M. le président. Le sous-amendement n° 338, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa de l'amendement n° 118 :

« Ce droit s'exerce en commission ou en séance dans les conditions fixées par le règlement de chaque assemblée. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement rédactionnel vise à définir les conditions dans lesquelles s’exerce le droit d’amendement non seulement des parlementaires, mais encore du Gouvernement, ce dernier cas ayant sans doute été omis…

Le droit d’amendement appartenant concurremment au Parlement et au Gouvernement, il faut que nous puissions nous prononcer sur les conditions d’exercice de ce droit par ce dernier. Le renvoi à une loi organique aurait probablement affaibli ce droit fondamental des parlementaires ; c’est pourquoi il convient sans doute de saluer la suppression de cette mention proposée par la commission. Néanmoins, son amendement reste muet, me semble-t-il, sur les conditions d’exercice par le Gouvernement de son droit d’amendement.

Si le règlement de chaque assemblée doit déterminer la manière dont ses membres exercent leur droit d’amendement, il doit aussi définir les règles applicables au Gouvernement. Aussi, par ce sous-amendement, je vous propose une formulation qui, par son caractère général, n’exonérera ni le Parlement ni le Gouvernement du respect des règles relatives au dépôt d’amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 514, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du second alinéa de l'amendement n° 18 par les mots :

, dans le respect des prérogatives des groupes parlementaires

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sous-amendement vise à valoriser les groupes parlementaires. Tout le monde s’accordera sur cet objectif.

M. le président. Le sous-amendement n° 508, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de l'amendement n° 118, par les mots :

et du Gouvernement

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sous-amendement vise à préciser que les règlements des assemblées définissent les conditions d’exercice du droit d’amendement non seulement du Parlement, mais aussi du Gouvernement.

L’amendement n° 118 de la commission ne nous satisfait pas. M. le rapporteur s’interroge sur la notion de limite au droit d’amendement, mais il ne va pas jusqu’à supprimer les moyens d’imposer ces limites. Par exemple, il confirme le choix d’un débat en commission plutôt que celui d’un débat en séance publique. Pour notre part, tenant le droit d’amendement pour un droit fondamental, nous ne comprendrions pas que les amendements du Gouvernement soient exclus du champ du dispositif que propose la commission des lois.

M. le président. L'amendement n° 378 rectifié, présenté par MM. Lambert et Marini, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le dernier alinéa du même article est complété par les mots : « et par la commission saisie au fond ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 474, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi ou une proposition de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l'adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Il est souvent reproché aux parlementaires d’abuser de leur droit d’amendement. Toutefois, la vérité oblige à dire que le Gouvernement n’est pas exempt, lui non plus, de toute critique à cet égard. Ainsi, il n’est pas rare que, toujours pour d’excellentes raisons, des amendements gouvernementaux soient déposés au dernier moment lors de l’examen d’un texte. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement, parce qu’il tient impérativement à faire adopter telle ou telle mesure, engage parfois des négociations avec les parlementaires pour les dissuader de saisir le Conseil constitutionnel. La plupart du temps, cette requête à au moins le mérite de réparer une éventuelle distraction des parlementaires et d’attirer leur attention sur l’opportunité de faire un recours. (Sourires.)

Notre amendement vise simplement, par souci d’égalité, à proscrire les cavaliers gouvernementaux tout comme sont interdits les cavaliers parlementaires. Certes, étant sans doute de meilleure facture, ils susciteraient l’admiration de tous dans un concours de saut d’épreuve, mais tel n’est pas leur objet. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Au préalable, je tiens à apporter une précision. Je parle un peu l’anglais, un peu l’allemand, mais pas suffisamment l’italien ! (Sourires.) Aussi, tout à l’heure, quand j’ai évoqué la procédure des leggine en vigueur au Parlement italien, il fallait bien entendre « lég-gi-né », et non « légine », qui est un poisson que l’on trouve au large des îles Kerguelen. Je tiens cette information de M. Cointat, qui préside le groupe d’études du Sénat sur l’Arctique, l’Antarctique et les Terres australes. (Rires.)

L’amendement n° 118 de la commission améliore la rédaction de l’article 18 dans un sens qui, je l’espère, conviendra peut-être davantage aux auteurs des amendements de suppression.

La commission ne peut être favorable à la suppression de l’article 18, qui aurait pour conséquence de limiter toute possibilité d’organiser des débats simplifiés en séance publique. Or ces débats permettront sans doute de recentrer la discussion sur les vrais enjeux.

J’ajoute que, comme c’est actuellement le cas, ces débats simplifiés ne pourront concerner aucun texte important ; en outre, la décision de soumettre un texte à la procédure de débat simplifié devrait recueillir un accord aussi large que possible au sein de la conférence des présidents. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements de suppression nos 204 et 473.

S’agissant de l’amendement n° 207, la détermination de délais pour le dépôt des amendements répond à des règles de bonne organisation du débat ; elle permet notamment aux commissions saisies au fond de se prononcer. Pour ces raisons, il n’est pas envisageable de supprimer tout délai. En outre, une telle mesure dévaloriserait le travail des commissions.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet sur cet amendement un avis défavorable.

La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 206. Le droit d’amendement du Gouvernement est soumis aux mêmes règles que celui des parlementaires et à la même jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce que le Gouvernement a pu constater à plusieurs reprises. Aussi, il n’y a pas lieu d’introduire dans la Constitution des dispositions particulières relatives au droit d’amendement du Gouvernement.

La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 205. Le vote bloqué contribue à garantir l’efficacité de l’exécutif, qui est l’un des principaux acquis de la Constitution de 1958.

M. Cointat pourra peut-être retirer son amendement n° 49 rectifié, qui est satisfait par l’amendement n° 118 de la commission, sur lequel je vais demander la priorité de vote.

M. Bernard Frimat. Cette demande de priorité n’est pas utile, monsieur le rapporteur. (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vraiment ? Dans ce cas, je la retire, monsieur Frimat, à la condition que vous me promettiez que vos explications de vote seront brèves. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 49 rectifié est-il maintenu ?

M. Christian Cointat. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 49 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les auteurs du sous-amendement n° 338 proposent une nouvelle rédaction de l’amendement de la commission. Le règlement de chacune des assemblées n’a pas vocation à déterminer les conditions dans lesquelles s’exerce le droit d’amendement du Gouvernement. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

Cela étant dit, j’ai bien noté, madame Boumediene-Thiery, que vous approuviez pour le reste l’amendement de la commission.

La commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 508, qui vise à encadrer les modalités de présentation des amendements du Gouvernement.

La commission n’a pas eu à se prononcer sur le sous-amendement n° 514. Il appartiendra au règlement de chacune des deux assemblées de définir les conditions d’exercice du droit d’amendement, lesquelles seront respectueuses des droits de la minorité.

Je rappelle que le droit d’amendement n’est pas un droit des groupes ; il s’agit d’un droit individuel des parlementaires. À titre personnel, donc, j’émettrais un avis défavorable.

Enfin, l’objet de l’amendement n° 474 étant très proche de celui de l’amendement n° 206, la commission émet pareillement un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Nous sommes sur l’un des articles clés du projet de loi constitutionnelle.

Tout d’abord, je tiens à rassurer M. Frimat en lui confirmant, en réponse à la question qu’il a posée tout à l’heure, qu’un amendement qui aurait été rejeté en commission pourra bien évidemment être présenté en séance publique.

Comme l’a rappelé brillamment M. le rapporteur, le Gouvernement a assigné un objectif essentiel à l’article 18 : assurer la clarté et la lisibilité du débat législatif. C’est pourquoi il va de soi qu’il émet un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 204 et 473.

Le comité Balladur avait envisagé deux voies. D’une part, il avait évoqué la possibilité, pour certains textes de moindre importance, d’adopter en commission les amendements et d’y engager l’essentiel du débat, les positions de la commission étant alors ratifiées en séance. Cette procédure impliquerait une modification de l’article 44 de la Constitution.

D’autre part, monsieur Frimat, le comité Balladur avait repris l’idée formulée par M. Bel à l’alinéa 2 de l’article 26 de sa proposition de loi constitutionnelle tendant à réviser la Constitution du 4 octobre 1958 afin de rééquilibrer les institutions en renforçant les pouvoirs du Parlement, déposée le 12 juillet 2007, à savoir des durées programmées de débat.

Je rappelle les termes de cet alinéa : « Le Gouvernement peut, après avis de la conférence des présidents de l’assemblée saisie, fixer un délai pour l’examen d’un projet de loi. À l’expiration de ce délai, qui ne peut être inférieur à une semaine, l’assemblée se prononce par un seul vote sur les dispositions du texte qu’elle n’a pas encore examinées, en ne retenant… » – écoutez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, cela figure dans la proposition de loi socialiste – « …que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. »

En la matière, ces durées programmées doivent être généreuses et consensuelles. Cela va dans le sens d’une meilleure organisation des travaux des assemblées. Il n’est absolument pas nécessaire d’adapter notre Constitution pour ce faire ; la preuve en est que le règlement de l’Assemblée nationale prévoyait jusqu’en 1969 une telle procédure, qu’avait validée le Conseil constitutionnel. Libre à vous, monsieur Frimat, de vous y opposer, comme de vous opposer à celle que j’ai précédemment évoquée.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 207 du groupe CRC. Ses dispositions seraient contradictoires avec le deuxième alinéa de l’article 44 de la Constitution, qui permet au Gouvernement de s’opposer, après l’ouverture du débat, à l’examen des amendements qui n’ont pas été soumis antérieurement à la commission.

Madame Borvo Cohen-Seat, je vous confirme que la proposition contenue dans votre amendement n° 206 est identique à celle qu’a faite le comité Balladur. Pour autant, le Gouvernement ne s’y est pas montré favorable, car il a estimé qu’il pouvait être opportun, en cours de discussion, d’ajouter à un projet de loi des dispositions utiles.

Je précise qu’il ne s’agit ni de contourner les procédures prévues à l’article 39 de la Constitution, notamment l’avis du Conseil d’État, ni de permettre le dépôt de purs cavaliers législatifs.

S’agissant de l’amendement n° 205, si le vote bloqué doit bien évidemment être utilisé avec parcimonie – c’est le cas –, il reste néanmoins un instrument utile pour donner une certaine cohérence à un texte. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Je remercie M. Cointat d’avoir retiré son amendement n° 49 rectifié.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 118 de la commission des lois. Celui-ci vise notamment à supprimer la référence aux limites fixées par les règlements des assemblées au droit d’amendement des parlementaires. Sans doute cette mention aurait-elle été mal interprétée et aurait-elle été parfaitement inutile pour atteindre les deux objectifs du Gouvernement que j’ai mentionnés lors de l’examen de l’amendement n° 204 de Mme Borvo Cohen-Seat, à savoir l’instauration de procédures simplifiées pour certains textes et la possibilité d’organiser une durée programmée des débats en séance.

Le droit d’amendement, monsieur Frimat, continuera de s’exercer librement, en séance, bien sûr, mais aussi en commission. Cette dernière précision est importante, car c’est naturellement le texte de la commission qui sera débattu en séance.

Il faut naturellement que les parlementaires puissent défendre leurs propositions en commission. Il faut aussi pouvoir mettre en place la procédure simplifiée que le Gouvernement appelle de ses vœux et qui a été proposée par le comité Balladur.

Les parlementaires continueront à déposer leurs amendements, à les défendre en commission ou en séance.

Si les groupes s’organisent, il n’y a aucune raison que les amendements ne puissent être défendus en séance. Cela suppose que le temps de parole entre les groupes soit réparti et que chacun ait suffisamment de temps pour s’exprimer.

En ce qui concerne le renvoi à une loi organique, il s’agissait simplement, sur la suggestion du Conseil d'État, de régler de manière cohérente les conditions de présentation des amendements du Gouvernement, rien de plus. Il ne s’agissait surtout pas de limiter le droit d’amendement parlementaire par cette voie.

La commission des lois a estimé que ce dispositif était inutile. Le Gouvernement se range à son avis forcément éclairé et considère que la rédaction proposée, qui permet au règlement des assemblées de fixer les conditions d’exercice du droit d’amendement des membres des assemblées, convient. Elle est d’ailleurs conforme à la tradition parlementaire.

Sur les sous-amendements nos 338 et 508, le Gouvernement a émis un avis défavorable. Il ne souhaite pas que le règlement de chaque assemblée puisse apporter des restrictions au droit d’amendement du Gouvernement. Autant les règlements sont légitimes pour déterminer l’organisation du dépôt des amendements des membres de chaque assemblée, leur modalité d’examen, de discussion, de vote, autant il ne paraît pas souhaitable que de telles règles puissent contraindre le Gouvernement, d’autant qu’elles pourraient être très différentes d’une assemblée à l’autre.

En outre, je le rappelle, le Gouvernement n’intervient pas dans la rédaction des règlements des assemblées. Il serait donc paradoxal que ces règlements apportent des limites à son droit d’amendement.

Madame Borvo Cohen-Seat, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 514, parce que la mention des droits des parlementaires paraît inutile à l’article 44 de la Constitution. En effet, dans l’article 51-1, nous allons définir des droits liés aux groupes, et c’est évidemment dans ce cadre que ces droits seront établis.

Enfin, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 474 relatif à la limitation du droit d’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, nous sommes au cœur du débat sur les droits élémentaires du parlementaire.

Je veux d’abord remercier M. le rapporteur, qui a eu l’amabilité de revenir sur son intention de demander le vote par priorité de l’amendement de la commission. Cela nous permettra d’avoir un scrutin public sur ces deux amendements identiques de suppression.

J’ai lu le rapport de M. Hyest. Il y est écrit que la disposition proposée pour compléter l’article 44 permettrait « d’assouplir » le principe. « L’auteur d’un amendement rejeté en commission ne serait donc plus fondé à le soumettre de nouveau devant la formation plénière de son assemblée. L’enjeu de la disposition proposée par la révision constitutionnelle est de favoriser le recours aux procédures simplifiées d’examen des textes en séances publiques.

« Les efforts pour développer de tels dispositifs sont en effet restés, jusqu’à présent, infructueux. »

Cela a le mérite de la clarté, mais nous ne pouvons pas accepter un tel dispositif.

D’ailleurs, M. Hyest s’est arrêté de lui-même au cours de son exposé, parce qu’il s’est aperçu que sa démonstration le menait dans une impasse.

Rappelez-vous ses propos sur la séance publique encombrée par la discussion de textes à caractère technique, notamment de codification, et de ces nombreux amendements rendus nécessaires parfois pour de simples changements de nomenclature. Si j’ai bien compris, lorsque nous discuterons, en séance, du texte de la commission, nous ne pourrons pas déposer d’amendements, sauf pour remettre en cause le travail de la commission. Dans cette hypothèse, son argumentation n’a plus de fondement. Nous ne pouvons donc que maintenir notre amendement.

Monsieur Karoutchi, je vous connais trop pour ne pas savoir que vous vous feriez un plaisir de me rappeler la proposition de loi constitutionnelle de Jean-Pierre Bel. Je vous en félicite, car cela prouve que vous avez d’excellentes lectures. (Sourires.) Je félicite également vos collaborateurs, qui vous ont fourni ainsi de bons arguments. M. Bel aurait été plus compétent que moi pour vous répondre, mais il participe aux journées parlementaires du groupe socialiste.

Cela étant, quand on utilise un argument, il faut l’utiliser jusqu’au bout.

La proposition de loi constitutionnelle prévoyait aussi la suppression de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, qui n’a rien d’anodin s’agissant du droit d’amendement. Dans la proposition de loi du groupe socialiste, il n’y a plus de 49-3, monsieur le secrétaire d’État ! Dès lors, n’étant plus dans le même cadre, on ne pouvait donc plus résoudre les problèmes de la même façon. C’était une autre pratique des institutions.

Permettez-moi un instant de me situer dans le cadre envisagé par les auteurs de la proposition de loi pour traiter du problème d’une éventuelle obstruction par le dépôt de milliers d’amendements. La droite et la gauche ont montré en leur temps qu’elles savaient faire, suffisamment pour pouvoir aujourd'hui y renoncer l’une et l’autre.

Que fait-on en cas d’obstruction ? L’article 49-3 n’existant plus, il revient à la conférence des présidents de déterminer, pour un texte donné, un délai de discussion. Et c’est seulement après avoir constaté l’impossibilité de faire voter le texte dans ce délai fixé, qui ne saurait être inférieur à une semaine, que, pour lever le blocage institutionnel, le Gouvernement peut demander un vote sur le texte modifié par les seuls amendements qu’il a déposés ou acceptés.

Mais cela signifie bien que l’organisation du débat aura, au préalable, fait l’objet d’un consensus en conférence des présidents.

Les dispositions de cette proposition de loi constitutionnelle ne correspondent donc pas du tout à la vision que vous en donnez. Je le conçois, d’ailleurs. Quand on n’a que des arguments faibles, il faut bien essayer d’en trouver des bons. (M. le secrétaire d’État sourit.) Je ne vous en veux pas, mais je me sens obligé de fournir ces explications pour ne pas vous laisser travestir la proposition de loi de M. Jean-Pierre Bel, qui s’inscrit dans un autre contexte. Or, vous le savez comme moi, lorsque l’on veut faire d’une partie le tout, en général, on travestit la vérité.

Monsieur le président, je conclus, car j’ai bien conscience d’abuser des cinq minutes qui me sont généreusement accordées.

Si cet article était voté conforme, nous ne pourrions plus revenir sur ce sujet, mais grâce à l’amendement de M. le rapporteur, il sera dans la navette.

Nous maintenons notre amendement, bien que je connaisse par avance l’issue du vote. Je souhaite que chaque groupe marque clairement sa position quant au droit d’amendement.

Ce droit ne peut être restreint et l’on ne saurait s’en remettre au seul règlement des assemblées, parce que cela ne constitue pas une garantie suffisante au regard des prérogatives de la majorité.

On a quelquefois constaté des attitudes qu’en termes économiques on qualifie d’« abus de position dominante ». Si j’avais la certitude de ne jamais revoir de tels comportements, je pourrais vous croire, mais votre pratique m’en dissuade, car elle est essentiellement fondée sur un constant abus de position dominante, surtout au Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. M. Karoutchi a indiqué que le règlement de chaque assemblée fixerait les règles d’exercice du droit d’amendement parlementaire. Mais, dans la mesure où il n’existe plus de loi organique, comment les règles du droit d’amendement gouvernemental seront-elles déterminées ? Doit-on comprendre que le droit d’amendement du Gouvernement ne sera soumis à aucune règle ?

M. Bernard Frimat. Le Gouvernement a tous les droits !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour répondre à ma collègue, non, il n’y a pas de règle qui encadre le droit d’amendement du Gouvernement.

Je maintiens mon amendement. Je ne sais pas si la navette permettra de relancer la réflexion sur ce sujet, mais, pour l’heure, je constate que vous n’avez en rien modifié les pouvoirs de l’exécutif, notamment les possibilités dont il dispose pour limiter ou interrompre un débat, pour forcer la décision avec un vote bloqué. Non seulement le « 49-3 » est maintenu, mais vous y ajoutez un « 49-3 parlementaire », ou, plus exactement, un « 49-3 majoritaire ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Et cela devient évident lorsque l’on connaît la composition de la conférence des présidents.

Vous ne cessez de nous expliquer que cette réforme vise non pas à renforcer la présidentialisation du régime, mais au contraire à accroître les droits du Parlement. Il me paraît donc normal d’insister sur le fait qu’il n’en est rien. Certes, vous cherchez un habillage. Il est en effet difficile de dire que vous voulez conforter le présidentialisme, et même l’hyper-présidentialisme que nous connaissons aujourd'hui. Donc, vous déclarez que ce n’est pas votre but. Pourtant, c’est exactement ce qui se passe. Avec votre dispositif, l’article 49-3 ne sera même plus nécessaire. Il y aura, en quelque sorte, une autorégulation par la majorité du débat parlementaire.

M. Karoutchi m’a indiqué que nous reviendrions, lors de la discussion de l’article 51-1, sur les droits des groupes parlementaires, qui font l’objet du sous-amendement no 514 que j’ai déposé à l’amendement no 118 de la commission. Néanmoins, je demande un scrutin public sur ce sous-amendement, car j’entends bien concrétiser dès maintenant le droit des groupes parlementaires.

M. le président. J’ai été saisi d’un sous-amendement n° 518, présenté par M. Charasse, et ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de l'article 18, remplacer les mots :

en séance ou en commission

par les mots :

en séance et en commission

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, j’ai soulevé l’autre jour, et je n’étais pas le seul, une question que M. Frimat vient de poser à nouveau.

Selon les indications contenues dans le rapport de M. Hyest, dans le nouveau système, lorsqu’un amendement aura été déposé en commission puis rejeté en commission, il ne pourra pas être redéposé dans les mêmes termes par son auteur en séance.

Je me suis demandé où M. Hyest avait pris cela. La Constitution ne comprend en effet pas la moindre disposition qui implique la moindre restriction au droit d’amendement, lequel est aujourd’hui libre, en séance comme en commission.

J’ai compris en lisant l’amendement no 118 de la commission des lois. Ce dernier prévoit en effet que le droit d’amendement s’exerce « en séance ou en commission » : fromage ou dessert, mais pas les deux ! (Sourires.) Et on renvoie au règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous l’ai dit !

M. Michel Charasse. Excusez-moi, ma chère collègue, mais je n’avais pas vu l’amendement de M. Hyest lorsque j’ai abordé cette question la semaine dernière. Maintenant, je l’ai vu et j’ai compris : la commission des lois espère, par ce biais, en utilisant ce « ou », se trouver dans une situation où l’on dira qu’un amendement rejeté en commission ne pourra plus être présenté à nouveau par le même auteur en séance.

Que va-t-on faire ? Nous assisterons à une course poursuite infernale. Au lieu que les groupes déposent en bloc des amendements, un membre d’un groupe signera seul un amendement en commission et, si cet amendement est repoussé en commission, ses amis le reprendront en séance.

Finalement, votre système ne marchera pas, monsieur Hyest. Il donnera lieu à de telles chicaneries que je propose, pour que les choses soient claires, dans le sous-amendement no 518, que le droit d’amendement, droit absolu, puisse s’exercer en tout lieu dans cette maison, en séance « et » en commission.

Mes chers collègues, les règlements des assemblées décideront librement. Ils pourront très bien prévoir que l’on peut déposer des amendements en commission « et » en séance. Mais, s’ils prévoient que l’on pourra le faire en commission « ou » en séance, le Conseil constitutionnel considérera que le règlement est tout de même conforme et il en résultera une forte perte de la capacité d’amender.

J’ajoute que les membres de la commission saisie au fond vont se trouver privés d’une grande partie de la possibilité d’intervenir en séance, puisqu’ils n’auront pas le droit d’amendement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Mais non !