M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je comprends le souci de sécurité qui a inspiré à M. de Richemont l'amendement n° 10. Mais permettez-moi de formuler plusieurs observations.

En matière de sécurité, le capitaine et son officier suppléant pourront communiquer en français, puisque l'on aura préalablement vérifié leur niveau dans cette langue par un examen, ou dans la langue de travail du navire comme cela est prévu dans le code ISM, ou International Safety Management.

Par ailleurs, il me semble réducteur de ne s'en tenir qu'à la communication entre le capitaine et son second, car c'est en vérité tout l'équipage qui est concerné.

De plus, et cet argument est important, cet amendement institue une restriction à l'embauche sur le fondement d'un critère de nationalité, ce qui est totalement contraire au droit communautaire, lequel institue la liberté d'accès à l'emploi de tous les ressortissants communautaires en dehors de tout critère de nationalité. Au demeurant, monsieur de Richement, lier l'embauche de l'un à la nationalité de l'autre pourrait empêcher dans certains cas le maintien sous pavillon français.

Enfin, du strict point de vue de la sécurité des navires, aucune convention internationale ne justifie une telle position.

Par conséquent, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 10.

M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?

M. Charles Revet, rapporteur. Je souhaite que notre collègue et ami Henri de Richemont retire son amendement. Dans le cas contraire, la commission ne pourrait qu'émettre un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote.

M. Henri de Richemont. Loin de le retirer, je vais défendre à nouveau mon amendement !

Il faut être cohérent. Que se passe-t-il à bord des navires ? Les marins d'exécution sont souvent de nationalité asiatique. Les lieutenants sont plutôt originaires de l'Europe de l'Est. Quant au commandant et à son substitué, ils viennent plutôt d'Europe de l'Ouest. Par conséquent, même à bord des navires sous pavillon européen, y compris sous pavillon français, ce peut être une véritable tour de Babel !

Même si vous avez des exigences en matière de langue française, soyez sérieux ! Aucun commandant européen formé dans une école européenne ne parlera le français couramment. Aucun ! En revanche, la langue anglaise sera souvent bien parlée par l'officier, même si ce dernier est d'un pays non européen.

Bref, on ne peut pas s'exprimer correctement dans une langue que l'on ne maîtrise pas ! Or, lorsqu'un problème survient, le commandant a besoin d'être conforté, de communiquer et de se faire comprendre pour maîtriser la situation.

Je veux bien que l'on fasse tomber le critère de la nationalité. Mais il est alors impératif de préciser au moins que le commandant et son substitué doivent parler couramment la même langue !

M. Bruno Sido. Le français !

M. Henri de Richemont. Voyez ce qui se passe à bord des navires lorsqu'un commandant est confronté à un vrai problème ! Il ne parle qu'avec son substitué, avec qui il communique dans la même langue.

M. Charles Revet, rapporteur. La même langue, c'est le français !

M. Henri de Richemont. Prétendre le contraire sous prétexte d'arguments juridiques développés par la Commission, c'est aller à l'encontre de la sécurité maritime ! C'est la raison pour laquelle, bien loin de retirer mon amendement, je le maintiens. Je serai peut-être battu, mais, au moins, je suis sûr d'avoir raison, même en étant minoritaire !

M. Jean Desessard. Pouvez-vous le dire en anglais, monsieur de Richemont ? (Sourires.)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Il parle très bien l'anglais et même le charentais ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à M. Charles Josselin, pour explication de vote.

M. Charles Josselin. M. de Richemont propose une solution d'une grande simplicité : que tout le monde parle anglais, y compris, probablement, les populations côtières qui sont sous la menace de ces bateaux !

M. Henri de Richemont. Je n'ai pas dit cela !

M. Charles Josselin. En fait, je m'opposerai à cet amendement parce qu'il est réversible dans ses conséquences

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Bien sûr !

M. Charles Revet, rapporteur. Absolument !

M. Charles Josselin. Une telle disposition pourrait en effet empêcher un officier français d'être embarqué sous prétexte que le capitaine ou le second serait d'une autre nationalité.

C'est donc parce que cet amendement me paraît constituer un obstacle éventuel à l'emploi d'un officier français que je voterai contre.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. L'amendement n° 10 serait excellent si nous n'avions pas voté l'amendement n° 2.

Certes, un navire ne doit pas se transformer en tour de Babel ! Le capitaine et son second doivent pouvoir se comprendre. Mais, dans la mesure où nous avons adopté l'amendement n° 2 afin d'exiger que, non seulement les candidats aux fonctions de capitaine parlent le français, mais que leur niveau de connaissance de la langue soit sanctionné par un diplôme, l'amendement n° 10 devient sans objet !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je constate que, face à la pénurie de capitaines français, on est prêt à créer des régimes spéciaux ! (Rires.) Je n'avais pas compris cela ! Pour promouvoir l'accès aux fonctions de capitaine et même de simple matelot, j'aurais dû déposer des amendements prévoyant la retraite à quarante ans, la possibilité de cumuler des emplois, la réévaluation des salaires, etc.

Cela dit, je suis très content de voir que l'UMP s'intéresse aux régimes spéciaux et veut favoriser certaines professions ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Demandez à M. Desessard d'être sérieux, monsieur le président !

M. Henri de Richemont. Je voudrais répondre aux intervenants, monsieur le président.

M. le président. Rapidement, monsieur de Richemont !

M. Daniel Raoul. Il n'a pas le droit de reprendre la parole !

M. Henri de Richemont. J'ai beaucoup d'estime et d'amitié pour Charles Josselin. Nous avons travaillé ensemble dans des conditions très difficiles à la suite d'une pollution importante de nos côtes. En réalité, il apporte de l'eau à mon moulin !

Je ne souhaite pas qu'un commandant français embarque tout seul. En effet, si le second ou le substitué à bord est estonien, et même si ce dernier obtient le diplôme que vous avez institué sanctionnant l'apprentissage de la langue française, je reste sceptique sur le fait qu'il sera capable de s'exprimer couramment.

Or, le jour où le commandant français sera confronté à un problème, je souhaite qu'il puisse s'exprimer dans sa langue avec une personne de même culture et de même formation. S'il est estonien, il est nécessaire que son second puisse s'exprimer dans la même langue. L'expérience me pousse à dire que c'est absolument nécessaire.

Je comprends tout à fait que l'on puisse ne pas être d'accord. Mais, pour la sécurité maritime, il me semble que la cohérence linguistique est absolument fondamentale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles Revet, rapporteur. Bruno Sido a clairement dit, et peut-être mieux que je n'aurais pu le faire, ce que je voulais exprimer.

À partir du moment où nous avons adopté l'amendement n° 2 et que nous imposons la connaissance de la langue française, les deux officiers dont il est question auront bien une langue commune.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

M. Jean Desessard. Je m'abstiens !

M. Gérard Le Cam. Le groupe communiste s'abstient également !

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

M. Jean Desessard. Je m'abstiens !

M. Henri de Richemont. Moi également !

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la nationalité des équipages de navires
Article 3

Article 2

Le deuxième alinéa de l'article 5 de la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français est remplacé par l'alinéa suivant :

« À bord des navires immatriculés au registre international français, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance, qui peut être l'officier en chef mécanicien, garants de la sécurité du navire, de son équipage et de la protection de l'environnement ainsi que de la sûreté, sont ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse. L'accès à ces fonctions est subordonné à la possession de qualifications professionnelles et d'un niveau de connaissance de la langue française permettant notamment la tenue des documents de bord et l'exercice des prérogatives de puissance publique dont le capitaine est investi. Un décret en Conseil d'État, pris après avis des organisations représentatives d'armateurs et de gens de mer intéressées, précise les modalités de vérification de cette dernière condition. »

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 15, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mme Demessine, Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été préalablement défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Charles Revet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. de Richemont est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 5 de la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« À titre dérogatoire, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance peuvent être ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne, d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse. Cette possibilité est ouverte à tout armateur ayant déclaré à l'autorité administrative ne pas pouvoir embaucher d'officier français du fait de la situation de l'emploi et n'ayant pas reçu de réponse dans un délai de huit jours à compter de cette déclaration.

« Le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance sont de la même nationalité. »

La parole est à M. Henri de Richemont.

M. Henri de Richemont. Il n'y a pas de forteresses imprenables ; il n'y a que des forteresses mal assiégées ! Ce n'est pas le cas de cet amendement, car je vais sûrement être de nouveau minoritaire ! (Sourires.)

Permettez-moi de revenir sur un sujet abordé par M. Charles Josselin : celui du registre européen. Ce sujet, que nous avons beaucoup étudié, repose sur une douce utopie ! En effet, mon cher collègue, il n'est pas possible de défendre comme vous le faites à la fois le quota de 35 % de marins communautaires à bord des navires et le registre européen, car aucun des registres en Europe ne contient une telle restriction ni aucune des dispositions protectrices des marins étrangers figurant dans le registre international français, le RIF. Ce règlement constitue un « plus » par rapport aux autres registres européens. Il n'y a aucune chance que les autres pays européens acceptent les dispositions du RIF.

Êtes-vous prêt, mon cher collègue, à vous aligner demain sur le registre danois, le registre luxembourgeois, voire le registre belge ? Je suis persuadé que non. Dans ces conditions, le registre européen ne verra jamais le jour et c'est tant mieux, car le vrai registre européen, c'est la somme des pavillons bis. L'intérêt n'est-il pas de faire entrer sous pavillon européen le maximum de navires ? Encore une fois, c'est le contrôle du pavillon qui assure la sécurité maritime et non celui de l'État du port, qui n'assure qu'une sécurité « cosmétique » !

Dans ces conditions, à partir du moment où nous sommes face à l'insuffisance du nombre de marins en France, où nous voulons instaurer plus de souplesse pour qu'il y ait plus de navires sous pavillon français, il est évident qu'il faut laisser la possibilité à des capitaines, des marins étrangers, de servir à bord de navires français.

Cela étant, tout le monde l'a rappelé, le commandant est dépositaire de la puissance publique et il est chargé d'une mission de sécurité et de sûreté. Mon cher collègue, contrairement à votre affirmation, j'avais bien abordé, dans mon rapport, la question européenne ! J'ai fait inscrire dans la loi relative à la création du registre international français, à l'article 5 que : « À bord des navires immatriculés au registre international français, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance, qui peut être l'officier en chef mécanicien, garants de la sécurité du navire, de son équipage et de la protection de l'environnement ainsi que de la sûreté... » Je voulais justement contrer l'argument de la Commission à la suite de l'arrêt de 2003 et démontrer qu'à titre permanent le capitaine assure cette mission de sécurité et de sûreté.

C'est vraiment le cas et c'est la raison pour laquelle je suis persuadé que la Commission a tort sur le plan juridique et que jamais la Cour de justice ne niera qu'un commandant est chargé à titre permanent de la sécurité et de la sûreté.

Je suis profondément attaché à ce principe, mais en même temps je suis réaliste. Il est de bon ton, aujourd'hui, de citer Jaurès : « Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel. » Moi, je vais à l'idéal et je comprends le réel. C'est justement la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement à titre dérogatoire, afin de donner la possibilité à des marins communautaires de servir à bord de navires français.

Monsieur le secrétaire d'État, si vous me dites que demain nous ferons comme les autres pays européens, que nous utiliserons, comme eux, les avantages permis par la Commission européenne, que les marins français auront un salaire net et qu'ils seront compétitifs car leur emploi ne coûtera pas plus cher, mon amendement n'aura plus aucun objet.

Faute d'une telle affirmation, je suis obligé, en conscience, de maintenir ma proposition, afin d'éviter qu'un dispositif rigide n'empêche l'immatriculation de navires sous pavillon français.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Revet au nom de la commission est ainsi libellé :

Remplacer le premier alinéa de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

I. - L'article 5 de la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « doivent être ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont remplacés par les mots : « sont ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne, d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles Revet, rapporteur. Il s'agit de préciser, dans un souci de coordination, que le quota de marins communautaires prévu par la loi relative au registre international français pourra également provenir de la Confédération suisse.

M. Henri de Richemont. Un grand pavillon !

M. Jean Desessard. Ils gagnent des régates ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Revet au nom de la commission est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, supprimer le mot :

autre

La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles Revet, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Revet au nom de la commission est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du second alinéa de cet article, remplacer les mots :

et d'un niveau de connaissance de la langue française permettant notamment

par les mots :

et à la présentation d'un diplôme attestant d'une maîtrise de la langue française et de la possession de connaissances juridiques permettant

La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles Revet, rapporteur. Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 2.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Revet au nom de la commission est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du second alinéa de cet article :

Un décret, pris après avis des organisations représentatives d'armateurs et de gens de mer intéressées, précise les conditions d'application de cette disposition et la formation théorique et pratique exigée des candidats.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles Revet, rapporteur. Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 3.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. de Richemont est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance sont de la même nationalité. »

La parole est à M. Henri de Richemont.

M. Henri de Richemont. Cet amendement est le même que celui que j'ai présenté tout à l'heure. Ayant été le seul à voter pour, j'imagine qu'il va en être de même pour celui-ci. Par cohérence, en quelque sorte, je le retire !

M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.

M. Charles Revet, rapporteur. Bravo !

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Revet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. - Le premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français est ainsi rédigé :

« Chaque armateur participe à l'embarquement des élèves des établissements français d'enseignement maritime. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles Revet, rapporteur. Cet amendement très important vise à promouvoir une filière nationale de formation maritime en pérennisant les obligations actuelles des armateurs en matière de formation embarquée des élèves officiers.

Il tend à rédiger le premier alinéa de l'article 6 de la loi relative à la création du registre international français en vue de sécuriser juridiquement le système actuel, lequel prévoit une programmation des embarquements, crée au sein des écoles de la marine marchande un comité de surveillance des embarquements et permet à l'État, par convention passée avec les armateurs, de participer aux frais d'embarquement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 12 ?

M. Charles Revet, rapporteur. Cet amendement vise à revenir au principe de la nationalité française du capitaine et de son suppléant, tout en prévoyant une dérogation pour les armateurs qui ne trouveraient pas d'officiers sur le marché du travail.

Sur le fond, la commission partage pleinement les préoccupations de M. de Richemont. Elle souhaite en effet garantir la sécurité maritime par l'immatriculation du plus grand nombre possible de navires sous pavillon français.

Elle souhaite également qu'un maximum de marins français naviguent à bord de navires battant pavillon français. Les armateurs que nous avons rencontrés nous ont d'ailleurs indiqué que c'était également leur souhait et qu'ils auraient recours autant que possible aux ressortissants français.

Toutefois, le contexte actuel est celui d'une pénurie d'officiers, comme l'atteste d'ailleurs le présent amendement, qui tend à prévoir une dérogation afin de tenir compte de cette situation.

La commission rejoint donc, mon cher collègue, votre constat, mais elle s'interroge sur la compatibilité du dispositif proposé avec le droit communautaire. Par conséquent, avant de se prononcer, elle souhaite, sur ce point précis, connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je souscris complètement à votre déclaration en faveur de notre action maritime, monsieur de Richemont. À cet égard, je souhaite rappeler ce que nous avons fait ensemble pour le RIF, la taxe au tonnage et le GIE fiscal. Nous avons dû nous battre non seulement dans notre pays, mais également au niveau européen. Quant au salaire net, c'est un objectif que nous nous sommes fixé et auquel nous allons travailler.

Nous voulons que plus de navires soient immatriculés dans notre pays, sous premier pavillon ou sous pavillon RIF. Nous voulons également améliorer la formation de nos officiers. C'est la raison pour laquelle nous allons organiser une table ronde afin d'examiner notre système de formation par rapport à l'ensemble de l'enseignement maritime, pour lui apporter, peut-être, plus de dynamisme. Nous voulons enfin donner à nos ports le rang qu'ils méritent, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Comme l'a dit à plusieurs reprises M. le Président de la République, il faut leur donner la place qui est la leur. Nous allons y travailler, avec le concours, naturellement, de la Haute Assemblée.

Concernant la volonté politique du Gouvernement, je peux vous apporter des garanties, monsieur de Richemont : nous ferons en sorte d'aller le plus loin possible pour atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé.

Au demeurant, vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, cette question soulève un problème communautaire. Aucun État de la Communauté européenne ne peut invoquer la situation de l'emploi de certains secteurs pour réserver des postes à ses ressortissants. Nous sommes en effet dans un marché communautaire.

Par ailleurs - permettez-moi de vous le faire remarquer amicalement -, ne serait-il pas paradoxal qu'en vertu des prérogatives de puissance publique il soit interdit de confier le commandement d'un navire à un ressortissant communautaire, tandis que, pour des considérations liées à l'économie ou à l'emploi, il serait justifié d'avoir recours à un capitaine ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ?

Par conséquent, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 12.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 12 ?

M. Charles Revet, rapporteur. Elle souhaite que M. de Richemont retire son amendement ; à défaut, elle émettra, à son grand regret, un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Charles Josselin.

M. Charles Josselin. J'ai de l'estime pour M. de Richemont, en particulier parce que les questions maritimes l'intéressent, ce qui n'est pas fréquent dans cette enceinte.

Cela dit, je crains que M. de Richemont ne soit menacé de schizophrénie. Ce n'est pas parce que le statut européen serait aujourd'hui considéré comme une utopie, comme le fut l'Europe en son temps, qu'il ne mérite pas qu'on oeuvre en sa faveur. Je souhaite évidemment que ce statut européen ne soit pas un statut a minima s'alignant sur le plus bas.

Au demeurant, nous ne sommes pas seuls dans ce combat : de part et d'autre des frontières, des gens de mer défendent également la même ligne. Pourquoi ne pas espérer convaincre un jour nos armateurs que cette ligne d'action est la bonne s'ils veulent continuer d'avoir des équipages qualifiés ? Car la question est désormais posée ! Ne vaut-il pas la peine de prévoir des conditions peut-être un peu plus strictes concernant l'emploi des équipages pour que les navires soient enfin convenablement conduits ?

S'agissant des dispositions préconisées par M. de Richemont, je crains qu'elles n'apparaissent comme une manière détournée de revenir à la réserve de nationalité. Pour autant, s'il les considère comme un signal adressé aux armateurs français pour que ceux-ci accordent quand même, de fait, la préférence aux ressortissants français, je suis prêt à faire un effort dans sa direction.

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.

M. Josselin de Rohan. Je souhaite rappeler que, si nous adoptons cet amendement, le texte disparaît du même coup ! En effet, s'il ne devient possible d'avoir recours aux officiers ressortissants communautaires qu'à titre dérogatoire alors que le projet de loi dont nous discutons vise au contraire à leur ouvrir les fonctions de capitaine, notre discussion prend fin !

Si nous adoptions vos propositions, mon cher collègue, la France devrait s'expliquer devant la Cour de justice des Communautés européennes, cela a été très clairement expliqué. Vous le savez, je partage complètement votre souci de défendre le pavillon français et les marins français, ainsi que votre souhait qu'il y ait un jour suffisamment d'officiers français pour conduire les navires français, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ! Mais, devant cette situation de fait, nous devons pouvoir accueillir sur des bateaux battant pavillon français des officiers communautaires. En effet, vous l'avez dit vous-même, il existe d'excellentes écoles de marine marchande dans les pays de la Communauté européenne. En outre, les armateurs français, dont les navires représentent un capital considérable, ont tout intérêt à recruter des commandants et des seconds bien formés et capables de conduire ces bateaux ! S'ils doivent recruter des officiers ressortissants de la Communauté européenne, ils choisiront les meilleurs et non pas ceux qui risqueraient de se diriger vers des récifs, faisant couler navire et cargaison !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Il faut vous reconnaître de la constance, monsieur de Richemont, puisque vous déclariez en avril 2005 : « la somme des registres internationaux constitue le registre européen ».

Je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur le sénateur, pour dire que le registre européen est une utopie, bien que je considère qu'un tel registre, politiquement intéressant, sera effectivement difficile à mettre en place.

Contrairement à certains, qui pensent que les armateurs, confrontés aux accidents et donc à la nécessité d'une sécurité maritime, décideront d'augmenter les prestations sociales et de payer plus de cotisations, je considère que l'Europe, en tant qu'instance politique, doit mettre en place un registre européen qui garantisse la sécurité maritime.

Aujourd'hui, c'est vrai, l'Europe politique est en panne et ce registre sera donc très difficile à installer. Mais il doit rester un objectif.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, évoquant le problème de la formation des officiers, vous avez annoncé que des moyens plus importants seraient accordés. Plus de moyens, cela signifie, je le note, plus de fonctionnaires. Je me réjouis donc qu'au moins dans un secteur on estime qu'il faut davantage de fonctionnaires. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Revet, rapporteur. Cela n'a rien à voir !

M. Bruno Sido. Il s'agit d'écoles privées !

M. Jean Desessard. Expliquez-moi, monsieur le secrétaire d'État, comment nous pourrions former un plus grand nombre d'officiers en réduisant le nombre des fonctionnaires ? Mais peut-être allez-vous déclarer que certaines écoles ont trop de moyens et qu'il est possible de se priver de professeurs et de stages pratiques ?

En tout cas, pour le moment, je suis très intéressé par votre proposition d'accorder plus de moyens à la formation des officiers !

M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote.

M. Henri de Richemont. Tout d'abord, je souhaite vous remercier, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de ce débat tout à fait passionnant.

Monsieur de Rohan, si je suis seul ici à défendre ma proposition, j'ai derrière moi de nombreux professeurs de droit qui sont également persuadés que, devant la Cour de justice des Communautés européennes, la France gagnerait. Mais il est vrai que l'on peut perdre de bons dossiers et en gagner de mauvais ! (Sourires.)

Je pense avoir démontré que les arrêts de 2003 de la CJCE n'interdisent pas le privilège de nationalité, sous réserve des conditions que j'ai évoquées tout à l'heure.

Monsieur Josselin, je suis peut-être un peu schizophrène, mais un problème se pose en France : il ne s'agit ni des armateurs ni des syndicats, mais de l'absence de dialogue entre eux. Dans le reste de l'Europe, ils se mettent d'accord sur les conditions sociales et les salaires pour que le registre bis fonctionne. En France, ils entretiennent un rapport conflictuel complètement fou. Les syndicats ont ainsi fait déclarer notre registre bis pavillon de complaisance, ce qui va, je le répète, à l'encontre des principes de base de la sécurité maritime.

Monsieur le secrétaire d'État, le paradoxe que vous avez évoqué n'est qu'apparent. En effet, je suis attaché au principe selon lequel le commandant est le délégataire de la puissance publique. Cependant, dans un contexte de pénurie d'officiers français, souhaitant que les armateurs ne dépavillonnent pas, mais, au contraire, repavillonnent, parce que c'est le contrôle de l'État du pavillon qui assure la sécurité maritime, ce serait de la folie furieuse que de rester fidèle à mes principes ! Pour que ces navires continuent de battre pavillon français, adoptons une certaine souplesse, ce qui nous permettra d'assurer la sécurité maritime !

Ma position n'est donc pas en contradiction avec le projet de loi ; elle lui est complémentaire. Elle reflète la prise de conscience d'une réalité que je déplore par ailleurs.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez indiqué, et je vous crois, que vous agirez en faveur de la compétitivité de l'emploi français. Vous êtes donc favorable à ce que, demain, la France fasse bénéficier son armement des mêmes avantages que ceux qui sont accordés aux autres armements, ce qui implique, à plus ou moins court terme, le salaire net. Dans ces conditions, considérant qu'il est fondamental que le salaire net soit institué, je retire mon amendement, monsieur le président, tout en remerciant Charles Josselin du soutien qu'il a été pratiquement le seul à m'apporter.

M. Charles Revet, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Depuis des années, comme la plupart d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis subjugué par le talent d'Henri de Richemont ! (Sourires.)

Monsieur le sénateur, pour m'aider à aller vers cet objectif du salaire net, j'aurai besoin du soutien de la Haute Assemblée et de toute sa force de conviction auprès de mon collègue ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, lors de la discussion du projet de loi de finances.

Bien entendu, je partage votre point de vue sur la nécessité de baisser les charges afin d'augmenter la compétitivité de notre armement.

Les voies étant trouvées, nous allons essayer ensemble de rechercher les moyens.

M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n 4 ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5 ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 7 ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8 ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Je veux à mon tour déplorer le manque affligeant d'officiers et d'officiers suppléants dans le secteur maritime.

Indépendamment des questions sociales, de salaire, il existe un problème de vocation, car les gens embrassent ces professions non pas uniquement pour leur salaire - fort heureusement d'ailleurs -, mais par vocation, laquelle peut être tardive.

En fait, dans les ports bretons, notamment dans le Finistère, les vocations ne manquent pas. L'on voit des jeunes gens prendre l'avion pour regagner un bateau à Dakar, à Madagascar, à La Réunion, et partir ainsi trois ou quatre mois à la grande pêche. Cela montre que l'éloignement ne retient pas les jeunes d'embarquer.

La crise des vocations est donc due à un manque de mobilisation des divers acteurs.

Cet amendement est excellent, mais il faudrait aller encore plus loin afin de trouver le moyen de susciter de nouvelles vocations, notamment par le biais de la formation. Je connais des lycées maritimes qui sont vides, comme à Saint-Malo. Il faut faire découvrir le métier aux jeunes et les aider à embarquer.

Je compte sur le Gouvernement pour mener une réflexion sur ce sujet très important.

M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote.

M. Henri de Richemont. La loi relative à la création du RIF prévoit que les armateurs ont l'obligation de prendre des élèves en formation. Mais, à partir du moment où les officiers pourront être de nationalités diverses, les armateurs pourront-ils prendre des élèves autres que français ?

D'une manière habile, qui révèle son intelligence et sa compétence, mon ami Charles Revet tourne la difficulté en mentionnant les élèves des établissements français, sachant que ces derniers peuvent compter des élèves de toutes les nationalités.

Mais la Commission ne risque-t-elle pas de contester cette limitation aux établissements français et de vouloir que cette possibilité soit étendue à tous les établissements européens, en cohérence avec le principe communautaire en vertu duquel nous constituons une grande union, un seul pays, où prévalent la liberté de circulation, la liberté d'éducation.

Par conséquent, si un armateur veut prendre demain un élève d'un établissement allemand ou belge, sommes-nous certains que la législation française pourra s'y opposer ?

Je pose la question, mais je voterai, bien entendu, cet amendement.