Article 30 septies
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Articles additionnels avant l'article 32

Article 31 bis

I. - Dans le titre XIV de la Constitution, il est rétabli un article 87 ainsi rédigé :

« Art. 87. - La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage. »

II. - Non modifié..................................................................... – (Adopté.)

Article 31 bis
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 32

Articles additionnels avant l'article 32

M. le président. L'amendement n° 84, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article 88-1 de la Constitution est supprimé.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Je défendrai également l’amendement n° 85, monsieur le président.

Nous estimons que la caducité du traité de Lisbonne doit être prise en compte dans la Constitution.

Le vote du peuple irlandais entraîne de facto une nouvelle négociation entre les États membres. Il y aura donc à la clé un nouveau traité. Procéder autrement serait une violation flagrante des principes du droit international.

Aussi, nous vous invitons à ne pas renouveler les erreurs passées. En effet, le traité constitutionnel européen repoussé par référendum le 29 mai 2005 est demeuré dans la Constitution jusqu'en 2008.

Au travers de cet amendement n° 84, l'occasion vous est offerte d'adapter immédiatement la Constitution à l'évolution institutionnelle européenne en supprimant le second alinéa de l’article 88-1 de la Constitution.

En ce qui concerne l’amendement n° 85, il vise à supprimer les dispositions votées par le Congrès du Parlement devant s'appliquer lors de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, aujourd'hui caduc.

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution est abrogé.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les dispositions du second alinéa de l’article 88-1 de la Constitution doivent être maintenues, car le sort définitif du traité de Lisbonne n’est pas connu.

Les ratifications se poursuivent. Le « non » irlandais est pris en compte et les vingt-sept membres de l’Union européenne cherchent une solution.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que, depuis l’examen de ce texte en première lecture, la Belgique a ratifié le traité le 10 juillet ; l’Espagne l’a ratifié hier. Vingt-trois États sur vingt-sept l’ont déjà ratifié. Bien entendu, il n’y a pas de violation du droit des traités.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 32
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 33

Article 32

L'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne.

« Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.

« Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 5 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 140 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 88-4 de la Constitution, remplacer les mots :

est instituée une commission chargée

par les mots :

est institué un comité chargé

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour défendre l’amendement n° 5.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne la commission chargée des affaires européennes et vise à revenir à la rédaction que nous avions adoptée au Sénat concernant la future dénomination de l’actuelle délégation pour l’Union européenne.

Afin de donner aux futures instances en question une véritable existence transversale, indépendante des commissions permanentes, il convient de modifier leur appellation actuelle.

Le terme « commission » a tendance à créer la confusion avec les commissions permanentes.

Là encore, je reprendrais mot pour mot les propos de M. le rapporteur en première lecture : « La dénomination de “ comité chargé des affaires européennes ”, qui avait été proposée par nos collègues Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet, est préférable, quoi qu’en disent certains députés, à celle de “ commission chargée des affaires européennes ”. »

En effet, il s’agit de faciliter l’identification de ces organismes, qui occupent aujourd’hui une place essentielle dans chaque assemblée, en les distinguant des commissions permanentes et des commissions spéciales.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Et le rapporteur de poursuivre : « J’ai tenu à déposer cet amendement en accord avec le président de la Délégation pour l’Union européenne, M. Haenel, pour bien marquer les différences de compétence entre ce comité chargé des affaires européennes et les commissions permanentes ou les commissions spéciales de nos assemblées. ».

Tout le monde était donc d’accord pour que ce changement de dénomination ait lieu, que la « commission chargée des affaires européennes » devienne « comité chargé des affaires européennes ».

Lorsque j’ai posé la question à M. le rapporteur, lors de notre dernière réunion en commission, sachant que tout le monde était d’accord, il m’a répondu que telle était la volonté de l'Assemblée nationale. Ce n’est pas très satisfaisant.

Je vous propose donc de suivre le raisonnement de M. Hyest dans ses conclusions, lors de la première lecture, et d’adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 140.

M. Bernard Frimat. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Effectivement, comme je l’avais indiqué en première lecture, le terme « comité » aurait été meilleur pour bien marquer la différence avec les commissions permanentes ou les commissions spéciales.

J’ajoute pour ceux dont la connaissance de l’anglais est imparfaite qu’en anglais « comité » et « commission » se traduisent tous deux par « committee ». Donc, de toute façon, sur le plan européen, cela ne changeait rien.

Le président de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne est, semble-t-il, très attaché au terme « commission ». Sur le fond, cela ne remet pas en cause le rôle des commissions permanentes. Ainsi que nous l’avons évoqué tout à l’heure, on ne peut appartenir qu’à une seule commission, mais la Délégation pour l’Union européenne est constituée de membres des commissions permanentes. Donc, cela ne modifie en rien les fonctions respectives de la Délégation et des commissions permanentes.

J’aurais presque eu envie de recourir à une troisième lecture pour régler ce seul point, mais cela me paraît superflu. (Sourires.) Dans le dialogue fructueux qui s’est établi entre les deux assemblées, je pense que le Sénat a obtenu bien plus sur certains aspects fondamentaux, notamment l’équilibre des juridictions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. D’abord, je tiens à remercier le rapporteur de nous éviter une troisième lecture pour régler ce point. (Nouveaux sourires.)

J’ajoute, chacun l’a compris, qu’il ne s’agit pas d’une commission au sens de l’article 43 de la Constitution. C’est une question de dénomination, et cela ne changera pas le rôle de cette instance, qu’elle s’appelle « comité » ou « commission ».

M. Robert Bret. Nous voilà grandement soulagés !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 140.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 32.

(L'article 32 est adopté.)

Article 32
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article additionnel après l'article 33

Article 33

L'article 88-5 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 88-5. - Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République.

« Toutefois, par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l'adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 89. »

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaite m’exprimer sur cette question du référendum qui, d’une certaine manière, renvoie au référendum préalable à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Nous avons été nombreux dans cet hémicycle à nous opposer, à droite comme à gauche, à ce que l’on pouvait légitimement appeler l’amendement « anti-Turquie ». Nous avons supprimé cette mesure, sans pour autant convaincre l’Assemblée nationale de s’en tenir à la procédure prévue par l’article 89 de la Constitution, et nous le regrettons.

En effet, que l’on soit pour ou contre la Turquie – là n’est pas la question ! – on ne peut créer un système qui a pour objet de soumettre l’entrée d’un pays à un référendum automatique qui n’existe que pour ce seul pays.

Or la nouvelle disposition que l’on nous propose aujourd’hui est en réalité un référendum quasi automatique : le référendum est le principe, sauf si les trois cinquièmes des parlementaires s’y opposent par une motion adoptée en termes identiques par les deux assemblées.

Mes chers collègues, quoi que nous fassions, l’article 88-5 de la Constitution sera marqué du sceau indigne et inique de la discrimination et de la méfiance de nombreux collègues et du Président de la République à l’égard de la Turquie.

Ce texte n’est que le prolongement édulcoré de celui que nous avons supprimé au Sénat : il ressuscite sous une nouvelle forme où toute mention de la population est absente, mais où l’ombre de l’adhésion de la Turquie plane. Quelle hypocrisie !

Le présent article n’est que le résultat d’un tripatouillage visant à contenter les quatre-vingt-cinq députés farouchement opposés à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, et à rassurer ceux d’entre nous qui y voyaient une insulte à l’égard de ce pays.

Pensez au peuple turc qui nous observe : on ne s’honore pas, aujourd’hui, en trouvant un moyen de l’exclure de la construction européenne sans en avoir l’air, par un bricolage juridique !

La philosophie de cet article peut être ainsi résumée : comment évacuer la Turquie sans en avoir l’air. Pourtant, la Turquie, nous en aurons besoin dans l’avenir. C’est un pont vers d’autres pays, vers d’autres mondes.

Mes chers collègues, le mal a déjà été fait : si l’on ne revient pas à la procédure de l’article 89, l’article 88-5 de la Constitution demeurera une insulte à l’égard de la Turquie, et ce, quel que soit le dispositif qui sera inventé pour masquer le mépris que certains portent à ce pays.

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, sur l'article.

M. Josselin de Rohan. Je me félicite que le vote du Sénat ait été pris en compte par l’Assemblée nationale. Nous avons, à une très large majorité, repoussé un article dont la rédaction était offensante pour un pays allié et ami. Il était indispensable que nous manifestions de la manière la plus large notre désapprobation devant cette rédaction. Cela prouve d’ailleurs l’utilité d’une seconde chambre pour corriger les excès qui peuvent s’être manifestés dans la première.

Je ne souscris pas aux propos excessifs de Mme Boumediene-Thiery. Le référendum a toujours été reconnu comme un moyen d’approbation des traités. C’est une possibilité que le Président de la République pouvait, à tout moment, invoquer.

Le Président de la République actuel, comme d’ailleurs son prédécesseur, a toujours fait savoir qu’en raison des problèmes que cela posait pour la France et pour l’Union européenne on demanderait au peuple français son avis sur l’adhésion de la Turquie. Il n’y a rien d’offensant à cela ! Ce qui est offensant, c’est de ne le faire que pour la Turquie et non pour les autres pays.

M. Bruno Retailleau. Tout à fait !

M. Josselin de Rohan. Nous rétablissons maintenant le droit commun. Une disposition adoptée par l’Assemblée nationale prévoit la possibilité, sous réserve d’une majorité qualifiée dans les deux assemblées, de dispenser le Président de la République d’utiliser la procédure référendaire. En effet, un certain nombre de pays, notamment ceux des Balkans, vont solliciter leur adhésion à l’Union européenne. Or on ne devrait pas faire un référendum pour l’adhésion du Monténégro, du Kosovo, de la Macédoine et, éventuellement, de la Serbie. C’est le bon sens !

M. Josselin de Rohan. Quand on sait le coût d’un référendum, les taux d’abstention qui sont enregistrés, quand on sait que, très souvent, ce n’est pas à la question qu’on répond, mais au questionneur et sur d’autres sujets qui n’ont strictement rien à voir avec la question posée, on comprendra que, pour des pays qui ne posent pas de problèmes particuliers, la ratification par la voie parlementaire soit tout à fait légitime.

Au demeurant, de quel droit considère-t-on comme antidémocratique une ratification par la voie parlementaire ? Celle-ci a toujours été prévue dans notre Constitution depuis que nous avons un État démocratique.

La formule qui a été adoptée me paraît parfaitement raisonnable. Autant j’étais opposé à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, autant je trouve que le dispositif qui nous est présenté aujourd’hui est convenable, raisonnable et n’est offensant pour personne. (M. Robert del Picchia applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, cette intervention sur l’article me dispensera de longs développements sur mon amendement.

En première lecture, 297 d’entre nous avaient voté pour la suppression de la disposition introduite par l’Assemblée nationale et 7 avaient voté contre. Le vote fut donc quasi unanime. C’était en tout cas un vote très net, qui, en supprimant une mesure discriminatoire, replaçait le problème dans la logique initialement définie avant l’adoption du référendum obligatoire pour la Turquie.

Nous rendions ainsi au Président de la République sa prérogative qui était, pour toute demande d’adhésion, de pouvoir choisir entre le référendum et la ratification par le Congrès.

Il nous semble que cette position était la bonne. C’est celle que nous avions défendue lors de la précédente révision constitutionnelle, c’est celle que nous avons défendue en première lecture, et c’est celle que nous défendons aujourd’hui. Nous ne changerons pas notre position sur ce point. En matière de ratification d’une nouvelle adhésion, le Président de la République doit pouvoir jouir de ses privilèges.

Or, là, on renverse la charge de la preuve, dans un exercice assez compliqué puisque le référendum concerne tout le monde. M. de Rohan vient de nous dire qu’en réalité ce n’était pas vrai et que, dans certains cas, le bon sens commandait de ne pas recourir au référendum. Donc, on le prévoit pour tout le monde, en sachant qu’il ne peut valoir pour tout le monde !

Et comme il faut tout de même bien trouver une mesure qui ait l’apparence de l’universalité, on précise que, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, le Parlement pourra autoriser le Président de la République à ne pas soumettre le projet de loi de ratification au référendum. Il aurait peut-être été plus simple de laisser au Président de la République la possibilité d’arbitrer, comme nous le demandions, entre référendum ou Congrès.

Nous ne nous retrouvons pas dans ce compromis qui a surtout comme première et grande qualité d’être interne à l’UMP. Mais nous comprenons bien que, par les temps qui courent, il soit une impérieuse nécessité dans la perspective d’atteindre d’autres objectifs. Il reste, malgré tout, plus discrètement, moins pesamment, orienté de manière précise sur la Turquie, …

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Bernard Frimat. …et, d’une certaine façon, sans le dire, vous êtes arrivés au même résultat.

Nous ne nous associerons donc pas à cette réunion de famille qui a pris la forme de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, sur l'article.

M. Christian Cointat. Je n’avais pas voté la réforme constitutionnelle qui a rendu obligatoire le référendum avant toute nouvelle adhésion. La raison en était très simple : je ne pouvais pas accepter que l’on retire au Président de la République le choix de la méthode de ratification, ainsi que l’avait prévu la Constitution de la Ve République.

Je reste donc logique avec moi-même. J’ai voté le texte du Sénat en première lecture parce qu’il redonnait au Président de la République un choix qui lui avait été indûment retiré, tout en l’assortissant d’une garantie supplémentaire qui ne me paraissait pas inutile, la majorité des trois cinquièmes, c’est-à-dire un dispositif semblable à celui qui est requis pour toute modification de la Constitution. Ce n’est donc pas rien, et beaucoup de précautions sont prises.

Pour aller à l’encontre de ceux qui ont toujours des craintes en ce qui concerne la Turquie, on a cherché une autre solution. Entre nous soit dit, je ne vois vraiment pas comment un Président de la République pourrait passer outre un référendum sur la Turquie ; les craintes ne sont donc que purement intellectuelles, mais en aucun cas réelles.

La solution qui a été trouvée est un peu compliquée, mais elle a le mérite de ne pas rendre obligatoire un référendum dans la mesure où peuvent se présenter des cas, comme l’a rappelé tout à l’heure M. de Rohan, où il serait ridicule d’aller jusqu’au référendum.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

M. Christian Cointat. Le jour où la Suisse voudra nous rejoindre, faudra-t-il organiser un référendum ? Il ne faut pas exagérer !

Nous avons donc fait un effort ! Je vais évidemment voter cet article un peu contraint et forcé, mais je le ferai parce que je reconnais qu’il faut aussi tenir compte de l’avis des autres.

Je souhaite à présent m’adresser à M. Retailleau. J’ai lu dans la presse – car, moi aussi, je lis la presse – que M. de Villiers avait déclaré qu’en l’absence de référendum obligatoire sur tout élargissement de l’Union européenne il ne voterait pas la révision de la Constitution. Je vous lance un appel : …

M. Bernard Frimat. C’est la pêche aux voix !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ils recrutent à l’extrême droite !

M. Christian Cointat. … si nous avons fait un effort pour aller dans votre sens, faites-en un vous aussi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quels efforts avez-vous faits ?

M. Christian Cointat. Avec cette rédaction, vous disposez vraiment de toutes les garanties : pour éviter un référendum, il faudra que tout le monde y mette du sien ! En outre, et c’est ce qui me permettra de voter ce texte sans trop d’états d’âme, le Président de la République aura la liberté de ne pas passer par la voie parlementaire, même si on le lui demande.

C’est pourquoi je lance cet appel : si les uns font un effort – et Dieu sait si nous en avons fait un ! –, que tout le monde fasse de même. M. Retailleau, votez la révision constitutionnelle !

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, sur l’article.

M. Robert Bret. Initialement, cela a été rappelé, le projet de loi visait à revenir sur la disposition « antiturque » qui avait été introduite dans la Constitution en 2005, sur l’initiative de Jacques Chirac.

Nous avions dénoncé, à l’époque, la mesure tendant à rendre obligatoire l’organisation d’un référendum sur l’adhésion de nouveaux États à l’Union européenne, indépendamment de l’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe, car elle constituait une mesure d’opportunité visant à rassurer une partie de la majorité hostile à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

Le traitement discriminatoire réservé à la Turquie étant trop visible, le texte initial du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République revenait sur la disposition adoptée en 2005 et prévoyait que toute loi autorisant la ratification d’un traité élargissant l’Union européenne puisse être adoptée, après un vote en termes identiques des deux chambres, par la voie du référendum ou du Parlement réuni en Congrès, avec l’exigence, dans ce dernier cas, d’une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Mais l’Assemblée nationale, en première lecture, a préféré conserver le principe du référendum obligatoire préalablement à l’entrée éventuelle de la Turquie dans l’Union européenne, tout en écartant cette obligation pour d’autres pays candidats. D’où une rédaction compliquée et confuse qui faisait appel à la démographie et rendait obligatoire le référendum pour les seuls États dont la population représentait plus de 5 % de la population de l’Union européenne.

Le Sénat a voté la suppression de ce référendum obligatoire « antiturc », avec raison, et le retour à l’option entre le référendum et la voie parlementaire pour les futurs élargissements de l’Union européenne.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a de nouveau modifié l’article 33 du projet de loi. Il est désormais prévu que le référendum est la voie ordinaire pour toute nouvelle adhésion, mais qu’il est possible de recourir à la voie du Congrès lorsqu’un quasi-consensus se dessine chez les parlementaires.

Je vous rappelle les propos de Mme le garde des sceaux : « La consultation du peuple français pour les élargissements les plus importants sera donc assurée par cette voie. Inversement, il sera possible d’éviter d’organiser des référendums de façon trop rapprochée dans des hypothèses où il n’y a pas d’enjeu […]. »

Que signifie l’expression « élargissements importants » et quels sont les élargissements pour lesquels « il n’y a pas d’enjeu » ? Quels sont les critères qui permettront de définir l’importance d’un élargissement ? Tout cela semble bien flou. Et pour cause, il s’agit encore d’une disposition d’opportunité visant la Turquie !

Ainsi, il reviendra au Parlement de décider si l’adhésion de tel ou tel État pose ou non un problème. Non, madame la ministre, c’est au peuple français qu’il appartient de le faire ! Il s’agit du destin de nos peuples : seuls les peuples doivent avoir la possibilité de décider et non pas ceux qui exercent le pouvoir en leur nom. La démocratie muselée qui nous est proposée débouche non pas sur l’avenir, mais sur une impasse !

C’est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen souhaite que cet article soit supprimé de ce projet de loi. Nous voulons que le peuple puisse se prononcer directement sur l’entrée dans l’Union européenne de tout État.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 18 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Darniche et Seillier.

L’amendement n° 86 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié.

M. Bruno Retailleau. Notre amendement de suppression vise à rétablir le verrou référendaire, tel qu’il avait été proposé, il y a trois ans, par Jacques Chirac et tel qu’il avait été voté par cette majorité sénatoriale, réunie en Congrès le 28 février 2005 ; ni plus, ni moins.

Je ne comprends pas le raisonnement de notre excellent collègue Christian Cointat. Il nous dit que la nouvelle rédaction de l’article 88-5 de la Constitution ne pose pas de problème puisqu’il y aura forcément un référendum. Dans ce cas, inscrivons le référendum dans la Constitution et revenons au texte de 2005 ! J’avais d’ailleurs dit, en première lecture, que la rédaction de l’Assemblée nationale ne me paraissait pas la meilleure et que je préférais revenir à celle de 2005. En tout cas, la rédaction que l’on nous propose aujourd’hui n’est pas satisfaisante parce qu’elle est très ambiguë, précisément du fait de la suppression de l’automaticité du référendum.

Mes chers collègues, pour les Français, une seule question compte : avec cette révision, conserveront-ils la garantie d’avoir le dernier mot sur les élargissements futurs de l’Union européenne et, notamment, sur les élargissements importants comme l’éventuelle adhésion de la Turquie ? La réponse est claire : non !

Je le regrette pour deux raisons.

La première, c’est que nous mettons en place un engrenage redoutable, qui peut déboucher sur un piège.

En effet, en 1999, au sommet d’Helsinki, la Turquie est admise comme pays candidat.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La demande d’adhésion remonte à 1963 !

M. Bruno Retailleau. En 2004, les négociations sont ouvertes. En 2007, notamment sous la présidence allemande, on engage les négociations sur trois chapitres de cette adhésion et, aujourd’hui, on supprime le verrou référendaire. J’y vois une logique qui va rendre le refus de cette adhésion très improbable et totalement inacceptable par les Turcs, auxquels on demande, de proche en proche, de réaliser d’énormes efforts.

La deuxième raison de mon regret, c’est que l’on accrédite, avec la suppression de ce verrou référendaire, l’idée de la construction d’une Europe a-démocratique. J’ai apprécié l’intervention du Président de la République sur une chaîne de télévision publique, il y a quelques semaines, au cours de laquelle il a dressé ce constat, et je pense que le diagnostic est juste : « Il y a eu erreur dans la façon de construire l’Europe. »

Où est l’erreur ? Que manque-t-il aujourd’hui à l’Europe ? L’assentiment, la raison du cœur, le consentement populaire sont absents. Tout est fait pour tenir systématiquement les peuples à l’écart.

Soit on ne les consulte pas, ce qui est souvent le cas pour les élargissements. Quand a-t-on interrogé les Français sur un élargissement pour la dernière fois ? Il y a bien longtemps ! Or un élargissement définit non seulement un périmètre, un espace, mais aussi un projet : c’est important !

Soit on les consulte : le référendum de 2005, le traité de Lisbonne, ersatz du traité constitutionnel. Mais quand les peuples ne donnent pas la réponse attendue, on cherche à contourner celle-ci, comme pour le vote des Irlandais. Ce n’est pas une bonne manière !

Au fond, que retiendront les Français de cette réforme ? Certainement pas la réforme du 49-3, l’ordre du jour partagé, etc. Ils risquent de ne retenir que la suppression de cette ultime garantie dont ils disposaient. Or il revient au peuple, en dernier ressort, de dire si, oui ou non, il souhaite partager son destin avec tel ou tel autre peuple.

Tel est le sens de cet amendement, qui mérite sans doute un peu d’attention.