Articles additionnels après l'article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 5 (interruption de la discussion)

Article 5

I. - L'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 314-2. - Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française dans les conditions définies par décret en Conseil d'État.

« Pour l'appréciation de la condition d'intégration, l'autorité administrative tient compte de la souscription et du respect, par l'étranger, de l'engagement défini à l'article L. 311-9 par lequel il manifeste auprès d'elle sa volonté d'intégration, en particulier de l'obtention du titre ou du diplôme inhérent à la formation linguistique, et saisit pour avis le maire de la commune dans laquelle il réside. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative.

« Les étrangers âgés de plus de soixante-cinq ans ne sont pas soumis à la condition relative à la connaissance de la langue française. »

II. - L'article L. 314-10 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 314-10. - Dans tous les cas prévus dans la présente sous-section, la décision d'accorder la carte de résident ou la carte de résident portant la mention «résident de longue durée-CE» est subordonnée au respect des conditions prévues à l'article L. 314-2. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Les dispositions de cet article introduisent un flou supplémentaire dans le cadre des droits dont dispose l'étranger.

En effet, en subordonnant la délivrance d'une première carte de résident à l'intégration du migrant, appréciée particulièrement « au regard de son engagement personnel » à respecter les principes qui régissent la République française, c'est, ici encore, la possibilité d'un arbitraire de l'administration, renforcée au détriment de la stabilité des droits de l'étranger.

De plus, ces dispositions se fondent sur la méconnaissance de la réalité de la migration. Il ne peut y avoir d'intégration avant la mise en oeuvre des moyens en vue de s'intégrer. Or la carte de résident est l'un des principaux facteurs d'intégration.

Outre la notion d'« engagement personnel », dont nous demandons la suppression en raison de son caractère extrêmement flou justifiant toutes les inquiétudes, de nombreuses dispositions de cet article 5 sont discutables, notamment le respect des principes de la République. Vous nous avez dit que les principes de la République, ce sont les libertés, l'égalité homme-femme, je dirai aussi égalité des droits entre les Français et les étrangers, la justice. Mais tous ces principes ne sont-ils pas universels ?

Vous nous parlez également de dignité, mais c'est vous qui la refusez. Quand vous poussez l'étranger à la clandestinité, quand vous lui refusez la reconnaissance de l'égalité des droits, vous lui refusez la dignité.

Et à qui reviendra-t-il d'évaluer, et selon quels critères ?

Là encore, les obligations imposées par l'article ont un caractère très subjectif, ce qui dotera de fait le préfet et le maire du pouvoir exorbitant de récompenser ou de sanctionner, selon qu'ils jugeront que l'étranger mérite, ou non, d'obtenir le titre de résident.

D'une part, cet article constitue une légalisation de l'arbitraire, et, en cela, il est inacceptable.

D'autre part, il constitue une localisation de la politique d'intégration, qui doit rester une politique nationale !

Et comme si vous n'étiez pas satisfait d'un seul arbitraire, celui de l'appréciation de l'engagement personnel, vous en avez ajouté un deuxième, qui introduit le maire dans le champ de l'intégration alors que ce n'est pas du tout son rôle.

En quelque sorte, comme je l'ai déjà dit mais il est important de le rappeler, vous localisez une politique qui devrait avoir un caractère national, vous affaiblissez le caractère souverain de l'État pour que cette question d'intégration et d'immigration devienne locale.

Le maire n'est absolument pas partie au contrat d'intégration et il ne saurait donc en aucun cas intervenir dans cette procédure.

En fait, pour aller dans le sens de ce qu'expliquait Julien Dray, à l'Assemblée nationale, votre dispositif va beaucoup plus loin que le pouvoir arbitraire donné aux préfets et aux maires puisqu'il réintroduit par ce biais une notion que le Conseil constitutionnel a rejetée : les quotas.

Vous allez donner la possibilité à des maires d'introduire des quotas de résidents étrangers dans leur commune.

Vous avez déjà, avec les polices municipales, transformé les maires en shérifs ; vous voulez leur donner un rôle dans le projet que vous préparez sur la prévention de la délinquance avec le contrat de responsabilité ; et voilà que maintenant, sur la question de l'intégration, vous leur donnez l'opportunité de faire le tri entre les bons immigrés et ceux qu'ils n'aiment pas.

Monsieur le ministre, même si l'avis du maire est consultatif, nous savons très bien qu'en ce domaine il est très souvent suivi par le préfet.

Je répète que vos arguments ne nous ont pas convaincus, pas plus qu'ils ne devraient convaincre nos amis qui siègent sur les travées de la gauche, parce que votre dispositif donne trop d'importance aux maires.

Je dis que chacun doit être à sa place.

La politique d'intégration, c'est une politique nationale, ce n'est pas une politique qui doit être localisée, ni qui doit donner l'opportunité au maire de choisir, entre ceux qu'il va précariser et ceux auxquels il va accorder une récompense.

Pour cette raison, les Verts ne peuvent pas accepter un texte qui attribue une nouvelle délégation de pouvoir et de responsabilités au maire, au détriment de notre État de droit et de ses pouvoirs régaliens.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.

Mme Bariza Khiari. Comme je l'ai rappelé lors de mon intervention sur l'article précédent, l'objectif d'intégration des primo-arrivants est pour .nous, socialistes, une priorité. J'ai déjà précisé qu'à notre sens l'intégration ne pourra être réussie que si le pays d'accueil met tout en oeuvre pour être précisément un pays « d'accueil », et pour fournir à l'immigrant les outils nécessaires pour s'intégrer.

À cet égard, votre projet de loi n'apporte rien de concret, et c'est bien dommage. Il vise par ailleurs à précariser par tous les moyens la situation des étrangers présents sur notre territoire - fût-ce de manière régulière -, ce qui aura, à l'évidence, pour effet de rendre encore plus difficile l'intégration, que vous ne concevez apparemment que comme un slogan opposable uniquement à l'étranger, comme un devoir, ce qui se défend parfaitement, mais jamais comme un droit.

Si le fossé béant entre les droits et les devoirs fait de votre projet de loi un texte injuste, les règles de compétence que vous avez choisies en font, elles, un texte arbitraire. Arbitraire est, en effet, le mot clef, et le premier exemple en est donné par les conditions d'intégration auxquelles est subordonné l'octroi d'un certain nombre de titres de séjour.

Si l'intégration devient un critère de sélection pour ceux qui peuvent bénéficier d'une carte de résident, il conviendra de bien l'estimer, de bien la juger. Or vous admettrez que l'intégration dans la société française n'est pas un critère particulièrement objectif. Sans doute allez-vous dans votre réponse, monsieur le ministre, citer différents éléments, tels que la langue, le respect des lois, etc.

Quoi qu'il en soit, la rédaction de l'article 5 reste floue, ce qui semble assez inévitable s'agissant d'une réalité aussi subjective que l'intégration.

Ainsi, l'intégration d'une personne serait « appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française ».

Or par qui cette intégration sera-t-elle appréciée ? C'est là que le bât blesse. En effet, l'une des grandes caractéristiques de ce projet de loi est de donner à l'administration, avec les risques d'arbitraire que cela comporte, une grande liberté de choix dans les décisions concernant le séjour des étrangers.

L'autorité administrative, qui saisira également pour avis le maire de la commune, aura ainsi tout pouvoir de décider, selon les critères flous que l'on connaît, si telle ou telle personne est ou non intégrée.

L'intervention du maire dans cette décision ne fera que renforcer une caractéristique regrettable de notre droit des étrangers, à savoir sa multiplicité, puisqu'il est souvent dit, avec raison, qu'il existe un droit par préfecture. Dès lors, existera-t-il désormais un droit par commune ?

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste souhaite la suppression de cet article 5.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte dont nous discutons sera vraiment difficile à lire. Je rappelle que c'est la trentième fois que l'on modifie la loi sur l'immigration et nous souhaitons donc bien du plaisir aux magistrats, en particulier ceux de l'ordre administratif, tant il est vrai que vous laissez aux autres magistrats de moins en moins d'occasions de se prononcer en la matière.

Dans cet article 5, le Gouvernement commence par dire que « la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration de l'étranger [...] en particulier au regard de son engagement à respecter les principes qui régissent la République française ». Or cela n'est pas nouveau. En effet, L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définit déjà le contenu du contrat d'accueil et d'intégration.

Dès lors, l'on peut se demander si cette mesure ne fait pas double emploi.

En effet, en ce qui concerne le contrat d'accueil et d'intégration, le Gouvernement a prévu, d'une part, un décret en Conseil d'État pour en fixer les conditions d'application.

D'autre part, dans le cas qui nous occupe, un décret en Conseil d'État devra, cette fois, définir l'engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française et donc ce qu'ils représentent.

Cela ne fait-il pas double emploi ? S'agit-il d'un nouveau décret en Conseil d'État, ou est-ce le même que celui dont nous avons déjà parlé ?

Par ailleurs, M. le rapporteur nous propose de reprendre l'intégration républicaine - nous avons déjà dit ce qu'il fallait en penser.

Enfin, est abordé le sujet précis que constitue l'avis du maire de la commune.

Nous avons déjà fait remarquer - mais nous n'avons pas obtenu de réponse - que l'on ne voyait pas très bien comment le maire de Paris, celui de Marseille ou celui de Lyon, notamment, pourraient donner un avis sur la manière dont s'est comporté un étranger, et ce tout simplement parce qu'ils n'en savent strictement rien ! Par conséquent, faut-il solliciter un tel avis ? N'est-ce pas une perte de temps que de demander un avis à quelqu'un dont on sait parfaitement qu'il ne peut en avoir un ?

Dès lors, la question se pose de savoir si le Gouvernement ne souhaite pas écarter les grandes villes, et à partir de combien d'habitants ?

Au reste, il ne serait pas normal que l'on demande l'avis pour les uns et pas pour les autres. Or le texte qui nous est proposé revient très exactement à cela.

De surcroît, nous savons parfaitement que le rôle des maires - c'est d'ailleurs ce que vient de confirmer l'Association des maires - n'est pas de donner un avis sur la question, étant entendu que certains d'entre eux pourraient être tentés de donner systématiquement un avis favorable, alors que d'autres émettraient, au contraire, ce qui me paraît vraisemblable, un avis négatif. C'est pourquoi nous ne sommes vraiment pas d'accord avec une telle proposition.

La commission des lois du Sénat propose de supprimer ce qui avait été décidé par l'Assemblée nationale, à savoir que l'avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire. Or, en cas de suppression de cette disposition, le maire disposera d'un moyen très simple : ne pas répondre. Ainsi, la préfecture continuera à attendre l'avis du maire qui ne viendra jamais, ce qui sera une manière non seulement de donner un avis, mais aussi et surtout de bloquer le processus.

C'est pourquoi nous ne pouvons absolument pas voter cet article 5, dont nous demandons la suppression.

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 151 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene- Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 285 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 151.

M. Charles Gautier. Le projet de loi établit un lien direct entre la condition d'intégration et le contrat d'accueil et d'intégration.

En outre, si le deuxième alinéa de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit une prise en compte du contrat, il laisse néanmoins une certaine marge d'appréciation à l'autorité administrative. Il faut permettre à cette dernière d'accorder une carte de résident à des personnes qui n'auraient pas signé ce type de contrat mais qui font la preuve d'une véritable intégration.

D'autres éléments que le contrat devront donc être pris en compte, notamment l'avis du maire sur l'intégration de l'étranger qui est laissée à l'appréciation du préfet.

Dès lors, un certain nombre de questions se posent à nous.

Compte tenu de la difficulté d'apprécier l'effectivité de l'intégration, l'évaluation de celle-ci dépendra beaucoup du système qui sera mis en place pour assurer le suivi et le contrôle du respect des obligations du contrat. Ainsi, quid de la portée d'une instruction civique sur des populations qui maîtrisent mal le français ?

De plus, le contrat, censé être un outil d'intégration, ne risque-t-il pas de se transformer en un moyen de tri sélectif,...

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Charles Gautier. ...une manière d'éliminer des étrangers en situation régulière et qui sans être des délinquants sont, par exemple, au chômage ou ne répondent pas aux critères retenus par le gouvernement du moment ? Il s'agit là d'un nouvel outil destiné à précariser et donc à insécuriser plus encore les étrangers en France.

Enfin, je réitère une question que nous avons déjà posée maintes fois, mais à laquelle nous n'avons jamais obtenu de réponse : quid des moyens censés financer cette formation ?

Compte tenu de toutes ces inquiétudes et au bénéfice des arguments préalablement avancés, nous souhaitons la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 285.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement est en cohérence avec notre amendement n° 284 portant sur l'article 4.

De plus, notre souhait de supprimer l'article 5 est motivé non seulement parce que certains de ses aspects sont assez flous - à plusieurs reprises, depuis ce matin, j'ai dénoncé le caractère flou de certaines dispositions -, mais également parce qu'il prévoit que l'autorité administrative peut saisir pour avis le maire de la commune dans laquelle l'étranger réside. Les cas dans lesquels le maire serait saisi ne sont pas encore précisés.

De surcroît, le maire n'est même pas cocontractant, puisque le contrat est passé entre l'État et la personne. Ce faisant, ne risque-t-on pas de réintroduire des quotas par ville et d'établir une discrimination que j'oserai qualifier de quantitative ?

Enfin, une telle disposition permet à l'État de se défausser de ses pouvoirs régaliens sur le maire en lui demandant de plus en plus de jouer un rôle en matière de maîtrise de l'immigration.

Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe CRC s'opposent à ce qui peut être qualifié de dérive.

Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

« à l'intégration de l'étranger dans la société française »

par les mots :

« à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 6 rectifié qui portait sur l'article 4. Il consiste à réintroduire la notion d'intégration républicaine dans la société française.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 152 rectifié est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés .

L'amendement n° 483 est présenté par Mmes Boumediene- Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La parole est à M. Charles Gautier, pour défendre l'amendement n° 152 rectifié.

M. Charles Gautier. Nous revenons ici sur un sujet que nous avons déjà abordé.

L'article 6 bis, issu d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale sur la proposition de M. Étienne Pinte, tend à permettre la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à tout étranger qui souhaite effectuer une mission de volontariat en France.

Il s'agit là d'une disposition positive permettant la circulation des compétences du coeur, du dévouement, du bénévolat associatif, du service rendu par le biais des associations et des fondations reconnues d'utilité publique.

Toutefois, ce sont les garde-fous mis en oeuvre pour éviter les prétendus détournements de procédure qui sont choquants. En effet, ils traduisent un manque de confiance, une absence de générosité, une stigmatisation systématique de l'étranger qui a priori est considéré comme un fraudeur, même s'il vient dans notre pays dans un but humanitaire. Est-ce ainsi que l'on doit remercier les étrangers qui viennent faire du volontariat en France ?

L'encadrement de cette disposition est donc réellement choquant. En effet, si chaque étranger qui vient en France n'y est admis qu'à condition de voir sa sortie contrôlée, cela revient à suspecter systématiquement les étrangers, ce qui ne fait pas honneur à notre histoire.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer l'engagement écrit auquel doit souscrire l'étranger de quitter le territoire à la fin de sa mission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene- Thiery, pour présenter l'amendement n° 483.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je ne reviendrai pas sur les remarques concernant la légitimité du contrat d'accueil et d'intégration.

Je me contenterai d'insister sur la prise en compte de l'avis des maires par les préfets dans l'appréciation de l'intégration des migrants.

Je ferai, tout d'abord, une remarque d'ordre général : nous avons l'impression que le Gouvernement est obsédé par le fait d'octroyer encore plus de pouvoirs exorbitants aux maires de France. Il y a peu, le projet de loi pour l'égalité des chances comportait des dispositions qui augmentaient déjà de façon inacceptable les pouvoirs des maires.

Ainsi, le Gouvernement semble vouloir faire du maire une sorte de premier délateur des familles de sa commune qui seraient à l'origine des difficultés scolaires et sociales que rencontrent certains enfants.

Quant au projet de loi dit de « prévention de la délinquance », il tend également à faire du maire un « super shérif ».

Enfin, à travers les dispositions du présent projet de loi, trop imprécises, vous voulez un fois de plus renforcer le pouvoir exorbitant du maire. Or ce dernier n'est absolument pas partie au fameux contrat d'intégration et d'accueil. Il ne pourra même pas s'immiscer dans le contrôle effectif des conditions d'octroi des titres de séjour.

Par conséquent, monsieur le ministre, que les choses soient claires : je ne remets pas ici en cause l'intégrité et la moralité de la majeure partie des maires de France, qui sont avant tout, bien entendu, les premiers acteurs sur le front de la citoyenneté et de la démocratie locale et qui se dévouent pour leurs administrés.

Cependant, il ne leur sera matériellement pas possible d'assumer cette charge supplémentaire de travail. En effet, - vous le reconnaîtrez sans doute - pour que l'avis du maire soit juste, il conviendra que celui-ci puisse rencontrer le migrant et sa famille, puisqu'une partie des critères repose sur la manière dont ce dernier peut être amené à se comporter avec sa famille.

Or comment les maires trouveront-ils le temps ou les moyens humains de remplir correctement cette mission ? Il ne s'agit pas ici de donner son avis sur un point quelconque ; il s'agit pour le maire de donner un avis dont dépendra la vie de personnes, voire de familles entières, sur leur séjour et leur avenir en France.

Ce sujet ne peut et ne doit pas être traité avec légèreté.

Enfin, il est un point qui, certes, est plus subjectif, mais qui ne peut être négligé.

Avec le mécanisme d'avis que vous proposez, que se passera-t-il dans les communes dont les maires sont, nous le savons bien, idéologiquement opposés à la présence d'étrangers ?

Monsieur le ministre, quelles mesures de contrôle, quelles garanties, et même quels recours avez-vous prévus face aux maires qui s'opposeraient systématiquement aux étrangers et émettraient des avis négatifs sur toutes les demandes adressées par la préfecture ?

Je vous demande de faire preuve d'un peu de sincérité et de bon sens et de supprimer ce dispositif qui donnerait tout pouvoir aux maires et priverait l'État de prérogatives indissociables de sa souveraineté.

Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Pour l'appréciation de la condition d'intégration, l'autorité administrative tient compte de la souscription et du respect, par l'étranger, de l'engagement défini à l'article L. 311-9 et saisit pour avis le maire de la commune dans laquelle il réside.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 151 et 285 ainsi que sur les amendements identiques nos 152 rectifié et 483.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n° 11 a pour objet de simplifier la rédaction de l'article  5 du projet de loi. En outre, il vise à supprimer le membre de phrase « par lequel il manifeste auprès d'elle son intégration », car celui-ci, qui a été introduit par un amendement de l'Assemblée nationale, a semblé redondant à la commission des lois.

En effet, le contrat d'accueil et d'intégration et le respect dont il fera l'objet exprimeront déjà en eux-mêmes une volonté d'intégration.

De même, la référence à l'obtention d'un diplôme sanctionnant la formation linguistique délivrée dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration serait supprimée. Selon l'article 4 du projet de loi, le respect du contrat suppose le suivi d'une formation linguistique et l'obtention d'un diplôme ; la commission a donc considéré qu'il était inutile de le rappeler.

Par ailleurs, monsieur Dreyfus-Schmidt, je voudrais vous rassurer : l'amendement n° 11 ne supprimera pas l'avis émis par le maire. En l'occurrence, les tableaux comparatifs sur lesquels vous avez appuyé vos observations tout à l'heure comportent une erreur. Il n'y a donc pas de difficulté ici.

Les amendements identiques nos 151 et 285, comme je l'ai déjà indiqué, visent à supprimer l'article 5 du projet de loi. La commission émet donc un avis défavorable.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 152 rectifié et 483, le droit positif prévoit déjà la saisine du maire, que le projet de loi rend obligatoire. L'absence d'avis du maire - faut-il le rappeler ? - est plutôt favorable au demandeur et, en tout état de cause, la décision appartiendra au préfet. La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement émet bien sûr un avis défavorable sur les amendements identiques nos 151 et 285, qui tendent à supprimer l'article du projet de loi.

J'émets en revanche un avis favorable sur l'amendement n° 10, par souci de cohérence avec les modifications que j'ai acceptées à l'article 4. L'adjectif « républicaine » pourra donc être ajouté après le terme « intégration ».

S'agissant des amendements identiques nos 152 rectifié et 483, pourquoi tenons-nous à ce que le maire donne son avis ? Mesdames, messieurs les sénateurs, vous parlez d'un renforcement du pouvoir des maires, mais c'est inexact : c'est le préfet qui exercera cette prérogative. Nous demanderons simplement leur avis aux maires.

Je suis un peu effrayé quand vous me parlez d'idéologie.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne savez pas ce que c'est ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous évoquez le cas d'un maire qui serait opposé idéologiquement aux étrangers.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne connaissez pas M. Peyrat ?

M. Bernard Frimat. Et M. Mégret à Vitrolles !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Réciproquement, je pourrais évoquer le cas de maires qui seraient idéologiquement favorables aux étrangers !

Pour ma part, j'ai plus de considération pour les maires. Je crois qu'il arrive un moment où un maire fait entièrement abstraction de son idéologie.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le maire de Nice ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Un maire est un homme pragmatique (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC),...

Mme Hélène Luc. Tous ne le sont pas !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...qui se trouve confronté aux réalités du terrain, doit gérer au quotidien sa commune et y garantir la paix et la cohésion sociales.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Boumediene-Thiery, nous savons bien comment ces politiques se terminent.

M. Charles Gautier. Il vaudrait mieux les prévenir !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. La force de la démocratie, c'est tout de même le suffrage universel !

Mesdames, messieurs les sénateurs, les exemples que vous citez témoignent précisément que les maires dont l'attitude semblait contraire aux valeurs de la République ont vu, tôt ou tard, leurs propres administrés leur dire que cela suffisait et qu'ils ne devaient pas accomplir un nouveau mandat.

Il me semble que 99 % des maires de France ne gèrent pas leurs communes en fonction d'une idéologie. Telle est ma conviction, tel est le respect que je porte à la fonction de maire.

En outre, de par les lois de décentralisation, le maire dispose au quotidien de services de proximité, comme en matière de politique sociale ou de logement.

Mme Hélène Luc. Précisément, certains maires refusent de construire des logements sociaux ! Les mêmes s'opposeront à la présence d'étrangers !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. S'agissant de la politique de la ville, par exemple, car les quartiers sensibles sont très souvent confrontés au problème de l'intégration des populations étrangères, nous savons que les contrats de ville sont gérés conjointement par les représentants de l'État et les maires.

Les maires peuvent ainsi nouer des liens avec le milieu associatif. Ce sont eux qui, dans le cadre de la politique de la ville, définissent les politiques d'intégration et d'accompagnement social en matière de culture, de sport ou d'apprentissage de la lecture et de l'écriture.

Dans bien des domaines, le maire est le véritable élu de proximité, au coeur des réalités du terrain et des préoccupations des citoyens. Nous proposons seulement de le consulter, de lui demander son avis, en sachant que c'est l'autorité de l'État qui s'imposera et le préfet qui tranchera, arbitrera et exercera réellement le pouvoir.

C'est pourquoi j'estime que vous devriez, tout comme nous, accepter que soit conservé, et même conforté, le rôle d'intermédiaire entre la population et le représentant de l'État qu'exerce le maire, car il lui permet d'apprécier au mieux les situations concrètes.

Enfin, s'agissant de l'amendement n° 11 de la commission, qui est rédactionnel, nous ne pouvons bien sûr qu'y être favorables.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous devons impérativement reprendre à 15 heures. Aussi, je vous suggère de reporter les explications de vote et le vote sur les amendements à l'article 5 après les questions d'actualité au Gouvernement. (Assentiment.)

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)