M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui !

Mme Christine Lagarde, ministre. À l'aune des grands budgets, ce montant ne paraît peut-être pas très élevé. Mais, pour une PME dont le chiffre d'affaires moyen représente 1,6 million d'euros, un gain de 50 000 euros, c'est beaucoup !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

Mme Christine Lagarde, ministre. En intégrant l'effet de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, le coût supplémentaire de cette réforme est évalué à 1,3 milliard d'euros en régime de croisière.

Nous ne le regretterons pas, car c'est un investissement de la France d'aujourd'hui dans la France de demain. Il s'agit d'un partenariat établi entre l'État français et les entreprises.

Permettez-moi de mentionner brièvement trois autres mesures destinées à favoriser l'innovation.

Premièrement, les inventeurs qui apportent un brevet à une entreprise seront totalement exonérés d'impôt sur la plus-value au bout de huit ans.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est évident !

Mme Christine Lagarde, ministre. Deuxièmement, les cessions de brevets bénéficieront du même taux réduit à 15 % que les concessions de brevets.

Enfin, troisièmement, la création du statut de jeune entreprise universitaire permettra aux étudiants ou aux chercheurs qui montent leur entreprise de bénéficier des mêmes avantages fiscaux et sociaux que ceux qui sont applicables aux jeunes entreprises innovantes.

M. Jean Bizet. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Améliorer notre compétitivité - tel est bien notre objectif principal dans une économie mondialisée - implique de développer constamment l'attractivité de notre territoire.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La TVA sociale ? (Sourires.)

Mme Christine Lagarde, ministre. Je me réjouis, à ce titre, que le Sénat et l'Assemblée nationale, ensemble, aient déposé des amendements pour supprimer l'impôt sur les opérations de bourse, comme je l'avais moi-même suggéré, le 5 juillet dernier, à l'occasion de la Conférence Europlace.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dès le 1er janvier 2008 !

Mme Christine Lagarde, ministre. Aujourd'hui, il n'y a plus à hésiter : la directive Marché des instruments financiers, entrée en vigueur depuis le 1er novembre, vise à renforcer la concurrence entre toutes les places européennes, en mettant le bénéficiaire de l'exécution de l'ordre au coeur du dispositif. Si nous ne voulons pas que nos investisseurs passent par Londres ou par Francfort pour faire des économies et proposer la meilleure exécution, cette réforme s'impose dans les meilleurs délais.

Cette suppression de l'impôt sur les opérations de bourse contribuera au développement de la finance, secteur d'excellence et d'avenir au sein duquel sont proposées les meilleures formations. Ainsi, c'est en France que sont fournies les meilleures prestations d'ingénierie en mathématique financière. Certains jeunes Français et de nombreux jeunes étrangers formés dans notre pays partent ensuite pour l'étranger afin de faire bénéficier de leurs connaissances les places internationales telles que Londres et New York.

M. Charles Pasqua. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il nous appartient de renverser ce courant et d'attirer sur la place de Paris la finance internationale. Aujourd'hui, plus d'un million de personnes très qualifiées y travaillent. Fixons-nous l'objectif d'accroître cet effectif.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Et elles participent à hauteur de 5 % à la richesse nationale.

La compétitivité, quant à elle, doit servir de moteur à la croissance et à l'emploi dans notre pays. Je vais donc vous présenter les prévisions de croissance sur lesquelles nous nous sommes fondés pour l'élaboration de ce projet de loi de finances pour 2008.

Nous avons estimé prudent de tabler sur une croissance comprise 2 % et 2,5  %, avec un point médian à 2,25%. Cette prévision est compatible avec celles qu'ont établies différents économistes, qui varient entre 1,5 % et 2,6 %. Ce dernier chiffre est celui de l'Office français des conjonctures économiques, l'OFCE, organisme souvent cité par l'opposition dans les débats. Son optimisme tient précisément à l'effet de relance de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. (Mouvements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Comment osez-vous dire cela, madame la ministre ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Je me réjouis que l'OFCE prenne en compte un certain nombre de réalités !

Pour 2007, je n'ai pas de raison de modifier l'objectif de croissance du Gouvernement qui est de 2 % environ. À la fin du mois d'août, beaucoup annonçaient - pas nécessairement au sein de cet hémicycle - que la croissance serait de 1,6 % ou de 1,7 % en 2007. Aujourd'hui, les mêmes avancent 1,8 % ou 1,9 %. Peut-être en serons-nous à presque 2 % dans un mois ? C'est en tout cas ce que je crois.

M. Michel Sergent. C'est à voir !

Mme Christine Lagarde, ministre. Les derniers indicateurs économiques sur la croissance, le chômage et l'emploi ne font que confirmer les hypothèses que je formule depuis maintenant deux mois : la croissance a atteint 0,7 % au troisième trimestre de cette année, deux fois plus qu'au cours du deuxième trimestre. Évidemment, les pessimistes, qui sont légion, prétendent qu'à un bon troisième trimestre succédera un mauvais quatrième trimestre. C'est à voir. Pour ma part, je considère que le quatrième trimestre ne sera pas si mauvais que cela.

Tous les moteurs de la croissance sont opérationnels. Au troisième trimestre, la consommation des ménages a progressé de 0,8 % et l'investissement des entreprises de 1 %, tandis que le commerce extérieur contribue positivement à la croissance. Je m'en réjouis plutôt que je m'en navre.

Par ailleurs, la situation du marché de l'emploi est aujourd'hui très bien orientée : en trois trimestres, l'économie française a créé plus d'emplois que durant toute l'année 2006. Au cours du troisième trimestre ont été enregistrées 38 200 créations d'emplois, soit un total de 210 000 emplois créés depuis le début de l'année. Le taux de chômage est tombé à 8,1 % de la population active. De cela aussi je me réjouis, en espérant que cette situation durera.

Si la croissance ne dépend pas seulement de facteurs exogènes, elle en dépend néanmoins partiellement. J'évoquerai maintenant la situation internationale.

Nous devons tenir compte avec discernement, sans optimisme ni catastrophisme excessifs, mais avec une extrême attention, de quatre facteurs sensibles. Il s'agit d'hypothèses de réalité.

Premier facteur, le pétrole. Comme chacun a pu s'en rendre compte, les prix mondiaux de l'énergie ont beaucoup augmenté. Au cours des cinq dernières années, ils ont augmenté de façon erratique et, à deux reprises, dans des proportions très fortes.

Le Gouvernement n'est pas resté inactif : outre une renégociation avec les producteurs de pétrole permettant le lissage sur quatre semaines des augmentations de prix et la répercussion immédiate des baisses, nous avons doublé la « prime à la cuve » pour les personnes non imposées et les ménages les plus modestes, qui passera de 75 à 150 euros.

Deuxième facteur auquel nous devons rester très attentifs, le regain d'inflation. Raymond Barre disait que l'inflation n'est pas la hausse des prix. Un certain nombre de facteurs nous donnent à penser que le risque d'une hausse des prix est réel.

Ce regain inflationniste est lié à l'augmentation des prix du pétrole et d'un certain nombre de matières premières, notamment alimentaires. Cependant, l'inflation demeure en France nettement inférieure à ce qu'elle est chez nos partenaires européens et nous prévoyons qu'il en ira de même en 2008. Cela doit nous encourager à mettre en oeuvre des réformes « pro-concurrentielles », qui sont l'un des moyens majeurs de lutte contre les hausses de prix, lesquelles sont parfois liées à des situations de rentes. Tel est notamment l'objet du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, que M. Luc Chatel et moi-même avons présenté hier devant l'Assemblée nationale.

Troisième facteur auquel nous devons rester très attentifs, la situation des marchés financiers. Je ne pense pas que les tensions qu'ils ont connues dernièrement hypothèquent sérieusement la croissance française en 2008. Ces tensions, liées à des dysfonctionnements des marchés financier et immobilier américains, ont entraîné une crise de confiance et une crise de liquidités qui s'est étendue à l'ensemble des marchés des pays développés et, curieusement dans une moindre mesure, à ceux des pays émergents. Ces turbulences n'ont pas fini de faire sentir leurs effets, notamment sur le marché américain.

M. François Marc. C'est clair !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous devons rester très attentifs. En revanche, la solvabilité des banques françaises et l'excellent travail de régulation mené par nos organismes de contrôle, notamment la Commission bancaire, sont de nature à mieux nous protéger que bien d'autres pays contre les effets indirects de ces turbulences sur les marchés financiers, comme l'ont montré les événements de l'été.

Quatrième facteur, la hausse de l'euro. Elle a pour effet positif de nous permettre de lutter contre l'inflation importée, mais pour effet négatif de grever la compétitivité de nos entreprises.

La France n'a cessé de s'émouvoir de cette situation et de rappeler, au sein de l'Eurogroupe, du G7 et du G20, que les taux de change doivent refléter les fondamentaux économiques et que la zone euro ne peut porter à elle seule tout le poids des déséquilibres mondiaux, qu'ils concernent le dollar, le yen ou le yuan. Ce discours est de plus en plus entendu par les banques centrales et les gouvernements de nos partenaires du G7 et du G20. Nous continuerons à soutenir sans relâche cette politique de réalité, qui vise à ce qu'une monnaie reflète véritablement les fondamentaux économiques des pays où elle a cours et à ce que toutes les grandes zones monétaires bénéficient - ou, a contrario, en subissent les conséquences - d'une situation d'équilibre entre les grandes monnaies que sont l'euro, le dollar, le yen et le yuan.

Sur tous ces sujets, il est essentiel que nous anticipions au plus juste afin de ne pas être pris au dépourvu. Telle est la conception que M. Éric Woerth et moi-même nous faisons d'un État responsable et efficace.

Responsabilité et efficacité sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les maîtres mots de ce budget.

Responsabilité pour le passé, puisqu'une gestion rigoureuse des finances publiques nous permet de nous attaquer, certes modestement, au problème de la dette, que nous ramenons dès l'année prochaine de 64,2 % à 64 % du PIB. Il nous faudra faire mieux l'année suivante et mieux encore l'année d'après.

Responsabilité pour le présent, puisqu'en 2008 le taux des prélèvements obligatoires devrait reculer de 0,3 point, pour s'établir à 43,7 % du PIB.

Responsabilité pour l'avenir, enfin, car si vous ne deviez retenir qu'un seul élément de cette présentation, c'est évidemment le crédit impôt recherche, dont la réforme vise à encourager fortement l'innovation dans nos entreprises, l'innovation au service de la compétitivité de notre pays dans l'intérêt des entreprises de France et dans l'intérêt de tous les Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2008, premier budget de la législature, pose un singulier défi.

D'une part, et il ne peut en aller autrement, ce budget est nécessairement abordé en termes de continuité.

Mme Nicole Bricq et M. François Marc. Ce n'est pas la rupture annoncée !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Attendez la suite, mes chers collègues ! Je n'en suis qu'au début de mon introduction !

D'autre part, ce budget est établi dans un contexte délicat dont les contraintes sont nombreuses. D'une certaine manière, nous assistons à une montée de périls qu'il nous faut ensemble conjurer.

Ainsi, s'agissant des méthodes, ce projet de loi de finances se situe dans le prolongement du budget pour 2007. C'est une bonne chose. Madame le ministre, monsieur le ministre, vous reprenez un objectif de norme de dépense et chacun sait que la gouvernance budgétaire repose d'abord sur la maîtrise de la dépense.

Les données de l'équilibre laissent apparaître que 2008 s'établirait sur un palier de déficit par rapport à 2007. Cette situation manifeste de transition appelle deux remarques.

Premièrement, faisons en sorte, mes chers collègues, qu'au terme de son examen par notre assemblée le budget de l'État pour 2008 ne soit pas plus élevé d'un centime d'euro qu'il ne l'est à ce jour.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tâchons de faire mieux encore : faisons en sorte que ce déficit retrouve au maximum le niveau qui était le sien dans la version initiale du projet de loi de finances présentée par le Gouvernement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Deuxièmement, si nous voulons retrouver l'équilibre en 2012, il nous faudra aller bien au-delà de ce palier 2007-2008. C'est mécanique.

Mme Nicole Bricq. On n'en prend pas le chemin !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le contexte actuel pose de nombreux défis. Les événements survenus sur les marchés financier et immobilier américains ont été à l'origine d'anticipations ingrates, voire négatives, pour toute une série de compartiments de l'économie européenne.

Les dispositions que nous avons prises ensemble cet été dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ont, d'une certaine façon, marqué une rupture ou ont à tout le moins procédé d'un esprit de rupture. Elles créent mécaniquement une contrainte supplémentaire sur les recettes de l'État.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette contrainte est évaluée à 7,5 milliards d'euros sur l'ensemble de l'année 2008.

En outre, comme l'a rappelé M. le ministre, la tension actuelle sur les taux d'intérêt a entraîné une hausse significative de 1,6 milliard d'euros des charges financières, alors même que le déficit est sur un palier.

Mes chers collègues, tout cela forme un tableau complexe.

Tâchons néanmoins de raisonner en termes de gouvernance budgétaire, laquelle nous incite à mettre en avant la notion de performance. Comment juger de la performance budgétaire ?

Tout d'abord, reconnaissons ensemble, mes chers collègues, que la norme de dépense élargie est prometteuse. En effet, il est cohérent de raisonner à partir des recettes brutes de l'État, fiscales et non fiscales, et d'en déduire ce qui est attribué à l'Union européenne, aux collectivités territoriales et, permettez-moi de l'ajouter pour demain ou après-demain, à la sécurité sociale.

Nous aurions un système complètement clair et lisible si nous établissions les recettes nettes après prélèvements en faveur de l'Union européenne, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Donc, monsieur le ministre du budget, dans l'état actuel des choses, vouloir faire porter la norme de dépense sur l'agrégat « Dépenses de l'État et prélèvements en faveur de l'Union européenne et des collectivités territoriales », c'est une bonne démarche, une démarche qui est réellement prometteuse pour l'avenir.

Son application instantanée à l'année 2008 peut donner le sentiment que la règle répond aussi à une opportunité pour l'État, qui peut faire progresser ces crédits de 1,9 %, c'est-à-dire de 0,3 % de plus que l'inflation prévisionnelle, mais dont une grande partie, nous le reconnaissons, résulte de contraintes très lourdes.

Vous le savez, au sein de cette assemblée, légitimement très attentive aux questions concernant les budgets locaux, communaux, intercommunaux, départementaux, voire régionaux, nous avons noté qu'un effet de pincement se produit et que les ressources des collectivités territoriales comportent deux grands sous-ensembles. Puisque nous y reviendrons dans le débat thématique, je me borne à citer les principaux éléments.

L'enveloppe normée, c'est-à-dire le sous-ensemble le plus important, évolue au rythme de l'inflation, « zéro volume ». À l'intérieur - j'allais dire « Dieu merci ! » -, la dotation globale de fonctionnement, la DGF, continue de respecter les engagements antérieurs, soit le maintien en volume plus l'intéressement à la croissance, intéressement à concurrence de la moitié du taux de croissance prévisionnel de l'économie.

Cet effet de pincement se situe donc au niveau des dotations d'ajustement. Le ministre du budget nous a semblé manifester une certaine bonne volonté pour trouver les solutions appropriées en ce domaine. Monsieur le ministre, il faut évidemment y parvenir, car l'application brute des règles arithmétiques risque de poser des problèmes tout à fait substantiels à deux catégories de collectivités : d'une part, les communes bénéficiaires de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, et, d'autre part, les départements, en particulier les plus ruraux, qui bénéficient de la dotation de compensation des exonérations de la taxe sur le foncier non bâti.

M. le président. Très juste !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Donc, mes chers collègues, l'un de nos défis, en tant qu'assemblée représentative des collectivités territoriales de France, est d'atténuer les conséquences de ces ajustements.

Vous le savez, monsieur le ministre, nous souhaitons que l'État fasse preuve de bonne volonté et aille un peu au-delà de l'enveloppe qui est actuellement prévue pour l'ensemble des collectivités territoriales.

Pour autant, la commission des finances ne saurait sous-estimer vos efforts ni, a fortiori, vos contraintes, car, malgré les décisions courageuses et volontaristes qui commencent à être prises en matière d'effectifs publics, il n'en reste pas moins que ce que l'on gagne sur les rémunérations d'activité est largement compensé par l'augmentation des pensions. Je me suis efforcé de le montrer dans le rapport que j'ai présenté à la commission, l'agrégat « Main-d'oeuvre », y compris les retraités, augmente, et sensiblement. De même, l'agrégat « Dette » augmente, et je renvoie, pour des propos plus détaillés que Paul Girod et certains de nos collègues ne manqueront pas de tenir, au débat thématique sur le plafond de la dette.

La vigilance est évidemment indispensable. Nous savons que des marges de progression sont encore disponibles pour améliorer la sincérité budgétaire, même si des efforts de « rebasage » ont été faits - vous en avez cité certains - dans le domaine des interventions sociales.

Il est encore une distance à parcourir, et vous avez bien voulu, monsieur le ministre, le reconnaître tout à l'heure de manière très transparente en nous disant que, sur le sujet emblématique et bien connu des opérations extérieures, les OPEX, il allait falloir doter un peu plus la prévision pour 2008.

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Yves Fréville. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous savons aussi que le budget que vous avez préparé peut paraître prudent, et ce à deux titres.

D'une part, le coefficient d'élasticité, qui permet de définir la prévision de recettes, s'inscrit en baisse par rapport à celui de l'an dernier et utilise donc une certaine marge de prudence par rapport aux évolutions possibles de la conjoncture. C'est une bonne chose.

D'autre part, vous visez une réserve de précaution de 7 milliards d'euros, et vous avez veillé, monsieur le ministre, à ce que les crédits inscrits dans ce cadre soient vraiment mobilisables, et pas seulement indiqués pour la forme, et à ce qu'ils puissent être, le cas échéant, complètement débloqués au début de l'année. Vous avez fait en sorte, avec vos différents collègues - tous les dépensiers du Gouvernement... (Sourires) -, que cette réserve de précaution soit une vraie réserve que l'on puisse, s'il le faut, mettre totalement à contribution.

Mais n'oublions pas que, par rapport à ces 7 milliards d'euros, il y a toutes sortes d'aléas, et que la marge de progression pour les dépenses de l'État, qui ne reflète que le taux d'inflation prévisionnel, se situe à 5,5 milliards d'euros.

Tout dépend de la dynamique de l'économie et des recettes fiscales et, nous le verrons d'ici à la fin de cette année 2007, je pense que nous arriverons au rendez-vous des objectifs que vous avez prévus, peut-être, comme d'habitude, grâce à telle ou telle mesure d'imputation sur l'exercice finissant.

Nous le savons, le moment de vérité est celui du solde de l'impôt sur les sociétés, et je rejoins le propos de Mme Lagarde en ce qui concerne la compétitivité de l'économie et la pugnacité de nos entreprises.

En effet, mes chers collègues, il ne faut pas oublier que ce solde, qui dépend en fin d'année, budgétairement, arithmétiquement, de la part des plus grandes entreprises, reflète très majoritairement des résultats acquis hors de notre territoire. N'ayons garde de l'oublier, ces impôts que nous recouvrons, à partir des résultats des très grandes entreprises et des grands groupes, proviennent pour une bonne part des zones du monde où la croissance est la plus élevée.

N'oublions pas non plus le défi qui s'impose à nous et qui est d'abord d'être un pays accueillant, un pays attractif pour les plus grandes entreprises, pour les grands groupes, pour les centres de décision économique susceptibles de raisonner, de concevoir une stratégie à l'échelle du monde. C'est cela qui, en définitive, peut équilibrer nos comptes.

Mes chers collègues, il ne faut pas sous-estimer cet aspect des choses ni la vulnérabilité qui est la nôtre. Nous la constatons en observant les conditions de détermination des taux d'intérêt. L'Agence France Trésor, grâce à son professionnalisme, fait au mieux pour financer l'État au niveau requis par le tableau de financement.

Si je ne me trompe, le tableau de financement pour 2008 nécessite un appel au marché pour un montant qui est de l'ordre de 110 milliards d'euros, et la somme sur laquelle nous allons voter avant l'article d'équilibre n'en représente qu'une petite partie, soit moins de 20 milliards d'euros. Pourquoi ? Parce que les refinancements d'emprunts qui arrivent à échéance sont assurés, pour une très grande part, à court terme sur le marché, aux meilleures conditions du marché.

C'est bien la « soutenabilité » de nos finances publiques, permettez-moi d'utiliser ce terme, qui fonde notre crédit, et donc le coût de nos emprunts. Tout se tient. Un pays crédible, c'est un pays qui sait se mettre sur le sentier de l'équilibre, c'est un pays qui sait être attractif. Un pays crédible, c'est un pays qui se finance à bon compte et, dans le contexte mondial qui est le nôtre, risqué et agité, c'est absolument essentiel. J'aurais même tendance à dire que cela devient de plus en plus essentiel chaque jour.

En termes de gouvernance budgétaire, quels progrès peut-on faire pour l'avenir ? La commission des finances vous proposera, dans le respect de l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, de bien vouloir progresser sur un certain nombre de points de méthode.

En premier lieu, il est important de mieux appréhender le plafond de variation de la dette, et donc de mieux le déduire du tableau de financement et de moins confondre la trésorerie et le financement. C'est une question de clarté ; c'est absolument indispensable pour apprécier la situation économique du pays, ses risques et ses marges de manoeuvre.

En second lieu, concernant la politique fiscale, et plus précisément la dépense fiscale, il convient de mieux chiffrer les niches fiscales.

M. François Marc. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me suis permis, dans le rapport écrit, de les qualifier de « mauvaises herbes fiscales ». (Sourires.)

M. François Marc. Il en pousse partout !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est qu'elles prolifèrent et, chaque fois qu'on en arrache d'un côté, il en pousse de l'autre ! (Nouveaux sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est donc l'image qui me vient à l'esprit.

Un effort est fait cette année dans le chiffrage de ces niches fiscales, madame, monsieur le ministre, mais on est encore loin du compte, et des progrès sont possibles et tout à fait nécessaires.

Il est un grand nombre de niches non chiffrées, non évaluées ou dont les évaluations ne sont pas remises en cause comme il conviendrait. Nous savons bien que c'est un travail très lourd, mais ce chantier est essentiel, car, au bout du compte, vous le savez, mes chers collègues, un euro de dépense fiscale est égal à un euro de crédit budgétaire.

Bien entendu, la règle vers laquelle il faudrait tendre, si l'on savait procéder aux évaluations de façon plus précise, serait de placer la dépense fiscale sous le plafond de la norme de dépense, quelle que soit, au demeurant, l'expression de cette norme.

Je suis sûr que M. le ministre du budget en rêve. (M. le ministre acquiesce). Les sénatrices et les sénateurs peuvent aussi en rêver, car, pour assurer la sincérité et la transparence de nos débats, domaine par domaine, il est évident que l'examen de la dépense fiscale doit se faire concomitamment à celui des dépenses budgétaires et nous offrir les mêmes capacités d'action, les mêmes capacités d'initiative, les mêmes assurances de maîtrise des finances publiques. La loi organique doit pouvoir progresser, nous ferons des propositions en ce sens.

Il est une initiative pédagogique, en quelque sorte, que nous pourrions prendre, si vous le voulez bien, dès la deuxième partie du présent projet de loi de finances. Elle consisterait à distinguer, dans les régimes préférentiels ou niches fiscales, deux catégories.

Les dispositifs horizontaux, non discriminants, font partie intégrante du mode de calcul de l'impôt, tel le quotient familial pour l'impôt sur le revenu, le crédit d'impôt recherche pour l'impôt sur les sociétés ou le régime de l'intégration fiscale. Ces éléments de politique économique, voire de politique familiale ou sociale, correspondent à une volonté de l'État qui a vocation à s'exprimer sur la durée et peuvent donc être pérennes. Ce sont des dispositifs à durée indéterminée.

À l'inverse, les dispositifs verticaux, catégoriels, voire corporatifs ou reposant sur des zonages, sont, certes, légitimes, mais devront, à terme déterminé et au vu d'évaluations, être réexaminés en fonction de l'efficience de la dépense publique ainsi engagée.

Il vous sera donc proposé des NDI et des NDD, c'est-à-dire des niches à durée indéterminée et des niches à durée déterminée (Sourires.), reposant sur un système d'évaluation plus fiable, plus efficace.

Le ministre a évoqué un troisième progrès, ce dont je le remercie : la prise en compte, dans le plafond des emplois, des postes des opérateurs de l'État. Cette question sera vitale dans l'avenir. En effet, comme nous le montre l'exemple de la Suède, la réforme de l'État telle qu'elle va être formulée, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, conduira logiquement à identifier des tâches précises remises entre les mains d'agences de l'État.

Cette démarche est d'ailleurs déjà bien engagée. Songeons, mais ce n'est qu'un exemple, à l'Agence des titres sécurisés pour le ministère de l'intérieur. Les ministères deviendront de plus en plus des instances d'impulsion, d'orientation, de stratégie, et ces structures devront en conséquence être très allégées par rapport à ce qu'elles sont aujourd'hui. Les politiques devront être mises en oeuvre par des agences qui auront des objectifs et entretiendront un dialogue clair avec l'État stratège : État stratège d'un côté, État gérant de l'autre, dans le cadre de politiques bien identifiées.

Ce modèle peut être décliné pour presque tous les domaines de l'action publique.

Il sera donc vital que les effectifs de ces agences soient bien sous plafond et qu'ils soient votés avec l'article d'équilibre.

J'en viens à la comptabilité patrimoniale, acquis essentiel de la loi organique relative aux lois de finances, à condition du moins que l'on en tire toutes les conséquences.

Permettez-moi de prendre un exemple.

Mme Lagarde a fort opportunément évoqué la réforme qui va amplifier et rendre plus efficace le crédit d'impôt recherche.

Pour l'entreprise, ce crédit est une créance qui va pouvoir être mobilisée, rendue liquide. Mais ce qui est créance d'un côté, pour l'entreprise, est dette de l'autre côté, pour l'État. Or l'État établit-il un bilan dans lequel il inscrit au passif la valeur de ces dettes ? Il y a, ce mécanisme le montre, des progrès importants à réaliser en termes de comptabilité patrimoniale de l'État afin de disposer d'une situation qui soit sincère et fidèle.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certifiable !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me limite à cet exemple, mais bien d'autres peuvent naturellement venir à l'esprit.

Quelles initiatives allons-nous prendre et pouvons-nous prendre au cours de l'examen de ce projet de loi de finances ? Pour ma part, je ne saurais trop conseiller deux axes : la compétitivité, d'une part, et la rigueur, d'autre part, une rigueur au sens d'une approche rigoureuse de la réalité, sans se faire d'illusions et en évitant de diffuser des illusions autour de soi.

La compétitivité est la condition de tout. Je me réjouis, madame le ministre, que les deux assemblées valorisent enfin l'industrie financière. Vous avez à juste titre insisté sur ce point, car c'est une variable clé en termes de compétitivité.

Si l'on veut que notre pays, qui a des atouts, puisse voir croître son industrie financière et prélever une petite partie de ce qui fait le succès de la Grande-Bretagne, certaines conditions concrètes doivent être remplies ; la suppression de l'impôt de bourse en est une. De la même façon, une politique fiscale de l'épargne claire, différenciant les produits selon leur utilité pour l'économie et le niveau de risques, est une autre de ces conditions nécessaires. M. Alain Lambert avait défini les principes, qui restent parfaitement actuels, d'une hiérarchisation du régime fiscal des différents produits d'épargne. Je ne puis que souhaiter que l'on adopte une attitude aussi claire, lisible et cohérente sur le plan économique.

Nous savons aussi que la certitude, pour un contribuable, de ne pas subir un prélèvement spoliateur est un élément important de la nouvelle législature. Il pourrait en résulter une confiance accrue, une meilleure visibilité de la réalité économique et financière française. C'est dans cet esprit que la majorité de la commission des finances propose l'auto-liquidation du bouclier fiscal. Nous y reviendrons sans doute dans le cours de la discussion.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, dans le souci de défendre nos centres de décisions, nous estimons qu'il serait opportun de créer un régime de résident fiscal temporaire, sur agrément, pour les hautes compétences susceptibles de venir de l'étranger s'investir dans les quartiers généraux ou dans les centres de recherche. J'ai bien dit « sur agrément », dans un cadre bien déterminé, afin de créer une assiette fiscale supplémentaire.

Comme l'a fait Mme Lagarde voilà un instant, je suis enclin à faire rimer « rigueur » et « vigueur ». En effet, et cette conviction est largement partagée au sein de la commission des finances, faute de consentir des efforts considérables, nous ne parviendrons pas à nous placer sur le sentier de l'équilibre pour 2012.

Monsieur le ministre du budget, j'observe avec un très grand intérêt la richesse des analyses réalisées par le comité de suivi de la revue générale des politiques publiques. Tous les secteurs sont examinés avec le plus grand professionnalisme, sans tabou mais en même temps, je le crois, avec réalisme et imagination.

La rigueur, oui, mais pas une rigueur punitive, une rigueur qui fasse appel à l'imagination. Il faut innover, trouver des solutions nouvelles. Ainsi, si nous parvenons, avec imagination, à prendre appui sur le nouveau principe de l'autonomie des universités, une compétitivité beaucoup plus réelle, beaucoup plus grande de notre appareil de recherche peut naître. C'est tout l'enjeu d'une telle réforme. Mais il ne doit y avoir aucune contradiction dans la définition des moyens qui sont nécessaires à la poursuite des tâches - mais au sein d'un système d'État mis sous tension, dont les énergies sont entièrement mobilisées vers les objectifs - il ne doit donc y avoir aucune contradiction entre cette approche rigoureuse et l'imagination, la compétitivité, le progrès et une vision sans complexe de l'avenir.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances sera bien entendu très attentive, très exigeante, aussi, un peu raide, parfois, sur certains des aspects de ce projet de loi de finances. Nous allons discuter, en insistant non seulement sur les collectivités territoriales, mais aussi sur certains dispositifs et articles importants, avec le souci d'apporter au Gouvernement un appui d'autant plus solide et sincère que nous aurons la certitude que nos analyses et nos convictions seront entendues.

Cette maison, le Sénat, est riche de convictions. Sa commission des finances n'a pas improvisé les commentaires qu'elle vous livre cette année, madame, monsieur le ministre. Ses observations résultent, je me permets de le dire, de tout un patrimoine que nous avons acquis en commun au contact des gouvernements qui se sont succédé depuis de nombreuses années.

Nous sommes persuadés que cette vision peut et doit rejoindre celle du gouvernement de François Fillon, sous cette nouvelle présidence qui, nous l'espérons, sera celle de la rigueur, de la vigueur et de l'imagination ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)