M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !

M. Jean-Pierre Chevènement. La bonne dette, c’est celle qui finance l’investissement productif, porteur d’avenir, tandis que la mauvaise dette, c’est celle qui finance le fonctionnement.

Analysons le problème de la dette dans la durée. Je n’évoquerai pas l’hypothèse d’une monétisation de la dette, une mesure concevable au Japon et même aux États-Unis, mais pas en France du fait des règles fixées par la Banque centrale européenne. Écartons l’hypothèse de l’inflation, qui diminue objectivement le montant de la dette en euros constants, ce qui n’est jamais dit. La gestion de la dette publique doit s’inscrire dans le meilleur trend de croissance possible pour l’économie française à long terme.

Partout dans le monde, on assiste à un grand retour du politique et, n’ayons pas peur des mots, de l’État. La vraie question est de savoir comment vous le percevez, madame la ministre. Est-ce un expédient provisoire, une parenthèse que l’on ouvre avec le désir de la fermer aussi vite que possible, les critères de Maastricht n’étant que provisoirement suspendus, et toutes les règles aveugles européennes, avec la prohibition des aides d’État et le principe de la concurrence libre et non faussée, devant reprendre demain toute leur vigueur ?

Ne pensez-vous pas qu’il vaudrait mieux se fonder sur un nouveau modèle de développement qui équilibrerait le marché par une certaine extension de la sphère publique, avec un État anticipateur et programmateur, attaché à transformer durablement l’abondante épargne liquide dont nous disposons pour favoriser des investissements de long terme qui garantiront notre croissance ultérieure : famille, éducation, recherche, innovation, infrastructures énergétiques et de transport ferroviaire, logement social, économies d’énergie, hôpital public, voitures propres ? Pour ce faire, il faudrait s’appuyer sur les collectivités locales, mais vous leur tenez la bride trop serrée.

Nos possibilités de croissance dans le long terme conditionnent la solvabilité future de la France. Il faut se défaire d’une vision comptable pour avoir une vision économique. Il faut poser le problème du rôle des banques dans la transformation de l’épargne, et pas seulement celui de la Caisse des dépôts et consignations, et viser à la protection et au développement du site de production national. Mais il faudrait que l’État n’ait pas peur de son ombre, ni en France ni en Europe ! Cela suppose que l’on prenne les moyens d’investir et, j’ajoute, de protéger. Il faut avoir la volonté d’ouvrir cette page-là, madame la ministre ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste.– M. le rapporteur général applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, nous avons ce débat sur l’évolution de la dette de l’État. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, la gauche est l’ennemie de la dette parce que la dette est l’ennemie de la gauche, surtout lorsque la croissance est atone.

Comme l’a indiqué notre collègue Jean-Pierre Fourcade, la charge des intérêts, qui s’élèvera, en 2009, à 43 milliards d’euros hors plan de relance, obère cruellement les marges de manœuvre de l’État en matière d’allocations des services publics, qui sont le capital de ceux qui n’en ont pas, c'est-à-dire les pauvres, et pénalise la faculté redistributive, surtout quand la fiscalité peine à remplir ce rôle.

Mais, dans la crise actuelle, il me paraîtrait incongru de tenir devant vous, mes chers collègues, un discours académique sur la bonne et la mauvaise dette, sauf à relever que les collectivités locales, du fait des règles des finances publiques qui s’imposent à elles, …

M. Philippe Marini, rapporteur général. Elles appliquent la règle d’or !

Mme Nicole Bricq. … ont été les seules à produire de la bonne dette au cours des dernières années. Cela rend d’autant plus dangereux le scénario que vous avez retenu au cours de ces deux derniers jours quand il s’est agi de débattre des finances locales et des dotations de l’État.

On entend parler à l’extérieur de cette enceinte de plans de relance au niveau de l’Union européenne ou au niveau national. Toutefois, comme nous l’avons dit ce matin lors de l’examen de l’article 33, on voit mal comment, à structure budgétaire inchangée, l’Union européenne pourrait impulser cette relance. Soyons honnêtes, il s’agit plutôt d’une addition de plans nationaux. Plutôt que d’avoir un débat académique, il me semble plus pertinent de poser la question du lien entre la relance et la dette.

Pour ce qui concerne les divergences d’appréciation sur cette relance entre la France et son principal partenaire européen, l’Allemagne, il convient de regarder l’état des finances publiques des deux pays pour comprendre, sinon partager, les réticences de Mme la chancelière Angela Merkel, le fait non négligeable que l’Allemagne entre dans une période électorale étant mis de côté.

Alors que les niveaux d’endettement des deux pays étaient jusqu’à présent à peu près comparables, l’Allemagne ayant dû absorber la réunification, un décrochage va se produire au détriment de la France. Dès avant même les effets de la crise, alors que la France connaissait une croissance certes faible mais tout de même supérieure à celle de son voisin allemand, vous avez laissé filer les déficits. Mme Merkel, très prosaïquement, ne veut donc pas payer pour nous, ni pour d’autres, qui n’ont pas consenti au bon moment les efforts nécessaires. J’ajoute que l’Allemagne reste une référence pour les investisseurs du fait de son potentiel de croissance, supérieur au nôtre, et de sa maîtrise des déficits pendant les périodes qui s’y prêtaient.

Madame la ministre, vous avez confirmé qu’un plan de relance national serait annoncé par le Président de la République d’ici à quelques jours. Il pourrait s’élever à 20 milliards d’euros, soit 1 % du PIB, et pourrait même comprendre des mesures fiscales. Alors même que nous débattons du projet de loi de finances pour 2009, cette annonce relativise beaucoup les débats que nous avons engagés depuis une semaine. Aux dires des conseillers du Président de la République, ce plan de relance ne devrait pas trop peser sur l’endettement. Toutefois, comment pouvons-nous apprécier la dette de l’État alors même que celle-ci a bondi en 2008 ?

Comme nous l’avons constaté lors du débat sur le collectif budgétaire qui s’est déroulé voilà plus d’un mois, le Parlement a adopté un plan d’urgence en faveur des banques. Nous avons alors mis en évidence son lien avec l’accroissement de la dette de l’État. Mais qu’en sera-t-il avec ce nouveau plan de relance, qui aura forcément un impact que nous ne sommes pas en mesure d’apprécier ?

Depuis le début de cette discussion, le Gouvernement indique que ce projet de loi de finances pour 2009 ne prévoit pas de relance budgétaire, ce que nous constatons du reste. Mais, comme l’a fort brillamment souligné notre collègue Jean-Pierre Chevènement, il faudrait relancer l’économie en finançant des équipements.

Aura-t-on recours ou non à l’emprunt ? On ne voit pas comment y échapper. Quelle sera alors la frontière entre les investissements publics et l’incitation aux investissements privés ? L’État devra-t-il apporter des garanties aux investissements privés ? Dès lors, sera-ce considéré comme de la dette publique ? Nous n’en savons rien.

La question essentielle doit, me semble-t-il, être posée au niveau de la zone euro, car il nous faut mobiliser les liquidités des non-résidents pour les grands marchés financiers européens. Cette question me paraît autrement plus cruciale que le fait de faire des moulinets autour d’un « fonds souverain » à la française de 20 milliards d’euros, qui redonne une nouvelle actualité au concept fumeux de « patriotisme économique » cher au précédent Premier ministre.

L’encours de la dette publique des États-Unis est comparable à celui de la zone euro, mais la dette privée des entreprises est moitié moindre dans la zone euro. Nous avons là l’opportunité historique de présenter aux investisseurs de meilleurs atouts que les États-Unis. Mais la présidence française de l’Union européenne saura-t-elle saisir cette opportunité, alors qu’elle est sur le point de s’achever ? Je n’en suis pas certaine.

Enfin, la baisse des taux à court terme attendue de la part de la Banque centrale européenne dégagerait plusieurs dizaines de milliards d’euros, qui pourraient être mobilisés à condition que l’épargne des ménages, certes abondante, puisse être réorientée vers les investissements productifs dont nous allons avoir besoin. Mais ces questions ne sont pas abordées ici !

Les circonstances exceptionnelles motivent l’affranchissement des critères maastrichiens, mais encore faut-il que l’on oriente correctement les marges de manœuvre laissées par cette souplesse provisoire ! Il nous faut prévoir les conditions susceptibles de retrouver durablement la croissance, laquelle, seule, nous permettra de dégager de nouvelles recettes, et ce pour que la dette soit moins omniprésente dans nos débats. Or nous craignons de ne pouvoir le faire à la sortie de la crise, sauf à faire porter encore davantage le poids de l’effort sur les ménages les plus modestes et les collectivités locales.

Parler ce soir de la dette est certes utile mais, par ces temps extraordinaires, le brouillard qui recouvre son évolution ne sera pas levé ! En tout cas, il ne le sera pas aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le débat sur l’évolution de la dette de l’État est traditionnel dans notre assemblée, quelques heures avant le vote de la première partie du projet de loi de finances. Malheureusement, je crains que cette coutume ne s’apparente, chaque année, à une sorte de rituel, nos discussions ne produisant pas d’effets visibles.

Malgré ce pessimisme initial, nous devons nous saisir des problématiques liées à l’endettement de notre pays. Nous devons le faire pour rendre des comptes à nos concitoyens, pour préparer l’avenir des générations futures et pour justifier notre politique budgétaire face à nos partenaires européens.

Or nous ne pouvons que constater l’inexorable creusement de la dette : de 66,2 % du PIB en 2008, elle devrait passer à 67,9 % en 2009, pour une prévision à 65,6 % en 2012.

Au-delà même du fait que notre pays vit partiellement à crédit, le plus inquiétant est le poids croissant de la charge de la dette dans la gestion annuelle de nos finances publiques.

D’après les prévisions corrigées, la charge de la dette s’élèverait à 44,8 milliards d’euros en 2009, celle-ci devant augmenter ensuite de 3 % en 2010, puis encore de 4 % en 2011. Autant dire que le dynamisme de cette charge dépasse largement celui de l’inflation, et donc celui des dépenses « classiques » du budget de l’État !

Dès lors, est-il normal de faire progresser moins vite les dépenses attachées à de véritables politiques publiques que l’évolution du remboursement de notre dette ?

Rappelons que cette charge est du même ordre de grandeur que le déficit public, lequel devrait s’élever à 57 milliards d’euros l’année prochaine. Si la dette est nécessaire quand il s’agit d’investissements d’avenir, elle devient en revanche pénalisante quand sa charge constitue 80 % de notre déficit budgétaire. Ainsi les seuls intérêts de notre dette grèvent-ils dans une proportion non négligeable les très faibles marges de manœuvre laissées au gouvernement.

Ce dynamisme de la charge de la dette tient naturellement à l’exceptionnelle hausse des prix en 2008, qui affecte non seulement le capital mais aussi les intérêts à rembourser. De même, l’augmentation du besoin de financement de l’État de près d’un milliard d’euros et l’absence de réalisation de cessions d’actifs ont largement contribué au bond de la charge de la dette en 2008.

Il faut être très vigilant en matière de charge d’intérêt de la dette. Elle augmente proportionnellement à celui de l’endettement et même, parfois, davantage. Elle finit donc par mobiliser la plupart des recettes publiques.

Si nous laissons filer la dette publique, nous plaçons l’État dans une situation de quasi-faillite. En effet, plus la dette sera élevée, plus il faudra faire des efforts pour la stabiliser, ces efforts pouvant prendre la forme d’une hausse des prélèvements obligatoires ou celle d’une suppression de dépenses publiques. Pour échapper à ce cercle vicieux, il est donc nécessaire de stabiliser la dette publique à un niveau raisonnable.

Ces effets macroéconomiques ne peuvent excuser le comportement qui est le nôtre depuis trente ans et qui a creusé la dette publique.

Cette réalité est profondément injuste pour les générations futures. Nous créons effectivement les conditions d’une rupture intergénérationnelle en faisant peser sur nos enfants et nos petits-enfants le poids de nos inconséquences actuelles.

Signalons que la dette que nous accumulons est loin d’être destinée à des investissements d’avenir, tels l’éducation, l’enseignement supérieur ou la recherche.

Ainsi, sur la période 2002-2007, pour un effort moyen de 3,5% du produit intérieur brut en faveur de la recherche et développement et de l’enseignement supérieur en France, nous obtenons un taux de croissance de moins de 1,6 %, alors qu’en Suède, sur la même période, un effort massif d’investissement de 5,3% du PIB dans ces domaines entraîne une croissance de 3,1 %. Comment expliquer qu’avec 52,5 % du PIB de dépenses publiques, la France n’en consacre que 3,5 points aux politiques d’avenir ?

Avec la dette explicite mesurée dans les comptes nationaux et la dette implicite résultant des engagements de retraite, nous achetons à crédit la paix sociale en reportant la résolution des conflits sur nos descendants.

Nous sommes liés aux générations futures par un pacte tacite. Ne transformons pas ce lien qui devrait être constructif en une dépendance financière dont ces générations seraient victimes, à cause d’un héritage qu’elles voudraient sans doute refuser.

Nous avons débattu ce matin des prélèvements en faveur de l’Union européenne. Les chiffres relatifs aux perspectives d’endettement public que j’ai cités nous montrent que nous allons largement dépasser les critères de Maastricht dès l’année prochaine. La Commission européenne ne nous pénalisera pas car – c’est un fait – les circonstances économiques internationales sont exceptionnelles.

Le seuil de 60 % du PIB, que l’endettement public ne doit pas franchir, a été approuvé démocratiquement dans toute l’Europe. Respectons-le, car, si nous n’en sommes pas capables aujourd’hui, nous ne serons pas davantage capables de limiter demain notre endettement à 80 %, 100 % ou 150% du PIB. Comme tout seuil, il revêt un caractère arbitraire, mais il présente également des vertus pédagogiques et financières, alors, faisons-nous un peu violence !

Notre pays doit faire un effort de maîtrise de la dette, en particulier vis-à-vis de ses partenaires. Nous ne pouvons pas donner de leçons de bonne gestion européenne, même après une bonne présidence française, si nous ne sommes pas le moins du monde capables de donner l’exemple. D’autres États parviennent à gérer le présent avec rigueur tout en anticipant l’avenir avec détermination. Prenons-en acte !

La rigueur budgétaire n’est pas réservée aux autres. Hier encore, le président élu des États-Unis annonçait que, face à la crise économique, la réforme du budget n’était pas une option, mais une nécessité. Barack Obama a ensuite détaillé ses projets visant à supprimer toutes les dépenses superflues et faire toutes les économies possibles dans le budget américain.

Pour conclure, j’aimerais simplement insister sur le fait que la réduction de la dette doit être une véritable priorité nationale.

La modification de l’article 34 de notre Constitution dans le cadre de la réforme institutionnelle adoptée cet été fait de l’équilibre des comptes publics un objectif général de gestion de nos finances publiques. La loi de programmation des finances publiques votée il y a quelques semaines participe d’une nouvelle manière d’aborder l’équilibre des comptes. Elle nous permet également d’affecter automatiquement les surplus budgétaires au remboursement de la dette. Reste à l’appliquer concrètement.

Cela exige essentiellement une volonté politique forte et inflexible. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la dégradation de la situation économique et sociale du pays ne manque pas d’entraîner des conséquences pour le moins regrettables sur les comptes publics et motive, notamment, un développement de l’émission de titres de dette publique.

Depuis 2002, l’encours de la dette publique n’a pas cessé de croître, à tel point que le montant de la dette négociable de l’État s’élève aujourd’hui aux alentours de 1 000 milliards d’euros.

Fin 2001, la dette publique était déjà de 613 milliards d’euros. Sept années de gestion libérale des affaires publiques auront conduit à une aggravation de l’endettement public telle que les engagements financiers de l’État ont quasiment doublé.

Le programme d’émission de la dette pour l’année 2009, consacré pour les deux tiers au seul amortissement de la dette existante, s’élèverait en principe à 165,4 milliards d’euros. À dire vrai, procéder à l’émission d’un tel volume de titres de dette publique pour ne consacrer finalement que 12 milliards ou 13 milliards d’euros à l’accroissement du patrimoine de la nation pose un grave problème.

En 2008, les émissions de dette ont été particulièrement importantes. Ainsi, le volume des émissions d’obligations assimilables du trésor, les OAT, et de bons du trésor à intérêts annuels, les BTAN, depuis le début de l’année a d’ores et déjà dépassé les 100 milliards d’euros. Les émissions de bons du trésor sont particulièrement élevées, l’encours de ces recettes de trésorerie étant effectivement passé de 78 milliards d’euros à la fin de l’année 2007 à 118 milliards d’euros aujourd’hui.

Pour faire face à la réduction de ses recettes fiscales comme à ses charges de trésorerie, l’État émet donc de plus en plus de titres à court terme, ce qui est le signe d’une détérioration évidente de la situation courante.

Cette progression de la dette peut inquiéter. Elle a d’ailleurs été largement instrumentalisée à ce titre.

Il est toujours plus facile d’imposer des sacrifices aux salariés, aux familles et aux retraités de ce pays quand on leur fait croire que l’endettement public ne permet plus de faire face à la situation et conduit l’ensemble de la politique gouvernementale sur la voie de l’austérité. Cette vision des choses est cependant incomplète et, pour tout dire, mensongère, dès lors que l’on examine plus attentivement les processus qui ont conduit à cette situation.

Le pari pris par le Gouvernement durant l’été 2007 avec la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat a manifestement conduit à l’aggravation de la situation économique et sociale. En effet, qu’avons-nous constaté en lieu et place de la croissance ? Tout le contraire !

Bien avant même que les places boursières ne soient secouées par la tempête venue d’outre-Atlantique, notre économie était frappée de plein fouet par la récession. Ce qui n’était encore qu’une récession tendancielle au début de l’année n’a cessé de gagner en vigueur au fil du temps.

Le faible accroissement du nombre d’heures supplémentaires s’est pour l’essentiel gagé sur la disparition des contrats de travail intérimaire. Il a donc conduit à une déperdition d’emplois dans nombre de secteurs, y compris dans ceux qui conservaient un minimum d’activité.

Les mesures de défiscalisation dont ont bénéficié successions et donations et les limitations de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, n’ont donné lieu qu’à une baisse des recettes fiscales, une optimisation par les bénéficiaires de la gestion de leur patrimoine et un véritable gaspillage de la dépense fiscale, tout en ne mobilisant que de très faibles sommes pour le financement de l’économie.

Ainsi, les 620 millions d’euros d’allégement de l’ISF consentis à ceux des contribuables assujettis à cet impôt qui ont investi dans les petites et moyennes entreprises n’ont permis de lever qu’un milliard d’euros de fonds propres pour ces dernières, soit environ un demi-millième des crédits bancaires en cours !

Les mesures favorables à la transmission du patrimoine ont, pour leur part, provoqué un tarissement de l’offre de logements, tandis que celles relatives à la défiscalisation des emprunts immobiliers conduisaient au maintien des taux d’intérêt et des prix à un niveau élevé.

Au cours de la dernière période, marquée par les difficultés de trésorerie courante de l’État, la loi TEPA a été l’un des principaux facteurs de progression de la dette publique. En outre, comme le pari économique pris par Nicolas Sarkozy, son gouvernement et sa majorité s’est transformé en quasi-stagnation économique, tous les déficits, sans exception, se sont creusés ! Avec le déficit de l’État, le déficit du commerce extérieur, le déficit de la sécurité sociale et l’endettement accru des grandes entreprises publiques, la dette publique a vraiment de beaux jours devant elle !

Cette augmentation de la dette publique est due à la fois à l’absence de croissance, aux cadeaux donnés, aux décisions budgétaires mises en œuvre depuis 2001 et à l’austérité budgétaire imposée à la dépense publique directe depuis plusieurs années. Le gel de la dépense publique, la logique comptable, les suppressions massives de postes de fonctionnaires, la limitation de la progression des dépenses sociales et les tours de passe-passe dont les collectivités locales ont été les victimes sont autant de facteurs qui ont freiné la croissance, bloqué le développement de l’activité et contribué à la dégradation de la situation.

L’endettement public, c’est aussi l’insuffisance des efforts en faveur d’une meilleure rémunération des agents du secteur public, élément essentiel du pouvoir d’achat des ménages, surtout dans un contexte d’appauvrissement des salariés du secteur privé encouragé par cette aveugle politique d’allégement du coût du travail.

L’endettement public, c’est aussi la tromperie sur l’acte II de la décentralisation, conduisant les collectivités territoriales à porter, comme partenaires obligés, une part du déficit de l’État et à financer, vaille que vaille et avec leurs moyens – souvent la hausse de la fiscalité –, les transferts de charges qui ne sont jamais justement compensés.

Chaque loi de finances depuis 2002 a été marquée par ces orientations sans que le déficit de l’État s’en trouve réellement réduit et sans qu’aucune de ces décisions ait pu permettre de relancer l’activité économique. Nous en avons encore eu l’illustration dans ce débat.

À quoi la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle des sociétés servira-t-elle ? À rien, sinon à dégrader les comptes publics ! À quoi le maintien du régime particulier des sociétés foncières servira-t-il ? À rien, sinon à imposer aux fonds publics de supporter une partie du coût des mésaventures financières de ces entreprises sous la forme d’un manque à gagner de recettes fiscales et de cadeaux inconsidérés en récompense des errements de la spéculation immobilière !

Nous devons incontestablement choisir la voie de la réduction des déficits. Cependant, ce choix impose de modifier la philosophie générale du budget.

C’est en soumettant la dépense fiscale et les choix budgétaires fondamentaux à une véritable analyse critique, en examinant l’efficacité sociale et économique des dispositifs existants et en identifiant les leviers les moins coûteux et les plus productifs de croissance que nous créerons les conditions de l’inversion de l’effet « boule de neige » de l’endettement public.

De manière générale, les Françaises et les Français n’ont plus qu’à constater amèrement qu’ils travaillent une bonne partie de l’année pour assurer le pouvoir d’achat des rentiers qui vivent de la dette publique.

Voilà, mes chers collègues, les éléments qu’il nous semblait utile de rappeler dans ce débat thématique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m’efforcer de répondre aux questions que vous avez soulevées à propos de la dette. Cependant, comme Mme Bricq m’y invite, je me permettrai de ne pas m’en tenir à cela et d’aborder également le rapport entre dette et plan de relance.

S’agissant de l’évolution du rapport dette publique sur PIB, vous vous demandez, monsieur le rapporteur spécial, si la crise financière a ralenti l’effort pluriannuel de désendettement public mis en œuvre depuis 2006 sur la base des recommandations du fameux rapport dit « rapport Pébereau ». La dette publique s’élevait à 63,9 % du PIB à la fin de l’année 2007, soit un niveau inférieur à l’objectif de 64,2 % fixé par le Gouvernement.

La dette publique devrait s’accroître dans les années à venir, pour atteindre 66,2 % du PIB en 2008 et 67,9 % du PIB en 2009.

Cette hausse attendue ne traduit pas un relâchement de l’effort structurel ; elle reflète l’effet mécanique d’une dégradation de la conjoncture économique sur fond de crise financière, le fléchissement de la croissance nominale ayant un effet direct sur le ratio de la dette via le mécanisme du dénominateur que vous connaissez bien mieux que moi.

Cette hausse intervient par ailleurs dans un contexte où les conditions de marché d’ici à la fin de l’année 2008 ne sont pas réunies pour procéder à des cessions d’actifs non stratégiques dans des conditions satisfaisantes, comme nous le faisons régulièrement, et comme nous l’avions inscrit dans le projet de loi de finances pour 2008. En effet, il n’aurait pas été raisonnable, dans le cadre d’une gestion patrimoniale, conservatrice et prudente des actifs de l’État, d’opérer de telles cessions d’actifs.

Vous avez insisté, monsieur le rapporteur général, sur l’impact sur la dette publique du plan national de financement de l’économie que les deux assemblées ont adopté dans la loi de finances rectificative du 16 octobre dernier. Sa mise en œuvre a un effet direct sur la dette publique, laquelle augmente de 0,6 point de PIB en 2008.

Cette hausse n’est pas une singularité française, puisque la plupart des pays de l’Union européenne, treize pour être précise, ont mis en place des plans de soutien à leur secteur bancaire ou au financement de leur économie. En général, d’ailleurs, ils ont dû le faire dans des conditions moins favorables que la France, parce que notre secteur bancaire se trouve actuellement dans une meilleure position que celle d’au moins deux de nos grands voisins avec lesquels nous travaillons habituellement et qui ont engagé un processus de refinancement de leurs banques.

Dans ces conditions, le besoin de fonds propres pour relancer le crédit sera moindre en France qu’ailleurs. Je prendrai à ce titre un seul exemple : nous prévoyons un plan de refinancement de l’ordre de 10 milliards d’euros, alors que les Pays-Bas ont été obligés d’engager, pour la consolidation des fonds propres d’une seule de leurs banques, une somme équivalente.

Notre prévision d’une hausse de la dette de 0,6 point de PIB en 2008, liée, je le répète, à l’adoption du plan national de financement de l’économie, s’explique, d’une part, à hauteur d’un milliard d’euros, par la prise de participation de l’État, d’ores et déjà effectuée, dans la banque belgo-luxembourgo-française Dexia et, d’autre part, par les acquisitions de titres subordonnés pour soutenir le crédit, par le biais des six principaux réseaux bancaires français, à hauteur de 10,5 milliards d’euros, somme qui n’est pas encore décaissée à ce jour, l’opération étant soumise à l’examen de la direction générale « Concurrence » de la Commission européenne. Je compte d’ailleurs obtenir un accord de la DG « Concurrence » et de la Commission à l’occasion du prochain conseil Ecofin.

Avant d’aborder la question de l’encadrement des encours de dette à court terme que vous avez soulevée, monsieur le rapporteur spécial, je souhaite revenir en quelques mots sur le financement de l’État en 2009.

L’État doit faire face en 2008 et en 2009 à des besoins de financement élevés, qui s’élèvent respectivement à 158,9 milliards d’euros et à 170,2 milliards d’euros. Ces deux montants correspondent principalement au refinancement de dettes passées arrivant à échéance. Le second diffère d’ailleurs de la somme de 165,4 milliards d’euros figurant dans le projet de loi qui vous a été transmis. Ce nouveau montant reflète notre prévision d’une augmentation du déficit. Le Gouvernement présentera au Sénat, à l’occasion de l’examen de l’article d’équilibre, un amendement visant à intégrer cette nouvelle prévision.

Pour couvrir ce besoin de financement, l’Agence France Trésor émettra en 2009 135 milliards d’euros, contre 116,5 milliards d’euros en 2008, de titres de moyen et de long terme, net des rachats. Cette hausse s’explique essentiellement par le montant, en 2009, des amortissements de dette mentionnés précédemment.

Une partie du besoin de financement sera financée, comme en 2008, par un recours accru aux instruments de court terme. Il est ainsi prévu d’augmenter de 30,5 milliards d’euros, contre 25,1 milliards d’euros dans le texte qui vous a été transmis, l’encours des BTF, les bons du Trésor à court terme.

L’augmentation des emprunts à court terme et leur utilisation pour couvrir une partie du besoin d’emprunt à moyen et long termes répond à un souci de bonne gestion : elle permettra d’éviter, en 2009, un ressaut brutal des émissions à moyen et long terme de l’État, afin de préserver les conditions de financement de ce dernier sur ce compartiment.

S’agissant de la question du plafond d’endettement, j’en arrive, monsieur le rapporteur spécial, à votre observation relative à l’article 34 de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, qui prévoit que le plafond d’emprunt ne couvre que les emprunts à moyen et long termes de l’État, c’est-à-dire les emprunts dont la durée est supérieure à un an.

La crise actuelle est venue rappeler aux banques et aux États l’importance de disposer d’outils pour gérer la liquidité. La France serait privée de ces outils s’il existait un plafond d’endettement limitatif pour la dette de court terme. En effet, les emprunts à court terme sont essentiellement utilisés pour couvrir les besoins de trésorerie.

En revanche, le Gouvernement a souhaité la transparence la plus totale pour la bonne information de la représentation nationale : le tableau de financement associé au projet de loi de finances pour 2009 expose très clairement, d’une part, les émissions et les remboursements de dette à moyen et long termes et, d’autre part, la variation de la dette à court terme, sous réserve, bien évidemment, des modifications que je viens d’indiquer, compte tenu de la décision de recourir, de manière un peu plus importante, aux BTF.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur général, l’impact de l’inflation sur la charge de la dette, question qui nous a tant occupés l’année dernière.

En 2008, nous avons souffert d’une conjugaison exceptionnelle de deux facteurs : une forte poussée inflationniste et un ralentissement économique. Il avait été prévu, dans le projet de loi de finances pour 2008, en cohérence avec les anticipations des économistes, une inflation de 1,5 % en moyenne. Selon toute probabilité, elle sera inférieure à 3 %, puisqu’elle devrait finalement se situer entre 2,8 % et 2,9 %.

Ce bond a mécaniquement conduit à relever de 2,5 milliards d’euros la provision budgétaire destinée à rembourser les intérêts de nos emprunts indexés sur l’inflation, pour la porter à 4,6 milliards d’euros.

Ce surcoût ponctuel ne remet pas en cause l’intérêt pour l’État d’émettre ces titres, qui attirent une population d’investisseurs soucieux de protéger leurs dépenses contre une envolée de l’inflation. Je pense notamment aux caisses de retraite ou aux banques qui distribuent le livret A. Il s’agit aussi d’une bonne manière de diversifier le financement de l’État, du point de vue tant de la géographie que de la catégorie d’investisseurs. C’est un véritable enjeu au regard de notre « indépendance de financement », laquelle est tout aussi importante que notre indépendance énergétique.

En ce qui concerne l’impact de la crise, vous avez relevé à juste titre, monsieur le rapporteur général, les évolutions des « primes de risque », communément appelées les « spreads » par les banquiers, des États européens et entre les différents États européens. Vous vous interrogez sur une éventuelle « sanction » que nous infligeraient les marchés.

Comme vous l’avez justement fait remarquer, la crise a indéniablement un impact sur la manière dont les États se financent. Tout en introduisant de la flexibilité afin de satisfaire au mieux la demande plus volatile des investisseurs, l’Agence France Trésor n’a pas remis en cause les grands principes de sa stratégie d’émission, à savoir la prévisibilité, la transparence et la régularité. Ce sont d’ailleurs ces principes que nous continuerons de suivre dans les semaines qui viennent, car ils s’avèrent avantageux dans le contexte actuel.

Le ratio de couverture des adjudications au cours de cette année, qui mesure l’excès de l’offre par rapport à la demande, est globalement similaire à ce qu’il a été en 2006 et 2007, quels que soient les produits. Au début de l’année 2008, il a même été légèrement meilleur que par le passé, notamment pour les titres indexés.

Compte tenu des incertitudes des acteurs et de la volatilité des marchés, les risques sont réappréciés et les obligations des États les mieux notés sont donc recherchées. Il y a une fuite vers la qualité et la liquidité. Celle-ci fut particulièrement notable concernant les bons du Trésor dans les semaines qui ont suivi la faillite de Lehman Brothers. En conséquence, les taux auxquels nous nous finançons à court terme sont avantageux, les titres sont recherchés : 2,2 % en moyenne sur les bons du Trésor à trois mois, contre 4 % en moyenne jusqu’en septembre 2008. Une évolution majeure et brutale est donc survenue à partir du 15 septembre 2008.

Nous observons par ailleurs une divergence importante des spreads entre les différents États européens. Avec la création de l’euro, le niveau des taux des États membres avait convergé de manière régulière. Ainsi, début 2007, les taux à trois ans de tous les États de la zone euro se tenaient dans un corridor étroit de 10 points de base. Cette convergence était notamment due à l’activité d’arbitrage d’un certain nombre de banques et d’investisseurs. La crise financière a eu peu à peu raison de ces arbitrages, et ce corridor s’est élargi progressivement, au bénéfice des États considérés comme les plus sûrs par les investisseurs.

Ce corridor, qui était donc de 10 points de base, s’est élargi à 50 points de base après le sauvetage de Bear Stearns, pus à 75 points de base après la faillite de Lehman Brothers et, enfin, à environ 200 points de base aujourd’hui.

La France se situe en bas de ce corridor, soit à 30 points de base au-dessus de l’Allemagne, tandis que l’Italie et la Grèce se trouvent en haut du corridor, respectivement à 100 et 200 points de base au-dessus de l’Allemagne, qui sert de référence, puisque son point de base est le plus bas. Celui-ci est considéré comme le plus sûr, pour des raisons qui n’ont pas tant à voir avec la solidité de l’économie allemande qu’avec la qualité des titres allemands, qui sont les plus liquides qui soient, puisque ce sont les seuls qui soient livrables dans le cadre du contrat à terme de référence de la zone euro, le Bund, lequel a supplanté le MATIF, à la fin des années quatre-vingt-dix. C’est grâce à ce facteur de liquidité que l’émission de dettes allemandes se situe tout en bas du corridor largement élargi que je viens de décrire.

En ce qui concerne le financement du plan de relance, que vous avez évoqué les uns et les autres, le Président de la République l’a annoncé, les pouvoirs publics doivent envisager l’utilisation de l’ensemble des mesures disponibles pour faire face au financement des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises. C’est ce que nous avons fait !

Nous devons également faire face aux menaces de ralentissement économique et prendre d’autres mesures qui sont actuellement à l’étude. Vous comprendrez que, en l’état, je ne revienne pas sur le détail de chacune d’entre elles, car nous sommes encore en cours d’expertise.

Dans le cadre de cette relance, nous devons bien évidemment appliquer un certain nombre de critères, fixés pour l’ensemble des partenaires de l’Union européenne, et qui ont été rappelés cet après-midi dans la communication de la Commission européenne, laquelle s’applique à lister les secteurs qui paraissent les plus propices à une relance concertée, en insistant évidemment sur son caractère concentré, seul gage d’une véritable efficacité. On peut regretter à cet égard que la Grande-Bretagne, dont les positions avaient été considérées comme l’un des possibles chemins à suivre, ait décidé d’ouvrir la voie seule, un peu en amont des autres pays de l’Union européenne, en prenant une mesure relative à la TVA. Celle-ci constitue, me semble-t-il, une mesure de désinflation compétitive un peu isolée : ce sera peut-être une réussite, mais c’est certainement un pari risqué.

Dans une situation de crise, où les comportements de marché habituels ne fonctionnent pas, le seul acteur qui puisse véritablement intervenir, c’est évidemment l’État. Je rejoins là certains des commentaires de M. Chevènement en ce qui concerne le rôle utile de ce dernier dans les circonstances que nous traversons actuellement.

Autre caractéristique de la relance qui doit être engagée par l’ensemble des pays de l’Union européenne : elle doit être rapide, ciblée et forte.

C’est d’ailleurs pour ces raisons que, dans sa communication, la Commission européenne a fait référence cet après-midi non pas à un taux de 1 % du produit intérieur brut de l’Union européenne, qui aurait correspondu à 130 milliards d’euros, mais bien à un taux de 1,5 %, ce qui nous rapproche beaucoup plus des 200 milliards d’euros qui seraient engagés par l’ensemble des pays de l’Union européenne, selon les moyens appropriés à leur économie.

Bien évidemment, on ne relance pas de la même façon selon que le taux de chômage du pays est de l’ordre de 5,5 % à 6 %, comme dans certaines économies de l’Union européenne, ou qu’il se rapproche de 8 %, comme c’est le cas de notre voisin allemand.

De la même manière, on ne relance pas de façon identique si le système bancaire et les activités de services sont prédominants ou si l’activité industrielle doit être maintenue et orientée vers des secteurs stratégiques, ce qui est le cas de la France.

En tout état de cause, les critères de rapidité, de force et de ciblage sont applicables, nous semble-t-il, quels que soient les cas.

Nous travaillons donc activement à la préparation, au cadrage, au calibrage et à l’estimation, eu égard notamment au rapport coût-avantage, des différentes mesures qui peuvent être envisageables pour la France. Bien entendu, l’ensemble de ces mesures seront évoquées en temps utile, de telle sorte qu’elles puissent être concertées avec nos partenaires, après avoir été utilement calibrées et mesurées.

Le Président de la République l’a rappelé, nous souhaitons que cette relance intervienne dans un cadre coordonné. C’est l’approche que nous avions adoptée pour le soutien au secteur financier et je vous remercie, monsieur Gaudin, d’avoir souligné, en la matière, la qualité de la présidence française de l’Union européenne.

La communication de la Commission constitue donc le cadre dans lequel nous souhaitons nous inscrire avec nos partenaires européens pour effectuer cette relance. Ceux d’entre vous qui ont déjà pris connaissance de ce document ont d’ailleurs pu noter que les dix modes de relance envisagés par la Commission corroborent les mesures que nous avons prises au niveau national.

Nous avons, en quelque sorte, anticipé le plan de relance européen. Nous avons soutenu l’activité en allégeant certaines charges fiscales ou sociales qui pèsent sur le travail – je pense notamment à l’exonération des heures supplémentaires, si souvent décriée ; nous avons tenté d’amortir les effets de la globalisation, en étendant notamment le contrat de transition professionnelle ; nous avons essayé de relancer l’investissement, en particulier en encourageant le financement des petites et moyennes entreprises ; enfin, nous avons pris des mesures qui tendent à soutenir la recherche et le développement.

Il nous appartiendra, dans le cadre d’un véritable plan de relance, de soutenir, d’encourager et de développer ces différentes mesures.

Monsieur Gaudin, vous avez souligné l’importance des critères de Maastricht et, plus généralement, des règles que les pays de la zone euro se sont fixées. Je partage, bien sûr, votre point de vue. Mais respecter les règles, c’est aussi utiliser l’intégralité du dispositif que nous avons contractuellement convenu d’utiliser.

Or le pacte de stabilité et de croissance révisé prévoit qu’un pays dont le déficit public dépasse le seuil de 3 % du PIB peut ne pas être soumis à la procédure de déficit public excessif si ce dépassement est à la fois exceptionnel, temporaire et limité. Le caractère exceptionnel peut résulter soit d’un évènement inhabituel hors du contrôle de l’État-membre concerné et qui a un impact majeur sur le déficit des administrations publiques, soit d’un ralentissement économique sévère, à savoir une croissance réelle annuelle négative ou une longue période de très faible croissance. C’est le premier volet.

L’autre volet des « flexibilités » offertes par le pacte de stabilité concerne la mise en œuvre des mesures correctrices suite à l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif. Le Conseil de l’Union européenne peut en effet tenir compte des « circonstances exceptionnelles » lorsqu’il adresse des recommandations à un État-membre dans le cadre de cette procédure, en lui donnant tout simplement plus de temps pour réduire son déficit structurel. C’est très clairement cette voie qu’a privilégiée la Commission dans sa communication puisque, sans indiquer expressis verbis qu’elle prévoit de mettre entre parenthèses la règle des 3 %, elle indique néanmoins que, pendant une période de deux ans, les « flexibilités » pourront être utilisées et qu’il sera légitime pour les besoins de la relance collective et concertée de dépasser ce seuil, à condition évidemment d’engager des dépenses ou de prévoir des mesures fiscales qui ne soient pas de nature à obérer les finances publiques de manière durable. Selon la Commission, il est en effet inévitable que certains États dépassent le seuil des 3 %.

C’est la raison pour laquelle les mesures de relance que nous serons amenés à prendre devront être temporaires, réversibles, ciblées et rapides.

C’est bien cette voie que nous allons privilégier dans l’ensemble des domaines évoqués par la Commission, ainsi que dans tous les autres qui paraîtraient souhaitables et efficaces du point de vue français.

Revenons maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, à la distinction entre les bonnes et les mauvaises dettes.

Un peu comme les médecins différencient le bon cholestérol du mauvais, vous avez, monsieur le rapporteur général, évoqué la distinction importante entre la « bonne dette », qui sert à financer des investissements d’avenir, et la « mauvaise dette », qui ne finance que les dépenses courantes. Vous avez souligné que l’augmentation de la dette en 2009 appartenait clairement à la première catégorie.

Naturellement, pour le bien-être des générations futures, une réduction de la dette est, en général, souhaitable. Mais, dans le cas présent, qu’adviendrait-il si l’État ne prenait pas la relève de circuits de financement défaillants ?

Je le disais tout à l’heure, les mécanismes de marché et les agents économiques ne fonctionnent pas selon leurs modes habituels. Dans une telle situation, il est normal que l’État intervienne pour relancer la croissance et que, à cette fin, il soit amené à s’endetter.

Qu’adviendrait-il en effet si l’État ne prenait pas le relais des circuits classiques pour aider les PME à se financer et pour relancer les projets d’infrastructures, lesquels, s’ils sont mûrs et prêts à l’emploi – vous me passerez l’expression –, peuvent véritablement relancer la croissance.

Ainsi, l’augmentation de la dette reflète le sauvetage du système bancaire, du système productif et de son financement : il s’agit donc clairement d’un investissement qui, nous l’espérons, portera rapidement ses fruits.

Monsieur Chevènement, je vous remercie de votre intervention de grande qualité sur un sujet qui, nous le savons tous ici, vous tient particulièrement à cœur. Naturellement, je ne partage pas toutes vos appréciations sur le rôle que doit tenir l’État, sur le long terme, en matière économique. Mais je vous rejoins lorsque vous appelez de vos vœux un État « anticipateur et programmateur ». J’ajouterai, pour ma part, « régulateur », tant la crise que nous venons de traverser illustre à l’envi combien ce rôle est indispensable, sans être contradictoire avec une économie libre de marché.

Je crois que votre analyse se rapproche de celle de M. le rapporteur général lorsqu’il distingue entre la « bonne dette », celle qui finance les investissements de long terme, et la « mauvaise dette », c’est-à-dire celle qui, par opposition, finance seulement les frais de fonctionnement.

Je vous rejoins encore quand vous soulignez que la compétitivité constitue le problème économique essentiel de la France. Vous touchez là, monsieur le sénateur, l’un des aspects les plus importants de la politique économique du Gouvernement. C’est en effet en soutenant l’investissement productif, la recherche et le développement, en encourageant l’innovation et en améliorant la productivité de nos entreprises que nous allons réussir, tout simplement, à remettre la France sur le chemin de la compétitivité. C’est aussi en procédant à des réformes structurelles que nous arriverons à instaurer une croissance durable dans notre pays, car elle sera justement passée par la case « compétitivité ».

Évidemment, je ne partage pas votre avis lorsque vous qualifiez de « frileuse » la politique du Gouvernement et sa réponse à la crise financière. Les mesures déjà annoncées depuis octobre ont conduit à réorienter près de 50 milliards d’euros vers les activités productives, soit 2,5 points de PIB. Vous avez mentionné tout à l’heure le nombre de points de PIB consacrés par les États-Unis et le Royaume-Uni à la relance de leur économie. Mais cet effort massif consenti par ces deux économies est aussi proportionnel à la difficulté dans laquelle se trouvent leurs secteurs financiers respectifs ; celle-ci justifie largement qu’un effort particulier soit engagé dans ces secteurs et dans ces pays en particulier.

L’action européenne et internationale du Président de la République en matière de réponse à la crise financière a mis la France en position de leader – vous me pardonnerez l’utilisation de cet anglicisme – et, certainement, en position d’inspiratrice pour les grandes réformes internationales qui sont en cours de mise en œuvre. Le communiqué du G 20 s’inspire en effet très largement d’un certain nombre des conclusions du Conseil européen qui l’a précédé et même de celles d’un Conseil restreint qui avait été convoqué dans le cadre de l’Eurogroupe par le Président de la République.

Toutes ces mesures – sans compter le plan de relance sur lequel nous travaillons actuellement –, grâce au soutien sans faille du Parlement en général et du Sénat en particulier, ont permis en moins de deux mois de mobiliser l’ensemble des forces de l’économie française, qu’il s’agisse de ses forces de financement, indispensables à son bon fonctionnement, ou de ses forces productives, par le biais, tout simplement, d’un soutien aux PME, lequel sera complété par celui que nous engagerons dans le cadre du plan de relance que le Président de la République annoncera prochainement.