M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de la discussion de cet important projet de loi et, avant d’en aborder les différents aspects, je tiens à remercier tout particulièrement le président du groupe de travail puis de la commission spéciale, M. Gérard Larcher, pour la très grande qualité des travaux de cette dernière, ainsi que, bien entendu, les rapporteurs et l’ensemble des intervenants, mais aussi nos collaborateurs.

La modernisation de notre économie est indispensable si nous voulons que la France puisse répondre de manière efficace aux défis du xxisiècle.

Je félicite donc le Gouvernement d’avoir, dès le titre Ier, mis l’accent sur la nécessité de développer nos PME. Au cours des très nombreuses et fructueuses auditions du groupe de travail, les représentants des entreprises ont souligné à quel point la France avait sans doute trop mis en avant le développement des très petites entreprises et des grands groupes industriels alors qu’elle manquait d’entreprises moyennes, ces dernières étant, par contraste, très nombreuses en Allemagne, ce qui explique sans doute certains succès économiques que connaît ce pays.

La création d’un statut particulier en faveur de l’entrepreneur individuel, dont on peut, certes, comprendre les motivations, continue cependant de susciter dans nos rangs des inquiétudes qui se manifestent également chez de nombreux artisans. Nous espérons que ce statut fera naître des vocations sincères d’entrepreneur individuel, comme vous venez de le souligner, madame la ministre, et que les facilités qui leur seront offertes ne seront pas détournées de leur finalité pour venir concurrencer les artisans déjà installés.

En ce qui concerne le visa fiscal accordé aux professionnels n’ayant pas adhéré à un centre de gestion agréé, nous regrettons que cette disposition, introduite sur proposition de notre collègue Jean Arthuis, n’ait pas été retenue par la commission mixte paritaire. Certes, elle faisait débat au sein des professionnels concernés, certains craignant qu’elle puisse remettre en cause l’existence des organismes de gestion agréés, ce qui, évidemment, n’était pas l’objectif initial.

S’agissant des délais de paiement, je reconnais qu’il n’était pas facile d’arbitrer entre des intérêts contradictoires, mais il convient de rappeler que l’article en cause figure dans le chapitre « Favoriser le développement des petites et moyennes entreprises ».

À cet égard, je n’étais pas très à l’aise avec le texte issu des travaux du Sénat, lequel donnait le sentiment, à tort ou à raison, de préserver les intérêts des grands donneurs d’ordre. Fort heureusement, la commission mixte paritaire a fait preuve d’une très grande sagesse en supprimant le régime dérogatoire que nous avions prévu pour les secteurs n’étant pas parvenus à un accord avant le 31 décembre 2008, ce qui aurait pu être très préjudiciable aux PME de certains secteurs de production, notamment dans l’automobile.

Je suis heureux que nous ayons adopté des mesures visant à faciliter l’accès privilégié des PME innovantes à la commande publique. Toutefois, nous le savons tous, l’essentiel reste à faire, à savoir mettre en place un Small Business Act à la française ou, plus exactement, à l’européenne. Or, dans l’immédiat, la réglementation communautaire nous en empêche, alors que ces dispositions nous semblent plus que jamais nécessaires afin que toutes les PME, et pas seulement les PME innovantes, puissent accéder à la commande publique.

Je suis également satisfait que la commission mixte paritaire ait conservé une disposition introduite par le Sénat après l’adoption d’un amendement présenté par notre collègue Daniel Soulage et que j’avais eu le plaisir de cosigner, disposition relative au crédit d’impôt « formation » s’appliquant aux GAEC, les groupements agricoles d’exploitation en commun.

Les mesures que nous avons adoptées visant à prendre en compte l’évolution des prix des carburants dans le coût du transport routier m’amènent à rappeler au Gouvernement que de très nombreuses professions souffrent actuellement de l’augmentation exponentielle des prix des carburants et qu’elles attendent avec impatience que des décisions soient prises afin de leur venir en aide.

Par ailleurs, madame la ministre, je suis heureux que nous ayons pu trouver un accord équilibré, me semble-t-il, sur la simplification des modalités de fonctionnement des sociétés par actions simplifiées, que vous venez d’évoquer longuement, et de l’intervention des commissaires aux comptes. Je crois pouvoir en dire autant du texte relatif aux sociétés d’exercice libéral, même s’il a été légèrement modifié par la commission mixte paritaire.

En ce qui concerne l’harmonisation pour tous les types de sociétés des droits d’enregistrement applicables aux droits sociaux, je suis personnellement satisfait que la commission mixte paritaire soit revenue au taux de 3 % pour les cessions de parts de SARL, de fonds de commerce et d’actions de sociétés, même si je comprends les préoccupations de notre collègue Philippe Marini, qui défend avec le talent que nous lui connaissons l’équilibre des finances publiques.

Dans le titre II de ce texte, le Gouvernement se fixe pour ambition de mobiliser la concurrence comme nouveau levier de croissance, et je crois pouvoir dire que, tous ici, nous souscrivons à cet objectif.

À cet égard, si nous nous réjouissons de l’adoption des mesures visant à renforcer la protection du consommateur, vous nous permettrez d’être quelque peu dubitatifs à l’égard de celles qui ont pour objet de mettre en œuvre la deuxième étape de la réforme des relations commerciales.

En effet, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, quelle que soit la sophistication des dispositions législatives que nous allons adopter, qu’elles concernent les conditions générales ou particulières de vente ou encore la sanction des abus dans les relations commerciales, à partir du moment où les fournisseurs et, notamment, les PME doivent négocier avec cinq hyperpuissantes centrales d’achat, les relations risquent d’être toujours aussi déséquilibrées et certaines dérives, bien connues, risquent de se poursuivre, le cas échéant, d’ailleurs, sous d’autres formes.

Je me félicite, en revanche, de ce que, comme il avait été proposé, une véritable coopération commerciale ait été reconnue entre les grossistes et les distributeurs.

En tout état de cause, si nous voulons rétablir un minimum de concurrence dans certains secteurs géographiques, il convient que l’Autorité de la concurrence puisse disposer de moyens suffisants pour lui permettre, ainsi que l’a souhaité le Sénat, de procéder au contrôle des concentrations.

En outre, la réforme de la TACA, la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, était indispensable. Le dispositif adopté par la commission mixte paritaire, qui relève à 5 000 mètres carrés le seuil de superficie à partir duquel s’applique une majoration de 30 % de cette taxe pour les magasins réalisant un chiffre d’affaires au mètre carré supérieur à 3 000 euros, devrait, à mon sens, satisfaire un très grand nombre de professionnels.

Nous avons regretté que tout lien ait été supprimé entre la TACA et l’activité artisanale ou commerciale, mais nous ne pouvons que nous féliciter de ce que le FISAC ait été conforté non seulement dans ses missions, mais également dans ses moyens. Nous espérons que les 100 millions d’euros supplémentaires qui lui seront affectés lui permettront de faire face à l’extension de ses actions et souhaitons qu’un peu plus de souplesse soit introduite dans son fonctionnement.

À cet égard, j’avais proposé, voilà quelques mois, que les dossiers de demande d’aides du FISAC puissent être entièrement traités au niveau des préfectures sans avoir à « remonter » à Paris au secrétariat d’État chargé du commerce et de l’artisanat : cela, je n’en doute pas, nous ferait gagner en temps et en efficacité !

S’agissant maintenant du régime juridique de l’urbanisme commercial, la commission mixte paritaire nous propose une rédaction de compromis permettant, dans les communes de moins de 20 000 habitants, aux maires et aux présidents des EPCI compétents en matière d’urbanisme ou chargés des SCOT, de saisir la CDAC pour l’implantation de surfaces commerciales comprises entre 300 et 1 000 mètres carrés.

Je ne vous cache pas que le relèvement du seuil à 1 000 mètres carrés continue de nous préoccuper, dans les territoires ruraux en particulier. Car si nous comprenons très bien l’objectif du Gouvernement visant à instaurer une plus grande concurrence à l’égard des grandes surfaces commerciales déjà établies, le hard discount concurrencera également les commerces des centres-villes ou des bourgs-centres. J’attire donc l’attention du Gouvernement sur le risque de désertification commerciale et, en tout état de cause, je lui demande de procéder à un « service après-vote » de cette partie de la loi auprès de nos collègues maires et présidents d’EPCI, afin de bien les informer des nouvelles et importantes responsabilités qui vont leur échoir en matière d’urbanisme commercial.

Le titre III comporte un certain nombre de dispositions de nature à développer l’accès au très haut débit et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Pour ce qui est du très haut débit, je regrette que le Sénat n’ait pas eu la possibilité d’examiner un amendement que j’avais déposé, lequel avait pour objet de créer un fonds de péréquation en faveur des zones rurales pour qu’elles puissent, elles aussi, espérer être un jour équipées en très haut débit.

Je le rappelle, au cours de nos auditions, il nous a été précisé que l’installation de la fibre optique coûterait en moyenne, par habitant, 85 euros en Île-de-France et près de 1 200 euros dans le Massif central ; inutile de vous dire que, sans fonds de péréquation alimenté par une taxe sur les opérateurs téléphoniques, ces derniers n’équiperont pas de sitôt les zones rurales.

Le fait que cet amendement ait été déclaré irrecevable par la commission des finances au titre de l'article 40 m’est apparu un peu sévère. Nous avons entendu tout à l’heure notre collègue Gérard Larcher évoquer l'équilibre des territoires. Nous ne donnons pas véritablement les moyens pour y parvenir.

En ce qui concerne la TNT, le texte que nous allons adopter permettra de réaliser un certain nombre de progrès. Je suis heureux, par exemple, que le CSA puisse procéder à des expérimentations locales dans le cadre de l’extinction de la diffusion analogique des services de télévision remplacée par le numérique.

Au titre IV, dont l’objet est de mobiliser les financements pour la croissance, le texte proposé par la commission mixte paritaire pour la généralisation de la distribution du livret A, qui a largement repris la position adoptée sur ce sujet par le Sénat, me paraît très équilibré.

Il conviendra de veiller à ce que la Caisse des dépôts et consignations bénéficie bien d’un minimum de 70 % des dépôts collectés au titre du livret A, afin de préserver le financement du logement social. Nous ne pouvons que nous féliciter de ce que les ressources non centralisées soient affectées, notamment, au financement des PME.

Cela étant, je regrette que certaines propositions, en particulier celles de notre collègue Anne-Marie Payet qui étaient relatives à la lutte contre l’alcoolisme, n’aient pas été reprises par la commission mixte paritaire. Celles-ci avaient pourtant leur utilité dans la mesure où elles traduisaient une volonté réelle de permettre aux départements d'outre-mer de faire face plus efficacement à ce problème.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler à l’égard des conclusions que nous propose d’adopter la commission mixte paritaire.

M’exprimant au nom du groupe de l’UC-UDF, dont vous avez tout à l’heure un peu oublié l’existence et l’engagement dans ce débat depuis quinze jours, madame la ministre, je me dois de vous préciser que plusieurs de nos collègues n’ont pas forcément été convaincus de la validité de certaines des mesures contenues dans ce projet de loi et ne souhaitent donc pas s’y associer. Néanmoins, la majorité de notre groupe approuve ce texte et estime que les actions engagées sont à la fois satisfaisantes et équilibrées. C’est la raison pour laquelle elle les votera. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et sur plusieurs travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l’examen de ce projet de loi. De 44 articles dans le projet de loi initial, nous devons nous prononcer aujourd’hui sur un texte qui en comporte 170. Je ne sais trop s’il faut nous réjouir de la richesse de ce projet de loi ou, au contraire, déplorer son manque de cohérence.

En revanche, il est indéniable que ce texte nécessite un important effort d’information et de pédagogie auprès des acteurs économiques, mais aussi des élus, si nous voulons véritablement faire vivre la réforme. J’insiste notamment sur le rôle des maires ; près d’une quinzaine de dispositions les concernent directement. Il est indispensable qu’ils prennent rapidement conscience des nouvelles compétences que ce texte leur accorde, des contraintes qu’il leur impose, ainsi que des évolutions de la fiscalité locale qu’il organise.

Je voudrais vous livrer un certain nombre de réflexions.

Tout d’abord, je regrette la déclaration d’urgence et l’examen précipité de ce projet de loi, à la fin de la session extraordinaire. Ce texte aurait pour le moins mérité deux lectures, vu la variété des thématiques abordées.

M. Daniel Raoul. Très bien !

Mme Anne-Marie Payet. Au cours des débats au Sénat, nous avons eu l’occasion de souligner à maintes reprises que, sur certaines problématiques, la réflexion n’avait pas encore abouti.

J’en viens aux dispositions relatives aux départements d’outre-mer. J’ai déjà rappelé, au cours de la discussion générale, que dans les DOM, contrairement à ce qui se passe en métropole, les économies sont en phase directe avec la concurrence des pays moyennement avancés, où les prix de production sont extraordinairement inférieurs à ceux des DOM et où les normes inexistantes faussent totalement la concurrence. À cela s’ajoute la distance par rapport à la métropole et aux marchés importants.

Pour toutes ces raisons, j’avais souligné combien il était important d’adapter ce projet de loi aux spécificités des DOM. Certes, l’adaptation des délais de paiement, qui permet de faire courir le délai à partir de la réception des marchandises, a été maintenue. En revanche, aucune des lacunes que j’avais listées n’a été comblée, les amendements que j’avais déposés en ce sens ayant été refusés.

Je citerai, à titre d’exemple, l’adaptation du Small Business Act au tissu économique des DOM ou le FISAC, qui ne fonctionne pas dans les DOM, ce qui est d’autant plus dommageable que ses prérogatives ont été élargies. De même, mon souhait de voir l’Autorité de la concurrence et Oséo présents ou, du moins, représentés par les services déconcentrés de l’État dans les DOM n’a pas été pris en compte. Sur tous ces sujets, il n’y a eu aucune avancée.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les dispositions adoptées par la CMP, que mon collègue Claude Biwer a très clairement exposées. Mais je regrette particulièrement que ce texte, qui apporte des réponses concrètes à un grand nombre de besoins cruciaux de notre économie, ait perdu en commission mixte paritaire une partie du supplément d’âme que nous lui avions donnée.

Nous avions, mes chers collègues, prévu de mettre fin à une situation anachronique en étendant aux départements d’outre-mer le monopole de vente au détail du tabac appliqué en France métropolitaine.

Le Sénat avait adopté une première fois cette disposition éthique et de bon sens lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2008. Déjà, la CMP était revenue sur cette initiative. II va falloir y revenir à nouveau, mais sans doute avec plus de succès, je le dis en toute confiance, car la nécessité irrésistible s’affirme d’aligner dans ce domaine le régime des DOM sur celui de la France métropolitaine.

J’en veux pour preuve le fait que personne n’a formulé d’objection à l’adoption de l’interdiction de vendre le tabac en distributeur automatique dans les DOM. Chacun a compris que cette interdiction, déjà appliquée en métropole; vise à protéger les jeunes contre le tabagisme.

Or il n’échappe à personne que l’argument de la lutte contre le tabagisme des mineurs est tout aussi valable en faveur de l’extension aux DOM du monopole de la vente au détail. L’objectif de l’extension du monopole est, en effet, de limiter le nombre des points de vente dans les DOM, de rendre plus difficile l’accès au paquet de cigarettes. II s’agit de faire en sorte que les jeunes aient à se présenter dans un débit spécialisé pour acheter leur premier paquet de cigarettes. Il faut que ce geste soit un peu plus compliqué, plus grave, plus dissuasif que ce n’est le cas à l’heure actuelle.

En outre, si je me réfère à l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans déjà en vigueur, il importe que l’interdiction soit respectée dans les DOM comme en métropole, ce qui exige que l’on cesse de distribuer le tabac n’importe où et sans contrôle. Il est clair que le contrôle que l’on peut exiger d’un buraliste sensibilisé au respect de la réglementation de la vente du tabac ne peut être attendu de la part des petits commerçants de proximité qui débitent le tabac parmi bien d’autres produits ; ce serait illusoire !

Une dynamique irrésistible conduit donc à l’application dans les DOM du monopole de la vente du tabac au détail.

Je sais bien que le monopole n’a pas été créé dans un but de santé publique ; je crois vous avoir entendu déployer cet argument en séance, madame la ministre. Je sais aussi que, dans la logique initiale de ce système, conçu pour assurer l’exploitation rationnelle d’un excellent gisement fiscal, l’objectif du ministère des finances est de mettre le tabac à la portée de tous en multipliant les points de vente autorisés. Nous sommes manifestement sortis de cette logique, et le fait que le monopole devienne peu à peu un instrument de la politique de santé publique ne surprend que les intégristes du prélèvement fiscal. Alors, pourquoi retarder l’échéance ?

Il faut préserver le petit commerce de proximité, me dit-on. Bien sûr, mais à quel prix pour la santé ? J’ai rappelé, dans mon intervention en première lecture, qu’à La Réunion le tabac représente la première cause de mortalité par cancer. Alors, ne faut-il pas protéger la jeunesse contre l’encouragement à l’addiction que représente la facilité d’accès au tabac ? Ne faut-il pas la protéger non seulement en interdisant la vente aux mineurs, mais aussi en installant dans les DOM les conditions du respect de cette interdiction ?

On me dit encore qu’il faut étudier les répercussions de l’extension du monopole sur l’économie locale et sur les finances des conseils généraux, qui perçoivent le produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés.

Une mission de la Direction générale des douanes et droits indirects a été dépêchée à cet effet dans les DOM ; un rapport sera remis à la fin de l’été. Fort bien ! Mais en quoi cela justifie-t-il la suppression d’une mesure législative que nous savons inéluctable et dont nous avions prévu qu’elle ne prendrait effet que dix-huit mois après l’entrée en vigueur de la loi ? Ce délai me semblait très suffisant pour mettre en œuvre les mesures d’accompagnement nécessaires, et la mission de la Direction générale des douanes et droits indirects a sans nul doute identifié ces mesures.

La seconde disposition adoptée par le Sénat sur ma proposition et abandonnée par la CMP est l’interdiction de la vente du tabac en exonération de droits et taxes dans les comptoirs de vente d’aéroports entre la France métropolitaine et les départements d’outre-mer. Là, les choses se présentent de façon à la fois plus simple et plus compliquée.

Elles sont plus simples, car je n’imagine pas que cette suppression, limitée aux mouvements de voyageurs entre la métropole et les DOM, puisse mettre en grand danger le commerce des duty free.

Elles sont aussi plus compliquées, car l’Europe intervient dans ce dossier avec une règlementation aux termes de laquelle les DOM ne sont pas considérés comme partie du territoire de la Communauté européenne du point de vue de la politique fiscale commune. Dans ces conditions, le transport de marchandises entre la métropole et les DOM est considéré comme une exportation, et les produits vendus dans les comptoirs d’aéroports sont exonérés de droits et taxes dans des limites précisées par une directive. Il s’agit, en l’occurrence, d’une cartouche de cigarettes par personne. En fait, si le passager veut acheter une deuxième cartouche, personne ne s’y oppose ; j’ai pu le constater.

Sans entrer dans ces considérations, l’amendement que vous aviez adopté, mes chers collègues, se bornait à considérer comme effectuée à un prix de nature promotionnelle contraire aux objectifs de santé publique la vente de tabac en franchise de droits et taxes dans les comptoirs de vente des aéroports entre la France métropolitaine et un département d’outre-mer.

Dans la mesure où l’article 38 de la loi relative à la politique de santé publique interdit la vente d’un produit du tabac à un prix promotionnel, l’obstacle représenté par la réglementation douanière communautaire était réglé de la façon la plus simple. Et je n’ai pas entendu de critique juridique contre cette solution.

Il nous faut abandonner cette démarche, mais tentons quand même d’avancer, madame la ministre. La directive 2007-74 doit être transposée d’ici au 1er décembre 2008. Elle prévoit la possibilité de ramener la franchise à quarante cigarettes par voyageur. Je serai très attentive, madame la ministre – nous serons très attentifs, j’espère, mes chers collègues – à ce que ce seuil soit retenu. En effet, s’il ne nous est pas possible de corriger aujourd’hui pour les transports de voyageurs entre la France métropolitaine et les DOM un volet du régime de franchise tout à fait discutable du point de vue de la santé publique, nous devrons nous y prendre autrement pour aboutir à un résultat à peu près satisfaisant du même point de vue.

Pour conclure, madame la ministre, la spécificité juridique des DOM a sa raison d’être quand elle corrige les handicaps entravant le développement harmonieux de ces parties du territoire national. En revanche, cette spécificité constitue un anachronisme quand elle déroge au droit commun de la République française pour perpétuer une situation néfaste.

C’est pourquoi je voterai contre ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un marathon législatif commencé au mois de mars sur un projet de texte, avec quelque 92 auditions brillamment pilotées par le président Gérard Larcher, dont je salue l’initiative, et ce dans un esprit d’écoute et de compréhension mutuelles. Je serais, en revanche, moins dithyrambique sur la « coproduction » ; vous vous doutez bien pourquoi !

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui comporte finalement près de quatre fois plus d’articles que le texte sur lequel nous avions travaillé lors de ces auditions. Les débats ont duré près de 150 heures et environ 2 500 amendements ont été déposés dans les deux assemblées. Tous ces éléments témoignent d’une certaine impréparation du texte et amènent à s’interroger sur la déclaration d’urgence.

Ce projet de loi, pour le moins complexe, sinon fourre-tout, comporte de vrais cavaliers. Je ne prendrai que deux exemples : RFI et la carte privilège ; que viennent faire de telles dispositions dans un texte ayant pour objet de moderniser l’économie ?

Je ne peux croire que certains des amendements adoptés aient une corrélation avec la proximité de certaines échéances. Catégoriels ou corporatistes, ceux-ci vont, en tout cas, provoquer une perte de recettes de l’ordre de 600 millions d’euros. Permettez-moi, madame la ministre, de corriger votre évaluation optimiste, qui chiffre le surcoût des modifications apportées par le Sénat à 150 millions d’euros. Cela s’ajoutera aux effets de la loi TEPA, bénéfiques, selon vous, ce en quoi nos opinions divergent, et ce au moment même où les deux commissions des finances des assemblées, notamment notre rapporteur général, disent vouloir s’attaquer aux niches fiscales. Quelle contradiction flagrante entre les déclarations et les actes !

Premier exemple, alors que vous nous rebattez les oreilles des droits du Parlement et de leur revalorisation, vous faites fi de la demande d’une mission commune d’information sur l’article 38 adoptée à l’unanimité des trois commissions de l’Assemblée nationale, à la suite d’un rapport consensuel.

Deuxième exemple, l’article 16 : un amendement, voté à l’unanimité par notre assemblée avec avis favorable de la commission spéciale, a été rejeté en seconde délibération et n’a pas été retenu en CMP. Que faites-vous de l’autonomie fiscale des collectivités prévue par la Constitution ?

Troisième exemple, l’article 41 : vous refusez, jusqu’à présent en tout cas et malgré les assurances données tout à l’heure par le président Gérard Larcher, la représentation de la minorité du Sénat, alors que l’Assemblée nationale prévoit une telle mesure.

Quatrième exemple, les tarifs réglementés de l’électricité. Par le truchement d’une seconde délibération, vous allez jusqu’à renier des engagements ministériels pris sur la date de 2010.

C’est ainsi que vous valorisez le travail effectué ici, dans une ambiance tout à fait respectable, je le reconnais.

S’agissant du fond, avec ce texte, on va aboutir à une précarisation accrue par le biais du statut de l’auto-entrepreneur, une avancée remarquable, selon vous. Sans doute confondez-vous, madame la ministre, la création d’entreprise et la création d’activités.

Je crains, par ailleurs, que vous ne soyez atteinte, par contagion, peut-être, du même TOC que Mme la commissaire européenne, à savoir du « trouble obsessionnel de la concurrence ». (Sourires.) On a pu démontrer, avec l’ouverture du marché, que cela n’avait pas un effet positif sur les prix : c’est l’inverse !

Prenons l’exemple de l’énergie, tout spécialement de l’électricité : on ne peut pas continuer à fermer les yeux sur ce qui se passe aujourd’hui au niveau européen. Avant même l’envolée du cours du pétrole, l’ouverture du marché n’a fait que porter les prix à la hausse. Est-il meilleur aveu, d’ailleurs, que la création du TARTAM, le tarif réglementé transitoire d’ajustement au marché ? L’électricité n’est pas un bien comme les autres, on le sait : ne pouvant être stockée, ou faiblement à la marge, elle doit être consommée instantanément ; en tout cas, elle ne se prête pas à des spéculations sur le stockage.

La présidence française serait bien inspirée d’organiser une politique européenne de l’énergie. Un rapport de notre commission avait d’ailleurs formulé une telle recommandation ; celle-ci corroborait une proposition de résolution de notre collègue Ladislas Poniatowski sur la mission commune d’information relative à la panne d’électricité que nous avons failli connaître en France. Pendant qu’il est encore temps, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, essayons d’éviter le modèle Enron !

Je n’évoquerai que quelques points de désaccord tant nous avons suffisamment débattu nuit et jour ; nos nuits ont sans doute été plus belles que nos jours ! (Sourires.)

Il s’agit, tout d’abord, du statut de l’auto-entrepreneur, sans immatriculation, sans qualification, sans assurance, sans comptabilité et sans sécurité du consommateur, lequel est aussi l’un des grands absents de ce texte. Où est l’action de groupe encadrée, l’Arlésienne tant de fois annoncée ? Voilà qui n’est pas fait pour rendre confiance aux ménages et relancer la consommation !

Madame la ministre, vous avez évoqué une étude du cabinet KPMG. Mais regardez la baisse de la consommation. Ce sont là des chiffres en grandeur réelle et instantanés ! En réalité, au travers de certains articles de ce projet de loi, vous allez étendre la précarité et, en particulier, légaliser le travail au noir.

Ensuite, ce texte, auquel vous n’avez pas osé donner votre nom, madame la ministre, pourrait être appelé « loi MEL » ; vous voyez très bien à qui je fais allusion ! (Sourires.)

Après avoir légalisé le racket avec la loi Chatel, nous consacrons la loi de la jungle, car, avec les CGV, les conditions générales de vente, qui vont glisser vers les CGA, c'est-à-dire les conditions générales d’achat, vous allez donner aux grandes centrales d’achat les moyens d’asphyxier les petits fournisseurs.

Permettez-moi d’utiliser mes modestes connaissances en mathématiques pour traduire cette situation en équation : CGV + CGA = CPA, c'est-à-dire cession programmée d’activité des petits fournisseurs.

Quant aux articles de ce texte sur l’urbanisme commercial, notre collègue député Jean-Paul Charié, rapporteur de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, reconnaît lui-même, après étude de la situation de sa circonscription, qu’ils ne sont ni faits ni à faire.

D'ailleurs, on nous annonce dans les six mois qui viennent – vous venez de le confirmer, madame la ministre – un nouveau texte sur l’immobilier commercial. Mais, dans ce cas, pourquoi faire adopter en urgence ce projet de loi ?