Mme Nicole Bricq. Il s’agit d’un amendement de repli. Nous souhaitions, avec l’amendement précédent, présenté par Bariza Khiari, fixer un plancher à 1,50 euro, mais le maniement des pièces ne le permet pas.

Par cet amendement, nous souhaitons que les montants minimaux soient les mêmes dans tous les établissements qui distribueront le livret A, afin d’éviter toute discrimination et que chacun puisse être libre de choisir l’endroit où il veut ouvrir son livret, quelles que soient les modalités d’utilisation du livret A.

M. Jean Desessard. Cela paraît normal !

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 880 rectifié.

Mme Odette Terrade. Notre amendement tend également à prévoir que les montants minimaux des opérations individuelles de retrait et de dépôt soient déterminés de façon égalitaire pour tous les établissements concernés par la distribution des livrets A. Les modalités de ces opérations soulèvent en effet deux questions.

La première est relative à l’égalité de traitement entre les épargnants. Il s’agit, avec cet amendement, de faire en sorte que chaque épargnant puisse faire toute opération sur son livret A, quels que soient l’endroit et l’établissement. Tous les épargnants seront traités de manière équitable, quel que soit le réseau qui collectera son épargne, quand bien même il ne le fréquenterait que pour ce seul service financier.

La seconde question porte sur l’équilibre de la concurrence. Qu’on le veuille ou non, le projet de loi prévoit insidieusement de confier à la Banque Postale la gestion des petits livrets et des petits comptes, ceux sur lesquels s’effectueront les opérations les moins importantes.

Comme nous l’avons déjà souligné, la Banque Postale, au fil de l’ouverture à la concurrence de la distribution des livrets défiscalisés, sera amenée, malgré la compensation prévue, à prendre à sa charge les plus petits épargnants, tandis que les réseaux bancaires banalisés capteront les livrets les mieux remplis.

Une telle démarche, nous l’avons également déjà souligné, entraînera, entre autres choses, la remise en question de l’existence du réseau de la Banque Postale, sans placer les autres réseaux en situation de remplir des exigences naturelles d’aménagement du territoire et d’accessibilité.

Comme nous ne voulons ni de l’exclusion bancaire ni de l’exclusion des épargnants, il nous paraît naturel que l’ensemble des réseaux distributeurs soient mis en situation d’assurer l’ensemble des opérations à l’ensemble des épargnants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. Il s’agit toujours de la mission spécifique de la Banque Postale ; il n’est pas possible d’émettre un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Je précise simplement que, pour le Gouvernement, l’objectif sera de fixer un niveau différent justifié par le principe de l’accessibilité, niveau qui serait de 1,50 euro pour la Banque Postale et de 10 euros pour les autres banques.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. J’ai mal compris.

Mme Nicole Bricq. C’est pourtant très clair !

M. Jean Desessard. Mme la ministre a bien dit que le montant minimal s’élevait à 1,50 euro pour la Poste et à 10 euros pour les autres établissements ?

Mme Odette Terrade. Madame la ministre, il existe des billets de 5 euros…

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 561 et 880 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 584 rectifié, présenté par MM. Longuet et Gournac, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l’article L. 221-4 du code monétaire et financier, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le même décret précise le plafond que les versements effectués sur les livrets A — ouverts dans les réseaux autres que le Crédit Mutuel, la Banque Postale et les Caisses d’Epargne à compter du 1er janvier 2009 — ne peuvent dépasser pour les années 2009, 2010 et 2011.

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 584 rectifié est retiré.

M. Thierry Repentin. C’est dommage !

M. Gérard Longuet. Vous pouvez le reprendre, cher collègue !

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. Je voudrais m’exprimer, si vous le permettez monsieur le président, sur l’article L. 221-5 du code monétaire et financier. J’aimerais préciser quelques points avant que nous n’entrions dans la discussion des différents amendements relatifs au taux de centralisation de la ressource.

À la lecture des nombreux amendements déposés sur les articles 39 et 40, j’ai constaté qu’il existait de réelles inquiétudes sur les questions concernant le taux de centralisation des fonds du livret A et du livret de développement durable, ou LDD – l’ex-CODEVI – et sur les garanties apportées par la loi au financement du logement social.

Ces garanties, qui ont été explicitées par Mme le ministre de l’économie mais également tout à l’heure par madame le ministre du logement, sont pourtant déjà nombreuses : coefficient multiplicateur de 1,25 ; affirmation de la vocation prioritaire des fonds centralisés pour le logement social.

Je souhaite donc, mes chers collègues, vous livrer quelques éléments d’information et vous présenter l’économie générale des nouveaux amendements que la commission spéciale a adoptés hier et qui, je l’espère, devraient répondre à la plupart de vos préoccupations et vous apporter des garanties supplémentaires.

Comme cela figure dans mon rapport écrit, la fixation du taux de centralisation à 70 % dans la loi constituerait un facteur de rigidité, notamment dans la perspective de l’organisation du système transitoire entre le régime actuel et le régime futur, dans lequel les taux de centralisation du livret A et du LDD seront identiques.

Sur ce point, j’attire votre attention sur la complexité de l’opération puisque l’on part d’un système dans lequel trois établissements distribuant le livret A centralisent ses fonds à 100 % et où tous les établissements bancaires distribuant le LDD ne centralisent que 9 % des fonds. Or, il est impératif, pour ne pas mettre les deux produits d’épargne en concurrence, de faire converger les taux de centralisation d’une part de 9 % à 70 % et d’autre part de 100 % à 70 %.

Une telle opération ne se fera pas en un jour, si l’on se réfère notamment à l’exemple du passage du taux de centralisation du livret bleu de 50 % à 100 %, évolution qui a pris près de dix ans. Il ne faut pas négliger les difficultés techniques liées à un tel parcours qui se fait sous une triple contrainte.

Première contrainte : garantir le maintien des fonds centralisés auprès du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts à leur niveau actuel.

Deuxième contrainte : éviter tout effet d’assèchement de la liquidité des banques en ne distribuant que le LDD, ce qui résulterait d’un passage brutal d’un taux de centralisation de 9 % à 70 %, alors même que ces réseaux n’auraient pas encore eu le temps de se constituer une « clientèle livret A ».

Et ce n’est pas théorique, mes chers collègues. La liquidité des banques est une préoccupation ! Il ne va du tout de soi, dans le contexte de crise financière dont nous ne sommes pas sortis, que la liquidité bancaire se règle de manière automatique ou simple.

M. Thierry Repentin. Quel aveu !…

M. Philippe Marini, rapporteur. Non, c’est un constat, cher collègue. C’est le constat de la complexité de cette opération.

Troisième contrainte : il serait injuste que les trois réseaux historiques bénéficient subitement d’un surcroît de liquidités qui serait lié à la diminution du taux de centralisation du livret A de 100 % à 70 %. Je pense que vous en conviendrez.

D’après les informations qui m’ont été fournies, la transition durerait entre sept et huit années et s’organiserait de la manière suivante.

Une première phase de transition durerait de deux à trois ans. Au cours de cette période, les règles de centralisation seraient établies en volume et non en pourcentage : les mouvements de centralisation ou de décentralisation ne devraient porter que sur les flux résultant d’une collecte supplémentaire. Pour les transferts de fonds du livret A entre établissements, le volume transféré resterait centralisé en totalité ; quant à la collecte nouvelle, elle ne serait pas centralisée mais devrait être répartie entre les anciens et nouveaux distributeurs selon une règle à déterminer.

C’est notamment au cours de cette première période qu’il peut très clairement se produire un mouvement de sur-collecte et qu’il serait nécessaire, en conséquence, de régler finement le taux de centralisation, qui pourrait, de manière marginale et transitoire, passer sous la barre des 70 %, ce qui ne saurait compromettre pour autant le financement des missions de la Caisse des dépôts puisque le volume total d’épargne « livret A + LDD » aurait, quant à lui, augmenté.

Je suis d’ailleurs surpris de tous les commentaires qui nous prédisent une baisse de la collecte alors que logiquement, dès lors que ce produit attractif sera distribué dans tous les guichets, c’est plutôt à une hausse de la collecte qu’il faut s’attendre,…

M. Thierry Repentin. Dans un premier temps !

M. Philippe Marini, rapporteur.… surtout dans une période de marchés financiers particulièrement chahutés, de mauvaise visibilité financière, comme une de nos collègues du groupe CRC le disait à juste titre.

Mme Nicole Bricq. Que fait le Gouvernement ?

M. Philippe Marini, rapporteur. Vous savez très bien que le Gouvernement n’est pas le grand organisateur des marchés ! On ne va pas développer ce sujet, vous en connaissez la mesure.

Mme Nicole Bricq. Le contexte n’est pas favorable à votre opération !

M. Philippe Marini, rapporteur. Il faut procéder avec soin et prévoyance.

Venons-en à la seconde phase de transition. Cette phase, d’une durée de cinq ans, verrait quant à elle s’établir une convergence progressive des taux de centralisation.

Par ailleurs, les fonds du LDD non centralisés conserveraient leurs obligations d’emplois qui s’imputeraient sur les 30 % non centralisés. La seule ressource libre conservée par les banques serait donc, dans la première phase, dépendante de la collecte supplémentaire et, dans la deuxième phase, dépendante de l’aménagement des règles d’emploi des fonds du LDD.

Pardonnez-moi, mes chers collègues, de vous avoir fait un exposé un peu technique et un peu long, mais cela me semblait nécessaire pour vous convaincre de l’inadéquation des amendements qui voudraient introduire dans la loi le taux de centralisation de 70 %.

Je comprends bien qu’ils traduisent les inquiétudes éprouvées à l’égard des garanties apportées par le texte au financement du logement social. C’est pourquoi la commission spéciale vous proposera trois amendements.

Le premier amendement vise à faire précéder le décret qui fixera le taux de centralisation d’un avis de l’observatoire de l’épargne réglementée.

Le deuxième amendement tend à donner à cet observatoire un rôle de suivi de l’adéquation prévisionnelle et réelle de la ressource centralisée de la Caisse des dépôts au montant nécessaire au financement des organismes d’HLM. À cet effet, l’amendement prévoit que l’observatoire peut émettre des avis et formuler, en tant que de besoin, des recommandations visant à garantir cette adéquation.

Il s’agit, par un troisième amendement, d’inscrire directement dans la loi la composition de l’observatoire, ce qui lui donnera un statut plus solennel et plus d’indépendance. Cet observatoire, présidé par le gouverneur de la Banque de France, serait composé de onze membres, comprenant notamment deux députés et deux sénateurs, dont nous avons imaginé qu’ils pourraient être désignés respectivement par les commissions des finances et des affaires économiques de leur assemblée, des personnalités qualifiées en matière de logement social ou d’accessibilité bancaire et des hauts fonctionnaires qui, par leurs responsabilités, sont amenés à traiter de ces sujets.

Voilà, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais livrer pour mettre en perspective les positions de la commission spéciale.

Je dis par avance que celle-ci est défavorable à tous les amendements qui vont être présentés…

M. Thierry Repentin. Non, ne nous dites pas ça avant ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur. Je préfère vous le dire au sein d’une analyse globale.

… et qui viseraient à inscrire dans le marbre de la loi les 70 % de centralisation. Par ailleurs, je pense vous avoir présenté de manière suffisante les trois amendements que la commission spéciale va vous soumettre.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Tout à l’heure, Mme la ministre nous a dit que la rémunération des banques qui n’ont pas de guichets devait leur permettre de payer leur système informatique, les logiciels performants, etc. »

Or, après le discours de M. le rapporteur et vu l’aspect laborieux de la mise en place de ces dispositifs, je me demande si nous avons vraiment fait le bon investissement informatique ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Mettre dix ans, à l’heure de l’informatique, pour résoudre ces problèmes, c’est vraiment incroyable !

Certes, les explications techniques sont valables, mais, s’il y avait la volonté politique de retenir les 70 %, on trouverait les systèmes techniques, informatiques et les logiciels pour mettre en place le système.

M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que, pour la clarté des débats, il a été décidé, sur proposition de la commission spéciale, d’examiner séparément l’amendement n° 377.

L’amendement n° 377, présenté par Mme Bricq, MM. Massion, Angels et Collombat, Mme Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Pastor, Raoul, Repentin, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l’article L. 221-5 du code monétaire et financier :

« Art. L. 221-5. - L’intégralité des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable est centralisée par la Caisse des dépôts et consignations dans le fond prévu à l’article L. 221-7. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je remercie M. le rapporteur de nous avoir expliqué la logique d’ensemble de la commission. Pour ma part, j’ai pris la précaution de vous indiquer en début de soirée, mes chers collègues, quand nous avons abordé l’article 39, la logique générale des amendements que nous avions déposés et qui repose sur quatre principes.

Parmi ces quatre principes, se trouve l’attachement à la centralisation auprès de la Caisse des dépôts. C’est pourquoi cet amendement n° 377 vise à ce que les sommes collectées soient intégralement centralisées à la Caisse des dépôts et consignations.

M. Jean Desessard. C’est très clair !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Je souscris totalement à l’ensemble des remarques qui ont été excellemment formulées par M. le rapporteur Philippe Marini lors de son intervention générale sur le texte proposé pour l’article L. 221-5 du code monétaire et financier.

Toutefois, je souhaite y apporter brièvement quelques éléments complémentaires.

D’abord, d’une manière générale, je vous informe que le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous les amendements visant à maintenir le taux de centralisation par la Caisse des dépôts et consignations à 100 % ou à fixer un seuil de 70 % dans la loi.

Ensuite, et je m’adresse tout particulièrement à ceux d’entre vous qui m’ont demandé des informations chiffrées, je voudrais vous faire part d’un petit calcul simple, afin de vous permettre d’établir des comparaisons entre la situation actuelle et le système qui entrera en vigueur si le dispositif que nous proposons est adopté.

Actuellement, nous avons deux taux de centralisation différents. Le premier, qui s’applique au livret A, correspond à une collecte d’environ 137 milliards d’euros et à un taux de centralisation de 100 %. Le second, celui du livret de développement durable, concerne une collecte d’environ 62 milliards d’euros, pour un taux de centralisation de 9 %. Dès lors, si nous additionnons 100 % de 137 milliards d’euros et 9 % de 62 milliards d’euros, nous obtenons un montant total de 143 milliards d’euros centralisés.

Si la réforme que nous proposons est adoptée – nous voulons continuer de soutenir et de financer le logement social, et ce au-delà du taux de 1,25 % évoqué tout à l’heure par Mme Christine Boutin –, nous aurons un taux de centralisation unique, 72 %, qui sera applicable au total des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable, soit 199 milliards d’euros. Par conséquent, le montant des sommes centralisées s’élèvera à 143 milliards d’euros, c’est-à-dire exactement autant qu’actuellement.

En outre, d’un point de vue macroéconomique, avec le nouveau dispositif, nous ne mettons pas particulièrement les banques en position de disposer de plus de liquidités. D’ailleurs, même si c’était le cas, elles ne les placeraient pas pour faire des profits que certains d’entre vous trouveraient sans doute abusifs… En tout état de cause, nous leur demanderons de participer au financement des petites et moyennes entreprises.

M. Thierry Repentin. Ce que personne ne vérifie jamais !

Mme Christine Lagarde, ministre. Mais si !

M. Jean Desessard. Vous n’avez pas répondu sur la centralisation à 100 % !

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.

M. Michel Billout. Nous l’avons bien compris, quels que soient nos arguments, le point de vue de M. le rapporteur Philippe Marini ne changera pas. Cela étant, je me permettrai tout de même de les présenter.

Si j’ai bien compris les propos de Mme la ministre, le mieux que nous puissions espérer, c’est le statu quo. En clair, cette réforme ne permettra de dégager aucun moyen supplémentaire pour le logement social,…

Mme Christine Lagarde, ministre. Mais si !

M. Michel Billout.… puisque le montant des sommes centralisées sera identique à son niveau actuel.

De notre point de vue, il est un peu dommage que de telles questions soient ainsi évacuées au nom d’arguments prétendument « techniques », sur lesquels nous restons tout de même un peu sceptiques.

En effet, la centralisation des dépôts sur les livrets défiscalisés est une question majeure dans le débat relatif à l’épargne réglementée.

Comme nous avons eu l’occasion de le souligner, le livret A a une particularité essentielle. Produit défiscalisé, il constitue aujourd’hui un élément primordial des politiques publiques, puisque la collecte de l’épargne est affectée de manière exclusive au financement du logement social.

Par ailleurs, et cela nous a été expliqué, les règles de centralisation sont différentes pour le livret de développement durable, l’ancien CODEVI, ce que nous pouvons d’ailleurs regretter, car les dépôts collectés à ce titre risquent d’être détournés de leur objet initial, qui était le financement des petites et moyennes entreprises.

Le taux de centralisation des dépôts du livret de développement durable est de 9 % seulement. Nous sommes donc très loin du niveau approprié pour pouvoir substituer l’utilisation de cette ressource tout de même moins onéreuse que nombre de crédits bancaires à certaines formules coûteuses d’aides financières aux PME.

Comme tout le monde le sait, la collecte de l’ancien CODEVI est souvent utilisée par les établissements de crédit pour se pourvoir en ressources moins coûteuses, afin de recycler avantageusement des prêts bancaires ordinaires aux entreprises, prêts dont le taux d’intérêt est évidemment sans commune mesure avec le niveau de la rémunération accordée aux épargnants.

De fait, il s’agit là d’une question centrale. En décidant la centralisation intégrale des dépôts collectés au titre du livret A comme du livret de développement durable, nous pourrions trouver les moyens de financer les politiques publiques les plus essentielles. Nous ne devons donc pas manquer de souffle à cet égard !

Nous pourrions enfin mener la politique de rénovation urbaine correspondant aux exigences de construction de logements locatifs sociaux, lutter contre l’exclusion sociale et mettre en œuvre une réhabilitation et une requalification du parc existant. Nous pourrions trouver les moyens de donner sens au plan pour les banlieues, qui, pour avoir quelque efficacité, devra quitter les sentiers rebattus des incitations fiscales à la petite semaine, et opter pour l’aide concrète et directe au développement social et économique des quartiers.

Une ligne prioritaire de financement de la réalisation d’infrastructures socialement utiles peut être dégagée sur les ressources de la collecte de l’épargne populaire.

On peut ensuite supprimer de notre droit fiscal l’ensemble des dispositions dérogatoires du droit commun concernant le financement des PME, en ouvrant de nouvelles lignes prioritaires adossées sur la collecte des livrets de développement durable.

D’ailleurs, la suppression de ces dispositions dérogatoires, que nous appelons de nos vœux – nous demanderons d’ailleurs qu’elle soit inscrite dans le prochain projet de loi de finances – permettrait de bonifier encore l’usage de la collecte de l’épargne réglementée.

Et ne venez pas nous dire que nous serions des nostalgiques de l’économie administrée ! Compte tenu de l’état de la croissance, du niveau de l’inflation, de la situation boursière et de la dégradation des relations interbancaires, nous n’avons pas l’impression que l’économie de marché, dite économie « libre », ait vraiment démontré son efficacité !

C’est donc sous le bénéfice de ces observations que nous voterons l’amendement n° 377.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je souhaite demander une clarification à Mme la ministre.

Selon les objectifs qui sont affichés, les ressources collectées au titre du livret A et du livret de développement durable non centralisées devraient être affectées au financement, entre autres, des travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments. A priori, cela paraît souhaitable. Mais je crains que cela ne soit qu’une astuce.

En effet, je me souviens de la pratique qui était en vigueur à la ville de Paris sous une ancienne municipalité. Lorsque la majorité municipale d’alors voulait supprimer un espace vert, elle proposait de le remplacer non pas par une résidence, mais par de l’habitat social, disait-elle. Du coup, nous, les écologistes, nous étions « coincés » : nous ne pouvions pas nous opposer à la construction de logements sociaux.

En l’occurrence, la proposition du Gouvernement semble bien argumentée, puisque que l’on nous explique que les sommes non centralisées seront affectées au financement à la fois des économies d’énergie dans les bâtiments anciens et des petites et moyennes entreprises.

Mais nous pourrions trouver un mode de financement autre que le livret A pour les PME. À mon sens, ce produit d’épargne doit contribuer à financer des actions d’intérêt général, comme la construction de logements sociaux ou des travaux écologiques et environnementaux et des économies d’énergie, puisqu’il y a une masse supplémentaire non utilisée grâce au livret de développement durable.

Dès lors, la question est posée. Pourquoi de tels fonds, qui sont uniquement destinés à financer des actions d’intérêt général, ne seraient-ils pas intégralement centralisés par la Caisse des dépôts et consignations ? La Caisse pourrait très bien gérer l’ensemble des dépôts collectés au titre du livret A et les affecter à la construction de logements sociaux, voire, en cas de surplus, au financement de travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens.

À mon sens, le Gouvernement veut fixer un taux de centralisation de 72 % pour pouvoir ensuite jouer sur le curseur. Le taux qui est actuellement proposé présente l’avantage de maintenir le montant des fonds centralisés à leur niveau actuel. Ainsi, personne ne se rend compte que l’on est en train de modifier le système. Ensuite, il sera toujours possible de faire évoluer le curseur en fonction des intérêts du moment…

Il serait tout de même plus simple de fixer un taux de centralisation de 100 %, qui garantirait en priorité le financement de la construction de logements sociaux et de travaux d’économie d’énergie ou écologiquement responsables. Le cas échéant, nous pourrions mettre en place un logiciel pour étudier la meilleure manière de gérer ces dépôts. Mais, en tout état de cause, il faut qu’ils soient d’abord centralisés à la Caisse des dépôts et consignations.

M. Thierry Repentin. Décidément, l’amendement n° 377 suscite un débat très intéressant !

M. Jean Desessard. Mais qu’en pensent nos collègues du groupe de l’UMP, que je trouve bien silencieux sur le sujet ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 377.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 562 est présenté par M. Repentin, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Raoul, Pastor, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 881 rectifié est présenté par Mmes Beaufils, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l’article L. 221-5 du code monétaire et financier, remplacer les mots :

du livret A et du livret de développement durable régi par l’article L. 221-27 par les établissements distribuant l’un ou l’autre livret

par les mots :

des livrets définis aux sections 1 à 4 du chapitre Ier du titre II du livre II du présent code

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l’amendement n° 562.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le rapporteur, malgré votre brillant exposé nous rappelant la philosophie de la commission spéciale, nous ne renoncerons pas à essayer de vous convaincre, du moins pour ce soir.

Nous venons de rappeler notre attachement à la centralisation totale des fonds épargnés sur le livret A. Malgré l’importance de cette ressource pour l’avenir des politiques du logement, et contre l’avis de la Commission européenne, au nom de laquelle vous réformez le livret A, vous vous obstinez à mettre fin à la centralisation.

L’amendement n° 562, qui est un amendement de repli, vise à centraliser à la Caisse des dépôts et consignations, certes, une quote-part seulement du livret A et du livret développement durable, mais également du livret d’épargne populaire et du livret jeune.

En effet, tout comme le livret A, ces deux autres produits d’épargne bénéficient d’un régime fiscal spécifique les exonérant d’impôt. Il paraît donc logique que le manque à gagner pour l’État ne s’effectue pas uniquement au bénéfice des banques et des usagers. Il doit aussi contribuer à financer des missions d’intérêt collectif, comme le financement du logement abordable.

Ainsi, la défiscalisation du livret jeune et du livret d’épargne populaire trouverait son aboutissement dans la centralisation d’une partie de leur collecte au bénéfice du financement du logement social.

Cet élargissement apparaît d’autant plus opportun qu’il renforce la garantie de l’encours centralisé à la Caisse des dépôts et consignations, et ce alors que vous visez la baisse du taux de cette centralisation.

Dois-je rappeler ici l’ingénieux système de financement du logement ? L’épargne liquide des Français est transformée en prêts de long terme, d’une durée de cinquante ans, à taux bonifiés, accordés par la Caisse des dépôts et consignations aux organismes d’HLM. Ces prêts représentent environ 70 % du financement des opérations de logement social en France. C’est dire si les aides à la pierre, pour indispensables qu’elles soient, ne remplaceront jamais cette ressource !

Dois-je également rappeler que ce mode de financement présente le considérable avantage d’avoir un coût très modéré pour les finances publiques ? À peine 300 millions d’euros par an de non-recettes – la défiscalisation – pour 148 milliards de collecte, dont 70 % sont transformés en prêts ! Imaginez si le budget de l’État devait prendre le relais : c’est bien évidemment impossible !