M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° I-171 est-il maintenu ?

M. Michel Charasse. Monsieur le ministre, je suis tout à fait d'accord avec la méthode que vous proposez et je suis donc prêt à me rapprocher de vos services. Il est temps de régler ce problème, que M. Hortefeux et moi-même connaissons bien puisqu'il concerne trois ou quatre communes de notre département, dont la mienne.

Monsieur le rapporteur général, le ticket modérateur, c'est peut-être très bien, mais, pour en bénéficier, il faut augmenter le taux. Pour ma part, je n'ai aucune envie d'augmenter le taux de la taxe professionnelle pour les entreprises de ma commune !

Par conséquent, vous ne pouvez pas nous demander d'accepter un dispositif qui a pour objet de contenir les charges des entreprises et, en même temps, nous inciter à augmenter l'impôt. Certes, je sais bien que telle n'est pas votre intention, mais le système aboutit bien à cette contradiction.

Cela étant, monsieur le ministre, si vous acceptez que je me rapproche de vos services d'ici à la discussion du collectif budgétaire, je retire volontiers l'amendement n° I-171. Cela nous permettra de finaliser ensemble ma proposition, d'en étudier toutes les conséquences et de proposer éventuellement certaines modifications. En tout état de cause, les communes ne peuvent pas être doublement pénalisées.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mes services vous attendent avec impatience, monsieur Charasse !

M. le président. L'amendement n° I-171 est retiré.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° I-82.

Mme Marie-France Beaufils. S'agissant des amendements qui visent à revenir sur les modalités de plafonnement de la taxe professionnelle à la valeur ajoutée, M. le ministre nous affirme que la réforme a d'abord pour objet d'atténuer le poids de la taxe professionnelle pour les entreprises.

Or, parmi les communes qui seront concernées, un certain nombre d'entre elles pratiquent un taux relativement bas puisqu'il est inférieur au taux moyen national. Autrement dit, la réforme n'atteint pas complètement son but. De plus, selon M. Copé, 90 % des communes auront à acquitter un ticket modérateur très peu élevé. Soit ! Mais, je le rappelle, pour l'essentiel, il s'agit de communes qui n'ont pas choisi d'intégrer une intercommunalité à taxe professionnelle unique. Par conséquent, un tel pourcentage s'explique facilement, à partir du moment où seules les plus petites communes sont concernées.

L'argumentaire qui nous est opposé n'est donc pas recevable, car il ne sert finalement qu'à éluder la situation de la grande majorité des communes intégrées à des intercommunalités.

M. le président. La parole est à M. Michel Sergent, pour explication de vote.

M. Michel Sergent. Tant M. le rapporteur général que M. le ministre nous affirment que cette réforme est favorable aux entreprises ; elle l'est certainement pour les grandes, mais en tout cas pas pour toutes.

L'ensemble des associations d'élus, toutes tendances politiques confondues, dont certaines sont d'ailleurs présidées par des collègues sénateurs, proteste contre cette réforme. Cela montre bien qu'elle pénalise de nombreuses collectivités.

Par conséquent, plutôt que de s'en tenir à quelques amodiations, c'est bien tout le dispositif qu'il faut revoir complètement, afin de corriger les inégalités, donc les injustices, qui sont de plus en plus grandes. Nous insistons sur l'absolue nécessité de supprimer cette réforme.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. J'irai dans le même sens que mon collègue Michel Sergent. Au préalable, une fois n'est pas coutume, je tiens à rendre hommage au travail de la commission des finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie, mon cher collègue, mais vous en faites également partie !

M. François Marc. En effet, le projet de réforme qui nous a été transmis l'an passé était tellement décousu que la commission des finances a dû travailler d'arrache-pied pour lui donner un aspect présentable. Cependant, malgré ces efforts, nous sommes bien obligés de constater que le dispositif est tout à fait insatisfaisant et même très dangereux.

Selon le Gouvernement et la commission, il s'agirait d'une bonne réforme pour la taxe professionnelle. Mais ce n'est pas du tout une réforme : cela s'apparente simplement à un plafonnement, à une baisse d'impôt. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, en quoi le projet qui nous est soumis réforme-t-il la fiscalisation en la matière ? Je le répète, il n'y a pas véritablement de modifications profondes et il ne s'agit que d'une baisse d'impôt répondant à la même logique que toutes les autres baisses d'impôt mises en place depuis quatre ans et demi par les gouvernements successifs.

Au surplus, la sincérité des simulations qui nous ont été présentées l'an passé - chacun s'en souvient, elles étaient très sommaires - est aujourd'hui mise en doute par un certain nombre de cabinets d'experts spécialisés dans les finances locales.

En définitive, nous voilà dans le brouillard le plus total ! Nous sommes engagés dans un dispositif dont nous ne percevons pas très bien les tenants et les aboutissants. Nous y reviendrons dans un instant, il induit des effets pervers très importants, qui peuvent conduire à une forte minoration des rentrées fiscales, bien au-delà de ce qui est anticipé aujourd'hui.

Pour toutes ces raisons, il est tout à fait opportun de ne plus poursuivre dans l'erreur et de faire marche arrière par rapport à un dispositif qui, je le répète, loin d'être une réforme, est un simple plafonnement, une simple baisse d'impôt, avec des effets très négatifs à bien des égards.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-82.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 61 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 119
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° I-166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-168.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-169.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-170.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 12 ou avant l'article 15
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article 12

Articles additionnels avant l'article 12

M. le président. L'amendement n° I-167, présenté par MM. Marc,  Massion,  Masseret,  Angels et  Auban, Mme Bricq, MM. Charasse,  Demerliat,  Frécon,  Haut,  Miquel,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts est modifié comme suit :

1°. Le 4ème alinéa du 2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles ne comprennent pas les prestations d'intérim ».

2°. Après le 4, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... En ce qui concerne les sociétés de travail intérimaire, la part des prestations de personnels refacturée au client est déduite de la valeur ajoutée. »

 

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Je souhaite une nouvelle fois attirer l'attention du Sénat sur les effets induits par cette modification de la taxe professionnelle, que je n'ose qualifier de réforme, car ce terme me paraît inadéquat en l'occurrence.

Le nouveau dispositif de plafonnement à la valeur ajoutée pourrait inciter les entreprises à la précarisation des postes de travail, notamment à travers un recours accru à l'intérim. En effet, si les salaires et les charges correspondantes relèvent de la définition juridique de la valeur ajoutée, en revanche, la rémunération versée aux entreprises d'intérim ou l'indemnisation correspondant à la mise à disposition de personnel n'en feront pas partie.

Lors des débats de l'an dernier, nous avons vigoureusement dénoncé ce redoutable effet pervers et le Gouvernement avait finalement proposé au Sénat, à la dernière minute, un amendement visant à éviter certains comportements d'optimisation fiscale portant sur les charges des entreprises susceptibles d'être externalisées. Il s'agit notamment des contrats de maintenance et des mises à disposition de personnel.

La question essentielle de l'intérim n'avait cependant pas été réglée, comme n'avait pas manqué de le souligner M. le président de la commission des finances.

Quelques experts ont récemment tiré à nouveau la sonnette d'alarme à ce sujet, dans la presse spécialisée et au cours de colloques sur les finances locales.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de cette modification de la taxe professionnelle, cet amendement vise à préciser explicitement que les prestations d'intérim ne sont pas incluses dans les consommations intermédiaires, afin d'empêcher les comportements d'optimisation fiscale par le biais d'une minoration de la valeur ajoutée.

En écho aux recommandations faites par M. Arthuis lors des débats de l'an dernier, cet amendement tend en outre à éviter un mécanisme de double imposition. Il est ainsi précisé que les dépenses de personnel intérimaire sont comprises dans la valeur ajoutée de l'entreprise qui fait appel à la société de travail intérimaire, et non pas dans la valeur ajoutée de l'employeur juridique, en vertu du principe selon lequel la valeur ajoutée est créée là où les salaires existent et où les salariés travaillent.

Afin d'éviter que la réforme de la taxe professionnelle ne soit le terreau d'un renforcement de l'évasion fiscale, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement, qui prend le relais des modifications déjà apportées l'an passé avec l'appui explicite de la commission des finances. Il nous semble très important que ce complément puisse être apporté afin d'éviter les dérapages et les minorations des recettes fiscales nées de l'évasion qui ne manquera pas de se produire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La question posée est particulièrement sensible et importante. Je rappelle que la réforme de la taxe professionnelle, de manière un peu paradoxale mais bien réelle, réintègre la valeur ajoutée dans les bases. Les salaires, qui avaient été extraits de l'assiette de la taxe professionnelle par la réforme Strauss-Kahn, y sont réintroduits pour une part.

Les salaires font partie de la valeur ajoutée. Au contraire, le travail intérimaire en est soustrait puisqu'il s'agit d'une consommation de service en provenance de tiers.

Dans la loi de finances pour 2006, une question identique avait été posée s'agissant des comptes de transfert de charges, mais elle ne traitait pas de l'intérim. L'amendement du Gouvernement adopté l'an dernier concernait le personnel mis à disposition par une autre entreprise du même groupe et l'ensemble des opérations enregistrées par un compte de transfert de charges, non seulement les mises à disposition de personnel mais aussi, par exemple, les contrats d'entretien ou de maintenance, y compris entre entreprises appartenant à des groupes différents. L'ensemble de ces dispositions entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2007.

Nous devons désormais régler la question de l'intérim.

L'amendement présenté l'année dernière par François Marc sur ce même sujet, et retiré après qu'un avis défavorable eut été émis par le Gouvernement, comportait une anomalie : il conduisait à intégrer deux fois le travail intérimaire dans la valeur ajoutée, une première fois dans le cas de l'entreprise recourant à l'intérim et une seconde dans les bases de la société d'intérim elle-même.

Le président Arthuis ayant mis en évidence cette anomalie, avait souhaité qu'il n'y ait pas de double comptabilisation. Il a été tenu compte de cette objection dans le texte qui nous est soumis : il n'y a donc plus de double comptabilisation de l'intérim.

La question posée doit être replacée dans le cadre général de la lutte contre l'optimisation des bases de taxe professionnelle. Dans mon intervention liminaire, je vous indiquais que cette préoccupation devait faire l'objet de toute notre vigilance. Pour autant sommes-nous en mesure de donner dès maintenant un avis favorable sur l'amendement de François Marc ?

Un sénateur socialiste. Oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il existe différents modèles économiques correspondant aux conditions d'exploitation de telle ou telle branche de l'économie. Avant même la réforme de la taxe professionnelle, celle-ci étant par définition neutre par rapport à ces phénomènes, certaines branches recouraient davantage que d'autres à l'intérim : c'était une caractéristique de leur modèle économique.

On me dit, par exemple, que l'industrie automobile emploie une proportion plus importante d'intérimaires par rapport au total de personnes employées que d'autres branches d'activités. Je n'ai pas les moyens en cet instant de vérifier cette information, mais celle-ci me paraît vraisemblable. (M. Jean Marie Bockel opine.) Certains de nos collègues qui accueillent des usines de construction automobile dans leur circonscription pourront d'ailleurs nous le confirmer.

Si nous retenons la rédaction proposée, les entreprises concernées risquent de subir de plein fouet un surcoût de taxe professionnelle, dans la mesure où la totalité des charges d'intérim sera réintégrée dans leur valeur ajoutée, ce qui se traduira par un re-saut alors que ces entreprises s'attendent à une baisse de la cotisation de taxe professionnelle. Ce serait une anomalie.

Je suis pour ma part tout à fait disposé à mettre au point en temps utile, dans la perspective du collectif budgétaire, une rédaction tenant compte du renforcement de l'intérim.

Vous craignez, mon cher collègue, que la réforme de la taxe professionnelle n'incite les entreprises, du fait de l'optimisation fiscale, à recourir davantage et artificiellement à l'intérim.

Je suis d'accord avec vous : ce type de comportement doit être évité, car il risque de miner les bases de taxe professionnelle. Mais nous devons trouver une rédaction qui nous permette de raisonner en termes de différentiel par rapport à une situation de référence, par exemple celle du 1er janvier 2006, et de dissuader ce comportement d'optimisation fiscale, sans pour autant pénaliser et surimposer des branches d'activités qui, avant la mise en oeuvre de la réforme de la taxe professionnelle, avaient recours plus que d'autres à l'intérim.

J'espère avoir été aussi clair que possible.

Je propose donc à M. le ministre délégué, d'une part, et à François Marc, d'autre part, que nous rédigions ensemble un amendement de la commission des finances, destiné à être adopté dans le projet de loi de finances rectificative et tendant à compléter de manière utile et opportune le dispositif anti-optimisation fiscale.

Par ailleurs, je souhaite connaître l'avis du Gouvernement, évidemment décisif en la matière, sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il s'agit d'un point de concept très important. Un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, avait considéré que les salaires ne devaient plus faire partie de l'assiette des cotisations de taxe professionnelle et avait choisi de prendre pour assiette les investissements. La conséquence de cette mesure fut que certains investissements sont partis ailleurs, là où on ne prélève pas une telle taxe.

Avec la réforme votée l'an passé, on en revient désormais à la notion de valeur ajoutée, constituée pour l'essentiel par les salaires versés par l'employeur à ses collaborateurs dans le cadre d'un contrat de travail, mais aussi dans le cadre de l'intérim. Et il est vrai que l'intérim représente quelquefois un moyen d'échapper aux contraintes excessives prévues par le législateur et les conventions collectives en matière de relations du travail.

Comment intégrer les salaires des intérimaires dans les bases de taxe professionnelle ? Si on considère que la valeur ajoutée est celle de l'entreprise d'intérim, il suffit pour échapper à la taxe professionnelle d'implanter cette entreprise dans une commune où il n'y a pas de taxe professionnelle. Ces pratiques d'optimisation fiscale étaient courantes à la fin des années quatre-vingt-dix.

L'entreprise intérimaire emploie « d'ordre et pour compte » des entreprises qui font appel au travail intérimaire. Personnellement, je pense que les salaires des intérimaires sont une partie intégrante de la valeur ajoutée.

Je comprends aussi l'argument de M. le rapporteur général, qui nous met en garde contre un inconvénient : les entreprises ayant massivement recours à l'intérim risquent de subir soudainement un sursaut de taxe professionnelle. Il nous faut donc analyser tous ces éléments.

Sur le fond, nous devons assimiler les prestations d'intérim payées par une entreprise aux salaires pris en charge par cette même entreprise : ils font tous partie intégrante de la valeur ajoutée.

M. Michel Charasse. Bien sûr ! C'est une charge de production !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. D'ici à l'examen de la loi de finances rectificative, nous devons trouver une rédaction appropriée, et nous le ferons en collaboration avec François Marc.

Sur ce point, monsieur le ministre, nous devons lever toute ambiguïté : les prestations d'intérim font incontestablement partie de la valeur ajoutée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les interventions de l'auteur de l'amendement, de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission des finances.

Ce sujet est extrêmement difficile et sensible. C'est la raison pour laquelle je m'empresse de vous dire qu'il ne serait pas responsable d'adopter, ce soir, un amendement de cette nature.

En effet, ses conséquences, notamment sur un certain nombre de secteurs économiques, seraient considérables, sans que je sois en mesure d'en évaluer aujourd'hui l'ensemble des effets chiffrés.

Ce que je sais intuitivement, c'est que l'adoption de cette proposition conduirait à pénaliser toutes les entreprises qui ont construit leur modèle économique sur le recours à l'intérim, à commencer par un secteur aujourd'hui au coeur de toutes nos préoccupations ; je veux parler du secteur automobile qui, je le rappelle, a perdu 30 000 emplois en 2005.

Sur pareil sujet, il me semble absolument indispensable de prendre le temps de la réflexion. Dans certains cas, certes, on peut convenir de faire l'essai. Mais, dans le cas qui nous intéresse, attention à ne pas mettre en place un système dans lequel le seul fait d'exclure le recours à l'intérim de la valeur ajoutée reviendrait à écarter un pan entier de notre activité industrielle du plein bénéfice de la réforme de la taxe professionnelle, dont le principal objectif est un allégement fiscal d'importance, puisque le taux visé est de 3,5 % !

À ce stade, je ne saurais donc émettre un avis favorable sur cet amendement et souhaiterais, pour tout dire, qu'il soit retiré. Mais, je le précise, je ne vois aucun inconvénient à ce qu'il continue à faire l'objet d'une étude d'ici à la fin de l'année.

Les auteurs de l'amendement cherchent à lutter contre l'évasion fiscale et l'hyperoptimisation, objectif partagé sur toutes les travées de cet hémicycle. Et vous trouverez toujours le ministre du budget à vos côtés lorsqu'il s'agira de dépister les risques d'évasion fiscale et les tentatives d'optimisation. Encore faut-il avoir en tête que beaucoup de choses ont déjà été faites.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas dans ce domaine !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Non, pas dans le domaine de l'intérim, vous avez raison, mais dans d'autres domaines qui ont trait à la lutte contre l'évasion fiscale.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument ! Sur mon initiative !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En effet, sur votre initiative, monsieur le rapporteur général.

Néanmoins, je le répète, sur ce sujet, il y a un doute et c'est la raison pour laquelle je souhaiterais que cet amendement ne soit pas adopté ce soir, quitte à en rediscuter en d'autres circonstances.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, je vous ai bien écouté : vous avez répondu aux auteurs de l'amendement, mais pas à moi. D'une part, je suis légitimement un peu jaloux, d'autre part, je pense que j'avais apporté au débat une proposition sur laquelle j'attendais votre réaction.

J'ai objecté à François Marc que sa proposition conduisait à réintégrer l'intérim dans la valeur ajoutée et aboutirait, par conséquent, pour les branches dont le modèle économique comporte un recours particulièrement important à l'intérim, à subir des cotisations de taxes professionnelles en forte hausse. Un tel amendement suscite des interrogations et des objections fortes, notamment sur le plan économique et sur le plan de l'emploi.

J'ai, pour ma part, choisi une ouverture différente. Nous sommes sur le terrain de l'optimisation. J'ai entendu François Marc nous dire qu'il veut éviter le recours accru à l'intérim comme moyen de diminuer les bases de taxe professionnelle par un procédé d'optimisation fiscale.

Pour savoir si c'est une bonne voie, j'ai proposé qu'on examine le différentiel entre une situation de référence, par exemple au 1er janvier 2006, et l'évolution dans le temps du recours à l'intérim par telle ou telle entreprise. C'est probablement un peu complexe, mais je pense intuitivement que nous devrions pouvoir arriver à une rédaction qui réponde à ce concept. N'avons-nous pas réussi des exercices plus ardus, à commencer, l'année dernière, par tout notre édifice complexe de ladite réforme de la taxe professionnelle ? En la matière, je nous fais confiance pour aboutir à une proposition cohérente. Mais je voudrais savoir, monsieur le ministre, si cette voie a votre accord de principe. Or sur ce point, je n'ai pas entendu votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, je vais répondre exclusivement à votre interrogation, tant le mot « jalousie » appelle celui d'« exclusivité ». Donc, cette fois, en étant tout à vous, je vais totalement apaiser votre « jalousie ». (Sourires.)

Monsieur le rapporteur général, que les choses soient tout à fait claires : face à la préoccupation unanimement partagée de lutte contre l'évasion fiscale, vous ne suivez pas à la lettre l'amendement de M. Marc, mais vous rebondissez sur son principe, proposant que l'on travaille sur la variation.

M. Michel Charasse. Le différentiel !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le différentiel, en effet !

Mon éducation l'a voulu ainsi, je trouve, par principe, que, dans la vie, il faut être ouvert à toutes les propositions et les étudier. Je suis donc, comme toujours, disposé à les examiner avec vous, avec M. le président de la commission des finances et avec ceux qui le souhaiteraient.

Permettez-moi seulement de souligner que je ne perds pas de vue l'objectif du Gouvernement : garantir que la réforme de la taxe professionnelle soit un plus pour une entreprise dans un secteur industriel, en l'occurrence, l'automobile, aujourd'hui en situation difficile en termes de créations d'emplois. Je tiens à m'assurer que le dispositif éventuellement retenu ne viendra pas porter atteinte au modèle économique tel qu'il existe aujourd'hui.

Tout en étant parfaitement d'accord sur le principe d'étudier la question, j'estime important de vérifier que le fait de substituer un système de différentiel à un système de valeur absolue ne conduise pas, malgré tout, à créer un effet de seuil qui serait dissuasif pour le secteur concerné.

J'accepte de travailler sur la question. Je demande simplement que nous regardions les choses en toute objectivité : s'il apparaît qu'il n'y a aucun risque d'effet de seuil, soit, nous y allons ; dans le cas contraire, nous l'évaluerons ensemble.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans le cadre de cette étude et de ces simulations, je vous demande également de retenir le concept de valeur ajoutée et de considérer que les prestations d'intérim sont de la valeur ajoutée. Sinon, nous aurons de vraies difficultés pour appréhender les variations.

Pour échapper à la taxe professionnelle, la vraie optimisation consiste à supprimer des emplois. Nous sommes là dans un dispositif de taxation dont nous devons être conscients qu'il participe à la destruction d'emplois.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Absolument !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans une économie mondialisée, il y a une mécanique aux effets fulgurants. C'est la raison pour laquelle il faut que nous nous préparions, mes chers collègues, à imaginer une autre conception de la fiscalité.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. La fiscalité d'après !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La fiscalité d'après, en quelque sorte !

En effet, c'est formidable de dire que les entreprises paient.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas pour le collectif budgétaire, c'est pour après !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui, c'est vraiment pour après le collectif !

M. Michel Charasse. Nous sommes dans le désir d'avenir ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° I-172 est-il maintenu ?

M. François Marc. Je me félicite d'abord de cette discussion tout à fait utile et intéressante sur un sujet extrêmement important.

Je rejoins totalement M. le président Arthuis en ce qui concerne la conception même de la valeur ajoutée. Ce qu'il a dit est essentiel, et je suis inquiet de l'entendre dire qu'à vouloir compliquer le recours à l'intérim, l'on risque de pénaliser les entreprises et de provoquer des conséquences dramatiques.

C'est dire la force d'implantation de l'intérim ! C'est dire que le nomadisme économique caracole dans ce pays à un point tel qu'il n'est pas possible de le corriger sans produire des effets considérables !

Je vois là quelque chose de très inquiétant pour les élus que nous sommes, attachés à préserver sur nos territoires les entreprises et les emplois qui s'y trouvent.

Par rapport à l'objectif qui est le nôtre, c'est-à-dire éviter que cette pseudo-réforme de la taxe professionnelle ne produise des effets pervers en matière d'évasion fiscale, nous pourrions, dans le cadre du collectif budgétaire, examiner une rédaction améliorée de cet amendement tenant compte des suggestions qui ont pu être faites.

Compte tenu de l'accord de principe de M. le ministre pour étudier très attentivement cette question, nous acceptons de retirer cet amendement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien ! Nous y travaillerons ensemble.

M. le président. L'amendement n° I-167 est retiré.

L'amendement n° I-172, présenté par MM. Bockel,  Frécon,  Massion,  Masseret,  Angels et  Auban, Mme Bricq, MM. Charasse,  Demerliat,  Haut,  Marc,  Miquel,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le III de l'article 29 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002) est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de 2007, le prélèvement opéré par l'État ne peut en aucun cas être supérieur au produit de taxe professionnelle perçu par la collectivité, au titre de la même année, du ou des établissements de France Télécom sis sur son territoire ».

II. Les pertes de recettes pour l'État sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Je reviens à la charge, reprenant un amendement présenté ici même devant vous l'année dernière, amendement que j'avais retiré à votre demande afin que la question puisse être examinée de manière approfondie dans ses tenants et aboutissants. Or, à ce jour, je n'ai pas obtenu de réponse.

Je rappelle la problématique : depuis le vote de la loi de finances pour 2003, la société France Télécom est assujettie aux impôts directs locaux et taxes assimilées dans les conditions de droit commun.

Jusqu'en 2003, ces impôts étaient prélevés au profit de l'État et du Fonds national de péréquation.

Depuis 2003, un mécanisme de neutralisation pour l'État des pertes de recettes induites par la réforme a donc été mis en place sous la forme d'un prélèvement sur le montant de la compensation part salaire de la taxe professionnelle, versé au profit de l'État.

La loi de finances pour 2004 a indexé ce prélèvement sur le taux d'évolution de la dotation forfaitaire. La gestion de ce prélèvement par les services de l'État a été simplifiée puisque, une fois calculé, le montant du prélèvement est actualisé automatiquement. Et c'est là que le bât blesse : cette méthode génère un manque à gagner important pour certaines communes et, surtout, pour les groupements à taxe professionnelle unique.

Je vous épargne la lecture de la longue liste, établie par l'Association des maires des grandes villes de France, des communes - pas toutes, mais beaucoup d'entre elles - qui ont un manque à gagner, dont le montant est parfois extrêmement important. Il y a donc là, toutes sensibilités politiques confondues, un mécontentement réel et croissant.

Á l'arrivée, une commune ou une collectivité sur le territoire de laquelle un établissement de France Télécom est implanté continuera de subir le même prélèvement alors que cet établissement a réduit son activité, voire l'aura cessée.

Au-delà de ces arguments de bon sens et d'équité, j'ajouterai un argument que mon collègue Michel Charasse vient de me suggérer et que je fais mien.

Deux régimes cohabitent : d'un côté, France Télécom et, de l'autre, les autres opérateurs de téléphonie. Dans ce domaine, il y a une vraie concurrence et un vrai partage du marché.

On peut imaginer un recours à Bruxelles. Peut-être y a-t-il des procédures en cours. Je ne le sais pas, mais en tout cas, des contentieux sont déjà engagés à l'échelon français. Quoi qu'il en soit, au regard de ces règles de la concurrence, une telle situation n'est pas tenable.

Je ne sais pas quel est l'avis de la commission des finances, mais je souhaiterais vraiment qu'un travail soit entrepris sur cette situation inéquitable et que, cette fois, il produise des résultats concrets.

C'est la raison pour laquelle je présente cet amendement qui a au moins le mérite d'être clair sur ce sujet et qui, de surcroît, est recevable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette question revenant depuis plusieurs années, je vais m'efforcer de la résumer à nouveau.

Pour prendre les choses dans l'ordre, c'est M. le ministre délégué aux collectivités territoriales, M. Brice Hortefeux, qui a, lors de l'examen d'un amendement identique à l'Assemblée nationale, suggéré le report de l'examen de cette question au Sénat. (Sourires.)

Quelle est l'origine de cette affaire ? C'est l'article 29 de la loi de finances pour 2003 qui a neutralisé, pour l'État et les collectivités territoriales, les effets de la banalisation de la fiscalité locale de France Télécom.

Je me permets de rappeler que, pendant de très nombreuses années, toutes les collectivités d'implantation ont manifesté à l'égard de l'État leur souhait, dès lors que France Télécom devenait une entreprise compétitive, de bénéficier sous forme de bases fiscales de cette évolution.

Il se trouve que, en effet, j'étais de ceux qui soutenaient ce mouvement, auquel, il faut le rappeler, le précédent gouvernement n'avait pas donné de suites positives puisque c'est bien dans la loi de finances pour 2003, notre collègue Alain Lambert étant alors ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, que la réforme est intervenue, réforme qui a consisté en une restitution de bases fiscales aux collectivités.

Le problème posé depuis 2003 et que nous avons retrouvé à l'occasion de l'examen des lois de finances pour 2004, 2005 et 2006 a donc été celui du calcul de ces bases fiscales.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le principe était bien celui de la banalisation de la fiscalité locale de France Télécom, mesure qui s'avérait par ailleurs nécessaire pour que France Télécom soit en conformité avec le droit communautaire.

Les bases de France Télécom ne sont pas traitées différemment des autres bases de taxe professionnelle. Le prélèvement de l'État institué dans ce cadre ne vise qu'à assurer la neutralité financière à l'occasion de la banalisation de la fiscalité de France Télécom.

Selon l'opinion constante de la commission des finances, l'État ne peut compenser aux collectivités concernées, au moyen d'une révision du mode de calcul du prélèvement, les fluctuations de base de taxe professionnelle des établissements de France Télécom, car ce serait créer une inégalité entre collectivités.

Je pourrais, bien sûr, développer plus avant ce sujet, mais tout autant vous renvoyer, mes chers collègues, à nos précédents rapports, dans lesquels figurent des exemples de cette neutralité financière selon laquelle la banalisation a été conçue ; je vais donc vous faire grâce de la lecture de ces exemples, mais, si la discussion se poursuivait, je les tiens à votre disposition.

On peut aussi se référer au compte rendu de notre séance du 29 novembre 2005, pendant laquelle un amendement identique avait été présenté par notre collègue Jean-Pierre Sueur, car je ne crois pas que la question puisse avoir évolué depuis lors.

Cependant, si l'analyse de M. le ministre était différente de la mienne, je serais bien entendu prêt à faire évoluer cette dernière.