M. Alain Gournac, rapporteur. L'avis de la commission est bien évidemment défavorable, puisque la période de consolidation n'est pas une période d'essai.

M. Jean-Pierre Sueur. Qu'est-ce donc ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La période de consolidation est une modalité d'organisation du contrat de travail qui permet au salarié d'évoluer vers une intégration définitive dans l'entreprise.

M. David Assouline. Cela n'existe pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela, c'est du vocabulaire !

M. Alain Gournac, rapporteur. Les deux années de consolidation du CPE, je le répète, ne sont pas une période d'essai. Elles sont soumises à régime juridique spécifique.

L'avis de la commission est très défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut faire attention qu'une fracture n'intervienne pas au milieu de la consolidation !

M. Pierre-Yves Collombat. C'est très fragile !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je pense avoir suffisamment éclairé la lecture de la convention n° 158 de l'OIT à l'occasion d'une réponse précédente.

Je voudrais en profiter pour expliquer comment le salarié peut faire reconnaître ses droits.

Dans l'article L. 122-45 du code du travail, il est clairement prévu que, en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer une discrimination, quelle qu'elle soit. C'est à l'employeur de prouver que le licenciement est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. C'est n'est donc pas au salarié, mais à l'employeur, qu'incombe la charge de la preuve.

M. David Assouline. Dans le CPE, l'employeur n'a pas à donner de motif de licenciement !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voulais préciser cet élément car il s'agit là d'un droit constant. : la notion d'abus de droit existe expressément.

Nous ne pouvons pas être favorables à votre amendement, mais je souhaitais vous apporter cet éclairage.

Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas dans le texte !

Mme la présidente. Le vote est réservé.

L'amendement n° 652, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Le troisième alinéa du II de cet article est complété par une phrase ainsi rédigée :

Le contrat de travail stipule le terme de la période de consolidation en déduisant les périodes d'emploi effectuées précédemment dans l'entreprise qui doivent être mentionnées au contrat.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Pour nos collègues de l'UMP, le simple fait que le Gouvernement ait choisi de classer le CPE dans la famille des CDI devrait lever toute critique.

M. Éric Doligé. C'est exact !

M. Roland Muzeau. Aux réfractaires au CPE, il est notamment reproché de déplacer le débat sur le terrain juridique, de chercher des précisions - ce qui constitue l'objet même du travail parlementaire, si vous me permettez cette remarque -, bref, de « chipoter », alors que le Gouvernement, lui, ferait preuve de réalisme, travaillerait à des solutions pour l'emploi des jeunes.

Les députés de l'opposition ont démontré que le CPE, que le projet de loi définit par dérogation à la quasi-totalité des articles du code du travail relatifs à la rupture du contrat de durée indéterminée, ne conserve des caractéristiques du CDI que le simple fait de ne pas avoir de terme. Donc, si on enlève le D de CDI, on obtient un contrat indéterminé, ...

M. David Assouline. Exactement !

M. Roland Muzeau. ...c'est-à-dire rien ! On ne sait pas ce que sait ! La durée est au moins un terme et une référence.

La droite, toujours caricaturale et à court d'arguments, nous a classés comme défenseurs des CDD et des contrats d'intérim. Depuis quelques heures, nous entendons cette rengaine. Nous sommes attachés à des normes d'emploi stables et durables, permettant que se noue une relation de travail équilibrée, nécessaire au développement de l'entreprise et à la projection professionnelle et personnelle du salarié.

Dans le contexte de chômage de masse que nous connaissons et qui, d'ailleurs, vient à nouveau de s'aggraver - Mme Borvo Cohen-Seat l'a dit tout à l'heure -, nous ne pouvons que nous inquiéter de la multiplication des formes d'emplois atypiques, individualisant le rapport à l'emploi et à la protection et renforçant insidieusement la domination de celui qui offre ce qui est rare.

Nous combattons justement le CPE comme le CNE, parce qu'en réduisant à rien durant deux ans les garanties offertes aux salariés, ils déséquilibrent tous deux les rapports de forces et précarisent en conséquence les conditions d'existence d'un volant toujours plus important de salariés.

Nous ne valorisons aucunement les CDD ; nous remarquons simplement que ce gouvernement écarte, d'une part, les protections minimes qu'ils procurent aux salariés -dont l'impossibilité de leur rupture par l'employeur, sauf dans des cas très exceptionnels - et qu'il contourne, d'autre part, les inconvénients des CDD et des contrats d'intérim pour les employeurs - notamment le caractère normalement limitatif des possibilités de recours et le paiement d'une prime de précarité de 10 % -, sans pour autant faire du CPE un vrai CDI et ce, durant de longues années.

J'en viens à la période dite de consolidation ; soit dit en passant, voilà encore un nouveau mot qui va entrer dans le code du travail... En effet, qu'est-ce que la consolidation ? C'est un terme dont les plus avertis de la chose sociale et du code du travail savent qu'il est utilisé dans le cadre des accidents du travail. On parle de la consolidation pour désigner la stabilisation définitive de l'état de santé du salarié accidenté. Ce mot a donc un contenu pratiquement incontesté : dans une entreprise, chacun se comprend quand on parle de période de consolidation.

Maintenant, quand on utilisera le mot consolidation, s'agira non plus d'accidents du travail, mais d'accidents pour trouver du travail ou pour le perdre !

M. David Assouline. Les salariés seront tous des accidentés !

M. Roland Muzeau. Si on trouve du travail, on est dans l'égalité des chances ; si on le perd, on est dans la consolidation. Comprenne qui pourra !

Mais l'usage des mots dans notre pays, monsieur le ministre, est toujours très important. Cette période dite de consolidation, période d'essai déguisée, exorbitante dans sa durée - elle est normalement comprise entre un et trois mois - est détournée de son objet : elle sert à évaluer les compétences professionnelles du salarié. Le CPE est donc bien un contrat indéterminé et non un contrat à durée indéterminée.

Durant la période de consolidation, le salarié est exposé à l'arbitraire de l'employeur. C'est l'incertitude permanente, du fait, notamment, des règles dérogatoires au droit commun, s'agissant de la rupture du contrat, mais aussi en raison de l'absence de terme précis fixé.

Le présent amendement doit bien évidemment, comme les précédents, être considéré comme un amendement de repli, puisque nous avons présenté un amendement de suppression, comme l'a expliqué tout à l'heure mon collègue Claude Domeizel. Or, cet amendement de suppression n'a pas été mis aux voix, que ce soit pour être rejeté ou approuvé...

M. Jean Bizet. On n'a rien compris !

M. Roland Muzeau. Vous n'avez pas compris ? Faut-il que je répète ?

M. Jean Bizet. De grâce, non !

M. Roland Muzeau. Le présent amendement, disais-je, qu'il faut lire, ainsi que les précédents, comme un amendement de repli, rend compte de cette difficulté et montre, si besoin en était encore, que le dispositif hybride envisagé par le Gouvernement relève de l'escroquerie.

Nous proposons de préciser le régime juridique du CPE en complétant les dispositions permettant de déduire de la période de consolidation les périodes de formation en alternance, de stages ou toute autre période d'emploi.

Ainsi, selon nous, le contrat de travail que vous avez voulu écrit - c'est une autre différence avec le CDI - devrait, comme tout contrat temporaire, stipuler le terme de la période de consolidation, laquelle est calculée en déduisant les périodes d'emploi effectuées précédemment dans l'entreprise. Le contrat devrait également mentionner lesdites périodes décomptées.

Tel est l'objet de notre amendement n° 652. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Madame la présidente, c'était long...

Mme Nicole Bricq. Oui, mais c'était bon !

M. Alain Gournac, rapporteur. La portée de cet amendement est équivalente à celle de l'amendement n° 504. La commission émet donc un avis défavorable.

Mme Hélène Luc. Il mérite d'être discuté !

M. Alain Gournac, rapporteur. J'ai d'ailleurs failli dire seulement : « défavorable ».

M. David Assouline. Contentez-vous de dire « non », cela ira plus vite !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cet amendement aurait pour objet de prévoir un terme au CPE, ce que, précisément, nous ne voulons pas. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Le CPE n'a pas de terme.

M. David Assouline. C'est la perpétuité !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est d'ailleurs l'apport essentiel de ce contrat par rapport au CDD et ce qui le rapproche du droit commun du CDI ; la période d'essai, qui est au maximum de vingt-quatre mois, peut être réduite.

M. David Assouline. À un jour !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas être favorables à cet amendement.

Ce n'est pas pour faire court que je vous dis cela. Je vous renvoie à l'ensemble de nos débats jusqu'à cet instant. La notion de consolidation est quand même préférable à celle de précarisation, ...

M. David Assouline. Les mots ne changent rien à la réalité !

M. Roland Muzeau. C'est plus poli, mais c'est pareil !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... qui caractérise la situation actuelle et que j'ai évoquée tout à l'heure à propos du rapport de l'observatoire de la pauvreté.

Mme la présidente. Le vote est réservé.

L'amendement n° 653, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

À l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire, l'employeur qui propose au même salarié un « contrat première embauche » doit lui verser l'indemnité de précarité visée à l'article L. 122-9 du présent code, que le salarié accepte ou refuse la poursuite des relations de travail.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement prévoit que le salarié embauché dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire, à qui l'employeur propose à l'issue de son contrat un CPE, doit percevoir l'indemnité de précarité visée à l'article L. 122-9 du code du travail, qu'il accepte ou refuse la poursuite des relations de travail.

Il me permet d'aborder la question du devenir de la prime de précarité et, en miroir, celle de l'indemnisation à laquelle la rupture d'un CPE ouvre droit, indemnisation forfaitaire de 8 %, inférieure au montant de la prime de précarité de droit commun de 10 %.

Par ailleurs, il rappelle utilement les employeurs à leurs obligations alors qu'ils sont plutôt poussés par le Gouvernement à contourner ces dernières et à s'engouffrer dans les brèches ouvertes pour profiter au maximum des effets d'aubaine ouverts par le CNE et le CPE.

Tous les chiffres publiés le prouvent aisément, en tout cas pour le CNE. Il suffit de regarder les chiffres du chômage pour se convaincre de l'inefficacité du CNE sur la création d'emplois et, en conséquence, de la grave erreur que constituerait l'institution du CPE.

Au lieu d'entretenir une polémique inadmissible sur l'approximation, voire l'inexactitude des statistiques de l'INSEE et de la DARES - elles déconnectent en effet la baisse du chômage enregistrée ces derniers mois des mesures du plan Villepin pour l'emploi et mettent en exergue la faiblesse chronique du nombre d'emplois créés -, acceptez cette réalité, et revoyez votre stratégie d'abaissement du coût du travail et de flexibilisation du droit du travail.

Les premières ruptures de CNE montrent que le mouvement de dérogation générale au droit du travail conduit à substituer à des CDI ou à des emplois précaires classiques du type CDD d'autres emplois encore plus précaires.

Depuis le début de ces débats, vous n'avez cessé de nous dire que 300 000 contrats nouvelles embauches ont déjà été signés, que ce type de contrat est très prisé dans le secteur du BTP et les services aux particuliers, par exemple, et que les 1 000 ruptures enregistrées sont infimes.

Je vous invite toutefois à vous interroger sérieusement sur la capacité des entreprises à pérenniser les 30 % de postes créés qui n'auraient pas vu le jour sans ce dispositif. Pourquoi les 70  % restants ont-ils été pourvus en CNE et non en CDI s'ils correspondent bien à des besoins réels des entreprises ?

Je vous invite enfin à vous pencher sur le parcours des salariés déçus du CNE qui parviennent à faire entendre l'abus de droit devant les juridictions prud'homales. Ils étaient en CDI ou en CDD avant qu'on ne leur propose d'enchaîner avec un CNE pour remplacer une personne en congé pour maladie ou pourvoir à des emplois saisonniers.

Fort opportunément, en référence à la présentation des termes du CNE faite par le Premier ministre, les juges affirment que le CNE, dont l'objet est de créer de nouvelles embauches, ne peut être utilisé ni en substitution à d'autres emplois, CDI ou CDD, ni pour contourner les règles en matière de licenciement.

La majorité des salariés en CNE ou en CPE - si ce dernier est adopté - qui seront congédiés n'iront pas devant les tribunaux non seulement parce qu'il faut pour cela énergie et moyens, notamment financiers, mais aussi parce que ce texte abaisse à un an le délai pendant lequel le salarié peut faire valoir ses droits en justice.

Pis encore, ainsi que cela est inscrit dans le projet de loi, ce délai n'est opposable qu'à la condition que le salarié en ait fait mention. Ce droit devient donc facultatif et variable au gré des connaissances des individus en matière de droit du travail.

Je ferai une dernière remarque, qui nous ramène directement à l'article 3 bis et à notre amendement : à la différence des CDD, pour lesquels le code du travail pose un certain nombre de garde-fous - certes insuffisants -, le texte ne prévoit aucun encadrement des cas de recours au CPE à l'exception des emplois saisonniers. Cela signifie que l'on pourra proposer un CPE pour remplacer un salarié absent, par exemple.

Le risque est donc bien réel de voir le contrat des nombreux salariés précaires employés aujourd'hui ponctuellement ou de façon permanente dans l'entreprise en CDD se poursuivre sous la forme d'un CPE.

Il ne faudrait pas que cette possibilité plus qu'avantageuse pour l'employeur, qui échappe ainsi notamment à la sanction de la requalification des CDD successifs en CDI, lui permette en plus de s'exonérer du paiement de la prime de précarité due au terme d'un CDD, afin de compenser pour le salarié la perte de son emploi.

Notre amendement garantit le versement de cette prime. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Je le répète, le CPE est un CDI. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !

Mme Hélène Luc. Vous ne pouvez pas croire ce que vous dites !

M. Alain Gournac, rapporteur. Les articles L. 122-3, L. 122-4 et L. 124-4-4 du code du travail ne prévoient le versement d'une indemnité de précarité à l'issue d'un CDD ou d'une mission de travail temporaire que quand un CDI n'est pas proposé au salarié concerné.

Au demeurant, l'article L. 122-9 du code du travail visé dans l'amendement régit l'indemnité de licenciement et non celle de précarité, contrairement à ce que le texte de l'amendement semble laisser croire.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Muzeau, j'ai déjà longuement répondu sur ce sujet.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Si ! L'article L. 122-9 du code du travail, qui concerne l'indemnité de licenciement versée au salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée et licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, vaut pour tout contrat à durée indéterminée dès lors que le salarié remplit les conditions de deux ans d'ancienneté. Pour la période de deux ans, j'ai évoqué la croissance avec le temps du niveau de l'indemnité.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. Roland Muzeau. Avez-vous saisi la différence entre CDI et CI, contrat indéterminé ?

Mme la présidente. Le vote est réservé.

L'amendement n° 157, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz,  Demontès,  Alquier,  San Vicente et  Schillinger, MM. Cazeau,  Madec,  Bel,  Assouline et  Bodin, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche,  Mélenchon,  Peyronnet,  Repentin,  Ries,  Sueur et  Frimat, Mmes Tasca,  Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer les quatrième, cinquième (1°), sixième (2°) et septième alinéas (3°) du II de cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement vise à supprimer plusieurs alinéas du 2° de l'article 3 bis, de manière à maintenir la procédure de licenciement de droit commun pour ce contrat.

Monsieur le ministre, notre République est fondée sur un corpus de valeurs communes partagées, dans lequel figure, entre autres choses, l'équilibre des contrats. Il ne peut y avoir de déséquilibre manifeste entre les contractants.

Un contrat n'est valable que lorsque les termes de l'échange sont de valeur équivalente. Or le CPE ouvre la possibilité pour l'une des parties contractantes de résilier ce contrat sans motif. C'est du jamais vu dans les contrats commerciaux ou de travail.

Le CPE met en cause nos compromis sociaux et l'équilibre des contrats en instaurant, au-delà des liens de subordination existant entre employeur et salarié, des liens de soumission qui mettent en situation l'une des parties de signer un contrat contraire à ses intérêts propres. C'est un système pervers et léonin, puisque le salarié signe de facto un contrat journalier reconduit chaque jour.

Le CPE, tout comme le CNE, est très illustratif de la politique sociale menée par le Gouvernement. Monsieur le ministre, si, d'un côté, vous voulez réduire le cadre et le champ des accords, affaiblir les négociations collectives et contourner les partenaires sociaux, vous cherchez, de l'autre, à réduire les protections offertes aux salariés en matière de licenciement.

Vous l'avez déjà fait pour le licenciement économique, en abrogeant la loi de modernisation sociale, sans rien lui substituer qui soit véritablement satisfaisant du point de vue de la protection des travailleurs.

Vous parachevez à présent votre oeuvre en matière de protection des salariés face au licenciement individuel : vous avez créé d'abord le contrat nouvelles embauches pour les salariés des entreprises de moins de vingt salariés, puis le contrat première embauche réservé, dans toutes les entreprises, aux jeunes de moins de vingt-six ans ; bientôt - c'est « chronique d'un contrat annoncé » -, vous appliquerez un contrat unique à tous les salariés, de tous âges, dans toutes les entreprises, aux mêmes conditions, c'est-à-dire sans protection pendant une période de deux ans.

L'objectif affiché de ces contrats n'est autre que de réduire la complexité prétendue des modalités de licenciement, présentée d'ailleurs sans aucun élément d'appréciation, comme une entrave au travail et à l'embauche.

Quarante-neuf articles de notre code du travail relatifs à la résiliation des contrats de travail à durée indéterminée sont ainsi suspendus pour un temps, puisqu'il y est explicitement dérogé, avant qu'ils ne soient, dans la période du contrat unique, purement et simplement abrogés.

Ces dérogations auront en réalité pour effet moins de favoriser l'emploi que d'accentuer encore la précarisation des salariés, sans d'ailleurs apporter aux employeurs les garanties juridiques espérées.

La précarisation du contrat de travail est à la base même du contrat nouvelles embauches comme du contrat première embauche, qui ne peuvent être assimilés à des CDI qu'au prix d'une méprise ou d'une provocation. Ce qui caractérise le contrat à durée indéterminée, c'est, par définition, la durée indéterminée de l'emploi et les protections qu'il assure : on ne peut le rompre sans motif, et il faut respecter une procédure contradictoire, à savoir l'entretien préalable, la notification.

Toutes ces garanties sont précisément celles que le contrat nouvelles embauches et le contrat première embauche ont pour objet d'écarter. Ces contrats présentent donc, intrinsèquement, les caractéristiques d'un contrat précaire, et c'est bien pour réduire ces garanties que vous les avez mis en place. On peut d'ailleurs considérer que c'est par un abus de langage juridique que vous les classez parmi les contrats à durée indéterminée. C'est au contraire une vraie dynamique de précarisation que vous mettez en place.

Pourquoi les entreprises ne saisiraient-elles pas cette occasion d'effectuer tous les recrutements avec ces contrats ? Elles y sont directement encouragées, puisque ces contrats n'opèrent aucune distinction entre les salariés, entre ceux qui sont en difficulté d'embauche ou d'insertion et les autres.

Ainsi, le jeune recruté à sa sortie d'une école d'ingénieurs pourra se voir proposer un CPE, comme le jeune en difficulté scolaire embauché à l'issue d'une période chaotique dans un quartier difficile. Telle est la réalité de ce contrat.

Monsieur le ministre, pour assurer l'égalité des chances, encore faut-il assurer, d'abord, l'égalité des contrats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vide le CPE de sa spécificité, et la commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Khiari, votre amendement introduit clairement une rupture de l'équilibre que nous estimons souhaitable entre la souplesse et un certain nombre de garanties que nous avons déjà évoquées, comme la convention de reclassement personnalisé, élément dont, à mon sens, les partenaires sociaux doivent se saisir rapidement pour améliorer la sécurisation du parcours.

S'agit-il, comme vous l'avez dit, d'une dynamique de précarisation ? Je voudrais vous rappeler quelques chiffres qu'à cet instant de nos débats nous avons déjà cités à plusieurs reprises : ainsi, au sujet des foyers de jeunes travailleurs, j'ai précédemment indiqué que seulement 13,5 % de ceux qui y sont hébergés bénéficient d'un CDI à temps complet. C'est l'illustration du fait que la précarité existe d'ores et déjà. C'est ce contre quoi nous désirons lutter.

Aussi, vouloir nous faire un procès s'agissant de la précarité, c'est refuser de regarder la réalité telle qu'elle est vécue.

Mme Marie-France Beaufils. Non, justement !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Enfin, je voulais également parler des contrats de travail.

Le Premier ministre a annoncé, le 16 janvier dernier, son souhait de nous voir, Jean-Louis Borloo et moi-même, conduire avec les partenaires sociaux une réflexion, qui va s'engager dans le courant du mois prochain, sur un contrat de travail intégrant un équilibre entre souplesse et sécurisation des parcours professionnels. J'entends déjà parler du contrat unique ou des contrats de travail, mais il n'est pas question, avant d'avoir entamé cet échange, d'arrêter la formule vers laquelle nous nous orienterons.

En tout cas, la dimension de la sécurisation fait bien partie des préoccupations qui sont les nôtres par rapport à la réflexion sur les contrats.

Nous aurons donc un certain nombre de semaines pour traiter avec les partenaires sociaux de ce sujet que nous avions souhaité aborder dès le 30 juin 2004, comme peut en témoigner un courrier que nous avions adressé aux partenaires sociaux. Un certain nombre d'entre eux y avaient d'ailleurs répondu positivement : tel a été le cas, dès le mois d'octobre, de la Confédération française du travail. La Confédération française des travailleurs chrétiens a accepté notre proposition pour entamer un certain nombre de discussions. Ces débats auront donc lieu mais, ces questions relevant du code, le Parlement aura naturellement le dernier mot sur le sujet.

Mme Hélène Luc. L'Assemblée nationale n'a même pas voté ...

Mme la présidente. Le vote est réservé.

L'amendement n° 158, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz,  Demontès,  Alquier,  San Vicente et  Schillinger, MM. Cazeau,  Madec,  Bel,  Assouline et  Bodin, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche,  Mélenchon,  Peyronnet,  Repentin,  Ries,  Sueur et  Frimat, Mmes Tasca,  Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa du II de cet article, remplacer les mots :

les deux premières années

par les mots :

les deux premiers mois

La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Cet amendement vise à ramener la période qu'il ne faudrait pas nommer, d'une durée de deux ans à une durée de deux mois.

Au passage, il y aurait beaucoup à dire, en termes sémantiques, sur le fait que l'on ne puisse pas nommer une chose, et sur ce que cela implique. Dans un domaine aussi élaboré et complexe que le droit du travail, où la langue est si riche, que reflète cette impossibilité ?

Personnellement, je crois que nous sommes en présence d'une chose qu'il faut dissimuler, que l'on ne peut pas effectivement nommer parce qu'elle cache quelque chose de tellement grave sur l'état de la société et les rapports sociaux qu'on n'ose pas le dire. Sinon, tout exploserait, toute la dissimulation ne servirait plus à rien, la vérité sortirait et se répandrait sans qu'on puisse l'endiguer : j'en veux pour preuve le mouvement estudiantin qui se dessine. Le Gouvernement veut faire une chose qu'il ne peut pas dire.

Que vont penser les jeunes ? Que vont penser les parents ? Ils ne pourront plus nourrir d'illusions sur ce qu'ils sont réellement aux yeux des puissants de ce monde. Ce silence forcé sur la précarisation généralisée et organisée de la jeunesse, y compris de ceux qui ont fait des études et de nombreux efforts, n'est pas sans évoquer la célèbre pièce de Ionesco : Amédée, ou comment s'en débarrasser.

Mais notre ami Jean-Pierre Sueur, universitaire spécialiste de sémantique, saurait mieux que moi approfondir cette question. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

S'agissant de notre amendement, nous proposons que l'on en revienne au moins à la vérité des chiffres. La période en cause présente les mêmes caractéristiques sur le plan juridique qu'une période d'essai. Il peut y être mis un terme à tout moment. Cette période doit donc être limitée à la même durée de deux mois, et non pas à la durée de deux ans, qui ne correspond à rien dans des relations normales entre un employeur et un salarié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à restreindre aux deux premiers mois du contrat une possibilité que nous souhaitons voir appliquer dans la continuité pour que le jeune puisse faire ses preuves à l'intérieur de l'entreprise et conserver son emploi. Cette proposition est donc incompatible avec notre point de vue. Même en présence de M. Sueur, que je salue et que nous sommes très heureux de compter parmi nous ce soir, j'émets un avis défavorable. (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons déjà beaucoup débattu sur les notions d'essai et de consolidation. Je vous rappelle que la période d'essai ne fait pas l'objet d'un préavis, mais que des indemnités de cessation de contrat sont prévues. Le Gouvernement, ne pouvant donc pas suivre la proposition de M. Madec, émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Le vote est réservé.

L'amendement n° 159 rectifié, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz,  Demontès,  Alquier,  San Vicente et  Schillinger, MM. Cazeau,  Madec,  Bel,  Assouline et  Bodin, Mme Cerisier-ben Guiga, M. C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche,  Mélenchon,  Peyronnet,  Repentin,  Ries,  Sueur et  Frimat, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant le cinquième alinéa (1°) du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

L'employeur ou son représentant qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en mains propres contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation, pour un entretien préalable qui doit avoir lieu après un délai de cinq jours ouvrables. Au cours de cet entretien, l'employeur est tenu d'indiquer les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié.

La parole est à Mme Christiane Demontes.

Mme Christiane Demontes. À vous entendre depuis quelques heures, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, on a vraiment l'impression que le CPE est encore plus avantageux que le CDI. Mais de qui vous moquez-vous ?

À la faveur de cet amendement, je voudrais parler du licenciement. En effet, pour un salarié en CDI, tout licenciement doit être motivé. Or votre projet de loi introduit le licenciement sans motif. Notre amendement prévoit donc que l'employeur, ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en mains propres, en lui indiquant l'objet de la convocation, pour un entretien préalable qui doit avoir lieu après un délai de cinq jours ouvrables.

Au cours de cet entretien, l'employeur est tenu d'indiquer les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. Telle est la règle.

Par cet amendement, nous souhaitons donc revenir à la solution, plus rationnelle et plus juste - je dirais même d'une justice élémentaire - qui veut que le salarié sache au moins quelles sont les raisons de son licenciement.

Je n'ai pas pour habitude de citer les députés UDF, mais je ferai ce soir une exception avec le propos plein de bon sens tenu par Francis Vercamer : «  Croyez-vous que ce soit une première expérience du monde du travail intéressante pour un jeune que d'être licencié sans même savoir pourquoi ? »

Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous ne sommes pas les seuls à ne pas avoir d'illusions sur l'attitude qu'adopteront certains patrons par rapport à ce nouveau contrat.

Voilà peu, lors de la présentation du CPE au journal de vingt heures sur France 2, pendant le débat à l'Assemblée nationale, un patron de société informatique déclarait froidement devant la caméra : «  Les salariés ont tendance à être un peu moins efficaces quand ils sont titularisés dans l'entreprise. Avec le CPE, ils seront plus motivés. »

On ne peut pas être plus clair ! Au moins, là, les choses sont dites ; l'innommable est révélé : on pressera le citron pendant vingt-trois mois et on jettera l'écorce !