M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que nous examinons en deuxième lecture le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, il serait utile de réfléchir aux remarques faites par ceux qui sont les plus impliqués dans la défense de la dignité des détenus et qui demandent l'amélioration de ce texte. La commission des lois dans sa majorité en a décidé autrement puisqu'elle souhaite un vote conforme. Pourtant, même si elle est pressée d'aboutir, elle devrait, au moment où l'on annonce une revalorisation du rôle du Parlement, prêter attention aux amendements qui seront déposés.

J'évoquerai, d'abord, le contexte dans lequel intervient la discussion du présent projet de loi.

Il y a sept ans, au lendemain du rapport Canivet et des deux commissions d'enquête parlementaire, la création d'un contrôleur extérieur des prisons s'imposait compte tenu de notre attachement au respect des droits de l'homme. Des exemples allant dans ce sens existaient dans d'autres pays, notamment en Europe.

Nous aurions pu, dès lors, prendre les choses en main et être en avance en ce domaine. Or la proposition de loi relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons, déposée par nos collègues Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel, pourtant adoptée par le Sénat, est restée lettre morte, n'ayant jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Il est désormais urgent de mettre en place un contrôle extérieur de tous les lieux de privation de liberté, parce que leur nombre a considérablement augmenté, et parce que la politique d'aggravation des sanctions pénales, continue depuis cinq ans, accroît la dégradation des conditions de détention au sein des établissements pénitentiaires.

Actuellement, le nombre de détenus dans les prisons françaises est de 60 677 détenus, contre 49 718 en 2001. Hélas, ce triste bilan ne risque pas de diminuer avec la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, dont les effets sont déjà tangibles. Condamnées à des peines quasiment automatiques, des personnes sont envoyées en prison pour des durées exceptionnellement longues, et ce quelles que soient la personnalité de l'auteur ou la nature de l'infraction commise.

Madame le garde des sceaux, lorsque nous vous avions alertée, en juillet, sur les risques de surpopulation carcérale qu'allait engendrer cette loi, vous aviez rétorqué que celle-ci aurait, au contraire, un effet dissuasif. Les chiffres démentent vos souhaits et confirment, malheureusement, nos prévisions.

Un premier bilan, établi par votre ministère au 1er septembre 2007, fait état du prononcé de 71 peines planchers sur 118 condamnations visant des faits de récidive, soit un taux de 60 %, cela en moins d'un mois d'application !

Or, l'état de nos prisons ne leur permettra pas de supporter, sans risque grave, une nouvelle explosion carcérale. Le taux d'occupation est déjà de 120 %, il est même plus élevé dans les maisons d'arrêt, où il avoisine les 137 %.

Les parlementaires qui vont visiter les prisons - plus ou moins officiellement - connaissent cette situation, que la presse constate et qui nous fait honte ! L'espace de déambulation à Fleury-Mérogis est d'un peu plus de 4 mètres carrés, situation qui s'apparente à celle d'une bête en cage, selon l'Observatoire international des prisons, l'OIP. Cette association rappelle que la surface minimale fixée pour l'enfermement dans les chenils est fixée à 5  mètres carrés par animal. Nous savons établir des constats, mais nous avons du mal à en tenir compte !

Quant aux centres de rétention, ils semblent devoir se multiplier, au regard de la politique menée par votre gouvernement à l'égard des étrangers. On en compte 22 aujourd'hui en France métropolitaine et 3 à l'extérieur. Il faut y ajouter évidemment la multiplication des lieux d'enfermement, qu'ils soient destinés aux mineurs ou aux détenus souffrant de troubles psychiatriques.

Quand bien même nous approuverions que la France se mette - enfin ! - en conformité avec le protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la torture et qu'elle puisse ainsi le ratifier prochainement, la création d'un contrôle extérieur des lieux de détention - que je souhaite, avec d'autres, depuis si longtemps - ne saurait servir d'alibi à une politique pénale à laquelle nous sommes totalement opposés.

Le projet de loi initial que vous avez présenté, madame le garde des sceaux, s'inscrivait a minima par rapport au protocole facultatif ou même à la proposition de loi présentée par MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel et adoptée par le Sénat en 2001.

Néanmoins, il est indéniable que des améliorations ont été apportées au texte depuis sa présentation au Sénat, en juillet dernier.

Une garantie d'indépendance a été apportée par le Sénat et n'a pas été remise en cause par l'Assemblée nationale : le contrôleur sera nommé par décret du Président de la République, après avis de la commission compétente de chaque assemblée.

Cette nouvelle procédure de nomination, qui associe le Parlement au choix du contrôleur, tend à assurer une plus grande indépendance à celui-ci : nous y sommes évidemment tout à fait favorables. Nos collègues députés ont judicieusement ajouté une garantie concernant ses compétences et connaissances professionnelles ; nous y sommes également très favorables, car elle est expressément prévue par l'article 18, paragraphe 2, du protocole facultatif à la convention contre la torture. Nous ne faisons donc que nous mettre en conformité avec ces dispositions.

Ces modifications étaient essentielles afin que la légitimité du contrôleur ne puisse être contestable ni même contestée.

De même, nous regrettions, en première lecture, que cette future institution soit déconnectée des instances internationales, et plus précisément du Sous-comité de la prévention : la consécration de la coopération entre le contrôleur et les organismes internationaux compétents prévue par la version amendée du projet de loi mérite donc d'être saluée.

Enfin, nous ne pouvons qu'être favorables à la possibilité offerte au contrôleur de saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, ainsi que le Médiateur de la République, et à l'obligation qui lui est imposée de saisir le procureur de la République, en cas d'infractions pénales, et l'autorité administrative, en cas de fautes disciplinaires.

Néanmoins, malgré ces quelques avancées, le projet de loi ne répond pas à nos exigences en matière de contrôle des lieux de privation de liberté.

La première critique, que nous exprimions déjà en première lecture, concerne le champ de compétence territoriale du contrôleur.

Le préambule du protocole rappelle l'obligation faite à tout État partie de « prendre des mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ne soient commis dans tout territoire sous sa juridiction ». Or, le projet de loi maintient, malgré nos observations, le territoire de la République comme seul champ de compétence du contrôleur général.

En première lecture, nous avions déposé un amendement visant à étendre sa compétence à tout territoire placé sous la juridiction de l'État, mais celui-ci a malheureusement été déclaré irrecevable par la commission des finances, en application de l'article 40 de la Constitution. Après discussion avec la commission des finances, nous avons pu redéposer cet amendement en deuxième lecture, car la commission a bien voulu admettre que l'article 40 ne lui était pas opposable. Comme quoi, il vaut la peine de discuter les oukases de la commission des finances quand on est parlementaire !

Si notre amendement n'était pas adopté, le Gouvernement exclurait volontairement de tout contrôle les lieux de privation de liberté situés à l'étranger, alors même qu'ils sont sous la responsabilité de l'État. La définition territorialisée du périmètre d'action du contrôleur des lieux de privation de liberté retenue par l'article 6 du projet de loi est à la fois floue et restrictive. Afin que tous les lieux de privation de liberté dépendants de l'État soient réellement pris en compte dans ce projet de loi, nous demandons que ce périmètre d'application soit défini clairement. Ce ne sera malheureusement pas le cas puisque le Gouvernement s'obstine à borner la compétence du contrôleur au seul territoire de la République.

La deuxième critique concerne les conditions de visite des lieux de privation de liberté par le contrôleur.

Le projet de loi initial ne prévoyait pas que le contrôleur général puisse effectuer des visites inopinées. Or, cette restriction était évidemment incompatible avec un contrôle effectif. Le Sénat, suivi par l'Assemblée nationale, a opportunément supprimé l'obligation de prévenir les autorités responsables des lieux de privation de liberté avant toute visite du contrôleur.

Néanmoins, il convient de relativiser ce qui aurait pu constituer une avancée : il subsiste tellement de restrictions que cette possibilité d'effectuer des visites inopinées n'aura finalement qu'une application partielle. Il est bien regrettable que la liste des motifs autorisant le report d'une visite du contrôleur soit maintenue, alors que des amendements de suppression de cette liste avaient été adoptés. À la suite d'une deuxième délibération, demandée par le Gouvernement, cette liste a été rétablie. Nous avons à nouveau déposé un amendement tendant à la supprimer. C'est le type même de question qui mériterait d'être discuté de manière plus approfondie, si nous avions la volonté d'exercer notre rôle de parlementaires !

Certes, deux modifications ont été apportées : les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne pourront s'opposer à la visite du contrôleur que pour des motifs graves et, désormais, « impérieux ». Par ailleurs, ces mêmes autorités devront informer le contrôleur général que les circonstances exceptionnelles ayant motivé le report de sa visite ont cessé.

Sur le fond, ces modifications changent peu de chose : le contrôleur général ne sera pas libre d'effectuer des visites qu'il estimerait pourtant opportunes. Telle est la réalité ; ces exceptions sont plus importantes que ce que les termes mêmes du protocole facultatif ne permettaient de le penser, car elles ne sont pas prévues pour les mécanismes nationaux. Pourtant, les motifs liés à la sécurité publique, à la défense nationale ou à des troubles sérieux dans le lieu visité seraient précisément de nature à justifier une visite du contrôleur général.

La dernière critique que je formulerai, et qui n'est pas la moindre, concerne les moyens alloués à l'institution du contrôleur général. Nous avions déjà soulevé ce problème en première lecture. Malheureusement, nos doutes ne se sont pas dissipés à la suite de l'examen du texte par l'Assemblée nationale. Bien que les crédits du contrôleur soient désormais clairement inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental » - conformément à ce que nous demandions -, le montant prévu nous inquiète.

Vous annonciez, madame le garde des sceaux, que le contrôleur général disposerait d'une enveloppe de 2,5 millions d'euros et serait assisté de 18  collaborateurs. Je vous rappelle que l'on dénombre environ 5 788 lieux de privation de liberté : imaginez-vous réalisable de demander à chaque collaborateur - j'ai volontairement omis le contrôleur général de mon calcul - de visiter 321 sites par an ? Il ne me paraît pas exorbitant de prévoir que chaque site soit visité au moins une fois par an.

Or, l'attribution de moyens adéquats est le gage d'un fonctionnement efficace de l'institution. Notre inquiétude grandit en pensant aux difficultés que rencontrent régulièrement la CNDS ou encore la CNIL pour mener à bien leur mission.

Enfin, j'espère que le Gouvernement tiendra son engagement de ratifier avant la fin de l'année le protocole facultatif, comme cela m'a été promis par le ministère des affaires étrangères en réponse à ma question écrite du 28 juin dernier. Cette ratification est vraiment nécessaire pour que la France confirme son engagement international de respect des droits de l'homme, engagement dont on peut penser qu'il n'est pas aujourd'hui obsolète !

Néanmoins, nous persisterons dans notre abstention en deuxième lecture. Je le regrette sincèrement, pour ma part, ...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous aussi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... mais notre groupe ne peut pas accepter que ce texte n'accorde pas des attributions et des moyens plus importants au contrôleur extérieur des lieux de privation de liberté.

M. Louis Mermaz. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la deuxième lecture de ce projet de loi nous offre l'occasion de rappeler quelques points importants liés, directement ou indirectement, à la création du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Je voudrais tout d'abord souligner les avancées permises par les deux lectures qui ont eu lieu au Sénat et à l'Assemblée nationale. Elles permettent tout d'abord un renforcement des pouvoirs de l'institution. Au départ, nous pouvions regretter que la définition des compétences attribuées au contrôleur limite sa marge de manoeuvre.

Au titre des avancées, dont certaines ont déjà été rappelées, je citerai notamment la suppression par le Sénat du principe de l'information préalable des autorités responsables des lieux visités. Les députés ont également rendu obligatoire la motivation de l'opposition éventuelle des responsables d'établissement à la visite du contrôleur général. Ainsi prévaudra la règle selon laquelle le contrôleur intervient de sa propre initiative et non sur autorisation, si l'on peut dire, du responsable des lieux visités.

Par ailleurs, grâce au Sénat, l'autorité responsable de l'établissement aura l'obligation de répondre aux observations du contrôleur général lorsque celui-ci l'aura expressément demandé. C'est la moindre des choses, si l'on ne veut pas que les observations du contrôleur général ne constituent finalement qu'un rapport de plus.

Pour assurer une meilleure coordination avec les autres instances chargées de veiller au respect des libertés, le Sénat a permis la saisine du contrôleur général par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, et la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE. Inversement, le contrôleur aura la possibilité de saisir directement la CNDS et les députés ont également prévu que le contrôleur puisse saisir directement le Médiateur, comme je l'avais personnellement souhaité en déposant, en première lecture, un amendement que le Sénat n'avait pas retenu.

Sans entrer plus dans le détail, je dirai que l'ensemble de ces modifications va dans le bon sens, sans aucun doute, même si plusieurs associations nous ont saisis à la veille de la discussion d'aujourd'hui pour nous faire part de leurs doutes sur l'efficacité ou l'utilité de certaines dispositions du texte. Je comprends certaines de ces réserves, mais je crois nécessaire de laisser le temps à l'institution de se mettre en place,...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Yves Détraigne. ... de voir ce que l'expérience peut nous apporter et d'en tirer les leçons.

Si, effectivement, les pouvoirs et les moyens dédiés au contrôleur doivent évoluer, il nous appartiendra de modifier le texte en conséquence. Dans un premier temps, l'important, me semble-t-il, est d'adopter ce projet de loi pour que la création du contrôleur général soit effective.

Pour être efficace, madame la garde des sceaux, il est impératif d'accompagner la création de cette institution par l'attribution de moyens humains et budgétaires substantiels. Vous aviez annoncé au Sénat que le contrôleur général des lieux privatifs de liberté serait doté d'un budget de 2,5 millions d'euros et de dix-huit collaborateurs, comme Mme Borvo Cohen-Seat vient de le rappeler. Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui ce qui est prévu au titre de la loi de finances pour 2008 et ce que sera, dans les années à venir, le programme de montée en puissance de cette institution dont nous attendons beaucoup ?

Avant de conclure, je voudrais également souligner les avancées obtenues, à l'occasion de l'examen du projet de loi par les deux chambres, sur le mode de désignation du contrôleur général, qui sera nommé après avis - certes avis simple - de la commission des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat et « en raison de ses compétences et connaissances professionnelles ».

Comme je le disais en juillet, il sera essentiel que le premier contrôleur général à être nommé soit une personnalité incontestable et à l'autorité reconnue afin que l'institution prenne d'emblée toute sa dimension.

Pour conclure, je réaffirme le soutien du groupe de l'Union centriste-UDF à la création du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Notre assemblée s'était illustrée en adoptant en 2001 un texte similaire sur l'initiative du président de sa commission des lois, Jean-Jacques Hyest, aujourd'hui rapporteur, et nous ne pouvons que nous réjouir de cet heureux aboutissement. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de commencer par remercier M. le rapporteur de la qualité de son rapport.

Monsieur Lecerf, vous avez raison de souligner que le présent projet de loi est une première étape puisque le projet de loi pénitentiaire permettra de conforter les acquis s'agissant du respect des droits fondamentaux et de l'amélioration des conditions de vie des personnes détenues.

Monsieur Mermaz, vous m'interpellez sur les restrictions qui seraient apportées au droit de visite du contrôleur général au regard de nos engagements internationaux. Or le projet de loi précise, conformément au protocole facultatif, que le contrôleur général aura accès à tous les lieux de privation de liberté et ne prévoit qu'une simple possibilité de report en cas de force majeure. De plus, la demande de report doit être motivée et la visite a lieu dans les meilleurs délais, « dès que les circonstances exceptionnelles ayant motivé le report ont cessé ». Le texte est donc tout à fait explicite.

S'agissant du comité prévu par l'article 9, paragraphe 1, de la convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, je n'ai fait que rappeler les principes et les mécanismes.

Madame Borvo Cohen-Seat, d'évidentes raisons pratiques rendent difficile et peu opportune l'intervention d'un contrôleur et de son équipe sur un terrain d'opérations militaires.

En outre, la plupart des interventions et des opérations extérieures de la France sont menées dans le cadre d'un mandat international et, si des personnes sont arrêtées, c'est pour être remises aux autorités du pays aux fins de jugement par un tribunal pénal international, comme cela s'est produit en ex-Yougoslavie, en Côte d'Ivoire ou en Afghanistan.

Enfin, des organismes internationaux, en particulier le comité européen pour la prévention de la torture et le comité international de la Croix-Rouge, exercent déjà des contrôles en cas de conflit. Ainsi, le CICR est intervenu pendant de la guerre du Golfe de 1990-1991 pour visiter des personnes en rétention.

Dans ce domaine s'applique un droit spécifique, régi par les conventions de Genève, qui protègent notamment les prisonniers de guerre.

Je puis donc vous dire par avance que, comme en première lecture, le Gouvernement sera défavorable à l'amendement qui sera présenté tout à l'heure sur ce point.

Vous m'avez par ailleurs interrogée, comme M. Détraigne, sur les moyens du contrôleur général.

Les crédits, qui sont inscrits au programme « Coordination du travail gouvernemental », s'élèvent à 2,5 millions d'euros pour 2008, somme qui pourra bien sûr être revue dans le cadre du budget de 2009.

Par ailleurs, un nouveau calibrage nous a conduits à évaluer le nombre des contrôleurs qui assisteront le contrôleur général à quarante, ce qui permettra de faire appel à des intervenants ayant différentes compétences en fonction des nécessités et des problématiques, qui, bien sûr, ne seront pas les mêmes selon les lieux de privation de liberté. Les priorités qui se feront jour seront évidemment différentes s'agissant de personnes en garde à vue ou de détenus en centre pénitentiaire.

Les collaborateurs du contrôleur général pourront intervenir dans le cadre de vacations ou, comme en Grande-Bretagne, à titre bénévole. Par exemple, pour s'en tenir au ministère de la justice, en cas de problème sanitaire dans un établissement pénitentiaire, il faudra davantage de contrôleurs et notamment de médecins. Des magistrats pourront également être contrôleurs à titre temporaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté
Article 2

Article 1er

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, est chargé, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux.

Dans la limite de ses attributions, il ne reçoit instruction d'aucune autorité.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen est ainsi libellé :

Après les mots :

aux autorités judiciaires ou juridictionnelles,

rédiger ainsi la fin du premier alinéa de cet article :

de contrôler l'état, l'organisation, le fonctionnement de ces lieux ainsi que les conditions de vie des personnes privées de liberté et les conditions de travail des personnels afin de s'assurer du respect de la dignité et des droits fondamentaux dont les personnes privées de liberté sont titulaires.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous persistons à défendre cet amendement que nous avions déjà présenté en première lecture et à propos duquel, madame la ministre, vous ne m'avez pas répondu « par avance ».

L'article 1er ne définit toujours que de manière très générale la mission du contrôleur puisqu'il ne vise que le contrôle des « conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux ».

La modification apportée par nos collègues députés, qui ont étendu le contrôle aux modalités du transfèrement des personnes privées de liberté, ne modifie pas sur le fond cet article, qui limite le contrôle aux conditions matérielles de la privation de liberté et à l'application effective des droits fondamentaux des personnes.

Ce champ de compétences n'inclut pas l'organisation et les conditions de travail des personnels. À cet égard, le projet de loi se situe en deçà de la proposition de loi de 2001, qui, je le rappelle, avait été adoptée par le Sénat.

Pour que la mission du contrôleur ne soit pas superficielle, nous proposons donc de mieux la définir et d'inscrire dans la loi qu'elle doit porter sur les conditions de vie, et non pas uniquement de prise en charge, des personnes privées de liberté, sur les conditions de travail des personnels et, bien évidemment, sur l'état, l'organisation et le fonctionnement des lieux privatifs de liberté.

Ce serait d'ailleurs une garantie pour que l'exercice effectif de la mission du contrôleur soit bien accepté par l'administration pénitentiaire.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Badinter, Mermaz, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots :

ainsi que des conditions de travail des personnels de ces établissements.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Les conditions de travail du personnel pénitentiaire doivent être incluses dans le champ de l'article 1er.

Tous ceux d'entre nous qui, dans le cadre des commissions d'enquête ou, depuis, au titre du droit de visite des parlementaires, se sont rendus dans des lieux de détention ont constaté en parlant - et nous sommes nombreux à l'avoir fait longuement - avec les personnels et leurs représentants syndicaux que ces personnels souhaitaient, selon leur formule, être autre chose que des « porteurs de clés » et qu'ils étaient très intéressés par tout travail relatif à la préparation de la sortie et à la réinsertion des détenus.

Leurs conditions de travail et la définition de leurs missions sont donc essentielles. D'ailleurs, dans une vie antérieure, le rapporteur, notre collègue Jean-Jacques Hyest - en collaboration avec Guy-Pierre Cabanel -, a, à diverses reprises, mentionné les conditions de travail des personnels dans ses propositions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Jadis, on reconnaissait un effet « entonnoir » à la deuxième lecture, mais cette ère semble révolue. Cela étant, puisque nos collègues nous y invitent, il ne me gêne pas que l'on reprenne la délibération sur les points importants, comme en première lecture ! (Sourires.)

Monsieur Mermaz, le protocole facultatif ne vise absolument pas les conditions de travail du personnel. Il faut respecter le protocole, ne cessez-vous de répéter, mais c'est bien ce que fait le projet de loi !

M. Louis Mermaz. J'aurais l'occasion de vous répondre tout à l'heure !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous l'avez déjà fait trois fois !

M. Louis Mermaz. Cela fera donc la quatrième fois ! La répétition est le fondement de l'enseignement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais il ne faut pas que cela fatigue les élèves ! (Rires.)

Certes, les conditions de vie des personnels influent...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sur leur dignité !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les conditions de vie des personnels, madame Borvo Cohen-Seat, relèvent d'un tout autre débat et nous avions eu tort de les viser à l'origine. Il existe dans toutes nos administrations des comités d'hygiène et de sécurité ainsi que des comités techniques paritaires, et ce sont là les lieux où doivent être examinées les conditions de vie des personnels.

Le présent texte porte sur les conditions de vie des personnes privées de liberté et leur contrôle par le contrôleur général.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien entendu, le texte permet au contrôleur général d'entendre les personnels sur la manière dont ils exercent leurs fonctions et les difficultés qu'ils rencontrent, mais mélanger contrôle des conditions de travail des personnels et contrôle des conditions de vie des détenus conduirait à une confusion qui l'empêcherait de remplir sa mission dans l'esprit tant du protocole que de ce que nous souhaitons.

C'est pourquoi je reste, comme en première lecture, défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S'agissant du contrôle de l'état, de l'organisation et du fonctionnement des lieux privatifs de liberté, qui est visé à l'amendement n° 1, plus large que l'amendement n° 7, il est déjà expressément prévu par l'article 7 du présent projet de loi , dont je relis le premier alinéa : « À l'issue de chaque visite, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté fait connaître aux ministres intéressés ses observations concernant en particulier l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité ainsi que la condition des personnes privées de liberté. »

S'agissant du contrôle des conditions de travail des personnels, que visent les deux amendements, il n'entre pas dans le champ des missions confiées aux mécanismes nationaux par l'article 19 du protocole des Nations unies, que je cite : « Les mécanismes nationaux de prévention sont investis à tout le moins des attributions suivantes :

« (a) Examiner régulièrement la situation des personnes privées de liberté se trouvant dans les lieux de détention visés à l'article 4, en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

« (b) Formuler des recommandations à l'intention des autorités compétentes afin d'améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté [...] ;

« (c) Présenter des propositions et des observations au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi en la matière. »

Le contrôle des conditions de travail des personnels ne relève donc pas des recommandations internationales. En outre, les conditions de travail font d'ores et déjà l'objet d'inspections, les administrations concernées ayant leurs propres mécanismes de contrôle.

Leur contrôle n'entre donc pas dans les missions du contrôleur général, dont la vocation est de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, conformément au protocole.

Le Gouvernement est en conséquence défavorable aux deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)