compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard larcher

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à la commission des affaires européennes

M. le président. L’ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission des affaires européennes.

Conformément au calendrier précédemment arrêté par le Sénat, la liste nominative des candidats à la commission des affaires européennes a été remise avant 14 heures 30 à la présidence.

Cette liste a été affichée à 15 heures.

S’il n’y a pas d’opposition dans le délai d’une heure, cette liste sera ratifiée et la commission des affaires européennes pourra se réunir à 16 heures 15 afin de se constituer.

3

Photographie officielle du Sénat

M. le président. Mes chers collègues, nous allons procéder à des prises de vue de l’hémicycle pour photographier le Sénat renouvelé.

Je vous demanderai quelques instants de patience, et surtout de rester assis immobiles et de regarder l’appareil pour que la « photo de famille » soit réussie. (Sourires.)

De plus, je rappelle qu’à la suspension de notre séance la photo officielle des 75 femmes membres du Sénat sera prise dans l’escalier d’honneur. (Exclamations amusées.)

4

Suspension de la séance

M. le président. Je vais suspendre la séance.

Elle sera reprise à l’issue de la conférence des présidents qui se tiendra à 18 heures pour la lecture de ses conclusions.

Je vous rappelle par ailleurs qu’à 21 heures 30 nous entendrons une déclaration du Gouvernement sur la crise financière et bancaire.

La conférence des présidents fixera les modalités du débat qui pourrait suivre.

La séance est suspendue.

(La séance est suspendue à quinze heures dix.)

5

Nomination des membres de la commission des affaires européennes

La liste des candidats n’ayant fait l’objet d’aucune opposition pendant le délai réglementaire, elle se trouve ratifiée et sont donc nommés membres de la commission des Affaires européennes :

MM. Robert Badinter, Denis Badré, Jean-Michel Baylet, Pierre Bernard Reymond, Michel Billout, Jean Bizet, Jacques Blanc, Didier Boulaud, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Bernadette Bourzai, MM. Gérard César, Christian Cointat, Pierre-Yves Collombat, Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Pierre Fauchon, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, Mme Colette Mélot, M. Aymeri de Montesquiou, Mme Monique Papon, MM. Jean-Claude Peyronnet, Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Roland Ries, Josselin de Rohan, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca et Richard Yung.

6

Reprise de la séance

M. le président. La séance est reprise.

(La séance est reprise à dix-neuf heures quarante.)

7

Conférence des présidents

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Mercredi 8 octobre 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 21 heures 30 :

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur la crise financière et bancaire.

Pour garantir l’expression égale de chaque groupe et permettre un dialogue interactif avec le Gouvernement, la conférence des présidents a retenu une formule nouvelle.

(La conférence des présidents a ainsi décidé :

- d’attribuer un temps de parole de quinze minutes à la commission des finances ;

- d’accorder un temps égal d’intervention de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

À la suite de la réponse du Gouvernement, les groupes pourront poser des questions au Gouvernement, réparties de la façon suivante :

- groupe UMP : deux questions ;

- groupe socialiste : deux questions ;

- groupe Union centriste : une question ;

- groupe CRC : une question ;

- groupe du RDSE : une question.

Chaque intervenant dispose de deux minutes trente.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance avant 21 heures.)

Mardi 14 octobre 2008 :

À 16 heures, je prononcerai un discours.

Après cette allocution et le soir :

Ordre du jour prioritaire

- Projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (urgence déclarée) (n° 497, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 13 octobre 2008, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 13 octobre 2008).

Mercredi 15 octobre 2008 :

À 15 heures et le soir :

1°) Désignation des trente-six membres de la mission commune d’analyse et de réflexion sur les structures des collectivités territoriales et l’évolution de la décentralisation ;

(Le délai limite pour le dépôt des candidatures par les groupes et la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe est fixé à 14 heures) ;

2°) Désignation des quinze membres de la mission de contact sur la situation et l’avenir du système financier européen et mondial ;

(Le délai limite pour le dépôt des candidatures par les groupes et la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe est fixé au mardi 14 octobre, à 17 heures) ;

Ordre du jour prioritaire

3°) Suite du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

Jeudi 16 octobre 2008 :

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Suite du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ;

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire

3°) Suite de l’ordre du jour du matin.

Éventuellement, vendredi 17 octobre 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

Mardi 21 octobre 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 11 heures :

1°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (A.N., n° 947) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 20 octobre 2008, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 20 octobre 2008).

À 16 heures et le soir :

2°) Projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion (urgence déclarée) (n° 7, 2008-2009) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 20 octobre 2008, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 20 octobre 2008).

Mercredi 22 octobre 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

Jeudi 23 octobre 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

Vendredi 24 octobre 2008 :

À 10 heures :

1°) Seize questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 283 de M. Daniel Reiner à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Situation financière des communes forestières de Meurthe-et-Moselle touchées par la tempête de 1999)

- n° 290 de Mme Josette Durrieu à M. le ministre de la défense ;

(Projet Tarmac de démantèlement d’aéronefs)

- n° 291 de M. Jean-Marc Todeschini à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

(Projet d’hôpital Robert Schuman à Metz)

- n° 292 de M. Roland Courteau à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ;

(Rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein du couple)

- n° 293 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

(Compensation fiscale au profit des communes et intercommunalités des détériorations résultant des activités d’extractions situées sur leur territoire)

- n° 294 de M. Richard Yung à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Droit de vote des Français établis hors de France aux élections européennes)

- n° 295 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;

(Situation des maisons de la justice et du droit de Paris)

- n° 296 de M. Jean Boyer à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;

(Actualisation du Fonds national de solidarité)

- n° 297 de M. Jean-Claude Carle à Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville ;

(Avenir du dispositif « coup de pouce Clé »)

- n° 298 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Délocalisation des personnels de la statistique publique)

- n° 301 de M. Bernard Piras à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

(Avenir de l’hôpital de Die)

- n° 302 de M. Philippe Madrelle à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

(Légiférer sur le vin)

- n° 303 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

(Conditions de gestion des aides directes à l’agriculture)

- n° 304 de M. Jean Bizet à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

(Modalités de fixation du prix du lait)

- n° 306 de M. Alain Fouché à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ;

(Situation de l’aide à domicile en matière de politique salariale)

- n° 307 de M. Jean-Pierre Vial à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Services des pistes et statut des pisteurs secouristes)

Ordre du jour prioritaire

Éventuellement, à 15 heures et le soir :

2°) Suite du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

En outre, la conférence des présidents a fixé les dates prévisionnelles des séances de questions et des séances mensuelles réservées pour la période d’octobre à décembre 2008. Ces dates vont être adressées à tous nos collègues.

La conférence des présidents a également procédé à la répartition entre les groupes des dix sujets d’ordre du jour réservés à l’initiative des groupes parlementaires pour la période d’octobre 2008 à février 2009.

annexe

Questions d’actualité au Gouvernement, questions orales et séances mensuelles réservées d’octobre à décembre 2008

I. - Questions d’actualité au Gouvernement : jeudi 16 octobre ; jeudi 30 octobre ; jeudi 13 novembre ; jeudi 27 novembre ; jeudi 11 décembre ; jeudi 18 décembre.

II. - Questions orales : vendredi 24 octobre ; mardi 28 octobre ; mardi 18 novembre ; mardi 16 décembre.

III. - Séances mensuelles réservées : mercredi 29 octobre ; mardi 4 novembre ; mercredi 10 décembre.

Séances mensuelles réservées de la session ordinaire 2008-2009, d’octobre 2008 à février 2009

Répartition entre les groupes

29 octobre 2008

Groupe socialiste

Groupe RDSE

4 novembre 2008

Groupe UMP

Groupe socialiste

10 décembre 2008

Groupe UC

Groupe UMP

Janvier 2009

Groupe CRC

Groupe UMP

Février 2009

Groupe socialiste

Groupe UMP

Questions d’actualité au Gouvernement de la session ordinaire 2008-2009

Ordre de passage des groupes pour la première séance

Groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Groupe Union centriste

Groupe socialiste

Groupe communiste républicain et citoyen

Groupe Union pour un Mouvement Populaire

Débats organisés de la session ordinaire 2008-2009

Ordre de passage des groupes pour le premier débat

Groupe Union pour un Mouvement Populaire

Groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

Groupe socialiste

Groupe Union centriste

Groupe communiste républicain et citoyen.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

8

Crise financière et bancaire

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur la crise financière et bancaire.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser Christine Lagarde, qui a dû se rendre ce soir à Bruxelles pour une réunion d’urgence.

Les événements qui affectent actuellement toute l’économie mondiale sont d’une gravité historique.

M. Éric Woerth, ministre. Ils exigent sang-froid, réactivité, mais aussi unité. Nous avons ce débat, car la nation, par votre intermédiaire, a besoin d’être éclairée et rassemblée.

Le retour de la confiance passe par notre capacité à faire bloc, au-delà de nos différences partisanes. Le sens de l’unité politique et de l’intérêt général constitue un message fort adressé à nos concitoyens ; il est une réponse aux marchés, qui doivent trouver en nous la stabilité et la raison qui leur échappent aujourd'hui.

À Toulon, le 25 septembre dernier, le Président de la République a énoncé les grands principes qui fondent notre politique face à cette crise.

Chacune des journées survenues depuis cette date a confirmé la pertinence de son diagnostic.

Chacune de ces journées a vu les problèmes s’enchaîner de manière dangereusement spectaculaire.

Le jour de la chute de la banque Lehman Brothers, la confiance était brisée. La tempête qui sévissait depuis la crise des subprimes devenait alors un ouragan.

Ce n’est pas la crise du capitalisme en tant que tel, c’est la crise d’un capitalisme dévoyé par des pratiques qui n’auraient jamais dû exister. C’est la crise d’un capitalisme non régulé ou mal régulé, qui s’est affranchi de ses obligations éthiques et économiques.

Le dérèglement des marchés a prospéré sur le terreau des supervisions défaillantes et des autorégulations illusoires. Il s’est nourri de la sophistication financière croissante et de l’aveuglement d’investisseurs qui ont cru que le risque pouvait se dissoudre et se mutualiser sans fin. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mais ce dérèglement n’aurait pu se développer sans l’existence de centres offshore, sans « dumping réglementaire », sans des règles « pousse-au-crime » de rémunération des opérateurs et sans les fausses valeurs décernées pour la plupart par des agences de notation défaillantes.

Tous ces excès entraînent un ralentissement de l’économie dans le monde entier.

Nous savons que l’Asie va continuer à croître, mais moins vite qu’auparavant.

Nous savons que l’Europe sera rudement affectée par le ralentissement.

Nous savons que la France le sera évidemment aussi.

Il y aura des conséquences sur l’activité, sur l’emploi et sur le pouvoir d’achat des Français. Il serait absurde et irresponsable de le nier aujourd'hui.

Dans cette tempête, les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités.

Le plan Paulson a été adopté par le Congrès américain.

Sous l’impulsion de la France, les Européens, quant à eux, se sont décidés à agir ensemble.

Présidente de l’Union européenne, la France ne pouvait pas, dans ces circonstances, en rester à un rythme de travail ordinaire, raison pour laquelle le Président de la République a convoqué samedi dernier le sommet du G4.

Cette initiative a permis de fédérer les énergies, de lancer une dynamique d’action concertée. Elle a été confirmée, avant-hier, par la déclaration commune des Vingt-Sept et, hier, par la réunion du conseil Écofin, sous la présidence de Christine Lagarde. Cette série de réunions culminera notamment avec le Conseil européen, la semaine prochaine.

Samedi, les participants au G4 ont pris des décisions fortes. Ils ont appelé à la tenue, à une date la plus rapprochée possible, d’un sommet au niveau mondial qui refonde la gouvernance du système financier international.

Ils se sont entendus pour que toutes les entités financières d’une taille significative soient à l’avenir supervisées. Il y avait des trous béants dans le système : à l’évidence, ils devront être bouchés.

Aux États-Unis, les banques d’investissement n’étaient pas supervisées, et n’importe qui pouvait distribuer des crédits bancaires aux particuliers. La dérive des subprimes, c’est ce qui arrive quand les vendeurs ne sont pas les prêteurs et quand chacun reporte sur l’autre la responsabilité de l’examen de la solvabilité de l’emprunteur.

Dans notre économie mondialisée, les places offshore, la concurrence des hedge funds – instruments dérégulés, mais qui avaient accès aux marchés – ont mis une pression considérable sur les acteurs qui voulaient être raisonnables, mais qui, dès lors, couraient tout simplement le risque de voir les flux financiers se détourner d’eux.

Notre message pour le futur sommet du G8, c’est celui que la France porte avec force depuis la campagne présidentielle : la mondialisation doit s’accompagner de règles claires et équitables de réciprocité, d’équité et de responsabilité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Autre acquis du G4 : les participants se sont entendus pour réexaminer les normes prudentielles et comptables, afin que, à l’avenir, elles préviennent la formation de bulles spéculatives et amortissent les chocs en cas de crise, au lieu d’aboutir à ce qui s’est passé, c'est-à-dire exactement l’inverse.

Sur ces questions, la France a longtemps eu un discours isolé, décalé, disaient même certains : aujourd’hui, tous s’accordent sur la nécessité d’évoluer.

Lors du G4, nous nous sommes également mis d’accord pour revoir les modes de rémunération des dirigeants et des opérateurs sur les marchés.

Pendant des années, les équipes qui ont fabriqué des véhicules de titrisation ont reçu des bonus immédiats énormes, calculés sur le gain espéré, qui était d’ailleurs immédiatement comptabilisé dans sa totalité. Quel intérêt avaient donc ces personnes à s’assurer que ce gain se matérialiserait effectivement dans la durée ? Aucun !

À l’avenir, les modes de rémunération devront faire partie intégrante de la surveillance prudentielle.

Ces principes de bon sens, qui n’auraient jamais dû être perdus de vue, sont désormais consensuels.

Ce qui a été obtenu samedi, par le Président de la République, est à l’honneur de la France. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Tout à fait !

M. Éric Woerth, ministre. Cette ambition, nous la porterons au plus haut niveau pour refonder l’architecture financière internationale sur une véritable légitimité politique. Le mandat du FMI devrait être renforcé en ce sens, pour que le Fonds dispose d’un véritable système d’alerte précoce, celui que nous connaissons aujourd'hui n’ayant pas fonctionné.

M. Jean-Pierre Bel. À l’évidence !

M. Éric Woerth, ministre. La proposition française, qui consiste à évoluer progressivement d’un G8 vers un G14, prend tout son sens pour porter ces projets, qui sont naturellement à l’échelle internationale.

Hier, le conseil Écofin a repris l’engagement des participants du G4 d’assurer un soutien sans faille des établissements financiers déterminants.

Certes, à vingt-sept, compte tenu des spécificités de chacun et de l’urgence dans laquelle il nous faut parfois agir, il est logique que les opérations s’effectuent le plus souvent à l’échelon national. Quand on doit arrêter en deux heures, au milieu de la nuit, les solutions pour sauver une banque, il vaut mieux ne pas avoir à réveiller ses vingt-six homologues !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est clair !

M. Éric Woerth, ministre. C’est dans cet esprit que le Royaume-Uni a annoncé, ce matin, un plan national d’urgence, dont Gordon Brown a personnellement précisé les contours au Président de la République. Comme l’ont souligné les autorités britanniques, ce plan s’inscrit dans le cadre des orientations fixées samedi, lors du G4.

Une dynamique européenne est donc engagée, et la décision de la Banque centrale européenne, de la Banque d’Angleterre, de la Réserve fédérale américaine et de la Banque du Canada de baisser de 50 points de base les taux constitue, dans ce contexte, un signal très fort pour nos économies, pour les marchés et pour nos entreprises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République et le Premier ministre l’ont dit solennellement, l’État assumera son rôle de garant en dernier ressort de la continuité et de la stabilité du système bancaire et financier français.

Cet engagement signifie que nous garantirons la continuité de l’exploitation de chacune de nos banques. Aucune d’entre elles ne sera acculée à la faillite.

Les interventions devront être réactives, mais conçues comme temporaires. Elles devront respecter les intérêts des contribuables.

M. Jacques Mahéas. Qui va payer ?

M. Éric Woerth, ministre. Cela suppose de pouvoir exiger un changement des équipes dirigeantes si celles-ci ont failli à leur mission.

M. Charles Revet. C’est normal !

M. Éric Woerth, ministre. Et même si ces interventions sont nationales, les États doivent être attentifs à leurs conséquences pour les autres États et pour les banques concurrentes.

L’État n’agit pas pour sauver des dirigeants - ceux de Dexia ont quitté leurs postes -, il le fait pour protéger les Français, pour protéger nos entreprises, nos emplois, notre économie.

M. Guy Fischer. Les actionnaires !

M. Éric Woerth, ministre. Comment allons-nous mettre en œuvre l’engagement que nous avons pris de garantir la continuité de notre système bancaire ? Comme nous l’avons fait avec Dexia.

Si une banque ou un établissement financier est en difficulté, nous examinons immédiatement avec la Banque de France et les autorités de régulation quelle est la meilleure solution. Si cette solution nécessite l’entrée de l’État dans le capital, nous le faisons, mais à plusieurs conditions.

D’abord, l’État doit avoir les moyens de superviser le redressement de la banque. Dans le cas de Dexia, nous avons obtenu, avec la Caisse des dépôts et consignations, une minorité de blocage.

Ensuite, le management doit pouvoir être immédiatement renouvelé si la situation le justifie. Les dirigeants qui se sont affranchis des règles minimales de prudence et de bonne gestion ne doivent pas compter sur l’État actionnaire pour les aider à sauter en parachute doré !

Enfin, l’État n’a pas vocation à rester un actionnaire durable au titre des participations qu’il serait ainsi amené à prendre. Une fois l’entreprise redressée, la participation de l’État doit être revendue, si possible avec une plus-value – c’est alors une bonne nouvelle pour le contribuable –, comme nous l’avons fait pour Alstom.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est tout à fait clair…

M. Éric Woerth, ministre. Le Premier ministre l’a dit, notre engagement pour assurer la continuité du secteur bancaire est fort et indéfectible. La parole de l’État est engagée au plus haut niveau. Pour cela, nous devons être en mesure d’intervenir financièrement sans délai, y compris par des prises de participations. À cette fin, le Président de la République et le Premier ministre ont demandé à Christine Lagarde de mettre en place une structure juridique intégralement détenue par l’État pour réaliser les investissements qui seraient rendus nécessaires par la situation.

Aujourd’hui, cette structure existe et elle porte déjà la participation de l’État dans Dexia.

Afin qu’elle puisse disposer de tous les capitaux nécessaires aux interventions qui se justifieraient éventuellement à l’avenir, le Gouvernement sollicitera du Parlement, par voie d’amendement au projet de loi de finances, la garantie explicite de l’État.

C’est cette structure qui nous permettra, en cas de besoin, de mettre en œuvre notre stratégie, qui consiste, au cas où une banque serait en difficulté, à la recapitaliser, à en maîtriser la stratégie et la gestion – j’insiste sur cet aspect –, à la redresser et à remettre les participations de l’État sur le marché lorsque les circonstances le permettront.

Mme Nicole Bricq. C’est une nationalisation temporaire !

M. Jean-Louis Carrère. Il s’agit en effet d’une nationalisation ! Il faut le dire !

M. Éric Woerth, ministre. Nous voulons de la sorte créer les conditions du retour de la confiance dans le système bancaire et assurer la reprise des prêts entre les banques elles-mêmes. Il s’agit, mesdames, messieurs les sénateurs, de ranimer le marché interbancaire.

Notre pays a un système de garantie des dépôts parmi les plus protecteurs, avec un plafond de 70 000 euros par déposant et par banque,…

Mme Nicole Bricq. Grâce à qui ?

M. Éric Woerth, ministre. …tandis que la réglementation communautaire, en vigueur dans la plupart des États membres, n’impose aujourd’hui qu’un plafond de 20 000 euros ; le conseil Écofin a décidé hier de le porter à 50 000 euros.

Certains pays sont allés plus loin et ont étendu leur protection à l’ensemble des dépôts, voire, dans certains cas, à l’ensemble des passifs bancaires. Dans notre pays, je le redis, les dépôts sont garantis à 100 % puisque nous ne laisserons défaillir aucune banque française.

Mais, au-delà, la question cruciale, l’urgence même, est aujourd'hui de répondre aux problèmes de refinancement et de liquidité sur le marché interbancaire. Nos banques sont solvables ; le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, l’a répété. Mais elles font face, comme les banques de tous les autres pays, à des tensions fortes sur le marché interbancaire.

Les banques centrales jouent un rôle clef depuis plusieurs semaines pour répondre à ce défi en fournissant des liquidités dans un volume considérable. Nous sommes en contact permanent, comme les autres gouvernements européens, avec les autorités monétaires à ce sujet.

La Banque centrale européenne et l’ensemble de l’Eurosystème sont mobilisés sur cette question essentielle de la liquidité. Nous savons qu’ils sont déterminés à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer aux banques les liquidités dont elles ont besoin. Les principales banques centrales l’ont encore démontré hier, notamment la Fed et la BCE. Cette dernière fera incessamment de nouvelles propositions pour débloquer le marché interbancaire.

Comme vient de le souligner le Président de la République, la réponse ne peut être que globale et coordonnée entre les banques centrales et les gouvernements européens. Il revient à ces derniers de prendre les mesures qui relèvent de leur responsabilité pour assurer la sécurité maximale des échanges interbancaires. Nous sommes en relation permanente avec nos partenaires pour mettre en place, sans délai, dans chaque État, les bons outils à cette fin.

Mesdames, messieurs les sénateurs, derrière la crise bancaire, ce sont les conditions du crédit qui se resserrent, mettant en danger nos PME. Face à cela, il est évidemment hors de question de rester inactif. Le 2 octobre, nous avons décidé la mise en place d’un plan de soutien aux entreprises de plus de 20 milliards d’euros, prenant appui notamment sur OSEO.

Par son intermédiaire, nous augmenterons de 4 milliards d’euros la capacité de prêts bancaires garantis ou apportés en cofinancement d’ici à la fin de l’année 2009. Pour cela, nous mobiliserons les ressources propres d’OSEO et mettrons en place une nouvelle ligne de refinancement sur les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations.

Nous avons également décidé de mobiliser plus largement ces fonds réglementés pour financer les projets des PME.

Ainsi que vous le constatez certainement dans chacun de vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, les besoins de financement sont immédiats. Un arrêté, publié demain jeudi, enclenchera la réaffectation de 8 milliards d’euros, puis de 9 milliards d’euros, le 15 octobre. Le plan annoncé aura été mis en place en totalité d’ici à deux semaines.

C’est grâce à la vigueur de la collecte sur les livrets d’épargne réglementés – entre 20 et 30 milliards d’euros de collecte supplémentaire – que cette réallocation est possible sans amputer les besoins du logement social.