M. Christian Cointat. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous abordons là un point extrêmement important pour les Français de l’étranger. Dès lors, vous comprendrez que j’essaie de vous expliquer les choses avec une certaine solennité.

En effet, il y a eu les lois de décentralisation, suivies d’une modification constitutionnelle. Afin que les Français établis hors de France ne soient pas laissés sur le bord du chemin, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a accepté l’amendement que j’avais déposé à l’article 39, tendant à ce que les instances représentatives des Français de l’étranger soient mentionnées dans la Constitution et relèvent du domaine de la loi dans le cadre de la priorité d’examen qui était conférée au Sénat. Nous en reparlerons le moment venu.

L’Assemblée nationale, défavorable à l’examen prioritaire du Sénat, compte tenu de la création de sièges de députés représentant les Français établis hors de France, a supprimé de cet article 39 la référence aux Français établis hors de France.

Nous aurons certes l’occasion de reparler de l’opportunité de ce choix, mais je voudrais dès à présent souligner que, alors que seule la priorité du Sénat était en cause, le vote de l’Assemblée nationale a abouti à faire disparaître de la Constitution toute référence aux Français établis hors de France et à la couverture de leurs instances représentatives par le domaine de la loi. Or il s’agit là, vous le comprendrez, d’un élément essentiel à nos yeux, tant il est vrai que cette suppression nous renvoie dans la nuit, dans une nuit où nous serons seuls puisque la décentralisation a déjà produit ses effets !

Dès lors, le sous-amendement n° 504 vise à mentionner les instances représentatives des Français établis hors de France dans l’article 34 – elles y ont d’ailleurs plus leur place que dans l’article 39 –, afin qu’elles relèvent du domaine de la loi.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite très fortement, avec toute ma conviction, à voter ce sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour présenter l’amendement n° 151 rectifié quinquies.

M. Adrien Gouteyron. M. Hyest ayant en quelque sorte annoncé mon intervention, je rappellerai tout simplement que cet amendement résulte d’une initiative du président de l’Observatoire de la décentralisation à laquelle se sont associés un nombre significatif de collègues, membres ou non membres de cet Observatoire, cette initiative leur ayant paru particulièrement intéressante.

Notre collègue Jean Puech a fait observer qu’il était utile – personne au Sénat ne le contestera – que mention soit faite des élus locaux dans la Constitution.

Le mot « statut », utilisé par M. Hyest, n’apparaît pas dans mon amendement, mais c’est en réalité bien de cela qu’il s’agit. En effet, c’est une véritable reconnaissance qui est ici demandée.

Les auteurs de cet amendement avaient envisagé dans un premier temps d’insérer ce texte sous forme d’article additionnel après l’article 30 ; nous nous sommes finalement rangés à l’avis de M. Hyest Je note d’ailleurs que cet amendement sera satisfait en cas d’adoption de l’amendement n° 503 rectifié de la commission.

M. le président. Le sous-amendement n° 155 rectifié bis, présenté par MM. Cointat et Duvernois et Mmes Kammermann et Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 151 rectifié quinquies par les mots :

et des instances représentatives des Français établis hors de France

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Ce sous-amendement, qui concerne le mandat des élus des instances représentatives des Français établis hors de France, avait d’abord été déposé à un autre endroit du texte ; mais il a suivi le déplacement de l’amendement n° 151 rectifié quinquies.

À partir du moment où l’on réunit l’ensemble de la problématique dans un seul texte, la rédaction obtenue est un peu lourde. Toutefois, cette mention correspond à une revendication de longue date émanant des élus des Français de l’étranger, des conseillers membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, en vue d’obtenir un statut d’élu local. En effet, il s’agit d’élus au suffrage universel comme les autres, et l’adoption de ce sous-amendement permettrait effectivement d’aller dans ce sens.

Mais, madame le garde des sceaux, ne voulant pas abuser, je m’en remettrai à votre sagesse sur ce point, pour autant, bien entendu, que vous me donniez satisfaction sur le reste. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 43 rectifié bis, présenté par M. Cointat, Mmes Kammermann et Garriaud-Maylam et M. Ferrand, est ainsi libellé :

Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

° Après le huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - l'organisation des instances représentatives des Français établis hors de France ; » ;

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Lorsque l’on représente une population importante qui n’a pas de territoire, il convient d’être extrêmement prudent. C’est la raison pour laquelle j’ai pris un parachute ventral ! (Sourires.)

Il est clair que, si le sous-amendement n° 504 est adopté, cet amendement n’aura plus d’objet.

M. le président. L'amendement n° 453, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

 ...° Après le quatorzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 « - de l'organisation des instances représentatives des Français établis hors de France ; »

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement est quasiment identique à celui qu’a présenté notre collègue Christian Cointat. La différence entre les deux tient à leur emplacement respectif dans le texte.

Finalement, ce que nous souhaitons et qui nous semble correspondre à ce que nous défendons tous, c’est que l’Assemblée des Français de l’étranger soit considérée, ainsi que cela figure dans le quatorzième alinéa, comme une collectivité territoriale. Le problème est qu’elle n’a pas de territoire ; il s’agit donc d’une collectivité extraterritoriale, selon l’expression que nous employons souvent.

Dans ces conditions, mieux vaut, à notre avis, placer les dispositions souhaitées par Christian Cointat après le quatorzième alinéa de manière à bien préciser que nous voulons faire de l’Assemblée des Français de l’étranger une collectivité d’ « outre-frontière », selon la formule qu’emploie souvent Christian Cointat lorsque nous discutons de ces questions.

M. le président. L'amendement n° 454, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le 3° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France ; »

La parole est à M. Richard Yung

M. Richard Yung. Cet amendement a trait au régime électoral des instances représentatives. Il vise à faire relever du domaine de la loi la fixation des règles concernant le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France. Il s’agit de tirer les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a considéré que le régime électoral du Conseil supérieur des Français de l’étranger, devenu en 2004 l’Assemblée des Français de l’étranger, relevait du domaine de la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission est bien entendu favorable à l’amendement n° 151 rectifié quinquies, identique à son amendement n° 503 rectifié.

Elle émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 155 rectifié bis, défendu par M. Cointat, et souhaite le retrait des autres amendements, qui seront d’ailleurs satisfaits.

Bien sûr, nous pourrions discuter indéfiniment de l’emplacement le plus adéquat, mais il faut synthétiser quelque peu les choses !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, vous souhaitez, à travers l’amendement n° 503 rectifié, que la loi fixe les règles relatives aux conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres élus des collectivités territoriales.

Cette question relève très largement de la loi. Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de reconnaître que le libre exercice de leur mandat par les élus locaux revêtait le caractère d’une liberté fondamentale. Par conséquent, les dispositions les plus importantes, celles qui ont une incidence sur le libre exercice du mandat électoral par un élu local, sont de la compétence du législateur. Elles se rattachent aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques et aux principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales.

Toutefois, le Gouvernement est sensible à la position prise par la commission des lois. De ce point de vue, la disposition qu’il est proposé d’insérer à l’article 34 montrerait plus clairement que cette question est du niveau législatif. Elle serait aussi de nature à affirmer l’importance accordée au statut des élus locaux qui s’engagent sur le terrain avec beaucoup de dévouement, au service de leurs concitoyens.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela fait plaisir à entendre !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Monsieur Cointat, le sous-amendement n° 504 vise à inclure dans le domaine de la loi le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France. Comme vous l’avez indiqué, l’article 39 de la Constitution, à la suite d’une initiative de votre part, mentionne, depuis la révision de 2003, l’existence de lois relatives aux instances représentatives des Français établis hors de France.

Le sous-amendement que vous proposez ici permettra d’asseoir plus solidement la compétence du législateur en ce qui concerne ces instances représentatives des Français établis hors de France. Cette compétence est d’ailleurs d’autant plus légitime que les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par un collège formé par des membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 503 rectifié et sur le sous-amendement n° 504. Si le Sénat les adopte, les autres amendements et sous-amendements seront donc satisfaits.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 504.

M. Bernard Frimat. Mme Cerisier-ben Guiga et M. Yung se sont exprimés, mais ces sujets ne sont pas le monopole des Français de l’étranger.

Je tiens à remercier M. le rapporteur d’avoir réussi à mettre de l’ordre dans l’imagination foisonnante de notre collègue Christian Cointat et à simplifier la discussion, car, avec les différents amendements déposés sur le même sujet par notre collègue, il devenait difficile de savoir ce que l’on votait !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 504.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix, l’amendement n° 503 rectifié, modifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 151 rectifié quinquies, le sous-amendement n° 155 rectifié bis et les amendements nos  43 rectifié bis, 453 et 454 n’ont plus d’objet.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 42 rectifié bis est présenté par M. Cointat, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. Ferrand.

L'amendement n° 452 est présenté par Mme Cerisier-ben Guiga et M. Yung.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après le 3° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - le régime législatif et l'organisation particulière des Français établis hors de France ; » ;

La parole est à M. Christian Cointat, pour défendre l’amendement n° 42 rectifié bis.

M. Christian Cointat. Il n’y a ni foisonnement ni débordement ! Il se trouve que les amendements qui restaient comme parachute ventral, dirai-je,…

M. Christian Cointat. …avaient été déposés avant même que des modifications ne soient apportées à l’amendement de la commission des lois. Or, si un sous-amendement est déposé et que l’amendement auquel il se réfère tombe, le sous-amendement n’a plus d’objet. Je n’ai donc pas retiré, par précaution, les amendements précédents.

Il y avait d’ailleurs une cohérence et une volonté politique dans les amendements que j’ai présentés.

Ces amendements avaient un triple objectif.

Le premier, c’était le régime législatif et la reconnaissance d’instances représentatives. C’est fait, et j’en remercie très chaleureusement les membres de cette assemblée et, bien entendu, Mme le garde des sceaux.

Le deuxième, c’était le statut des élus locaux. Je n’ai pas eu de réponse, mais j’ai compris que la réflexion n’était pas encore assez mûre pour qu’il soit inscrit dans ce texte, et je le reconnais d’autant plus volontiers que le mot « assemblée délibérante » montre bien que l’on n’en est pas encore à ce stade. Voilà pourquoi je n’ai pas insisté. Il s’agissait simplement d’un appel,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’appel du 19 juin ! (Sourires.)

M. Christian Cointat. … et j’espère que l’on continuera à y réfléchir.

Le troisième objectif, c’est l’ensemble de l’organisation.

Ne croyez pas que les mots utilisés dans cet amendement soient anodins. J’’ai en effet repris une disposition de la Constitution qui est exactement à l’opposé de ce que sont les Français de l’étranger : alors que ces derniers sont des citoyens sans territoire, il est dit ceci dans la Constitution, à propos des terres australes antarctiques françaises, territoire sans habitants : « La loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des terres australes antarctiques françaises ». Il serait utile, nous semble-t-il, que cette disposition soit étendue aux Français établis hors de France parce qu’ils ont eux aussi une spécificité, mais que, de surcroît, ce sont des hommes et des femmes, et qu’ils méritent d’être pris en considération.

Cependant, cette disposition étant beaucoup moins importante que celle que le Sénat a précédemment adoptée, je me rangerai à l’avis de la commission et du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 452.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Notre amendement a le même objet que celui de M. Cointat.

Les Français établis hors de France sont soumis à des dispositions législatives particulières en droit civil et en droit de la nationalité. Il est donc nécessaire d’avoir un régime législatif et une organisation particulière, parce que les lois ne sont pas toujours les mêmes pour nous et pour les Français qui résident dans l’hexagone. Telle est la raison pour laquelle nous voulions faire remarquer que notre situation était un peu comparable à celle des collectivités territoriales d’outre-mer.

Cependant, comme Christian Cointat, nous estimons que l’essentiel a été acquis par le vote du premier amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces amendements posent un problème de rédaction dans la mesure où la loi fixerait le régime législatif. J’ajoute que ces textes se recoupent largement avec ce qui a été adopté tout à l’heure.

M. le président. Monsieur Cointat l’amendement n° 42 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Christian Cointat. Non, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié bis est retiré.

Madame Cerisier-ben Guiga, l'amendement n° 452 est-il maintenu ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Non, je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 452 est retiré.

L'amendement n° 59, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf, est ainsi libellé :

Après le 4° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le quinzième alinéa est complété par les mots : « et de la recherche » ;

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je le reprends, au nom de la commission des lois, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 59 rectifié.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir que la loi détermine les principes fondamentaux de la recherche comme de l’enseignement. C’est une précision pertinente étant donné l’importance de la recherche pour l’avenir de notre pays.

La commission avait émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cet amendement tend à préciser que la loi détermine les principes fondamentaux de la recherche.

Si je peux comprendre les motivations qui sous-tendent ce texte, j’indiquerai néanmoins que le Gouvernement a eu l’occasion de marquer toute l’importance qu’il accorde au secteur de la recherche. Telle est la raison pour laquelle il ne semble pas nécessaire d’en faire mention à l’article 34 de la Constitution puisque la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, qu’elle détermine les principes fondamentaux de l’enseignement., et d’autres principes.

Cela conduit déjà le législateur à intervenir très largement dans le domaine de la recherche, notamment dans le secteur de la recherche biomédicale.

Il peut également intervenir par le biais de lois de programme et bientôt de lois de programmation, comme il l’a fait avec la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche.

En outre, le législateur est nécessairement saisi de toute la dimension financière de la recherche publique par le biais des lois de finances.

Le législateur a donc déjà beaucoup d’outils à sa disposition pour déterminer les principes fondamentaux de la recherche et plus largement pour donner des orientations publiques à la recherche scientifique.

Dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 450, présenté par MM. Frimat, Repentin, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le dix-huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - du droit de toute personne à disposer d'un logement décent. » ;

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement vise à inscrire le droit au logement dans le corps même de la Constitution.

Cet amendement a été fortement inspiré par notre collègue Thierry Repentin. L’avancée qu’il prévoit devrait permettre de ne plus faire dépendre le droit à disposer d’un logement décent d’une interprétation jurisprudentielle sujette à revirement. En effet, plusieurs décisions de justice ayant à considérer l’opposabilité du droit au logement se sont contredites, et ce n’est malheureusement pas la loi du 5 mars 2007 qui va changer les choses !

Le Conseil constitutionnel, dans plusieurs de ses décisions, a reconnu que « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent » était un objectif de valeur constitutionnelle résultant à la fois des alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946 et du « principe à valeur constitutionnelle » de « sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation » qu’implique le préambule de la Constitution de 1946 dans son ensemble.

La mention de ce droit figure aussi à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et à l’article 11 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ou encore à l’article 31 de la Charte sociale européenne.

Mais la jurisprudence a souvent varié. Rappelons-nous une affaire qui a eu lieu en 2002. Un couple invoquant les dangers de leur logement avait saisi le juge administratif des référés pour qu’il impose à la mairie de Paris et au préfet de leur procurer un logement en attendant la réhabilitation du leur. Le Conseil d’État avait rejeté cette requête, et l’on en avait déduit que le droit au logement, malgré sa valeur constitutionnelle, constituait un simple objectif à atteindre pour les pouvoirs publics et non pas un droit « invocable » par les particuliers.

Il aura donc fallu attendre le 5 mars 2007, et le mouvement médiatique des Enfants de Don Quichotte, pour que vous consentiez à rendre ce droit « opposable ». Désormais, le code de la construction et de l’habitation prévoit en effet ceci : « Le droit à un logement décent et indépendant, [...] est garanti par l’État à toute personne qui [...] n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. »

Aujourd’hui, nous vous proposons tout simplement de reprendre à votre compte la réalité jurisprudentielle selon laquelle le préambule de la Constitution a valeur de droit positif.

Pourriez-vous refuser d’inscrire le droit au logement dans l’article 34 au motif qu’il serait incongru de citer un droit fondamental qui découle déjà de l’interprétation du bloc de constitutionnalité ?

Si vous êtes cohérents, vous répondrez « non ». En effet, votre majorité l’a fait en 2004, à l’occasion de la révision constitutionnelle visant à adopter la charte de l’environnement. À ce moment-là, le Parlement avait élargi le domaine de la loi à la préservation de l’environnement, en ajoutant un alinéa là où nous vous proposons aujourd’hui d’ajouter la mention explicite du droit au logement.

Dès lors, il n’apparaît pas qu’inscrire le droit au logement dans la Constitution serait contraire à l’esprit de nos institutions. Tel est le fondement de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement, malgré l’argumentation avancée par Mme Khiari, me paraît réducteur.

Les règles relatives au droit au logement relèvent déjà du domaine de la loi. Je vous renvoie à cet égard à la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.

En outre, le droit au logement comporte d’autres aspects que le droit à un logement décent reconnu par la jurisprudence constitutionnelle.

L’amendement n’apporte donc pas de précision utile par rapport au préambule de 1946. Il apparaît même en retrait par rapport à l’étendue des aspects du droit au logement définis par la loi, et c’est donc justement pour rendre service au droit au logement que la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 34 de la Constitution est un article certes essentiel mais qui se borne à énoncer les matières législatives.

Le droit au logement est évidemment de nature législative, mais ce n’est pas à l’article 34 qu’il faut faire figurer le droit de toute personne à disposer d’un logement décent. C’est un objectif, mais ce n’est pas une matière.

Comme vous le dites vous-même, madame Khiari, le Conseil constitutionnel a déjà déduit du préambule de 1946 que la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent était un objectif de valeur constitutionnelle. Cela ne relève donc pas de la Constitution, notamment de l’article 34.

Si vous estimez qu’une reconnaissance plus explicite est nécessaire, on peut attendre les conclusions du comité Veil qui doit se prononcer sur les principes devant figurer dans le préambule.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. J’ai bien entendu les explications de M. le rapporteur et de Mme le garde des sceaux, mais laissez-moi tout de même vous démontrer qu’un tel amendement peut être utile.

La jurisprudence n’a pas toujours été constante. Pour guider le juge, le législateur est en droit de vouloir faire plus et mieux qu’une loi ordinaire.

La loi instituant le droit au logement opposable commence d’ailleurs à montrer ses effets pervers. En d’autres termes, il y aura certainement des juges pour vous montrer par leurs décisions que nous avons créé non pas un droit au logement opposable mais un droit à l’accès à une procédure. Et cette décision n’est qu’un avant-goût du contentieux à venir sur le droit au logement décent et indépendant.

Pas plus tard que le 5 juin, c’est sur le fondement de la charte sociale que j’ai citée tout à l’heure que le Conseil de l’Europe a rendu deux décisions dénonçant « l’insuffisance manifeste » de l’offre de logements sociaux accessibles aux personnes les plus pauvres dans notre pays. C’est la première fois que de tels constats de violation de la charte des droits sociaux en matière de logement sont établis par le comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe.

Ce jour-là, Mme Boutin a répondu à la presse en estimant que les observations du Conseil de l’Europe avaient été formulées sur la situation prévalant avant le 5 mars 2007.

Dès lors, si vous souhaitez, comme elle, consacrer avec force les engagements de l’État, si vous souhaitez, comme nous, qu’il y ait réellement un avant et un après 5 mars 2007, bref, si vous croyez au droit au logement opposable, je vous appelle à voter cet amendement n° 450.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. J’ai été quelque peu surpris de la dialectique de M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Moi aussi, je suis parfois surpris de la vôtre, monsieur Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur. Surprise pour surprise, monsieur le rapporteur, vous nous avez expliqué que la démonstration de Mme Khiari était excellente mais qu’il était tout à fait pertinent, en vue de mieux garantir le droit au logement, de ne pas inscrire cette disposition dans la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, je n’ai pas dit cela !

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 34 de la Constitution fait référence à un certain nombre de domaines. Ainsi, il prévoit :

« La loi détermine les principes fondamentaux :

« – de l’enseignement ;

« – de la préservation de l’environnement ; […]