Article 77 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 79 (priorité)

Article 78 (priorité)

I. - L'article 78-2 du code de procédure pénale est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pendant cinq ans à compter de la publication de la loi n°        du                   relative à l'immigration et à l'intégration, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent article, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi :

« 1° En Guadeloupe, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que dans une zone de un kilomètre de part et d'autre, d'une part, de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre, Gourbeyre et Trois-Rivières et, d'autre part, de la route nationale 4 sur le territoire des communes du Gosier et de Sainte-Anne et Saint-François ;

« 2° À Mayotte, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà. »

II. - Dans l'article 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité, les mots : « de l'avant-dernier » sont remplacés par les mots : « du huitième ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 468, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 78 prévoit un renforcement des contrôles d'identité en Guadeloupe et à Mayotte. Ce faisant, il constitue une dérogation supplémentaire au code de procédure pénale, dérogation que nous ne pouvons accepter, même si elle est limitée dans le temps. On sait très bien que le temporaire peut durer.

Avec le titre VI du projet de loi consacré à la maîtrise de l'immigration outre-mer, on assiste à la mise en place d'un véritable régime dérogatoire au droit commun, comme si ces territoires représentaient une terre d'exception.

La situation en outre-mer, si compliquée soit-elle, ne saurait pourtant justifier l'instauration d'un régime d'exception : recours non suspensif en matière de reconduite à la frontière étendu à l'ensemble de la Guadeloupe, visites sommaires des véhicules, élargissement des possibilités de contrôle d'identité, et je ne suis pas exhaustive.

Pourquoi un tel acharnement ? Pouvons-nous disposer d'informations sur les éventuels effets positifs que vous escomptez obtenir avec de telles mesures, qui risquent tout de même de porter atteinte aux libertés individuelles ?

Les modalités de contrôle de l'identité étaient initialement très encadrées par la loi, sous le regard attentif du Conseil constitutionnel, je vous le rappelle, mais, peu à peu, au gré de l'adoption des différentes lois sécuritaires, cet encadrement a connu des modifications telles que l'on peut se demander si les libertés individuelles sont aussi bien sauvegardées aujourd'hui qu'hier.

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. L'article 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité est abrogé.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 468.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'article 3 de la loi du 10 août 1993 prévoit que certaines dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale sont applicables à compter de l'entrée en vigueur de la convention de Schengen.

Celle-ci étant entrée en vigueur depuis plusieurs années, cette mesure n'a plus lieu d'être.

L'amendement n° 72 tend donc à l'abroger purement et simplement.

L'amendement n° 468, quant à lui, visant à supprimer le dispositif de contrôle d'identité spécifique, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Sur l'amendement n° 468, le Gouvernement émet un avis défavorable et, sur l'amendement n° 72, il émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 468.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 78, modifié.

(L'article 78 est adopté.)

Article 78 (priorité)
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Article 24 bis

Article 79 (priorité)

Dans le troisième alinéa de l'article 78-3 du code de procédure pénale, après les mots : « quatre heures », sont insérés les mots : «, ou huit heures à Mayotte, ».

M. le président. L'amendement n° 469, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. L'article 79 a pour objet d'allonger le délai de rétention des personnes soumises à un contrôle d'identité à Mayotte pour le porter de quatre heures à huit heures.

Il s'agit, là encore, d'une dérogation au code de procédure pénale à laquelle nous sommes opposés et dont nous demandons la suppression.

Le Gouvernement justifie cette mesure par le fait que « compte tenu des conditions particulières de l'immigration clandestine à Mayotte, les services de police ne sont pas en mesure dans cette collectivité de procéder dans le délai de quatre heures aux vérifications nécessaires pour établir l'identité des personnes retenues. »

Nous estimons qu'une telle dérogation au régime de droit commun ne saurait être justifiée par l'insuffisance des moyens des services de police.

Si, demain, le délai de huit heures lui paraît insuffisant...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

Mme Gélita Hoarau. ... le Gouvernement va-t-il l'allonger encore, au risque de porter une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles ?

Ce n'est pas sérieux ! Si le Gouvernement veut lutter efficacement contre l'immigration clandestine à Mayotte, qu'il y mette les moyens, au lieu de rogner un peu plus chaque fois les libertés individuelles !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de suppression : la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 469.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 79.

(L'article 79 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration outre-mer.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre II, à l'article 24 bis.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L'IMMIGRATION POUR DES MOTIFS DE VIE PRIVÉE ET FAMILIALE (suite)

CHAPITRE IER

Dispositions générales (suite)

Article 79 (priorité)
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Article 25

Article 24 bis

La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :

« Sous-section 7

« L'admission exceptionnelle au séjour

« Art. L. 313-14. - La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.

« Les critères d'admission exceptionnelle au séjour mentionnés à l'alinéa précédent sont précisés par la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

« Cette commission présente chaque année un rapport évaluant les conditions d'application en France de l'admission exceptionnelle au séjour.

« La demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans est soumise à l'avis de la commission.

« Un décret en Conseil d'État définit les modalités d'application du présent article et en particulier la composition de la commission, ses modalités de fonctionnement ainsi que les conditions dans lesquelles le ministre de l'intérieur, saisi d'un recours hiérarchique contre un refus d'admission exceptionnelle au séjour, peut prendre l'avis de la commission. »

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Usine à gaz, gadget, éléphant blanc ou écran de fumée : je ne sais comment qualifier, monsieur le ministre, la proposition de création de cette énième commission qui figure à l'article 24 bis. La France souffre vraiment de la maladie de la « commissionite » !

Cette proposition résulte directement de votre embarras à présenter et à défendre l'abrogation de la disposition permettant de régulariser les migrants étrangers après dix ans de présence sur le territoire.

Ainsi, à l'Assemblée nationale, vous vous êtes livré à une nouvelle opération qui s'inscrit dans votre stratégie générale alliant affichage et tromperie.

Affichage, parce que vous continuez de vouloir maintenir la fiction de l'humanité de votre projet de loi. Ainsi, monsieur le ministre, vous avez présenté cette commission à l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière en vue, je vous cite, « d'homogénéiser les pratiques préfectorales et de préciser les critères d'admission exceptionnelle au séjour, qui pourront prendre en compte des exigences humanitaires ou des motifs exceptionnels invoqués par les étrangers ».

Je vous le dis avec regret, ces arguments ne tiennent pas. En effet, vous dites vouloir en finir avec l'appréciation au cas par cas des dossiers d'admission exceptionnelle par les préfets, mais cette disposition ne fera que renforcer leur pouvoir discrétionnaire parce que, en l'état actuel du texte, c'est le préfet qui soumet le dossier à ladite commission.

Ce qui signifie donc que l'administration, au lieu d'appliquer directement les critères relativement objectifs de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pourra instaurer une sorte de filtre, en soumettant à la commission les seuls dossiers qu'elle estime bons.

Parmi les dossiers qui ne trouveront pas grâce aux yeux des préfectures, figureront sûrement ceux dont les titulaires auront du mal à prouver leur résidence habituelle en France. Or, c'est justement pour éclairer le préfet sur la question de savoir si l'étranger apporte des preuves suffisantes de sa présence en France que cette commission est créée.

De plus, l'intérêt d'une nouvelle commission est considérablement limité, si l'avis qu'elle émet ne lie pas l'administration. Apparemment, au vu du texte, c'est bien l'administration qui aura tout de même le dernier mot.

Il convient également de combattre la création de cette commission qui a pour effet collatéral de paralyser le recours contentieux. En effet, en cas de refus d'attribuer le titre de séjour, le recours devant les tribunaux administratifs aura peu d'effet puisque les juges ne pourront sanctionner les préfectures sur la base de la violation d'un droit qui n'existera plus.

Monsieur le ministre, compte tenu de l'architecture alambiquée de la saisine de cette fameuse commission, pouvez-vous nous éclairer sur le devenir des recours gracieux et hiérarchique ?

Se pose également la question du principe même de l'examen de dossiers individuels par une commission nationale. Comment feront les migrants et leur avocat pour quitter leur région et venir à Paris plaider leur dossier ? Devront-ils aussi, dans ces cas-là, choisir un avocat parisien ?

Comment une telle instance pourra-t-elle gérer tous les dossiers ? Selon les critères que vous établissez, cette commission ne s'occupera pas seulement des cas de migrants résidant en France depuis dix ans, mais également des migrants répondant à des considérations humanitaires. Or ces critères sont toujours flous et ne correspondent à aucune définition claire dans le droit français.

Les instances départementales qui sont prévues par la loi n'ont presque jamais fonctionné, sauf dans de très rares cas. Pourquoi donc créer une commission thématique supplémentaire dont la composition est, de surcroît, plus qu'imprécise ?

Pourquoi ne pas réactiver plutôt les commissions qui existent déjà et sont plus proches de la réalité, puisque leur ressort est départemental ?

Monsieur le ministre, cette commission ne servira à rien d'autre qu'à faire croire qu'on a tenté de répondre à un souci humanitaire mais, une fois de plus, on renvoie les personnes à leur clandestinité. Telle est précisément la politique que votre Gouvernement promeut, et nous ne pouvons l'accepter.

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune ; les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 176 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 244 rectifié est présenté par MM. Delfau, Baylet, A. Boyer, Collin et Fortassin.

L'amendement n° 369 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat et Mathon-Poinat.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 176.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement de suppression résulte de notre désaccord avec l'ensemble des articles qui restreignent les possibilités de régularisation des étrangers.

L'article 24 bis nouveau se veut un correctif à ce durcissement, s'agissant notamment des étrangers qui justifient d'une présence en France de plus de dix ans et qui pourront donc, demain, faire appel à cette commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

Ma collègue Alima Boumediene-Thiery vient de formuler un ensemble de critiques que je fais miennes. Je ne reviendrai donc pas sur le détail de son argumentation.

Nous ne savons pas comment cette commission supplémentaire sera composée, puisqu'un décret en Conseil d'État définira « les modalités d'application du présent article et en particulier la composition de la commission, ses modalités de fonctionnement ainsi que les conditions dans lesquelles le ministre de l'intérieur, saisi d'un recours hiérarchique contre un refus d'admission exceptionnelle au séjour, peut prendre l'avis de la commission ».

C'est pourquoi nous préférerions nous passer de cette commission nouvelle, qui ne fait qu'alourdir le dispositif et l'éloigner des demandeurs et des réalités du terrain, et réactiver les commissions départementales du titre de séjour, qui sont précisément plus proches des gens et du réel.

Nous ne voyons donc pas pourquoi cette commission est créée, sinon pour des motifs d'affichage, pour bien faire voir à ceux qui pourraient s'émouvoir que l'on a ménagé une sorte de soupape de sécurité.

M. le président. L'amendement n° 244 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 369.

Mme Éliane Assassi. L'article 24 bis, qui crée une procédure d'admission exceptionnelle au séjour, a été introduit à l'Assemblée nationale. Les critères d'admission exceptionnelle au séjour seront précisés par la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

Dans les faits, cette commission ne sert qu'à légitimer la réduction des catégories pouvant bénéficier de plein droit d'un titre de séjour - je pense ici, en particulier, à l'abrogation du droit au titre de séjour après dix années de présence habituelle en France - et n'ouvre aucun droit nouveau.

Nous considérons que, loin de régler le problème de la régularisation des sans-papiers au bout de dix ans de résidence sur le territoire français, l'instauration d'une telle commission ne fera que compliquer la situation de ces étrangers.

De plus, elle est loin de constituer une nouveauté puisque le préfet peut déjà, de façon discrétionnaire, décider de régulariser un étranger en situation irrégulière pour des considérations humanitaires ou pour des motifs exceptionnels. Avec une différence de taille, cependant : les étrangers qui pouvaient demander leur régularisation au bout de dix ans de présence en France n'auront plus, avec ce texte, qu'un droit à déposer un dossier devant la commission.

C'est cette même commission qui aura à examiner « au cas par cas » la situation des enfants scolarisés en France nés de parents étrangers, alors que, avant que la loi du 26 novembre 2003 n'entre en vigueur, ces enfants ne pouvaient être expulsés. Il s'agit donc, une fois de plus, de passer du droit à l'arbitraire.

Quant à la mission de cette commission d'harmonisation des pratiques, il est à craindre qu'elle ne se trouve, dans les faits, rapidement compromise par les circulaires, directives et télégrammes émanant du ministère de l'intérieur !

En ce qui concerne le fonctionnement de la commission, l'avis que celle-ci émettra ne liera pas la préfecture ou le ministère, et les étrangers concernés ne pourront pas se prévaloir des critères qu'elle aura dégagés pour contester en justice un rejet de leur demande.

Dans ces conditions, plutôt que de créer une énième commission, pourquoi ne pas réactiver les commissions départementales du titre de séjour existantes, dont les avis, au moins, liaient les préfectures ?

La logique de la saisine semble, quant à elle, difficile à appréhender. En effet, dès lors que l'étranger justifie d'une présence en France depuis plus de dix ans, sur quel autre aspect de son dossier la commission sera-t-elle appelée à se prononcer ?

Tous ces éléments nous ont amenés à déposer cet amendement de suppression de l'article 24 bis, que nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

La Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour exprime un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour mentionnés à l'alinéa précédent.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les choses, afin de ne pas ériger la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour en quasi-autorité administrative indépendante.

À cette fin, il prévoit que ladite commission exprimera un simple avis sur les critères définis par l'autorité administrative compétente.

M. le président. L'amendement n° 119 rectifié, présenté par Mme Dini, M. Badré, Mmes Morin-Desailly et G. Gautier, MM. Détraigne, Zocchetto, Merceron, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une phrase ainsi rédigée :

Ce rapport est annexé au rapport mentionné à l'article L. 111-10.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Dans la mesure où le projet de loi prévoit la création d'une commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, il convient de permettre à cette instance de joindre ses observations au rapport du Gouvernement qui sera remis chaque année au Parlement.

Ce rapport portera sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration, en vertu de l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il nous semble que les observations de la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour y auront toute leur place.

M. le président. L'amendement n° 116 rectifié bis, présenté par Mme Dini, M. Badré, Mmes Payet, Morin-Desailly et G. Gautier, MM. Détraigne, Zocchetto, Merceron, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile :

« L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1, la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. »

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. J'indiquerai en préambule que le groupe de l'UC-UDF tient particulièrement à cet amendement.

L'article 24 tend à modifier sensiblement la rédaction de l'article L. 331-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui porte sur la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », notamment en supprimant l'alinéa qui prévoyait la régularisation des étrangers résidant irrégulièrement en France depuis plus de dix ans.

L'article 24 bis, qui a été introduit par les députés, vise à instituer une commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour chargée de préciser les critères d'admission au séjour des étrangers ne vivant pas en état de polygamie et dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'ils font valoir.

La création de cette autorité est censée contrebalancer la suppression de la régularisation au terme de dix années de séjour sur le territoire français.

À cet égard, si une partie des sénateurs de l'UC-UDF se sont émus de la suppression du 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la solution de remplacement trouvée par les députés ne nous satisfait pas non plus tout à fait.

En effet, la création de la commission précitée ne répond pas de manière satisfaisante à la disparition de la règle que j'évoquais, qui existe depuis 1993.

C'est pourquoi, au travers de l'amendement n° 116 rectifié bis, nous souhaitons confier aux commissions départementales du titre de séjour, et non pas à la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, le soin d'examiner ces cas d'espèce, souvent difficiles et qui recouvrent parfois des situations humaines dramatiques.

En la matière, la proximité nous paraît devoir garantir un meilleur traitement des demandes. En effet, comment une commission nationale pourrait-elle apprécier l'effort d'intégration accompli par la personne concernée ? Il nous semble que les préfets, les élus, les responsables locaux et les associations, sont plus à même de se prononcer sur la régularisation des personnes vivant sur notre territoire depuis plus de dix ans. Il s'agit véritablement de problématiques humaines, relevant d'un traitement de proximité, au cas par cas ; par conséquent, attribuer cette compétence à une autorité nationale nous paraîtrait tout à fait inapproprié.

Certes, les techniques modernes de communication permettent une transmission rapide des informations, mais l'appréciation de ce qui relève du concret et de l'humain ne pourra jamais faire l'objet d'un traitement numérique. Nous préférons donc confier l'examen des dossiers - ce sont autant de cas d'êtres humains - aux commissions départementales du titre de séjour déjà existantes.

Tel est l'objet de cet amendement ; j'espère avoir convaincu le Sénat de son intérêt.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements autres que celui qu'elle a elle-même présenté ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur les amendements identiques nos 176 et 369 de suppression de l'article, la commission émet bien évidemment un avis défavorable.

Sur le fond, je soulignerai que la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour présentera un double intérêt.

Tout d'abord, lorsque le ministre sera saisi sur recours hiérarchique, sa décision pourra être éclairée par un avis de ladite commission, ce qui n'est tout de même pas négligeable dans ce type de situation.

Par ailleurs, la commission d'enquête avait souligné la nécessité de procéder à une harmonisation des méthodes préfectorales et de l'appréciation de ces dossiers par les préfectures, ce que permettra précisément la création de la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour. Je rappelle que ce point était visé expressément dans le rapport.

En ce qui concerne l'amendement n° 119 rectifié, je dois à la sincérité du débat d'indiquer que la commission des lois a considéré qu'il s'agissait là d'instituer un rapport supplémentaire, alors même que l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit déjà la remise d'un rapport, auquel de nombreux organismes doivent joindre leurs observations.

La commission des lois n'a donc pas manifesté un enthousiasme débordant devant cet amendement, dont elle a souhaité le retrait. Toutefois, nous attendons de connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

Enfin, l'amendement n° 116 rectifié bis tend à attribuer aux commissions départementales du titre de séjour la mission de rendre un avis sur les demandes de régularisation émanant d'étrangers justifiant d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, tandis que le projet de loi prévoit de réserver cette compétence à la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

Lorsque la commission des lois a examiné cet amendement, elle a souligné l'intérêt évident qu'il y aurait à réactiver les commissions départementales du titre de séjour. Toutefois, elle a alors émis de fortes réserves sur le fait que leurs avis puissent lier les décisions des préfets. Or la rectification apportée au présent amendement, qui n'a pu être examiné par la commission des lois dans sa nouvelle version, nous rassure sur ce point. C'est la raison pour laquelle j'émettrai, à titre personnel, un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Cet article a une première vertu : inscrire dans la loi une possibilité d'admission exceptionnelle au séjour.

En effet, le pouvoir de régularisation au cas par cas que le Conseil d'État a reconnu au préfet se trouve ici consacré dans le projet de loi. Un étranger qui n'a pas droit au séjour mais qui fait valoir des motifs humanitaires ou d'autres motifs exceptionnels pourra bénéficier d'une carte de séjour : c'est une « soupape de régularisation » nécessaire, que le Gouvernement assume pleinement en proposant de l'inscrire dans la loi.

La seconde vertu de cet article tient à la rationalisation de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour qu'il prévoit. C'est d'ailleurs le sens de la création de la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour. Celle-ci sera composée, je le rappelle, de représentants de l'administration, mais aussi de représentants des associations s'intéressant aux droits des étrangers et d'élus.

La commission aura, aux termes du projet de loi initial, deux missions essentielles : d'une part, donner un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour, afin d'harmoniser les pratiques préfectorales - concrètement, dès son installation en septembre prochain, elle devra, par exemple, donner un avis sur la question des enfants scolarisés ; d'autre part, donner un avis au ministre de l'intérieur sur un dossier individuel lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique et qu'il souhaite être éclairé par la commission.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a souhaité lui confier une troisième mission. Puisque vous avez défendu un amendement de suppression de l'article, je vous ferai d'ailleurs observer, madame Assassi, que cette troisième mission a été introduite par M. Patrick Braouezec, qui avait présenté un amendement en ce sens au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains.

J'ai trop de respect pour M. Braouezec pour ne pas souligner, à cet instant, que cela ne signifie nullement qu'il adhère à la philosophie du texte. Tout comme vous, il n'a eu de cesse, au contraire, de rappeler qu'il était opposé aux principes qui sous-tendent ce projet de loi. Je tenais à insister sur ce point, par souci d'honnêteté.

Néanmoins, M. Braouezec a estimé que cet article 24 bis pouvait malgré tout constituer une avancée et qu'il était possible d'aller encore plus loin que ne le prévoyait sa rédaction initiale, en ouvrant à tous ceux qui peuvent justifier de leur résidence en France depuis plus de dix ans le droit de demander à la commission nationale d'examiner leur dossier.

Hier, à propos de l'article 24, la suppression de l'automaticité de la régularisation au bout de dix ans de présence irrégulière sur le sol français a été contestée sur les travées de votre groupe, madame Assassi. Pour sa part, M. Braouezec a donc souhaité, s'agissant de l'article 24 bis, que l'on permette aux personnes se trouvant dans cette situation de voir leur cas examiné par la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

Il me semble, dans ces conditions, que le dispositif présenté peut répondre à certaines de vos attentes. Je voulais relever ce point, car, en présentant un amendement de suppression de l'article, vous allez quelque peu à l'encontre des intentions de M. Braouezec, qui a souhaité donner une dimension supplémentaire au dispositif en prévoyant, pour les étrangers concernés, un droit à l'examen de leur dossier par la commission nationale.

Ce principe doit être conservé, mais le Gouvernement a évolué dans son appréciation du niveau pertinent d'examen des demandes. La réflexion conduite par la CIMADE nous a, je tiens à le dire, beaucoup aidés à cet égard. Que les choses soient claires : en faisant ainsi référence à cet organisme, je n'entends nullement me prévaloir d'un quelconque soutien de sa part. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'exclame.)

Vous savez, madame la sénatrice, j'ai soif de vérité et de transparence : je reconnais donc que la CIMADE n'a jamais apporté son appui au texte. Cependant, elle a contribué à l'élaboration de certaines de ses dispositions, en indiquant comment, même si elle n'est pas complètement favorable à ce projet de loi,...

M. Jean-Pierre Sueur. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... il serait possible, sur certains points, de l'améliorer dans le sens qu'elle souhaite.

Loin de moi, encore une fois, l'arrière-pensée de revendiquer un soutien de la CIMADE : ses responsables ont dit et répété qu'ils étaient hostiles au projet de loi ; dont acte. Toutefois, cela ne nous a pas empêchés d'échanger avec eux de manière approfondie sur les dispositions du projet de loi, non pour rechercher leur caution, mais pour bénéficier de leur éclairage. En effet, cette association est à nos yeux tout à fait respectable, et les propositions qu'elle formule permettent même parfois de faire évoluer les points de vue.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il s'agit donc non pas de se convaincre, mais au moins de s'écouter. Certains échanges que nous avons eus avec les interlocuteurs associatifs nous conduisent à être favorables à l'évolution très importante proposée par l'amendement n° 116 rectifié bis du groupe UC-UDF et de son président Michel Mercier.

Les dossiers des étrangers résidant en France de manière irrégulière depuis plus de dix ans seront examinés non pas par la commission nationale, mais par les commissions départementales du titre de séjour. L'échelon départemental paraît en effet le plus pertinent pour un tel examen individuel.

Je tiens, cher président Mercier, à saluer également le rôle déterminant pour notre réflexion de l'association lyonnaise Forum réfugiés, que vous connaissez bien. Elle m'a autorisé à indiquer au Sénat qu'elle était tout à fait prête à siéger au sein de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour. Vous pouvez en attester puisque vous avez des relations très constructives avec cette association.

J'en viens maintenant aux amendements déposés sur l'article 24 bis.

Sur la base de ce que je viens d'indiquer, bien évidemment, j'émettrai un avis défavorable sur les amendements n° 176 et 369 de suppression.

Je remercie M. le rapporteur de l'amendement n° 39, qui tend à préciser que la commission nationale donne un avis sur les critères de régularisation, étant entendu que l'admission au séjour reste une compétence de l'État.

S'agissant de l'amendement n° 119 rectifié, le Gouvernement y est très favorable.

Pour ce qui est de l'amendement n°116 rectifié bis, j'ai expliqué les raisons pour lesquelles nous y étions favorables. Je précise d'ailleurs que les préfets seront tenus de soumettre les demandes pour avis aux commissions départementales.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 119 rectifié ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 176 et 369.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. À l'évidence, pour des raisons humanitaires, nous restons hostiles à l'idée qu'un étranger en France depuis dix ans ne bénéficie que d'une admission exceptionnelle au séjour, avec des restrictions de toutes sortes, au lieu d'une régularisation définitive de sa situation.

On a déjà souligné le nombre important de commissions. Cette commission nationale pose quand même quelques difficultés. Elle ne pourra donner qu'un avis consultatif, basé sur des critères généraux. Comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, cet avis, comme celui des commissions départementales, ne liera en aucun cas le préfet, dont on reste totalement dépendants.

Vous nous présentez l'admission exceptionnelle au séjour comme une nouveauté ! Or elle existe depuis bien longtemps pour des étrangers résidant en France depuis moins de dix ans. Cette belle magnanimité est prévue dans notre droit et elle est d'usage constant.

Cette nouvelle Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour est donc loin d'être aussi merveilleuse que vous le prétendez ! Si certaines associations jugent bon de s'en contenter, on peut le comprendre : en permanence sur le terrain, elles se disent que mieux vaut sauver un étranger que personne.

Monsieur le ministre, les étrangers en situation irrégulière depuis dix ans en France pourront-ils saisir eux-mêmes cette Commission ? Si oui, dans quelles conditions pour leur propre sécurité ?

En tout cas, cette restriction incroyable des droits des étrangers vivant en France, même agrémentée d'une nouvelle commission, n'est pas acceptable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 176 et 369.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 24 bis, modifié.

(L'article 24 bis est adopté.)