Avenir de la filière nucléaire française

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 119, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

M. Michel Billout. Madame la secrétaire d'État, j'ai souhaité vous interpeller sur l'avenir de la filière nucléaire civile, au regard des récents événements.

Le secteur énergétique est en pleine mutation.

Depuis maintenant de nombreuses années s'organisent le démantèlement des entreprises publiques et la libéralisation de ce secteur en parfaite cohérence avec les directives européennes.

Nous avons acquis l'expérience suffisante pour analyser les conséquences néfastes de cette politique en termes aussi bien de sécurité d'approvisionnement que d'envolée des tarifs.

L'ouverture du secteur est aujourd'hui en phase d'aboutissement, puisque la filière nucléaire, qui apparaissait comme un secteur réservé, est en passe d'être également privatisée et ouverte à la concurrence.

Si elle n'est pas assumée clairement par le Gouvernement, nous pouvons tout de même constater que tout se met en place pour atteindre cet objectif.

Alors que l'actuel Président de la République proclamait en 2004 « qu'une centrale nucléaire, ce n'est pas un central téléphonique, et qu'un gouvernement ne prendra jamais le risque de privatiser l'opérateur des centrales nucléaires », Mme la ministre Christine Lagarde annonce qu'elle est favorable au développement du parc nucléaire privé du futur groupe Suez- GDF.

Nous pouvons donc légitimement penser que le monopole français d'EDF concernant la production nucléaire risque de voler en éclats.

Il est aujourd'hui demandé à EDF de céder à prix bas son énergie nucléaire aux nouveaux opérateurs pour leur permettre de proposer des tarifs compétitifs. Il n'est donc pas exclu à terme de leur permettre directement de devenir exploitant nucléaire.

De plus, le Président de la République a annoncé sa volonté de rapprochement rapide entre Alstom, entreprise détenue à 30 % par Bouygues, et AREVA, dont le capital est actuellement détenu à 85 % par l'État et le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA. Des partenariats avec VINCI sont également étudiés par Anne Lauvergeon.

Cette démarche est cohérente. Il s'agit une nouvelle fois de brader les outils industriels publics rentables aux capitaux privés, selon les principes libéraux.

Pourtant, les enjeux particuliers au secteur de l'énergie et particulièrement du nucléaire devraient nous inciter à plus de prudence.

La crise mondiale énergétique, avec un baril de pétrole avoisinant les 100 dollars, est source de conflits géopolitiques majeurs. Il est donc nécessaire de renforcer la maîtrise publique sur ce secteur pour garantir l'indépendance énergétique française et européenne, et de consacrer les ressources nécessaires à la recherche, notamment pour progresser sur la question des déchets nucléaires.

Par ailleurs, l'exploitation de cette énergie nécessite une vision prospective, puisque les investissements se font sur le long terme, notamment pour le renouvellement du parc nucléaire, et doivent donc être dégagés des aléas des marchés boursiers.

Se posent également des questions de sécurité, puisque nous savons que le recours accru à la sous-traitance dans l'objectif de diminuer les coûts de production est potentiellement source de risques pour les installations et les personnels.

En parfaite adéquation avec les conclusions de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver, les sénateurs communistes estiment donc qu'« EDF n'est pas une entreprise comme une autre, notamment parce qu'il s'agit de l'exploitant nucléaire, ce qui justifie pleinement le fait que l'État détienne une très large majorité de son capital social. »

Parallèlement, nous estimons que cette maîtrise publique est également la meilleure manière de respecter l'exigence citoyenne de transparence sur les conditions d'exploitation de cette énergie.

La loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, ainsi que la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, adoptées récemment, semblaient pourtant prendre en compte ces impératifs.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir préciser les objectifs du Gouvernement en ce qui concerne l'avenir de la maîtrise publique de la filière nucléaire et de nous dire si vous allez maintenir ou non le monopole de l'exploitation nucléaire confié aujourd'hui à EDF ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, le secteur nucléaire est un élément incontournable de notre politique énergétique ; nous sommes d'accord sur ce point. Il contribue à la fois à notre sécurité d'approvisionnement, à la compétitivité de nos entreprises et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit également d'un secteur industriel clef pour l'avenir de notre pays, qui détient deux leaders mondiaux, EDF et AREVA, et qui peut s'appuyer sur une recherche de premier plan, que l'on oublie trop souvent, avec le Commissariat à l'énergie atomique.

La raréfaction des ressources énergétiques, la prévention de l'effet de serre et les tensions sur le prix des énergies fossiles qu'elle entretient soulignent l'intérêt de conforter le développement de la filière nucléaire en France et à l'international. 

Présent sur l'ensemble du cycle du combustible nucléaire ainsi que sur la fabrication et la maintenance des réacteurs, le groupe AREVA sera dans ce cadre conduit à réaliser des investissements très significatifs dans les années à venir, que ce soit pour la construction de nouvelles usines, la rénovation d'installations actuelles ou le développement de son activité minière. Je précise bien que je parle ici du groupe AREVA et non de la filière dans son ensemble, qui, elle, regroupe des entités différentes.

C'est donc dans cette optique que le Gouvernement a engagé une réflexion sur l'évolution du capital d'AREVA, qui prend, bien sûr, en compte les intérêts de la France, que ce soit en matière de sûreté nucléaire ou de gestion d'activités sensibles. Il est indispensable d'examiner avec attention l'ensemble des scénarios et de ne négliger aucune piste afin que la France puisse conforter et développer son industrie dans le respect des règles internationales pour éviter la prolifération, dans le respect des grands principes développés par la récente loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, et la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Madame la secrétaire d'État, j'ai bien entendu votre réponse à propos des réflexions en cours sur une ouverture du capital d'AREVA.

Vous n'avez pas répondu à mon interrogation sur le groupe Suez-Gaz de France, qui pourrait constituer demain le principal concurrent d'EDF sur notre territoire, en sachant que Suez est déjà un opérateur nucléaire via sa filiale en Belgique.

Vous n'avez pas non plus répondu à la question de savoir si le Gouvernement souhaite maintenir comme opérateur unique sous maîtrise publique de l'énergie nucléaire la société EDF.

inquiétudes sur le nouvel accord franco-roumain relatif au retour vers la roumanie des mineurs isolés

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question n° 102, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur les écueils importants que comporte le nouvel accord franco-roumain relatif à une protection des mineurs roumains isolés et à leur retour dans leur pays d'origine, signé en février 2007, et qui doit prochainement faire l'objet d'une ratification par le Parlement.

Déjà, la mise en oeuvre du premier accord de 2002 a mis gravement en danger certains jeunes rentrés en Roumanie dans le cadre de ce dispositif, en raison notamment du manque de préparation et de suivi social. C'est, en tout état de cause, le constat réalisé par l'association Hors la Rue, qui effectue, depuis 2002, un travail de repérage des mineurs isolés roumains dans les rues de la région parisienne, un travail d'accueil et d'accès au droit commun.

Cette association a ainsi observé que la majorité des mineurs rapatriés en Roumanie n'avaient bénéficié d'aucun suivi après leur retour, que certains d'entre eux étaient repartis à l'étranger dans des conditions dramatiques - prostitution et maltraitance - et, enfin, qu'aucune évaluation n'avait été réalisée sur la situation de ces jeunes après leur retour, et ce malgré les bilans d'étape prévus par l'accord.

Or, loin de corriger les défauts inacceptables de l'accord de 2002, celui de 2007 risque même d'aggraver la situation actuelle en ouvrant la voie au retour systématique des mineurs roumains sans aucune garantie d'amélioration de la prise en charge de ces derniers en Roumanie, puisqu'il prévoit la suppression des enquêtes préalables au retour des mineurs dans leur pays ainsi que de l'audience chez le juge des enfants.

L'expérience montre qu'un retour mal préparé est voué à l'échec. Si le jeune Roumain retrouve dans son pays les mêmes conditions que celles qui ont été à l'origine de son départ, il revient souvent très rapidement de son plein gré ou sous la pression de ses proches vers la France ou un autre pays européen. Aussi est-il nécessaire d'évaluer chaque situation, afin de déterminer avec précision si un retour est envisageable dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Si tel n'est pas le cas, l'installation en France s'impose.

En revanche, si un retour est envisageable, il convient de prévoir l'organisation d'un entretien avec le jeune, la prise de contact avec sa famille dans son pays, une évaluation sociale dans son pays, la préparation d'une reprise de la scolarité ou une formation, l'adhésion du jeune au projet, bien évidemment, une validation du projet par le juge des enfants et un suivi post-retour par des services sociaux ou une ONG, une organisation non gouvernementale.

Monsieur le secrétaire d'État, avez-vous fixé une date pour ratifier ce nouvel accord et le Gouvernement envisage-t-il auparavant de dresser un bilan qualitatif approfondi du premier accord de 2002 portant notamment sur la situation des mineurs retournés dans leur pays ? C'est, me semble-t-il, le seul moyen de jeter les bases d'un dispositif juste et efficace garantissant la sécurité et le bien-être de ces enfants.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame Assassi, vous posez une question concrète. En dehors de mes fonctions ministérielles, j'ai eu à traiter ce dossier, qui me tient à coeur, dans ma ville jumelée avec une ville roumaine.

En outre, en 2002, j'avais assisté, avec le Premier ministre de l'époque, M. Jospin, à une réunion au cours de laquelle ces questions avaient été évoquées avec les représentants du monde associatif français et roumain.

Cinq ans après, les problèmes que vous posez sont bien réels.

Un bilan général concernant l'amélioration des procédures a bien été réalisé dans le cadre du groupe de liaison opérationnel, même s'il n'a pas porté sur une analyse des situations au cas par cas, que vous souhaitez à juste titre, madame la sénatrice. Concernant cette analyse, une demande a été faite par l'assistante technique mise à disposition par la France auprès de l'Autorité nationale roumaine pour la protection des droits de l'enfant, au début de l'année 2007, pour faire une évaluation de la situation des mineurs rapatriés en Roumanie en 2006. Cette demande a été dernièrement réitérée par lettre de l'ambassadeur de France en Roumanie.

En France, le travail de repérage et de contact avec ces mineurs est essentiellement assuré par les services de police et, dans les grandes métropoles, par des associations, dont celle que vous avez citée. Leur prise en charge par le dispositif de protection de l'enfance relève ensuite très majoritairement des services départementaux sur décision judiciaire. Ces services ont donc aussi connaissance de ces mineurs et de leur situation.

Le rapport de la mission sur les conditions d'accueil des mineurs isolés en France réalisé en 2005 par l'Inspection générale des affaires sociales suggère plusieurs pistes d'amélioration, en incitant à ne pas opérer de dichotomie entre les mineurs qui recherchent une intégration et ceux qui la fuient, le droit à être protégés leur étant commun.

En Roumanie, les autorités nationales soulignent que le travail accompli par le groupe de liaison opérationnel a eu une influence favorable sur les politiques mises en oeuvre dans le pays : plan d'action contre les trafics d'enfants et en faveur des victimes, programme de prévention des départs, création d'un réseau de onze centres d'accueil, dont le centre d'accueil Gavroche à Bucarest. Les autorités roumaines revendiquent la reconnaissance de leur responsabilité et de leur capacité à assurer la protection de leurs mineurs. Depuis une quinzaine d'années, j'ai pu m'en rendre compte par moi-même, les choses ont bien évolué. Un arrêté gouvernemental instaure notamment une obligation pour les services départementaux de diligenter une enquête sociale en urgence et de faire le suivi de la situation des enfants rapatriés pendant au moins six mois après leur retour.

La France continue d'apporter un soutien important dans ce domaine à la Roumanie dans le cadre d'une coopération bilatérale. Des actions de prévention et d'accompagnement du retour des mineurs, par exemple, sont, à ce titre, soutenues par le ministère des affaires étrangères.

Pour ces mineurs isolés, la recherche de l'amélioration de leur protection et de la coopération judiciaire dans la lutte contre les trafics peut également se poursuivre avec la Roumanie dans le cadre de l'accord bilatéral.

Cet accord, signé le 1er février 2007 à Bucarest, a pour objectif de permettre la poursuite du travail entrepris dans le cadre de l'accord de 2002, entré en vigueur au début de 2003, et qui avait été signé pour une durée de trois ans. Ce travail a pu être réalisé grâce au groupe de liaison opérationnel, structure réunissant des professionnels de terrain de toutes les institutions concernées en France et en Roumanie.

Le texte de l'accord est parfaitement conforme à la législation française, elle-même conforme aux conventions internationales. L'article 375 du code civil définit la notion de mineur en danger et dispose que des mesures judiciaires d'assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice pour sa protection. L'article 375-1 attribue au juge des enfants la compétence en la matière, mais l'article 375-5 dispose que, en cas d'urgence, le procureur de la République a les mêmes pouvoirs que le juge des enfants à charge de saisir celui-ci dans les huit jours.

C'est pour couvrir ces cas d'urgence que le texte de l'accord a été modifié, afin d'inclure le cas où le procureur, dès qu'il est saisi, lance la procédure d'évaluation de la situation du mineur en Roumanie en lien direct avec les autorités de ce pays, et peut éventuellement lever la mesure en vue du rapatriement.

Il convient, par ailleurs, de souligner que les autorités roumaines sont très demandeuses du rapatriement des mineurs en Roumanie, au motif notamment que le système de protection des droits de l'enfant roumain permet aujourd'hui d'assurer la protection des enfants victimes et d'effectuer un travail de prévention. Elles reconnaissent que les délais accordés pour conduire les enquêtes sociales étaient trop longs. Elles ont prouvé depuis lors qu'elles pouvaient, si nécessaire, répondre plus vite.

Il importe que, conformément à la loi, la protection judiciaire du mineur en danger soit assurée. La loi française interdit l'expulsion et la reconduite à la frontière des mineurs, et l'accord ne revient pas sur ces interdictions. Il appartiendra toujours à l'autorité judiciaire, qui doit être saisie de toute situation de mineur étranger isolé, d'évaluer la mesure à mettre en oeuvre dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Enfin, en ce qui concerne la mise en oeuvre concrète du texte de 2007, la prochaine visite officielle du Président de la République en Roumanie sera mise à profit pour souligner auprès de la partie roumaine l'attachement de tous les acteurs français au renforcement de la concertation entre les autorités roumaines et françaises, pour agir le plus efficacement possible dans l'intérêt des enfants. Ce sera aussi l'occasion de voir si se posent encore des problèmes d'application concrète des textes et si des dysfonctionnements subsistent. En concertation avec les élus et avec les associations, nous allons bien préparer cette visite de manière à dissiper les éventuelles incompréhensions et à résoudre les difficultés concrètes qui peuvent encore exister dans la pratique.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le secrétaire d'État, je relirai avec attention votre réponse.

Cela dit, je suis satisfaite de constater que cette question vous préoccupe, car nous sommes face à des mineurs en grand danger. En la matière, il convient que le Gouvernement prenne ses responsabilités parce que notre pays a le devoir, comme il s'y est engagé en signant la Convention internationale des droits de l'enfant, de protéger tous les mineurs présents sur son sol, quels qu'ils soient et d'où qu'ils viennent. Il ne faudrait pas que l'accord de 2007 conduise la France à abandonner son devoir de protection.

Par ailleurs, l'association Hors la Rue a le projet de réaliser elle-même une étude sur le devenir des jeunes après leur retour en Roumanie. Le Gouvernement serait bien inspiré d'attendre la publication des résultats de cette étude avant de proposer au Parlement de ratifier l'accord de février 2007 et, surtout, de tenir compte de la teneur de cette enquête, qui, j'en suis certaine, ne manquera pas d'intérêt.

gratuité de la scolarité à l'étranger

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, auteur de la question n° 110, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Robert del Picchia. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions sur la prise en charge par l'État de la scolarité des élèves français des lycées français à l'étranger. Cette mesure a été décidée par le Président de la République, ce dont se réjouissent les familles françaises expatriées, leurs représentants élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, l'AFE, et la plupart des sénateurs des Français établis hors de France.

Cette mesure, différente des bourses scolaires dans la mesure où elle n'est pas fondée sur le critère des revenus, a donc été officiellement mise en place dès cette année pour les élèves des classes de terminale, comme l'avait annoncé le Président de la République. Elle sera étendue aux élèves de première à la rentrée de 2008 et à ceux de seconde à la rentrée de 2009.

Toutefois, dans le formulaire de demande de prise en charge, les familles doivent indiquer le montant de leurs revenus, alors qu'il n'est pas supposé y avoir de plafond de ressources pour pouvoir bénéficier de la mesure.

Par ailleurs, une case du formulaire est réservée à l'avis de l'établissement et du consulat. Les familles sont inquiètes et se demandent si cet avis porte sur le bien-fondé de leur demande. Je tiens à souligner le manque d'information des parents d'élèves dans de nombreux pays.

Bref, plusieurs points sont équivoques, et j'en ai fait part à la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, qui a, très justement, apporté les rectifications nécessaires dans un courrier qu'elle m'a adressé le 26 octobre dernier, et que j'ai relayé auprès des élus de l'AFE. Mais je dois reconnaître aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État, que cela ne semble pas suffire.

Sur le terrain, la mise en oeuvre de cette mesure pose toujours de graves problèmes : non seulement on utilise encore le formulaire erroné, mais on paraît freiner les demandes. Je connais plusieurs exemples de dysfonctionnement ; je citerai le cas d'un lycée se situant dans un pays frontalier, sans nommer la ville, le même problème se posant d'ailleurs dans une autre ville de ce pays ou encore ailleurs, en Amérique latine ou en Afrique, par exemple.

Dans ce lycée, sur les 34 élèves français inscrits en terminale, 4  sont boursiers, 7 seulement ont fait une demande de prise en charge, comme le propose l'État, mais 23 ont renoncé à remplir le dossier, tout simplement parce qu'on leur a laissé entendre que les revenus trop élevés de leurs parents ne leur permettraient pas d'obtenir satisfaction. Or cette information est fausse ou mal intentionnée, car les revenus n'interviennent pas dans l'obtention de cette prise en charge.

Cette méthode, qui est malheureusement commune, je le répète, à plusieurs lycées, est inacceptable. Elle désoriente les parents d'élèves, qui ne comprennent plus cette façon d'être traités, et elle trahit l'engagement non seulement du Président de la République, mais également du Sénat, qui a voté un crédit de 20 millions d'euros spécialement pour cette mesure. On donne ainsi l'impression - j'espère me tromper ! - de ne pas vouloir dépenser la somme prévue, pour l'utiliser ailleurs, ce qui d'ailleurs serait un détournement de l'affectation de ces fonds.

À la fin de l'année dernière, seules 600 demandes environ sur près de 4 000 demandes potentielles avaient été déposées, ce qui prouve un dysfonctionnement.

Monsieur le secrétaire d'État, vous le constatez, il est très urgent que l'AEFE donne des directives claires et précises aux établissements du réseau indiquant notamment que les revenus ne sont pas pris en compte et que les avis du lycée et du consulat sont purement administratifs. Les proviseurs et les consuls n'ont pas à juger du bien-fondé de cette mesure. Il est donc impératif que les prochaines instructions spécifiques soient revues à l'aune des problèmes constatés et respectent réellement l'engagement du Président de la République et du Sénat, ce qui n'est pas le cas actuellement, et nous le regrettons.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le sénateur, nous avons souvent eu l'occasion de parler de ce sujet que vous connaissez bien. Aujourd'hui, je n'aborderai que les points qui vous tiennent à coeur, mais je tiens à votre disposition une réponse complète qui reprend la genèse de ce dossier et qui fait, en particulier, état des difficultés que ce dernier a suscitées.

En tout cas, j'en prends devant vous l'engagement, des instructions seront à nouveau données aux postes diplomatiques et consulaires, afin que la mesure soit bien comprise, qu'il ne subsiste aucune ambiguïté, notamment sur la rédaction du nouveau formulaire.

Je l'ai compris en vous écoutant, l'effort que nous avons fait avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger n'a pas suffi. Nous allons donc le poursuivre pour obtenir ce que vous attendez de nous, à savoir que les choses soient claires pour nos compatriotes.

Permettez-moi de faire en outre quelques rappels.

Un travail important a été accompli, concernant notamment la mise en place de la prise en charge par la collectivité nationale des frais de scolarité des élèves de terminale à compter de la rentrée 2007, première étape concrète de l'engagement qui avait été pris par le Président de la République.

L'instruction spécifique qui a été élaborée en vue de l'application de cette mesure sur l'année scolaire 2007-2008 fixe la procédure et fait état des pièces à produire pour présenter une demande de prise en charge. Elle a été conçue pour alléger et simplifier autant que possible les dossiers à remplir, ainsi que les modalités de mise en oeuvre de la réforme, c'est-à-dire les formulaires et brochures d'information à destination des familles.

Ces documents ont fait l'objet d'un examen détaillé lors de la réunion de la Commission nationale des bourses scolaires qui s'est tenue à Paris les 12 et 13 décembre 2007. Ce sont là des points qui, je le sais, vous intéressent, monsieur le sénateur, même si votre question ne les abordait pas précisément.

Les membres de cette commission sont convenus à l'unanimité que le remplissage du formulaire ne présentait aucune difficulté. Toutefois, ils ont insisté sur la nécessité d'assurer une confidentialité absolue des revenus déclarés par les familles. Entendons-nous bien, les revenus ont une importance pour l'attribution des bourses, mais non pour la prise en charge par l'État des frais de scolarité. (M. Robert del Picchia fait un signe d'assentiment.) Nous sommes bien d'accord.

À cette occasion, ils se sont interrogés sur le bien-fondé de la présentation des dossiers devant les commissions locales des bourses scolaires, au sein desquelles le principe de confidentialité n'est pas toujours strictement respecté. Je tenais à le dire, car cela vous intéresse aussi.

S'agissant de l'instruction des dossiers au titre de l'année en cours, l'AEFE a rappelé aux postes diplomatiques et consulaires qu'aucune pièce justificative ne devait être exigée des familles et qu'aucun plafond n'avait été fixé en fonction des revenus déclarés de celles-ci ou du montant des frais de scolarité.

Au vu de l'exécution de la mesure en fin de premier exercice, il sera donc tenu compte de toute difficulté éventuellement recensée. C'était le sens de mon propos et je souhaite que des instructions soient à nouveau données aux postes diplomatiques et consulaires, afin de lever toute ambiguïté.

Les orientations générales du Gouvernement s'inscrivent bien dans l'engagement du Président de la République sur les trois volets suivants : prise en charge par la collectivité nationale des frais de scolarité des élèves français à l'étranger uniquement pour les trois classes du second cycle, extension des bourses pour les élèves des collèges et écoles primaires, extension du réseau de l'enseignement français à l'étranger.

Sur ces différents aspects, monsieur le sénateur, je vous renvoie, si vous le voulez bien, à la version écrite de ma réponse.

Ce que je vous demande de retenir avant tout, c'est qu'un travail important a été réalisé pour mettre en oeuvre les engagements pris et que des rappels seront faits quant à la gratuité des frais de scolarité des élèves français. C'est bien ce que vous vouliez m'entendre dire aujourd'hui en réponse à votre question.

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Vous avez parfaitement compris le sens de ma question, monsieur le secrétaire d'État, et je vous remercie de la réponse que vous y avez apportée.

Je tenais seulement à ce que, dans les lycées et les consulats, il soit rappelé aux fonctionnaires d'appliquer cette mesure sans tergiverser et sans laisser entendre quoi que ce soit aux parents d'élèves quant au niveau de leurs revenus.

Vous m'avez bien précisé, et la Commission nationale des bourses scolaires l'a confirmé, qu'il ne devait y avoir aucun critère de revenus, ces derniers n'entrant absolument pas en ligne de compte pour la prise en charge par l'État de la scolarité. Je prends acte de cette assurance.

Monsieur le secrétaire d'État, il sera peut-être également nécessaire de rappeler aux lycées français à l'étranger que les parents d'élèves n'ont pas à faire l'avance des frais de scolarité. On leur demande en effet de payer en leur disant que l'État les remboursera ensuite. Les parents d'élèves n'ont pas à faire crédit à l'État ! Je veux bien comprendre que la mesure ait été appliquée dans une certaine confusion au premier trimestre, mais, à l'avenir, il sera nécessaire de s'en tenir à cette ligne de conduite.