7

Nomination de membres d'une délégation parlementaire

M. le président. Je rappelle que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen et le groupe communiste républicain et citoyen ont proposé deux candidatures pour la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Georges Othily et Mme Odette Terrade membres de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

8

Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes

M. le président. Je rappelle qu'il a été procédé à l'affichage de la liste des candidats aux fonctions de membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes.

Le délai fixé par le règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, la liste est ratifiée et je proclame membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes MM. Joël Bourdin, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Yann Gaillard, Paul Girod, Jean-Jacques Jégou, François Marc, Marc Massion, Jean-Pierre Plancade et François Trucy.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

9

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour un rappel au règlement.

Mme Michèle André. Nous comprenons mal les raisons qui ont été avancées pour justifier le fait que la séance soit suspendue de dix-huit heures trente à vingt et une heures trente ou vingt-deux heures. Cette longue interruption nous surprend d'autant plus que nos travaux n'avancent guère.

Plusieurs voix sur les travées de l'UMP. À qui la faute ?

Mme Michèle André. Nous risquons donc de siéger très tard demain soir.

M. le président. Madame la présidente, nous sommes toujours très attentifs à vos remarques. Permettez-moi néanmoins de vous faire remarquer que près de dix de vos collègues du groupe socialiste ont pris la parole sur l'article 4. Sans doute aurait-il été possible de limiter le nombre de ces interventions, ce qui nous aurait permis de gagner du temps.

Toujours est-il que si nous devons interrompre nos travaux tout à l'heure, c'est pour permettre aux parlementaires de la majorité de répondre à l'invitation du Président de la République.

M. le président. Mon cher collègue, vous êtes invité, si vous le souhaitez ! (Rires.)

Il en a toujours été ainsi ! Je le regrette pour M. Bret et ses amis, mais jamais l'un des leurs n'a occupé la présidence de la République !

M. Robert Bret. Et cela n'est pas près d'arriver ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Ils ont été invités par d'autres ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, nous pouvons comprendre que les parlementaires de la majorité soient convoqués...

Plusieurs voix sur les travées de l'UMP. Invités !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...convoqués, dis-je, par le chef de la majorité. Néanmoins, plutôt que de suspendre la séance à dix-huit heures trente et de nous convoquer, nous aussi, à vingt-deux heures pour la reprise, ne serait-il pas préférable de lever la séance à dix-huit heures trente et de siéger demain matin de bonne heure ? Cela vous permettrait, mes chers collègues de la majorité, de vous amuser plus longtemps ce soir.

M. le président. Madame la présidente, l'ordre du jour étant fixé, je suis au regret de ne pouvoir donner une suite favorable à votre proposition. Je vous signale cependant que la Haute Assemblée a toujours fait en sorte de ne pas siéger lorsque se déroulent les journées parlementaires des différents groupes qui la composent.

Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas la même chose !

10

Article 4 (priorité) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile
Article 4 (priorité)

Immigration, intégration et asile

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons l'examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile
Article additionnel après l'article 4 (priorité)

Article 4 (priorité) (suite)

M. le président. Au sein de l'article 4, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 134.

L'amendement n° 134, présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mmes Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 1° de cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. J'ai écouté avec attention les propos qu'a tenus notre rapporteur en présentant l'amendement n° 9. Certes, ce dernier nous agrée, mais nous ne pouvons préjuger le vote de notre assemblée. Aussi, je tiens à présenter brièvement le présent amendement qui exprime notre opposition de principe à l'application aux conjoints de Français de la nouvelle procédure d'évaluation et de formation de la connaissance de la langue et des valeurs de la République introduite par le présent projet de loi.

Si la commission maintient son amendement, nous nous y rallierons.

M. le président. L'amendement n° 135, présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mmes Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° de cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement, ainsi que l'amendement n° 136, est un amendement de coordination.

M. Charles Revet. Quelle efficacité ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 136, présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mmes Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° bis de cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le 2° bis de cet article, remplacer le mot :

quatre

par le mot :

deux

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Sur l'initiative de notre collègue député Étienne Pinte, dont il faut saluer le courage et l'humanisme, l'Assemblée nationale a remplacé la notion de « meilleur délai » par un délai fixe de quatre mois.

M. Pinte, qui appartient à la majorité, préconisait dans son amendement de ramener ce délai à deux mois. Le Gouvernement a fait adopter un sous-amendement portant ce délai à quatre mois. Notre amendement vise à ramener ce délai à deux mois, ainsi que le préconisait Étienne Pinte.

Ce délai de deux mois est impérieux. En effet, le projet de loi, en introduisant l'obligation de suivre une formation à la connaissance de la langue, ne fait qu'alourdir une procédure déjà extrêmement longue.

Il y va du respect du droit des citoyens de mener une vie familiale normale. Car ce projet de loi ne touche pas que les étrangers : il a une incidence fâcheuse sur le quotidien même de Français résidant sur le territoire national.

Il crée une discrimination dans la jouissance du droit au respect de la vie familiale tel qu'il découle de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, puisqu'il pénalise les Français dont le conjoint est étranger.

Cette discrimination entre Français est contraire au principe d'égalité de tous devant la loi.

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le second alinéa du 3° du I de cet article :

« Lorsque la demande de carte de séjour temporaire émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la condition prévue à l'article L.311-7 n'est pas exigée. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement vise à supprimer l'obligation pour le conjoint étranger d'un ressortissant français de produire un visa de long séjour pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire lorsque le demandeur justifie d'une entrée régulière et d'une vie commune avec son conjoint depuis plus de six mois.

M. le président. L'amendement n° 137 rectifié, présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mmes Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I- Remplacer le second alinéa du 3° de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour.

« Dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, par dérogation à l'article L. 311-1, le visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois au conjoint d'un ressortissant français donne à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue au 4° de l'article L. 313-11 pour une durée d'un an. »

II- Supprimer le II de cet article.

La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Nous avons longuement développé nos arguments en faveur de la suppression de l'article 4 du projet de loi et la position de la commission convient parfaitement au groupe socialiste. Cependant, nous souhaitons que figurent dans la loi les dispositions de l'amendement dit « Pelletier », qui a été voté récemment avec l'accord du Gouvernement.

Cet amendement avait pour objet d'atténuer la rigueur d'un dispositif aux termes duquel tout conjoint étranger d'un ressortissant français serait un fraudeur. Or si l'on constate une augmentation du nombre de mariages de Français avec des étrangers, c'est simplement le signe que nous sommes dans un monde ouvert dans lequel la liberté du mariage joue pleinement. Dès lors, pourquoi supprimer la légère souplesse qu'avait introduite l'Assemblée nationale ?

M. le président. L'amendement n° 180, présenté par Mme Dini, M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

A - Rédiger comme suit le sixième alinéa (3°) du I de cet article :

3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

B - En conséquence, supprimer le II de cet article.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Sur l'initiative de Jacques Pelletier, le Sénat avait voté, lors de la discussion de la loi du 24 juillet 2006, une disposition dispensant les conjoints de Français déjà en France de retourner dans leur pays d'origine pour obtenir un visa de long séjour.

Le présent projet de loi supprime cette dérogation. Cette situation implique pour le conjoint des frais de voyage et de séjour inutiles et qui peuvent être très importants. C'est pourquoi il est proposé de maintenir cette dispense pour les conjoints de Français.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission est défavorable à l'amendement n° 92, qui vise à supprimer l'article 4, car il est partiellement satisfait par l'amendement n° 9 de la commission.

S'agissant de l'amendement n° 191 rectifié, je souhaite apporter quelques précisions.

Cet amendement porte exclusivement sur la partie de l'article relative aux mesures de formation et d'évaluation. Il tend à modifier sensiblement le texte d'origine. Les choses sont parfaitement claires ; le système est assoupli.

Ce dispositif présente, au demeurant, un certain nombre d'avantages, qui sont tout à fait intéressants et qui, à titre personnel, ne me choquent pas. Néanmoins, compte tenu de l'amendement n° 9 et de la décision de la commission de supprimer certaines dispositions de l'article 4, celle-ci ne peut émettre qu'un avis défavorable sur l'amendement n° 191 rectifié.

L'amendement n° 134 est satisfait par l'amendement n° 9 de la commission. Il en est de même des amendements nos 135, 136 et 52.

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 93, qui tend à dispenser de visa de long séjour la catégorie de conjoints de Français qui bénéficient, en vertu du droit en vigueur, de la possibilité de déposer une demande de visa en préfecture. Cet amendement va plus loin que celui de notre collègue Jacques Pelletier.

L'amendement n° 137 rectifié a vocation à réintroduire le système proposé par notre collègue Jacques Pelletier. La commission, qui en a débattu longuement, a émis très majoritairement un avis favorable sur cet amendement.

Enfin, l'amendement n° 180 devrait être satisfait par le précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Les amendements nos 92, 134, 135 et 136 sont des amendements de suppression. Le Gouvernement y est donc défavorable.

Il est également défavorable à l'amendement n° 9 ayant pour objet de supprimer le dispositif des tests de formation à l'étranger. Chacun a bien entendu M. le rapporteur, qui a donné la position de la commission et exprimé son opinion personnelle sur ce sujet.

Je voudrais simplement revenir sur l'amendement n° 191 rectifié de Robert del Picchia. En réalité, il faut se poser une première question : pourquoi le projet de loi s'intéresse-t-il aux conjoints de Français ? Pour la simple raison, monsieur Assouline - je sens que vous êtes impatient de connaître la réponse -, que l'immigration familiale se compose aujourd'hui à 50 % de conjoints de Français. Si le projet de loi n'avait pas abordé précisément la situation des conjoints de Français, certains esprits auraient pu, à juste titre, s'en étonner et reprocher au texte de ne traiter que la moitié du sujet que nous examinons aujourd'hui.

D'ailleurs, pourquoi refuser à un conjoint de Français qui s'est marié à l'étranger, par exemple avec un Français expatrié - c'est celui auquel on pense généralement -, de commencer son parcours d'intégration dans son pays d'origine ? Pourquoi, concrètement, le priver d'une possibilité de formation au français sur place ?

Je n'ai d'ailleurs entendu aucun argument factuel à l'appui de ce qui constituerait en réalité une discrimination entre des étrangers, selon qu'ils sont mariés à un Français ou à un étranger.

Faut-il pour autant traiter les conjoints de Français comme les autres étrangers ? À l'évidence, non ! C'est d'ailleurs tout le sens de l'amendement de Robert del Picchia, qui est en fait un amendement d'équilibre.

Mme Bariza Khiari. C'est un amendement téléphoné !

M. Brice Hortefeux, ministre. Il tend à conserver la possibilité, pour le conjoint de Français, de recevoir une formation dans son pays d'origine, tout en apportant au dispositif d'ensemble un certain nombre d'aménagements : réserve liée aux conventions internationales, limitation de la formation à quinze jours, possibilité d'organiser la formation en France dans un certain nombre de cas, et surtout, prise en compte du visa de long séjour accordé à un conjoint de Français comme valant titre de séjour pendant un an.

Il s'agit d'un dispositif très novateur, qui entraîne une simplification des procédures applicables jusque-là aux conjoints de Français. Pourquoi refuser cet effort de simplification proposé par Robert del Picchia ?

J'apporte donc mon soutien à cet amendement. S'il n'était pas adopté, une partie importante de l'immigration familiale échapperait à tout contrôle s'agissant de sa connaissance du Français et se verrait privée d'un atout dans son parcours d'intégration.

L'amendement n° 52, qui vise à ramener à deux mois le délai de délivrance du visa, est très difficilement applicable. Le Gouvernement y est donc défavorable.

Quant aux amendements nos 93, 137 rectifié et 180, ils tendent à remettre en question les dispositions que je viens d'évoquer. Le Gouvernement y est donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote sur l'amendement n° 92.

Mme Michèle André. Je voudrais dire ici combien il me paraît important d'entendre les arguments de la commission. Nous avons été quasiment unanimes - M. le rapporteur a eu la modestie de ne pas le dire - pour estimer que le dispositif visant à la suppression des premier et deuxième alinéas de l'article 4 et au retour à l'amendement « Pelletier » était plus conforme aux nécessités actuelles et faisait preuve d'une plus grande ouverture, d'une plus grande confiance. Je demande à nos collègues de bien prendre conscience qu'il est indispensable de suivre la commission sur cette question. En tout cas, c'est ce que feront les membres du groupe socialiste. La sagesse du Sénat pourrait en l'espèce s'exercer utilement.

Mme Éliane Assassi. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Charles Pasqua.

M. Charles Pasqua. L'amendement de M. del Picchia a le mérite de clarifier la situation : on ne peut pas traiter les conjoints étrangers de Français comme d'autres étrangers. Ce dispositif tend à préciser que ceux-ci bénéficient sur place des mesures nécessaires pour leur permettre d'approfondir la connaissance de la langue.

Cela me paraît juste. C'est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Je ferai un simple constat, qui ne peut être assimilé à un jugement de valeur de ma part.

Le mariage est aujourd'hui la première cause des flux migratoires. Le problème, c'est que, en un peu moins de dix ans, le nombre de conjoints étrangers de Français a explosé : il a été multiplié par trois. Soit un filtre d'amour a été répandu sur un certain nombre de pays, ce qui est possible (Sourires.), soit - et notre responsabilité d'élu nous permet d'émettre cette seconde hypothèse - le mariage serait, dans certaines circonstances, détourné de sa fonction première d'unir deux êtres qui s'aiment et tout simplement utilisé comme un moyen de fraude.

Il est clair qu'il existe aujourd'hui comme hier un courant de pensée qui considère que le droit à l'immigration est un droit absolu qui prévaudrait sur toute autre considération, notamment d'intérêt général.

Ce qui m'étonne ici, y compris en écoutant notre collègue rapporteur, c'est l'importance que l'on accorde aux sondages, lesquels ne valent pas grand-chose puisqu'il s'agit d'enquêtes réalisées à un instant T. Les Français se sont exprimés récemment lors d'un suffrage. Un suffrage, ce n'est pas un sondage, et les Français ont tout simplement fait le choix d'une immigration non pas subie mais maîtrisée.

M. le ministre nous a indiqué que l'immigration familiale se composait aujourd'hui de 50 % de conjoints de Français. Prend-on en compte cette moitié, ou bien la laisse-t-on de côté ? Les Français ne nous le demandent pas ! Je crois que l'article 4 - je reviendrai sur l'amendement de notre collègue del Picchia - était cohérent et légitime. Je parle au passé, parce j'ai cru comprendre qu'il sera sans doute modifié.

On ne peut pas insinuer que le mariage pourrait être utilisé comme un moyen de fraude. Aujourd'hui, vous le savez très bien, l'utilisation du visa court Schengen est courante et le mariage sert de moyen de régularisation. Ce serait une hypocrisie de ne pas le reconnaître dans cette assemblée !

M. Robert Bret. C'est marginal !

M. Bruno Retailleau. Va-t-on, oui ou non, apporter une réponse à ce problème ?

Par ailleurs, quels sont les organes administratifs les mieux à même de régler la question ? Les consulats, à l'étranger, ou les préfectures, sur le territoire ? Selon l'option choisie, le traitement sera ex post ou ex ante. Une gestion convenable de ces flux impose qu'ils puissent être gérés dans nos consulats plutôt que, après coup, par les préfectures sur notre territoire.

Par ailleurs, il est dit, depuis tout à l'heure, que la France serait mise au ban des nations, parce que, de tous les États européens, c'est celui qui respecterait le moins les droits de l'homme. Il n'y a rien de plus faux ! Mes chers collègues, l'article 4, s'il était adopté tel que le présente le Gouvernement, serait infiniment plus libéral que la législation aujourd'hui en vigueur au Royaume-Uni, par exemple, avec le certificat d'approbation. D'ailleurs, le dispositif qui nous est proposé est déjà appliqué en l'état en Allemagne, aux Etats-Unis, en Espagne...

Aller dire que la France serait une mauvaise nation parce qu'elle essaie tout simplement d'organiser l'accueil des ressortissants de pays tiers s'apparente à du terrorisme intellectuel ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Pour conclure, je voudrais dire, puisque la Convention européenne des droits de l'homme a souvent été citée, qu'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme de 1996, Chahal c/Royaume-Uni, a reconnu aux États le droit d'exercer le contrôle de l'entrée, du séjour et même de l'expulsion des ressortissants de pays tiers.

Donc, l'article 4 est cohérent. Il est parfaitement légitime par rapport à l'objet de votre texte, monsieur le ministre. Je regrette la position de la commission des lois.

L'amendement de M del Picchia affaiblit la portée de l'article 4. Toutefois, à défaut d'autres choix, il permettra d'en conserver la substance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Sur des sujets aussi importants que celui qui nous occupe en cet instant, il convient de travailler avec calme et honnêteté.

La commission des lois a rejeté l'article 4 à l'unanimité. C'est clair et net ! Elle l'a rejeté, car dans la rédaction qui lui était proposée, il créait des situations ingérables et inadmissibles. Et tout le reste est passé « dans la foulée ». Nous devons reconnaître que l'amendement de M. del Picchia n'a pas vraiment été examiné. Il ne serait pas honnête de prétendre le contraire.

Je suis en désaccord avec M. Retailleau : je ne partage pas sa philosophie sur l'ouverture des frontières et l'accueil des étrangers.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah non !

M. Hugues Portelli. Mais il faut être lucide ! Dans la mesure où le Sénat a adopté l'article 1er, il est contraint de prendre une disposition s'agissant des mariages entre Français et étrangers. À défaut, nous serions confrontés à un vide juridique.

Pour autant, on ne peut continuer à considérer tous les étrangers de la même façon.

Je suis élu local. Un grand nombre d'habitants de ma région sont issus des pays d'immigration récente. Souvent, pendant les vacances, ils rentrent au pays et se marient avec une femme de chez eux. Ils hésitent à épouser des Françaises qu'ils considèrent souvent un peu trop modernes et émancipées. Ils reviennent en France avec leurs femmes, mais ces dernières ne parlent pas le français et vivent confinées dans leur appartement, sans rencontrer personne. Leur vie est très dure.

Il faut aider ces femmes avant leur départ à s'intégrer dans le pays dans lequel elles vont s'installer. C'est la raison pour laquelle je suis d'accord avec M. del Picchia lorsqu'il souhaite que l'on considère d'une manière différente les conjoints étrangers de Français et les conjoints étrangers qui viennent en France dans le cadre d'un regroupement familial.

Le mariage peut intervenir dans des contextes très différents. Certaines personnes ont travaillé et se sont mariées à l'étranger. Le mariage a fait l'objet d'une transcription dans le droit français, ce qui n'est pas le cas dans l'exemple que j'ai cité. On ne peut pas proposer une solution unique pour résoudre des problèmes différents.

L'article 4 n'était pas acceptable, car il était rédigé de façon incompréhensible et immorale. Ce n'était sans doute pas volontaire, mais l'application de telles dispositions aurait eu des effets pervers.

À l'inverse, nous ne pouvons pas rester dans un vide juridique et ne prévoir aucun contrôle.

Dans ces conditions, la solution de M. del Picchia me paraît honnête, respectueuse des réalités humaines et sociales, ainsi que de la mondialisation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est dommage que M. Retailleau ait gâché les bons sentiments de M. le ministre qui, depuis des heures, nous explique qu'il veut rendre service aux étrangers en leur apprenant le français avant qu'ils s'installent dans notre pays.

M Retailleau a « mis les pieds dans le plat » : les étrangers sont des fraudeurs, des habitués des mariages blancs.

M. Bruno Retailleau. Pas du tout !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dois-je vous rappeler que, voilà un an, vous avez déjà adopté des dispositions tendant à contrôler les mariages frauduleux ? Je n'imagine pas, mon cher collègue, que vous n'ayez pas été présent dans l'hémicycle à cette occasion. Alors, cessons de nous intéresser à des dispositions qui ont déjà été votées et considérons ce que nous demandons aux étrangers.

L'amendement de M. del Picchia n'a pas été examiné en commission des lois. Il nous est arrivé par l'opération du Saint-Esprit. (M. Robert del Picchia proteste.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission l'a examiné !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il a fait l'objet d'un avis !

Un sénateur de l'UMP. Il n'est pas mauvais !

Mme Éliane Assassi. On ne dit pas qu'il est mauvais, on dit qu'on ne l'a pas examiné !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n'y comprenons plus rien !

Un sénateur de l'UMP. Ce n'est pas nouveau !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On réserve un traitement particulier aux étrangers qui se marient avec un citoyen français. Leur formation aura lieu en France et sa durée sera ramenée à quinze jours. Il est bien évident qu'une personne mariée à un Français apprendra beaucoup plus vite. Il paraît donc souhaitable de réduire son temps de formation.

Dans ces conditions, que devient le contrat d'intégration ? Les dispositions prévues ne sont-elles pas suffisantes ? Faut-il encore légiférer pour stigmatiser une personne et la montrer du doigt ? J'avoue ne plus rien comprendre.

Je considère donc qu'il convient de nous en tenir à la décision qui a été prise de manière collective par la commission des lois de supprimer ces dispositions.

M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. Je tiens à indiquer clairement que je ne peux pas suivre les arguments qui ont été développés par notre excellent collègue et ami Bruno Retailleau.

Je préfère revenir à un principe extrêmement simple. Nous parlons non pas d'immigration, d'étrangers qui rejoignent leur conjoint étranger en France, mais de conjoints étrangers de citoyen français.

Tout officier de l'état civil de la République française, avant de procéder à un mariage, est tenu de rappeler les droits et les obligations qu'impose la République française aux futurs époux, dont l'obligation d'une communauté de vie. La République française doit reconnaître le lien du mariage au nom de la République et de l'acte qu'elle délivre.

Pour autant, ne nous voilons pas la face ! Il peut, certes, y avoir des abus, des mariages de complaisance ; on ne peut pas le nier. Mais nous avons déjà modifié le code civil, renforcé les dispositifs de validation de l'authenticité des sentiments et du projet de vie commune. Chaque officier de l'état civil a aujourd'hui l'obligation de vérifier ou de faire vérifier l'authenticité des sentiments avant de procéder au mariage. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les mariages d'argent ne sont plus possibles !

M. Philippe Arnaud. J'entends ici ou là que certains officiers de l'état civil de la République française n'appliqueraient pas la loi française. Un tel manquement serait très préoccupant. Monsieur le ministre, si tel est le cas, je vous invite à saisir immédiatement les ministres en charge de l'intérieur et de la justice pour mettre un terme à ces agissements et faire en sorte que tout officier de l'état civil respecte dorénavant scrupuleusement la loi.

Comme l'a rappelé entre autres M. Portelli, à l'issue de débats approfondis et très intéressants, la commission a voté la suppression des premiers alinéas de l'article 4. En revanche, elle n'a pas poussé l'examen de l'amendement de M. del Picchia. La sagesse commande donc, me semble-t-il, de suivre la proposition de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. M. Retailleau nous a rappelé que les mariages n'étaient pas toujours motivés par l'amour. C'est vrai depuis des siècles ! Ils constituent parfois un moyen de conserver des fortunes.

Il a également rappelé que toute liberté pouvait être détournée. Il ne s'agit pas davantage d'une nouveauté ! Mais la caractéristique d'un pays libéral, au sens politique du terme, c'est précisément d'accepter le risque inhérent à la liberté plutôt que de tenter de prévenir tout dérapage par le recours à la police, à la réglementation, au soupçon généralisé.

Étant politiquement un libéral - en matière économique, c'est différent -, et je pense que nous le sommes tous, je considère qu'il faut accepter ce risque.

Certains collègues, Robert del Picchia et Charles Pasqua, entre autres, ont souligné à juste titre le fait que les conjoints de Français n'étaient pas des étrangers comme les autres. Allons jusqu'au bout du raisonnement, soyons logiques et cohérents, et soutenons la commission qui, à l'unanimité - ce n'est pas très fréquent - a voté la suppression des premiers alinéas de l'article 4.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Sur le fond, notre groupe a déjà exprimé clairement son refus de l'article 4 et ce n'est pas un amendement de dernière minute qui le conduira à revenir sur cette position.

Sur la forme, je tiens à attirer l'attention de notre assemblée sur la façon dont se déroule notre débat.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il se déroule très bien !

Mme Catherine Tasca. Au moment où, à grands roulements de tambour, on lance une réflexion nationale sur la réforme des institutions, sur leur évolution, sur l'équilibre entre l'exécutif et le Parlement, nous assistons à une pratique qui n'est pas acceptable par l'institution parlementaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Laquelle ?

Mme Catherine Tasca. Certains amendements parlementaires sont téléguidés par le Gouvernement. Vous me répondrez sans doute que ce n'est pas nouveau, mais, cette fois-ci, c'est vraiment très visible.

La commission des lois, qui est une commission importante, après un travail long et sérieux, a pris une position pratiquement unanime sur l'article 4. Malgré cela, monsieur le ministre, vous vous « débrouillez » pour obtenir, via un amendement parlementaire, que l'on torde le bras à la commission des lois.

Est-ce ainsi que l'on rétablira un équilibre entre le Gouvernement et le Parlement ?

Mme Catherine Tasca. Est-ce ainsi que l'on donnera aux parlementaires le sens de leur pleine responsabilité dans le travail législatif et dans le contrôle du Gouvernement ? Est-ce ainsi que l'on montrera à nos concitoyens l'enjeu du travail parlementaire, qu'on leur rendra le respect de leurs représentants ?

Il s'agit d'un sujet ô combien sensible, et vous connaissez la vigilance de l'opinion en la matière. Vous évoquez en permanence les Français qui ont apporté leur soutien au Président de la République et vous en déduisez qu'ils soutiennent les projets de loi que vous déposez, mais vous oubliez de nous parler de tous ceux qui manifestent aujourd'hui une véritable opposition à ce texte.

Les parlementaires ont travaillé avec sérieux. La commission des lois, son président et son rapporteur forcent le respect de toute notre assemblée.

M. Jean-Patrick Courtois. Sur ce point, nous sommes d'accord !

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, il convient de réfléchir avant de faire un coup de force contre la position de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. Je voudrais revenir sur un argument qu'a présenté notre collègue M. Retailleau, à qui il faut rendre hommage pour la clarté de son point de vue et pour sa franchise : certains ici affirment, sournoisement, que c'est pour le bien des gens concernés qu'ils font tout ce qu'ils font, alors qu'ils n'en pensent pas un mot. Lui, au moins, dit ce qu'il pense, en référence à une certaine idée qu'il se fait de la France.

Monsieur Retailleau, je voudrais faire valoir deux arguments pour essayer de vous convaincre.

De qui parlons-nous ? De gens qui se marient. (Sourires.) Vous que l'on peut sans doute considérer comme plutôt traditionaliste sur la question, vous noterez que ce n'est déjà pas mal ! (Nouveaux sourires.) Alors que, dans ce pays, 50 % des enfants naissent hors mariage, il s'agit ici de Français qui se marient : c'est plutôt un bon début !

Vous objectez le risque de fraude. Personne ne vous contredira ! C'est certain : le risque de fraude existe toujours, et dans tous les domaines. Mais on ne fait pas la loi contre les fraudeurs, on fait la loi pour protéger les gens qui vivent honnêtement.