l'avons vu, de l'article 3, qui étend les zones de contrôle à bord des trains internationaux, visant implicitement l'immigration irrégulière. C'est le cas aussi, nous le verrons, de l'article 11 sur la déchéance de la nationalité française.

L'article 6 est au moins explicite. C'est bien de lutte contre l'immigration irrégulière qu'il s'agit.

Nous ne contestons évidemment pas la nécessité de retranscrire dans notre droit interne la directive européenne d'avril 2004 relative à l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données concernant les passagers en provenance de pays étrangers à l'Union européenne.

Néanmoins, il ne faudra pas sous-estimer les réserves émises par la CNIL sur la fourniture de ces données et les possibilités de création d'un fichier central unique de contrôle des déplacements. Il faudra, monsieur le ministre, en tenir compte dans les mesures d'application.

Mais le dispositif que vous proposez de mettre en place va bien au-delà de la stricte transposition, et surtout sa portée va au-delà de la lutte contre le terrorisme. Pourquoi, alors, ne pas l'intégrer dans le texte que vous avez déjà annoncé pour le début de l'année 2006 afin de débattre enfin clairement de votre politique de l'immigration ?

La seconde partie du titre même du texte que nous examinons aujourd'hui « ... portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers » suffit à nous alerter sur vos véritables intentions.

Vous pensez sans doute avoir trouvé là le moyen de détourner la colère sociale, attisée par la politique de votre gouvernement, vers l'éternel bouc émissaire : l'étranger.

Ce que nous refusons, c'est ce glissement que vous opérez en mots et en actions, et qui autorise dans les faits bien d'autres glissements dramatiques, comme on l'a vu récemment dans les banlieues.

Vous avez déclaré de manière péremptoire qu'il fallait expulser les étrangers, même en situation régulière, reconnus coupables de délits dans ces événements, rétablissant ainsi au passage la double peine que vous prétendiez pourtant avoir abrogée il y a peu de temps.

Or la commission ad hoc du tribunal de grande instance de Pontoise vient de rendre un avis défavorable concernant la procédure d'expulsion dont fait l'objet un jeune Mauritanien.

Vous avez vous-même déclaré le 4 décembre que, sur 785 personnes déférées pour participation aux violences urbaines récentes, sept procédures d'expulsion étaient en train d'aboutir. Cela représente un rapport de moins de 1 % et ne vous autorise assurément pas à viser prioritairement dans vos accusations les étrangers.

De tels amalgames, monsieur le ministre, flattent dangereusement l'extrême droite.

L'Australie, qui vient de renforcer son arsenal législatif contre le terrorisme, vit actuellement une flambée de violences racistes qui montrent combien il est dangereux de procéder à de tels amalgames.

Quand cesserez-vous d'agiter les peurs, de braquer l'opinion par vos amalgames, et d'opposer les unes aux autres les personnes vivant dans notre pays ?

C'est, au contraire, en les rassemblant et en résolvant leurs vrais problèmes économiques et sociaux que nous serons plus forts et mieux armés pour lutter contre toutes les violences, et notamment contre la menace terroriste.

En résumé, monsieur le ministre, si nous partageons la conviction qu'il faut combattre sans répit le terrorisme, ...

MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mais sans moyens !

Mme Catherine Tasca. ... nous ne souscrirons jamais à votre obsession de l'étranger ou du Français d'origine étrangère qui serait coupable de tous nos maux.

A ce titre, l'article 6 est, pour nous, irrecevable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 70 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 91 rectifié est présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet article 6 est emblématique la volonté d'amalgame du Gouvernement et de sa majorité entre des situations qui n'ont aucun rapport les unes avec les autres.

Comme l'a indiqué M. le rapporteur, les traitements automatisés évoqués par les dispositions concernées « seraient utilisés aux fins de contrôle des frontières, de la lutte contre l'immigration clandestine, de la prévention et de la répression des actes terroristes ».

Je ne vous crois pas assez naïf, monsieur le ministre, pour glisser au milieu de mesures relatives à la lutte antiterroriste une disposition concernant l'immigration clandestine sans intention maligne.

Il s'agit toujours de cette stratégie de la peur, de cette défiance à l'égard de l'autre, stratégie qui s'échine à laisser penser que l'immigré est souvent musulman, donc un terroriste potentiel. Voilà le cheminement de pensée que vous suscitez !

Mais il y a un autre cheminement possible, tout aussi pernicieux : le jeune de cité est fils d'immigré, il est musulman, il est en colère et brûle des voitures ; il est déjà sur la voie du terrorisme.

Monsieur le ministre, quand vous englobez dans un seul et même projet relatif au terrorisme des dispositions sur la sécurité en général et sur la politique d'immigration, vous savez très bien que vous suggérez ce type d'amalgame. Vous allez sciemment sur un terrain déjà balisé par d'autres, et ce dans un but purement électoraliste.

Au nom de la lutte antiterroriste, vous proposez des dispositions qui brident encore plus les libertés individuelles, alors qu'une multitude de dispositifs légaux et réglementaires existent déjà et que les auteurs potentiels d'attentats utilisent des méthodes - voyez les attentats de New York, de Madrid ou de Londres - qui rendent inopérant ce type de dispositif.

Dans ces conditions, je crois nécessaire de demander un scrutin public sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l'amendement n° 91 rectifié.

M. Louis Mermaz. Mon intervention ira dans le même sens que celle de Mme Assassi.

J'ai déjà eu l'occasion de dire hier que nous étions très étonnés de la façon dont le texte de l'article 6 débutait : « Afin d'améliorer le contrôle aux frontières et de lutter contre l'immigration clandestine... »

Ce n'est pas un dérapage de plume, mais bien le résultat d'une volonté, relevée d'ailleurs par M. Courtois, qui écrit dans son rapport que plusieurs dispositions du projet de loi ne concernent pas directement la lutte contre le terrorisme. L'article 6 en est une parfaite illustration.

Du reste, c'est à l'honneur de notre rapporteur d'avoir lui-même, devant l'ampleur du dispositif qu'on voudrait mettre en place, déposé, au nom de la commission, un amendement visant précisément à encadrer ces inquiétantes dispositions.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il faut donc voter mon amendement !

M. Louis Mermaz. Loin de se concentrer sur la finalité principale du projet, la prévention et la répression du terrorisme, cet article 6 tend à instaurer des mesures qui relèvent d'une autre finalité, à savoir la lutte contre l'immigration irrégulière.

Le Gouvernement ne manquera pas d'invoquer de nouveau la nécessité de retranscrire dans notre droit interne la directive 2004/82/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers en provenance des pays étrangers à l'Union européenne et le fait que cette directive permette aux États membres de faire usage des données transmises par les transporteurs à d'autres fins que la lutte contre l'immigration clandestine.

Cependant, force est de constater que le dispositif mis en place va bien au-delà de la stricte transposition de la directive précitée.

Surtout, cette transposition n'a pas sa place dans un projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme. L'objet principal de la directive est en effet la lutte contre l'immigration dite clandestine et non la lutte contre le terrorisme. S'il convient d'éviter toute surenchère en matière sécuritaire, il est également souhaitable de ne pas créer d'amalgame entre ces deux sujets.

Nous nous trouvons ici face à une disposition qui relève beaucoup plus de la police des étrangers, et on sait les effets déplorables que ne manque jamais d'avoir sur l'opinion la présentation de telles dispositions au Parlement.

Il serait bon que le Sénat, qui s'est souvent honoré, à travers les différents groupes qui le composent, dans la défense des droits de l'homme, pose un jour le problème d'une vraie politique de l'immigration. Sur toutes les travées de cette assemblée, il y a des gens qui pensent que la police des étrangers telle qu'elle se pratique depuis fort longtemps - bien avant 2001 - ne tient pas lieu de politique de l'immigration. C'est un des sujets centraux pour l'avenir de notre pays et il me semble qu'il faudrait l'aborder autrement que dans un esprit purement sécuritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du I de cet article, supprimer les mots :

et de lutter contre l'immigration clandestine

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Dans la continuité de ce que viennent de dire nos collègues, j'insiste sur le fait que l'amalgame entre immigration clandestine et terrorisme opéré par l'article 6 est inacceptable et dangereux.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n'y a pas d'amalgame !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le Gouvernement cache ses véritables intentions en invoquant la nécessité de transposer la directive 2004/82/CE du 29 avril 2004, qui vise, elle, au contrôle de l'immigration et prévoit un régime du traitement des données répondant à cette finalité.

En plaçant immigration et terrorisme côte à côte dans la loi et dans l'inconscient collectif des Français, le Gouvernement pratique un mélange des genres qui ne peut que se révéler dévastateur, non seulement pour les immigrés eux-mêmes, mais aussi et surtout pour les Français en général et pour notre République.

Si, par ces amalgames, vous souhaitez réaliser une opération électorale, sachez que vous faites courir de gros risques à notre démocratie.

Les Français doivent savoir que les personnes mêlées à des actes terroristes ne sont que rarement des immigrés et encore plus rarement des clandestins. Au cours de leur audition par la commission des lois, plusieurs procureurs en charge de la section antiterroriste au tribunal de grande instance de Paris nous ont confirmé que les terroristes étaient, dans leur grande majorité, des Français.

Les terroristes, ou les pseudo-terroristes, ne sont presque jamais en situation illégale. Ils prennent soin d'être en règle avec la loi du pays où ils vivent. Ils ne veulent pas prendre de risques.

La CNIL a estimé que ce projet de loi n'apportait pas de précisions satisfaisantes sur la destination des données transmises alors même qu'il rend possible leur transmission à une fin - la lutte contre le terrorisme - étrangère à celle de la directive transposée.

Vous le savez, ces règles ne permettront pas d'empêcher des terroristes de commettre des attentats, mais elles vont, hélas, entretenir de dangereux amalgames.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Alors, il ne faut rien faire ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, si votre refus de faire des amalgames est sincère, acceptez de retirer la notion d'immigration clandestine de cet article et attendons le projet de loi que M. Sarkozy a promis de présenter au Parlement en janvier 2006 pour aborder cette question.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du II de cet article, remplacer les mots :

individuellement habilités des services spécialement chargés de ces missions et des services spécialement chargés de la sûreté des transports internationaux.

par les mots :

individuellement désignés et dûment habilités :

- des services de la police et de la gendarmerie nationales spécialement chargés de ces missions ;

- des services de la police et de la gendarmerie nationales ainsi que des douanes, chargés de la sûreté des transports internationaux.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les modalités de désignation et d'habilitation des agents pouvant accéder aux traitements prévus à l'article 6.

La rédaction proposée tire notamment les conséquences des observations faites par la CNIL, qui, dans sa délibération du 10 octobre 2005, a souhaité que les modalités d'habilitation des agents apparaissent clairement dans le projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au deuxième alinéa du IV de cet article, remplacer le mot :

elles

par le mot :

ils

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement est destiné à rectifier une erreur rédactionnelle.

M. le président. L'amendement n° 43, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa du IV de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ces mesures sont présentées comme nécessaires au prétexte qu'il faut transposer la directive européenne du 29 avril 2004. Or les finalités invoquées et le régime retenu sont sensiblement différents.

Alors que la directive ne concerne que le trafic aérien, le projet de loi étend ce régime aux modes de transport ferroviaire et maritime.

Cette extension est d'autant plus choquante que, sur le fond, ces dispositions portent une atteinte grave à un des principes fondamentaux de notre droit, la liberté de circuler pour tous les citoyens, c'est-à-dire liberté d'aller et venir, à laquelle il convient d'ajouter le droit au respect de la vie privée.

Grâce à ces dispositions, les forces de l'ordre pourront, pratiquement sans aucun contrôle, déterminer l'ensemble des déplacements de chacun, au détail près : elles pourront savoir à quelle date, comment et avec qui Untel aura quitté le territoire de l'Union européenne, dans quel pays il se sera rendu, en effectuant quelle escale, pour combien de jours. En fait, nous allons être placés sous surveillance permanente.

Bien entendu, dans le viseur de ce gouvernement se trouve une catégorie particulière de citoyens, ceux qui se rendent vers tel type de pays, ceux qui présentent tel type de profil culturel ou religieux. Inutile, d'ailleurs, de préciser : chacun sait bien de qui je veux parler !

Il semble que nous sommes déjà assignés à résidence !

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le IV de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités de transmission des données mentionnées au 3° du I.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

L'article 6 prévoit que les transporteurs doivent transmettre aux services du ministère de l'intérieur les données relatives aux passagers et aux réservations qu'ils détiennent.

L'amendement prévoit qu'un décret précisera les modalités de cette transmission, notamment le délai limite pour la transmission de ces données au ministère de l'intérieur.

M. le président. L'amendement n° 56 rectifié bis, présenté par MM. Türk,  Portelli et  Nogrix, Mme Malovry, MM. Mouly,  Seillier et  Cambon, est ainsi libellé :

Compléter le IV de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires ont obligation d'informer les personnes concernées par le traitement mis en oeuvre au titre du présent article conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Conformément à l'article 6 de la directive du 29 avril 2004, il conviendrait que la loi prévoie l'obligation d'informer les personnes concernées et que cette obligation soit à la charge des transporteurs, donc le plus en amont possible.

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  - L'application des dispositions du présent article sera limitée dans le temps. Sa durée sera définie par le décret d'application de la loi.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La mise en oeuvre d'un dispositif comme celui de l'article 6 ne saurait être pérenne. Il conviendrait donc de fixer une durée stricte d'application de ses dispositions.

La logique du Gouvernement est particulièrement dangereuse. Elle consiste, en tout domaine, à faire de l'exception la règle, à pérenniser ce qui ne devrait être que temporaire. Petit à petit, les Français sont conditionnés à accepter la perte progressive de leurs droits et libertés sous prétexte d'être protégés. Arrêtons, car cette mise sous surveillance permanente est inacceptable !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements autres que ceux qu'elle a déposés ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les amendements identiques nos 70 et 91 rectifié vise à supprimer l'article 6. La commission ne peut être favorable à la suppression de ce dernier puisqu'elle propose elle-même de l'amender, ce qui démontre sa volonté de le conserver.

Je tiens à dire que, pour nous, il n'y a pas d'amalgame entre immigration clandestine et terrorisme. Je l'ai dit dans mon intervention liminaire et je l'ai écrit dans mon rapport, ce sont deux choses bien différentes, et le vice-procureur du tribunal de grande instance de Paris l'a confirmé, madame Boumediene-Thiery, lors de son audition par la commission des lois.

L'amendement n° 42 a pour objet de supprimer l'utilisation des traitements automatisés autorisée par cet article dans le but de lutter contre l'immigration clandestine.

Je rappelle que la directive de 2004 a été adoptée afin de lutter contre l'immigration clandestine. Il s'agit uniquement de transposer cette directive, et je répète qu'il n'y a aucun amalgame entre immigration et terrorisme. Certes, les mêmes données pourront servir dans les deux cas, mais les conditions d'utilisation de ces données seront différentes selon que la finalité sera la lutte contre l'immigration ou la prévention du terrorisme. D'ailleurs, les personnes qui auront accès à ces données ne seront pas les mêmes dans les deux cas.

La commission vous invite donc, mes chers collègues, à rejeter cet amendement.

Les auteurs de l'amendement n° 43 reprochent au projet de loi d'aller au-delà de la transposition de la directive. De fait, ce projet a pour objet de lutter contre le terrorisme et, à cette fin, prévoit le recueil d'un plus grand nombre de données relatives aux passagers, ce qui démontre encore une fois qu'il y a bien séparation entre terrorisme et immigration clandestine.

La commission émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 56 rectifié bis précise que les transporteurs ont l'obligation d'informer les personnes concernées que les données relatives aux passagers ou aux réservations sont transmises au ministère de l'intérieur pour faire l'objet d'un traitement automatisé.

La commission est favorable à cet amendement.

Enfin, l'amendement n° 44 prévoit que la durée d'application de l'article 6 sera limitée dans le temps et qu'un décret fixera le terme de cette application. Sur la forme, on peut trouver juridiquement étrange qu'un décret fixe la durée d'application d'une loi. Sur le fond, il n'est pas possible de prévoir la transposition provisoire d'une directive.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Quel que soit le terrain sur lequel certains voudraient l'entraîner, le Gouvernement, sur cet article 6 comme sur d'autres, se gardera de toute polémique, mais je voudrais amener chacun et chacune d'entre vous à réfléchir au fond au problème de la mobilité.

On peut tout de même s'interroger quand on constate que de plus en plus de nos jeunes partent de notre pays pour effectuer des séjours de quelques semaines ou de quelques mois en Afghanistan ou en Irak et reviennent ensuite chez nous.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien sont-ils ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vont-ils dans ces pays pour y passer des vacances et s'y détendre ? Si je ne suis pas en mesure de dire quelle est la finalité de ces séjours, je suis en revanche certain qu'il est de notre devoir de nous interroger et de nous donner les moyens de vérifier dans quel but ces jeunes effectuent ces déplacements, car on sait qu'un certain nombre de ceux qui ont fait ces voyages ont ensuite été parfaitement identifiés comme étant intégrés à des groupes terroristes tels que Al-Qaida.

J'y insiste, le problème de la mobilité est tout à fait réel.

À cet égard, Paul Girod a évoqué l'actualité toute récente : la découverte d'explosifs et d'armes de guerre, à Clichy-sous-Bois, la nuit dernière, dans le prolongement des vingt-sept arrestations intervenues lundi. Je lis un extrait de la dépêche AFP :

« Le stock, qui pourrait provenir pour partie des Balkans, comprend des armes de guerre, dont deux fusils d'assaut, un français FA-MAS et un russe Kalachnikov, des armes de poing et un lot de munitions.

« La DST a également mis la main sur des cagoules, des gilets pare-balles, une tenue complète de gendarme et plusieurs combinaisons noires.

« Un des hommes interpellés, cité dans des affaires de terrorisme en Italie et en Grande-Bretagne, était surveillé depuis plus de deux ans par la direction centrale des renseignements généraux. Il est soupçonné d'avoir été actif dans le nord de la France. Un autre, de trente et un ans, a été condamné il y a quelques années dans une affaire de faux papiers et connaissait des membres du groupe de Francfort.

« Le groupe était surveillé depuis plusieurs mois. Son rôle "dans la répartition du travail terroriste international [est] de financer la cause pour notamment commettre des attentats terroristes à l'étranger", selon une source proche du dossier. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le dispositif actuel marche bien, alors !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je me contente de faire référence à un document, accessible à tous, qui démontre bien que nous sommes dans un monde où la mobilité internationale exige que nous nous dotions, ne serait-ce qu'à titre préventif, des moyens législatifs nécessaires.

Je regrette sincèrement, non pas les amalgames que vous dénoncez, mais les amalgames que vous faites entre terrorisme et immigration clandestine.

Mme Éliane Assassi. Ils sont dans le texte, monsieur le ministre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous ne trouvons cet amalgame que dans vos propos, l'outil législatif que nous vous proposons se limitant à reprendre les termes d'une directive européenne.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous ne savez pas lire !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Comme l'a précisé le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi devant l'Assemblée nationale, il ne saurait être question de procéder à un amalgame entre la lutte contre l'immigration irrégulière et la lutte contre le terrorisme. Pour ces raisons, je vous invite à faire preuve de beaucoup plus de prudence dans votre mode d'expression.

Il serait inexact d'affirmer que la lutte contre le terrorisme est une finalité étrangère à la directive du Conseil du 29 avril 2004. En effet, le texte même de la directive, dans son article 6 ainsi que dans l'un de ses considérants, tend à permettre aux Etats membres de faire usage des données à des fins de lutte contre le terrorisme.

J'attire en outre votre attention sur le fait que l'adoption de cette directive est intervenue dans un contexte particulier : au lendemain des attentats de Madrid du 11 mars 2004.

Le projet de loi que nous vous soumettons constitue le vecteur législatif de la transposition de la directive au titre de sa double finalité de lutte contre le terrorisme et de lutte contre l'immigration irrégulière. Cette transposition doit être effectuée par les Etats membres au plus tard le 5 septembre 2006.

Vous, vous faites l'amalgame ! De notre côté, nous assumons pleinement la forme que prend la transposition de la directive européenne dans le droit français.

En outre, la nécessité opérationnelle et technique doit être ici prise en compte. Il s'agit des mêmes données relatives aux mêmes voyageurs dont le recueil est prévu dans les traitements automatisés aux fins tant de lutte contre le terrorisme que de lutte contre l'immigration irrégulière.

Les transporteurs ne sauraient par ailleurs être contraints de procéder à une double communication selon la finalité de l'exploitation des données par l'autorité publique.

Enfin, les traitements de données concernés sont, conformément à la loi du 6 janvier 1978, soumis au contrôle de la CNIL.

En conséquence, le Gouvernement réaffirme sa volonté d'agir avec toute l'efficacité qu'exigent la protection de nos concitoyens et le respect de nos engagements internationaux, tout en garantissant le respect des libertés. Je vous dis cela sans le moindre esprit polémique.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 70 et 91 ainsi qu'à l'amendement n° 42.

En revanche, il est évidemment favorable à l'amendement n° 16, qui tient compte des attributions des douanes dans le domaine de la sûreté des transports internationaux, de m^me qu'à l'amendement n° 17, purement rédactionnel.

L'amendement n° 43 recueille un avis défavorable. En effet, s'il est exact que la directive du Conseil du 29 avril 2004 n'impose aux Etats membres de prendre des dispositions dans leur droit interne qu'en ce qui concerne les obligations qu'ils doivent prescrire aux transporteurs aériens, il ressort toutefois, tant des discussions au sein du Conseil relatives à l'adoption de cette directive que du texte de la directive lui-même, que les Etats membres peuvent, à titre optionnel, étendre ces dispositions à d'autres catégories de transporteurs.

Le Gouvernement marque-t-il son attachement à l'exercice des compétences de la CNIL en matière de protection des données ? Bien sûr, et je vous remercie, monsieur le rapporteur, de renforcer cette démarche. Je suis donc favorable à votre amendement n° 18.

L'amendement n° 56 rectifié bis, présenté par M. Portelli, a pour objet l'obligation d'information des passagers, tirant ainsi les conséquences des dispositions de la loi du 6 janvier 1978. Nous y sommes évidemment favorables.

Enfin, madame Boumediene-Thiery, votre amendement n° 44 tend à limiter dans le temps l'application du présent article en renvoyant à un décret d'application le soin d'en déterminer la durée.

Les dispositions du projet de loi qui autorisent une application limitée dans le temps font l'objet d'une clause de rendez-vous au 31 décembre 2008. Or tel ne peut être le cas pour l'article 6, la directive du Conseil du 29 avril 2004, que le projet de loi transpose, étant elle-même pérenne. La limitation dans le temps des dispositions de l'article 6 pourrait apparaître comme une transposition incorrecte de la norme européenne. Il ne nous est donc pas possible de retenir votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 70 et 91 rectifié.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, par vos explications, vous nous donnez raison et vous nous demandez de faire un choix.

En premier lieu, vous nous donnez raison puisque vous confirmez que le champ d'application de l'article 6, comme celui de l'article 7, d'ailleurs, ne se limite pas au terrorisme, mais couvre bien d'autres domaines.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh bien oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous arguez de la transposition de la directive européenne. Ce faisant, vous nous faites la démonstration que vous allez bien au-delà du terrorisme. D'ailleurs, la première phrase de l'article 6 évoque bien la lutte « contre l'immigration clandestine ».

Vous nous parlez de « nos jeunes » qui vont en Afghanistan, en Irak ou ailleurs. De quelles nationalités sont-ils ? Qu'est-ce que cela a à voir avec l'immigration clandestine ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je n'ai pas dit qu'ils étaient immigrés !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En second lieu, vous nous demandez de faire un choix. Mais, pour nous, parlementaires, il est très délicat de faire ce choix dans la mesure où, chers collègues, vous avez décidé de diligenter une commission d'enquête sur l'immigration clandestine.

En général, les parlementaires participent activement aux commissions d'enquête, faisant en sorte d'auditionner les personnalités les plus variées de manière à être parfaitement éclairés. Or, avant même que cette commission d'enquête ait rendu ses conclusions, le Gouvernement nous demande, vous demande d'adopter le texte de l'article 6.

Dites-nous donc carrément que cette commission d'enquête ne sert à rien, et cela nous laissera du temps pour faire autre chose !

Alors, avez-vous, oui ou non, décidé de constituer une commission d'enquête pour savoir ce qu'il en était de l'immigration clandestine ? Qu'envisagez-vous de faire pour lutter contre l'immigration clandestine ? Allez-vous suivre le ministre dans le vote de l'article 6 qui nous met en présence, de fait, d'un amalgame insupportable entre immigration et terrorisme ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame Borvo, permettez-moi de vous dire respectueusement que la commission d'enquête n'est absolument pas remise en cause par le fait que l'on transpose une directive. De toute façon, nous avons l'obligation de la transposer.

Les grandes voix du parti socialiste qui siègent au Sénat, puisque c'est ainsi qu'on les appelle, savent très bien de quoi il s'agit : d'appliquer les dispositions de la directive, qui concerne effectivement l'immigration clandestine, au terrorisme. Et chacun sait très bien aussi que nous avons toujours beaucoup de retard dans cet exercice de transposition des directives européennes !

Franchement, je comprends de moins en moins la nature du débat !

Quant à l'objet de la commission d'enquête, madame Borvo Cohen-Seat, il est beaucoup plus large que celui du texte que nous examinons aujourd'hui. Et cette commission va couvrir tout son champ. Ce qui pourrait nous poser plus de problèmes au regard du champ de cette commission d'enquête, c'est que le futur projet de loi vienne très vite en discussion.

Mme Catherine Tasca. C'est pourtant ce qui nous a été annoncé !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais ce n'est pas le cas du présent texte, qui, encore une fois, transpose une directive relative aux données recueillies sur les documents des transporteurs aériens et autres.

Pourquoi hésiter à transposer dans notre droit ce qui a été décidé à l'échelon européen alors que cela nous permet de mieux prévenir, nous l'espérons, les actes de terrorisme ?

Les grands mots, cela finit par devenir fatigant !

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Le ministre a fait la démonstration que cet article traitait d'autre chose que de la lutte contre l'immigration clandestine.

Vous nous avez dit, de façon assez saisissante, qu'il fallait se préoccuper des jeunes qui partent en Irak ou en Afghanistan pour des motifs qui n'ont rien à voir avec le tourisme : je suis bien de votre avis ! Dans une telle hypothèse, il est évidemment tout à fait normal que les services de la DST exercent une surveillance accrue.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Alors, nous sommes d'accord !

M. Louis Mermaz. Certes, mais cela ne concerne pas du tout l'immigration clandestine, cela n'a rien à voir !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mais c'est vous qui établissez un rapport avec l'immigration clandestine !

M. Louis Mermaz. Excusez-moi, mais le texte de l'article 6 commence bien par ces mots : « Afin d'améliorer le contrôle aux frontières et de lutter contre l'immigration clandestine... » C'est tout de même bien le Gouvernement qui a rédigé le projet de loi !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mais c'est Bruxelles qui nous impose la transposition !

M. Louis Mermaz. Parlons alors de la directive ! Rien ne vous faisait obligation d'introduire précisément dans ce projet de loi la transposition d'une directive européenne qui, elle, concerne l'immigration clandestine.

Lorsque du débat sur le droit d'asile, nous avons eu droit à une espèce de manoeuvre « noir, impair et passe » de la part de M. de Villepin, alors ministre de l'intérieur : selon lui, il fallait absolument adopter le texte relatif au droit d'asile avant la directive européenne ne soit elle-même adoptée, de manière à être en conformité avec ce qui allait être fait.

Mais, que je sache, les membres du Gouvernement qui s'expriment ici sont bien ceux qui s'expriment à Bruxelles au nom de la France !

Il serait souhaitable que la France se fasse davantage le défenseur des droits de l'homme lorsqu'on parle en notre nom à Bruxelles ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) Car c'est trop facile de nous dire ici que l'on doit faire ceci pour plaire à Bruxelles et, lorsque l'on est à Bruxelles, de dire que l'on doit le faire parce que la France l'exige ! Il y a tout de même là quelque chose d'un peu bizarre !

En vérité, MM. Courtois, Türk, Portelli et quelques autres collègues ont tellement senti qu'il y avait là des risques pour les libertés, pour le droit d'aller et venir, qu'ils ont apporté un certain nombre de précisions en vue d'encadrer cette disposition.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est leur travail !

M. Louis Mermaz. Autrement dit, ils veulent améliorer quelque chose que nous considérons de toute façon comme très brutal.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 70 et 91 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 62 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 128
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56 rectifié bis.

Mme Éliane Assassi. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 8

Article 7

L'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi rédigé :

« Art. 26. - Afin de prévenir et de réprimer le terrorisme, de faciliter la constatation des infractions s'y rattachant, de faciliter la constatation des infractions criminelles ou liées à la criminalité organisée au sens de l'article 706-73 du code de procédure pénale et des infractions de vol et de recel de véhicules volés, et afin de permettre le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de police et de gendarmerie peuvent mettre en oeuvre des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules prenant la photographie de leurs occupants, en tous points appropriés du territoire, en particulier dans les zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires ainsi que sur les grands axes de transit national ou international.

« L'emploi de tels dispositifs est également possible, à titre temporaire, pour la préservation de l'ordre public, à l'occasion d'événements particuliers ou de grands rassemblements de personnes, par décision de l'autorité administrative. 

« Pour les finalités mentionnées aux deux précédents alinéas, les données à caractère personnel mentionnées au premier alinéa peuvent faire l'objet de traitements automatisés mis en oeuvre par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale et soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Ces traitements comportent une consultation du traitement automatisé des données relatives aux véhicules volés ou signalés ainsi que du système d'information Schengen.

« Afin de permettre cette consultation, les données collectées sont conservées durant un délai maximum de huit jours au-delà duquel elles sont effacées dès lors qu'elles n'ont donné lieu à aucun rapprochement positif avec les traitements mentionnés au précédent alinéa. Durant cette période de huit jours, la consultation des données n'ayant pas fait l'objet d'un rapprochement positif avec ces traitements est interdite, sans préjudice des nécessités de leur consultation pour les besoins d'une procédure pénale. Les données qui font l'objet d'un rapprochement positif avec ces mêmes traitements sont conservées pour une durée d'un mois sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale. »

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. À travers les dispositions de cet article, le Gouvernement marque à nouveau ce qui caractérise ce projet de loi : l'inefficacité, la confusion et la dangerosité.

Pensez-vous sincèrement, monsieur le ministre, que les terroristes ont l'habitude d'utiliser des voitures volées ? Ce gouvernement tente de faire croire aux Français que les terroristes circuleraient dans des grosses berlines volées dans des villes riches - comme Neuilly, peut-être -, et qu'il suffirait de multiplier les systèmes de surveillance et de photographie pour les appréhender. Non, malheureusement, les terroristes circulent plus souvent dans les transports en commun que dans des véhicules volés. Lorsqu'ils préparent leurs mauvais coups, leurs crimes, ils ne veulent pas se faire repérer, et ne prennent aucun risque.

Monsieur le ministre, cette justification est de toute évidence infondée. D'autant plus que vous persistez dans cette volonté de tout amalgamer : dans un seul mouvement, vous instaurez volontairement la confusion entre la lutte antiterroriste, le trafic de voitures et le grand banditisme.

Pour ce gouvernement, ce qui compte, c'est non pas le langage de la clarté et de la vérité, mais plutôt la confusion des genres et les faux-semblants. De façon totalement disproportionnée par rapport au respect des droits et des libertés et au maintien de l'ordre public, vous mettez en oeuvre un dispositif général permettant de soumettre à une surveillance automatique l'ensemble des déplacements routiers de toutes les personnes vivant en France.

Sous prétexte d'assurer la sécurité des citoyens, ce gouvernement, à travers des agents de police presque totalement libres de tout contrôle judiciaire, pourra contrôler les données téléphoniques et Internet ainsi que les déplacements maritimes, ferroviaires, aériens, routiers et même pédestres ! Ces agents pourront presque tout savoir sur tout et sur tout le monde. Nous ne sommes pas à la veille du Nouvel An 2006, mais bien en plein 1984 : c'est Big Brother, tel que l'a décrit George Orwell !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 71 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 92 rectifié est présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Eliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 71.

Mme Éliane Assassi. Comme le dit parfaitement notre collègue Jean-Patrick Courtois dans son rapport, cet article tend à permettre une utilisation plus intensive des dispositifs de contrôle des déplacements des véhicules. Ce nouveau dispositif est en effet intensif au point de permettre que tous les occupants d'un véhicule soient photographiés !

Nous sommes tout simplement consternés par un tel article, et ce pour deux raisons.

D'une part, cet article élargit l'article 26 de la loi pour la sécurité intérieure, qui prévoit déjà la possibilité d'installer en tous points appropriés du territoire des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules couplées au fichier des véhicules volés de la police et de la gendarmerie nationales, mais pour lequel aucun décret d'application n'a été pris.

D'autre part, l'atteinte au respect de la vie privée et à la liberté d'aller et venir est ici excessive et disproportionnée eu égard à l'objectif recherché. En effet, la lutte contre le terrorisme n'est pas le seul motif justifiant la mise en oeuvre d'un tel dispositif : outre le vol et le recel de véhicules volés, ce dispositif pourrait être mis en oeuvre afin de faciliter la constatation des infractions criminelles ou liées à la criminalité organisée, ce qui constitue un nombre très important d'infractions.

La CNIL est d'ailleurs très critique à l'égard de cet article, comme du dispositif introduit par la loi pour la sécurité intérieure. Elle se montre « extrêmement réservée sur le dispositif général prévu par l'article 26 de la loi du 18 mars 2003 modifié par l'article 7 du projet de loi qui conduit à pouvoir soumettre à une surveillance automatique l'ensemble des déplacements des personnes en France utilisant le réseau routier, ce qui serait de nature à porter atteinte au principe fondamental de la liberté d'aller et venir ».

Par ailleurs, « elle constate que les conditions pratiques de mise en oeuvre des dispositifs de contrôle automatisé n'apportent pas, en l'état, de garanties suffisantes pour éviter ces risques ». Ainsi, elle estime « disproportionnée par rapport aux finalités avancées la collecte systématique de la photographie des passagers d'un véhicule. Cette collecte pourrait en outre conduire à l'instauration d'un contrôle d'identité à l'insu des personnes ».

En effet, aucune précision n'est apportée dans cet article sur les conditions d'information des personnes photographiées, ni sur les droits qui devraient leur être reconnus. Nous ne savons pas plus quels seront les agents habilités à accéder à ces informations. La mise en oeuvre d'un tel dispositif est d'autant plus inquiétante qu'elle pourrait être temporaire pour la préservation de l'ordre public à l'occasion d'événements particuliers.

M. Jean-Pierre Sueur. Lesquels ? Que signifie cette expression ?

Mme Éliane Assassi. Or, la notion d'ordre public est suffisamment large pour permettre une application très fréquente de ce nouveau type de contrôle automatisé des véhicules. Cet article est donc manifestement attentatoire aux libertés individuelles, d'une part en raison de la technique utilisée et de l'application sur tout le territoire, d'autre part, parce qu'il a vocation à s'appliquer de manière quasi systématique.

En tout état de cause, nous n'acceptons pas le dispositif proposé par cet article, et c'est pourquoi nous en demandons la suppression.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l'amendement n° 92 rectifié.

M. Louis Mermaz. L'article 7 constitue vraiment une sorte de chef-d'oeuvre sur lequel les étudiants se pencheront certainement un jour. Il ne s'agit plus là de l'immigration clandestine. Il semble que nous retrouvions le coeur du sujet annoncé par le projet de loi, puisqu'il est indiqué, au début du texte proposé par cet article 7 pour l'article 26 de la loi pour la sécurité intérieure : « Afin de prévenir et de réprimer le terrorisme... ». C'est donc parfait !

Néanmoins, on commence ensuite à dériver puisqu'il est question de véhicules volés. C'est un peu différent mais, après tout, nous sommes tous contre les voleurs de voiture !

On est contre le terrorisme, on est contre les véhicules volés ; puis, d'un seul coup, on s'aperçoit que l'on va photographier les gens.

J'ai dit hier que, personnellement, cela ne me dérange pas d'être photographié dans ma voiture, où que j'aille. Mais enfin, certaines personnes ne tiennent peut-être pas à être prises en photo avec d'autres en voiture.

Bref, on assiste à un dégradé : on part du terrorisme, on passe au vol de véhicule, et on en arrive à la photographie des voitures de tout le monde, ce qui n'est plus du tout le même sujet !

Et l'on en vient à ce chef-d'oeuvre : « L'emploi de tels dispositifs est également possible, à titre temporaire, pour la préservation de l'ordre public, » - cela veut dire beaucoup de choses et rien ! - « à l'occasion d'événements particuliers » - je ne sais pas dans quel livre de droit on trouvera la définition d'un « événement particulier » : est-ce la venue de tel ministre dans un endroit ? Est-ce l'anniversaire de quelqu'un ? (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) - « ou de grands rassemblements de personnes » - là encore, de quoi s'agit-il ? Les grands rassemblements commencent-ils au-delà de trois ou quatre personnes ? (Nouveaux rires sur les mêmes travées) - « par décision de l'autorité administrative ». Autrement dit, les photographes vont être convoqués pour photographier tout le monde lorsqu'il y aura un événement particulier ou lorsque des gens seront un peu nombreux à se rassembler !

Là, on sombre dans le ridicule ! C'est Molière ! Cela me fait penser à une scène de l'Avare dans laquelle Harpagon, pris de folie, voulait se donner la question à lui-même ! On va tous s'autocontrôler ! Cela devient une histoire de fous !

Comme je le disais hier, on veut mettre la population en condition. Tout le monde va avoir peur de tout le monde. Quand on verra des policiers, des photographes, on rasera les murs même si l'on n'a rien à se reprocher ! Faites attention, mes chers collègues, de ne pas vous faire photographier ! Sur ce sujet, Clemenceau avait des formules très raides que vos chastes oreilles ne sauraient supporter et que je ne reprends donc pas ici.

Je poursuis la lecture de l'article : « Pour les finalités mentionnées aux deux précédents alinéas, les données à caractère personnel mentionnées au premier alinéa peuvent faire l'objet de traitements automatisés » - évidemment, on ne nous a pas photographiés pour le simple plaisir de nous photographier ! - « mis en oeuvre par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale et soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'information, aux fichiers et aux libertés. »

Justement, la CNIL a jugé cette disposition contraire à la liberté constitutionnelle d'aller et venir.

Telles sont toutes les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article qui, dans le fond, ne concerne pas tellement le terrorisme. C'est ce que j'appelle une opération « pair, impair et passe ». Nous demandons par conséquent la suppression de cet article plus qu'ambigu.

M. le président. L'amendement n° 107 rectifié bis, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article  26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, après les mots :

et des infractions de vols et de recel de véhicules volés,

insérer les mots :

des infractions de contrebande, d'importation ou d'exportation commise en bande organisée, prévues et réprimées par l'article 414, alinéa 2, du code des douanes, ainsi que, lorsqu'elles portent sur des fonds provenant de ces mêmes infractions, la réalisation ou la tentative de réalisation des opérations financières définies à l'article 415 du même code.

II. - Dans le même alinéa, remplacer les mots :

et de gendarmerie

par les mots :

de gendarmerie et de douanes

III. - Dans le deuxième alinéa du même texte, après les mots :

est également possible

insérer les mots :

par les services de police et de gendarmerie

IV. - Compléter la deuxième phrase du dernier alinéa du même texte par les mots :

ou douanière

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je le reprends, au nom de la commission !

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 107 rectifié ter.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, lors du débat en commission, M. Charasse avait déposé trois amendements qui nous avaient paru beaucoup trop larges, concernant notamment la possibilité donnée aux douaniers d'accéder à certains fichiers.

Celui que je reprends prévoit, après rectification par son auteur, des possibilités plus restreintes pour les douaniers d'accéder à certains fichiers, en particulier au fichier des véhicules, en cas d'infractions extrêmement graves en matière douanière. Par conséquent, il est tout à fait acceptable dans la mesure où il correspond à la finalité de la répression : je pense notamment aux délits douaniers visés aux articles 414 et 415 du code des douanes.

Il s'agit d'infractions liées à la criminalité organisée, et le principe de proportionnalité est respecté. En effet, les douanes ne pourraient mettre en oeuvre ces dispositifs que pour constater ces infractions douanières graves. Dans les autres cas, seuls les policiers et les gendarmes seraient bien entendu compétents.

Je rappelle qu'un amendement proposé par M. Türk vise à encadrer plus strictement encore la consultation de ces données.

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article  26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Le Gouvernement, à travers l'article 7 du présent projet de loi, réécrit intégralement l'article 26 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui prévoit l'installation de dispositifs de contrôle des données signalétiques des voitures. J'ai d'ailleurs déjà évoqué ce point dans mon intervention précédente, lors de la présentation d'un amendement qui était en quelque sorte le « cousin germain » de celui-ci.

Nous tenons à ce qu'il soit bien précisé que les conditions de mise en oeuvre des dispositifs envisagés peuvent conduire à photographier tout conducteur de véhicule et ses passagers.

Par ailleurs, cet article 7 reprend, dans son troisième alinéa, le droit en vigueur permettant l'emploi de tels dispositifs à titre temporaire, à l'occasion d'événements particuliers ou de grands rassemblements. De tels dispositifs ne peuvent être envisagés qu'en tant que mesures exceptionnelles prises pour faire face à des circonstances elles-mêmes exceptionnelles.

Il s'avère que, dans l'article 7, la finalité principale de prévention et de répression des actes de terrorisme se trouve diluée au sein de toute une série de dispositions concernant la lutte contre les voleurs de voitures - tout le monde est contre les voleurs de voitures ! - ainsi que des mesures de police générale et de maintien de l'ordre public - nous sommes tous pour le maintien de l'ordre public, même si, je le répète, nous ne savons pas très bien ce que signifient des expressions telles que « grands rassemblements » ou « événements particuliers ».

Bref, en visant des « événements particuliers ou de grands rassemblements », et ce sans précision aucune, une telle disposition pourrait ouvrir la voie - Dieu nous en garde ! - à l'arbitraire.

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, remplacer les mots :

mentionnées au premier alinéa

par les mots :

collectées à l'occasion des contrôles susmentionnés

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les données susceptibles de faire l'objet d'un traitement automatisé sont celles qui sont collectées à l'occasion des contrôles de véhicules prévus aux deux premiers alinéas de l'article 7.

La rédaction actuelle semble limiter ces données à la plaque d'immatriculation et à la photographie des passagers. Celle que je propose, au nom de la commission des lois, est un peu plus large, puisqu'elle pourrait comprendre notamment la date du contrôle. Elle vise, en outre, de manière explicite, les données recueillies par ces contrôles automatisés à l'occasion d'événements particuliers ou de grands rassemblements.

M. le président. L'amendement n° 57 rectifié ter, présenté par MM. Türk,  Portelli et  Nogrix, Mme Malovry, MM. Mouly,  Seillier et  Cambon, est ainsi libellé :

I. Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 par un alinéa ainsi rédigé :

« Aux fins de prévenir et de réprimer des actes de terrorisme, de faciliter la constatation des infractions s'y rattachant, les services de police et de gendarmerie spécialement chargés de ces missions peuvent avoir accès à ces traitements. »

II. En conséquence, dans le premier alinéa du même texte, après le mot :

Afin

supprimer les mots :

de prévenir et de réprimer le terrorisme, de faciliter la constatation des infractions s'y rattachant

La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Cet amendement vise à distinguer plus clairement les finalités poursuivies par la mise en place des dispositifs prévus, en précisant tout particulièrement les modalités d'accès aux données par les services de police et de gendarmerie en charge de la lutte contre le terrorisme.

Il nous semble que, au regard de la collecte et de l'enregistrement de la photographie des occupants d'un véhicule, les garanties procédurales qui entourent les conditions dans lesquelles les services de police pourront avoir accès à cette information doivent être renforcées.

M. le président. Le sous-amendement n° 114, présenté par M. Goujon, est ainsi libellé :

I. - Dans le texte proposé par le I de l'amendement n° 57 rectifié ter pour compléter l'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, remplacer les mots :

les services de police et de gendarmerie spécialement chargés

par les mots :

les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement en charge

II. - Compléter le II de cet amendement par quatre alinéas ainsi rédigés :

Et dans le troisième alinéa du même texte, remplacer les mots :

aux deux précédents alinéas

par les mots :

au présent article

La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Ce sous-amendement a simplement pour objet de tenir compte de la rédaction proposée par la commission des lois dans différents amendements concernant l'habilitation des agents des services de police et de gendarmerie.

Dès lors, il convient de remplacer, dans l'amendement n° 57 rectifié ter, la formule : « Les services de police et de gendarmerie spécialement chargés » par les mots suivants : « Les agents des services de police et de gendarmerie nationales spécialement désignés et dûment habilités en charge  », selon la formule consacrée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. S'agissant des amendements identiques nos 71 et 92 rectifié, dont l'objet est de supprimer l'article 7, la position de la commission des lois est bien connue : à partir du moment où la commission souhaite modifier cet article, elle ne peut qu'être défavorable à ces deux amendements.

S'agissant de l'amendement n° 107 rectifié ter, le modeste rapporteur que je suis souscrit bien évidemment aux propos tenus par M. le président de la commission des lois et émet un avis favorable.

L'amendement n° 93 vise, selon son exposé des motifs, à supprimer la possibilité d'utiliser les systèmes de contrôle des véhicules à l'occasion de grands rassemblements ou d'événements particuliers pour des raisons d'ordre public.

Je ferai tout d'abord une remarque de forme, à savoir que cet amendement aurait dû viser non pas le troisième, mais le deuxième alinéa.

Par ailleurs, cette disposition n'est pas nouvelle, puisqu'elle figure déjà dans l'article 26 en vigueur.

J'ajoute qu'une telle disposition peut se révéler très utile lors de manifestations très sensibles, telles que, par exemple, le G8 ou le Conseil européen. En effet, il peut parfois être salutaire de contrôler de façon ponctuelle certains véhicules.

C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 57 rectifié ter tend à mieux distinguer les finalités poursuivies par les systèmes de contrôle automatisé de données signalétiques des véhicules. Il fait un cas particulier de la lutte contre le terrorisme en prévoyant que les services de police et de gendarmerie spécialement chargés de ces missions pourront avoir accès à ces données. La commission est donc favorable à cet amendement.

Il en va de même s'agissant du sous-amendement n° 114, sous réserve que M. Goujon accepte de rédiger ainsi la phrase proposée dans le I : « les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement en charge ».

M. le président. Monsieur Goujon, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?

M. Philippe Goujon. Je l'accepte, monsieur le président, et je rectifie mon sous-amendement en ce sens.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 114 rectifié, présenté par M. Goujon, et ainsi libellé :

I. - Dans le texte proposé par le I de l'amendement n° 57 rectifié ter pour compléter l'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, remplacer les mots :

les services de police et de gendarmerie spécialement chargés

par les mots :

les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement en charge

II. - Compléter le II de cet amendement par quatre alinéas ainsi rédigés :

Et dans le troisième alinéa du même texte, remplacer les mots :

aux deux précédents alinéas

par les mots :

au présent article

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je voudrais tout d'abord demander à l'ensemble des sénateurs, notamment aux orateurs des groupes socialiste et CRC, d'éviter les caricatures ! En effet, j'ai l'impression, monsieur Mermaz, que la meilleure image à offrir ne consiste pas à caricaturer en permanence,...

M. Jean-Pierre Sueur. Il a été très bon !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...simplement pour avoir la satisfaction de faire éclater de rire Mme Assassi, sous le regard des Français éberlués qui se demandent de quoi vous parlez, alors que nous traitons d'affaires particulièrement sérieuses dans le but d'assurer leur sécurité au quotidien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Oui, les terroristes sont mobiles, y compris sur le réseau routier. Cela vous amuse ? Nous, pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez de nous prendre pour des débiles !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Oui, des outils existent pour mieux contrôler les déplacements et, madame Assassi, je vous prierai d'être modeste, car je vous réserve une sacrée surprise ! (Mme Éliane Assassi s'exclame.)

Oui, je le répète, des outils existent pour mieux contrôler les déplacements, et nous nous inspirons, dans ce domaine, d'un dispositif britannique qui a montré toute son efficacité.

Oui, nous devons pouvoir disposer de cet outil dans le respect des libertés. Mesdames Assassi et Boumediene-Thiery, vous proposez, à travers vos amendements respectifs, de supprimer cet article 7, ce qui, soit dit en passant, aurait pour effet de priver notre pays de technologies performantes. Permettez-moi néanmoins d'informer la représentation nationale du fait que 500 000 véhicules figurent actuellement sur le fichier des véhicules volés ou signalés en France.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il ne s'agit tout de même pas d'une broutille ! Aussi, quand Mme Boumediene-Thiery nous dit que les terroristes ne circulent pas dans de belles et grosses voitures volées, qu'ils empruntent comme beaucoup de citoyens, modestement, les transports en commun,...

M. Philippe Goujon. En payant leur billet !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...je tiens simplement à porter à la connaissance de la représentation nationale deux exemples récents qui, à eux seuls, résument la philosophie de l'article 7 et la nécessité de prendre les dispositions que nous préconisons.

En premier lieu, depuis le début de l'année, les gendarmes ont saisi cinquante-quatre véhicules de toutes cylindrées volés par ETA et utilisés à des fins terroristes. Telle est la réalité, madame Boumediene-Thiery, cette réalité que vous essayez de travestir, de maquiller et de caricaturer !

En second lieu, je rappellerai que le réseau Bourada importait des véhicules de grosse cylindrée depuis la Belgique, notamment en les maquillant, afin de s'en servir dans leurs activités conspiratrices.

Je ne mentionne que ces deux exemples, mais la liste pourrait être beaucoup plus longue. Ils vous apportent, en tout état de cause, une réponse cinglante.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est évidemment défavorable aux amendements identiques nos 71 et 92 rectifié.

S'agissant de l'amendement n° 93, monsieur Mermaz, vous dites « non » à un dispositif à titre temporaire. Eh bien, moi, je dis « oui » !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà qui est convaincant !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. D'ailleurs, la possibilité de mettre en oeuvre des dispositifs temporaires figure déjà dans le droit existant, et le Gouvernement ne voit pas de raison objective de revenir sur cette possibilité légale, dès lors que toutes les garanties nécessaires sont apportées.

Là aussi, prenons quelques exemples qui montreront toute l'utilité de ce dispositif : je songe, en particulier, au prochain voyage du pape, aux sommets régulièrement organisés du G8, ou encore à la prochaine grande manifestation sportive internationale que sera la Coupe du monde de rugby et qui se déroulera en France en 2007.

Tout cela montre combien il est nécessaire de pouvoir disposer de ce dispositif à titre temporaire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

En revanche, l'amendement n° 107 rectifié ter, repris par M. le président de la commission des lois mais initialement déposé par M. Charasse, me paraît participer utilement à l'amélioration du texte, et le Gouvernement émet donc à son sujet un avis tout à fait favorable.

Il en va de même, et pour la même raison, de l'amendement n° 19.

Le Gouvernement émet également un avis favorable sur l'amendement n° 57 rectifié ter, tel qu'il est modifié par le sous-amendement n° 114 rectifié. Cet amendement est en effet tout à fait bienvenu en ce qu'il permet de mieux distinguer les différentes finalités poursuivies, conformément aux recommandations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 71 et 92 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Bien entendu, monsieur le ministre, il ne faut pas caricaturer, ainsi que vous venez de le dire si justement.

Soyons très clairs : nous ne refusons en aucune manière la mise en oeuvre de quelque moyen que ce soit pour faire face au terrorisme, qu'il s'agisse d'ETA ou de toute autre organisation terroriste, dès lors - j'insiste bien sur ce point - que les opérations se déroulent sous le contrôle de l'autorité judiciaire.

En effet, il existe des juges antiterroristes dans notre pays qui, à juste titre, ordonnent un certain nombre d'investigations et qui, toujours à juste titre, mettent en oeuvre tous les moyens nécessaires, qu'il s'agisse de photographies ou d'autres procédés. Ce faisant, ils ont tout à fait raison, ils ne font que leur travail.

Par conséquent, nous ne nous livrons aucunement à une caricature. Nous disons qu'une telle action est légitime, à condition d'être placée sous l'autorité de la justice. Voilà qui me paraît simple.

En outre, il faut rappeler que la justice peut prendre des décisions très rapides. D'ailleurs les juges qui s'occupent de terrorisme prennent très vite des décisions, par la force des choses.

En réalité, M. Mermaz, avec beaucoup d'éloquence, a pour l'essentiel - chacun l'a bien compris - lu le texte. Or - et je répète ce que je viens de dire -, s'il convient de prendre, sous l'autorité de la justice, toutes les mesures appropriées pour lutter contre le terrorisme et ne refuser aucune technologie destinée à rechercher les terroristes, à déjouer, voire à éradiquer le terrorisme, cela n'implique nullement, selon nous, le vote d'un article de loi permettant à des autorités administratives de prendre, en toutes circonstances, telle ou telle photographie de telle ou telle personne à l'occasion de tel ou tel événement particulier. C'est simple, et chacun peut en convenir.

Surtout, ne prétendez pas que, parce que nous ne votons pas cet article, nous nous opposons à ce que tous les moyens soient donnés à la lutte contre le terrorisme !

En effet, donner tous les moyens à cette lutte n'implique pas que toute autorité administrative ou tout service, quel qu'il soit, puisse prendre toute photo, partout, de toute personne, procéder à tout contrôle sur la vie personnelle, inscrire toutes les données dans tout fichier, sans aucune intervention de la justice, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est normal ! Il s'agit de police administrative !

M. Jean-Pierre Sueur. ...lors de tout type d'événement.

Mes chers collègues, souvenez-vous de notre débat sur l'autonomie financière des collectivités locales : nous avions décidé d'inscrire dans la Constitution, me semble-t-il, que cette autonomie devait être « déterminante ». Je me souviens avoir demandé ce que signifiait ce mot. S'agissait-il d'une part de 5 %, de 10 %, de 40 % ou de 60 % ? De même, quand on affirme qu'un fait est significatif, cela ne veut pas dire pas grand-chose.

Or, dans une loi de la République, sur un sujet aussi sensible, vous disposez que des procédures tout à fait exceptionnelles pourront être mises en oeuvre à l'occasion d'un rassemblement ou d'un événement particulier. Vous rendez-vous compte que cette rédaction ne présente aucune garantie d'aucune sorte ?

Cet article est nécessairement mal écrit, source de dangers pour les libertés publiques, comme chacun le voit bien et le comprend. C'est pourquoi nous demandons un vote pour scrutin public sur les amendements nos 71 et 92 rectifié. M. Louis Mermaz a parlé, me semble-t-il, avec tant de clarté que, quelles que soient nos convictions politiques, nous aurons peut-être ici l'occasion de marquer notre soutien à ses paroles de grand bon sens.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Monsieur Sueur, il ne suffit pas d'adopter un ton angélique comme vous venez de le faire pour prouver que l'on n'est plus dans la caricature ! En effet, ici, nous y sommes pleinement ! Le terrorisme, c'est tout de même une chose sérieuse ! Je ne vois pas en quoi être pris en photo peut gêner tel ou tel, ici, lorsqu'il se promène dans la rue, si cela peut éviter qu'un acte terroriste ne soit commis quelque part ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Moi, cela me gêne !

M. Éric Doligé. Je ne vois pas en quoi cela peut vous gêner ! On a le sentiment que vous avez des choses à vous reprocher ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.). D'ailleurs, si vous commettez un excès de vitesse au volant de votre voiture, vous serez photographié. Et après ? Cela vous pose-t-il vraiment un problème ? Non ! Par conséquent, il en va de même s'agissant des photos dans la rue !

M. Mermaz, tout à l'heure, soutenait qu'il était opposé au terrorisme et au vol de voitures, qu'il était favorable à l'ordre public, mais que, surtout, il ne fallait rien faire !

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Éliane Assassi. C'est vous qui caricaturez !

M. Éric Doligé. En réalité, voilà ce que vous proposez : ne rien faire. Mais le jour où nous subirons un acte terroriste, le jour où, au cours d'une grande manifestation, se produira un événement catastrophique, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un « événement particulier » !

M. Éric Doligé. ...vous serez les premiers à prétendre que rien n'a été fait, qu'il fallait..., qu'on aurait dû... Tout de même, un peu de sérieux !

Voilà quelques années, des discussions importantes se sont tenues au Parlement sur la possibilité de filmer dans les rues et d'installer des caméras. Membres du parti communiste et du parti socialiste, vous y étiez tous, alors, opposés. Aujourd'hui, nous nous apercevons qu'il s'agit d'une disposition extrêmement utile pour lutter contre le terrorisme et le grand banditisme. Vous devriez peut-être vous mettre au goût du jour et cesser d'être totalement angéliques !

Pour ma part, que tel ou tel soit filmé dans la rue ne me gêne en rien - et même si c'est dix fois dans la journée -, dès lors que c'est toujours dans l'intérêt de l'ordre public ! Je trouve complètement dénué de bon sens de soutenir que, finalement, le terrorisme, ce n'est pas si grave, puisqu'il n'y a rien à faire contre lui. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous n'avons pas dit cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est de la caricature !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 et 92 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 63 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l'adoption 128
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 107 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 114 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié ter, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Art. 7
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 8 bis

Article 8

Pour les besoins de la prévention et de la répression des actes de terrorisme, les agents individuellement habilités des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale spécialement chargés de ces missions peuvent, dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, avoir accès aux traitements automatisés suivants :

- le fichier national des immatriculations ;

- le système national de gestion des permis de conduire ;

- le système de gestion des cartes nationales d'identité ;

- le système de gestion des passeports ;

- le système informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France ;

- les données à caractère personnel, mentionnées aux articles L. 611-3 à L. 611-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives aux ressortissants étrangers qui, ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière, ne remplissent pas les conditions d'entrée requises ;

- les données à caractère personnel mentionnées à l'article L. 611-6 du même code.

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 72, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L'article 8 donne aux services de police et de gendarmerie les moyens de collecter des données dans le fichier national des immatriculations, dans le système national de gestion des permis de conduire, dans les systèmes de gestion des cartes nationales d'identité et des passeports et dans le système informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France. Il leur permet aussi de consulter le système de traitement automatisé des empreintes digitales et de la photographie de certaines catégories d'étranger, ou encore des demandeurs de visas.

Le moins que l'on puisse dire est que cela fait beaucoup de fichiers consultables, et ce sans aucun contrôle judiciaire ! Nous considérons que l'utilisation de tous ces fichiers à titre préventif est excessive et porte atteinte aux droits des personnes concernées, d'autant que le texte ne garantit pas l'impossibilité des interconnexions entre fichiers.

Mme Éliane Assassi. Là encore, la CNIL a émis certaines réserves sur cet article.

Elle a considéré que « l'accès permanent, au bénéfice de services de police et de gendarmerie, au contenu de fichiers à vocation administrative recensant une grande partie de la population française et des personnes étrangères séjournant ou souhaitant séjourner sur le territoire national doit s'entourer de garanties particulières. Le fait que cet accès puisse communément s'opérer dans un cadre de police administrative, et pas seulement dans le cadre d'une procédure judiciaire, ne peut que contribuer à renforcer cette exigence. »

C'est ce que tente de faire la commission des lois, à travers l'amendement n° 20, qui précise que les agents devront être individuellement désignés, et dûment habilités. Toutefois, même dans ces conditions, le champ d'application de cet article reste trop large et dépourvu de garantie procédurale.

Par ailleurs, nous nous interrogeons, une nouvelle fois, sur l'amalgame qui peut être établi entre terrorisme et immigration, puisque les agents de la police et de la gendarmerie pourront consulter les fichiers relatifs aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 8.

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

les agents individuellement 

insérer les mots :

désignés et dûment

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision et d'harmonisation rédactionnelle.

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

de la police nationale et de la gendarmerie nationale

par les mots :

de la police et de la gendarmerie nationales

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Il sera précisé par décret d'application de la présente loi, la liste des données accessibles strictement nécessaires à la poursuite des finalités de lutte anti-terroriste, les services de police et de gendarmerie destinataires de ces données, les mesures propres à assurer la sécurité des données à l'occasion de leur consultation, ainsi que les modalités d'habilitation d'accès et de contrôle systématique des consultations des fichiers.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L'extension de l'accès à certains fichiers administratifs, sans limitation préalable, est, à mon sens, tout à fait inconcevable. Il convient dès lors de déterminer, en fonction de la nécessité de la lutte antiterroriste, les données concernées ainsi que les services auxquels elles seront destinées.

La disposition adoptée par l'Assemblée nationale, qui précise que seuls les agents individuellement habilités des services de lutte contre le terrorisme seront compétents pour utiliser ces données, ne répond que partiellement à cette exigence.

La détermination des conditions d'accès et de contrôle des informations est tout aussi indispensable, notamment quand la possibilité de croiser les fichiers fait de tous les citoyens des victimes potentielles de graves abus. Ces risques se trouvent renforcés par l'absence du juge, véritable garant des libertés fondamentales.

Nous considérons donc que l'article 8 est dangereux, car toute la procédure se déroule sous l'autorité de la justice, certes, mais en accordant de plus en plus de pouvoir à la police administrative.

M. le président. L'amendement n° 94, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Les accès aux différents traitements automatisés susvisés sont limités à de simples consultations, sans extraction de données et sans interconnexion avec d'autres fichiers.

Un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission de l'informatique et des libertés  détermine la liste des données accessibles strictement nécessaires aux besoins de la prévention et de la répression des actes de terrorisme, l'énumération des services de police et de gendarmerie destinataires des données issues des traitements automatisés visés au premier alinéa et les mesures propres à assurer la sécurité des données à l'occasion de leur consultation,  notamment les modalités d'habilitation d'accès et de contrôle systématique des consultations des traitements automatisés visés au premier alinéa.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. L'article 8 vise à donner aux pouvoirs publics les moyens de prévenir et de combattre le terrorisme. Nous ne pouvons que consentir à cet objectif, mais demandons que cet article soit complété par deux alinéas.

Nous souhaitons que le juge soit présent au cours de la procédure, et que celle-ci ne soit pas seulement administrative. En effet, la CNIL a émis un avis en ce sens.

Selon la commission, « le fait que cet accès puisse communément s'opérer dans un cadre de police administrative, et pas seulement dans le cadre d'une procédure judiciaire, ne peut que contribuer à renforcer cette exigence. En ce sens, la commission prend acte des précisions apportées par le ministère de l'intérieur, selon lequel les accès aux différents traitements seront limités à de simples consultations, sans extraction de données et sans interconnexion avec d'autres fichiers ». Nous reprenons cette suggestion à notre compte.

La CNIL demande, en conséquence, que des précisions substantielles soient apportées à l'article 8. Elle considère, par ailleurs, que « le projet de loi devrait préciser, par voie réglementaire, après avis de la CNIL, la liste des données accessibles strictement nécessaires à la poursuite des finalités de la lutte antiterroriste, l'énumération des services de police et de gendarmerie destinataires des données, les mesures propres à assurer la sécurité des données à l'occasion de leur consultation, et notamment les modalités d'habilitation, d'accès et de contrôle systématiques des consultations des fichiers visés à l'article 8. »

Nous souhaitons donc que les dispositions prévues soient effectivement retenues, mais encadrées. Nous voulons donner au Gouvernement les moyens d'agir et de prévenir, mais aussi garantir les libertés, car nous craignons toujours des débordements ou des dérives dépourvus de lien avec les objectifs poursuivis.

M. le président. L'amendement n° 58 rectifié bis, présenté par MM. Dulait, Vinçon et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Pour les besoins de la prévention des actes de terrorisme, les agents des services de renseignement du ministère de la défense individuellement désignés et dûment habilités sont également autorisés, dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à accéder aux traitements automatisés mentionnés ci-dessus.

Un arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre de la défense détermine les services du ministère de la défense qui sont autorisés à consulter lesdits traitements automatisés.

La parole est à M. Robert Del Picchia.

M. Robert Del Picchia. Dans le cadre de leurs missions, les agents des services de renseignement du ministère de la défense participent à la lutte contre le terrorisme.

À cet effet, il leur est nécessaire d'accéder aux fichiers administratifs visés à l'article 8 afin, d'une part, de faciliter la recherche de réseaux terroristes hors du territoire national et, d'autre part, de se procurer les renseignements nécessaires tant à l'habilitation des personnels de la défense qu'à la protection des installations intéressant la défense nationale.

Cet amendement a donc pour objet de permettre aux agents de ces services, individuellement désignés et dûment habilités, de disposer d'un accès direct et permanent aux fichiers concernés, au seul titre, bien sûr, de la prévention des actes de terrorisme. Ces agents doivent notamment pouvoir procéder rapidement aux vérifications nécessaires à propos de nationaux ou de résidents détectés hors du territoire national, dans le cadre de la surveillance des filières terroristes.

Par ailleurs, un arrêté conjoint des ministres de l'intérieur et de la défense fixera la liste des services de renseignement du ministère de la défense qui auront accès aux traitements automatisés précités, dans le respect, évidemment, des conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 72, qui tend à la suppression de l'article. Je ne reviendrai pas sur le prétendu amalgame entre immigration et terrorisme, car M. le ministre et moi-même nous sommes suffisamment exprimés sur ce sujet.

L'amendement n° 46 tend à prévoir la publication d'un décret, pour que soient fixées les conditions d'application de l'article 8. Or il ne me semble pas nécessaire de viser explicitement un tel décret puisque celui-ci est de toute façon nécessaire. Il est d'ores et déjà rappelé dans l'article 8 que les données peuvent être consultées dans les conditions fixées par la loi de 1978. En outre, dans son amendement n° 31, la commission demande qu'un « arrêté interministériel détermine les services de police et de gendarmerie nationales spécialement chargés de la prévention et de la répression des actes de terrorisme au sens de la présente loi ». Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 46.

L'amendement n° 94 tend à limiter à la seule consultation l'accès aux fichiers par les services spécialisés dans la lutte antiterroriste, et donc à proscrire l'extraction de données ou l'interconnexion. Il y est également prévu qu'un décret précise les modalités d'habilitation des agents, ainsi que la liste des données accessibles strictement nécessaires à la lutte contre le terrorisme.

À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué qu'il n'y aurait ni interconnexion des sept fichiers ni constitution d'un fichier à partir de données extraites de ces différents fichiers. Toutefois, il me semble qu'il ne faut pas présager de l'avenir et, notamment, écarter la possibilité d'interconnecter certains de ces fichiers, notamment le fichier des cartes d'identité et celui des passeports dans le cadre du futur projet INES.

De plus, l'exclusion de l'extraction de données ne doit pas aboutir à empêcher une personne habilitée à enregistrer les données qu'elle vient de consulter.

En définitive, la commission des lois émettrait un avis favorable sur l'amendement n° 94, à la condition que l'alinéa qu'il tend à insérer se résume à la phrase suivante : « Les accès aux différents traitements automatisés susvisés sont limités à de simples consultations. » Dans le cas contraire, elle y serait donc défavorable.

L'amendement n° 58 rectifié bis, présenté par notre ami Robert Del Picchia, vise à étendre aux agents des services de renseignement du ministère de la défense, notamment de la DGSE, l'accès aux fichiers énumérés à l'article 8, c'est-à-dire, principalement, les fichiers des cartes d'identité, des passeports, des permis de conduire ou des étrangers.

Ces services, qui interviennent en effet directement dans la lutte antiterroriste, à la différence des douanes, doivent pouvoir notamment procéder, rapidement, dans le cadre de la surveillance des filières terroristes, aux vérifications nécessaires à propos de nationaux ou de résidents détectés hors du territoire national. L'accès à ces fichiers serait limité aux agents individuellement désignés et dûment habilités de ces services et ne serait possible qu'à la seule fin de prévenir le terrorisme. La répression ne serait pas concernée, ce qui permettrait d'éviter toute confusion avec la police judiciaire.

À la suite de la rectification de cet amendement, il y est désormais prévu qu'« un arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre de la défense détermine les services du ministère de la défense qui sont autorisés à consulter lesdits traitements ». En effet, outre la DGSE, la Direction du renseignement militaire pourrait notamment être concernée.

En définitive, la commission est plutôt favorable à cet amendement, pour des raisons de cohérence et d'efficacité. Mais elle a néanmoins souhaité interroger le Gouvernement sur les garanties qui encadreraient l'accès de ces services à de tels fichiers, notamment en matière de traçabilité. Par ailleurs, si l'amendement devait être adopté, il me semble utile de préciser à la dernière phrase qu'il s'agit des services « de renseignement » du ministère de la défense.

M. le président. Monsieur Del Picchia, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?

M. Robert Del Picchia. Je l'accepte, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 58 rectifié ter, présenté par MM. Dulait, Vinçon et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, et ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Pour les besoins de la prévention des actes de terrorisme, les agents des services de renseignement du ministère de la défense individuellement désignés et dûment habilités sont également autorisés, dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à accéder aux traitements automatisés mentionnés ci-dessus.

Un arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre de la défense détermine les services de renseignement du ministère de la défense qui sont autorisés à consulter lesdits traitements automatisés.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. D'un point de vue opérationnel, la détection précoce des activités terroristes implique nécessairement le recueil et le recoupement par les services spécialisés des renseignements relatifs aux personnes susceptibles de participer à de telles activités. À ce titre, l'accès par les services chargés de la lutte antiterroriste aux traitements prévus à l'article 8 est bien évidemment entouré de garantie. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 72, qui vise à la suppression de l'article 8.

En revanche, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement no 20 de la commission, laquelle entérine ainsi les observations de la CNIL qui souhaitait obtenir des précisions sur les modalités d'habilitation des agents.

En outre, il est bien évidemment favorable à l'amendement rédactionnel n° 21.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 46, madame Boumediene-Thiery. Si, en l'espèce, je partage votre souci, je considère que votre proposition n'apporte rien de plus.

En ce qui concerne l'amendement n° 94, présenté par M. Mermaz, je précise qu'il n'y aura pas de « fichier des fichiers ». Comme cela a été dit et précisé à maintes reprises, il ne s'agit que de simples consultations. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Enfin, le Gouvernement comprend la démarche parlementaire qui sous-tend l'amendement n° 58 rectifié ter, présenté par M. Del Picchia. Jusqu'alors, la transmission des renseignements en matière de lutte antiterroriste entre les agents des services du ministère de l'intérieur et ceux du ministère de la défense s'effectuaient par la concertation. L'adoption de cet amendement aurait pour conséquence de permettre à des agents des services de renseignement du ministère de la défense de consulter directement les traitements de données gérés par le ministère de l'intérieur.

Compte tenu de la finalité recherchée dans ce texte, à savoir la lutte antiterroriste, le Gouvernement n'entend pas s'opposer à cet amendement. Un arrêté doit fixer la liste des services de renseignement habilités à consulter les traitements concernés. Cette évolution nécessitera une modification des actes règlementaires portant création de ces traitements, ce qui permettra à la CNIL d'exercer son contrôle, conformément aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Mermaz, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 94 dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?

M. Louis Mermaz. Non, monsieur le président, je maintiens cet amendement dans sa rédaction actuelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 94.

M. Jean-Pierre Sueur. Pour éclairer l'objet de cet amendement et, d'ailleurs, d'autres aspects du texte, je veux simplement vous donner lecture de très courts extraits de la position que vient d'adopter une instance qui suscite, chacun le reconnaît, le respect de tous. La Commission nationale consultative des droits de l'homme, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, est une commission très représentative, dont certains membres sont nommés par le Premier ministre.

Elle vient de rendre public un texte, qu'elle a transmis cet après-midi même au Premier ministre, à propos du présent projet de loi. Dans cette longue déclaration, la commission écrit notamment ceci : « Il se manifeste par un empiètement croissant des prérogatives de l'État sur la sphère intime des individus et résulte d'un conditionnement sécuritaire entraînant leur acceptation face à des mesures attentatoires à leurs libertés. »

Elle poursuit : « Encore une fois, le projet de loi témoigne d'une évolution considérable de la société vers une surveillance accrue et généralisée de la population présente sur le territoire, ou s'y rendant, dépassant largement l'objectif de prévention et de répression du terrorisme. »

Elle estime, en outre, que la possibilité de photographier les occupants d'un véhicule constitue « une restriction considérable à la liberté d'aller et venir » et que l'accès de policiers et de gendarmes individuellement habilités à plusieurs fichiers administratifs nationaux « paraît incompatible avec les garanties de la sûreté individuelle ».

M. Pierre Fauchon. Les terroristes vont s'en donner à coeur joie !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Art. 8
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 9

Article 8 bis

Dans le 3° du I de l'article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 précitée, les références : « 3° et 11° » sont remplacées par les références : « 3°, 6°, 11°, 12°, 13° et 14° ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 73 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 95 est présenté par MM. Peyronnet, Badinter et Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et Tasca, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz, Sueur, Vantomme et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 73.

Mme Éliane Assassi. L'article 8 bis étend les inscriptions obligatoires au fichier des personnes recherchées. Le groupe communiste républicain et citoyen s'exprime régulièrement sur le fait que l'extension illimitée des fichiers constitue une menace pour les libertés individuelles.

Les très nombreuses erreurs relevées par la CNIL dans le fichier STIC prouvent les abus que provoquent nécessairement la multiplication des fichiers et celle du nombre des personnes susceptibles d'y être inscrites.

En ce sens, je ne crois pas utile d'en ajouter sur les raisons qui motivent notre demande de suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 95.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous considérons que les dispositions de cet article n'ont pas de lien direct avec l'objet du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission est bien évidemment défavorable à ces deux amendements identiques de suppression de l'article 8 bis, lequel tend simplement à actualiser la liste des données inscrites au fichier des personnes recherchées en fonction de l'évolution des textes pénaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. À l'évidence, le fichier des personnes recherchées, le FPR, est un instrument essentiel,...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... et il vaut mieux que toutes les personnes recherchées et signalées y figurent effectivement.

L'objet de l'article 8 est précisément d'inclure dans le FPR les personnes recherchées au titre des interdictions suivantes, qui sont précisées par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et par la loi du 9 mars 2004 dite « loi Perben II » : interdiction de détenir ou de porter une arme - c'est l'évidence ! -, interdiction de paraître dans certains lieux, interdiction de fréquenter certains condamnés et interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes, notamment les victimes de l'infraction visée.

Il est évident que les personnes ainsi signalées doivent être incluses dans le fichier des personnes recherchées. Mesdames, messieurs les sénateurs, ne me dites pas que ces personnes sont toujours sans lien avec le terrorisme ! Je ne prendrai qu'un seul exemple : lorsqu'une personne fait l'objet d'une interdiction de fréquentation d'un individu condamné pour des faits de terrorisme, il est tout de même assez légitime de penser qu'elle doit être inscrite au FPR.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 73 et 95.

M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert Del Picchia. Je suis d'accord avec l'opposition sur l'importance de la protection des droits de l'homme et des libertés publiques. J'ai cependant l'impression que vous allez un peu loin dans le blocage de toutes les mesures qui sont proposées. Pour ma part, ce sont non pas ces mesures mais les terroristes qui m'inquiètent !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous aussi !

M. Robert Del Picchia. Mais, mon cher collègue, je suis peut-être mieux placé que vous pour en parler, car j'ai été pris en otage par Carlos !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne conteste pas ce fait !

M. Robert Del Picchia. Je sais ce qu'est le terrorisme ! Si des dispositions telles que celles que nous examinons aujourd'hui avaient été adoptées à l'époque, je n'aurais peut-être pas été pris en otage, et d'autres non plus !

Ce texte va dans la bonne direction. Je partage effectivement votre souci de protéger les droits de l'homme. Néanmoins, des limites ne doivent pas être franchies. Or, on a l'impression que vous voulez faire barrage à ce projet de loi uniquement par principe. Réfléchissez donc un peu ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 73 et 95.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis.

(L'article 8 bis est adopté.)

CHAPITRE IV

Dispositions relatives à la répression du terrorisme et à l'exécution des peines

Art. 8 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 9 bis

Article 9

I. - Après l'article 421-5 du code pénal, il est inséré un article 421-6 ainsi rédigé :

« Art. 421-6. - Les peines sont portées à vingt ans de réclusion criminelle et 350 000 € d'amende lorsque le groupement ou l'entente définie à l'article 421-2-1 a pour objet la préparation :

« 1° Soit d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes visés au 1° de l'article 421-1 ;

« 2° Soit d'une ou plusieurs destructions par substances explosives ou incendiaires visées au 2° de l'article 421-1 et devant être réalisées dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d'entraîner la mort d'une ou plusieurs personnes ;

« 3° Soit de l'acte de terrorisme défini à l'article 421-2 lorsqu'il est susceptible d'entraîner la mort d'une ou plusieurs personnes.

« Le fait de diriger ou d'organiser un tel groupement ou une telle entente est puni de trente ans de réclusion criminelle et 500 000 € d'amende.

« Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatifs à la période de sûreté sont applicables aux crimes prévus par le présent article. »

II. - Dans le premier alinéa des articles 78-2-2 et 706-16 et le 11° de l'article 706-73 du code de procédure pénale, la référence : « 421-5 » est remplacée par la référence : « 421-6 ».

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes dans un système d'inflation des peines depuis déjà un certain temps. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire en d'autres circonstances. Il n'est pas souhaitable qu'au travers de textes particuliers soient modifiés le quantum et la hiérarchie des peines. Certes, je serais sans doute favorable à une révision générale de la hiérarchie des peines figurant dans le code pénal, mais je suis défavorable à la modification, par petites touches, de telle ou telle peine. C'est, de ma part, un principe général. C'est la raison pour laquelle je propose, par cet amendement, la suppression de l'article 9 du projet de loi.

On ne voit d'ailleurs pas, à la lecture de la partie du rapport écrit de M. Courtois consacrée à l'introduction d'un article 421-6 dans le code pénal et à la modification de l'article 706-73 du code de procédure pénale, en quoi l'aggravation des peines appliquées à l'encontre de l'auteur d'un projet de terrorisme, d'une tentative de délit favoriserait la prévention du terrorisme.

La durée de l'emprisonnement peut déjà atteindre vingt ans ; il est proposé de la faire passer à trente ans. Cette mesure concernerait directement les organisateurs d'actes de terrorisme, voire les terroristes eux-mêmes.

Les arguments développés par M. le rapporteur ne sont pas du tout convaincants. Pour des raisons de principe général, je le répète, je suis défavorable à l'aggravation des peines que prévoit ce projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 9, qui prévoit de porter de dix ans à vingt ans la peine d'emprisonnement pour association de malfaiteurs ayant pour objet de préparer des actes terroristes contre les personnes.

L'aggravation de la peine pour les délits d'association de malfaiteurs répond à une nécessité soulignée par l'ensemble des acteurs de la chaîne pénale que nous avons rencontrés dans le cadre des auditions organisées pour préparer l'examen de ce projet de loi. Tous les magistrats que nous avons auditionnés nous ont dit qu'une peine d'emprisonnement de dix ans était insuffisante parce que, avec les réductions de peine, les détenus sortent de prison au bout de cinq ans et ont comme seule idée de recommencer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a la peine de sûreté !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La durée actuelle de l'emprisonnement encouru apparaît insuffisante au regard, d'une part, de la gravité des faits en cause, qui, je vous le rappelle, mes chers collègues, peuvent entraîner des dizaines de morts, et, d'autre part, de la nécessité de prévenir la récidive. Cette situation a d'ailleurs conduit les juges à prononcer dans plusieurs affaires récentes le maximum de la peine, ce qui est exceptionnel pour les autres types d'infraction.

Il faut de surcroît relever que la durée de la peine est encore réduite par le mécanisme des réductions de peine.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis très défavorable sur l'amendement n° 74.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame Borvo Cohen-Seat, c'est tout le projet de loi qui s'effondrerait si l'amendement n° 74 était adopté !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous nous avez déjà dit ça à propos de la récidive !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Qui de nous deux récidive, madame le sénateur ? C'est vous !

L'adoption de cet amendement mettrait le projet de loi complètement « à plat ». Il s'agit de savoir s'il faut ou non criminaliser la préparation d'attentats par des « terroristes », qualifiés comme tels dans la mesure où leurs actes visent à tuer ou à blesser des hommes, des femmes, des enfants. Imaginez des hommes qui, en cette période de Noël, déposent une bombe dans un train, dans un métro. Vous voulez les poursuivre uniquement sur le plan correctionnel ? Mais qui va vous suivre, madame le sénateur ?

La criminalisation de tels actes n'est ni disproportionnée ni excessive, puisque toutes les infractions d'associations de malfaiteurs terroristes ne seront pas criminalisées ; ce seront uniquement les plus graves ! Si votre inquiétude portait sur ce point, je tiens à vous rassurer.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Je ne suis pas sûr que l'effectivité de la disposition proposée soit à la mesure des espérances.

Je rappelle qu'aux termes de l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». À chaque fois qu'est proposée une modification de peine, on peut s'interroger sur la pratique judiciaire. Si les peines prononcées s'établissent à deux ou trois ans d'emprisonnement, pourquoi les accroître soudainement ?

La criminalisation évoquée vise non pas les actes de terrorisme, mais l'adhésion à une association qui est constituée en vue de. Or ce concept est très flou. Par conséquent, sont concernées les personnes qui sont recrutées. En effet, le sergent recruteur - on pense notamment à un imam qui fanatise des jeunes gens - encourt déjà une peine de vingt ans d'emprisonnement. Est visée la période qui se situe en amont des actes eux-mêmes.

Monsieur le garde des sceaux, je me pose des questions, car la criminalisation que vous proposez n'a pas que des avantages. Pourquoi a-t-on décidé, en 1996, alors que l'on était en présence d'actes de terrorisme, de ne punir les personnes recrutées par l'organisateur que d'une peine d'emprisonnement de dix ans ? Une telle décision permettait à un tribunal de juger rapidement. Par nature, et chacun le sait, le renvoi à une cour d'assises est une procédure longue et lourde. En l'espèce, je ne suis pas sûr que l'on y trouve le moindre avantage. J'y vois au contraire des inconvénients.

Si les personnes visées ont déjà commis des actes de préparation effective, elles sont passibles de sanctions criminelles.

Je me demande donc si l'aggravation de la peine proposée n'aura pas plus d'inconvénients que d'avantages.

Par ailleurs, s'agissant de la période de sûreté, elle existe déjà dans le droit actuel. Elle peut être prononcée à partir du moment où la durée de l'emprisonnement est supérieure à cinq ans, et la juridiction peut décider de la porter aux deux tiers de la peine.

L'unique avantage de la mesure est que la détention provisoire fixée à trois ans peut passer à quatre ans. Mais dans ce domaine, faites attention ! Trop d'affaires attendent des années avant d'être jugées. Or je crois beaucoup, ici, à l'exemplarité, à la décision qui est rendue rapidement. La durée de dix ans me paraît tout à fait conforme à ce que l'on doit attendre.

Monsieur le rapporteur, des statistiques ont été évoquées. Je les ai étudiées avec attention. Jusqu'en 2004, la moyenne des peines atteint au maximum quarante mois d'emprisonnement - contrairement à ce qui a été indiqué -, sans toutefois que l'on connaisse la durée ferme de cet emprisonnement.

Faut-il, en raison de l'affaire de Strasbourg, renoncer à la promptitude, à la nécessité de rendre rapidement une décision ? Nous sommes tous des adversaires, y compris dans les cas de figure que nous examinons aujourd'hui, d'instructions qui n'en finissent plus. Le prononcé rapide d'une peine est plus efficace, en termes d'effet dissuasif.

Je ne pense pas que la proposition qui nous est faite soit bonne. Je sais bien que les magistrats de la section antiterroriste souhaitent son adoption, mais je ne suis pas sûr que les autres magistrats pensent de même.

Même si j'ai depuis longtemps de la considération pour M. Jean-Louis Bruguière, je ne suis pas certain que, avec cette disposition, le Parlement ne soit pas entraîné dans la mauvaise direction que constitue l'inflation répressive.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Badinter, sont visés ceux qui ont préparé ou aidé à préparer un attentat (M. Robert Badinter fait un signe de dénégation), en particulier ceux qui le financent, qui apportent la logistique mais qui, effectivement, n'ont pas participé à l'attentat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est bien ce que nous disons !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Vous me demandez si c'est bien l'axe que veut suivre le Gouvernement. Je veux vous donner un exemple concret. Les actes terroristes qui ont été commis lors des événements survenus en 1995 boulevard Saint-Michel ont entraîné des morts et des blessés. Or tous les complices sont déjà libres alors qu'ils ont été condamnés à une peine de huit ans d'emprisonnement. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus. On peut espérer qu'ils aient retrouvé le droit chemin, mais on peut aussi craindre l'inverse. Si ce projet de loi est adopté, dans un cas similaire, les personnes poursuivies seront passibles non plus de huit ans d'emprisonnement mais du double.

Vous vous demandez si l'objectif fixé est bien visé ? Le but du Gouvernement, c'est aussi d'empêcher ce type de personnes, fort dangereuses, de récidiver. À cette fin, ces dernières seront tenues à l'écart de la société pendant une période deux fois plus longue.

M. Robert Badinter. Ce ne sont pas les auteurs !

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Les débats de spécialistes sont certes fort intéressants, mais je m'en méfie.

L'article 7 du projet de loi prévoit la prise de photographies. Les membres du groupe CRC ont refusé cette disposition et demandé sa suppression. Ils ont fait de même à l'article 8, s'agissant des fichiers. Maintenant, alors que nous traitons de l'aggravation des peines, ils demandent la suppression de l'article 9 ! Pas de photos, pas de fichiers, pas de peines ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Éric Doligé. Il faut tout de même penser aux victimes ! Comme M. le garde des sceaux vient de le rappeler, lorsque des victimes sont en cause, il est bon que les personnes prises en flagrant délit d'actes de terrorisme restent plutôt plus longtemps que moins longtemps en prison !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En l'occurrence, les personnes ne sont pas prises en flagrant délit de terrorisme ; elles sont en phase de préparation !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Art. 9
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Art. additionnels après l'art. 9 bis

Article 9 bis

L'article 706-24 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Art. 706-24. - Les officiers et agents de police judiciaire, affectés dans les services de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme, peuvent être nominativement autorisés par le procureur général près la cour d'appel de Paris à procéder aux investigations relatives aux infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16, en s'identifiant par leur numéro d'immatriculation administrative. Ils peuvent être autorisés à déposer ou à comparaître comme témoins sous ce même numéro.

« L'état civil des officiers et agents de police judiciaire visés au premier alinéa ne peut être communiqué que sur décision du procureur général près la cour d'appel de Paris. Il est également communiqué, à sa demande, au président de la juridiction de jugement saisie des faits.

« Les dispositions de l'article 706-84 sont applicables en cas de révélation de l'identité de ces officiers ou agents de police judiciaire, hors les cas prévus à l'alinéa précédent.

« Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement d'actes de procédure effectués par des enquêteurs ayant bénéficié des dispositions du présent article et dont l'état civil n'aurait pas été communiqué, à sa demande, au président de la juridiction saisie des faits.

« Les modalités d'application du présent article sont, en tant que de besoin, précisées par décret en Conseil d'Etat. » - (Adopté.)

Art. 9 bis
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Art. 10

Articles additionnels après l'article 9 bis

M. le président. L'amendement n° 50 rectifié ter, présenté par MM. Girod,  Portelli et  Lecerf, est ainsi libellé :

Après l'article 9 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 2-9 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, toute association régulièrement déclarée depuis moins de cinq ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, d'assister spécifiquement les victimes d'actes terroristes visées aux articles 421-1 à 421-2-2 du code pénal peuvent être agréées par le ministre en charge de la justice pour exercer les droits reconnus à la partie civile mentionnés à l'alinéa précédent.

La parole est à M. Paul Girod.

M. Paul Girod. Voilà un instant, nous parlions des victimes. Par définition, les victimes d'un attentat sont des personnes qui ont le malheur de se trouver au mauvais endroit. Elles ne sont pas visées en tant que telles. La plupart du temps, elles ont donc peu de liens entre elles. Très souvent, ce sont des personnes un peu isolées qui n'ont pas l'habitude de se retrouver devant les tribunaux, devant les juges d'instruction, et d'être confrontées au système judiciaire qui est le nôtre. Il est donc utile, eu égard à la compassion que nous avons envers elles, de leur permettre d'être représentées au cours des actes d'instruction et du traitement d'un dossier qui est extrêmement douloureux pour elles.

Or, le système des associations de victimes tel que nous le connaissons impose cinq ans d'ancienneté avant de pouvoir entrer dans le processus judiciaire.

C'est la raison pour laquelle j'ai pensé que, en ce qui concerne nos compatriotes victimes d'attentats commis sur le plan international, c'est-à-dire en dehors de nos frontières, il serait peut-être utile que, sous le contrôle du ministre de la justice - j'avais envisagé, dans une première rédaction, que cela soit fait sous le contrôle du ministre de l'intérieur, parce que c'est lui qui est chargé des associations, mais, dans ce cas précis, le ministre de la justice est certainement plus qualifié -une dérogation à cette ancienneté de cinq ans soit accordée pour permettre aux associations de victimes d'actes de terrorisme de se trouver dans le processus judiciaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il ne s'agit pas de cela !

M. Paul Girod. Les mesures que je propose par cet amendement pourraient permettre à ces associations-là d'être plus présentes et, par conséquent, à l'ensemble de la nation, d'entourer davantage les victimes dans un moment très difficile.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. À titre personnel, je comprends tout à fait la finalité de l'amendement de M. Paul Girod. En effet, l'attentat terroriste est quelque chose de spécial : il peut être commis à l'extérieur du territoire français et provoque de nombreuses victimes, qui, soit, malheureusement, décèdent, soit resteront marquées dans leur corps le restant de leurs jours.

La commission a cependant considéré qu'ouvrir le délai de cinq ans permettrait à des associations oeuvrant dans d'autres secteurs de pouvoir demander à être elles aussi partie civile, ce qui pourrait poser certains problèmes. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je comprends très bien ce que M. Paul Girod veut dire et, spontanément, j'aurais envie de lui faire plaisir et d'accepter l'amendement.

Cependant, je me permettrai de lui faire une observation : une association ne se porte pas partie civile uniquement pour l'affaire qui la concerne mais peut, dans les années suivantes, se porter partie civile pour toute affaire de terrorisme, comme le permet l'article 2-9 du code de procédure pénale. Par conséquent, réduire le délai d'ancienneté aboutirait à donner à ces associations des droits extraordinairement importants.

Nous avons interrogé les juges antiterroristes sur ce point : jamais le cas ne s'est présenté. De plus, une telle disposition, compte tenu du fait qu'une association pourrait, je le rappelle, se porter partie civile sur d'autres affaires de terrorisme, irait probablement très au-delà du souhait de l'auteur de l'amendement.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Paul Girod, l'amendement n° 50 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Paul Girod. Je suis extrêmement partagé en cet instant. Je comprends bien les arguments de M. le rapporteur - j'ai néanmoins noté que M. le rapporteur comprenait la finalité de mon amendement - et ceux de M. le garde des sceaux. Je ferai tout de même remarquer à ce dernier que j'ai prévu un filtre dans cette affaire, à savoir lui, et que j'ai tendance à penser qu'un garde des sceaux n'autoriserait pas un raccourcissement du délai sans motif sérieux, sans avoir vérifié auparavant la qualité des victimes et sans avoir pris la pleine mesure de cette demande de dérogation.

Je vais retirer cet amendement, mais avec beaucoup de regret, monsieur le garde des sceaux, car je crains que, dans les périodes que nous risquons de connaître, nous ne regrettions de ne pas avoir fait droit à la demande que je présentais.

M. Paul Girod. Les victimes auraient été heureuses de se sentir soutenues par la nation tout entière. Les victimes d'attentat sont en effet différentes des victimes d'un accident de la route, d'un déraillement de chemin de fer ou de l'explosion d'une usine chimique, encore qu'un acte de terrorisme puisse se matérialiser ainsi. La différence est de même nature que celle qui existe entre le coup de couteau de l'assassin et le coup de couteau du chirurgien : l'intention change, la technique aussi, mais c'est tout de même un coup de couteau !

Je retire donc cet amendement, mais avec énormément de tristesse.

M. le président. L'amendement n° 50 rectifié ter est retiré.

L'amendement n° 63 rectifié, présenté par MM. Goujon,  Lecerf et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l'article 9 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les demandes d'avis et les actes réglementaires portant sur des traitements automatisés de données à caractère personnel, intéressant la sûreté de l'État, la défense ou la sécurité publique mentionnés dans un décret pris en Conseil d'État après avis de la commission nationale informatique et libertés peuvent ne pas comporter tous les éléments d'information énumérés ci-dessus ».

La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Les traitements qui intéressent des sujets extrêmement sensibles, à savoir la sûreté de l'État, la défense et la sécurité publique, doivent bénéficier d'une protection renforcée pour ne pas permettre aux terroristes de connaître les méthodes de collecte et de traitement des renseignements relatifs à leurs activités. La transparence complète qui doit être respectée pour certains fichiers peut se révéler dangereuse pour ces fichiers spécialisés.

L'amendement initial visait à accorder à ces traitements automatisés de données une protection forte en les dispensant de la publication de l'acte réglementaire qui les autorise.

Un débat a eu lieu à ce sujet en commission, laquelle a déclaré partager cette préoccupation et comprendre le souci exprimé dans cet amendement. Toutefois, il lui a semblé préférable de retenir une solution moins dérogatoire au droit commun afin de concilier les impératifs de transparence et de sécurité.

Cet amendement rectifié revient pratiquement à l'état du droit en vigueur avant la loi du 6 août 2004 modifiant la loi de 1978.

En effet, l'article 19 de la loi de 1978 d'origine prévoyait que les demandes d'avis ou les déclarations faites à la CNIL portant sur les fichiers intéressant la sûreté de l'État, la défense et la sécurité publique pouvaient ne pas comporter l'ensemble des informations habituellement requises sur le contenu et le fonctionnement des fichiers.

Ce régime est d'ailleurs toujours applicable jusqu'au mois d'août 2007. C'est la raison pour laquelle il est, me semble-t-il, nécessaire de légiférer aujourd'hui.

La rectification proposée vise donc à limiter simplement la publicité de certaines formalités prescrites par l'article 30 de la loi de 1978 modifiée pour mieux concilier ce souci de protection et les règles applicables en matière de traitement de données nominatives. Les demandes d'avis portant sur ces fichiers sensibles pourraient ne pas comporter toutes les informations normalement requises par la CNIL.

Toutefois, pour offrir plus de garanties que ne le prévoyait la loi de 1978 dans sa version initiale, je propose, par cet amendement n° 63 rectifié, de limiter cette dispense d'information aux seuls fichiers sensibles qui seraient déterminés - et c'est en cela que consiste l'ajout apporté par la version rectifiée de l'amendement - par un décret en Conseil d'État pris après avis de la CNIL.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission a donné un avis favorable à la version rectifiée de cet amendement.

Je remercie M. Goujon d'avoir accepté les propositions de la commission des lois : les fichiers qui intéressent la sûreté de l'État, la défense et la sécurité publique doivent en effet bénéficier d'une protection renforcée pour ne pas permettre aux terroristes de connaître les méthodes de collecte et de traitement des renseignements relatifs à leur activité.

La transparence complète qui doit être respectée pour certains fichiers peut se révéler dangereuse pour ces fichiers spécialisés.

Le dispositif proposé par M. Goujon est un bon compromis entre les impératifs de sécurité et de transparence. Il ne fait que revenir à l'état du droit avant la loi de 2004 en y ajoutant une garantie supplémentaire puisque, parmi les fichiers intéressant la sûreté de l'État, la défense et la sécurité publique, seuls ceux qui seront mentionnés dans un décret en Conseil d'État pris après avis de la CNIL seront partiellement dispensés d'une information complète de la CNIL.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9 bis.

Art. additionnels après l'art. 9 bis
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Art. additionnel après l'art. 10

Article 10

I. - Après l'article 706-22 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-22-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-22-1. - Par dérogation aux dispositions de l'article 712-10, sont seuls compétents le juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Paris, le tribunal de l'application des peines de Paris et la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris pour prendre les décisions concernant les personnes condamnées pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-16, quel que soit le lieu de détention ou de résidence du condamné.

« Ces décisions sont prises après avis du juge de l'application des peines compétent en application de l'article 712-10.

« Pour l'exercice de leurs attributions, les magistrats des juridictions mentionnées au premier alinéa peuvent se déplacer sur l'ensemble du territoire national, sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 706-71 sur l'utilisation de moyens de télécommunication. »

II. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur le 1er mai 2006.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le dispositif préexistant a fait l'objet de maintes critiques, portant, notamment, sur le manquement de transparence, auquel il convient d'ajouter le risque accru de collusion entre les services de police spécialisés et la justice.

La spécialisation, en particulier au stade des investigations, est, certes, concevable. Toutefois, cette spécialisation est peu, voire pas du tout justifiée au stade de l'aménagement des peines.

Dans le cas de peines criminelles, supérieures à dix ans de réclusion, et à l'exclusion des fins de peine, les juridictions compétentes pour aménager une éventuelle sortie anticipée se doivent de statuer de manière collégiale.

Étant dans tous les cas en possession des principaux éléments du dossier pénal, les juridictions de l'application des peines sont parfaitement averties de la nature des faits à l'origine de la condamnation. Elles possèdent donc tous les éléments de nature à les conduire à la plus grande circonspection. De plus, les statistiques de la libération conditionnelle sont là pour démontrer qu'elles ne se départissent pas de cette circonspection.

Des motifs de sécurité ne sauraient venir appuyer les dispositions proposées. En effet, les renseignements éventuels relatifs à un risque objectif de reprise d'une activité dangereuse peuvent parfaitement être transmis aux juridictions de l'application des peines, soit à leur demande, soit sur l'initiative du parquet, parquet qui, dans de tels cas, fait heureusement preuve d'une vigilance toute particulière.

Enfin, la multiplication des sites de détention de personnes purgeant des peines après une condamnation pour faits de terrorisme ne peut suffire à une telle spécialisation. Les juges de l'application des peines sont compétents là où ils sont et y appliquent la loi et la jurisprudence du mieux qu'ils le peuvent.

Que le garde des sceaux commence donc par leur donner de vrais moyens financiers et humains avant de commencer par tout vouloir centraliser !

Cette volonté de spécialisation accrue n'a donc pas de réels motifs techniques. Elle semble plutôt faire écho à un impératif tendant à faciliter le contrôle de l'exécutif sur les décisions judiciaires en ce domaine.

Après avoir dessaisi les juges de l'initiative et du contrôle de l'investigation antiterroriste, le Gouvernement semble décidé à museler leur capacité d'autonomie au stade de l'aménagement des peines.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 75 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 96 rectifié est présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 75.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'article 10 du projet de loi vise à centraliser auprès du tribunal de l'application des peines de Paris le suivi de l'ensemble des personnes condamnées pour des faits de terrorisme, quel que soit le lieu de détention ou de résidence du condamné.

Cette disposition, qui vient compléter l'organisation judiciaire française en matière de lutte contre le terrorisme, fondée sur la compétence nationale des magistrats parisiens en matière de poursuite, d'instruction et de jugement, parachève à l'évidence la procédure d'exception dont font l'objet les infractions terroristes.

Si, en matière de terrorisme, une certaine forme de spécialisation peut se concevoir en ce qui concerne les investigations - nous y sommes favorables, je le dis tout de suite pour éviter toute forme de caricature -, en revanche, elle est loin d'être justifiée au stade de l'aménagement des peines.

Rappelons tout de même que, actuellement, les juridictions de l'application des peines sont parfaitement au courant de la nature des faits à l'origine d'une condamnation. Elles doivent, en effet, être en possession des principaux éléments afin de décider d'un éventuel aménagement de peine.

À regarder, par exemple, les statistiques des libérations conditionnelles concernant des personnes condamnées pour terrorisme et la circonspection avec laquelle ces libérations sont décidées, on voit bien que les juridictions ne prennent pas leurs décisions sans connaître le dossier.

Dans le cas d'un risque objectif de reprise d'une activité dangereuse, je ne doute pas que des renseignements soient transmis à ces juridictions, à leur demande ou sur l'initiative du parquet, particulièrement attentif dans ce domaine.

Aucune justification technique ne saurait à nos yeux légitimer cette volonté de spécialisation.

Cette mesure vise sans doute, en fait, à favoriser un contrôle accru de l'exécutif sur les décisions judiciaires.

Telle est la raison du dépôt de l'amendement n° 96 rectifié, qui vise à supprimer l'article 10.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 96 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission reste fidèle à sa position de principe : elle est défavorable à toute suppression d'article, puisqu'elle tient à ce que le texte soit examiné ; elle s'oppose donc à la suppression de l'article 10, tendant à instaurer la centralisation de l'application des peines en matière de terrorisme.

La centralisation apparaît cohérente avec l'organisation judiciaire française dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, fondée sur la compétence nationale des magistrats parisiens en matière de poursuite, d'instruction et de jugement.

Elle est également nécessaire pour permettre la spécialisation, qui, seule, permet une connaissance approfondie des dossiers.

Enfin, elle paraît utile afin que soit assuré un traitement homogène des condamnés pour acte de terrorisme, actuellement dispersés entre trente et un établissements pénitentiaires.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nul, ici, n'ignore l'avis du Gouvernement !

Je rappelle rapidement - vous l'avez d'ailleurs très bien dit vous-même, madame Nicole Borvo Cohen-Seat - qu'il s'agit d'harmoniser et de mettre en cohérence l'ensemble de la lutte antiterroriste.

D'ores et déjà, l'instruction et la poursuite sont centralisées ; nous voulons que l'application des peines le soit également. C'est là la dernière étape de la mise en cohérence de la lutte antiterroriste.

Vous l'avez entendu comme moi à la radio, mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre de suspects ont été arrêtés, et les juges d'instruction ont découvert aujourd'hui même, grâce aux interrogatoires menés, des armes et des explosifs en grande quantité.

Personne ne disconvient de la spécialisation des juges antiterroristes.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Si vous n'en disconvenez pas non plus, les uns et les autres, quel que soit le groupe politique auquel vous appartenez, laissez faire cette harmonisation générale !

Je vous le demande par respect pour ces hommes et ces femmes qui consacrent une partie de leur vie à cette lutte pour défendre la France et les pays voisins contre le terrorisme. En effet, dans ce cas d'espèce, un pays voisin aurait très bien pu être visé par les armes et les explosifs, de très forte puissance, qui ont été trouvés.

Pour notre part, nous sommes heureux de participer au maintien de la paix sur l'ensemble de notre continent.

Voilà quel est l'esprit de ce texte. Alors, certes, on peut toujours être défavorable à toutes les mesures. Mais, en l'occurrence, ce serait vraiment dommage, ne serait-ce que par respect pour ces hommes et ces femmes.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Je suis un peu las d'entendre sans arrêt que nous sommes du côté des terroristes sous prétexte que nous rappelons des vérités ou que nous contestons le bien fondé ou l'opportunité de telle ou telle mesure.

Pour ma part, je me permets de rappeler à la Haute Assemblée que je fus, en 1982, le premier ministre de la justice, parmi tous ceux de l'Union européenne, à demander l'institution d'un tribunal pénal international pour les terroristes internationaux. Je fus alors brocardé par tous mes collègues car, à l'époque, il ne faisait pas bon parler de ces choses. Il a fallu attendre vingt ans pour voir naître les juridictions pénales internationales !

La nature criminelle et dangereuse du terrorisme n'est pas discutable. Mais je ne cesserai jamais de dire combien il est nécessaire et indissociable pour nos démocraties à la fois de mener avec fermeté et efficacité la lutte contre le terrorisme et de veiller à la sauvegarde des libertés, faute de quoi, croyez-moi, les terroristes auront atteint leur but. (M. Jean-Pierre Sueur acquiesce.)

S'agissant de vos derniers propos, monsieur le garde des sceaux, je vous réponds que nous sommes tous favorables à la centralisation. Vous avez salué, et vous avez eu raison, l'activité, le zèle et la compétence des magistrats de la section antiterroriste. Mais nous sommes là non plus au stade de l'instruction ou du jugement, mais de l'exécution de la peine.

Or, au stade de l'exécution, les terroristes sont répartis, pour des raisons de sécurité, dans un certain nombre d'établissements pénitentiaires.

Puisque nous en sommes là au niveau de l'application des peines, les personnes qui sont alors les mieux placées pour suivre ces détenus et pour apprécier ces situations sont, me semble-t-il, non pas les juges qui étudient les dossiers ou s'interrogent sur les faits mais bien plutôt les juges de l'application des peines (M. le garde des sceaux fait un geste de dénégation), qui peuvent d'ailleurs consulter les magistrats de la section antiterroriste.

Vous avez choisi de faire le contraire, monsieur le garde des sceaux, et c'est votre droit. Mais ne nous dites pas que nous sommes systématiquement opposés à tout ce que vous proposez. Ce n'est pas exact !

J'ajoute - et ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre -que, lorsqu'une possible libération est envisagée, on prend en compte des éléments liés à la réinsertion et à l'évolution futures - c'est le facteur humain - d'un homme ayant abandonné les convictions qui étaient les siennes au moment où il a commencé à commettre des actions détestables à tous égards. Voilà ce qui est en question !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je m'étonne que M. Badinter développe une telle thèse. Cela me surprend de sa part, car ce qu'il dit est radicalement faux !

Nous parlons en effet de terroristes qui, comme vous l'avez dit très justement, monsieur Badinter, sont répartis dans différents établissements pénitentiaires pour des raisons de sécurité. Mais le vrai débat, c'est que le réseau continue !

Une fois que ces détenus sont libérés, le problème est non pas d'envisager leurs possibilités de réinsertion, mais d'évaluer leur capacité à être à nouveau des éléments actifs à l'intérieur de ce réseau. Or ceux qui sont les mieux à même d'apprécier cela, ce sont justement les juges qui ont suivi l'affaire dès le début, en collaboration avec les juges d'instruction, le Parquet et les juges de l'application des peines.

Il ne s'agit pas ici d'envisager l'évolution d'un homme comme un autre, ou d'une femme comme une autre. En effet, ce que les terroristes ont de particulier, c'est, d'une part, qu'ils ne regrettent jamais leurs actes et, d'autre part, qu'ils disent être prêts à recommencer dès qu'ils seront libres. Cela n'a donc rien à voir avec les situations dont vous parlez !

Vous nous avez décrit, monsieur Badinter, le travail d'un juge de l'application des peines. Or ce n'est pas ce qui est en cause ! Si vous ne voulez pas l'admettre, faites-nous au moins confiance !

M. Robert Badinter. L'avantage du ministre, c'est de parler sans qu'on puisse lui répondre !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 75 et 96 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Art. 10
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Art. 10 bis

Article additionnel après l'article 10

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 706-25 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour le jugement des accusés mineurs âgés de seize ans au moins, les règles relatives à la composition et au fonctionnement de la cour d'assises des mineurs sont également fixées par ces dispositions, deux des assesseurs étant pris, sauf impossibilité, parmi les juges des enfants du ressort de la cour d'appel, conformément aux dispositions de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, dont les alinéas huit à quatorze sont  applicables. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à combler une importante lacune des dispositions du code de procédure pénale laquelle, bien qu'elle date de décembre 1986, n'a été mise en évidence que tout récemment par la pratique judiciaire.

Le législateur de 1986 avait prévu que la centralisation des compétences en matière de terrorisme ou de juridiction parisienne concernerait également les juridictions spécialisées pour mineurs. Il en est ainsi, notamment, pour la cour d'assises des mineurs, dont la spécificité tient à ce que les deux assesseurs de la cour doivent, sauf impossibilité, être des juges des enfants.

Cependant, s'il est prévu, dans la loi de 1986, une composition spéciale de la cour d'assises en matière de terrorisme, formée uniquement de magistrats professionnels en raison des risques de pression dont peuvent faire l'objet les jurés populaires, il n'est en revanche pas prévu d'étendre ces règles à la cour d'assises des mineurs, dont on n'imaginait pas à l'époque qu'elle pourrait un jour connaître de crimes terroristes.

Malheureusement, à l'heure actuelle, il arrive que des crimes terroristes soient commis à la fois par des majeurs et par des mineurs, ces derniers relevant de la cour d'assises des mineurs, actuellement composée de jurés populaires.

Il s'ensuit que la juridiction d'instruction a le choix, conformément aux dispositions de l'article 9 de l'ordonnance de 1945, soit de disjoindre la procédure, les mineurs étant jugés par la cour d'assises des mineurs et les majeurs par la cour d'assises spéciale, composée seulement de magistrats professionnels, soit de renvoyer mineurs et majeurs devant la cour d'assises des mineurs.

Cet état de fait est incohérent et dangereux, compte tenu des risques de pression pesant sur les jurés, notamment si tous les accusés, mineurs et majeurs, sont jugés en même temps.

Par ailleurs, s'il y a disjonction, cela signifie que se tiendront au moins deux procès d'assises, voire quatre en cas d'appel, procès auxquels les victimes d'acte de terrorisme devront assister à chaque fois.

Il convient donc de prévoir qu'en matière de terrorisme, la cour d'assises des mineurs, conservant évidemment sa spécificité, qui tient à la présence de deux juges des enfants, sera également composée de magistrats professionnels. Il s'agira ainsi d'une cour d'assises doublement spéciale, car elle sera spécialisée à la fois pour le jugement des mineurs et pour celui des actes de terrorisme.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet amendement très intéressant pourra s'avérer également d'une grande utilité.

Pour reprendre les propos de M. le rapporteur, même s'il est rarissime de voir des mineurs actuellement impliqués dans des réseaux terroristes, ces situations existent néanmoins. Ainsi, dans une affaire de terrorisme corse, deux mineurs de seize à dix-huit ans et une quinzaine de majeurs sont actuellement renvoyés pour des faits criminels devant la cour d'assises des mineurs de Paris.

Dans ce cas d'espèce, si l'amendement n'était pas adopté, il serait nécessaire d'organiser, pour les mêmes faits, deux procès d'assises, voire quatre procès en cas d'appel, ce qui poserait des problèmes évidents en matière de sécurité et de coût financier, et obligerait les victimes à subir à quatre reprises le calvaire d'un procès d'assises.

Pour éviter ce genre de situation, l'amendement de la commission tend à prévoir la création d'une cour d'assises doublement spécialisée, qui pourra juger à la fois les mineurs et les majeurs.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

Art. additionnel après l'art. 10
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Art. 10 ter

Article 10 bis

I. - L'article 16 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Dans le 3°, les mots : « les fonctionnaires titulaires du corps de commandement et d'encadrement de la police nationale et les fonctionnaires stagiaires du corps de commandement et d'encadrement déjà titulaires de cette qualité, nominativement désignés par arrêté des ministres de la justice et de l'intérieur après avis conforme d'une commission » sont remplacés par les mots : « et les officiers de police » ;

2° Dans le 4°, les mots : « de maîtrise et d'application » sont remplacés par les mots : « d'encadrement et d'application », et les mots : « de la commission mentionnée au 3° » sont remplacés par les mots : « d'une commission ».

II. - Les 2° et 3° de l'article 20 du même code sont remplacés par un 2° ainsi rédigé :

« 2° Les fonctionnaires titulaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale n'ayant pas la qualité d'officiers de police judiciaire, sous réserve des dispositions concernant les fonctionnaires visés aux 3° et 4° ci-après ; ».

M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

3° - Dans le sixième alinéa du même article, les références : « 2° à 4° » sont remplacées par les références : « 2° et 4° »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10 bis, modifié.

(L'article 10 bis est adopté.)

Art. 10 bis
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Art. 10 quater

Article 10 ter

L'article 706-88 du code de procédure pénale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« S'il ressort des premiers éléments de l'enquête ou de la garde à vue elle-même qu'il existe un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger ou que les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement, le juge des libertés peut, à titre exceptionnel et selon les modalités prévues au deuxième alinéa, décider que la garde à vue en cours d'une personne, se fondant sur l'une des infractions visées au 11° de l'article 706-73, fera l'objet d'une prolongation supplémentaire de vingt-quatre heures, renouvelable une fois.

« À l'expiration de la quatre-vingt-seizième heure, et de la cent vingtième heure, la personne dont la prolongation de la garde à vue est ainsi décidée peut demander à s'entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues par l'article 63-4. La personne gardée à vue est avisée de ce droit dès la notification de la prolongation prévue au présent article

« Outre la possibilité d'examen médical effectué à l'initiative du gardé à vue, dès le début de chacune des deux prolongations supplémentaires, il est obligatoirement examiné par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire. Le médecin requis devra se prononcer sur la compatibilité de la prolongation de la mesure avec l'état de santé de l'intéressé.

« S'il n'a pas été fait droit à la demande de la personne gardée à vue de faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou son employeur, de la mesure dont elle est l'objet, dans les conditions prévues aux articles 63-1 et 63-2, elle peut réitérer cette demande à compter de la quatre-vingt-seizième heure. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 48 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard.

L'amendement n° 76 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 48.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je l'ai dit et je le répète, les Verts savent qu'il est primordial de lutter contre le terrorisme et de protéger nos concitoyens. Mais protéger la vie des citoyens, c'est également protéger leurs droits et leurs libertés.

Or la proposition de prolongation de la durée de la garde à vue prévue à l'article 10 ter du projet de loi ne répond pas à ces deux impératifs. D'ailleurs, nul n'ignore que les infractions en matière de terrorisme sont d'ores et déjà lourdement réprimées et soumises à des régimes d'exception.

Tout d'abord, cette prolongation est superfétatoire puisque les magistrats utilisent déjà en la matière des dispositions préexistantes et rencontrent très peu de difficultés à maintenir en détention un suspect incarcéré.

De plus, le fait de prolonger la garde à vue de quarante-huit heures n'apporte rien, ou très peu, à l'enquête, compte tenu notamment de la possibilité de placement en détention provisoire, souvent utilisée, qui permet déjà de répondre aux impératifs de risque sérieux et imminent d'une action terroriste.

Ce que le Gouvernement tente ici de « garder à vue », ce sont non pas seulement les présumés terroristes, mais aussi un pan entier des droits et libertés des citoyens de ce pays.

S'agissant de la présence de l'avocat pendant la garde à vue, le bâtonnier auditionné par la commission des lois a rappelé qu'il convenait de cesser de considérer l'intervention de l'avocat comme un obstacle à l'instruction, car cette intervention permet au contraire de crédibiliser cette dernière, notamment en assurant les droits du présumé innocent. Il ne faut pas oublier, en effet, que l'avocat appartient à un ordre professionnel et que, à ce titre, il est soumis à des obligations.

En conclusion, monsieur le garde des sceaux, je souhaite vous poser les questions suivantes.

Que se passerait-il si, au bout de 143 heures et 55 minutes de garde à vue, on apprenait qu' « il existe un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger » ? Prolongera-t-on à nouveau le délai de garde à vue ou placera-t-on la personne prévenue en détention provisoire ? Et, dans ce dernier cas, pourquoi ne pas le faire dès la quatre-vingt-seizième heure ?

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 76.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'article 10 ter a été ajouté par l'Assemblée nationale, qui a cru bon de durcir encore davantage le régime de la garde à vue.

En matière de terrorisme, le régime de la garde à vue est, depuis 1986, dérogatoire au droit commun, puisque celle-ci peut être prolongée de quarante-huit heures. L'avocat, quant à lui, ne peut intervenir qu'au bout de la soixante-douzième heure, ce qui, vous en conviendrez, est un délai déjà relativement long.

Le nouvel article 10 ter se situe donc dans la logique de surenchère pénale que nous connaissons bien, puisque nous la subissons depuis près de trois ans.

Nous venons d'achever l'examen de l'article 9, qui aggrave les peines d'emprisonnement. La garde à vue pourrait ainsi durer, si l'article 10 ter était adopté, jusqu'à six jours d'affilée. L'avocat, quant à lui, ne pourrait intervenir qu'au bout de la quatre-vingt-seizième heure.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas interdire totalement la présence de l'avocat, ou même priver des droits de la défense une personne soupçonnée de terrorisme ? Ce n'est pas pour rien que j'ai cité tout à l'heure le cas des prisonniers de Guantanamo.

Nous savons parfaitement que le fait de réduire le droit à la présence d'un avocat au cours de la garde à vue permet d'exercer toutes sortes de pressions sur la personne gardée à vue.

Par ailleurs, les raisons pouvant justifier une telle prolongation de la garde à vue sont particulièrement vagues, et donc dangereuses pour les libertés individuelles. En effet, un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger, ou bien les nécessités de la coopération internationale, si celles-ci le requièrent impérativement, suffiraient à justifier qu'une personne soit gardée à vue pendant six jours.

Le fait que le ministre de l'intérieur indique que la menace terroriste est « réelle et accrue » sans pour autant produire d'éléments concrets suffirait-il à prolonger la garde à vue ? Le fait d'activer et de maintenir le plan Vigipirate au niveau rouge constituerait-il également une raison suffisante pour prolonger une telle mesure ?

Vous devez tout de même convenir que le risque d'action terroriste à l'étranger est quasi permanent ! Cela pourrait-il néanmoins justifier une prolongation de la garde à vue ?

Nous savons très bien que les régimes dérogatoires censés s'appliquer dans un nombre de cas restreints - en l'occurrence le terrorisme - finissent bien souvent par s'appliquer à un ensemble de plus en plus vaste d'infractions. Nous l'avons vu encore récemment avec la loi Perben II concernant la criminalité organisée. Il y a fort à parier que cette disposition s'étende à l'avenir à d'autres catégories d'infractions et que les régimes d'exception deviennent la règle.

Enfin, il conviendrait de nous faire la démonstration du fait que la prolongation de la garde à vue constitue vraiment une mesure de prévention du terrorisme.

J'indique dès à présent que le groupe CRC demande un vote par scrutin public sur cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 97 rectifié bis, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour compléter l'article 706-88 du code de procédure pénale, remplacer le mot :

peut

par les mots :

a le droit de

II. - Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

... - Dans le premier alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale, après les mots : « la personne », le mot : « peut » est remplacé par les mots : « a le droit de ».

... - Dans le sixième alinéa du même article, après les mots : « la personne », les mots : « peut également » sont remplacés par les mots : « a le droit également de ».

... - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 706-88 du code de procédure pénale, après les mots : « en application des dispositions du présent article », le mot : « peut » est remplacé par les mots : « a le droit de ».

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Il s'agit d'apporter au texte une précision dont la portée symbolique est importante : s'agissant du droit à un avocat, le remplacement des mots : « peut demander » par les mots : « a le droit de demander » permettrait de rendre la rédaction de l'article 10 ter conforme à la Convention européenne des droits de l'homme et, de façon plus générale, aux règles relatives aux droits de la défense,

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Sur les amendements nos 48 et 76, la commission émet un avis défavorable. La prolongation de la garde à vue répond à un vrai besoin comme une délégation de la commission des lois a pu s'en rendre compte en rencontrant les juges d'instruction de la section antiterroriste du TGI de Paris.

En outre, le dispositif est entouré de réelles garanties puisque l'avocat peut intervenir à la quatre-vingt-seizième heure puis à la cent vingtième heure.

Enfin, il va de soi que ce dispositif sera mis en oeuvre dans le strict respect des principes de nécessité et de proportionnalité qui gouvernent la procédure pénale.

Quant à l'amendement n° 97 rectifié bis, il tend à prévoir que la personne dont la garde à vue est prolongée « a le droit de s'entretenir avec un avocat » et non pas, comme le texte proposé par l'Assemblée nationale le dispose, « peut s'entretenir avec un avocat ».

La commission avait émis un avis favorable sur cette amélioration rédactionnelle, sous réserve des coordinations nécessaires dans le code de procédure pénale. L'amendement n° 97 rectifié bis répondant à cette préoccupation, la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. La possibilité de prolonger la garde à vue de vingt-quatre heures, renouvelable une fois, correspond à un souhait formulé auprès du Gouvernement par les juges antiterroristes.

On peut d'ailleurs s'interroger au vu des événements récents : c'est en effet au troisième jour que la personne interpellée a indiqué où se trouvait un important arsenal dissimulé en région parisienne.

J'aurais pu vous dire que cela s'était produit le cinquième jour, et là on m'aurait répondu que cette mesure était tout à fait utile.

« Pourquoi donc un délai de garde à vue de six jours et pas de dix jours ? », demanderont certains ? Il faut s'arrêter à un moment, c'est vrai. Sachez néanmoins que, dans cette affaire, le Gouvernement a été saisi d'une demande de la part des juges antiterroristes. Comme tout le monde reconnaît aujourd'hui l'efficacité de leur travail, nous avons pensé, modestement, qu'il valait mieux avoir raison en les suivant qu'avoir raison contre eux. C'est mon argument principal.

S'agissant de l'amendement n° 97 rectifié bis, le Gouvernement émet un avis défavorable, car toute la doctrine, toute la jurisprudence partent du mot « peut ». Nous craignons par conséquent des gloses sur l'intention du législateur, s'agissant de termes dont le sens n'est pas très éloigné.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote sur les amendements identiques nos  48 et 76.

M. Nicolas Alfonsi. Ainsi que je l'ai indiqué hier, je voterai contre ces amendements de suppression.

Je le répète avec force : quel que soit le gouvernement en place, la durée de la garde à vue, si elle est portée à six jours, ne sera pas ramenée par la suite à quatre jours. C'est une tendance permanente : on proteste au moment du vote, mais ensuite, quand on est en charge des affaires du pays, on conserve le système précédemment instauré.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 et 76.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 64 :

Nombre de votants 236
Nombre de suffrages exprimés 236
Majorité absolue des suffrages exprimés 119
Pour l'adoption 34
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 97 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10 ter, modifié.

(L'article 10 ter est adopté.)

Art. 10 ter
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Art. additionnels après l'art. 10 quater

Article 10 quater

Dans l'article 800 du code de procédure pénale, après les mots : « en établit le tarif », sont insérés les mots : « ou fixe les modalités selon lesquelles ce tarif est établi ». - (Adopté.)

Art. 10 quater
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Art. additionnel après l'art. 12 (priorité)

Articles additionnels après l'article 10 quater

M. le président. L'amendement n° 80 rectifié bis, présenté par MM. de Montesquiou et  Pelletier, est ainsi libellé :

Après l'article 10 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Le premier alinéa de l'article 706-25-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« L'action publique relative aux crimes prévus par le présent titre, ainsi que les peines prononcées sont imprescriptibles. »

II - Au premier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale, les mots : « sous réserve des dispositions de l'article 213-5 du code pénal » sont remplacés par les mots : « sous réserve des dispositions des articles 213-5 du code pénal et 706-25-1 du code de procédure pénale ».

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Nous avons tous à l'esprit les attentats injustifiables commis à New York et à Washington en 2001, à Bali en 2002, à Madrid en 2004 ou encore à Londres en 2005. Désormais, la population mondiale vit sous la menace permanente d'un attentat terroriste de masse.

Les attentats de Madrid et de Londres ont confirmé que notre continent n'était pas à l'abri. Notre pays et nos ressortissants sont donc menacés eux aussi.

Il en est de même pour tous les pays de l'Union européenne. Il est donc indispensable que chaque État, individuellement et collectivement, se dote des instruments juridiques appropriés pour punir ces actes impardonnables.

C'est pourquoi notre pays doit à la fois adresser un signal fort à tous les terroristes et apporter une réponse spécifique en adaptant notre arsenal législatif aux nouveaux enjeux géostratégiques en matière de terrorisme. Nous devons donc doter notre droit pénal d'instruments nouveaux et appropriés pour permettre une meilleure répression des auteurs d'actes de terrorisme.

Cet amendement vise à renforcer les moyens à la disposition des autorités juridictionnelles en rendant imprescriptibles les crimes terroristes.

La gravité des infractions terroristes est telle que l'action publique ne doit pas s'éteindre. Pour cela, il convient de modifier le régime spécifique de l'infraction de crime de terrorisme afin d'interdire une impunité de ces crimes et de leurs auteurs.

Si l'imprescriptibilité des crimes terroristes est plus que légitime, il reste à lui donner une existence juridique en adoptant cet amendement.

Il est indispensable, mes chers collègues, de pouvoir poursuivre indéfiniment les auteurs de crimes terroristes.

Personne ne devrait être gêné d'une telle mesure, hormis ceux qui éprouvent de la sympathie pour les coupables de délits et de crimes de terrorisme !

Je donnerai un exemple concret : le mois dernier, une femme auteur d'un hold-up a été interpellée vingt-quatre ans et huit mois après les faits. Si cette femme avait commis un crime terroriste quatre mois plus tard, elle ne pouvait plus être considérée comme une criminelle. Aurait-il été préférable que la date de prescription soit atteinte ?

Mes chers collègues, la prescription ne sert en rien la société, elle permet seulement aux criminels et aux terroristes d'espérer se mettre à l'abri de toute sanction.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission des lois a déjà eu l'occasion de se prononcer sur des dispositions identiques présentées par MM. de Montesquiou et Pelletier dans le cadre d'une proposition de loi ; elle avait alors émis un avis défavorable. En effet, seuls les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles, et il convient de préserver la spécificité des règles applicables en cette matière, compte tenu de la nature même des faits en cause.

En outre, il faut rappeler que les règles de prescription sont d'ores et déjà plus rigoureuses en matière de terrorisme, puisque la prescription de l'action publique s'élève à vingt ans pour les délits et à trente ans pour les crimes, au lieu de trois ans et dix ans dans le droit commun.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On n'arrête pas l'inflation !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Compte tenu de la conviction qui habite M. de Montesquiou, j'aimerais que nous réfléchissions ensemble sur l'utilité concrète de son amendement.

Nous sommes bien d'accord les uns et les autres : un crime terroriste est par essence public. (M. Aymeri de Montesquiou fait un signe d'assentiment.)

S'il est public, il est connu des autorités judiciaires, et, dans ce cas, il y a des actes d'enquêtes. (M. Aymeri de Montesquiou fait de nouveau un signe d'assentiment.)

A partir du moment où il existe des actes d'enquêtes, la prescription s'interrompt. De plus, comme l'a indiqué M. le rapporteur, elle est de trente ans.

Par conséquent, monsieur de Montesquiou, je suis navré de vous dire que votre amendement ne sert à rien.

En outre, dans l'état actuel de notre droit, les actes terroristes de masse -  c'est le cas de New York - constituent aussi un crime contre l'humanité, sans pour autant entrer dans la partie symbolique de l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité qu'il est souhaitable de conserver, comme l'a dit M. le rapporteur.

Mais plutôt que de vous faire cette réponse de principe qui, je le sentais bien, ne vous aurait pas convaincu, je préférais vous montrer que la disposition présentée dans l'amendement n° 80 rectifié bis n'apportait concrètement rien à une situation qui, comme vous, nous scandalise et que nous souhaitons éradiquer.

M. le président. Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° 80 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Aymeri de Montesquiou. Oui, monsieur le président, je le maintiens.

M. le garde des sceaux a bien présenté cet amendement sur le plan du principe. Nous sommes tous horrifiés par les attentats. Les victimes et leur entourage, me semble-t-il, estimeraient être mieux pris en considération si l'on distinguait les crimes terroristes des autres crimes.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. M. de Montesquiou, en déclarant que personne ne devrait être gêné par la mesure qu'il propose, hormis ceux qui éprouvent de la sympathie pour les coupables de délits et de crimes de terrorisme, a prononcé une phrase difficilement acceptable !

M. Jean-Pierre Sueur. Merci de le dire !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas acceptable, mon cher collègue, et je le dis franchement.

M. Aymeri de Montesquiou. Je suis prêt à retirer cette phrase.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En fait, ce que nous visons dans ce projet de loi, c'est l'efficacité de la lutte antiterroriste.

Monsieur de Montesquiou, il serait extrêmement dangereux d'adopter des dispositions législatives pour leur valeur symbolique, comme certains le veulent.

Dans ces conditions, nous devons nous attacher à élaborer un code pénal réellement applicable, afin de pouvoir poursuivre les terroristes le plus longtemps possible. Au demeurant, il s'agit de cas exceptionnels et, outre les crimes contre l'humanité - qui sont d'une autre nature : je pense aux criminels nazis -, les plus longues prescriptions sont bien celles qui sont prévues en matière de crimes terroristes. Ainsi ; elles sont de vingt ans pour les délits, et de trente ans pour les crimes. On ne peut donc pas dire que nous n'avons rien fait ! Je pense, au contraire, que nous sommes allés jusqu'au bout de ce que nous pouvions faire.

De plus, ce n'est pas faire injure aux victimes d'actes de terrorisme que de vouloir préserver l'équilibre de notre droit pénal !

Pour toutes ces raisons, la commission ne peut donc pas être favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 81 rectifié bis, présenté par MM. de Montesquiou et Pelletier, est ainsi libellé :

Après l'article 10 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 132-23 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les crimes en matière de terrorisme, le condamné exécute la totalité de sa peine, sans pouvoir requérir l'application des trois premiers alinéas. »

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Cet amendement a pour objet de renforcer les moyens qui sont mis à la disposition des autorités juridictionnelles en rendant incompressibles les peines prononcées pour les crimes terroristes : aucune diminution de la peine n'est ni envisageable ni tolérable pour ces crimes d'un genre bien particulier.

Ces crimes de terrorisme et le profil psychologique de ces criminels rendent légitime le fait que les peines prononcées en la matière soient incompressibles. Cet aménagement du régime répressif constitue une réponse proportionnée, et donc juste, aux crimes de terrorisme.

L'incompressibilité des peines est la réponse la plus évoluée et la plus acceptable face à ceux qui, hélas ! prônent le rétablissement de la peine de mort.

La psychologie et le fanatisme de ceux qui commettent ces crimes et ces délits terroristes rendent toute adaptation des peines inutiles, puisque la récidive devient un objectif personnel.

Cet amendement vise à dissuader les criminels terroristes de se réaliser dans la commission de crimes et dans l'action violente. La société doit se protéger et adopter cette mesure nouvelle, qui n'est que l'application stricte de la peine perpétuelle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Comme c'était le cas pour l'amendement précédent, la commission a déjà eu l'occasion d'émettre un avis défavorable sur cette disposition.

En premier lieu, la période de sûreté est applicable de plein droit aux crimes et délits terroristes punis d'au moins dix ans d'emprisonnement.

En second lieu, le principe d'une peine incompressible paraît contraire à nos engagements internationaux, notamment au troisième alinéa de l'article 10 du pacte international relatif aux droits civiques et politiques.

La disposition prévue dans cet amendement ne semble pas davantage conforme à nos règles constitutionnelles, le Conseil constitutionnel ayant reconnu, précisément, valeur constitutionnelle au principe d'individualisation de la peine.

Pour toutes ces raisons, je demande à M. de Montesquiou de bien vouloir retirer son amendement. A défaut, la commission y sera défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet amendement vise à interdire tout aménagement de peine pour les criminels convaincus d'actes de terrorisme.

Comme l'a rappelé M. le rapporteur, le Conseil constitutionnel a décidé, en 1994 - c'était sous la présidence de M. Robert Badinter, sauf erreur de ma part -, qu'il n'était pas possible d'interdire toute possibilité d'aménagement d'une peine privative de liberté. Cet amendement est donc, d'emblée, frappé d'inconstitutionnalité.

Par ailleurs, dans le cas d'une condamnation à perpétuité, la période de sûreté est de vingt-deux ans, ce qui constitue d'ores et déjà une garantie de protection réelle pour la société.

À cet égard, permettez-moi de revenir sur le rôle des juges de l'application des peines.

L'application des peines en la matière sera désormais centralisée à Paris. Les juges concernés, bien au fait des problèmes de terrorisme, pourront ainsi mieux évaluer la dangerosité des personnes condamnées pour actes de terrorisme que ne pourrait le faire un juge de l'application des peines de province.

Les aménagements de peine les plus adaptés seront donc proposés à ces terroristes par des juges de l'application des peines spécialisés.

Quoi qu'il en soit, je le répète, d'un point de vue constitutionnel, il n'est pas envisageable d'empêcher l'aménagement des peines. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° 81 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Aymeri de Montesquiou. Je suis surpris de la première argumentation de M. le rapporteur.

Depuis plusieurs années, on assiste à une montée en puissance des actes de terrorisme. Tous les ans, hélas ! des bombes font de nombreuses victimes. Or le droit est fait pour évoluer ; il doit donc s'adapter à la réalité.

M. le garde des sceaux nous dit que le juge de l'application des peines évalue la dangerosité d'un prisonnier. Dans ces conditions, pourquoi Mme Ménigon n'a-t-elle pas encore été libérée ? Compte tenu de son état de santé, il ne semble pas qu'elle représente un danger pour la société !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Elle a été libérée !

M. Aymeri de Montesquiou. Pardonnez-moi, je l'ignorais.

En tout état de cause, dans la mesure où vous considérez - et vous avez sans doute raison -, que cet amendement n'est pas constitutionnel, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 81 rectifié bis est retiré.

Art. additionnels après l'art. 10 quater
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Art. 10 quinquies

Article additionnel après l'article 12

(priorité)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur le président, pour la clarté du débat, je demande l'examen par priorité de l'amendement n° 24 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l'article 12.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

J'appelle donc par priorité l'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé:

I. L'article 321-6 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 321-6. - Le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pouvoir justifier de l'origine d'un bien détenu, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes qui soit se livrent à la commission de crimes ou de délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect, soit sont les victimes d'une de ces infractions, est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

« Est puni des mêmes peines le fait de faciliter la justification de ressources fictives pour des personnes se livrant à la commission de crimes ou de délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect. »

II. Après l'article 321-6 du code pénal, il est inséré un article 321-6-1 ainsi rédigé :

« Art. 321-6-1. - Les peines prévues par l'article 321-6 sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende lorsque les crimes et délits sont commis par un mineur sur lequel la personne ne pouvant justifier ses ressources a autorité.

« Elles sont portées à sept ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende lorsque les infractions commises constituent les crimes ou délits de traite des êtres humains, d'extorsion ou d'association de malfaiteurs, ou qu'elles constituent les crimes ou délits de trafic de stupéfiants, y compris en cas de relations habituelles avec une ou plusieurs personnes faisant usage de stupéfiants.

« Elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende lorsqu'il s'agit d'une infraction mentionnée à l'alinéa précédent commise par un ou plusieurs mineurs. »

III. Il est inséré après l'article 321-10 du même code un article 321-10-1 ainsi rédigé :

« Art. 321-10-1. - Les personnes physiques coupables des délits prévus aux articles 321-6 et 321-6-1 encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meuble ou immeuble, divis ou indivis, dont elles n'ont pu justifier l'origine.

« Peuvent également être prononcées les peines complémentaires encourues pour les crimes ou les délits commis par la ou les personnes avec lesquelles l'auteur des faits était en relations habituelles. »

IV. Les articles 222-39-1, 225-4-8, 312-7-1, 450-2-1 du même code sont abrogés.

V. L'article 706-73 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 16° Délit de non justification de ressources correspondant au train de vie, prévu par l'article 321-6-1 du code pénal, lorsqu'il est en relation avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 15°. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Afin de lutter contre l'économie souterraine, qui peut être à l'origine du financement des réseaux terroristes, cet amendement étend le délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie à l'ensemble des infractions procurant un profit et punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

Il existe actuellement huit délits de non-justification des ressources correspondant à son train de vie par une personne en relations habituelles avec l'auteur ou la victime de certaines infractions. Ils concernent les infractions suivantes : trafic de stupéfiants, criminalité et délinquance des mineurs, association de malfaiteurs, traite des êtres humains, extorsion de fonds et financement du terrorisme, avec les cas particuliers des personnes en relations habituelles avec des prostituées ou des mendiants, qui sont assimilées aux proxénètes et aux exploiteurs de la mendicité d'autrui.

Il est proposé d'étendre ce délit de non-justification des ressources à l'ensemble des infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement et procurant à leurs auteurs un profit direct ou indirect.

Les personnes coupables de ce délit seraient en principe passibles d'une peine principale de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, par cohérence avec les peines, plus sévères, qui sont prévues en cas de recel.

Toutefois, ces peines seraient augmentées afin de permettre une répression plus sévère dans les cas les plus graves.

Seules seraient conservées en l'état les infractions spécifiques concernant le proxénétisme, l'exploitation de la mendicité et le financement du terrorisme, les autres étant intégrées dans les nouvelles dispositions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président, je tiens tout d'abord à procéder à une rectification : j'ai évoqué tout à l'heure la libération de Mme Nathalie Ménigon, alors qu'il s'agissait bien évidemment, comme me l'a à juste titre fait observer Mme Borvo Cohen-Seat, de la libération de Mme Joëlle Aubron. Je prie la Haute Assemblée de bien vouloir me pardonner cette regrettable confusion.

Cela étant, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 24 rectifié. La définition de l'incrimination générique du défaut de justification de ressources par rapport au train de vie que propose la commission dans l'amendement n° 24 rectifié est en effet de nature à recueillir l'adhésion du Sénat.

La commission des lois a renversé la charge de la preuve. Ce texte est conforme aux exigences constitutionnelles et à la présomption d'innocence. L'infraction suppose en effet que la personne soit en relation habituelle avec les auteurs de certains délits ou crimes ou avec les victimes de ces crimes ou ces délits.

Si le train de vie d'une telle personne n'est pas justifié, cela rend vraisemblable son éventuelle une origine délictuelle.

Par ailleurs, la personne en cause pourra, devant le juge, prouver par tous les moyens que ses revenus ont une origine licite.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.

Art. additionnel après l'art. 12 (priorité)
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Art. 10 sexies

Article 10 quinquies

Après le quatrième alinéa de l'article 19 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La représentation syndicale au sein des commissions administratives paritaires compétentes pour les corps de fonctionnaires actifs des services de la police nationale peut déroger au statut général de la fonction publique afin d'adapter et de simplifier la gestion de ces personnels. A ce titre, les gardiens de la paix et les brigadiers de police constituent un collège électoral unique au sein des commissions administratives paritaires nationales et interdépartementales représentant le corps d'encadrement et d'application de la police nationale. »

M. le président. L'amendement n° 98, présenté par MM. Peyronnet, Badinter et Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et Tasca, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz, Sueur, Vantomme et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je ne peux cacher la satisfaction qui a été la nôtre en entendant M. le président de la commission des lois demander à M. de Montesquiou de retirer ses propos, ce qu'il a bien voulu faire. En effet, mes chers collègues, l'argument que nous entendons depuis hier, selon lequel le fait de voter en faveur de tel amendement ou contre tel autre ferait de nous des complices des terroristes, est insupportable.

Notre débat est libre ! Il faut tout faire pour lutter contre le terrorisme, nous le savons très bien, et nous l'avons dit à maintes reprises. Mais nous sommes dans un État de droit, et nous savons aussi que la plus grande victoire des terroristes, c'est précisément de mettre en cause l'État de droit.

Cela étant posé, nous exerçons librement notre droit d'expression et de vote.

Mais j'en reviens à l'amendement n° 98. Même Éric Doligé conviendrait - je fais références à ses précédentes interventions - que l'article 10 quinquies n'a pas sa place dans le présent projet de loi !

Cet article, je le rappelle, pose le principe d'une dérogation aux règles du statut général de la fonction publique en matière de représentation syndicale au sein des commissions administratives paritaires pour le corps d'encadrement et d'application des fonctionnaires actifs de la police nationale.

S'il suffisait de changer les modalités de composition ou de fonctionnement des commissions paritaires de la police nationale pour mettre fin au terrorisme, nous voterions de bon coeur cette disposition,... non sans avoir rencontré auparavant les personnels concernés.

Vous m'accorderez toutefois, mes chers collègues, que l'objet de l'article 10 quinquies est étranger à ce projet de loi. La sagesse voudrait donc que l'on retire cette disposition qui pourrait tout à fait prendre sa place dans un autre texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Comme M. Sueur, je suis bien obligé de reconnaître que l'article 10 quinquies n'a aucun lien avec la lutte contre le terrorisme. Ces dispositions, certes étrangères à la lutte contre le terrorisme, sont néanmoins fort peu nombreuses et de faible portée.

Je reconnais en l'occurrence la faiblesse de mon argumentation, monsieur Sueur, mais il fallait bien que j'en trouve une ! (Sourires.)

Par ailleurs, cet article tire les conséquences de la réforme des corps et carrières au sein de la police et il est utile au bon fonctionnement des commissions administratives paritaires, puisqu'il permet de régler certains problèmes immédiatement. C'est la raison pour laquelle je l'ai accepté.

En conséquence, je ne peux qu'être défavorable à l'amendement n° 98.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, cet article répond à un engagement formel pris le 17 mai 2004 envers les organisations syndicales représentatives de policiers, à l'occasion de la réforme des corps et carrières.

Il est la conséquence directe de la création d'un quatrième grade au sein du corps des gardiens de la paix. Fusionner les commissions administratives paritaires dans les deux premiers grades est nécessaire pour éviter une lourdeur administrative excessive.

Je conviens, avec M. le rapporteur, de la dimension statutaire de cette disposition, et je comprends donc le sens de votre intervention.

Cependant, cette disposition n'est pas sans lien avec le sujet qui nous occupe. En effet, cette réforme de longue haleine, tout à fait exemplaire en termes de modernisation de l'État, est mue avant tout par une logique fonctionnelle : faire en sorte que chaque policier soit mieux formé et exerce ses missions avec le plus grand professionnalisme.

La lutte contre le terrorisme est un domaine pointu ! Grâce à cette réforme, on reconnaît pour la première fois la spécificité du métier exercé par les services spécialement chargés de la lutte antiterroriste. Vous conviendrez avec moi que tout ce qui contribue à la lutte contre le terrorisme peut, fût-ce d'un point de vue statutaire, trouver sa place dans ce texte.

Ainsi, il est créé une qualification professionnelle « Investigation renseignement » qui, au terme d'un examen professionnel, permettra l'accès au grade supérieur. La lutte antiterroriste, comme les autres missions de police, a besoin de policiers motivés, bien formés et dont le mérite soit reconnu par des progressions de carrière individuelles.

Les dispositifs de formation pourront être opérationnels au premier semestre 2006. En votant cet article, vous contribuerez à la mise en oeuvre de la réforme des corps et carrières et, pour partie, à l'efficacité du dispositif de lutte antiterroriste.

C'est pourquoi, monsieur Sueur, le Gouvernement est défavorable à votre amendement de suppression, dont je souhaiterais le retrait car je vous sais attaché à la formation et à la qualification des gens qui interviennent dans la lutte contre le terrorisme. Or c'est vraiment ce qui est en jeu ici !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous maintenons notre amendement.

Malgré les grands efforts d'explication de M. le ministre, j'ai quand même beaucoup de peine à croire que cette mesure à caractère statutaire, relative aux commissions administratives paritaires, puisse faire reculer les protagonistes du terrorisme international !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. Al-Qaida va se sentir mal ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10 quinquies.

(L'article 10 quinquies est adopté.)

CHAPITRE IV BIS

Dispositions relatives aux victimes d'actes de terrorisme 

Art. 10 quinquies
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Art. 11

Article 10 sexies

Le premier alinéa de l'article L. 126-1 du code des assurances est ainsi modifié :

1° Les mots : « national et les » sont remplacés par les mots : « national, les » ;

2° Après les mots : « mêmes actes », les mots : «, sont indemnisées » sont remplacés par les mots : « ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés ». - (Adopté.)

CHAPITRE V

Dispositions relatives à la déchéance de la nationalité française

Art. 10 sexies
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Art. 11 bis

Article 11

L'article 25-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si les faits reprochés à l'intéressé sont visés au 1° de l'article 25, les délais mentionnés aux deux alinéas précédents sont portés à quinze ans. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 49 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

L'amendement n° 77 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 99 est présenté par MM. Peyronnet, Badinter et Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et Tasca, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz, Sueur, Vantomme, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour défendre l'amendement n° 49.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article 11 est l'un des plus iniques de ce projet de loi ! Toutefois, avant de parler d'injustice, il convient de se pencher sur son efficacité.

Monsieur le ministre, pensez-vous vraiment que vous ferez croire aux Français que le risque de perdre la nationalité française va persuader des terroristes de ne pas commettre d'attentat ? Alors même que certains de ces terroristes n'hésitent pas à sacrifier leur vie en tentant d'entraîner avec eux le maximum de personnes, les menacer de perdre la nationalité française n'aura aucun effet dissuasif !

En revanche, ces mesures risquent de conforter un nombre de plus en plus important de nos concitoyens dans leur suspicion à l'égard de l'attachement d'une certaine catégorie de Français à la France. Ici, le but véritable est de stigmatiser davantage une certaine partie du peuple français, tout en distillant insidieusement l'idée qu'il existerait en France une cinquième colonne, un ennemi de l'intérieur prêt à se transformer en terroriste à toutes les occasions.

Lors de la séance du 24 novembre 2005 à l'Assemblée nationale, M. le garde des sceaux n'a-t-il pas semblé accorder une oreille bienveillante à ceux qui, récemment encore, demandaient la déchéance de la nationalité française des jeunes de banlieue ? Je le cite : « La déchéance permettra notamment l'expulsion du condamné à l'issue de sa peine, ce qui ne serait pas possible s'il restait Français. » C'est donc bien une manière d'expulser des Français !

Monsieur le ministre, c'est justement parce que le condamné est Français qu'on ne peut pas se permettre de penser à l'expulser après sa condamnation, sauf à l'avoir considéré au préalable comme un faux Français. Je croyais pourtant qu'en France nous étions tous Français, purement et simplement, et qu'il n'existait pas de Français d'origine, de Français musulmans, de Français convertis...

Cet article révèle votre sentiment : pour vous, il existe des Français qui ne sont pas des Français comme les autres. En tant que républicains, nous ne pouvons pas l'accepter !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 77.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne vais pas allonger le débat, monsieur le président, car je partage l'opinion de ma collègue Alima Boumediene-Thiery.

Je tiens à insister sur le faible effet dissuasif de cette mesure de pur affichage, qui stigmatise une partie de la population. La preuve en est qu'un député de la majorité a réclamé la déchéance de la nationalité française pour les auteurs présumés des troubles qui se sont déroulés dans les quartiers populaires !

Des déclarations de ce type font vraiment peur : utiliser un tel argument sous couvert du terrorisme est totalement inacceptable !

La mesure que vous proposez est inefficace et n'est d'ailleurs quasiment pas applicable. Nous demandons donc la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 99.

M. Richard Yung. Pour les raisons qu'ont développées nos collègues, nous demandons également la suppression de cet article.

L'utilité de cette disposition est tout à fait aléatoire puisque, selon les chiffres dont nous disposons, cette déchéance, qui peut être prononcée dans le délai de dix ans à l'heure actuelle, ne l'a été qu'une seule fois en 2002 et une seule fois en 2003. L'efficacité tout à fait limitée de cette mesure en fait une disposition d'affichage et d'amalgame. Nous demandons donc sa suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La déchéance de la nationalité française prévue à l'article 25-1 du code civil est très rarement prononcée, puisqu'on ne relève que deux ou trois cas par an.

L'article 11 du projet de loi vise simplement à tenir compte de la longueur de certaines procédures judiciaires, il ne stigmatise en rien une certaine catégorie de citoyens français.

C'est pourquoi la commission est défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'article 11 du projet de loi ne vise bien évidemment pas à dissuader des terroristes fanatiques, mais à protéger la société française en écartant de son sol des personnes dont le caractère dangereux est avéré.

Par ailleurs, permettez-moi de vous dire qu'il n'est pas anormal, sur le plan des principes, que l'acquisition de la nationalité puisse être remise en cause, dans certains cas graves et exceptionnels. Quant à l'amalgame que vous nous reprochez de pratiquer entre terrorisme et immigration, c'est vous qui l'établissez en soulevant cet argument ! (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.)

Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49, 77 et 99.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

CHAPITRE V BIS

Dispositions relatives à l'audiovisuel

Art. 11
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Art. additionnels avant l'art. 12

Article 11 bis

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :

1° L'article 33-1 est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - Par dérogation aux I et II du présent article, les services de télévision relevant de la compétence de la France en application des articles 43-4 et 43-5 peuvent être diffusés par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sans formalité préalable. Ils demeurent soumis aux obligations résultant de la présente loi et au contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui peut notamment utiliser à leur égard les procédures prévues aux articles 42, 42-1 et 42-10. Les opérateurs satellitaires dont l'activité a pour effet de faire relever des services de télévision de la compétence de la France, en application de l'article 43-4, et les distributeurs de services visés à l'article 34 sont tenus d'informer les éditeurs des services considérés du régime qui leur est applicable.

« Les conventions conclues entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et les éditeurs de services de télévision relevant de la compétence de la France en application des articles 43-4 et 43-5 sont réputées caduques à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° du relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers. » ;

2° Dans le 1° de l'article 42-1, les mots : « La suspension de l'édition ou de la distribution » sont remplacés par les mots : « La suspension de l'édition, de la diffusion ou de la distribution » ;

3° La deuxième phrase de l'article 42-6 est complétée par les mots : « et, en cas de suspension de la diffusion d'un service, aux opérateurs satellitaires qui assurent la diffusion du service en France et qui devront assurer l'exécution de la mesure » ;

4° Le premier alinéa de l'article 43-6 est ainsi rédigé :

« Les services relevant de la compétence d'un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen peuvent être diffusés par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sans formalité préalable. » - (Adopté.)

CHAPITRE VI

Dispositions relatives à la lutte contre le financement des activités terroristes

Art. 11 bis
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Art. 12

Articles additionnels avant l'article 12

M. le président. L'amendement n° 109, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« L'obligation de déclaration mentionnée au premier alinéa est étendue aux opérations d'un montant minimum de 8 000 euros pour compte propre ou pour compte de tiers effectuées par les organismes financiers avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, domiciliées, enregistrées ou établies dans l'ensemble des États ou territoires dont la législation est reconnue insuffisante ou dont les pratiques sont considérées comme faisant obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux par l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. »

L'amendement n° 110, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 562-2 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les salariés des organismes financiers et établissements mentionnés à l'article L. 562-1 sont habilités à exercer un droit d'alerte, lorsqu'ils sont confrontés à une opération douteuse, auprès des services instaurés à l'article L. 562-4. »

L'amendement n° 111, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 563-6 du code monétaire et financier, est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - La Commission bancaire peut interdire aux établissements français de détenir, directement ou indirectement, des filiales, des succursales, des bureaux de représentation ou des comptes de correspondants dans les pays et territoires non coopératifs dans la lutte contre le blanchiment des capitaux. »

L'amendement n° 112, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement avant le 30 juin 2006 un rapport sur l'application du secret bancaire en France et en Europe et ses incidences sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour défendre ces quatre amendements.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ces quatre amendements visent, contrairement à nos précédentes propositions, à intervenir en amont, directement sur le fonctionnement des réseaux terroristes.

Le meilleur moyen de limiter les actions terroristes, voire de les empêcher, consiste à bloquer le financement des réseaux. Pour y parvenir, il convient d'améliorer le système de lutte contre le blanchiment de l'argent sale afin de paralyser les mouvements de capitaux d'origine douteuse.

Le code monétaire et financier comporte un certain nombre de dispositions visant à lutter contre le blanchiment de capitaux. Cependant, il nous est apparu que ce dispositif pouvait être complété, d'autant plus que les décrets d'application de plusieurs de ces dispositions tardent à être publiés.

C'est pourquoi l'amendement n° 109 tend à encadrer plus précisément l'obligation de déclaration d'opérations soupçonnées d'origine illicite. En effet, l'article L. 562-2 du code monétaire et financier renvoie la définition des mesures d'application de cette obligation à un décret. Or la lutte contre le blanchiment de capitaux ne peut dépendre du seul bon vouloir du Gouvernement.

Ainsi, le décret du 15 décembre 2003, pris en application de l'article L. 562-2, ne concerne que les opérations entre les organismes financiers et les personnes physiques ou morales domiciliées, enregistrées ou établies au Myanmar, ce qui est bien trop restreint. Il existe en effet d'autres pays, même parmi nos voisins européens, où la législation est notoirement insuffisante et où les pratiques entravent la lutte contre le blanchiment des capitaux.

Nous avons donc fait le choix de renforcer les dispositions actuellement en vigueur, qui ne prévoient pas expressément de seuil minimal à l'obligation de déclaration de ces opérations douteuses. Nous proposons ainsi de fixer ce seuil à 8 000 euros, comme le prévoit d'ailleurs le décret du 15 décembre 2003.

Avec l'amendement n° 110, nous souhaitons que les salariés des organismes désignés à l'article L. 562-1 du code monétaire et financier disposent d'un droit d'alerte, comme cela existe par ailleurs dans le droit du travail, lorsqu'ils ont connaissance d'opérations douteuses. Ils pourraient ainsi alerter le service qui, placé sous l'autorité du ministre chargé de l'économie, est mentionné à l'article L. 562-4 du même code et reçoit la déclaration prévue à l'article L. 562-2.

Avec l'amendement n° 111, nous proposons d'inscrire dans la loi une des recommandations adoptée par la conférence des parlements de l'Union européenne contre le blanchiment, qui s'est tenue à Paris les 7 et 8 février 2002 : la Commission bancaire peut interdire aux établissements français de détenir directement ou indirectement des filiales, des succursales, des bureaux de représentation ou des comptes de correspondants dans les pays et territoires non coopératifs dans la lutte contre le blanchiment des capitaux. Cet amendement vise donc à franchir une nouvelle étape dans la lutte contre le blanchiment.

Enfin, pour assurer une transparence plus effective des transactions bancaires, l'amendement n° 112 tend à imposer au Gouvernement la présentation d'un rapport sur l'action entreprise pour parvenir à la levée à plus ou moins long terme du secret bancaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 109 tend à étendre l'obligation de déclaration d'opérations effectuées par un organisme financier avec une personne physique ou morale domiciliée, enregistrée ou établie dans un pays dont la législation ou la pratique ne répondent pas aux exigences de la lutte contre le blanchiment.

Cet amendement, comme les trois suivants, concerne davantage la lutte contre le blanchiment que la lutte contre le terrorisme. Je suis donc réservé sur leur insertion dans ce projet de loi.

Avant que la commission se prononce, il me paraît cependant utile de recueillir l'avis du Gouvernement. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Concernant l'amendement n° 109, madame Mathon, je vous rappelle que l'article L. 562-2 du code monétaire et financier prévoit déjà la possibilité d'étendre par décret l'obligation de la déclaration de soupçon aux opérations effectuées par un organisme financier français pour le compte d'une personne physique ou morale établie dans un pays dont la législation anti-blanchiment est reconnue comme insuffisante par l'instance internationale de concertation et de coordination en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, autrement dit par le Groupe d'action financière, le GAFI.

Actuellement, seuls deux pays figurent sur la liste noire du GAFI : la Birmanie-Myanmar, et le Nigeria.

Toutefois, afin de tenir compte des progrès normatifs réalisés par ces deux pays en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et à la suite d'une position commune du GAFI, le Gouvernement a décidé de lever l'obligation de déclaration de soupçon automatique par le décret n°2005-642 du 31 mai 2005. Dans ces conditions, vous comprendrez que je demande le rejet de cet amendement.

Concernant l'amendement n° 110, les modalités d'exercice de la déclaration de soupçon, dont le principe est posé par la loi, sont déjà définies par décret en Conseil d'État. Ainsi, l'article R. 562-1 du code monétaire et financier dispose que tout dirigeant ou préposé, même s'il n'y est pas normalement habilité, peut, notamment en raison de l'urgence, prendre l'initiative de déclarer lui-même à la cellule « Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins », ou TRACFIN, toute opération lui paraissant douteuse. C'est ce qui m'amène à demander le rejet de cet amendement n° 110.

S'agissant de l'amendement n° 111, la Commission bancaire a actuellement le pouvoir de limiter les activités d'un établissement bancaire non pas a priori, mais à l'issue d'une procédure disciplinaire à titre de sanction. Il est important de limiter ce pouvoir au strict cadre disciplinaire. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Il est également défavorable à l'amendement n° 112 car, le secret bancaire étant levé en France et dans les États membres de l'Union européenne en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, le rapport demandé au Gouvernement n'aurait finalement que peu d'intérêt.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)

(M. Guy Fischer remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

Art. additionnels avant l'art. 12
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Division et art. additionnels avant le chapitre VII (avant l'art. 13)

Article 12

I. - Le titre VI du livre V du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Son intitulé est ainsi rédigé : « Obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes » ;

1° bis Dans l'article L. 562-10, après les mots : « et des délits » sont insérés les mots : « et de la lutte contre le financement des activités terroristes » ;

2° Le chapitre IV et les articles L. 564-1, L. 564-2 et L. 564-3 deviennent, respectivement, le chapitre V et les articles L. 565-1, L. 565-2 et L. 565-3 ;

3° Il est rétabli un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Obligations relatives à la lutte contre le financement des activités terroristes

« Art. L. 564-1. - Les organismes financiers et personnes mentionnés aux 1 à 5 et au 7 de l'article L. 562-1, qui détiennent ou reçoivent des fonds, instruments financiers et ressources économiques sont tenus d'appliquer les mesures de gel ou d'interdiction prises en vertu du présent chapitre.

« Pour l'application du présent chapitre, on entend par fonds, instruments financiers et ressources économiques, les avoirs de toute nature, corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers, acquis par quelque moyen que ce soit, et les documents ou instruments légaux sous quelque forme que ce soit, y compris sous forme électronique ou numérique qui prouvent un droit de propriété ou un intérêt sur ces avoirs, incluant, notamment, les crédits bancaires, les chèques de voyage, les chèques bancaires, les mandats, les actions, les titres, les obligations, les traites et les lettres de crédit.

« Art. L. 564-2. - Sans préjudice des mesures restrictives spécifiques prises en application de règlements du Conseil de l'Union européenne et des mesures prononcées par l'autorité judiciaire, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel, pour une durée de six mois, renouvelable, de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes mentionnés à l'article L. 564-1 qui appartiennent à des personnes physiques ou morales qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, définis comme il est dit au 4 de l'article 1er du règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les facilitent ou y participent et à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées, directement ou indirectement, par elles au sens des 5 et 6 de l'article 1er du règlement (CE) n° 2580/2001, du 27 décembre 2001, précité. Les fruits produits par les fonds, instruments et ressources précités sont également gelés.

« Le gel des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes mentionnés à l'article L. 564-1 s'entend comme toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert ou utilisation de fonds, instruments financiers et ressources économiques qui auraient pour conséquence un changement de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur nature ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation par les personnes faisant l'objet de la mesure de gel.

« Le ministre chargé de l'économie peut également décider d'interdire, pour une durée de six mois renouvelable, tout mouvement ou transfert de fonds, instruments financiers et ressources économiques au bénéfice des personnes physiques ou morales mentionnées au premier alinéa.

« Les décisions du ministre arrêtées en application du présent article sont publiées au Journal officiel et exécutoires à compter de la date de cette publication.

« Art. L. 564-3. - Les mesures de gel ou d'interdiction prises en vertu du présent chapitre s'imposent à toute personne copropriétaire des fonds, instruments et ressources précités, ainsi qu'à toute personne titulaire d'un compte joint dont l'autre titulaire est une personne propriétaire, nue-propriétaire ou usufruitière mentionnée au premier alinéa de l'article L. 564-2.

« Ces mesures sont opposables à tout créancier et à tout tiers pouvant invoquer des droits sur les fonds, instruments financiers et ressources économiques considérés même si l'origine de ces créances ou autres droits est antérieure à la publication de l'arrêté.

« Les mesures mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 564-2 s'appliquent aux mouvements ou transferts de fonds, instruments financiers et ressources économiques dont l'ordre d'exécution a été émis antérieurement à la date de publication de la décision d'interdiction.

« Art. L. 564-4. - Le secret bancaire ou professionnel ne fait pas obstacle à l'échange d'informations entre les organismes et personnes mentionnés à l'article L. 564-1 et les services de l'État chargés de mettre en oeuvre une mesure de gel ou d'interdiction de mouvement ou de transfert des fonds, des instruments financiers et des ressources économiques lorsque ces informations visent à vérifier l'identité des personnes concernées directement ou indirectement par cette mesure. Les informations fournies ou échangées ne peuvent être utilisées qu'à ces fins.

« Les services de l'État chargés de mettre en oeuvre une mesure de gel ou d'interdiction de mouvement ou de transfert des fonds, des instruments financiers et ressources économiques et les autorités d'agrément et de contrôle des organismes et personnes mentionnés à l'article L. 564-1 sont autorisés à échanger les informations nécessaires à l'exercice de leurs missions respectives.

« Art. L. 564-5. - L'État est responsable des conséquences dommageables de la mise en oeuvre de bonne foi, par les organismes financiers et les personnes mentionnés à l'article L. 564-1, leurs dirigeants ou leurs préposés, des mesures de gel ou d'interdiction mentionnées à l'article L. 564-2. Aucune sanction professionnelle ne peut être prononcée à l'encontre de ces organismes et ces personnes, leurs dirigeants ou leurs préposés.

« Art. L. 564-6. - Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application des dispositions du présent chapitre, notamment les conditions dans lesquelles les organismes et les personnes mentionnés à l'article L. 564-1 sont tenus d'appliquer les mesures de gel ou d'interdiction de mouvement ou de transfert des fonds, instruments financiers et ressources économiques prises en vertu du présent chapitre. »

II. - Le chapitre IV du titre VII du livre V du même code est ainsi modifié :

1° Son intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement des activités terroristes » ;

2° Il est ajouté un article L. 574-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 574-3. - Est puni des peines prévues au 1 de l'article 459 du code des douanes le fait, pour les dirigeants ou les préposés des organismes financiers et personnes mentionnés à l'article L. 564-1 et, pour les personnes faisant l'objet d'une mesure de gel ou d'interdiction prise en application du chapitre IV du titre VI du présent livre, de se soustraire aux obligations en résultant ou de faire obstacle à sa mise en oeuvre.

« Sont également applicables les dispositions relatives à la constatation des infractions, aux poursuites, au contentieux et à la répression des infractions des titres II et XII du code des douanes sous réserve des articles 453 à 459 du même code. »

III. - 1. À la fin de la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 563-1 du même code, la référence : « L. 564-1 » est remplacée par la référence : « L. 565-1 ».

2. Dans le dernier alinéa de l'article L. 563-4 du même code, la référence : « L. 564-2 » est remplacée par la référence : « L. 565-2 ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Tous deux sont présentés par MM. Peyronnet, Badinter et Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et Tasca, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz, Sueur, Vantomme et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés

L'amendement n° 100 est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

L'amendement n° 101 est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 564-2 du code monétaire et financier, après les mots :

pour une durée de six mois,

supprimer le mot :

renouvelable, 

II. - Dans le troisième alinéa du même texte, après les mots :

pour une durée de six mois

supprimer le mot :

renouvelable

III. - Compléter le même texte par deux alinéas ainsi rédigés :

Le gel est renouvelé pour une durée de six mois, à la demande du ministre chargé de l'économie et des finances, par le président du tribunal de grande instance de Paris.

Le tribunal de grande instance de Paris est également compétent pour toute contestation relative à cette mesure.

La parole est à M. Richard Yung, pour défendre ces deux amendements.

M. Richard Yung. L'amendement n° 100 a pour objet de supprimer l'article 12.

La loi Perben II a mis en place une procédure judiciaire de gel des avoirs dans le cadre de la grande criminalité. Cette procédure s'applique aussi au terrorisme. Par ailleurs, il existe également une procédure administrative de gel des avoirs.

Le dispositif de gel proposé est donc tout à fait inutile, et nous en demandons la suppression.

L'amendement n° 101 est relatif aux conditions de renouvellement du gel des avoirs dont on pense qu'ils servent à des fins de terrorisme.

Selon nous, compte tenu de la gravité de ses conséquences, il est paradoxal que le gel des avoirs puisse être décidé par une simple décision administrative pour une durée de six mois renouvelable sans limitation de durée et qu'aucune précision ne soit donnée sur les conditions du recours.

Par ailleurs, il existe plusieurs procédures de gel des avoirs qui sont plus respectueuses des libertés individuelles.

Par conséquent, nous proposons - c'était d'ailleurs le cas dans une première mouture du texte -, qu'un gel initial de six mois puisse être ordonné par l'administration, une prolongation de six mois pouvant être décidée par le président du tribunal de grande instance de Paris, sur requête de l'administration.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. D'une façon générale, la commission n'est pas favorable à la suppression des articles.

De plus, le dispositif institué par l'article 12 est particulièrement utile, puisqu'il permet de procéder à des mesures administratives de gel des avoirs de résidents français ou de résidents communautaires, ce qui n'est actuellement pas possible. La commission est donc défavorable à l'amendement n° 100.

S'agissant de l'amendement n° 101, il importe de conserver à la procédure de gel des avoirs instituée par l'article 12 son caractère purement administratif, le juge disposant par ailleurs de procédures propres qui lui permettent d'ordonner le gel des avoirs aux différentes étapes de la procédure pénale.

La commission est donc également défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je suis également défavorable à ces amendements, et je vais expliciter à M. Yung les raisons du Gouvernement.

S'agissant de l'amendement n° 100, les procédures de gel des avoirs applicables en France sont incomplètes : le dispositif communautaire est fondé sur les relations financières avec l'étranger et ne permet donc pas de geler les avoirs de résidants communautaires.

Par ailleurs, si la France a pu geler des comptes par décret pris sur le fondement des articles L. 151 et L. 152 du code monétaire et financier, lesquels permettent de soumettre à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie tout mouvement de capitaux entre la France et l'étranger, il ne s'agit pas là d'un dispositif spécifique de gel des avoirs.

Cette mesure vise donc à instaurer un dispositif national qui permettra le gel des avoirs de toute personne physique ou morale liée à des activités terroristes ou à leur financement, sans considération de nationalité telle que le requièrent les résolutions 1373 et suivantes du Conseil de sécurité des Nations unies, afin de lutter de façon efficace contre le financement du terrorisme.

En outre, la France disposera, par ce biais, d'une capacité de décision autonome pour procéder au gel des avoirs.

Pour ce qui est de l'amendement n° 101, la question que vous soulevez a naturellement retenu l'attention du Gouvernement, qui tient à mettre en place un dispositif efficace et équilibré.

Le Gouvernement suit en cela l'avis du Conseil d'État, qui a considéré qu'une mesure de gel ou d'interdiction qui prive temporairement, à des fins d'ordre public précisément identifiées, un titulaire de compte du droit de disposer des fonds qui lui appartiennent n'équivaut pas à une dépossession. Elle n'est donc pas susceptible de porter atteinte aux libertés individuelles, dont le respect doit être garanti par l'autorité judiciaire en vertu des dispositions de l'article 66 de la Constitution.

S'inscrivant, à l'évidence, dans le cadre strict de la lutte contre le terrorisme, une telle décision administrative relève de la catégorie des mesures de police administrative. Comme toute décision faisant grief, elle est susceptible de recours devant le juge administratif.

Dans ces conditions le Gouvernement ne peut être que défavorable à votre amendement, monsieur Yung.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Si je comprends bien ce que nous dit M. le ministre, on nous propose une mécanique de renouvellement indéfini du gel des avoirs de nature administrative, sans aucun contrôle judiciaire. Cela me paraît extrêmement choquant !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais le juge administratif est un juge !

M. Richard Yung. Quoi qu'il en soit, je maintiens mes amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Art. 12
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Art. 13

Division et articles additionnels avant le chapitre VII (avant l'article 13)

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 12, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

Chapitre VI bis

Dispositions relatives aux activités de sécurité privée et à la sécurité aéroportuaire

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement crée un nouveau chapitre dont le contenu sera défini par les deux amendements suivants.

Il apparaît en effet que certaines entreprises de sécurité privée intervenant sur des sites sensibles, comme des usines pétrochimiques ou des entreprises de transport travaillant en relation avec le transport aérien, font l'objet de tentatives d'infiltration par des mouvements fondamentalistes.

Il convient, par conséquent, de renforcer le contrôle sur les personnes y travaillant.

Je souhaite néanmoins, par souci de précision rédactionnelle, rectifier l'intitulé de cette division qui deviendrait : « Dispositions relatives aux activités privées de sécurité et à la sûreté aéroportuaire ».

M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est donc ainsi libellé :

Après l'article 12, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

Chapitre VI bis

Dispositions relatives aux activités privées de sécurité et à la sûreté aéroportuaire

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, avant le chapitre VII.

L'amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant le chapitre VII, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds est ainsi modifiée :

I.- L'article 5 est ainsi modifié :

1° le septième alinéa (5°) est supprimé ;

2° après le 8° est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« L'agrément ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées. »

II.- Le 4° de l'article 6 est ainsi rédigé :

« 4° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées. »

III.- L'article 22 est ainsi modifié :

1° le septième alinéa (5°) est supprimé ;

2° après le 7° est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« L'agrément ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées. »

IV.- Le 4° de l'article 23 est ainsi rédigé :

« 4° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les articles 5, 6, 22 et 23 de la loi du 12 juillet 1983 instituent un dispositif d'agrément et d'habilitation par le préfet des personnes souhaitant soit diriger ou gérer une entreprise exerçant une activité de sécurité privée, soit participer à une telle activité en tant que salarié.

Ces dispositions ont pour objet d'éviter que des personnes pouvant avoir des intentions malveillantes aient accès à des installations et à des informations sensibles.

Cette préoccupation d'intérêt général prend un relief particulier lorsqu'il s'agit de prévenir des risques terroristes. En effet, les agents de sécurité ou les agents de recherches privés peuvent avoir accès à des locaux et à des sites publics privés particulièrement sensibles - zones protégées de défense, sites SEVESO, installations électriques, pétrolières... - pour répondre à la demande de leurs clients.

En l'état actuel de la législation, l'agrément et l'habilitation sont délivrés aux personnes qui n'ont ni fait l'objet d'une condamnation mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire ni « commis d'actes, éventuellement mentionnés dans les traitements automatisés de données personnelles gérés par les autorités de police, contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État ».

Seules les personnes ayant commis une infraction dont la procédure judiciaire est en cours ou dont la responsabilité a été reconnue par la justice sont visées par cet article. De ce fait, les moyens d'action du préfet pour refuser un agrément sont limités.

Or les personnes susceptibles d'apporter un soutien logistique à des activités terroristes n'ont pas nécessairement commis de faits inscrits dans les fichiers de police. Il importe en conséquence que des informations relatives au comportement, à la moralité de la personne ou à son environnement social, indépendamment de toute commission d'infraction ou inscription dans un traitement d'antécédents judiciaires, puissent également être portées à la connaissance du préfet dans le cadre de l'instruction des agréments.

A cette fin, l'amendement étend également la possibilité de consulter des fichiers de police aux fichiers relevant de l'article 26 de la loi de 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Outre les fichiers STIC et JUDEX, qui étaient déjà consultables, pourraient être consultés les fichiers des personnes recherchées, des renseignements généraux ou de la DST.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cet amendement est important.

En effet, les préfets sont confrontés à une difficulté pour motiver les décisions de refus d'agrément lorsqu'une personne connue des services des renseignements généraux ou de la DST pour entretenir des liens avec une mouvance terroriste n'a commis aucune infraction.

Il est donc nécessaire d'étendre le champ des motifs de refus d'agrément à des éléments issus de la consultation des fichiers de renseignements relatifs au comportement ou à la moralité de la personne.

Cet amendement fait référence - j'attire vraiment l'attention du Sénat sur ce point - aux seuls fichiers visés à l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il englobe les fichiers de police STIC et JUDEX, les fichiers des services de renseignement des RG et de la DST, ainsi que le fichier des personnes recherchées, le FPR. En sont exclus les fichiers d'identification.

Je vous demande vraiment de faire la part des choses entre ces deux types de fichiers. Ceux qui sont totalement exclus sont le fichier automatisé des empreintes digitales, le FAED, et le fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, qui répondent exclusivement à des finalités de police judiciaire et non de police administrative.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. En vous faisant part de l'avis favorable du Gouvernement sur cet amendement de la commission, je tenais à préciser ce dispositif, dans lequel la différence est bien faite entre finalités de police judiciaire et finalités de police administrative.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant le chapitre VII.

L'amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant le chapitre VII, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Après l'article L. 213-4 du code de l'aviation civile, est inséré un nouvel article L. 213-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 213-5 - L'accès aux lieux de préparation et de stockage des biens et produits visés au premier alinéa de l'article L. 213-4 est soumis à la possession d'une habilitation délivrée par le représentant de l'État dans le département et, à Paris, par le préfet de police.

« L'enquête administrative diligentée aux fins d'instruction de la demande d'habilitation peut donner lieu à consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés à l'exception des fichiers d'identification. »

II.- Après l'article L. 321-7 de ce même code, est inséré un nouvel article L. 321-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 321-8 - L'accès aux lieux de traitement, de conditionnement et de stockage du fret et des colis postaux visés aux sixième et septième alinéas de l'article L. 321-7 est soumis à la possession d'une habilitation délivrée par le représentant de l'État dans le département et, à Paris, par le préfet de police.

« L'enquête administrative diligentée aux fins d'instruction de la demande d'habilitation peut donner lieu à consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés à l'exception des fichiers d'identification. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement est sous-tendu par la même logique que l'amendement précédent.

Il vise à permettre aux préfets d'agréer les personnes qui peuvent accéder aux lieux de stockage et de fret lorsque les lieux concernés sont situés en dehors des zones réservées des aérodromes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant le chapitre VII.

CHAPITRE VII

Dispositions relatives à l'outre-mer

Division et art. additionnels avant le chapitre VII (avant l'art. 13)
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Art. 14

Article 13

L'article 31 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité est ainsi rédigé :

« Art. 31. - Les dispositions de la présente loi sont applicables à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, à l'exception des articles 6, 9, 11 à 14, 17, 18 et 24 ainsi que de l'article 23 pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie et de l'article 33 pour ce qui concerne Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna, la Polynésie française et les Terres australes et antarctiques françaises, sous réserve des modifications suivantes :

« 1° Dans les III et III bis de l'article 10 et les I, II, III et IV de l'article 10-1, les mots : "représentant de l'État dans le département" sont remplacés par les mots : "représentant de l'État" ;

« 2° Dans les III, III bis, V, VI et VII de l'article 10 et les II, III et VI de l'article 10-1, les mots : "commission départementale" sont remplacés par les mots : "commission locale" ;

« 3° Pour leur application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna :

« a) Dans le VI de l'article 10 et le V de l'article 10-1, le montant de l'amende en euros est remplacé par sa contre-valeur en monnaie locale ;

« b) Dans le VI de l'article 10, les mots : "et L. 120-2, L. 121-8 et L. 432-2-1 du code du travail" sont supprimés ;

« c) Dans le troisième alinéa du I de l'article 10-1, les mots : "régie par la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs" sont supprimés ;

« 4° Pour son application à Mayotte, dans le VI de l'article 10, les mots : "et L. 120-2, L. 121-8 et L. 432-2-1 du code du travail" sont remplacés par les mots : "et L. 442-6 du code du travail applicable à Mayotte" ;

« 5° Pour son application dans les îles Wallis et Futuna, dans le VI de l'article 10, la référence aux articles L. 120-2, L. 121-8 et L. 432-2-1 du code du travail est remplacée par la référence aux dispositions correspondantes applicables localement. »

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article 31 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« 1°A- Les dispositions de l'article 7 abrogées en vertu de l'article 12 de la loi n° 96-142 du 21 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales restent en vigueur pour ce qui concerne Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination relatif à l'application du dispositif outre-mer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le b) du 3° du texte proposé par cet article pour l'article 31 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité :

« b) Au VI de l'article 10, les mots : "des articles 226-1 du code pénal et L. 120-2, L. 121-8 et L. 432-2-1 du code du travail" sont remplacés par les mots : "de l'article 226-1 du code pénal" ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.

(L'article 13 est adopté.)

Art. 13
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Art. 15 A

Article 14

I. - Les dispositions de la présente loi, à l'exception de celles de l'article 3, sont applicables à Mayotte, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, sous réserve des modifications prévues aux II et III.

II. - Pour l'application de l'article 6 de la présente loi et de l'article 421-6 du code pénal, le montant des amendes en euros est remplacé par sa contre-valeur en monnaie locale en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

III. - Au livre VII du code monétaire et financier :

1° Pour son application à Mayotte l'article L. 735-13 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, le mot et la référence : « et L. 574-2 » sont remplacés par le mot et la référence : « à L. 574-3 » ;

b) Dans le second alinéa, les mots : « Les références à l'article 415 du code des douanes » sont remplacés par les mots : « Les références aux articles 415 et 453 à 459 ainsi qu'aux titres II et XII du code des douanes » ;

2° Pour son application à la Nouvelle-Calédonie l'article L. 745-13 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, le mot et la référence : « et L. 574-2 » sont remplacés par le mot et la référence : « à L. 574-3 » ;

b) Dans le second alinéa, les mots : « Les références à l'article 415 du code des douanes » sont remplacés par les mots : « Les références aux articles 415 et 453 à 459 ainsi qu'aux titres II et XII du code des douanes » ;

3° Pour son application à la Polynésie française l'article L. 755-13 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, le mot et la référence : « et L. 574-2 » sont remplacés par le mot et la référence: « à L. 574-3 » ;

b) Dans le second alinéa, les mots : « Les références à l'article 415 du code des douanes » sont remplacés par les mots : « Les références aux articles 415 et 453 à 459 ainsi qu'aux titres II et XII du code des douanes » ;

4° Pour son application aux îles Wallis et Futuna l'article L. 765-13 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, le mot et la référence : « et L. 574-2 » sont remplacés par le mot et la référence : « à L. 574-3 » ;

b) Dans le second alinéa, les mots : « Les références à l'article 415 du code des douanes » sont remplacés par les mots : « Les références aux articles 415 et 453 à 459 ainsi qu'aux titres II et XII du code des douanes ».

M. le président. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le I de cet article :

I.- Sous réserve des modifications prévues au 1° du III, les dispositions de la présente loi, à l'exception de l'article 3, sont applicables à Mayotte.

Sous réserve des modifications prévues au II et au 4° du III, les dispositions de la présente loi, à l'exception des articles 3, additionnels avant l'article 13 (cf amendements nos 26 rectifié et 27 rectifié) et 15 C sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.

Sous réserve des modifications prévues au II et aux 2° et 3° du III, les dispositions de la présente loi, à l'exception des articles 3, 10 sexies, additionnels avant l'article 13 (cf amendements nos 26 rectifié et 27 rectifié), 15 A et 15 C sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination destiné à rendre applicable le dispositif en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les terres Australes et Antarctiques françaises.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 113, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

IV.- Après l'article L. 422-5 du code des assurances, il est inséré un article L. 422-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 422-6. - Les articles L. 422-1 à L. 422-5 sont applicables à Mayotte et dans les îles Wallis et Futuna. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est un amendement de coordination qui actualise les dispositions pour Mayotte ainsi que pour Wallis et Futuna.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)

CHAPITRE VIII

Dispositions finales

Art. 14
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Art. 15 B

Article 15 A

I. - L'article L. 126-2 du code des assurances est ainsi rédigé :

« Art. L. 126-2. - Les contrats d'assurance garantissant les dommages d'incendie à des biens situés sur le territoire national, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré pour les dommages matériels directs causés aux biens assurés par un attentat ou un acte de terrorisme tel que défini par les articles 421-1 et 421-2 du code pénal subis sur le territoire national.

« La réparation des dommages matériels, y compris les frais de décontamination, et la réparation des dommages immatériels consécutifs à ces dommages sont couvertes dans les limites de franchise et de plafond fixées au contrat au titre de la garantie incendie.

« Lorsqu'il est nécessaire de décontaminer un bien immobilier, l'indemnisation des dommages, y compris les frais de décontamination, ne peut excéder la valeur vénale de l'immeuble ou le montant des capitaux assurés.

« En outre, si l'assuré est couvert contre les pertes d'exploitation, cette garantie est étendue aux dommages causés par les attentats et les actes de terrorisme, dans les conditions prévues au contrat.

« La décontamination des déblais ainsi que leur confinement ne rentrent pas dans le champ d'application de cette garantie.

« Toute clause contraire est réputée non écrite.

« Un décret en Conseil d'État détermine les dérogations ou les exclusions éventuellement applicables aux contrats concernant les grands risques définis à l'article L. 111-6 au regard de l'assurabilité de ces risques. »

II. - Après l'article L. 126-2 du même code, il est inséré un article L. 126-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 126-3. - Les entreprises d'assurance doivent insérer dans les contrats mentionnés à l'article L. 126-2 une clause étendant leur garantie aux dommages mentionnés audit article. » 

III. - 1. Le I s'applique aux contrats en cours à compter de la publication de la présente loi.

2. Le II s'applique aux contrats souscrits six mois à compter de la publication de la présente loi et, pour les autres contrats, lors de la conclusion du premier avenant consécutif à l'échéance de ce même délai. - (Adopté.)

Art. 15 A
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Art. 15 C

Article 15 B

Dans l'article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les mots : « de militaires de la gendarmerie nationale » sont remplacés par les mots : « de militaires ou de personnels civils du ministère de la défense ». - (Adopté.)

Art. 15 B
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Art. 15

Article 15 C

Après l'article 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, il est inséré un article 42-12 ainsi rédigé :

« Art. 42-12. - Lorsque, par son comportement d'ensemble à l'occasion de manifestations sportives, une personne constitue une menace pour l'ordre public, le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où de telles manifestations se déroulent ou sont retransmises en public.

« L'arrêté, valable sur le territoire national, fixe le type de manifestations sportives concernées. Il ne peut excéder une durée de trois mois.

« Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent également imposer, par le même arrêté, à la personne faisant l'objet de cette mesure l'obligation de répondre, au moment des manifestations sportives objet de l'interdiction, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée qu'il désigne.

« Le fait, pour la personne, de ne pas se conformer à l'un ou à l'autre des arrêtés pris en application des alinéas précédents est puni de 3 750 € d'amende.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 78 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 102 est présenté par MM. Peyronnet, Badinter et Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et Tasca, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz, Sueur, Vantomme et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 78.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 15 C, qui prévoit une mesure d'interdiction administrative de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où des manifestations sportives se déroulent ou sont retransmises en public, s'insérerait dans la loi du 16 juillet 1984, qui fait régulièrement l'objet de modifications introduites par divers textes.

Cette disposition est inacceptable, car elle dévie la loi de 1984 de son objet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 102.

M. Jean-Pierre Sueur. Après avoir été taxés, de manière extrêmement choquante, de soutenir les terroristes, j'espère que nous ne serons pas maintenant taxés de soutenir les hooligans !

Notre approche est claire : le texte relatif à la lutte contre le terrorisme ne doit comporter que des mesures relatives à la lutte contre le terrorisme. Nous avons refusé toute forme d'amalgame, y compris entre la délinquance et le terrorisme.

Le terrorisme est atroce, mais spécifique. À ce titre, il doit relever de mesures spécifiques encadrées, dans le respect du droit.

Certes, il est légitime de légiférer sur l'accès aux stades, sur les délits, voire parfois les crimes qui ont été malheureusement commis dans les enceintes sportives : c'est un vrai sujet et nous sommes tout à fait prêts à en débattre, mais pas dans le cadre de ce projet de loi.

Nous sommes donc opposés à cette disposition, non pas parce qu'elle n'est pas pertinente ou qu'il n'y a pas lieu d'en délibérer, mais parce qu'elle relève d'un domaine différent.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une logique !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques qui visent à supprimer l'article 15 C, dont l'objet est de créer une mesure de police administrative d'interdiction de stade d'une durée de trois mois.

Les auteurs de ces amendements reprochent à cet article de ne pas concerner la lutte contre le terrorisme. Certes, j'en conviens, mais, à mon sens, cette mesure est vraiment importante eu égard aux incidents répétés que nous avons connus à l'occasion de matches de football entre supporters, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est incroyable !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. ... certains gestes et certains actes étant particulièrement inadmissibles dans un lieu sportif.

J'ajoute que, dans son intitulé, le projet de loi vise également des « dispositions diverses relatives à la sécurité ». Il n'abuse d'ailleurs pas de cette facilité, puisque les dispositions étrangères à la lutte contre le terrorisme sont très minoritaires.

Le sujet traité étant particulièrement important, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 78 et 102.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 C.

(L'article 15 C est adopté.)

Art. 15 C
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Art. additionnel après l'art. 15

Article 15

I. - Supprimé.

II. - Les dispositions des articles 3, 5 et 8 sont applicables jusqu'au 31 décembre 2008.

Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l'application de la présente loi.

M. le président. L'amendement n° 103, présenté par MM. Peyronnet, Badinter et Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et Tasca, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz, Sueur, Vantomme et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du II de cet article :

L'ensemble des dispositions de la présente loi n'est applicable que jusqu'au 31 décembre 2008.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Au cours de la discussion générale, nous avons clairement dit que l'ensemble des dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme devaient être prévues pour une durée limitée et déterminée. En effet, nous pouvons tous espérer que le terrorisme sera un jour éradiqué.

S'agissant de mesures exceptionnelles, nous considérons qu'il est sage de prévoir que ces dispositions ne s'appliqueront que pendant un laps de temps déterminé.

On a dit beaucoup de bien - ce qui est rare et qui fera certainement plaisir à son auteur - de la loi pour la sécurité intérieure, présentée sur l'initiative de M. Daniel Vaillant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous l'avons votée !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce texte avait donné lieu à des débats riches dans cet hémicycle. Or vous vous souvenez, mes chers collègues, que chacun avait alors convenu qu'il était particulièrement sage - et, monsieur Hyest, vous aviez voté cette loi dans cet esprit - de limiter dans le temps les mesures prévues.

Ce qui vous paraissait bon hier, mes chers collègues, ne peut que vous paraître également bon aujourd'hui ! J'espère donc que vous souscrirez à notre amendement tendant à prévoir que l'ensemble des dispositions de la présente loi s'appliqueront jusqu'au 31 décembre 2008. Ensuite, il reviendra au Gouvernement et au Parlement de décider de la suite à leur donner.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à étendre à l'ensemble des articles du projet de loi la clause de rendez-vous fixée au 31 décembre 2008. Or je rappelle que le projet de loi ne prévoit cette dernière que pour les articles 3, 5 et 8. Il est notamment difficile d'étendre ce dispositif provisoire à l'article 6, qui vise à transposer une directive communautaire.

En outre, l'essentiel du dispositif de contrôle prévu dans l'article 7 est déjà inscrit dans la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003. Ce n'est donc pas une nouveauté.

Par ailleurs, les investissements qu'exigent tant l'article 7 que les articles 6 et 4 pour l'État, les compagnies aériennes ou les cybercafés rendent difficile l'adoption à titre provisoire de ces dispositions.

Enfin, il ne faut pas abuser des dispositions provisoires, qui créent une insécurité juridique.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, comme je sais que vous êtes très attaché au compte rendu analytique, ...

M. Jean-Pierre Sueur. Et au compte rendu intégral, monsieur le ministre ! Il faut être respectueux des deux services !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... permettez-moi de relever que vous avez fait référence à la loi pour la sécurité intérieure, alors que la loi de Daniel Vaillant était relative à la sécurité quotidienne.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison, monsieur le ministre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je me réjouis d'ailleurs d'avoir moi-même voté, en son temps, cette loi.

Dans le prolongement de ce que vient de dire M. le rapporteur, j'indique que la lutte contre le terrorisme nécessite l'adoption de mesures adaptées s'inscrivant dans une action de longue durée. Dès lors, il n'est pas envisageable de limiter à trois ans l'ensemble des dispositions du présent projet de loi, certaines d'entre elles étant nécessairement pérennes. Nous ne pouvons pas, notamment, transposer dans notre droit interne des directives européennes de manière transitoire, car nous contreviendrions alors aux règles européennes.

Toutefois, chaque fois que cela a été possible, le Gouvernement a limité dans le temps l'application des dispositions. C'est le cas des articles 3, 5 et 8, qui ne seront applicables que jusqu'au 31 décembre 2008.

Pour ce qui concerne les systèmes de vidéosurveillance, dans la mesure où les autorisations ont désormais une durée limitée, nous avons prévu une clause de rendez-vous de cinq ans.

Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Art. 15
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Intitulé du projet de loi

Article additionnel après l'article 15

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 15, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Un arrêté interministériel détermine les services de police et de gendarmerie nationales spécialement chargés de la prévention et de la répression des actes de terrorisme au sens de la présente loi.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tire la conséquence de la suppression de l'article 1er bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15.

Art. additionnel après l'art. 15
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé du projet de loi

M. le président. L'amendement n° 104, présenté par MM. Peyronnet, Badinter et Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et Tasca, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz, Sueur, Vantomme et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi :

Projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. À moins que le Gouvernement ne se ressaisisse, nous sommes bien actuellement en présence d'un texte qui balaie très large, puisque de nombreuses dispositions n'ont rien à voir avec la lutte contre le terrorisme.

Tout au long de l'examen de ce projet de loi, le groupe socialiste, comme le groupe CRC, a veillé à faire en sorte que les mesures inscrites dans le texte se rapportent directement et uniquement à la lutte contre le terrorisme, sujet suffisamment grave pour ne pas être noyé au sein de propositions diverses.

Par voie d'amendement, nous avons également tenu à écarter toutes les autres dispositions motivées par une autre finalité. À plusieurs reprises, nous avons dénoncé avec force l'amalgame entre terrorisme et immigration irrégulière. À cet égard, vous avez prétendu, monsieur le ministre, que c'était nous qui faisions cette confusion. Je vous renvoie donc à la lecture du paragraphe I de l'article 6 du projet de loi : « Afin d'améliorer le contrôle aux frontières et de lutter contre l'immigration clandestine,... » ; ce ne sont pas les parlementaires qui ont rédigé ce texte, monsieur le ministre, mais bien le Gouvernement !

Par souci de cohérence, nous proposons donc de modifier l'intitulé du projet de loi, afin de préciser clairement qu'il est relatif à la lutte contre le terrorisme.

Cela étant, je ne vous cache pas, mes chers collègues, que, si deviez adopter cet amendement, nous devrions procéder à une seconde lecture du projet de loi, afin d'en retirer de nombreuses dispositions.

Je regrette que, en dépit de l'unanimité qui s'est manifestée dans cette enceinte pour souligner le danger que représente actuellement le terrorisme, pour condamner celui-ci de la façon la plus forte et pour reconnaître l'action des juges et des policiers qui ont protégé notre pays ces dernières années, le Gouvernement, par manque de sang-froid, n'ait pas accepté les amendements que nous avons proposés.

Pour la forme, je vous propose donc, mes chers collègues, de voter cet amendement tendant à modifier l'intitulé du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. J'allais dire que cet amendement n'a plus d'objet dans la mesure où nous avons adopté des articles et des amendements qui ne concernent pas que le terrorisme.

Pour éviter de recommencer le débat, la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Intitulé du projet de loi
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de ces deux derniers jours, nos débats ont été intenses.

Vous aurez remarqué, mes chers collègues, que le groupe socialiste a présenté un nombre limité d'amendements, dont l'objet était de restaurer certaines garanties auxquelles il est très attaché et d'éviter certains amalgames qui semblent particulièrement préjudiciables.

Malheureusement, à une exception près touchant deux mots, aucun de nos amendements n'a été adopté. Nous aurions été très sensibles au fait qu'il en soit autrement, mais telle n'a pas été la volonté du Gouvernement.

Je répéterai les deux raisons pour lesquelles nous voterons contre ce projet de loi.

Bien sûr, je dois redire pour la vingtième fois, sinon plus, combien nous sommes attachés à la lutte contre le terrorisme : le terrorisme est la négation de la civilisation et il nous menace tous.

Mais nous tenons à dire qu'il est possible - et nécessaire - de lutter contre le terrorisme sans procéder à ces amalgames, et dans le respect de l'État de droit.

Il n'était pas besoin, vous le savez bien, de mêler la question de l'immigration à celle de la lutte contre le terrorisme. Nous avons tenté de l'expliquer de toutes les manières possibles, malheureusement sans succès.

Je veux solennellement réaffirmer deux choses : premièrement, il est, bien sûr, légitime de mettre en oeuvre un dispositif de lutte contre le terrorisme ; deuxièmement, il est, bien sûr, légitime de mettre en oeuvre une politique de l'immigration,... sur laquelle nous pouvons avoir, les uns et les autres, des avis divergents.

Dès lors qu'existe une politique de l'immigration, il est logique de prendre des mesures pour réprimer l'immigration clandestine. En revanche, il n'est pas légitime, à notre sens, de tout mélanger et, ainsi, d'entretenir inéluctablement le soupçon.

Nous sommes contre les terroristes d'où qu'ils viennent, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur nationalité. Mais gardons-nous de tout préjugé, car préjuger est non seulement une erreur, mais encore c'est ouvrir la porte aux stigmatisations, aux procès d'intention, qui se retournent immanquablement contre nous et contre notre pays.

En second lieu, nous considérons qu'il est possible, nécessaire et indispensable de mener la lutte contre le terrorisme dans le respect de l'État de droit.

On a parlé ici même des juges antiterroristes, auxquels un hommage a été justement rendu. On a souhaité que leur action soit facilitée et que leurs moyens soient renforcés. Évidemment, nous y sommes favorables ! Mais les juges restent des juges ! Or dix articles du projet de loi ont pour objet de substituer aux décisions de l'autorité judiciaire celles des services administratifs dans la lutte contre le terrorisme.

Il n'est pas compatible avec un État de droit que des autorités administratives puissent, en l'absence de toute décision judiciaire ou de tout contrôle du juge, en l'absence même de toute ouverture d'enquête, mettre en oeuvre à tout moment des procédures touchant à la liberté d'aller et venir et tendant à contrôler la libre circulation des personnes, les déplacements ou la tenue de réunions, de manifestations, de grands rassemblements et d'événements particuliers : je cite là les termes du projet de loi.

Il est franchement incompatible avec un État de droit que, dans le domaine des communications téléphoniques ou électroniques, on refuse ici même de mettre en oeuvre les prérogatives de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, pour s'en remettre à une personnalité désignée de facto par le ministre de l'intérieur.

Était-il impossible de prévoir que cette commission, présidée par un haut magistrat, doive donner son avis au pouvoir exécutif avant qu'il agisse ?

Était-il impossible de prévoir que les parquets et les juges, auxquels il convient de rendre hommage encore une fois, doivent exercer pleinement leurs pouvoirs ?

C'était possible, mais, malheureusement, les auteurs de ce texte n'ont pas exprimé la volonté de conjuguer la lutte la plus impitoyable contre le terrorisme avec le respect de l'État de droit.

Je conclurai par cette phrase, que nous avons prononcée à plusieurs reprises au cours de ce débat : la plus grande victoire des terroristes serait de nous conduire à renoncer à l'État de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est, en fait, le fruit de la manipulation de l'opinion publique orchestrée par le Gouvernement, qui n'hésite pas à instrumentaliser la peur et à stigmatiser les étrangers dans le but de restreindre toujours un peu plus les libertés et les droits fondamentaux.

En cela, les terroristes ont gagné la première manche dans la lutte qu'ils livrent sans merci contre les démocraties.

Agiter la menace terroriste et multiplier les mesures sécuritaires permet également au Gouvernement de faire oublier à nos concitoyens qu'il ne propose aucune alternative économique ou sociale susceptible d'améliorer leurs conditions de vie.

Que constate-t-on à la lecture de ce texte ?

La vidéosurveillance permettra au mieux d'identifier les auteurs d'actes terroristes, mais aucunement de prévenir leur folie meurtrière. Il en va de même s'agissant des contrôles d'identité, du durcissement des peines d'emprisonnement ou de l'allongement de la durée de garde à vue. Même la disposition relative au gel des avoirs des terroristes, qui pourrait donner l'impression que, en s'attaquant à l'argent des réseaux, on agit sur des points stratégiques, ne va pas assez loin. À cet égard, il est regrettable que nos amendements relatifs au secret bancaire aient été rejetés, alors même que, lorsqu'il était à Bercy, M. Sarkozy attendait ce genre de propositions, dont il était très friand.

Malgré tout, les mesures contenues dans ce texte ont un point commun : elles ne s'appliqueront qu'a posteriori, une fois que l'acte terroriste aura été perpétré et après qu'il aura fait des victimes. Cela nous force à en relativiser la portée et, par conséquent, l'efficacité.

Si nous condamnons fermement le terrorisme - et nous l'avons fait tout au long de ces deux jours de débat -, nous n'en considérons pas moins que, tant que les inégalités économiques et sociales existeront entre les pays riches et les pays pauvres, tant que la mondialisation des marchés financiers servira de support au financement des réseaux terroristes, nous éprouverons de grandes difficultés à éradiquer cette menace.

En tout état de cause, nous n'y parviendrons pas en renonçant à l'esprit de notre État de droit, fondé sur la préservation des libertés individuelles, que ce soit la liberté d'aller et venir ou le respect de la vie privée.

Or c'est pourtant ce à quoi vise le texte que nous propose le Gouvernement. C'est pourquoi notre groupe votera contre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, les sénateurs socialistes ont pris la décision de voter contre ce projet de loi.

Ils auraient pu faire autrement, et cette décision est le fruit d'une longue réflexion : je veux dire très solennellement que, si l'un quelconque d'entre nous ou d'entre vous avait pu faire, lors des débats, la démonstration que ce texte pouvait prémunir notre patrie d'un seul attentat, nous l'aurions voté.

Sachez donc que c'est pleinement conscients de l'inanité de son contenu que nous avons pris notre décision. Vous n'êtes pas parvenus à nous convaincre du contraire.

Une mesure parmi tant d'autres est particulièrement emblématique du caractère de gesticulation et d'affichage de ce texte : celle qui permet dorénavant de déchoir de la nationalité française quelqu'un qui l'aurait acquise depuis quinze ans, contre dix ans auparavant. Cette mesure n'aura aucun effet concret et technique ! Au fond, elle ne fait que renforcer la suspicion généralisée qui pèse sur tout individu qui n'aurait pas eu le bon goût de devenir Français, à temps et au bon moment.

Peu importe, d'ailleurs, les raisons pour lesquelles il ne l'était pas : ce qui importe, c'est que cette disposition ne stigmatise que ceux qui sont naturalisés. On cherche en vain l'intérêt d'une telle mesure dans la lutte contre le terrorisme !

En l'espèce, M. le ministre nous a demandé d'accepter la mise en place cette disposition avec un champ d'application étendu, afin de mieux pouvoir mieux éloigner ensuite les terroristes que nous capturerions. Eh bien, pour ma part, je ne souhaite pas que l'on éloigne ceux que nous frappons, ceux qui nous auraient menti et qui auraient pris la nationalité française pour mieux nuire à leurs semblables. Au contraire, je souhaite que nous les tenions à notre disposition tout le temps nécessaire pour leur faire payer le prix de ce qu'ils ont fait aux autres et les rendre inoffensifs.

Ce projet de loi contient d'autres exemples tout aussi parlants.

Cette attitude s'inscrit dans l'air du temps, car il faut bien admettre que la France n'est pas seule concernée. Certes, le terrorisme est un phénomène bien réel, mais nos démocraties, de façon surprenante et comme par effet d'aubaine, profitent de la menace terroriste pour mettre en place des mesures contrevenant au régime de libertés publiques qu'elles ont pendant tant d'années rivalisé à mettre en place et dont elles estimaient qu'il reflétait leur identité profonde, par opposition à un tout autre système.

Elles rivalisent à présent pour adopter des dispositions de plus en plus privatives de libertés individuelles. Ce faisant, elles créent une ambiance qui permet en toutes circonstances de substituer à la grande question sociale qui agite le monde les fantasmes de la question ethnique, raciale, sécuritaire, etc. C'est une vieille ruse de l'Histoire...

Voilà le tableau tel qu'il se dessine. Voilà comment notre pays entre à son tour dans l'ère du soupçon généralisé, dans l'ère de la suspicion universelle et de l'exception permanente, à coups de lois nourrissant jour après jour les angoisses dont elles se prévalent ensuite.

On voit ainsi d'éminents collègues, au demeurant brillants cerveaux, nous dire à cette tribune leur surprise du faible nombre d'attentats alors que l'on circule si facilement dans les aéroports. Ainsi, on s'étonne maintenant de ne pas avoir peur ! Voilà donc où nous en sommes parvenus, tant la pression est grande sur les esprits et tant le poison de la méfiance est répandu.

Nous n'avons pas l'intention, si peu que ce soit, d'ignorer cette réalité contenue dans la loi.

Naturellement, nous aurions pu évoquer certains aspects positifs du projet : personne ici n'aura la sottise de dire que ce texte n'aura aucun effet sur la lutte contre le terrorisme, qu'il n'offrira pas, ici ou là, quelque facilité. Ce serait stupide, et totalement exagéré. Mais son économie générale, sa structuration et les liens qui unissent les parties qui le constituent font de ce texte un système dont nous ne voulons pas.

Durant ces deux jours de débat, il n'a pas été question de lutte contre le terrorisme. Il n'a été question que de la meilleure manière d'attribuer à l'autorité judiciaire ce qui était hier du ressort du pouvoir législatif, et d'attribuer à l'autorité administrative ce qui était hier du ressort de l'autorité judiciaire. En définitive, il n'a été question que d'accroître les moyens de coercition pour effrayer les Français et leur faire aimer le contrôle arbitraire.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.

M. Jean-François Humbert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que l'indiquait dans son propos liminaire notre excellent rapporteur, Jean-Patrick Courtois, l'enjeu majeur, pour nous parlementaires, lorsque nous légiférons en matière de lutte contre le terrorisme, est de maintenir fidèlement un cap en gardant à l'esprit le double objectif qui s'impose à nous.

D'une part, il nous faut assumer la responsabilité que nous avons à l'égard de nos concitoyens, en leur garantissant que nos services de police et de gendarmerie peuvent bénéficier de tout l'arsenal technique et technologique nécessaire pour prévenir les actes terroristes.

D'autre part, il nous faut nous assurer que toutes les mesures que nous adoptons préservent les libertés publiques.

Certains pensent que les démocraties, par nature, ne disposent pas des instruments pour lutter contre ces actes les plus abominables et que leur souci de légalité est une faiblesse. D'autres pensent que toute mesure de police administrative est déjà, en soi, un ver dans le fruit de la démocratie. Nous ne nous retrouvons dans aucun de ceux-là et nous considérons que l'honneur du législateur est, justement, de savoir prendre ses responsabilités.

Mes chers collègues, le texte que nous apprêtons à adopter répond à cette double exigence et nous pouvons nous enorgueillir d'améliorer notre droit, qui, en la matière, fait figure d'exemple parmi les grandes démocraties.

Sans doute cela tient-il à notre procédure inquisitoire, particulièrement adaptée puisqu'elle place les magistrats au coeur du dispositif. En effet, ceux de nos partenaires, notamment anglo-saxons, qui disposent d'un système accusatoire ont dû avoir recours à des législations d'exception qui ne nous semblent pas être d'aussi bonne politique.

Nos partenaires nous envient la qualité de nos services de lutte contre le terrorisme et l'efficacité de notre procédure. Pourquoi en rougirions-nous ?

Nous ne comprenons donc pas la position du groupe socialiste en la matière : la législation antiterroriste a, jusqu'à maintenant, toujours fait l'objet d'un consensus entre les grands partis à vocation majoritaire.

Cette volonté de politiser un débat sur lequel nos concitoyens attendent un front uni est regrettable, et les arguments que nous avons entendus depuis hier soir nous semblent particulièrement infondés.

La vidéosurveillance, la densification des sources d'information ne sont rien d'autre que des mesures que les magistrats eux-mêmes nous demandent d'instituer pour assurer leur mission et s'adapter à l'évolution permanente des cellules terroristes.

Aucune de ces dispositions ne soulève de problème d'inconstitutionnalité ! Au demeurant, vous n'avez pas, mes chers collègues, déposé de motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité sur ce projet de loi.

Ce réveil sourcilleux ne peut que nous interpeller lorsque nous nous souvenons de la loi Vaillant sur la sécurité intérieure, adoptée quelques semaines après la tragédie du 11 septembre.

Souvenons-nous que le gouvernement d'alors s'était assuré auprès de l'opposition qu'elle ne déposerait pas de recours devant le Conseil constitutionnel, tant il craignait que les sages aient à dire ou à redire sur ses propres mesures.

Qu'aurions-nous entendu, aujourd'hui, si c'était notre majorité qui avait proposé la fouille des véhicules, pour ne prendre que cet exemple après le débat que nous avons eu ce matin sur la vidéosurveillance !

D'ailleurs, comment ne pas pointer - pardonnez-moi ce terme - vos quelques incohérences ? Vous reprochez à ce texte d'étendre inutilement, et de manière attentatoire aux libertés publiques, la vidéosurveillance. Pourtant, ce matin, sur l'initiative de notre groupe, le droit attribué aux préfets de prescrire l'installation de tels systèmes pour les exploitants de lieux ouverts au public a été supprimé, précisément afin d'éviter que les autorités de l'État ne s'immiscent dans le domaine privé. Or cette disposition avait été introduite à l'Assemblée nationale par vos collègues députés !

Nos concitoyens seront seuls juges de cette attitude quelque peu polémique. Pour notre part, nous assumerons nos responsabilités face à eux et le groupe de l'UMP votera ce texte tel qu'il ressort de nos travaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Le groupe de l'UC-UDF votera ce texte, pour des raisons similaires à celles qu'ont avancées nos collègues du groupe de l'UMP.

M. Mélenchon disait tout à l'heure que je ne sais quelle mesure serait dans l'air du temps... Ce qui est dans l'air du temps, c'est le terrorisme : ne confondez pas, s'il vous plaît, la cause et l'effet !

Le terrorisme, nous le savons tous, est une forme moderne et insaisissable de la barbarie, qui était totalement imprévisible il y a encore une vingtaine d'années. Il prend aujourd'hui des dimensions invraisemblables qui échappent aux prévisions : des individus isolés, apparemment faibles, presque sans argent et munis d'un simple canif, peuvent provoquer des désastres épouvantables. Il s'agit d'une forme nouvelle de guerre complètement effarante, qui est probablement loin d'avoir dit son dernier mot.

Face à ce terrorisme, il est de salut public de réagir et d'essayer de trouver des solutions pour y remédier. Et, même si je suis de ceux qui estiment que celles qui ont été imaginées ne sont pas parfaites, je considère qu'il faut quand même agir.

Selon nos collègues de l'opposition, les mesures qui nous sont proposées seraient liberticides. Mais que suggèrent-ils pour les remplacer ? Apparemment, rien !

Quoi qu'il en soit, ceux d'entre nous qui ont bien connu les démocraties populaires le savent parfaitement, ce ne sont pas les textes qui sont liberticides, ce sont les pratiques.

M. Pierre Fauchon. Ainsi, il m'est arrivé d'observer les institutions et les lois de ces démocraties populaires. D'un point de vue formel, elles étaient apparemment parfaites. Mais leur application, quant à elle, était bien liberticide !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas une bonne comparaison !

M. Pierre Fauchon. Soyons vigilants sur les pratiques, mais ne sonnons pas le tocsin systématiquement, parce que c'est une activité artificielle, ce n'est rien d'autre qu'un simulacre. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.)

Vous avez beau rire, madame, vous savez mieux que moi à quoi je fais allusion, et cela devrait vous encourager à ne pas parler des libertés, parce que vous êtes bien mal placée pour cela. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.) Oui, chère amie, il faut finir par dire les choses franchement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avez-vous quelque chose à me reprocher ? Je demande des excuses !

M. Pierre Fauchon. Vous avez très bien compris ce que je voulais dire : puisque vous appartenez au groupe communiste, c'est que vous avez quelques affinités avec les régimes communistes, qui n'ont pas été, jusqu'à nouvel ordre, exemplaires en matière de libertés. Vous voulez que je vous le dise ? Je le fais très volontiers ! J'ai déjà eu l'occasion de le dire à Charles Lederman il y a quelques années et, puisque vous le souhaitez, je vous le répète. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez rien à me dire à ce sujet ! Heureusement qu'il y a des communistes !

M. Pierre Fauchon. Le second ordre de critiques à l'encontre de ce texte consiste à dire, comme l'a fait Mme Boumediene-Thiery, que l'on n'est pas sûr de son efficacité. Peut-être,... mais il faut bien essayer de faire quelque chose !

Au demeurant, vous n'êtes pas sûrs non plus de l'inefficacité de ces mesures : en vérité, la marge d'incertitude dans ce domaine est très importante. Dans ce cas, et puisque ces affaires sont insaisissables, il faut bien tenter de trouver des solutions.

Les mesures qui nous sont proposées répondent globalement aux préoccupations et aux demandes de ceux qui sont en charge de ces responsabilités et qui mènent ce combat. Nous les avons d'ailleurs rencontrés, et écoutés très attentivement sur tous les aspects de la question. Ils risquent quotidiennement leur vie pour notre salut à tous. Ils méritent donc, à cet égard, qu'on leur témoigne une certaine confiance, notamment lorsqu'ils affirment que certaines mesures leur paraissent souhaitables !

C'est la raison pour laquelle nous voterons ce texte.

En conclusion, chers collègues de l'opposition, je dirai que, comme M. Humbert, je m'interroge sur votre ligne de conduite, qui me paraît assez différente de celle qui a dicté dans le passé la loi à laquelle nous avons fait allusion tout à l'heure, comme elle est différente de celle de vos collègues de l'Assemblée nationale : tout en disant que vous condamnez le terrorisme, vous semblez ne pas le prendre au sérieux.

L'autre explication - mais je ne veux pas imaginer un seul instant cette hypothèse - serait que vous ne prenez pas vos responsabilités au sérieux.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est un procès d'intention !

M. Pierre Fauchon. En ce qui nous concerne, nous prenons au sérieux, nous, nos responsabilités, comme nous prenons au sérieux le terrorisme. C'est la raison pour laquelle nous voterons ce texte ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier la Haute Assemblée dans son ensemble : nous avons eu un débat particulièrement nourri et riche, un débat de qualité, quelles qu'aient été les positions des uns et des autres. Chacun a affirmé avec force sa volonté de lutter contre le terrorisme.

Je remercie la commission des lois, son président, Jean-Jacques Hyest, et son excellent rapporteur, Jean-Patrick Courtois, dont les travaux ont utilement permis d'amender le projet de loi. Je remercie également les sénateurs, qui, sur quelque travée qu'ils siègent, ont fait preuve de leur esprit de responsabilité.

Face à la menace terroriste, nous avons un devoir collectif, celui de doter la France de tous les instruments juridiques nécessaires à la prévention de ces actes et à la répression de leurs auteurs.

Ce devoir est aussi un devoir moral. Je pense en cet instant, madame Borvo Cohen-Seat, aux victimes des attentats terroristes. C'est à eux, en vérité, que ce projet de loi est consacré.

À la différence de ce que nous avons constaté à l'Assemblée nationale, le groupe socialiste a choisi au Sénat de voter contre le projet de loi.

Le parti communiste a au moins un mérite,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est d'avoir défendu les libertés quand d'autres les supprimaient !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... c'est d'être constant dans son attitude.

Je regrette la position du groupe socialiste du Sénat, parce que je considère que les partis de gouvernement ont le devoir de faire preuve de responsabilité, et surtout de sens des réalités. Et je rappellerai de nouveau ce que fut l'attitude de l'opposition au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 à New York, dans le cadre du texte de loi proposé par Daniel Vaillant.

M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas pareil !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'opposition avait alors adopté à l'unanimité les dispositions proposées par le Gouvernement.

Je le redis, je considère que les partis de gouvernement ont le devoir d'être unis en ces circonstances.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que représentent les « partis de gouvernement » ? Le quart des électeurs inscrits !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Depuis le 11 septembre 2001, il y a eu Madrid, il y a eu Londres, et un certain nombre d'attentats ont été déjoués. Et, nous ne pouvons pas non plus l'oublier, la France a été cruellement frappée dans le RER en 1995.

Comme M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, le rappelait hier soir à cette même tribune, nous sommes malheureusement dans le cadre d'une guerre sournoise. Une menace constante pèse sur notre pays et nous avons le devoir, à cet instant précis, de nous unir.

Monsieur Sueur, monsieur Mélenchon, vous avez dit que vous regrettiez que le Gouvernement n'ait pas fait preuve de plus d'ouverture dans ce débat. Mais vous savez très bien que les règles du jeu étaient faussées dès le départ ! En effet, un débat interne a eu lieu au sein du groupe socialiste, comme l'a rappelé M. Mélenchon. J'imagine qu'il a été difficile, puisque le président du groupe socialiste au Sénat était favorable, vous le savez, à ce texte.

Nous avons adopté deux amendements proposés par le groupe socialiste, qui se sont ajoutés aux quatre amendements qui ont été adoptés à l'Assemblée nationale et qui émanaient également du groupe socialiste.

Il en est ainsi, notamment, de la prolongation de la garde à vue et de la présence du juge des libertés, ou encore de la mise en place de la commission départementale chargée de la vidéosurveillance. Alors que ce dispositif de vidéosurveillance avait été vivement dénoncé, l'attitude du groupe socialiste a conduit à renforcer son poids dans le texte.

Il en est ainsi, surtout, de l'amendement sur la commission du renseignement : M. le ministre de l'intérieur s'est engagé à mettre en place un groupe de travail au sein duquel chacun sera associé et dont les conclusions seront rendues le 15 février. Ces travaux devraient déboucher sur une proposition ou sur un projet de loi permettant de mettre en place cette commission.

En réalité, votre décision était prise à l'avance. L'ouverture était difficile à pratiquer dans ce débat dès lors que, contrairement à l'attitude du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, vous n'avez présenté, d'entrée de jeu, que des amendements de suppression de dispositions et d'articles. La messe était dite ! Vous ne pouvez donc pas nous dire, monsieur Sueur, que vous auriez souhaité que ce débat prenne une autre tournure.

Je note d'ailleurs qu'un certain nombre de sénateurs du groupe socialiste, en désaccord avec vous, ont fait le choix de ne pas être présents en séance et de ne pas participer à ce débat. Je souhaite leur rendre hommage !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est un procès ! De qui parlez-vous ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Mélenchon, vous dites que les propositions faites par le Gouvernement pour renforcer les dispositions visant à lutter contre le terrorisme n'auraient d'autre but que d'effrayer les Français. Mais ce qui effraie les Français, c'est la barbarie sourde et aveugle qui a frappé et qui menace de nous frapper au quotidien !

N'oubliez pas que vingt-huit personnes ont été interpellées depuis lundi à Clichy-sous-Bois, qu'un stock d'armes et de munitions a été démantelé la nuit dernière !

M. Jean-Luc Mélenchon. Sans votre loi !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cet arsenal comprenait un kilogramme de tolite en pains,...

M. Jean-Pierre Sueur. Sans votre loi !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... dix-neuf bâtons de dynamite, de la mèche lente,...

M. Jean-Luc Mélenchon. Sans votre loi !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... dix détonateurs pyrotechniques,...

M. Jean-Luc Mélenchon. Sans votre loi !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... un détonateur électronique,...

M. Jean-Luc Mélenchon. Sans votre loi !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... un fusil de guerre français FAMAS,...

M. Jean-Luc Mélenchon. Sans votre loi !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... une kalachnikov, deux revolvers, un pistolet automatique, un lot de munitions, une tenue complète de gendarme, plusieurs combinaisons d'intervention de couleur noire, des cagoules, deux gilets pare-balles, une motocyclette, j'en passe et des meilleures !

Ce que la DST a découvert la nuit dernière, ce stock d'armes et de munitions, effraie bien plus les Français que le projet de loi que vous propose le Gouvernement !

M. Jean-Luc Mélenchon. A découvert sans votre loi, qui n'a servi à rien en l'occurrence !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce texte n'est pas nécessaire ! Vous en faites la démonstration !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce texte, au contraire, les rassure.

Je veux d'ailleurs préciser que le rôle de ce groupe dans la répartition du travail terroriste international consistait à financer la cause pour commettre des attentats terroristes. Ce groupe entretenait des liens indirects avec Al-Zarkaoui, le représentant d'Al-Qaida en Irak, mais aussi des liens directs avec de nombreux autres groupes, tels que le groupe de Francfort, qui avait projeté des attentats en 2000, ou encore celui de Safe Bourada, chef présumé d'une cellule soupçonnée de préparer des attentats et qui a été démantelée fin septembre.

M. Jean-Luc Mélenchon. La DST a bien travaillé !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo la DST ! Vous n'avez rien démontré !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, tout cela est porté à la connaissance des Françaises et des Français, et cela les effraie. Ils ont donc des exigences envers le Gouvernement, comme envers l'ensemble de la représentation nationale.

C'est pourquoi je forme le voeu que le groupe socialiste du Sénat se ressaisisse et privilégie, lors de la commission mixte paritaire, une approche plus constructive, à l'identique de celle du groupe socialiste de l'Assemblée nationale.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en proposant à la représentation nationale d'adopter ce projet de loi, Nicolas Sarkozy vous demande, avec l'ensemble du Gouvernement, les moyens de mieux garantir le droit à la sécurité dans le respect des libertés, conformément à l'attente des Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe socialiste, l'autre du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 65 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 203
Contre 122

Le Sénat a adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
 

8

NOMINATION DE MEMBRES D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.

La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.

Je n'ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-Patrick Courtois, Patrice Gélard, Philippe Goujon, François Zocchetto, Jean-Claude Peyronnet, Mme Éliane Assassi.

Suppléants : M. Nicolas Alfonsi, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Détraigne, Jean-René Lecerf, Hugues Portelli, Alex Türk.

9

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité et au développement des transports

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 133, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.

10

DÉPÔT D'unE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi relative aux communes de plus de 3500 habitants et tendant à instaurer une obligation de parité pour l'élection des adjoints au maire, à organiser la désignation des délégués dans les intercommunalités à fiscalité propre selon une représentation proportionnelle avec obligation de parité, à assurer la représentation des listes minoritaires dès le premier tour des élections municipales et à clarifier les choix au second tour.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 136, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

TRANSMISSION DE PROPOSITIONs DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 137, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

J'ai reçu de M. le Président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 138, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

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TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil établissant le code des douanes communautaire (Code des douanes modernisé). Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3026 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à un environnement sans support papier pour la douane et le commerce. Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3027 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil concernant les services de paiement dans le marché intérieur et modifiant les directives 97/7/CE, 2000/12/CE et 2002/65/CE. Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3028 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les restrictions à la commercialisation et à l'utilisation des sulfonates de perfluorooctane (modification de la directive 76/769/CEE du Conseil).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3029 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3030 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la production et au développement de statistiques sur l'éducation et la formation tout au long de la vie.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3031 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République démocratique de Sao Tomé e Principe concernant la pêche au large de Sao Tomé e Principe pour la période allant du 1er juin 2005 au 31 mai 2006.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3032 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature au nom de la Communauté européenne, et à l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République démocratique de Sao Tomé e Principe concernant la pêche au large de Sao Tomé e Principe pour la période allant du 1er juin 2005 au 31 mai 2006.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3033 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Livre Vert « Promouvoir une alimentation saine et l'activité physique : une dimension européenne pour la prévention des surcharges pondérales, de l'obésité et des maladies chroniques ».

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3034 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits de l'industrie, de l'agriculture et de la pêche.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3035 et distribué.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2006.

Le rapport sera imprimé sous le n° 134 et distribué.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. Robert Del Picchia et Hubert Haenel un rapport d'information fait au nom de la délégation pour l'Union européenne sur les relations entre la Turquie et l'Union européenne après l'ouverture des négociations.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 135 et distribué.

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ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 16 décembre 2005, à quinze heures et, éventuellement, le soir :

Discussion du projet de loi (n° 91, 2005-2006), de programme pour la recherche (urgence déclarée).

Rapport (n° 121, 2005-2006) fait par MM. Maurice Blin, Henri Revol et Jacques Valade au nom de la commission spéciale.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD