Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

L'article L. 442-2 du code de commerce est ainsi modifié :

1° A  Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La cessation de l'annonce publicitaire peut être ordonnée dans les conditions prévues à l'article L. 121-3 du code de la consommation. » ;

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le prix d'achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat, minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport. » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Le prix d'achat effectif tel que défini à l'alinéa précédent est affecté d'un coefficient de 0,9 pour le grossiste qui distribue des produits ou services exclusivement à des professionnels qui lui sont indépendants et qui exercent une activité de revendeur au détail, de transformateur ou de prestataire de services final. Est indépendante au sens de la phrase précédente toute entreprise libre de déterminer sa politique commerciale et dépourvue de lien capitalistique ou d'affiliation avec le grossiste. »

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Dans la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « portée à la moitié des dépenses de publicité » sont remplacés par les mots : « portée au niveau des dépenses de publicité ».

La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Ce projet de loi permet d'abaisser le seuil de revente à perte sur la base du « triple net ». Il va même plus loin en codifiant le II de l'article 47 de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, dite « loi Dutreil », puisqu'il permet à certains grossistes - nous aurons l'occasion d'y revenir - d'abaisser de 10 % leur seuil de revente à perte pour les produits qu'ils vendent aux petits commerçants.

Si l'interdiction de la vente à perte est maintenue, il n'en demeure pas moins que le risque d'une guerre des prix est réel. Il l'est d'autant plus que ce projet de loi n'est qu'une première étape dans le cheminement vers la négociabilité des tarifs. Comme vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'État, ce gouvernement a l'intention d'aller plus vite et plus loin encore dans la libéralisation des relations commerciales. Le projet de loi de modernisation de l'économie en préparation poursuivra le travail entamé par ce projet de loi et qui n'est, semble-t-il, qu'un « apéritif » avant la libéralisation totale.

Or, nous savons tous que la grande distribution bénéficie d'avantages concurrentiels certains et qu'elle aura désormais les mains libres pour casser les prix, pratiquer des prix d'appel ou des prix « prédateurs », autrement dit inférieurs aux prix d'achat effectifs. Elle peut en effet pratiquer ce type de prix sur une partie du stock, tout en rééquilibrant les marges sur l'ensemble des références du magasin. Quel petit commerçant, quel magasin spécialisé pourrait résister à ce type de pratiques concurrentielles ?

L'article L. 442-2 du code de commerce prévoit de punir de 75 000 euros d'amende la revente à perte. Il prévoit également que cette amende puisse être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire mentionne un prix inférieur au prix d'achat effectif.

Cet amendement tend à doubler le niveau de l'amende infligée, en l'élevant au montant total des dépenses de publicité. Du fait de l'abaissement du seuil de revente à perte, il convient de lutter plus efficacement encore contre cette pratique : doubler le montant de l'amende encourue pour l'infraction qui consiste à faire de la publicité pour revendre à perte nous semble plus dissuasif.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de voter en faveur de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement appelle deux objections de ma part.

La première objection est de principe. À la suite du rapport de M. Coulon, nous serons prochainement conduits à examiner dans son ensemble la problématique de la dépénalisation du droit des affaires. Des réformes seront alors entreprises : il me semblerait donc inopportun d'aggraver aujourd'hui une peine sans tenir compte d'autres éléments pouvant s'inscrire dans une cohérence globale, d'autant plus que nous pourrions être amenés, d'ici à quelques mois, à revenir sur cette décision en instituant un autre type de pénalité.

La seconde objection est d'ordre pratique. Une publicité peut certes porter sur un seul produit mais, le plus souvent, elle en vante plusieurs. Or le prix incriminé ne concernera probablement jamais tous les produits de l'annonce, mais plutôt une partie d'entre eux, voire un seul. Dès lors, permettre au juge de prononcer une amende d'un montant égal à la totalité des dépenses publicitaires me semble vraiment excessif.

Pour ces deux raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Dussaut, vous savez que l'interdiction de revente à perte est déjà sanctionnée par deux types de sanction : une amende pénale de 75 000 euros et la possibilité pour le juge pénal de porter cette amende à la moitié des dépenses de publicité. Ces sanctions sont déjà sévères et le Gouvernement ne juge pas opportun de les renforcer, car les revendeurs pourraient être ainsi dissuadés de se rapprocher du seuil de revente à perte, ce qui serait contraire à l'objectif de ce projet de loi. Aussi, j'émets un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 151, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa du 1° de cet article :

« Le prix d'achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport. »

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. L'article 1er du projet de loi modifie le code de commerce et procède à une nouvelle définition du seuil de revente à perte autorisant la prise en compte intégrale des avantages financiers résultant de la coopération commerciale. Autrement dit, cet article prévoit le passage au système du « triple net ».

Les différentes réformes concernant la définition du seuil de revente à perte montrent les difficultés rencontrées par le législateur pour réglementer de manière satisfaisante les relations entre distributeurs et fournisseurs. Comment s'en étonner, puisque les distributeurs, en général, et la grande distribution, en particulier, ont redoublé de malice pour contourner la loi ?

La loi du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, dite « loi Galland » avait procédé à un encadrement strict du seuil de revente à perte, afin de mettre fin aux pratiques de « prix prédateurs » qui, en provoquant une guerre des prix, avaient mis à mal le commerce de détail et de proximité. Elle a eu l'effet positif de freiner la diminution structurelle du nombre des petits commerces.

Cependant, les distributeurs, placés dans l'obligation légale de respecter un prix minimal de revente, ont cherché et réussi à augmenter leur rémunération en augmentant leurs « marges arrière ». Grâce à leur poids économique et à leur concentration extrême, ils ont facturé à leurs fournisseurs un nombre croissant de services, souvent de manière tout à fait abusive, au titre de la coopération commerciale.

Face à cette dérive frauduleuse, la réponse du législateur a consisté à officialiser de telles pratiques, en permettant, notamment par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, d'intégrer une partie des marges dans le calcul du seuil de revente à perte.

Aujourd'hui, ce projet de loi va plus loin et prévoit que la totalité des marges puissent être intégrées dans ce calcul. Nous sommes fermement opposés à ce système du « triple net » qui présente le danger d'un retour à la situation antérieure à la loi Galland.

D'ailleurs, il y a quelques temps, M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur, ici présents, défendaient également cette position. Mais la vérité du jour n'est pas celle du lendemain ! Ainsi, monsieur Cornu, vous écriviez en 2005 dans votre rapport sur le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises : « Si elle s'est également accordée sur le principe de la nécessité du maintien d'un SRP, la mission d'information parlementaire Chatel, quant à elle, a toutefois rejeté le système dit du ?triple net? estimant qu'il risquerait, en dépit de ses indéniables avantages, de fragiliser fortement la situation des plus petits acteurs du secteur et de conduire à une ?guerre des prix?. »

Aujourd'hui, le système prévu par le Gouvernement et soutenu par la majorité risque d'entraîner une chute brutale des prix qui aura des conséquences graves sur les petits fournisseurs et producteurs. De plus, pour baisser les prix d'appel tout en gardant leurs marges, les distributeurs pressurent également leurs salariés. Bref, tout le monde est perdant, sauf les actionnaires des grands groupes de la distribution !

Pour toutes ces raisons nous vous demandons d'adopter notre amendement.

M. le président. L'amendement n° 86, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 1° de cet article, après les mots :

des taxes spécifiques afférentes à cette revente

insérer les mots :

, de l'ensemble des charges afférentes au fonctionnement de l'établissement

La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Par souci de transparence et pour éviter qu'une concurrence déloyale ne se crée entre les différentes structures et entre les différentes enseignes commerciales, nous proposons d'inclure toutes les charges de fonctionnement de l'établissement dans la définition du seuil de revente à perte proposé par cet article 1er.

En effet, cette définition n'inclut actuellement que les avantages financiers accordés par le fournisseur, auxquels s'ajoutent diverses taxes spécifiques et le prix du transport. Ne pas prendre en compte l'ensemble des charges de fonctionnement du magasin revient, au bout du compte, à autoriser la vente à perte, en dessous du prix de revient, comme l'a d'ailleurs clairement expliqué le rapporteur pour la commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale lors de l'examen de ce projet de loi.

Nous savons très bien que seules les grandes surfaces peuvent se livrer à ce genre de pratique, et ce suffisamment longtemps pour mettre en difficulté un concurrent. Les grands distributeurs peuvent se rattraper sur d'autres prix, vu les milliers de références dont ils disposent : le nombre élevé de références existantes leur permet d'opérer une péréquation des prix entre les multiples produits pour financer certaines baisses. Ils peuvent donc se permettre une perte minime sur certains produits, sans entamer globalement leur marge. De telles pratiques appliquées à quelques produits bien choisis, même limitées dans le temps, peuvent suffire à déstabiliser l'ensemble des commerçants des environs. À terme, tous ces commerces de proximité sont en réalité voués à disparaître face à une concurrence contre laquelle ils ne peuvent lutter à armes égales.

Tout cela se ferait au bénéfice du consommateur qui profiterait de la baisse des prix ! J'ai vraiment des doutes quant au fonctionnement de mécanismes aussi vertueux permettant d'augmenter le pouvoir d'achat sans autre contrepartie, « toutes choses égales par ailleurs » selon l'expression habituelle.

Permettez-moi quelques remarques, monsieur le secrétaire d'État. Tout d'abord, la baisse des prix de ces produits ciblés ne sera sans doute que transitoire. Ensuite, rien n'exclut qu'elle résulte, en fin de compte, d'une pression sur les fournisseurs ou encore sur les coûts variables, c'est-à-dire les salaires. Enfin, si une telle baisse des prix dégénère en guerre des prix, hypothèse que l'on ne peut écarter, les dégâts économiques collatéraux risquent d'être importants : fermeture de nombreux commerces de proximité en particulier, mais également réductions d'emplois, rationalisation et autonomisation des caisses, etc.

La réforme de la loi Galland qui s'engage ici pourrait enclencher, comme on a pu le constater dans certains pays voisins, la suppression de milliers d'emplois. Il y aura sans doute beaucoup de perdants pour peu de gagnants !

Afin d'éviter que la concurrence, que vous avez tendance à parer de toutes les vertus, ne dégénère en pratiques déloyales entre les différents réseaux de distribution, il est nécessaire d'intégrer les charges de fonctionnement des établissements dans la définition du seuil de revente à perte. Tel est le sens de l'amendement que nous vous soumettons.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 67 rectifié est présenté par MM. Texier, Pointereau et Detcheverry.

L'amendement n° 80 est présenté par M. Retailleau.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter le second alinéa du 1° de cet article par les mots :

ainsi que des frais logistiques d'acheminement au point de vente

La parole est à M. Yannick Texier pour présenter l'amendement n° 67 rectifié.

M. Yannick Texier. Les fournisseurs procèdent à deux types de livraisons distinctes, puisqu'ils livrent aussi bien sur plate-forme qu'en magasin. Bien évidemment, les frais engagés pour la livraison diffèrent en fonction du mode de livraison adopté.

La définition actuellement retenue du seuil de revente à perte n'inclut pas cette distinction. De ce fait, le calcul du seuil de revente à perte ne peut prendre en compte les frais d'acheminement que pourront engager les distributeurs qui ne sont pas livrés en magasin. Pour éviter toute discrimination entre distributeurs, il convient d'intégrer les frais d'acheminement au point de vente.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l'amendement n° 80.

M. Bruno Retailleau. J'estime que l'alignement du seuil de revente à perte sur le « triple net » est une excellente chose. Désormais, le prix net sera calculé en intégrant la totalité des avantages consentis par le fournisseur, en y ajoutant les taxes et les frais de transport.

Comme vient de le dire notre excellent collègue Texier, les centrales livrent soit par l'intermédiaire de plates-formes, soit directement au magasin. Il faut donc prendre en compte les frais de transport, mais aussi les frais d'acheminement qui pourraient inclure, outre le transport, des frais de logistique, car la logistique coûte cher aujourd'hui. Pour répondre au souci du Gouvernement d'aller le plus loin possible dans la transparence et dans la vérité du prix net, il nous semble intéressant de pouvoir intégrer la totalité des frais dans le coût de revient.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les quatre amendements ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 151, ses auteurs préconisent, ni plus ni moins, le retour à la loi Galland. Or, depuis l'entrée en vigueur de ce texte, un certain nombre d'évolutions sont tout de même intervenues, notamment grâce à la loi Dutreil.

M. Daniel Raoul. Un échec !

M. Gérard Cornu, rapporteur. Non, ce n'est pas un échec. Nous en discuterons tout à l'heure.

Une nouvelle évolution nous est encore proposée aujourd'hui, puisqu'il s'agit d'aller jusqu'au triple net. Ce n'est donc pas une « réformette », comme certains le disent.

Par conséquent, je suis bien sûr défavorable à l'amendement n° 151.

Je suis également défavorable à l'amendement n° 86.

Je le dis sans esprit polémique, monsieur Dussaut, car je vous respecte et je sais que vous êtes très compétent dans ce domaine, mais adopter votre proposition aboutirait en fait à maintenir explicitement le système des marges arrière, puisque, par définition, le relèvement du seuil de revente à perte les nourrit. C'est même précisément le problème que nous connaissons depuis plus de dix ans avec la loi Galland !

Or il me semble que, lors des débats sur le projet de loi présenté par M. Dutreil, auxquels vous avez participé avec M. Raoul, vous souhaitiez la suppression des marges arrière, ce que nous proposons justement aujourd'hui, avec le triple net.

Je ne comprends donc pas votre démarche, qui va finalement à l'encontre de ce que vous souhaitez.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 67 rectifié et 80, je voudrais connaître l'avis du Gouvernement avant de me prononcer.

En effet, ma première analyse est que les frais logistiques d'acheminement au point de vente font partie du prix de transport visé à l'article L. 442-2 du code de commerce. Cependant, si nos collègues soulèvent cette question, c'est qu'ils n'en sont pas certains. C'est pourquoi je voudrais que le Gouvernement s'exprime sur cette problématique des frais logistiques et des frais de transport.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les quatre amendements ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. En ce qui concerne l'amendement n° 151, le Gouvernement ne peut bien entendu y être favorable, puisque son adoption aboutirait à un retour en arrière.

Or l'objectif du Gouvernement est précisément d'abolir le mode de calcul du seuil de revente à perte issu de la loi Galland. Nous tenons à ce que les avantages promotionnels négociés par les distributeurs soient restitués aux consommateurs. C'est pourquoi nous proposons un nouveau mode de calcul du seuil de revente à perte.

Concernant les trois autres amendements, qui tendent à réintégrer dans ce mode de calcul du seuil de revente à perte soit des coûts de fonctionnement, soit des frais de logistique, je ferai la réponse suivante.

S'agissant de la logistique, c'est la question du mode de comptabilisation des frais de transport dans le seuil de revente à perte qui est en fait soulevée.

Cette question a été clarifiée lors de l'élaboration de la loi Galland, en 1996, puisqu'il fut précisé à l'époque que, par prix du transport, la loi n'entendait pas l'ensemble des coûts de transport ou frais pris en charge par le distributeur. Certains trouveront peut-être que cette position est rigoureuse, mais elle est conforme à la philosophie générale du présent projet de loi, qui est de faire de la facture d'achat l'instrument direct et commode de détermination du seuil de revente à perte.

Que la loi ait retenu le terme de prix, et non celui de coût ou de frais, sous-entend qu'il s'agit de la facturation d'une prestation spécifique par le fournisseur ou par un transporteur tiers à l'occasion de l'acte d'achat et non de frais, quels qu'ils soient.

Faut-il, comme le proposent les auteurs des amendements, aller plus loin et changer cette règle ? Le Gouvernement n'y est pas favorable, pour les raisons suivantes.

Tout d'abord, le coût ne pourrait être déterminé ni par les services de contrôle ni par le juge, car il est par nature imprécis, beaucoup plus en tout cas que le prix. Nous aurions donc beaucoup de mal à calculer le niveau du seuil de revente à perte. Intégrer une notion de frais empêcherait tout contrôle immédiat et donc empêcherait de relever les infractions de revente à perte lors de ces contrôles, puisque les frais ou coûts de l'entreprise, par exemple le coût de maintenance du véhicule, l'amortissement, le salaire du conducteur, les frais liés à l'entreposage, les frais de logistique, ne sont connus de manière certaine qu'une fois l'enregistrement en comptabilité effectué, c'est-à-dire en fin d'exercice comptable.

Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n'est pas favorable à la réintégration de ces différents postes de frais dans le mode de calcul du seuil de revente à perte. Il en reste donc à la proposition faite au travers du présent texte et émet un avis défavorable sur les trois amendements nos 86, 67 rectifié et 80.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 67 rectifié et 80 ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Je voudrais féliciter MM. Texier et Retailleau d'avoir déposé ces amendements, car la question qu'ils ont posée méritait que le Gouvernement apporte des explications, ce qu'il a fait de manière très claire. Je leur suggère maintenant de retirer leurs amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Texier, l'amendement n° 67 rectifié est-il maintenu ?

M. Yannick Texier. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 67 rectifié est retiré.

Monsieur Retailleau, qu'en est-il de l'amendement n° 80 ?

M. Bruno Retailleau. Les explications très longues et quelque peu complexes de M. le secrétaire d'État ne m'ont pas complètement convaincu (Sourires sur les travées de l'UMP)...

J'ai, en revanche, apprécié les qualités de diplomate de M. le rapporteur ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) Je vais suivre l'exemple de M. Texier et retirer mon amendement, par solidarité avec lui.

M. le président. L'amendement n° 80 est retiré.

L'amendement n° 155, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le 1° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les accords de coopération commerciale correspondant aux avantages financiers consentis par le vendeur sont mentionnés en pied de la facture d'achat. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Il s'agit en fait d'un amendement de repli.

Le titre Ier du projet de loi achève la réforme de la loi Dutreil entreprise au travers de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

Je rappelle une nouvelle fois que le groupe communiste républicain et citoyen s'était opposé à ce texte, estimant notamment que les nouvelles dispositions n'étaient pas assez protectrices pour les fournisseurs et les consommateurs.

En effet, sous couvert de réglementation et de moralisation des relations commerciales, les nouvelles dispositions entérinaient en réalité des pratiques « honteuses » de la grande distribution.

Aujourd'hui encore, vous nous dites que rien n'y changera : la grande distribution continuera de « racketter » les fournisseurs et les producteurs, quelle que soit la réglementation.

Ce constat ne vous empêche pas de vous féliciter du passage au triple net, qui permettrait de déduire du prix d'achat, et donc du calcul du seuil de revente à perte, la coopération commerciale.

Or chacun d'entre nous sait que la coopération commerciale donne lieu à de terribles abus et qu'il faut recourir, pour la justifier, à des artifices tels que l'animation en magasin, la mise en valeur du produit, voire la participation du fournisseur à la rénovation du magasin ou du parking - ce cas nous a été rapporté -, ou encore à la célébration de tel ou tel anniversaire.

La coopération commerciale est donc un grand mot recouvrant des pratiques qui ne sont pas toujours très claires. Dans votre rapport de 2005, vous dénonciez très justement, monsieur le rapporteur, ce manque de transparence.

Ainsi, vous releviez que, « discutées secrètement entre fournisseurs et distributeurs, et dépendant pour l'essentiel de leurs rapports de force, les marges arrière ne font l'objet d'aucune transparence ». De plus, vous aviez indiqué que, lors d'auditions, on vous avait affirmé que les services que ces marges arrière servent prétendument à rémunérer sont, pour une partie d'entre eux, fictifs, le distributeur tirant fréquemment prétexte de leur facturation pour augmenter ses marges.

Dans la mesure où vous voulez maintenir les marges arrière, nous estimons qu'il faut faire preuve de transparence.

Cet amendement vise donc, à titre de position de repli, à prévoir que « les accords de coopération commerciale correspondant aux avantages financiers consentis par le vendeur sont mentionnés en pied de la facture d'achat ». Il s'agit d'une mesure simple, qui permettra enfin de savoir ce que les accords de coopération commerciale recouvrent.

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, cet amendement vous offre la possibilité d'instaurer cette transparence dont vous parlez beaucoup.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Nous sommes tout à fait en faveur de la transparence, madame Terrade : « le triple net » va permettre de mettre en évidence les marges arrière, au bénéfice du consommateur. Il s'agit donc tout de même d'un progrès important !

En tout état de cause, si j'ai bien compris, votre amendement vise à intégrer les avantages financiers de toute nature dans la facture. Il anticipe donc, en fait, sur le débat que nous aurons vraisemblablement au printemps prochain sur ce que l'on appelle la négociabilité. Nous verrons donc cette question un peu plus tard.

Vous qui avez participé, de manière assidue, au groupe de travail et aux auditions, vous savez que c'est un sujet extrêmement important, difficile, que l'on ne peut traiter dans l'urgence. Des interactions sont à prendre en compte.

Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Madame le sénateur, je considère que la première partie de votre amendement est satisfaite. En effet, il est déjà prévu que les accords de coopération commerciale correspondent aux avantages financiers consentis, et cette disposition sera renforcée par la mise en oeuvre d'un contrat unique qui améliorera la transparence du détail des contrats de coopération commerciale.

S'agissant de la seconde partie de votre amendement, elle vise à ce que soit mentionné, au pied de la facture, le montant de la coopération commerciale. Vous savez que les règles de facturation commerciale sont extrêmement précises et font obstacle à toute compensation. Elles exigent que toute prestation donne lieu à une facture distincte. C'est d'ailleurs ce qui nous a fait rejeter une proposition qui avait été formulée par un certain nombre d'acteurs et qui tendait à tout inscrire sur une facture unique, y compris la coopération commerciale, qui aurait pu, par exemple, venir en déduction du prix net. Nous sommes tenus par une obligation qui résulte non seulement de notre droit national, que l'on aurait pu éventuellement modifier, mais aussi du droit communautaire, et selon laquelle toute prestation de service doit faire l'objet d'une facture distincte.

En outre, je voudrais rappeler - cela vaut d'ailleurs pour d'autres sujets que nous évoquerons tout à l'heure - que la disposition législative sur les relations commerciales dont nous débattons concerne évidemment les relations industrielles et commerciales dans la grande distribution alimentaire, mais aussi tout le reste de l'économie. Il existe de nombreux secteurs dans lesquels la coopération commerciale constitue une aide à la vente efficace, sans donner lieu à des abus.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement considère, je le répète, que la première partie de votre amendement est satisfaite, et il émet un avis défavorable sur la seconde partie, compte tenu des dispositions très précises en matière de facturation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 155.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 87, présenté par MM. Dussaut, Raoul et Teston, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

A - Rédiger comme suit le 2° de cet article :

2° Le troisième alinéa est supprimé ;

B - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. - Le II de l'article 47 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises est abrogé.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, M. Raison, et visant à codifier la dérogation au seuil de revente à perte de 10 % dont bénéficient certains grossistes, ceux que l'on appelle les « cash and carry ».

Cette dérogation avait été introduite à l'article 47 de la loi Dutreil du 2 août 2005, dans le dessein de favoriser le commerce de proximité, ou du moins de répondre à certaines des difficultés qu'il rencontre. Or, que constate-t-on ? Cette disposition a complètement échoué ou a été détournée de son véritable objet par la mise en oeuvre même de la concurrence.

C'est aussi ce qui risque de se produire avec votre nouveau seuil de revente à perte, monsieur le secrétaire d'État.

Dès lors, une large majorité de grossistes - en particulier 60 % des grossistes français -, à laquelle s'est joint l'ensemble des acteurs du commerce de proximité, s'oppose au maintien de cette dérogation permettant de vendre à perte.

Ce sont les professionnels dans leur ensemble qui rejettent cette dérogation, écoutez-les pour une fois ! Il en est ainsi, pour ne citer que quelques-unes de leurs organisations, de la Confédération générale de l'alimentation en détail, de la Confédération française du commerce interentreprises, qui représente l'ensemble des 120 000 entreprises de notre pays, de la PME au grand groupe international, de l'Union nationale du commerce de gros, de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises.

Ils dénoncent une pratique de concurrence déloyale, que vous connaissez très bien, monsieur le rapporteur, de la part de certains grossistes - Metro, par exemple, pour ne pas le citer - qui pratiquent des prix d'appel sur quelques produits ciblés sans que cela entame leur marge du fait de la multiplicité de leurs produits.

Ils font observer qu'une telle pratique n'a aucune incidence en termes de gain de pouvoir d'achat sur le client final, puisqu'elle ne vise qu'à capter une partie de la clientèle des grossistes spécialisés sur certaines gammes de produits.

Nous ne sommes pas favorables à une disposition qui autorise la revente à perte avec un rabais supplémentaire de 10 %, alors que ce projet de loi abaisse déjà fortement le seuil de revente à perte, comme vous essayez de nous le démontrer depuis le début de la discussion.

De plus, une telle mesure risque aussi de mettre en péril les filières spécialisées dans un secteur donné, comme le poisson ou la boucherie, tout comme l'on risque de voir disparaître, d'ici à quelques années, des moyennes surfaces spécialisées.

Pour toutes ces raisons, nous proposons non seulement de supprimer le II de l'article 47 de la loi d'août 2005 en faveur des petites entreprises, dite « loi Dutreil », qui permet un rabais supplémentaire de 10 % en dessous du seuil de revente à perte pour les grossistes vendant, selon leurs dires, aux professionnels indépendants, mais également de codifier la disposition proposée par le 2° de l'article 1er du présent projet de loi.

Monsieur le secrétaire d'État, je ne reviendrai sur un problème auquel vous avez été confronté à l'Assemblée nationale, mais il y a eu une véritable dissonance entre le rapporteur, le Gouvernement et certains députés UMP.

M. le président. Une telle situation ne peut se produire ici.

L'amendement n° 79 rectifié bis, présenté par MM. Houel, J. Gautier et Fouché et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa du 2° de cet article, après les mots :

pour le grossiste

insérer les mots :

, à l'exclusion des libres services de gros,

La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Cet amendement a pour objet d'exclure du dispositif les distributeurs de vente à emporter au motif qu'ils ne sont pas des grossistes au sens traditionnel.

Les grossistes se différencient de la distribution généraliste par les six critères suivants, même si d'autres critères pourraient sans doute être trouvés.

Premièrement, les grossistes n'ont pas de surface de vente.

Deuxièmement, ils ne vendent qu'à des professionnels. Ce n'est pas forcément le cas de certains cash and carry qui vendent à des associations et parfois même à des particuliers.

Troisièmement, ils disposent d'une gamme de produits étendue mais spécifique à un secteur donné.

Quatrièmement, alors que dans la distribution, dans les cash and carry, les achats sont immédiatement payés et emportés, les grossistes octroient des délais de paiement de trente jours, et facilitent ainsi la trésorerie de leur clientèle des petits commerces de détail.

Cinquièmement, les grossistes assurent le plus souvent une fonction de livraison, qui est incluse dans leurs prix, jusqu'au point de vente. La livraison est assurée sans rupture de territorialité, le moindre recoin de notre pays étant desservi par des grossistes, ce qui aide le commerce de proximité en zone rurale auquel nous sommes sans doute tous attachés, mes chers collègues.

Les libres services de gros n'ont pas les mêmes charges que les grossistes, et ils peuvent restaurer leurs marges sur l'ensemble des rayons - qui concernent des secteurs très étendus, de la bureautique aux produits alimentaires - en pratiquant des stratégies de prix d'appel. Leur laisser la possibilité d'avoir recours au « SRP grossiste » engendrerait à terme l'éradication des circuits de gros spécialisés.

La disparition des grossistes ne permettrait plus d'assurer l'approvisionnement de 60 % à 70 % du commerce de proximité alimentaire et de la restauration, qu'elle soit collective ou commerciale. Pensons aux repas que préparent sur place nos cantines communales qui sont livrées par des grossistes !

Pour toutes ces raisons, il nous appartient, par cet amendement, d'être les garants de la survie de nos commerces de proximité.

Comme l'a rappelé notre collègue Daniel Raoul, les grossistes en produits alimentaires sont spécialisés par filières de produits : fruits et légumes, produits laitiers, surgelés, épicerie. Pour répondre aux attentes de leurs clients professionnels, ils ne pourront pas s'aligner sur ce seuil de revente à perte, car leur spécialisation par gamme de produits leur offre de faibles niveaux de marge, compris entre 0,8 et 1,2 %. De plus, ils ne peuvent évidemment pas diminuer leurs structures de coûts.