M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Gérard Bailly. Je souhaite que, dans les jours qui viennent, on puisse encore voir sur internet de la publicité pour le vin jaune, pour le vin de paille, pour les Côtes-du-Jura, pour le vin d’Arbois…

M. Jacques Blanc. Pour les vins du Languedoc aussi !

M. Gérard Bailly. Mes propos susciteront peut-être des remontrances de la part des associations de prévention de l’alcoolisme, mais, monsieur le ministre, comme vous l’avez vous-même affirmé, le vin est un produit de nos terroirs, de nos territoires. Nous nous félicitons de votre soutien à la filière viticole. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à une telle heure, l’exercice est difficile : je vais tâcher, sans abuser de votre attention, de vous répondre sérieusement et précisément.

Je tiens tout d’abord à saluer et à remercier les présidents des commissions, MM. Jean Arthuis et Jean-Paul Emorine, les rapporteurs, MM. Joël Bourdin, Gérard César, Jean-Marc Pastor, Daniel Soulage et François Fortassin, pour leur travail constructif et sans complaisance, comme il est habituel dans cette assemblée que je connais bien pour y avoir siégé.

Chacun selon sa sensibilité, les différents intervenants ont évoqué cette force que représentent pour notre pays, grâce à tous ceux qui les font vivre, qui se lèvent tôt, qui travaillent dur et qui gagnent mal leur vie, notre agriculture et notre pêche.

Comme l’a dit tout à l’heure M. Aymeri de Montesquiou, il faut bien prendre la mesure des défis qu’il nous appartient de relever. C’est en fonction de ce contexte que nous devons prendre des décisions, gouverner ou légiférer.

Le défi le plus global est sans doute celui de l’insécurité alimentaire : 900 millions d’êtres humains sont en danger de mort aujourd’hui parce qu’ils ont faim.

Nous devons également prendre en compte le réchauffement climatique, qui va bouleverser toutes nos habitudes.

Par ailleurs, le coût de l’énergie restera durablement une contrainte et, pour reprendre un mot du nouveau président américain Barack Obama, nous devrons nous libérer de la tyrannie du pétrole.

Le dernier défi est lié à la montée des risques sanitaires due à l’émergence de nouveaux pathogènes.

Pour relever ces défis, pour replacer la ligne d’horizon de l’agriculture et de la pêche à ce niveau, il faut, comme l’a dit Mme Herviaux tout à l’heure, investir dans ce secteur stratégique pour préparer l’avenir, accompagner ce secteur productif essentiel à nos équilibres économiques et sociaux par la solidarité, quand les crises le touchent. J’ai la conviction qu’exprimer une telle solidarité, ce n’est pas apporter une assistance, c’est investir pour l’avenir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans l’incroyable tourmente qui emporte le monde depuis quelques semaines, venue des États-Unis et due à l’opacité, à l’amoralité et au manque d’éthique du système financier, la force de notre appareil productif est l’atout le plus solide, au fond, pour permettre à l’Europe et à la France de résister.

L’agriculture est au cœur de l’économie réelle, celle qui s’oppose à l’économie virtuelle et financiarisée. Elle en est la plus ancienne composante, même si, bien sûr, elle n’en est pas la seule.

Depuis dix-huit mois, à la tête du ministère de l’agriculture et de la pêche, je promeus, avec votre concours, une politique qui entend accompagner un secteur d’avenir. Elle s’adresse, d’abord, aux agriculteurs, mais pas seulement à eux, car c’est toute la société qui est concernée. En effet, ses enjeux sont la sécurité et la qualité de notre alimentation, l’emploi sur tous les territoires et le développement durable.

J’ai le souvenir d’avoir déclaré, à l’occasion d’un congrès syndical agricole – je n’étais alors pas du tout sûr de devenir un jour ministre de l’agriculture ! –, que la question de l’agriculture était, en définitive, une question de société.

Voilà pourquoi j’ai essayé de bâtir, cette année encore, un budget tourné vers l’avenir.

En 2009, les crédits de paiement, qui s’établiront à 3,4 milliards d’euros, augmenteront de 2,72 %, ce qui, dans les circonstances présentes, n’est pas anodin. Au-delà de la seule mission dont nous examinons aujourd’hui les crédits, l’ensemble du budget de l’agriculture mobilise plus de 5 milliards d’euros, y compris pour l’enseignement et la recherche.

Les autorisations d’engagement, quant à elles, atteindront 4,8 milliards d’euros en 2009. Certes, comme l’a souligné Mme Herviaux, elles diminuent de 6,7 %, mais cette baisse – je le dis très objectivement – est essentiellement liée au calendrier de la prime herbagère agro-environnementale, dont la plupart des contrats ont été signés pour une période de cinq ans, en 2008, pour un montant global de 450 millions d’euros.

Enfin, les crédits d’intervention, en augmentation de 7,4 %, s’élèveront à 2,2 milliards d’euros en 2009. Ces crédits nationaux pour l’économie agricole doivent être comparés, comme l’a très bien fait M. Pastor, avec le budget agricole européen.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut le rappeler, la France bénéficiera, en 2009, de 10 milliards d’euros de crédits européens pour accompagner son économie agricole, dont 9 milliards d’euros au titre du premier pilier de la PAC et le reste au titre du deuxième.

Aussi suis-je sans doute le seul membre du Gouvernement dont la politique et le budget sont presque complètement mutualisés à l’échelon européen.

À cet instant, je veux dire à M. Chatillon que cela explique la part qu’occupe l’agriculture dans le budget européen, soit 40 % aujourd’hui : il s’agit de la seule politique qui soit devenue totalement européenne, les budgets nationaux étant en réalité subsidiaires ou complémentaires.

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Michel Barnier, ministre. En définitive, tout est question de volonté. Depuis cinquante ans, c’est grâce à celle des chefs d’État et de gouvernement et des parlements qu’une telle mutualisation a pu être obtenue à l’échelle européenne.

Le présent projet de budget est débattu à un moment crucial, eu égard à la conclusion récente d’un accord politique sur le bilan de santé de la politique agricole commune, à la relance éventuelle des négociations de l’OMC dans les prochains jours et à la perspective d’un débat, évoqué par M. Jacques Blanc, sur la PAC de l’après-2013. Ce sont autant de points sur lesquels je vais revenir.

Tout d’abord, le 20 novembre dernier – nombre d’entre vous l’ont souligné, certains pour s’en féliciter, d’autres pour le regretter –, les vingt-sept pays de l’Union européenne ont conclu, à l’issue d’un an de discussions, après une négociation de quatorze heures sans discontinuer, un accord sur le bilan de santé de la PAC.

C’est le premier accord agricole signé par l’Europe des Vingt-Sept. Cela n’a pas été facile, tant s’en faut ! Je vous ai aussitôt tenus informés, comme je m’efforce d’ailleurs de le faire tous les mois, à l’issue de chaque conseil des ministres européens de l’agriculture, par internet.

M. Charles Revet. Et très bien !

M. Adrien Gouteyron. Absolument !

M. Michel Barnier, ministre. J’ai la conviction que cet accord était indispensable pour préserver et adapter la PAC, et, surtout, pour nous inscrire dans la perspective de l’après-2013. Il ne s’agissait certainement pas, monsieur Pastor, d’aller vers je ne sais quelle renationalisation, à laquelle je ne suis pas et ne serai jamais favorable.

Nous avons cherché à trouver un compromis qui ne soit pas le plus petit dénominateur commun. À mon sens, nous y sommes parvenus.

Le fil rouge, ce fut de conserver des outils d’intervention, de ne pas abandonner cette gouvernance économique que la PAC a instaurée voilà maintenant plus de quarante ans et qui en effet, monsieur Blanc, constitue encore aujourd’hui non seulement la première vraie politique économique européenne, mais aussi la seule.

Je peux vous le dire avec objectivité et lucidité : c’est un accord solide, qui modifie substantiellement la proposition initiale de la Commission, car les ministres et le Parlement européen ont fait bouger les lignes.

C’est un accord qui consolide la dimension économique de la PAC, tout en prenant en compte les priorités que le Président de la République m’avait fixées.

Ainsi, nous avons préservé l’efficacité des outils d’intervention, contrairement à ce qu’a prétendu M. Le Cam. C’est le cas pour les céréales et les produits laitiers. Nous utiliserons d’ailleurs ces outils dès le mois de janvier prochain pour le stockage privé du beurre, afin d’atténuer l’excès de volumes que nous connaissons actuellement sur le marché laitier.

Pour faire écho à ce qu’a dit M. Fournier, j’indiquerai que nous avons rééquilibré la proposition sur les quotas laitiers. Initialement, la Commission proposait une augmentation automatique annuelle de 1 % de ces quotas pendant cinq ans, en vue de préparer leur suppression en 2014-2015, suppression décidée, je le rappelle notamment à M. Raoult, en 2003, par une majorité du conseil des ministres européens. Il nous faut donc vivre avec cette réalité.

Malgré l’actuel retournement du marché, aucune majorité ne s’est exprimée pour revenir sur cette décision. Le débat a donc porté sur les conditions de sortie du dispositif des quotas laitiers. Ma responsabilité a été alors d’encadrer cette sortie et d’obtenir des mesures d’accompagnement.

Nous avons notamment obtenu que deux rapports, qui seront remis en 2010 et en 2012, fassent le point sur l’état des marchés laitiers, afin de procéder éventuellement à l’ajustement des quotas. Voilà deux rendez-vous importants pour chacun d’entre nous. Le lien entre l’évolution des quotas et celle des marchés a été réintroduit à l’occasion du bilan de santé de la PAC. Nous avons ainsi instauré un pilotage politique de la production laitière, que la Commission refusait, avec l’obligation de rouvrir le dossier des quotas laitiers à ces deux échéances. Le jeu reste ouvert, et l’évolution des quotas laitiers n’est donc pas scellée dans le marbre.

Monsieur Pastor, nous avons, enfin, obtenu la mise en place de mesures d’accompagnement pour la production laitière, que nous pourrons financer soit par le deuxième pilier – par le biais de la modulation et d’un cofinancement européen à hauteur de 75 % –, soit par le premier pilier, au titre de l’article 68.

De plus, nous avons introduit, au sein du premier pilier, des outils de couverture des risques climatiques et sanitaires.

Au total, je le dis en particulier à l’adresse de M. Soulage, nous disposons bien d’une « boîte à outils » pour réorienter la PAC vers les productions et les territoires fragiles. Nous pourrons également accompagner le développement d’une agriculture durable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, mon intention est de proposer des choix assez rapidement, d’ici à la fin du mois de janvier. À cet égard, j’ai ouvert la concertation dès cette semaine. Je la conduirai avec les organisations syndicales et professionnelles, les associations et le Parlement.

Sans préjuger bien sûr des résultats de cette concertation, je puis tout de même, pour faire écho, notamment, aux propos tenus par MM. Bailly et Fortassin, vous faire part de quelques idées.

Nous allons ainsi proposer de mieux soutenir les productions animales à l’herbe,…

M. Charles Revet. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. … en particulier la filière ovine, qui est en voie de disparition mais que je ne laisserai pas disparaître.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. Je veux également dire à MM. Blanc et Gouteyron que l’accompagnement de la production laitière est une possibilité ouverte par la « boîte à outils », et à M. Détraigne que j’ai l’intention de proposer, à l’occasion de cette réorientation de la PAC, un plan protéagineux, concernant naturellement la luzerne.

Il convient maintenant de voir comment utiliser la « boîte à outils », surtout dans la perspective du grand débat sur la PAC de l’après-2013, évoqué en particulier par MM. Blanc et Pastor.

Ce débat s’annonce très difficile. Il s’agira alors, avant même d’envisager une réforme de la politique agricole commune, de savoir si l’on conservera une telle politique. Ne sous-estimez donc pas l’importance de cette échéance.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Michel Barnier, ministre. Certains, à Bruxelles et dans beaucoup de capitales, peut-être même en France, voudront profiter de cette occasion pour démanteler, voire supprimer, la politique agricole commune.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. C’est sûr !

M. Michel Barnier, ministre. Elle coûte trop cher, disent-ils.

J’ai demandé à mon collègue Éric Besson, chargé de la prospective, de réaliser une étude comparative entre le coût de la PAC et les conséquences de son éventuelle suppression. Pour ma part, j’ai la conviction que supprimer la PAC engendrerait, en termes de désertification et d’importations, un coût supérieur à l’actuel budget agricole européen.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Certainement !

M. Michel Barnier, ministre. Pour certains, la PAC coûte donc trop cher ; pour d’autres, elle est une politique communautaire ; pour beaucoup, assez influents, l’Europe doit n’être au fond qu’un grand supermarché, caractérisé par une forte compétition fiscale et sociale interne et par une ouverture sans réserves sur l’extérieur : de leur point de vue, la PAC représente le contraire de ce qu’il faut faire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre d’entre vous tiennent à la politique agricole commune, pour toute une série de raisons que j’ai entendues ce soir. J’en appelle donc à votre vigilance, au-delà de l’horizon 2010-2011, dans la perspective d’un grand débat qui, je le répète, s’annonce très difficile. Où que je me trouve alors, j’y participerai pour préserver cette grande et moderne politique alimentaire, agricole et territoriale.

Nous avons décidé d’ouvrir ce débat assez tôt, comme l’a souhaité le chef de l’État. Selon nous, dans une démocratie telle que l'Union européenne, le débat politique doit précéder le débat budgétaire, et non le suivre.

Vendredi dernier, lors du conseil des ministres européens à Bruxelles, j’ai pu, sur un texte assez ambitieux portant sur les missions et les motivations de la PAC, obtenir l’accord de vingt-quatre États membres, trois seulement s’y étant opposés.

S’agissant maintenant de l’OMC, nous devons également être sur nos gardes.

Dans le prolongement des conclusions de la réunion du G 20 à Washington, Pascal Lamy, que je connais bien, envisage de convoquer pour la mi-décembre une réunion ministérielle pour reprendre les négociations du cycle de Doha. Je ne vous cacherai pas que cette réunion sera peut-être celle de tous les dangers.

La position de la France n’a pas changé : l’accord qui est aujourd’hui sur la table est déséquilibré. Sur le volet agricole, nous sommes sur la ligne rouge. Sur les services, les biens industriels, les indications géographiques, je crains que nous ne gagnions rien.

Vendredi dernier, j’ai inscrit cette question à l’ordre du jour, et nombreux sont les ministres qui ont rappelé à la commissaire européenne son devoir de vigilance : l’offre européenne doit maintenant être intangible.

Je le dis notamment à l’intention de M. Le Cam, tel est notre état d’esprit, à la veille de l’éventuelle ouverture de cette négociation.

M. Paul Raoult. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai souhaité donner du sens et de la cohérence à ce projet de budget avec une stratégie que je défends depuis longtemps : promouvoir une agriculture et une pêche fortes et durables.

J’ai bien conscience que nous avons dû faire des choix difficiles, parce que l’engagement national de maîtrise des dépenses publiques nous concerne aussi.

La notion de durabilité évoque le renouvellement des générations, le prolongement, la transmission.

C’est pourquoi, messieurs Collin et Le Cam, je tiendrai l’engagement pris de donner la priorité, dans le budget, à l’installation des jeunes : c’est un axe de la politique de l’emploi dans les territoires, comme l’a dit avec force Jean Boyer.

Pour permettre 6 000 installations par an, nous avons augmenté de 13,3 % les crédits afférents. J’ai également prévu un plan de professionnalisation personnalisée, afin de faire passer le nombre d’installations de 6 000 à 7 500 par an. Quant à la dotation aux jeunes agriculteurs, elle a été stabilisée. Ces engagements rejoignent très clairement les priorités énoncées par Marie-Hélène Des Esgaulx.

Favoriser une agriculture durable suppose également d’investir dans l’avenir et la recherche agronomique, évoquée par Daniel Soulage. Comme en témoignent nombre des programmes que nous lançons, la clef se trouve, en grande part, dans la recherche. C’est la raison pour laquelle, au-delà des mots, j’ai souhaité augmenter les crédits du programme 142 de 15,8 millions d’euros. Que l’on m’en donne acte !

La politique agricole d’enseignement et de recherche change. Vous devez bien comprendre le sens du regroupement des établissements d’enseignement supérieur au sein de quelques grands pôles pluriels et de dimension européenne. Nous avons ainsi décidé le regroupement d’écoles vétérinaires avec des instituts supérieurs de recherche. De même, je soutiens le transfert d’AgroParisTech sur le plateau de Saclay, où nous créerons dans les prochaines années un pôle européen de recherche agronomique et des sciences du vivant.

L’enseignement agricole est une priorité, et nous avons eu l’occasion de la réaffirmer ensemble ici même au cours de ce débat.

Permettez-moi d’ailleurs, à cet instant, de réitérer les remerciements et les encouragements que nous devons aux équipes pédagogiques et administratives de nos maisons familiales et rurales, de nos collèges et lycées agricoles et de nos établissements d’enseignement supérieur.

Une agriculture durable, c’est aussi une agriculture qui travaille avec son secteur aval. Nous consacrerons aux entreprises agroalimentaires, en 2009, un budget de 12,2 millions d’euros afin de mieux accompagner les centres techniques agroalimentaires, de soutenir, comme m’y encourageait Alain Chatillon, les pôles de compétitivité, dont l’intelligence est essentielle à l’avenir de nos territoires, et, avec OSEO, de favoriser davantage l’innovation.

Je m’attacherai, par ailleurs, à ce que les lignes budgétaires et de crédits ouvertes par le Gouvernement, au cours des dernières semaines, pour les PME prennent bien en compte de manière équitable les 60 000 petites et moyennes entreprises du secteur agroalimentaire. C’est le sens de la communication que j’ai présentée en conseil des ministres le 30 octobre dernier.

Installation et renouvellement, mais aussi recherche, éducation et industries : tels sont les deux premiers piliers d’une agriculture durable.

Un troisième pilier consiste en la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Jacques Muller le sait, il s’agit pour moi d’un engagement ancien, que j’affirmais déjà à cette tribune, il y a une quinzaine d’années, lorsque j’étais ministre de l’environnement. Je n’ai pas changé de conviction.

C’est pourquoi nous avons pris part dès le début, résolument et sans états d’âme, à ce grand rendez-vous du Grenelle de l’environnement. Cela était d’autant plus naturel que les agriculteurs, les éleveurs, les viticulteurs, les pêcheurs et les ostréiculteurs sont les premiers, dans notre société, et peut-être même les seuls, à travailler quotidiennement avec l’eau, l’air, la terre. Ils sont donc les premiers concernés par le réchauffement climatique et ses conséquences. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés de manière proactive dans le Grenelle de l’environnement.

Avec ce projet de budget, nous commençons à mettre en œuvre nos engagements.

Ainsi, le plan « agriculture biologique » permettra, d’ici à 2012, de tripler la surface agricole consacrée aux cultures biologiques. Le fonds de structuration des filières sera doté de 3 millions d’euros, et 12 millions d’euros par an pendant trois ans sont prévus pour inciter à la conversion des exploitations vers le « bio ».

Ainsi encore, nous engageons le plan ECOPHYTO 2018, visant à réduire de moitié, dans les dix années à venir, l’usage des produits phytosanitaires dans l’ensemble de l’agriculture française, tout en maintenant un niveau de production agricole élevé. Cela représente un véritable défi, comme l’a souligné Daniel Soulage.

Un autre engagement du Grenelle de l’environnement sous-tend le plan de performance énergétique. J’ai évoqué tout à l’heure la tyrannie du pétrole. À mes yeux, la réduction de la dépendance de nos entreprises agricoles et de pêche à l’égard des énergies fossiles n’est pas une option, c’est une nécessité.

Sur ce plan, M. Fortassin a parlé tout à l’heure de l’énergie photovoltaïque. Je cite souvent l’exemple de cette centaine de jeunes éleveurs de l’Aveyron qui sont parvenus à assurer leur autonomie énergétique en équipant les toits de leurs granges de 33 000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques. Il est donc possible d’atteindre cet objectif partout.

Dès 2009, nous réaliserons, dans cet esprit, les diagnostics énergétiques des exploitations pour conseiller au cas par cas les agriculteurs, afin qu’ils puissent réduire leur consommation de fioul, d’intrants, d’électricité et produire leur propre énergie. Au terme de cette montée en puissance, mon objectif est de parvenir à financer, d’ici à 2013, 100 000 diagnostics énergétiques, grâce à des fonds européens du deuxième pilier et au concours de grandes entreprises comme Total, EDF et GDF, qui m’ont donné leur accord.

En ce qui concerne la forêt, mon intention n’est pas, madame Didier, de démanteler ou de privatiser l’ONF. Le versement compensateur, qui reste fixé à 144 millions d’euros, est la preuve de l’engagement de l’État.

J’ai bien noté que Gérard César et Philippe Leroy avaient déposé deux amendements concernant la forêt.

Notre objectif, ambitieux, est de remettre en production 12 millions de mètres cubes supplémentaires d’ici à 2012. Yann Gaillard le sait bien, pour avoir participé aux assises de la forêt. Le bois est le premier des écomatériaux ! Le Gouvernement est déterminé à réorienter les aides vers la desserte forestière pour mieux mobiliser la biomasse forestière. Nous recourrons aussi aux aides fiscales, notamment les DEFI, aux aides à l’aval et à la multiplication des contrats de travaux.

Je tiens à dire à Gérard César que les travaux réalisés bénéficieront d’une déduction revalorisée. Cette aide est étendue aux contrats passés par les forestiers pour l’exploitation. Il s’agit de mesures fortes permettant d’améliorer la gestion de la forêt privée et sa productivité.

Monsieur Collombat, je répondrai par écrit à votre question sur le Conservatoire de la forêt méditerranéenne.

Toujours à propos du Grenelle de l’environnement et de nos engagements, j’attache, en tant que ministre, autant d’importance au suivi qu’aux effets d’annonce. L’évaluation est donc une de mes grandes préoccupations.

Mme Kosciusko-Morizet et moi-même avions confié une mission au député Martial Saddier, qui a présenté un rapport remarquable sur la pollinisation et la filière apicole, ce qui n’est pas un sujet mineur. Je me suis engagé à aider et à inciter à la structuration de ce secteur. Plusieurs des recommandations de ce rapport seront mises en œuvre.

Enfin, à la veille d’une visite de travail que je ferai demain en Guadeloupe et en Martinique, durement affectées par les cyclones Dean et Omar et par les graves conséquences de la contamination de certaines terres par le chlordécone dans le passé, je veux informer le Sénat du lancement d’un plan « banane durable ». Ce plan de cinq ans, qui sera mis en œuvre avec le concours des collectivités territoriales, de tous les professionnels et des fonds européens, est une vraie chaîne d’innovation pour éliminer l’essentiel des produits phytosanitaires utilisés jusqu’à présent dans la culture de la banane. Ce plan s’accompagnera d’engagements écologiques et sociaux.

L’agriculture durable, c’est aussi la mémoire et la solidarité entre les générations. Il faut se tourner vers l’avenir tout en n’oubliant pas les générations précédentes, auxquelles nous devons la force de notre agriculture.

Le Premier ministre a ainsi annoncé, à l’automne, plusieurs décisions pour réduire les situations de pauvreté indignes, s’agissant notamment des veuves, et donner les mêmes droits à tous. Nous savons que 91 % des veuves d’agriculteurs sans droits propres touchent une pension de moins de 400 euros par mois : ces chiffres, cités par Yvon Collin et Claude Biwer, nous interpellent !

Nous avons décidé de garantir un montant minimal de retraite égal au minimum vieillesse. Cette garantie intéresse 233 000 personnes, dont 70 % de veuves. Nous mettons en place la réversion aux veuves de la retraite complémentaire obligatoire, acquise à titre gratuit par leur conjoint. Le coût de cette mesure s’élève à 40 millions d’euros et concerne 64 000 veuves.

Enfin, l’État apportera désormais sa garantie au FFIPSA pour que son financement soit pérenne.

Ce qui vaut pour l’agriculture durable vaut aussi pour la pêche.

La pêche est le métier le plus dangereux dans notre société : en moyenne, vingt marins pêcheurs meurent chaque année. Hier encore, un chalutier pêchant la coquille Saint-Jacques, l’Emmanuel-Jean, a coulé en Bretagne, ce qui a entraîné la mort d’un marin de Granville de quarante-deux ans, François Rémy.

La pêche est un métier vital pour l’activité des départements littoraux, qui contribue à relever le défi alimentaire. Elle constitue l’une des priorités du Président de la République, qui a voulu marquer l’engagement de notre pays à travers le plan d’action pour une pêche durable et responsable, mis en œuvre depuis un an.

Avec leurs enjeux environnementaux, économiques et énergétiques, la pêche et l’aquaculture mobilisent, au travers de ce projet de budget, un effort financier sans précédent. Je vous remercie, les uns et les autres, sur toutes les travées, de l’avoir souligné. Les crédits de la pêche passent ainsi de 62 millions d’euros à 160 millions d’euros en 2009.

Au total, les crédits du plan d’action pour une pêche durable et responsable, élaboré avec les professionnels, s’élèveront à 310 millions d’euros sur deux ans, crédits dont une part importante sera consacrée au programme de sauvetage et de restructuration de la flotte.

Mme Herviaux a évoqué les trois contrats bleus, dont je signale que le programme a été formellement approuvé par la Commission européenne. En l’absence de cet accord, nous ne les aurions pas instaurés.

La mise en œuvre de ces trois contrats, soutenus par deux structures, Ar Mor Glaz et le Fonds pour le développement durable de la pêche, le FDDP, est déjà engagée à hauteur de près de 10 millions d’euros. Toutes les façades maritimes doivent être équitablement concernées par cette initiative novatrice.

Cela fera l’objet d’une concertation, madame Herviaux, ce qui est d’autant plus naturel que l’idée de départ de ces contrats est née dans les ports, et non au ministère : ce sont les marins pêcheurs qui ont proposé de consacrer une partie de leur temps libre, en dehors des périodes de pêche, à des opérations d’intérêt public ou d’intérêt général.

Enfin, nous consacrons davantage d’argent à l’IFREMER, car le travail en commun des scientifiques et des marins pêcheurs doit être renforcé afin que nous puissions disposer de données plus objectives sur l’état des ressources halieutiques. Il est en effet temps de faire cesser les polémiques ou les malentendus sur ce sujet.

Le plan d’action pour une pêche durable et responsable met en œuvre, pour la première fois, un chapitre social et un chapitre concernant la sécurité. Je souhaite que l’on équipe, dans les deux ou trois années à venir, tous les marins pêcheurs et leurs vêtements à flottabilité intégrée d’une balise individuelle, afin que l’on puisse les secourir le cas échéant. C’est d’ailleurs ainsi que sont équipés les pisteurs-secouristes dans le département de la Savoie, dont j’ai présidé le conseil général pendant dix-sept ans. Une expérimentation sera lancée dans quelques jours ; elle concernera de 800 à 900 marins pêcheurs volontaires, répartis sur trois zones, une par façade maritime métropolitaine. Le retour d’expérience est attendu pour la mi-2009.