Mme la présidente. Monsieur Cambon, le sous-amendement n° 1075 est-il maintenu ?

M. Christian Cambon. Les engagements pris par M. le secrétaire d’État me donnent toute satisfaction. Je voulais sensibiliser le Gouvernement sur les mesures à prendre.

Je sais qu’une concertation est engagée au niveau national et qu’un certain nombre d’associations de publics fragilisés ou de personnes âgées ont été consultées. Simplement, je tenais à souligner le fait que, sur le terrain, la réalité est tout autre. Certains revendeurs conseillent malheureusement aux personnes âgées de changer de téléviseur pour bénéficier du tout-numérique, alors qu’il n’est aucunement obligatoire de le faire.

Je remercie M. le secrétaire d’État, en espérant que des mesures seront prises.

Par conséquent, je retire mon sous-amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1075 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 986 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 30 sexies.

CHAPITRE II (suite)

Améliorer l’attractivité économique pour la localisation de l’activité en France

Mme la présidente. Je rappelle que les articles 31, 31 bis, 31 ter et les articles additionnels après l’article 31 ter ont été examinés par priorité le jeudi 3 juillet 2008.

Article additionnel après l'article 30 sexies
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'économie
Articles additionnels après l’article 32

Article 32

I. - La section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par une sous-section 5 ainsi rédigée :

« Sous-section 5

« Carte de résident délivrée pour une contribution économique exceptionnelle

« Art. L. 314-15. - L’étranger qui apporte une contribution économique exceptionnelle à la France peut, sous réserve de la régularité du séjour, se voir délivrer la carte de résident.

« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article. Il détermine notamment les motifs pour lesquels la carte peut être retirée. »

II. - Dans l’article L. 314-14 du même code, le mot et la référence : « ou L. 314-12 » sont remplacés par les références : «, L. 314-12 ou L. 314-15 ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.

Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, si vous le permettez, je profiterai de cette intervention sur l’article pour défendre l’amendement n° 368.

Mme la présidente. Je vous en prie.

Mme Bariza Khiari. Avec cet article 32, madame la ministre, vous inventez la carte de séjour gold. Comme cela devient habituel en matière de droit des étrangers, le Gouvernement prétend agir par pragmatisme. Mais je crains que d’autres considérations ne le guident…

Fait révélateur, les dispositions régissant le droit des étrangers sont inscrites non plus dans des textes spécifiques, mais dans un texte économique. Or une personne étrangère ne se réduit ni à sa force de travail, ni à son compte en banque.

Cet article 32 prévoit donc la possibilité d’attribuer à certains étrangers une carte de résident de dix ans renouvelable, en raison de leur « contribution économique exceptionnelle à la France ». Alors que le droit constitutionnel d’asile a été réduit par vos lois successives, vous créez un droit d’asile des plus riches.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, Mme la ministre a donné trois exemples de personnes qui pourraient bénéficier de cette carte. Chaque fois, il s’agissait de faciliter les allées et venues de ces personnes entre la France et d’autres pays.

Même lorsque tous les critères sont réunis, il devient impossible d’obtenir la délivrance d’une carte de résident. Pourtant, vous proposez d’en accorder à des personnes qui ne désirent pas résider en France et y établir leur domicile fiscal, mais qui le mériteraient par leur seule richesse. C’est une étrange inversion du droit et des valeurs !

La question des aller et retour entre la France et d’autres pays est intéressante et réelle, mais nous ne pouvons l’appliquer qu’aux plus riches. Elle concerne tout aussi bien les artistes, les scientifiques, les personnes désireuses d’étudier en France et bien d’autres travailleurs. Vous ne la réglerez pas de façon dérogatoire et vous devrez bien envisager la création de visas de circulation longue durée délivrés de façon assez large.

Quelle est donc la « contribution économique exceptionnelle » qui vaut ce passe-droit ? Vous citez les PDG de filiales françaises de sociétés étrangères ou les grands investisseurs individuels. Plutôt que de contribution économique, vous auriez donc dû parler de contribution financière, puisque la richesse semble bien être le principal critère. Les compétences et les talents que vous défendiez tant voilà deux ans ont disparu. Parmi les critères de délivrance évoqués, on trouve aussi la notoriété. Nous assistons donc à la « peopolisation » du droit des étrangers avec, pour juges, les préfets et les fonctionnaires de la République.

Cette « prime à l’argent » est réellement choquante. Un prix Nobel, un musicien virtuose, un plasticien ou un architecte célèbre, désireux de s’installer en France, contribue « de façon exceptionnelle » à l’aura et au rayonnement de la France dans le monde. Pour eux, vous avez créé voilà deux ans une carte de séjour de trois ans, dite « compétences et talents ». Selon Le Figaro, seulement quarante-deux de ces cartes ont été délivrées.

Aujourd’hui, pour les plus riches, vous proposez la délivrance d’une carte de résident de dix ans. Non contents de trier les étrangers entre désirables et indésirables, vous établissez à présent une hiérarchie entre les « bons étrangers ». Cette hiérarchie est d’ailleurs intéressante, puisque vous semblez préférer l’argent au mérite et au talent.

Cette disposition est d’autant plus choquante que la délivrance d’une carte de séjour nécessite normalement une durée de séjour minimum en France et des conditions strictes – que vous avez vous-mêmes fixées – d’intégration dans la société française. Dans le cadre de cet article 32, aucun de ces critères n’est applicable. Il s’agit donc bien d’une carte de résident « coupe-file », attribuée discrétionnairement pour éviter à certains étrangers de faire régulièrement la queue à partir de trois heures du matin devant les préfectures pour obtenir le renouvellement aléatoire de leur titre de séjour. Ne devrait-on pas aller plus loin et proposer une livraison par coursier de cette carte d’exception ?

Madame la ministre, nous avons tous, sur nos bureaux, des demandes d’intervention en faveur de la régularisation de jeunes brillants qui ont étudié en France, qui sont parfaitement intégrés et à qui l’on demande de partir.

J’ai entre les mains le dossier d’un jeune qui travaille dans l’un des secteurs que vous avez désignés sous tension et à qui l’on refuse un titre de séjour. J’ai également le dossier d’une jeune fille titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire, désireuse de faire profiter la France de sa compétence et de ses talents, mais placée sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. Par leurs compétences et leurs talents, ces jeunes contribueraient de façon exceptionnelle à l’économie française. Pourtant, on ne leur en laisse pas le droit.

Nos universités et nos grandes écoles forment chaque année des étudiants étrangers brillants, à qui l’on interdit de travailler en France. Je souligne d’ailleurs que les décrets d’application des dernières lois sur l’immigration, censées faciliter la vie des étudiants étrangers, n’ont toujours pas été pris.

Et je ne parle pas des milliers de travailleurs sans papiers dont le travail est essentiel à la survie de certains secteurs et que vous refusez de régulariser.

Cela peut vous sembler désuet, mais nous croyons que le travail, le désir de vivre en France et de contribuer à notre économie justifient pleinement l’attribution d’un titre de séjour. Nous croyons également au principe d’égalité devant la loi et nous pensons qu’il est parfaitement indigne de notre République d’établir ainsi une distinction entre les étrangers selon leur richesse.

C’est pourquoi, madame la ministre, nous ne voterons évidemment pas cet article 32. C’est aussi la raison pour laquelle je plaide pour sa suppression par le biais de l’amendement n° 368. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 368 est présenté par Mme Khiari, MM. Massion et Angels, Mmes Bricq et Demontès, MM. Godefroy, Lagauche, Pastor, Raoul, Repentin, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 502 est présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° 368 vient d’être défendu.

La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 502.

Mme Odette Terrade. Madame la présidente, si vous me le permettez, je défendrai aussi l’amendement n° 871.

Mme la présidente. Je vous en prie.

Mme Odette Terrade. Avec l’article 32, le Gouvernement poursuit sa politique détestable de tri des étrangers, en illustration avec sa politique d’immigration dite « choisie ». La loi du 24 juillet 2006 a créé la carte compétences et talents ; voici la création de la carte de résident, délivrée pour une « contribution économique exceptionnelle » à la France.

Il s’agit ici d’introduire un nouveau critère de sélection des étrangers, afin de choisir ceux qui seraient les plus compétents, les plus talentueux, et désormais des étrangers apportant une contribution économique exceptionnelle à la France.

Les critères subjectifs s’accumulent, loi après loi, dans un seul objectif : décider, de façon totalement arbitraire, quel étranger est compétent et talentueux, ou exceptionnellement rentable économiquement pour la France, et quel étranger ne l’est pas.

Les premiers seront les bienvenus et disposeront d’une carte de séjour de trois ans ou de résident, les seconds ne bénéficieront que d’un titre de séjour temporaire.

Dans un article du journal Le Monde du 9 juin 2006, Kofi Annan écrivait : « Depuis qu’il y a des frontières, les hommes les franchissent pour visiter les pays étrangers, mais aussi pour y vivre et y travailler. […] L’histoire nous enseigne que les migrations améliorent le sort de ceux qui s’exilent, mais font aussi avancer l’humanité tout entière. »

La suite est tout aussi intéressante : « Dans les pays d’accueil, les immigrés remplissent des fonctions essentielles dont les habitants ne se chargent pas volontiers. Ils assurent de nombreux services indispensables à la vie sociale : ils s’occupent des enfants, des malades et des vieillards, ils ramassent les récoltes, ils préparent les repas, ils nettoient les maisons et les bureaux.

« Mais il ne faut pas croire qu’ils ne font que de petits boulots et de basses besognes : près de la moitié des adultes de plus de 25 ans arrivés dans les pays industrialisés dans les années 1990 étaient très qualifiés. Qualifiés ou pas, beaucoup ont assez d’initiative pour créer leurs propres entreprises, qui vont de l’épicerie ouverte jour et nuit à Google, le géant de l’Internet. D’autres sont artistes ou écrivains et enrichissent de leur créativité la culture de leur ville d’accueil. »

Il n’y a donc pas, d’un côté, les bons immigrés et, de l’autre, les mauvais ; d’un côté, les qualifiés, que l’on tolérerait sur notre territoire, et les non-qualifiés, par définition suspectés de vouloir rester en France pour de mauvaises raisons.

Un étranger peut arriver en France non qualifié et pourtant enrichir notre pays et lui apporter une contribution exceptionnelle. Nul besoin d’être P-DG ou investisseur, et de gagner plusieurs milliers d’euros par mois pour participer au rayonnement de la France.

L’argent n’est pas nécessairement synonyme de compétences et de talents, l’inverse étant également vrai : vous pouvez gagner le SMIC et être particulièrement compétent dans votre domaine.

Les travailleurs immigrés du secteur du BTP n’apportent-ils pas une contribution économique à la France ?

C’est une logique de plus en plus utilitariste et élitiste que vous nous présentez. Les termes employés par les rapporteurs sont, à ce titre, révélateurs : il est clairement indiqué dans le rapport que « la loi du 24 juillet 2004 relative à l’immigration et à l’intégration a introduit de nouvelles dispositions visant à renforcer l’attractivité de notre territoire pour les étrangers remarquables ou hautement qualifiés ».

Qu’est-ce qu’un étranger « remarquable » ? Le but n’est-il pas simplement de s’approprier des cerveaux et, désormais, des portefeuilles étrangers ?

Nous ne disposons même pas d’un bilan de la mise en œuvre de la carte compétences et talents. Même les rapporteurs soulignent ce problème, en faisant remarquer : « Toutefois, il conviendra de réévaluer ce dispositif à l’aune de l’évaluation de la carte compétences et talents lorsqu’un premier bilan sera possible. »

Enfin, même la commission Mazeaud pointe du doigt l’immigration choisie et la politique de quotas que le Président de la République souhaite tant instaurer depuis son arrivée au pouvoir. La commission estime ainsi que « les pouvoirs publics nationaux ne disposent pas d’un pouvoir discrétionnaire pour déterminer les flux » et qu’« une meilleure maîtrise de l’immigration doit être recherchée par des voies empiriques et multiformes, en étroite concertation avec nos partenaires européens et avec les pays d’origine, plutôt que dans les recettes radicales purement nationales ou des remèdes spectaculaires mais illusoires ».

L’article 32 se situe tout à fait dans cette logique de politique nationale de maîtrise discrétionnaire des flux migratoires, instaurée par la loi de 2003, poussée à l’extrême par les lois de 2006 avec la création de la carte compétences et talents et la loi de 2007 limitant le regroupement familial.

Voilà pourquoi nous demandons, d’une part, la suppression de l’article 32 du projet de loi avec l’amendement n° 502 et, d’autre part, l’abrogation des articles relatifs à la carte compétences et talents du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile avec notre amendement n° 871. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. L’amendement n° 871, présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Les articles L. 315-1 à L. 315-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont abrogés.

Cet amendement vient d’être défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission spéciale. Les amendements nos 368 et 502 visent à supprimer l’article 32. Or, selon nous, il est important que la France puisse accueillir les personnes qui souhaitent s’y investir et y développer des richesses et donc des emplois.

Si des titres de séjour existent déjà, qui peuvent être utilisés dans le cadre de l’immigration économique vers notre pays, il est des cas où ils s’avèrent peu adaptés.

M. Laurent Béteille, rapporteur. La commission spéciale, considérant que l’article 32 doit être maintenu pour l’attractivité économique de notre territoire, est donc défavorable aux amendements identiques nos 368 et 502.

Elle est également défavorable à l’amendement n° 871, qui vise à supprimer la carte compétences et talents. Selon la commission spéciale, cette suppression n’est nullement souhaitable. Cette carte permet de favoriser également l’attractivité de notre territoire. Elle commence seulement à produire ses effets. Par conséquent, il convient de laisser ce dispositif se déployer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 368 et 502 pour les mêmes raisons que la commission.

En l’espèce, il s’agit d’attirer en France les personnes susceptibles d’apporter une contribution économique exceptionnelle. Il me paraît évidemment légitime que nous puissions, dans un acte de confiance réciproque, témoigner du fait que nous voulons accueillir, et pour longtemps, ceux des étrangers qui souhaitent contribuer de manière exceptionnelle à l’économie de notre pays.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 871, qui vise à la suppression de la carte compétences et talents. Le mécanisme est entré en vigueur depuis le début de l’année 2008. Il est bien sûr trop tôt pour effectuer un bilan de sa mise en œuvre. Une cinquantaine de cartes ont déjà été distribuées.

Mme Odette Terrade. Une cinquantaine !

Mme Christine Lagarde, ministre. Ce mécanisme rencontre donc un certain succès. Pour faire connaître ledit mécanisme, laissons le temps au bouche à oreille de fonctionner.

En tout cas, je me réjouis que nous puissions accueillir en France des personnes de talent, car la compétition est vive pour les attirer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 368 et 502.

M. Jean-Pierre Sueur. En cet instant, nous sommes confrontés à une décision extrêmement importante. Avec l’article 32 et les amendements défendus par Mmes Khiari et Terrade,  ce qui est en jeu,…

M. Philippe Marini. C’est notre attractivité !

M. Jean-Pierre Sueur. …c’est en effet l’attractivité, monsieur Marini, mais, au-delà, c’est l’idée que nous nous faisons de la République et du principe d’égalité.

Nous qui, en raison de nos fonctions électives, recevons beaucoup d’êtres humains toutes les semaines dans nos permanences, nous pouvons témoigner des énormes difficultés auxquelles beaucoup d’entre eux sont confrontés.

Mme Odette Terrade. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. Hier encore, j’ai reçu quelqu’un qui, depuis des jours, se rend à trois heures du matin devant la préfecture pour tenter d’être reçu.

M. Philippe Marini. Qu’avait dit Michel Rocard ? Ce n’était pas si mal !

Mme Nicole Bricq. Il faut citer sa phrase en entier !

M. Jean-Pierre Sueur. Soyons clairs, monsieur Marini : dans cette phrase, M. Rocard disait qu’il fallait des règles. Nous, nous demandons qu’il y ait des règles, pour tout le monde, et qu’elles soient les mêmes pour les pauvres comme les riches !

Mme Odette Terrade. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. En effet, si on renonce à ce principe, on renonce à l’un des fondements de la République française.

Aujourd’hui, beaucoup d’êtres humains sont en grande difficulté. Je veux aussi parler d’étudiants et de chercheurs, qui nous disent qu’il est devenu impossible de venir en France. Je connais des doctorants qui aimeraient poursuivre leurs recherches dans nos laboratoires ou nos universités, mais qui ne peuvent pas obtenir de titre de séjour.

M. Philippe Marini. Alors, votez cet article, c’est la réponse !

M. Jean-Pierre Sueur. Des jeunes de différents pays nous disent qu’il est beaucoup plus facile d’obtenir un visa pour aller faire ses études dans d’autres pays, sur d’autres continents.

Nous rencontrons aussi beaucoup de gens qui ne peuvent tout simplement pas vivre légalement ici avec leur famille. Ils doivent d’abord repartir chez eux s’ils veulent un jour obtenir le droit de séjourner en France.

M. Philippe Marini. Selon vous, il faut régulariser tout le monde ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean Desessard. Ce serait mieux que la clandestinité !

M. Jean-Pierre Sueur. Évitons les débats simplistes. Personne ici ne propose de régulariser tout le monde !

Nous pensons que la France doit faire preuve de générosité, mais, dans le même temps, elle doit édicter des règles justes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle nous avons voté contre un certain nombre de textes.

Cela étant dit, les réponses qui nous ont été apportées par la commission et par le Gouvernement nous conduisent à nous interroger.

M. le rapporteur a dit qu’il fallait développer les richesses. Mais que sont les richesses ? Monsieur Marini, il y a en effet les richesses monétaires,…

M. Philippe Marini. Ici, on parle de richesses humaines ! Les compétences ! Les talents !

M. Jean-Pierre Sueur. …mais il y a aussi les richesses humaines : les talents, les compétences. Pour notre part, nous avons la fierté de penser que beaucoup d’êtres humains, y compris parmi les plus pauvres, parmi ceux qui vivent en grande précarité, ont de grandes compétences, de l’humanité, du talent à mettre au service de la France.

Mme Odette Terrade. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous demandons simplement que l’on traite ces questions en respectant le principe d’égalité.

Mme la ministre a indiqué qu’il fallait accueillir ceux qui peuvent contribuer à la richesse de notre pays. Réfléchissons à cela, mes chers collègues.

Tous ceux qui sont venus du monde entier pour construire nos villes et nous aider – à notre demande – ont contribué à enrichir notre pays. Ceux qui ont du capital ne sont pas les seuls à participer au développement économique de notre pays ; il y a aussi ceux qui apportent leur travail !

Mme Odette Terrade. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. Il serait contraire aux valeurs qui nous rassemblent, du moins je veux l’espérer, qu’un article de la loi LME proclame dans la République française que, lorsque l’on est riche, il n’y a plus de règle applicable pour le droit d’entrée et, lorsque l’on est pauvre, toute une série de règles – dont on peut discuter – s’appliquent.

Cet article est une question d’honneur : la République française repose sur le principe d’égalité ! Par conséquent, ce n’est pas parce que l’on possède des millions, voire des milliards, que l’on est plus en droit de venir sur ce sol que si l’on n’a rien.

M. Christian Cambon. C’est une caricature !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne caricature pas,…

M. Jean-Pierre Sueur. …je dis la vérité !

M. Philippe Marini. Vous la présentez à votre façon !

M. Jean-Pierre Sueur. Si vous pensez le contraire, vous allez à l’encontre de la Constitution de la République française et de notre devise « Liberté, Égalité, Fraternité ».

C’est pourquoi nous accordons une extrême importance à ce débat. Nous avons bien sûr demandé un scrutin public sur l’amendement n° 368 afin que chacune et chacun se prononcent sur le sujet qui est en cause, à savoir le principe d’égalité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je ne reviendrai pas sur les arguments excellemment présentés par mes collègues. Je répondrai simplement aux remarques que j’ai entendues dans l’hémicycle en disant que mieux vaut la régularisation que la clandestinité, qui favorise les trafics, le travail au noir et de multiples problèmes.

M. Philippe Marini. C’est comme ça que l’on crée les futurs clandestins !

M. Jean Desessard. D’ailleurs, il serait temps de régulariser, sans compter que ce serait plus économique.

M. Philippe Marini. Plus on régularise, plus on crée de clandestins !

Mme Odette Terrade. Et de patrons qui les emploient !

M. Jean Desessard. Une vraie solidarité internationale permettrait aux pays d’origine de se développer et à l’émigration d’être non plus subie, mais choisie. Il est mieux que les personnes choisissent de circuler plutôt que d’être obligées de migrer pour trouver un travail.

Je veux poser deux questions à Mme la ministre.

Premièrement, lorsque nous avons examiné la réforme constitutionnelle, nous avons présenté un amendement visant à permettre le droit de vote des étrangers aux élections locales.

M. Philippe Marini. C’était dans les 110 propositions ! Même François Mitterrand ne l’a pas fait !

M. Jean Desessard. Je n’ai rien contre les interruptions – cela met en musique mes paroles –, mais à condition que le temps qu’utilisent les interrupteurs pour faire part de leurs appréciations soit décompté de mon temps de parole. (Mme Catherine Procaccia proteste.)

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Desessard.

M. Jean Desessard. Vous avez rejeté notre proposition et refusé d’accorder le droit de vote aux étrangers aux élections locales au motif qu’il fallait une réciprocité.

M. Roger Romani. Eh oui, c’est un minimum !

M. Jean Desessard. Madame la ministre, puisque votre texte prévoit des dispositions en faveur des étrangers, pouvez-vous m’indiquer quelles sont les mesures réciproques prévues avec tous ces pays ?

M. Christian Cambon. Cela n’a rien à voir !

M. Jean Desessard. Si, car je suppose que l’argument de la réciprocité n’est pas simplement destiné à refuser le droit de vote aux étrangers, mais qu’il vaut pour l’ensemble de la politique.

Deuxièmement, en cette période de présidence française et puisque le Président de la République veut être le moteur de l’Union européenne, il serait intéressant de savoir quelle politique le Gouvernement compte proposer en termes de fiscalité européenne concernant les revenus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. L’article 32 est essentiel en termes d’exemplarité et d’affichage vis-à-vis des travailleurs étrangers vivant dans notre pays.

J’ai participé à midi à un rassemblement devant la préfecture du Val-de-Marne…

M. Jean Desessard. Moi aussi !

Mme Odette Terrade. … pour soutenir des sans-papiers employés pendant des années dans des conditions lamentables, avec des salaires de misère. Je ne citerai que deux entreprises de mon département : Métal Couleur et Paris Store.

M. Philippe Marini. Il y a des employeurs qui ont des choses à se reprocher !

Mme Odette Terrade. Aujourd’hui, leurs employeurs ne veulent pas les réembaucher.

Le projet de loi évoque les étrangers qui apportent une contribution économique exceptionnelle à la France. Ces salariés, qui n’ont que leur force de travail, ont apporté une contribution exceptionnelle à notre pays en venant travailler ici dans des conditions difficiles et pour des salaires de misère ! Les responsables, ce ne sont pas ces salariés, ce sont bien les entreprises qui les ont employés dans ces conditions.

Notre groupe demande également un scrutin public sur l’amendement n° 502.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je ne comptais pas intervenir, car je considérais cet article comme positif.

Soyons clairs : ceux qui gèrent la finance internationale ne connaissent pas les frontières, et nous en sommes complètement dépendants. C’est une réalité !

M. Jean Desessard. L’esclavage a aussi été une réalité !

M. Yves Pozzo di Borgo. J’apprécie beaucoup ce que vous avez pu dire, mon cher collègue, à propos des principes. Cependant, en tant qu’élu de Paris depuis dix ans, je peux vous dire que, avec de tels principes, on voit à quel point la capitale se dégrade et recule au rang d’une sous-préfecture. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)