Sommaire

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

Secrétaires :

Mmes Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux.

1. Procès-verbal

2. Rappels au règlement

MM. Ivan Renar, Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

MM. Claude Domeizel, le ministre.

3. Loi de finances pour 2009. – Suite de la discussion d'un projet de loi.

Enseignement scolaire

MM. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Mmes Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Colette Mélot, M. Alain Vasselle, Mme Françoise Laborde, M. Serge Lagauche, Mme Catherine Morin-Desailly.

MM. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

M. Michel Barnier, ministre.

Questions et réponses

MM. Ivan Renar, Xavier Darcos, ministre.

Mme Janine Rozier, M. Xavier Darcos, ministre.

MM. Jean-Michel Baylet, Xavier Darcos, ministre.

MM. Jean-Luc Fichet, Xavier Darcos, ministre.

MM. Yves Détraigne, Xavier Darcos, ministre.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Xavier Darcos, ministre.

MM. Pierre Martin, Xavier Darcos, ministre.

MM. Gilbert Barbier, Xavier Darcos, ministre.

Mme Françoise Cartron, M. Xavier Darcos, ministre.

Mme Muguette Dini, M. Xavier Darcos, ministre.

MM. Robert Laufoaulu, Xavier Darcos, ministre.

MM. Claude Domeizel, Xavier Darcos, ministre.

MM. André Ferrand, Xavier Darcos, ministre.

MM. René-Pierre Signé, Xavier Darcos, ministre.

MM. Daniel Percheron, Xavier Darcos, ministre.

État B

Amendement no II-195 du Gouvernement. – Retrait.

Amendements nos II-66 rectifié de Mme Françoise Férat et II-207 (priorité) du Gouvernement. – Mme Françoise Férat, MM. Gérard Longuet, rapporteur spécial ; Xavier Darcos, ministre ; Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Pierre Martin, Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis ; Mme Nathalie Goulet, M. Serge Lagauche, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Gérard César, Thierry Foucaud. – Adoption de l’amendement no II-207 et, par scrutin public, de l’amendement no II-66 rectifié.

Amendement no II-182 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, Gérard Longuet, rapporteur spécial ; Xavier Darcos, ministre. – Rejet.

Adoption des crédits modifiés.

4. Saisine du Conseil constitutionnel

5. Loi de finances pour 2009. – Suite de la discussion d'un projet de loi.

Aide publique au développement

Compte spécial : Accords monétaires internationaux

Compte spécial : Prêts à des États étrangers

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

MM. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances ; Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; André Vantomme, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; Robert del Picchia, en remplacement de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

MM. François Fortassin, Robert del Picchia, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Hue, Georges Patient, Yves Dauge.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie ; Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.

État B

Amendement no II-3 de la commission et sous-amendement no II-191 du Gouvernement. – MM. Michel Charasse, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État. – Retrait du sous-amendement ; adoption de l’amendement.

Adoption des crédits modifiés.

État D

Adoption des crédits du compte spécial « Accords monétaires internationaux ».

Amendement no II-185 du Gouvernement. – Mme la secrétaire d'État, M. Edmond Hervé, rapporteur spécial. – Adoption.

Adoption des crédits modifiés du compte spécial « Prêts à des États étrangers ».

Article additionnel avant l'article 59 quinquies

Amendement no II-23 de la commission et sous-amendement no II-206 du Gouvernement. – M. Michel Charasse, rapporteur spécial ; Mme la secrétaire d'État. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.

Articles 59 quinquies et 59 sexies. – Adoption

Suspension et reprise de la séance

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Compte spéciale : Développement agricole et rural

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; François Fortassin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Yvon Collin, Mme Odette Herviaux, MM. Claude Biwer, Gérard Le Cam, Alain Chatillon, Aymeri de Montesquiou, Paul Raoult, Daniel Soulage, Mme Évelyne Didier, MM. Yann Gaillard, Jacques Muller, Yves Détraigne, Benoît Huré, Jean-Marc Pastor, Jean Boyer, Bernard Fournier, Pierre-Yves Collombat, Antoine Lefèvre, Adrien Gouteyron, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jacques Blanc, Louis Pinton, Gérard Bailly.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.

État B

Amendement no II-208 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur spécial. – Adoption.

Amendements nos II-31 de la commission et II-132 de M. Gérard César, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur spécial, Gérard César, rapporteur pour avis ; le ministre, Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques ; Jean-Marc Pastor. – Retrait de l’amendement no II-31 ; adoption de l’amendement no II-132.

Amendement no II-192 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur spécial. – Adoption.

Amendement no II-155 rectifié de M. Philippe Leroy et sous-amendement no II-215 du Gouvernement. – MM. Gérard Bailly, le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Amendement no II-168 de Mme Odette Herviaux. – Mme Odette Herviaux, MM. le rapporteur spécial, le ministre, Jean-Marc Pastor. – Rejet.

Adoption des crédits modifiés.

État D

Adoption des crédits du compte spécial « Développement agricole et rural »

Article 59 A

Amendement no II-5 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 59 B

Amendement no  II-21 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 59 C

Amendement no  II-25 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 59 D. – Adoption

Article additionnel avant l'article 59

Amendement no II-169 de Mme Odette Herviaux. – Mme Odette Herviaux, MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 59 à 59 quater. – Adoption

Article additionnel après l'article 59 quater

Amendement no II-170 de M. Gérard César. – MM. Gérard César, le rapporteur spécial, le ministre. – Retrait.

6. Dépôt d'une proposition de loi

7. Dépôt de rapports

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

Mme Sylvie Desmarescaux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour un rappel au règlement.

M. Ivan Renar. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement.

Je souhaite profiter de la présence de M. le ministre de l’éducation nationale pour lui faire part de notre vive émotion à la suite des événements qui se sont produits hier à Marciac.

Comme vous le savez, des forces de gendarmerie ont pénétré dans un collège de la ville en compagnie de chiens policiers. Des élèves ont fait l’objet de fouilles au corps et certaines petites filles ont même été « palpées », ce qui a suscité, vous le comprendrez, l’indignation du corps enseignant et des parents d’élèves.

Ces faits sont totalement scandaleux ! Personne ne pensait que de tels actes étaient possibles, notamment dans le cadre d’une opération dite de « prévention » !

Je voudrais donc émettre une vive protestation, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Renar, je me suis déjà exprimé sur le sujet hier soir.

Je partage votre sentiment. La manière dont les événements se sont déroulés – mes services n’ont même pas été véritablement prévenus – n’est pas conforme aux usages et ne répondait à aucune nécessité.

D’ailleurs, les conventions départementales qui existent entre le ministère de la justice et le ministère de l’éducation nationale, et il y en a une dans le Gers, imposent d’organiser des discussions entre les services concernés avant de décider d’une éventuelle opération. En l’occurrence, ces conventions n’ont pas été respectées.

L’émotion soulevée par cette affaire est d’autant plus justifiée que nos enseignants fournissent au quotidien un travail remarquable pour développer une pédagogie de la prévention.

Je m’en tiendrai donc là, mais je comprends votre émotion, monsieur Renar.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.

M. Claude Domeizel. Mon rappel au règlement n’a pratiquement plus d’objet, puisqu’il portait sur le même sujet, monsieur le ministre.

Je voulais également exprimer notre émotion à la suite de ces événements. Avec mes collègues et amis du groupe socialiste, nous souhaiterions savoir ce qui s’est réellement passé.

Certes, je n’attends pas que vous me répondiez instantanément, monsieur le ministre. Mais je pense que nous sommes en droit de demander des comptes, tant les méthodes qui ont été employées sont éloignées des pratiques éducatives normales.

Mon propos n’est pas d’accuser qui que ce soit. Je souhaite simplement que la situation soit tirée au clair.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Domeizel, je pense que je serai bientôt en mesure de vous apporter des éléments de réponse, puisque j’ai ordonné une enquête.

L’inspecteur d’académie du Gers a fait l’objet d’une convocation au ministère, et il sera reçu ce matin même par des membres de mon cabinet.

Nous essayons de comprendre le déroulement exact des événements. C’est une décision de justice qui a entraîné l’intervention de la gendarmerie. Nous souhaitons obtenir toutes les précisions qui s’imposent.

Pour ce qui relève de ma responsabilité, je vous apporterai toutes les explications nécessaires.

M. Claude Domeizel. Merci, monsieur le ministre !

3

Articles additionnels après l'article 65 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Deuxième partie

Loi de finances pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Enseignement scolaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 98 et 99).

Enseignement scolaire

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de présenter le rapport spécial de la commission des finances sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Compte tenu du temps de parole qui m’est imparti, je centrerai mon propos sur deux aspects très différents de la politique scolaire.

Dans une première partie, je souhaite aborder la dimension strictement budgétaire de votre action, monsieur le ministre.

Sur les 60 milliards de crédits affectés à la mission « Enseignement scolaire », qui est la première mission du budget de l’État, 93 %, soit 55,7 milliards d’euros, correspondent à la rémunération des personnels, notamment des enseignants.

De ce point de vue, nous constatons une volonté d’adapter les effectifs de l’éducation nationale aux évolutions démographiques, tout en maintenant un taux d’encadrement des élèves par enseignant acceptable, supérieur aux normes constatées dans les grands pays de l’OCDE.

Il s’agit d’une diminution significative. Pour la première fois, le nombre d’enseignants passe sous la barre du million. Cette année, il sera très exactement de 977 863, soit une réduction de 22 891 postes en équivalent temps plein.

Dans le même temps, les crédits de personnel augmentent de 1,5 %, en raison de la hausse des pensions liée aux nombreux départs en retraite. D’ailleurs, nous souhaitons de longues et heureuses retraites aux personnes concernées. (Sourires.) Mais il faut retenir que la diminution des effectifs ne se traduira pas par une baisse des dépenses de personnel, bien au contraire.

Pour autant, monsieur le ministre, vous vous êtes efforcé de maintenir des capacités d’enseignement adaptées aux élèves. La commission des finances y est sensible.

Ainsi, vous avez décidé de sédentariser 3 000 des 11 376,5 équivalents temps plein consacrés aux réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED. Cette mesure, qui pose problème à certains de nos collègues, est intéressante. Elle mériterait d’être mieux expliquée et détaillée. Je rappelle qu’elle permet de récupérer 3 000 postes.

En outre, vous avez annoncé la création d’une « agence du remplacement » pour améliorer la gestion des 24 000 professeurs remplaçants. Cela permettra d’assurer une meilleure présence des enseignants face aux élèves. Nous y sommes sensibles.

De même, vous souhaitez limiter les mises à disposition dont bénéficie le corps enseignant. Certes, cela peut poser des problèmes au monde associatif. Mais, et chacun peut le comprendre, le rôle d’un professeur est d’abord d’enseigner, surtout dans une période de pénurie budgétaire.

Vous vous attaquez également au problème récurrent des enseignants sans élève dans des disciplines où la demande a fortement diminué. Là encore, nous attendons des précisions de votre part, monsieur le ministre. Nous savons que l’évolution est favorable, mais nous ne l’avons pas quantifiée cette année.

Je voudrais insister sur la solution que vous avez privilégiée pour maintenir une présence d’enseignants devant les élèves tout en diminuant globalement les effectifs : le recours aux heures supplémentaires. Désormais, celles-ci représentent près de 3,3 % de la masse salariale, soit 1,2 milliard d’euros, qu’il s’agisse des heures supplémentaires annuelles, les HSA, ou des heures supplémentaires effectives, les HSE. Les heures supplémentaires représentent à la fois une augmentation du pouvoir d'achat pour les enseignants qui travaillent plus et une charge significative pour le budget du ministère de l’éducation nationale.

Par ailleurs, toute une série de postes, près de 100 000, concourent directement ou indirectement à l’enseignement. Cela va de l’accueil aux enfants handicapés jusqu’aux fonctions de soutien. Cela représente un coût de 1,2 milliard d’euros, hors masse salariale dans les budgets d’intervention du ministère de l’éducation nationale. Il s’agit d’une somme significative qui représente, elle aussi, environ un peu plus de 3 % de la masse salariale. Pour la commission des finances, il s’agit d’une formule adaptée à la fois aux besoins des établissements scolaires et des élèves et à un moment de la carrière d’un certain nombre d’étudiants ou de futurs enseignants.

Je voudrais évoquer plusieurs autres aspects quantitatifs.

Vous avez retenu le principe de parité entre l’enseignement privé et l’enseignement public. C’est un principe de paix et de sérénité. Correspond-il – nous aurons l’occasion d’en discuter de nouveau lorsque nous aborderons la carte scolaire – à la réalité de la demande des enseignants ? Assurément non ! Mais, dans la période actuelle de contraintes des moyens, nous ne pouvons pas raisonnablement l’écarter, même s’il crée un certain nombre de frustrations et de déceptions.

De même, en matière de mobilisation des moyens dont vous disposez, vous avez cherché à insister sur l’aspect qualitatif.

Pour ma part, je suis extrêmement sensible à la création des 300 postes annuels d’infirmières ou d’infirmiers. Ces personnels assurent une présence de nature différente dans les établissements scolaires. Leur rôle ne se limite pas à prodiguer des soins.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Les infirmières et les infirmiers ont une fonction d’accueil spécifique, d’accompagnement, voire de soutien psychologique, ce qui peut aider à la résolution d’un certain nombre de problèmes. Comme nous le savons en tant que parents ou grands-parents, l’adolescence est une période sensible de l’existence.

Vous avez également choisi de créer des postes dans les zones les plus difficiles économiquement et socialement, ce qui constitue une réponse intéressante et courageuse au problème de la carte scolaire.

Ainsi que nous le demandions dans la majorité, vous avez accepté d’assouplir la carte scolaire. Il y a, nous le constatons, des déplacements. Cependant, nous observons que la plupart des demandes peuvent être satisfaites. Vous souhaitez non pas affaiblir les établissements les moins demandés, mais leur permettre, par un meilleur encadrement, de retrouver un niveau d’attractivité susceptible d’inciter les familles à y inscrire de nouveau leurs enfants.

En tant qu’élu régional, j’évoquerai le succès de la décentralisation de la gestion des personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux et de santé, les personnels ATOSS, vers les départements ou les régions.

Monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous nous préciser le pourcentage significatif de personnels ayant choisi le statut départemental ou régional, afin de répondre aux inquiétudes soulevées par certains lors de l’adoption de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Monsieur le ministre, un employeur public près des réalités est parfois plus apprécié que la rue de Grenelle, employeur public de grande qualité, mais parfois trop éloigné du terrain pour gérer des effectifs d’exécution ou d’application.

Comme je le soulignais à l’instant, une telle évolution des effectifs a permis de traiter l’assouplissement de la carte scolaire sans conflit majeur.

Monsieur le ministre, des progrès ont également pu être accomplis en matière d’accueil des élèves handicapés. Je vous en remercie au nom des familles concernées, même s’il s’agit d’une situation extrêmement tendue, qui demande une attention de tous les instants, notamment compte tenu de la carte des établissements pouvant ou non accueillir ce type d’élèves.

Je terminerai cette première partie sur l’adaptation des effectifs aux besoins exprimés par les établissements en évoquant le problème des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED.

Nous observons une réaffectation significative des maîtres spécialisés, 3 000 sédentarisations sur 11 000, c’est-à-dire environ un quart des effectifs. Nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur cette évolution, qui est pertinente, mais qui mérite d’être expliquée.

Le soutien nomade aboutit à un effort éducatif de grande qualité. Dans un groupe scolaire moyen, de cent vingt-cinq élèves, répartis en cinq classes, les trois titulaires de postes à temps plein mobilisés dans un RASED n’arrivent à suivre que sept élèves sur cent vingt-cinq.

La formule que vous proposez permet toujours de traiter les cas difficiles, mais elle permet également de suivre trente-six élèves sur cent vingt-cinq, c’est-à-dire près de cinq fois plus qu’auparavant.

Les cas lourds restent suivis par le psychologue, plus orienté par sa formation et par sa compétence vers des cas, certes marginaux, mais qui méritent d’être pris en considération.

En revanche, plus d’élèves en difficulté peuvent bénéficier d’un soutien personnalisé après l’école grâce à la suppression du samedi matin.

Nous avons besoin dans cette adaptation quantitative, de ne pas négliger les efforts qualitatifs qui ont été faits avec beaucoup de bonne volonté par les enseignants et dont les résultats sont souvent appréciés par les parents d’élèves.

Je voudrais dans une deuxième partie, et très brièvement, monsieur le président, évoquer des problèmes ponctuels.

Tout d’abord, la commission des finances insiste sur la difficulté de suivre des réformes qui sont pertinentes, mais annoncées parfois en cours d’année, et dont les incidences en termes de projets annuels de performances, pour reprendre la terminologie de la LOLF, ne sont pas connues, parce que les coûts ne sont pas indiqués.

Ensuite, elle attend, presque désespérément, le décret créant les établissements publics d’enseignement primaire.

Je crains, monsieur le ministre, que vous ne soyez rattrapé par une proposition de loi présentée par nos collègues députés MM. Apparu, Reiss et Geoffroy. Sur ce point, nous attendons une réponse.

Pour ce qui est des problèmes spécifiques à l’enseignement du second degré, j’éprouve de l’incompréhension devant l’évolution de certains crédits.

Les crédits de remplacement augmentent de 35 %, tant mieux, mais ils s’accompagnent d’une diminution de 27 % des crédits de formation des enseignants.

Ces évolutions sont spectaculaires, elles expriment sans doute une politique volontariste. On comprend en général assez facilement les augmentations, mais plus difficilement les diminutions. Vous nous les expliquerez, monsieur le ministre, je vous en remercie d’avance.

En outre, je voudrais signaler la difficulté de rendre compatibles les heures de soutien dans l’enseignement primaire et secondaire et l’obligation de transports scolaires dans de nombreux départements.

Ces nouveaux horaires modifient les circuits de ramassage et rendent dans certains cas le soutien scolaire irréalisable dans les écoles et les collèges en milieu rural.

J’évoquerai enfin la proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées de notre collègue Jean-Claude Carle, qui sera examinée le 10 décembre prochain et qui mettra fin à un débat complexe, sur lequel je ne reviendrai pas. Je me réjouis simplement qu’un texte qui semble faire l’objet d’un consensus puisse être adopté par le Parlement.

En terminant, je dirai que nous examinerons avec attention le budget du ministère de l’agriculture, qui participe à cette mission de l’enseignement scolaire, mais dans des conditions budgétaires légèrement équivoques.

Je veux dire par là que le ministère de l’agriculture n’a manifestement pas les moyens budgétaires de rattraper le retard qu’il a pris au sujet des accords qu’il a conclus avec l’enseignement technique agricole sous toutes ces formes, qu’il s’agisse de temps plein ou de temps adapté, et qu’il compte sur l’enthousiasme des parlementaires pour obtenir en séance ce qu’il n’a pas obtenu en arbitrage intergouvernemental.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, cela veut dire en fait qu’il va vous faire payer ce qu’il ne veut pas prendre sur les crédits de son ministère. Tels sont les faits ; nous ne sommes pas dupes !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Mme Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, a présenté un amendement qui aura l’immense mérite de traiter ce problème.

Ou bien le ministère de l’agriculture assume sa mission, qui sans doute est quantitativement marginale, mais qui est belle et appréciée et qui répond à un véritable besoin, ou bien il ne l’accepte pas, mais alors, qu’il ne transfère pas sa responsabilité sur le seul Parlement !

Si, dans notre majorité, nous sommes attentifs à cette forme d’enseignement, nous souhaiterions néanmoins que les problèmes gouvernementaux soient réglés en interne plutôt que par un prélèvement sur votre budget, qui, monsieur le ministre, n’est pas extensible indéfiniment ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien ! Quelle perspicacité, monsieur le rapporteur !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue Gérard Longuet vous a présenté les principales observations que la commission a portées sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Je n’y reviendrai donc pas

Le présent rapport est fait au nom de votre commission des finances. Je voudrais donc redire ici que je ne partage pas les objectifs du Gouvernement, ni les conclusions de votre commission tendant à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Le budget de l’enseignement scolaire nous est présenté, monsieur le ministre, alors que le malaise est profond dans la communauté éducative.

Une nouvelle fois, monsieur le ministre, vous l’avez préparé dans une logique comptable, une logique de réduction des dépenses publiques. La suppression de postes, massive, continue.

Après les 11 200 postes en moins cette année, 13 500 seront supprimés l’année prochaine, et 40 000 le seront dans les trois années à venir.

Centrer cette politique scolaire exclusivement sur la diminution du nombre de fonctionnaires, en taillant grossièrement dans les effectifs est une orientation catastrophique, qui se traduit, sur le terrain, par la fragilisation systématique des académies les plus en difficulté.

Les classes se retrouvent souvent surchargées. Il existe des menaces de fermeture pour la scolarisation en petite section à l’école maternelle, dont la mission est d’ailleurs remise en cause.

Les enseignants, vous le savez, ne sont pas remplacés, et ce sur des périodes de plus en plus longues. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, la mission « Enseignement scolaire » en est l’inscription budgétaire.

On a choisi l’éducation comme variable d’ajustement d’une politique qui n’est pas bonne. Alors, bien entendu, le Gouvernement prétend que le soutien scolaire permettra d’aider les élèves en difficulté.

On veut faire croire que les deux heures de soutien hebdomadaires compenseront la suppression de l’école le samedi matin, et que cela remplacera l’aide personnalisée des enfants en grande difficulté.

En réalité, il n’en est rien. Le démantèlement des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED, aura des conséquences désastreuses sur la résorption de l’échec scolaire.

Les professionnels des RASED travaillent en équipe et abordent des problèmes sociaux et relationnels qu’on ne peut pas traiter en classe.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Monsieur le rapporteur spécial, il ne s’agit pas d’heures de soutien scolaire Ces enseignants spécialisés s’occupent de ces enfants en dehors de la classe.

En substance, on dit aux enseignants de faire du soutien, mais sans l’appui des personnels compétents et spécialisés ! En réalité, ils se retrouvent face à l’échec.

On le voit bien, réaffecter 3 000 maîtres spécialisés, sur les 9000 ou 10 000 existants, dans des classes entières n’est pas conciliable avec l’objectif affiché de division par trois de l’échec scolaire, qui est particulièrement lourd en primaire.

Laisser tomber ces enfants jugés irrécupérables est un véritable abandon. D’ailleurs, la réunion du 16 octobre dernier au ministère a bien scellé la mort en trois ans des RASED.

Cette décision est dramatique pour les enfants, pour les parents et également pour les enseignants, qui n’en peuvent plus et qui le disent ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Ce matin, ils manifestent d’ailleurs devant le Sénat. Mais cette décision est dramatique aussi pour les maires, qui n’en peuvent plus de supporter tout cela ! Tout à l’heure, l’une de mes collègues m’en a apporté la confirmation.

Voilà ce que je voulais dire dans cette première partie, en rappelant que le Président de la République a récemment déclaré que les fonctionnaires qui manifestent ne se rendaient pas compte de la gravité de la crise.

Non, monsieur le ministre, au contraire, je pense qu’ils ont trop bien compris dans quel monde nous vivons.

M. Pierre Martin. Ils vivent dans le leur !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Et d’ailleurs, ils ne sont pas seuls ! Ainsi 70 % des Françaises et de Français soutiennent leur mouvement !

M. Pierre Martin. Ils peuvent se tromper !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. C’est écrit dans la presse, des sondages ont été faits. Si vous les utilisez, pourquoi n’en ferais-je pas état ? C’est une réalité nationale.

Il faut rappeler, monsieur le ministre, que ce projet de budget de l’éducation nationale est une vitrine, excusez-moi le mot, de l’ingratitude et du dédain du Gouvernement.

Il est le reflet de dogmes financiers, qui conduisent à vouloir faire de l’école une machine à sélectionner, un système à la carte renforçant les inégalités, un prétexte au commerce périscolaire et un dispositif de formation précoce des travailleurs.

En même temps, vous le savez, notre pays a la chance de disposer d’un grand service public, le service public de l’éducation.

Alors qu’il devrait être une priorité nationale, pour les familles et le développement, il pâtit, et on le voit à travers ce budget, d’arbitrages qui, bien sûr, ne sont pas bons.

L’école doit avoir pour objectif la réussite de chacun, tout le monde le dit.

Mais je pense que cet objectif devrait passer par l’arrêt des suppressions de poste, le remplacement des enseignants, le recrutement et la formation des personnels accompagnants nécessaires. Il faut remplacer les personnels qui manquent, notamment les surveillants, les médecins et infirmières scolaires, mais aussi les agents pour la scolarisation des enfants handicapés.

Cet objectif devrait également passer par la mise en place d’une programmation pluriannuelle des postes et l’arrêt du développement de la précarité, par l’élargissement de la scolarité obligatoire de 3 à 18 ans et non de 6 à 16 ans aujourd’hui, et par le développement de disciplines comme les sciences sociales, qui sont remises en cause dans le cadre de la réforme des lycées.

Cet objectif devrait enfin passer par la mise en place d’un plan ambitieux de développement de la formation des maîtres, d’un plan de recherche en éducation et aussi par la création d’un fonds national de lutte contre les inégalités scolaires, permettant d’aller vers la gratuité effective de la scolarité.

Tout cela, je ne le retrouve ni dans le rapport, ni dans le projet de budget. C’est pourquoi ma position est contraire à l’avis de la commission des finances, rapporté par notre collègue il y a quelques instants.

Bien sûr, toutes ces mesures que je viens d’évoquer, monsieur le ministre, demandent un engagement financier important, mais tout est question de priorités.

Le budget de l’éducation nationale pourrait être porté à 7 % du PIB, par exemple. Je crois savoir que son montant par rapport au PIB est le même qu’il y a vingt-cinq ou trente ans.

Je pense que la France en a les moyens. Cette année, le bénéfice des entreprises du CAC 40 représente ainsi le double du budget de l’éducation nationale.

On nous parle de la crise. Mais, en temps de crise, monsieur le ministre, les Françaises et les Français recherchent de la cohésion sociale dans les valeurs sûres. Le service public de l’éducation est l’une d’elles.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les observations que je souhaitais formuler ce matin à l’occasion de l’examen de ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, en consultant mon éphéméride, j’ai vu que c’était aujourd'hui la Saint-Xavier. À cette occasion, permettez-moi de vous souhaiter, en mon nom et en celui de mes collègues, s’ils m’y autorisent, une bonne fête ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Merci !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, une fois de plus, le projet de loi de finances pour 2009 fait de l’école la première des priorités nationales, envoyant ainsi à l’ensemble de la communauté un signal très clair : demain, comme aujourd’hui, la nation sera rassemblée derrière son école et est prête à lui donner les moyens dont elle a besoin pour préparer notre avenir collectif, et à affecter ces moyens prioritairement envers celles ou ceux qui en ont le plus besoin.

En 2009, le budget de la mission « Enseignement scolaire » franchira ainsi, en autorisations d’engagement, la barre symbolique des 60 milliards d’euros. Même additionnés, ces trois autres poids lourds de notre budget que sont les missions « Sécurité », « Défense » et « Écologie » ne suffisent pas à égaler l’effort de la nation pour son école.

C’est donc un honneur pour moi que de rapporter les crédits de cette mission, prioritaire entre toutes. C’est aussi une lourde tâche, d’autant plus qu’elle était exercée avec brio, encore récemment, par notre collègue Philippe Richert.

Pour accomplir au mieux cette tâche, j’ai souhaité associer l’ensemble de la communauté éducative à la préparation de ce rapport.

À mes yeux, notre réflexion repose sur quatre piliers, tous consacrés par la loi « Fillon » sur l’école : les personnels de l’éducation nationale, les familles, les collectivités territoriales et, enfin, le monde socio-économique.

J’ai rencontré tous ces partenaires et je souhaite aujourd’hui me faire aussi leur porte-parole, leurs réflexions ayant éclairé mes travaux et ceux de la commission.

Ces réflexions, je pourrais les résumer en trois mots : investissement, évaluation et partenariat. Ces trois mots sont aussi les trois clefs de l’avenir de notre école. Permettez-moi, mes chers collègues, de m’y arrêter un instant.

Investissement, tout d’abord : trop longtemps, nous sommes restés prisonniers du combat sans fin qui opposait deux logiques également néfastes, l’une prônant l’augmentation des moyens à tout prix et refusant toute réforme, l’autre ne voyant dans l’école qu’un coût à maîtriser au prix d’économies parfois excessives.

Grâce à vous, monsieur le ministre, ainsi qu’à certains de vos prédécesseurs, nous avons su trouver une troisième voie, respectueuse des besoins du système éducatif et consciente de la nécessité de faire le meilleur usage des moyens offerts par la nation. Cette troisième voie, c’est celle que dessine la promotion d’une logique d’investissement.

Investir, c’est préparer l’avenir en acceptant de faire un effort aujourd’hui pour en tirer les fruits demain ; c’est miser sur le savoir faisant partie de ces biens qui ne s’épuisent pas en se partageant, mais que le partage même fait grandir. Car je crois, comme l’a dit le député Henri Nayrou, président de l’Association nationale des élus de montagne, l’ANEM, que « l’école est un acte de foi, d’espérance et d’engagement ».

Investir, c’est tirer le meilleur parti des moyens disponibles pour pouvoir, comme vous le faites cette année, enrichir l’offre éducative à moyens quasi constants.

Investir, c’est accepter de consacrer près de 60 milliards d’euros aux seules politiques éducatives, parce qu’elles constituent le vecteur à la fois de l’intégration républicaine, de la promotion sociale et de l’épanouissement de chacun.

Investir, c’est accepter de consentir cet effort, presque inouï, de 60 milliards d’euros par an, en sachant qu’il nous oblige par son ampleur même.

Car la communauté nationale ne peut dépenser de telles sommes sans exiger d’en connaître les résultats, non pas pour incriminer ni punir, mais tout simplement pour savoir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et envisager les réformes pour améliorer l’efficacité de nos politiques éducatives.

Sans évaluation, il n’y a pas d’investissement possible et pérenne. Sur ce point, le consensus règne et tous nos interlocuteurs, sans exception monsieur le ministre, ont souligné la nécessité d’accentuer encore l’effort d’évaluation au sein de votre ministère.

D’ores et déjà, des progrès remarquables ont été accomplis. Dès votre arrivée, vous avez tenu à associer des objectifs chiffrés à chacune de vos réformes et vous le pouviez d’autant plus efficacement que ces réformes elles-mêmes étaient fondées sur des constats objectifs et précis.

La refondation de l’école primaire en témoigne, puisqu’elle est tout entière assise sur les résultats des enquêtes internationales PIRLS – Progress in international reading literacy study – et PISA – Programme international pour le suivi des acquis des élèves – et sur le rapport particulièrement clair et fouillé du Haut conseil de l’éducation.

Cet effort d’évaluation, que je tiens à saluer, pourrait encore être poursuivi et accentué. En effet, les documents budgétaires témoignent encore du flou qui entoure certaines questions. Pourtant, il n’est de bonne évaluation qui ne s’appuie sur des données précises et stables, portant à la fois sur le passé et sur le présent et fixant des objectifs pour l’avenir.

Il en va de même pour les prévisions qui déterminent le calibrage définitif du budget. C’est un exercice difficile, voire hasardeux, que de prévoir. Pourtant, il est important et même décisif que ces estimations soient aussi précises et solides que possible.

Sans évaluation, il ne peut y avoir de certitudes partagées avec l’ensemble des partenaires de l’école. L’évaluation claire, transparente et effectuée par une autorité qui ne soit ni juge ni partie est donc l’une de clefs du partenariat que, tout comme vous, j’appelle de mes vœux.

Vous l’avez démontré à de multiples reprises ces derniers mois, monsieur le ministre, en signant un nombre important de protocoles d’accord et de discussion.

Cet effort de concertation doit être salué, car il est unique dans l’histoire récente de ce ministère : jamais autant de chantiers n’avaient été ouverts en même temps, jamais ils n’avaient été conduits avec autant de volonté et, en même temps, d’ouverture. Cela mérite d’être souligné : il n’est pas une seule de vos actions dans laquelle un syndicat de personnels au moins ne vous accompagne.

M. Xavier Darcos, ministre. Ce n’est pas assez !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Ce fait est en lui-même significatif. En effet, si le consensus est difficile à obtenir, c’est en avançant avec ceux qui sont prêts à s’engager dans la rénovation que le visage de l’école pourra se transformer.

C’est pourquoi je suis convaincu que des partenariats pourraient être noués avec l’ensemble des membres de la communauté éducative, que j’ai tenus à recevoir.

Un partenariat pourrait être établi avec tous les personnels de l’éducation nationale, qui ne souhaitent qu’une chose, voir leur travail au service des élèves pleinement reconnu. Avec la revalorisation du métier d’enseignant, comme avec le protocole d’accord sur le métier d’inspecteur, vous avez témoigné de cette reconnaissance. Dès 2009, 188 millions d’euros seront consacrés aux mesures catégorielles, sans compter les crédits liés aux heures supplémentaires, qui portent le montant total de ces revalorisations à plus de 300 millions d’euros.

Les personnels de l’éducation nationale, ce sont aussi les personnels médico-sociaux. Permettez-moi, monsieur le ministre, de revenir sur ce point, après Gérard Longuet, rapporteur spécial. Ces personnels sont essentiels pour la réussite de tous les élèves. Chacun de nous connaît les difficultés de recrutement auxquelles vous êtes confronté. Ne serait-il toutefois pas temps de nouer des conventions avec le secteur libéral pour garantir aux élèves qu’ils bénéficieront effectivement de cette aide dont ils ont besoin et à laquelle ils ont droit ?

Sur ces questions de personnels, permettez-moi toutefois de vous poser la question suivante qui inquiète beaucoup les personnels de votre ministère : qu’en est-il des conditions de départ à la retraite dans la fonction publique des mères ayant eu plus de trois enfants ? Des rumeurs circulent, de nombreux enseignants hésitent à partir dès maintenant. Pouvez-vous les rassurer sur ce point ?

Ce partenariat pourrait également lier plus étroitement encore l’école aux familles. Ces dernières sont les principales bénéficiaires des réformes que vous avez engagées, et plus particulièrement les familles modestes, qui pouvaient rarement offrir à leurs enfants les cours de soutien, les stages de langue ou les activités culturelles et sportives dont bénéficiaient nombre d’élèves.

Avec l’accompagnement éducatif, avec les heures de soutien au primaire, avec les stages offerts gratuitement à tout niveau, ces inégalités inacceptables seront réduites, et je suis convaincu que, sur toutes les travées de cette assemblée, nous ne pourrons que nous en réjouir.

Pour autant, les familles peinent parfois à saisir la différence et l’articulation de ces dispositifs. Un travail d’explication reste donc à accomplir et je suis certain, monsieur le ministre, que vous aurez à cœur de continuer à le mener.

Permettez-moi également, mes chers collègues, d’insister un instant sur le cas des familles qui font le choix de scolariser leurs enfants dans le privé sous contrat, car c’est sur elles que retombe la charge financière des engagements que l’État prend et qu’il ne tient pas toujours avec toute la célérité voulue.

Il serait donc bon que toute revalorisation ne fasse pas l’objet d’un lissage systématique, a fortiori lorsqu’était intervenu un accord préalable ; je pense en particulier à la revalorisation du forfait « élève ».

Au cœur de ce partenariat, se situent également les collectivités territoriales. En quelques années, elles sont devenues le second partenaire financier de l’école après l’État, puisqu’elles acquittent à elles seules 22 % de la dépense publique d’éducation.

Elles ont donc vocation à être associées de manière privilégiée aux réformes envisagées en matière scolaire. Je crois donc opportun, monsieur le ministre, de formaliser les concertations informelles, mais régulières, que vous avez engagées avec elles, en créant un comité consultatif de suivi des réformes, qui permettrait aux collectivités territoriales de faire des propositions pratiques de mise en œuvre de ces réformes. Bien souvent, elles n’y sont pas opposées par principe, mais elles s’interrogent sur leurs modalités d’application. Vous pourriez donc les rassurer sur ce point.

Enfin, cette culture du partenariat doit valoir également pour le monde socio-économique. De ce point de vue, la réforme du baccalauréat professionnel, qui permettra d’élever le niveau de qualification des diplômés de l’enseignement professionnel, est une excellente chose. (Mme Annie David s’exclame.) Et je sais, monsieur le ministre, qu’elle recueille l’approbation du monde socio-économique.

Celui-ci pourrait toutefois s’exprimer plus encore, notamment à l’échelon régional. C’est déjà le cas lors de l’élaboration du plan régional de développement des formations professionnelles, le PRDF. Il ne manque à ce dernier que d’avoir valeur d’engagement pour tous les partenaires concernés pour devenir le support privilégié de la concertation et de l’action commune.

Je souhaite vivement que la réforme de la formation professionnelle voulue par le Président de la République concerne aussi bien le segment de la formation continue que celui de la formation initiale.

Tous ces partenariats vous permettront de mener à leur terme et dans les meilleures conditions les réformes extrêmement ambitieuses que vous avez engagées.

Car cela ne fait aucun doute : le visage de notre école est en train de changer, en offrant désormais à chaque élève, à côté du temps de classe, un accompagnement individualisé synonyme de réussite.

Il était donc logique de réaffecter une partie des maîtres spécialisés des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté dans les classes. Ils pourront ainsi faire bénéficier leurs élèves, mais aussi leurs collègues, de leur expérience particulière en matière de remédiation.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Ils l’ont déjà !

M. Guy Fischer. C’est incroyable !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. C’est pourquoi, mes chers collègues, ce budget doit être pris pour ce qu’il est, un budget de réforme, marqué par le double souci de mieux utiliser l’argent public dans une administration qui n’a pas toujours été exemplaire de ce point de vue et de redonner comme point de repère à l’école sa vocation républicaine d’institution de promotion sociale

Un seul point en témoigne, le non-renouvellement de 13 500 postes se fera sans affecter le nombre d’enseignants présents devant les élèves, mais en utilisant mieux les moyens humains dont dispose le ministère.

Le rapporteur que j’ai été de la commission d’enquête du Sénat sur la gestion des personnels de l’éducation nationale voilà quelques années ne peut qu’approuver cette démarche. Le remplacement, les mises à disposition, tout cela pouvait et devait être optimisé. Vous en avez eu le courage, monsieur le ministre, et cela méritait d’être souligné.

C’est pourquoi la commission des affaires culturelles a souhaité vous soutenir pleinement dans cette démarche.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis. Sa majorité !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Elle a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire », sous la réserve toutefois, que je fais mienne, du rééquilibrage des crédits destinés à l’enseignement agricole, qui fait l’objet d’un amendement de notre collègue Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Cet enseignement est souvent la voie de la réussite pour des jeunes en situation d’échec scolaire. C’est lui qui répond le mieux aux besoins de ces jeunes, de la profession et à la diversité des territoires. Le ministre de l’agriculture et de la pêche, Michel Barnier, nous dira tout à l'heure, après le conseil des ministres, combien il lui est attaché. C’est pour cet enseignement qu’il convient aujourd’hui de faire un effort supplémentaire.

Je souhaite donc que le Gouvernement s’engage dans ce domaine et qu’il le fasse sur des crédits réels, qui ne seront ni gelés ni affectés ailleurs en cours d’année. Je sais, monsieur le ministre, que nous pouvons compter sur vos engagements en la matière. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, voilà huit années que la commission des affaires culturelles me fait l’honneur et le plaisir de me confier l’examen du budget de l’enseignement agricole et, sur cette période, je n’ai jamais connu une déception aussi forte qu’aujourd’hui.

Voilà un an, je rapportais devant vous le budget pour 2008 en faisant un double constat.

D’abord, les moyens prévus pour 2008 étaient extrêmement justes. Ensuite, des engagements avaient été pris afin de présenter, pour 2009, un budget plus ambitieux, condition nécessaire pour insuffler le nouveau souffle dont l’enseignement agricole avait besoin.

Un an plus tard, ce nouveau souffle est bien là et il prend la forme d’un cinquième schéma des formations en préparation, qui permettra sans doute – et je l’espère tout particulièrement, puisque j’ai eu l’opportunité de participer aux premiers stades de son élaboration – de donner un nouvel élan à l’enseignement agricole.

Si le projet est là, les moyens n’y sont pas.

Pour toute la communauté éducative que rassemble l’éducation agricole, c’est une immense déception. Pour la première fois, j’ai le sentiment que tous ceux qui font vivre cette exception remarquable sont au bord du découragement, voire, si rien n’est fait, du renoncement.

Cette année, tous m’ont dit l’impossibilité de continuer dans la direction indiquée par le projet de loi de finances, qui ne permettra ni de mettre en œuvre la rénovation prévue par le cinquième schéma, ni de maintenir en l’état l’offre éducative. Des suppressions massives de classes sont prévisibles. Selon certaines projections, officieuses, mais crédibles, elles pourraient concerner l’année prochaine soixante à quatre-vingt classes.

En apparence, ce budget peut pourtant paraître satisfaisant : il progresse en effet de 0,64 %, alors que d’autres régressent ; il intègre quelques avancées, comme le recrutement d’auxiliaires de vie scolaire pour accueillir plus de jeunes handicapés ; il prévoit un effort sur le remplacement de courte durée dans le public, grâce au recrutement centralisé de cinquante contractuels.

Cependant, ce budget n’est en réalité pas soutenable. Le seul chiffre de l’évolution de la masse salariale hors contribution de pension le démontre. La masse salariale régresse effectivement de plus de 1,60 %. De ce point de vue, l’enseignement agricole, particulièrement l’enseignement agricole public, est clairement entré en récession.

En fait de récession, je devrais parler d’un krach : en deux années, les moyens humains de l’enseignement agricole public ont diminué de 6,01 %. La raison en est simple : comme tous les ministères, celui de l’agriculture doit appliquer la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cela conduit mécaniquement à des coupes sévères dans les ressources humaines du ministère.

Bien entendu, mes chers collègues, la maîtrise de la dépense publique revêt un caractère impératif et nous ne pouvions continuer indéfiniment à accumuler des dettes supplémentaires aux dépens des générations à venir. Cependant, si l’effort de maîtrise doit être systématique, il ne peut être aveugle. Comme chacun de nous le sait bien, l’enseignement agricole ne faisait pas partie des services publics où les gains de productivité potentiels étaient légion.

Il s’agit d’un service public rural, mis en œuvre dans des lycées publics où règne un esprit particulier ainsi que dans des établissements privés qui n’ont cessé, depuis des années, de prélever sur leur propre trésorerie, c’est-à-dire sur les familles, les crédits qui leur manquaient. Or ces familles sont souvent celles d’élèves boursiers : dans l’enseignement agricole, plus d’un élève sur trois est effectivement boursier.

Du côté du privé, qui, pour des raisons historiques, est très présent dans l’enseignement agricole, la situation n’est pas meilleure, et ce pour chacune de ses composantes.

Les établissements du temps plein, tout d’abord, ne sont toujours pas parvenus à obtenir de l’État qu’il respecte ses engagements. Outre les salaires des enseignants qu’il prend à sa charge, l’État leur verse une subvention de fonctionnement calculée sur la base des dépenses de fonctionnement des lycées agricoles publics. Tous les cinq ans, le coût de l’élève dans le public doit donc être réactualisé, pour revaloriser en conséquence la subvention. Cette actualisation revêt néanmoins les apparences d’une épopée : le plus souvent, l’enquête quinquennale prévue par le code rural sur le coût de l’élève n’est pas menée et, lorsqu’elle l’est, sa prise en compte devient un véritable feuilleton.

Tel est à nouveau le cas depuis 2006 : une enquête a été réalisée – ce fut déjà l’objet de rudes négociations – et ses résultats ont été publiés en 2007. Le ministère, qui aurait dû en tenir compte en 2008, s’y est refusé faute de crédits, tout en promettant de le faire en 2009.

Ce ne sera évidemment pas le cas : la première tranche de crédits de paiement est prévue pour 2010, le reste étant versé en 2011, puis en 2012. En 2012, la subvention de fonctionnement sera donc calquée sur ce qu’elle était, en 2006, dans le public. À l’évidence, cela n’a rien de sérieux.

C’est pourquoi les établissements du temps plein ont, après deux années de négociations infructueuses, décidé d’engager une action contentieuse, qu’ils gagneront : les règles fixées par le code rural sont très claires, elles s’appliqueront mécaniquement et l’État sera condamné. Nul ne le conteste au demeurant.

Pour éviter ce contentieux, il aurait suffi de verser la première tranche de la revalorisation dès 2009 et de l’achever en 2011. Je m’interroge, mes chers collègues, sur les raisons qui ont pu conduire le ministère du budget à refuser, lors des négociations budgétaires, une mesure qui aurait évité à l’État une condamnation rétroactive pour manquement à ses obligations légales et réglementaires.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très juste !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Quant à la troisième composante de l’enseignement agricole, l’enseignement dit « du rythme approprié », c’est-à-dire en alternance, sa situation n’est plus avantageuse qu’en apparence.

La subvention de fonctionnement versée au temps approprié a effectivement fait l’objet d’un rattrapage de 19 millions d’euros étalé sur quatre ans – la dernière tranche est versée cette année. En échange de ce rattrapage, les établissements ont été contraints de déclarer des effectifs d’élèves accueillis inférieurs à ce qu’ils sont en réalité et d’assumer la charge de l’éventuelle différence. Bon gré mal gré, la subvention du rythme approprié n’en a pas moins nettement progressé depuis trois ans. Il faut dire qu’elle partait de très loin. Cela dit, comme souvent avec l’État, les chiffres inscrits en loi de finances sont bien différents des sommes effectivement versées.

Entre-temps, le gel budgétaire a fait des ravages. Il affecte particulièrement l’enseignement agricole privé pour deux raisons.

D’une part, n’étant pas des dépenses dites de titre II, c’est-à-dire de personnel, les subventions versées à l’enseignement privé se voient appliquer un taux de mise en réserve en début d’année extrêmement important. Il s’élève à près de 10 % pour le rythme approprié et de 20 % pour le temps plein.

D’autre part, le ministère de l’agriculture doit, en cours d’année, faire face à des intempéries et calamités agricoles diverses, qui justifient moult plans d’action et d’urgence financés par voie d’annulation de crédits sur les autres lignes du ministère. Or que fait le ministre du budget lorsqu’il doit annuler des crédits ? Il supprime définitivement les crédits gelés en début d’année. Les subventions au privé s’en trouvent chaque année plus que rabotées et les reports de charge se multiplient.

Le résultat en est simple : l’effet de la mise à niveau de la subvention du temps approprié sur quatre ans est annulé chaque année. Cette revalorisation équivaut à un peu moins de 20 millions d’euros versés sur quatre ans. Or, chaque année, entre 20 et 25 millions d’euros ne sont pas versés au rythme approprié pour cause de gels, puis d’annulations.

Par ailleurs, étant endémiques, ces gels conduisent à l’accumulation, année après année, de nouveaux reports de charge. Au total, ils pourraient atteindre en 2009 le montant – rendez-vous compte – de 58,52 millions d’euros, dont 46 millions concernent les seules subventions versées à l’enseignement privé.

À l’évidence, tout cela n’est pas de bonne gestion. Il est temps de remettre à niveau l’enseignement agricole dans son ensemble : toutes ses composantes souffrent, qu’elles soient publiques ou privées. Toutes doivent être aidées pour retrouver un nouveau souffle.

C’est pourquoi j’ai proposé à la commission des affaires culturelles un amendement, qu’elle a adopté à l’unanimité. Il permettrait de remettre à niveau les crédits de l’enseignement agricole une fois pour toutes, en lui attribuant les 51 millions d’euros dont il a besoin, notamment pour annuler l’effet des suppressions d’emplois dans un enseignement public désormais exsangue, pour tenir les engagements pris par l’État vis-à-vis des établissements du temps plein et pour combler le déficit creusé dans la trésorerie des établissements du rythme approprié par le « découvert sans frais » que l’État s’est autorisé via les reports de charges.

Compte tenu des contraintes de l’article 40 de la Constitution, c’est par voie de prélèvement sur le budget de l’éducation nationale que cette remise à niveau doit se faire. Permettez-moi de vous le dire d’emblée, ce prélèvement ne représentera pas grand-chose pour elle, puisque 50 millions d’euros équivalent à 0,08 % de ses crédits.

M. Xavier Darcos, ministre. Cela représente mille emplois !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. J’en suis d’autant plus convaincue qu’il existe, si ce n’est dans les structures, du moins dans les faits, une vraie complémentarité entre les deux formes d’enseignement.

Ainsi l’enseignement agricole assure-t-il, dans les territoires ruraux, une indiscutable mission de remédiation : ses classes de quatrième et de troisième remettent souvent sur pied des élèves que l’Éducation nationale n’a pas su faire progresser. Ces élèves sont très souvent des boursiers – c’est le cas d’un élève sur trois dans l’enseignement agricole, alors que la proportion d’élèves boursiers n’est que d’un quart dans l’enseignement en général. Enfin, l’insertion des diplômés de l’enseignement agricole est remarquable. Une enquête commune aux deux ministères montre que le taux moyen d’insertion à 7 mois des diplômés de l’enseignement agricole est supérieur de près de 9 % à celui des élèves formés dans les établissements dits « classiques ».

Je crois donc qu’il nous incombe, de manière parfaitement cohérente avec la logique de résultats de la LOLF, de revenir sur des arbitrages gouvernementaux manifestement erronés en donnant aujourd’hui à la complémentarité existant entre ces deux formes d’enseignement le visage de la solidarité.

À long terme, la gestion budgétaire du programme devra toutefois changer – je rejoins sur ce point Gérard Longuet, rapporteur spécial. C’est pourquoi l’amendement que je vous propose d’adopter aujourd’hui est bien un amendement pour solde de tout compte. À cet égard, je veux être très claire ; c’est la dernière fois, je m’y engage, que je vous propose d’intervenir sur le budget de l’enseignement agricole.

Au nom de la commission, j’adresse au ministre de l’agriculture et de la pêche un message particulièrement explicite : il vous reviendra à l’avenir de faire les arbitrages budgétaires nécessaires à la survie de l’enseignement agricole. La commission souhaite que vous preniez des engagements très clairs à ce sujet pour que, tant en autorisation qu’en exécution, le budget de l’enseignement agricole ne soit pas la victime expiatoire des arbitrages opérés par ailleurs.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Très bien !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Au vu de l’ensemble de ces éléments, vous comprendrez donc, mes chers collègues, que j’aie recommandé à la commission des affaires culturelles de donner un avis défavorable à l’adoption en l’état des crédits de la mission. Elle m’a fait l’honneur de me suivre à l’unanimité et a subordonné tout avis favorable à l’adoption de l’amendement que je vous présenterai ce matin. (Applaudissements.)

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Très bien !

M. Ivan Renar. Bravo pour votre courage, madame Férat !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enseignement professionnel est sous les feux de l’actualité avec la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans.

S’il n’y avait que la notoriété soudaine dont il bénéficie désormais, la généralisation serait une excellente nouvelle pour l’enseignement professionnel. À cet égard, je salue, monsieur le ministre, l’intérêt que vous témoignez à cette forme d’enseignement. Faute d’une dignité suffisante aux yeux de l’opinion publique, la voie professionnelle a effectivement trop souvent été reléguée au deuxième plan.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. C’est vrai !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis. Je regrette toutefois la forme que prend cet intérêt. Permettez-moi de le préciser, mes fortes réserves tiennent non pas à l’existence du baccalauréat professionnel en trois ans, mais aux risques que fait courir sa généralisation.

Pour certains élèves, capables de suivre un tel rythme, ce sera un parcours de réussite. Les expérimentations l’ont d’ailleurs montré.

Cependant, elles démontrent également que la grande majorité des élèves n’est pas capable de suivre un tel cursus. Près de 50 % des lycéens concernés ne parviennent pas jusqu’au diplôme et quittent le lycée sans aucune qualification.

C’est, au demeurant, logique. Les élèves qui fréquentent l’enseignement professionnel ont souvent connu des difficultés scolaires. II faut leur laisser le temps de reprendre confiance et de construire de nouveaux parcours de réussite.

C’est pourquoi l’enseignement professionnel était jusqu’ici caractérisé par une grande diversité. Le CAP, certificat d’aptitude professionnelle, se préparait en une, deux ou trois années. Le BEP, brevet d’études professionnelles, pouvait être passé la même année que le CAP. Les cursus de BEP et de baccalauréat professionnel pouvaient être fondus en des parcours de trois ans. C’est cette diversité qui est menacée par la généralisation.

Pour répondre aux inquiétudes, vous avez souhaité maintenir le BEP, qui sera passé en fin de deuxième année. Vous souhaitez ainsi garantir à tout élève l’obtention d’une qualification minimale. Cependant, quelle valeur aura-t-elle ?

Passé essentiellement sous la forme de contrôle en cours de formation, préparé dans des conditions plus ou moins rocambolesques, ce BEP sera une forme de « bac-1 » et ne jouira plus de la reconnaissance qui était la sienne jusqu’à présent.

Cette reconnaissance était effectivement bien plus forte qu’on ne le croit généralement.

Il est vrai que le BEP n’a jamais totalement éclipsé le CAP, essentiellement parce que le BEP, à la différence du CAP, était tout à la fois un diplôme propédeutique et une qualification professionnelle. Certains secteurs sont donc restés très friands du CAP et méfiants à l’endroit du BEP.

Cependant, les chiffres sont là. L’insertion des titulaires d’un BEP est supérieure à celle des titulaires d’un CAP. Dès lors, pourquoi prendre le risque de faire disparaître une formation qualifiante ? Pourquoi le faire au profit d’un diplôme, le CAP, qui donne de moins bons résultats pour l’insertion et qui permet moins facilement de poursuivre des études ?

C’est pourquoi cette généralisation hâtive m’inquiète, d’autant que cette expérimentation n’a jamais été conduite dans l’optique d’une généralisation.

C’est d’ailleurs pour cela que ni les référentiels ni les programmes des nouveaux baccalauréats professionnels ne sont encore prêts.

Comme l’immense majorité des interlocuteurs que j’ai rencontrés, je crains les conséquences de cette généralisation. Pour qu’elle ne pénalise pas les élèves, je ne vois qu’une solution, monsieur le ministre : mettre fin à l’orientation par l’échec, qui fait de l’enseignement professionnel une voie de remédiation tout autant que de qualification.

M. Xavier Darcos, ministre. Vous avez raison !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis. Le mal vient de loin. C’est au collège que se construit l’échec scolaire, qui conduit à l’orientation vers la voie professionnelle. Si le collège unique n’a tenu qu’une part de ses promesses, c’est qu’il est resté un collège général. À l’issue de la troisième, il n’y a, en effet, qu’un débouché naturel : la seconde générale et technologique.

Les élèves à qui cette forme d’enseignement ne convient pas sont donc orientés par l’échec. Ce constat, nul ne le conteste. Pourtant, rien ne change.

Vous aviez annoncé l’année dernière la création du « parcours de découverte des métiers et des formations ». Au premier abord, la mesure semblait ambitieuse. Le dispositif devait permettre de dissiper les préjugés qui alimentent l’orientation par l’échec, et ce de deux manières.

Tout d’abord, il était prévu que, pour préparer son orientation, chaque élève visiterait un lycée général et technologique, un lycée professionnel et un centre de formation d’apprentis, un CFA. Ce projet a fait long feu : la circulaire sur les parcours de découverte s’est réduite à la visite d’un des trois types d’établissements au choix. Il n’y a rien de nouveau donc, puisque c’était déjà le cas. L’« entre-soi » continuera à prédominer et la découverte n’aura pas lieu.

Ensuite, les premières annonces sur ce parcours de découverte laissaient espérer également un contact plus régulier avec la diversité des métiers, via des stages, des visites, des rencontres. Au final, il ne s’agit que de dix journées sur quatre années –  ce qui est peu –, passées en entreprise ou en relation avec des professionnels. Là encore, la découverte n’aura pas lieu.

Ce dispositif était pourtant nécessaire. De plus en plus nombreux sont, en effet, les étudiants qui, après quelques années, se découvrent une vocation pour un métier qui n’a rien à voir avec la formation générale qu’ils ont suivie.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, il vous faut vous emparer de cette nécessité impérieuse : l’école doit aussi faire naître des vocations et ne plus laisser jouer à plein les inégalités scolaires et sociales, qui font que le fils d’ouvrier s’imagine en ouvrier et le fils de cadre en cadre. Il faut ouvrir les esprits.

Cela suppose un véritable engagement, bien sûr, mais aussi des personnels pour guider ce travail de découverte et d’orientation.

Or, pour l’heure, nul n’est vraiment responsable de l’orientation dans le système éducatif. Le code de l’éducation précise, d’ailleurs, que l’orientation est du ressort de l’ensemble de la communauté éducative.

Au final, personne ne s’investit pleinement dans cette mission, à l’exception des conseillers d’orientation-psychologue, qui ne sont que 5 000 environ pour plus de 7 000 établissements du second degré.

C’est pourquoi, je veux vous faire la proposition d’attribuer à chaque élève un adulte référent. Ce dernier serait chargé de le suivre, de le rencontrer régulièrement, de l’aider à réfléchir à son avenir, à trouver un stage utile pour son projet, en un mot, de l’aider à s’orienter.

Bien entendu, il faudrait former ces adultes référents. À coût quasi constant, monsieur le ministre, il y aurait ainsi moyen de changer les choses et de donner un peu de chair à « l’éducation à l’orientation » dont parlent les textes, mais qui, pour l’heure, ne recouvre pas grand-chose !

Je formulerai, enfin, une dernière suggestion : il faut continuer à recruter des conseillers d’orientation-psychologue et leur confier pour mission de coordonner l’action de ces adultes référents.

Ces derniers adresseraient aux conseillers d’orientation-psychologue les élèves qui en ont besoin et viendraient chercher auprès d’eux toutes les informations nécessaires.

Les conseillers d’orientation-psychologue pourraient également gérer des banques de stage, proposées par les familles. Ce stage de troisième pourrait alors être un vrai moment de découverte et d’ouverture aux métiers, et non plus un stage de confort, fait avec ses parents ou avec des amis de la famille.

En faisant enfin de l’orientation une véritable priorité, en ouvrant les élèves à la diversité des métiers, l’orientation par l’échec pourrait enfin cesser d’être une réalité.

Pour cela, il faut des moyens. Or je m’interroge, monsieur le ministre : pourquoi l’enseignement professionnel sous statut scolaire ne sera-t-il pas relativement préservé en 2009, comme le sera, à vous entendre, le lycée général et technologique ?

Cela fait beaucoup d’incertitudes. C’est pourquoi je ne voterai pas, à titre personnel, les crédits pour 2009 de la mission « Enseignement scolaire », auxquels la commission des affaires culturelles a toutefois donné un avis favorable, sous réserve de l’adoption d’un amendement rééquilibrant les crédits de l’enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes aux groupes UMP, socialiste, UC, CRC-SPG et RDSE et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Le Gouvernement répondra aux orateurs.

Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes réparties de la manière suivante : question, deux minutes trente ; réponse, deux minutes trente ; réplique éventuelle, une minute.

La conférence des présidents a décidé d’attribuer cinq questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et une question à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le budget de l’enseignement scolaire.

Derrière les chiffres couchés sur les 360 pages de ce budget, se joue une partie de l’avenir de milliers d’écoliers, de collégiens et de lycéens. Or il ressort de leur lecture – je devrais dire de leur « décryptage » – une bien étrange impression : celle d’un terrible décalage entre ce que vous annoncez, monsieur le ministre, en préambule de ce budget et la réalité des chiffres qui le composent.

Ce budget donne l’impression d’une insincérité – le mot n’est pas trop fort – qu’il est impossible de taire tant les mesures que vous multipliez depuis deux ans visent à déconstruire notre système public de l’éducation.

M. Xavier Darcos, ministre. Il ne faut pas exagérer !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est ce qu’a bien compris la communauté éducative, qui s’est mobilisée en force le 20 novembre dernier.

M. Xavier Darcos, ministre. Comme tous les ans !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous nous parlez de « nouveaux services » à destination des élèves et de leurs familles. Comment expliquer alors que l’action intitulée « Accueil et service aux élèves », dans le programme « Vie de l’élève », où l’on devrait justement retrouver cet effort de l’État, ne représente plus que 0,7 % de ce programme contre 20,3 % l’année dernière ?

Dans le secondaire, petit à petit, vous videz les établissements de tous les adultes qui contribuent à la vie scolaire des élèves : surveillants, conseillers principaux d’éducation, conseillers d’orientation-psychologue, et je ne parle pas des infirmières, dont le recrutement pose problème !

Bientôt, ce sera aux enseignants d’assumer toutes ces tâches. Comment tiendrez-vous, dans ces conditions, les objectifs que vous annoncez dans la présentation de ce programme ?

Je veux dire un mot sur l’accueil des élèves handicapés. Vous prétendez accroître leur accueil. Mais, en comparant les chiffres de cette année avec ceux de l’année dernière dans le premier degré, l’école a, en réalité, accueilli moins d’élèves handicapés, soit 1 401 élèves handicapés de moins.

Vous nous parlez d’enseignants « mieux payés » et « mieux formés ».

Les enseignants sont-ils mieux payés ? Les suppressions de postes n’ont pas permis aux enseignants de gagner plus. Elles ont compensé pour partie le coût du vieillissement des corps, qui, à lui seul, explique que vous nous présentiez un budget en hausse.

Les enseignants sont mieux payés à condition, donc, qu’ils acceptent d’allonger leur temps de travail en faisant des heures supplémentaires. Vous consacrez de nouveau d’importants moyens aux heures supplémentaires – près de 1 milliard d’euros – sans justifier de l’efficacité de ce choix : votre budget ne comporte aucune indication sur leur consommation ni sur leur utilisation. Comment, dès lors, mesurer et garantir la performance de cette politique, qui vise à institutionnaliser les heures supplémentaires comme seul mode de gestion ?

Les enseignants sont-ils mieux formés ? Les crédits et les moyens de formation sont en baisse. En deux ans, dans le premier degré, 3 670 postes de stagiaires seront supprimés.

Avec la disparition programmée des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, et la « mastérisation », on peut légitimement s’interroger sur les moyens qui seront consacrés à la formation des enseignants, notamment à leur formation initiale, et ce d’autant que ce budget, monsieur le ministre, indique clairement vouloir renforcer la forte contribution qu’y apporte le milieu scolaire. En clair, les enseignants se formeront directement sur le terrain devant les élèves.

Je m’interroge également sur la question des effectifs. Cette année, sont prévues 11 200 suppressions de postes et 13500 en 2009, qui s’ajoutent aux 35 000 postes détruits depuis 2003.

Dans le second degré, vous justifiez une partie de ces 13 500 suppressions de postes par la poursuite de la baisse du nombre d’élèves en 2008. Cette baisse est pourtant ralentie dans les collèges. Ils accueilleront 8 000 élèves de plus en 2009. Il suffit de se reporter à l’évolution des effectifs en primaire – en hausse continue depuis 2004 – pour prévoir que ceux du second degré repartiront irrémédiablement à la hausse.

Dans quelles conditions seront accueillis ces futurs collégiens et lycéens alors que vous continuez à supprimer en masse les postes d’enseignants stagiaires – plus de 3 000 postes ont été supprimés en deux ans dans le secondaire – et que vous ne remplacez pas les départs en retraite ? Comment, dès lors, garantir que le taux d’encadrement des élèves ne sera pas remis en cause ?

Dans le primaire, pour la première fois, une hausse des effectifs se traduit par une baisse des postes. En 2009, 14 000 enfants de plus sont attendus dans les écoles par rapport à 2008, et le solde des emplois affiche 5 500 postes de moins.

Parallèlement, votre schéma d’emplois mentionne la création, « à caractère provisionnel », de 500 postes de personnels administratifs pour accompagner la création des futurs établissements publics du premier degré. Mais la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale n’a même pas été votée !

À l’inverse, vous justifiez la suppression de 500 postes administratifs par les économies induites par le déploiement du logiciel de gestion Chorus. Or, selon Bercy, le déploiement de ce logiciel pour votre ministère n’est pas à l’ordre du jour en 2009 !

Avec cette logique, on comprend mieux votre décision de « sédentariser » 3 000 postes de réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED : 3 000 postes, c’est justement le nombre d’enseignants partant à la retraite qui ne seront pas remplacés en 2009. Quel tour de magie !

Sinon comment expliquer cette décision ? S’explique-t-elle par le manque de performance des RASED ? Encore aurait-il fallu les évaluer. Or leur action n’a pas été évaluée nationalement depuis 1996.

S’explique-t-elle par la mise en place des deux heures d’aide personnalisée ? L’aide personnalisée et l’aide spécialisée sont deux choses bien distinctes. Surestimer les possibilités de la première et dénigrer la seconde, c’est nier le besoin d’une réponse spécifique pour les élèves confrontés à une difficulté durable et globale.

Tous les enseignants, mais aussi les parents d’élève qui ont bénéficié du soutien des RASED le savent, d’où leur forte mobilisation. J’y reviendrai lors des questions.

Quant à la mise en place de cette aide personnalisée rendue possible par la suppression de l’école le samedi, il faudra évaluer son efficacité et ses conséquences sur l’organisation du temps scolaire, notamment parce qu’elle revient à allonger les journées de classe et à les concentrer sur quatre jours.

Il est vrai que vous n’avez rien imposé en la matière. Cependant, la rapidité de la mise en œuvre de cette mesure a pris de cours les équipes pédagogiques comme les collectivités territoriales. J’insiste, cette année encore, sur la question de l’évaluation tant revendiquée, mais si discrète dans les faits.

Pour le primaire, vous avez créé deux nouveaux outils d’évaluation en CE1 et CM2. Connaîtront-ils le même sort que les indicateurs de performances censés évaluer en fin de troisième la maîtrise du socle commun institué par la loi Fillon ?

Cette année encore, ces indicateurs ne sont quasiment pas renseignés. Les résultats de ces évaluations nationales du primaire seront-ils rendus publics et comment le seront-ils ?

Tout cela demande à être clarifié, car je m’interroge sur l’interprétation de ces informations dans un contexte de suppression de la carte scolaire, et ce d’autant qu’une étude, non publiée par votre ministère, réalisée en 2007 par deux inspecteurs de l’éducation nationale sur les premiers assouplissements de la carte scolaire pointe du doigt le risque accru de « ghettoïsation » de certains établissements.

La même méthode est appliquée pour la maternelle et la scolarisation des enfants de deux ans. L’école maternelle est un lieu d’apprentissage, un lieu où les enseignants apprennent aux enfants à apprendre, un lieu déterminant pour effectuer le repérage des premières difficultés. L’école maternelle est donc utile, et elle a besoin de moyens en personnels ainsi qu’en formation.

C’est pourquoi je vous demande de nouveau de rendre l’école maternelle obligatoire dès trois ans et de ne pas fermer la porte de l’école aux enfants de deux ans.

Décidément, monsieur le ministre, chaque budget qui passe démontre combien l’affirmation de qualité fondée sur le dogme de la réduction des moyens est inconciliable avec le maintien d’un véritable service public de l’éducation, laïque et gratuit. Oui, le système éducatif a besoin de réformes, mais ces réformes ont besoin de se fonder sur une réelle concertation. Ce n’est pas le cas aujourd'hui.

La communauté éducative se mobilise depuis deux ans, non pas pour défendre le statu quo, ni pour refuser le principe d’une réforme, ni encore parce qu’elle serait guidée par une « culture de la grève ».

Vous réduisez de fait cette forme d’expression démocratique qu’est la grève à l’expression étroite d’intérêts particuliers, ce qui revient à disqualifier la parole que portent ces enseignants, ces personnels de l’éducation, de la recherche, ces parents d’élèves, ces lycéens.

Des réformes similaires, pareillement guidées par la feuille de route fixée en 2000 par la stratégie dite de Lisbonne, rencontrent aussi une vive protestation en Italie, où les universités sont occupées par les étudiants.

J’évoquerai brièvement le service minimum.

La pratique a démontré l’impossibilité pour de très nombreuses communes de le mettre en place, faute de personnels. Aujourd’hui, des communes se retrouvent assignées en référé devant les tribunaux administratifs.

Monsieur le ministre, la communauté éducative n’a pas besoin que vous lanciez des appels pour la surveiller. Elle a besoin d’être écoutée, entendue et associée dans sa volonté de faire progresser notre système éducatif, d’assurer la réussite de tous les élèves, en refusant la fatalité de l’échec et la reproduction des inégalités.

C’est pourquoi, loin de nous en tenir à la seule question des postes, nous proposons un ensemble de dispositions et de démarches pour répondre aux exigences actuelles, au premier rang desquelles figure la lutte contre les inégalités. Je pense, notamment, à la création immédiate d’observatoires des scolarités et d’un fonds national de lutte contre les inégalités scolaires.

Cela suppose bien sûr de développer la recherche en éducation et de mener une rénovation du recrutement et de la formation professionnelle des personnels.

Pour l’ensemble des raisons que je viens de citer, mon groupe émettra un vote négatif sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget qui nous est présenté illustre clairement la priorité donnée par le Gouvernement à l’enseignement scolaire.

Avec 60 milliards d’euros de crédits en 2009, l’enseignement reste très légitimement le premier budget de l’État.

Mais, au-delà de cette réalité, je veux souligner que l’effort en faveur de l’enseignement se mesure également par le choix assumé de poursuivre l’ambitieuse politique de réforme en faveur de l’éducation voulue par le Président de la République.

Depuis dix-huit mois, cette politique a été menée à un rythme soutenu, sans équivalent depuis bien longtemps, ce qui correspond à l’urgence de la situation et à l’attente des Français.

Ceux-ci, viscéralement attachés à l’éducation nationale, véritable socle de notre pacte républicain, se lamentaient de voir, depuis de trop longues années, l’école presque dans l’incapacité de se moderniser.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. C’est vrai !

Mme Colette Mélot. Les réformes actuellement mises en œuvre sont absolument nécessaires pour la sauvegarde du service public de l’éducation nationale, car les résultats de notre système éducatif ne sont plus satisfaisants, au regard de l’investissement budgétaire de la nation et de l’investissement du corps enseignant.

On évalue à 15 % la proportion des élèves qui entrent au collège sans maîtriser la lecture, l’écriture ou le calcul : cette réalité inacceptable exige une action forte des pouvoirs publics. Le budget pour 2009 donne précisément les moyens de prolonger et d’amplifier les réformes de fond engagées.

Je pense d’abord à la réforme de l’école primaire, qui vise à favoriser la réussite scolaire de tous avec l’objectif de diminuer par trois le nombre d’élèves en grande difficulté.

Cela se traduit en particulier par de nouveaux programmes plus clairs et recentrés sur les apprentissages fondamentaux mais également par une meilleure prise en charge des élèves en difficulté grâce aux deux heures dégagées par la suppression des cours le samedi matin.

Le budget pour 2009 illustre également les efforts déployés pour aider les enfants issus de familles modestes à réussir. Il concrétise l’objectif d’égalité des chances par un engagement financier marqué en faveur de l’éducation prioritaire.

Les stages gratuits de remise à niveau pendant les vacances pour les élèves sont un véritable succès.

Le programme de réussite éducative s’ajoute aux autres dispositifs.

Il faut donner les moyens d’amplifier ce mouvement que vous avez initié, monsieur le ministre. Toutes ces mesures prouvent bien votre volonté d’améliorer l’efficacité du système scolaire et de renforcer les chances de réussite de chaque élève, quel que soit son milieu d’origine.

Je tiens également à souligner les mesures prises pour la modernisation du secondaire, en particulier pour la mise en œuvre sur trois ans de la réforme du lycée d’enseignement général et pour la poursuite de la rénovation de la voie professionnelle, avec la généralisation à partir de l’an prochain du baccalauréat professionnel en trois ans.

Dans ce contexte, certains s’empressent déjà de demander pourquoi il faudrait réformer le lycée alors qu’il a permis à des milliers de Français d’accéder au baccalauréat, puis aux études supérieures. Les Français sont fiers de leur lycée et ils ont raison de l’être.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Colette Mélot. Depuis plusieurs décennies, le lycée a connu des bouleversements et a dû accueillir des populations d’élèves toujours plus nombreuses et toujours plus diverses avec pour mission l’accès au baccalauréat.

Toutefois, il ne faut pas que le lycée demeure figé dans son modèle actuel ; il doit franchir une nouvelle étape pour s’adapter à la société du XXIe siècle.

La réforme que vous souhaitez engager, monsieur le ministre, permettra aux lycées d’assurer une meilleure préparation aux études supérieures et d’offrir de nouveaux services aux élèves des lycées généraux et technologiques pour leur permettre de mieux s’orienter.

Ainsi, la nouvelle classe de seconde qui sera mise en place à la rentrée 2009 se caractérisera par une meilleure organisation du temps scolaire dans l’année et dans la semaine.

L’année scolaire comportera deux semestres et quatre rendez-vous annuels avec l’élève au lieu de trois aujourd’hui : deux conseils de mi-semestre et deux conseils de fin de semestre, où sera notamment abordée l’orientation de l’élève.

Cette nouvelle organisation s’accompagnera d’un soutien scolaire adapté, d’une aide méthodologique, d’un conseil d’orientation, d’un travail interdisciplinaire et, pour ceux qui le souhaitent, d’un travail d’expertise. C’est une conception totalement nouvelle de la classe de seconde qui va être mise en œuvre.

La nouvelle semaine scolaire comportera trois grands ensembles : des enseignements généraux de tronc commun sur une durée totale de vingt et une heures, auxquels s’ajouteront six heures d’enseignements complémentaires proposés sous forme de modules, ainsi qu’un accompagnement personnalisé de trois heures hebdomadaires.

Pour mettre fin à certaines polémiques, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez clarifier certains points, à savoir : d’une part, les répercussions budgétaires qu’entraînera la réforme du lycée et, d’autre part, la question du niveau d’encadrement des classes par le personnel enseignant et non enseignant.

Sur un plan pratique, pourriez-vous, monsieur le ministre, préciser les orientations de la nouvelle classe de seconde, notamment le dispositif de « droit au changement » des élèves, s’il s’avère qu’ils se sont manifestement trompés dans leur choix ?

Concrètement, comment un élève qui souhaiterait changer d’orientation pourrait-il rattraper les enseignements qu’il n’aurait pas suivis au cours du premier semestre ? La communauté éducative attend une réponse rapide de manière que le projet ne soit pas mis en œuvre dans l’urgence.

Pour conclure, je veux souligner que le budget qui nous est présenté traduit bien une véritable politique de réforme et de modernisation de l’éducation nationale, qui bénéficie à toute la communauté éducative : élèves, familles et enseignants.

Vous pouvez donc compter sur le soutien du groupe UMP, monsieur le ministre, pour accompagner le profond et nécessaire mouvement de modernisation que vous avez engagé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, notre collègue Jean-Claude Carle vous a tout à l'heure souhaité une bonne fête mais je pense qu’en tant que ministre de l’éducation nationale vous êtes à la fête tous les jours ! (Sourires.)

M. Xavier Darcos, ministre. Cela fait partie du métier !

M. Alain Vasselle. Les enseignants font en sorte que vous soyez toujours à la fête, mais sachez que nous sommes à vos côtés pour vous aider.

Je ne ferai pas de commentaires sur ce budget. Je voudrais simplement appeler votre attention sur quelques points, en adoptant, à l’instar de mon collègue Gérard Longuet, un style un peu cursif afin de respecter mon temps de parole et nous permettre d’examiner ce budget dans le délai imparti.

Le premier sujet sur lequel je souhaite obtenir de votre part quelques assurances est celui des expérimentations qui ont été mises en place pour l’enseignement précoce des langues étrangères dès la maternelle.

Le département dont je suis élu est actuellement concerné par une telle expérimentation, et je me réjouis que votre ministère ait accepté de signer une convention tripartite avec la structure intercommunale que je préside et le conseil général. Je voudrais toutefois savoir si seront reconduits les moyens humains permettant la poursuite de cette expérimentation.

Le ministère a-t-il prévu le fléchage des enseignants dans les groupements qui expérimentent l’enseignement précoce ?

Le ministère entend-il toujours privilégier les natifs de la langue ? Nous savons en effet que les chances de réussite sont meilleures lorsque cet enseignement est assuré par des natifs de la langue.

Le ministère procède-t-il assez régulièrement à une évaluation de ces expérimentations et entend-il en tirer des enseignements afin de généraliser l’enseignement précoce des langues dès la maternelle dans l’enseignement public ? Actuellement, cet enseignement n’est assuré qu’à raison de trois quarts d’heure par semaine à partir du CE1 ou du CE2 mais ne l’est pas à la maternelle.

Une question revient régulièrement dans la bouche des parents d’élèves : pourquoi ne privilégie-t-on pas l’enseignement de l’anglais, dont certains considèrent, à tort sans doute, qu’il est devenu la langue universelle ?

Il me semble utile de donner des explications à l’opinion publique sur la volonté du Gouvernement de ne pas privilégier une langue plutôt qu’une autre. Chacun sait que l’acquisition d’au moins deux langues étrangères permet d’en acquérir plus facilement une troisième ou une quatrième.

Le deuxième sujet que je souhaite évoquer est le service minimum.

Monsieur le ministre, sur la question du service minimum, le recteur de l’académie de Créteil, qui était présent au congrès des maires de France, a été un peu malmené.

M. Xavier Darcos, ministre. Il y a eu des échanges depuis !

M. Alain Vasselle. Le Président de la République est ensuite intervenu pour donner quelques assurances. Le recteur a fait valoir que vous étiez en conseil des ministres à trois heures de l’après-midi et, en même temps, que vous étiez à Bruxelles ! Cela n’a pas été très bien vécu par les maires au congrès, et cela a créé certains mouvements, mais ce n’est pas l’objet de mon intervention.

M. Xavier Darcos, ministre. Il s’agissait du conseil des ministres européen !

M. Alain Vasselle. Il aurait dû, dans ce cas, être plus précis.

À l’époque où nous avons discuté du texte sur le service minimum, j’ai fait valoir que je ne comprenais pas pourquoi nous n’avions pas adopté pour l’école un dispositif similaire à celui qui a été mis en place dans les transports publics.

On m’a alors répondu qu’il y avait une différence fondamentale entre les deux dispositifs : à la SNCF, le service est assuré tandis qu’à l’école il s’agit simplement d’accueillir les enfants et d’en assurer la garde.

Or, pourquoi les enseignants, tout en n’assurant pas les cours puisque c’est la grève, ne pourraient-ils pas garder eux-mêmes les enfants ? Le personnel de l’éducation nationale est quand même le premier responsable de ses élèves. Cela, en tout cas, faciliterait la tâche des maires.

M. Jean-Louis Carrère. Vous allez créer des ennuis supplémentaires à M. Darcos !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Un accueil sans enseignement, ce serait une bonne solution !

M. Alain Vasselle. Cela étant, c’est un point de vue personnel et j’admets volontiers que ce n’est pas facile à mettre en œuvre.

Permettez-moi de lister rapidement les problèmes rencontrés.

En tant que président d’une association départementale de maires, j’ai eu vent des difficultés auxquelles ceux-ci sont confrontés. J’en ai fait part à Jacques Pélissard, le président de l’Association des maires de France, et j’ai cru comprendre que le Président de la République avait l’intention, avec vous, monsieur le ministre, de les prendre en considération.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Ces difficultés sont réelles !

M. Claude Domeizel. Nous les avions prévues dès le début !

M. Alain Vasselle. Le premier problème qui se pose aux maires, c’est le délai de quarante-huit heures. Ce délai est trop bref, notamment pour les mairies des petites communes rurales qui n’ont pas de permanence quotidienne pour assurer la réception des mails transmis par l’inspection d’académie.

La deuxième difficulté est liée à l’établissement des listes de volontaires. Selon les ATSEM, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, juridiquement, leur statut ne leur permet pas d’assumer cette fonction de garde. J’aimerais donc qu’on lève cette ambiguïté, parce que c’est un élément qui est mis en avant pour ne pas assurer le service.

Un autre problème se pose également avec les agents territoriaux, qui affirment que cette mission n’est pas de leur compétence et ne correspond pas à leur statut.

La réquisition de ces agents ne peut être que le fait du préfet, non celui du maire. On risque d’être confronté, en outre, à une grève généralisée de ces agents eux-mêmes.

Je pointe ces difficultés pour montrer que, pour un maire d’une petite commune rurale, il n’est pas évident, même s’il y est favorable, de mettre en place ce service minimum.

M. Serge Lagauche. Nous avions prédit ces difficultés !

M. Alain Vasselle. Au-delà du problème de l’encadrement des enfants et de la qualification des intervenants, se pose la question de la responsabilité pénale des maires, qui sera invoquée si des enfants sont confiés à une personne qui n’a pas les compétences requises.

M. Claude Domeizel. Pourquoi, alors, avez-vous voté la loi !

M. Alain Vasselle. Mes chers collègues, laissez-moi terminer, parce que j’ai déjà dépassé de quarante-cinq secondes mon temps de parole ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Enfin, pour s’assurer de la neutralité financière du coût du service minimum, pourquoi ne pas suivre la méthode adoptée par Mme la ministre de l’intérieur pour les passeports biométriques. Elle a en effet demandé à M. Jacques Pélissard d’en évaluer le coût de gestion pour les communes ? Nous pourrions en tirer des enseignements.

Monsieur le ministre, voilà les quelques points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention. Je n’aborde pas la question des RASED, d’autres l’ont évoqué, mais il serait intéressant de mesurer les conséquences du nouveau dispositif pour les enfants en difficulté. Je n’en doute pas, vous saurez apaiser nos inquiétudes sur ce point.

Monsieur le ministre, vous avez beaucoup de mérite à exercer cette fonction. Je vous en félicite ! (Bravo ! et applaudissements amusés sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, n’est- ce pas un tableau bien noir que vous dressez pour l’avenir de l’enseignement scolaire en nous proposant d’adopter ce projet de budget pour 2009 ?

L’enseignement scolaire, qui est au cœur de notre socle républicain, est pourtant un pari sur l’avenir, un investissement qui doit préparer nos enfants à relever les défis de la société de la connaissance et de l’information virtuelle.

L’éducation nationale, son bras armé, est l’un des derniers services publics régaliens de l’État. Elle doit garantir l’égalité d’accès à l’enseignement de tous les enfants sur l’ensemble du territoire et leur assurer un socle commun de connaissances qui leur permette de devenir des citoyens avisés, dotés d’un sens critique suffisamment aiguisé pour ne pas céder aux sirènes de notre société de consommation. Elle doit aussi faire de ces enfants des acteurs à part entière de notre société, capables de s’assumer financièrement quelle que soit leur origine sociale.

Selon l’expression consacrée, trop de réforme tue la réforme.

Après la suppression de la carte scolaire, le vote de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ou encore le service minimum d’accueil, voici la réforme des lycées, de l’enseignement professionnel, de l’IUFM, et donc du recrutement des enseignants ; la refonte de l’école primaire autour de nouveaux programmes et de nouveaux horaires ; la nouveauté concernant l’accueil des jeunes enfants ; et, j’ai gardé le meilleur pour la fin, la sédentarisation de 3 000 enseignants des réseaux d’aide spécialisé aux enfants en difficulté.

Comment comptez-vous réussir ce tour de force, sans y mettre ni la forme ni les moyens ?

Monsieur le ministre, je reviens sur la question du service minimum d’accueil délégué aux communes. Vous remettez en cause, dans un seul élan, à la fois le droit de grève des enseignants et la sécurité des élèves puisque, devant la difficulté de mise en œuvre de cette mesure, aucune garantie n’a été exigée quant au niveau des compétences des personnels d’encadrement qui pallieront l’absence des grévistes. Qui plus est, comme pour l’article 89, vous transférez des charges financières supplémentaires aux collectivités locales. Il en sera de même, je suppose, pour les structures chargées d’accueillir les enfants âgés de deux à trois ans.

Avec cet ensemble de mesures, vous remettez en cause les fondements qualitatifs de notre système éducatif. Quelles en seront les conséquences à long terme ? Que deviendra notre école laïque unique, celle qui doit aplanir les différences, et non les accentuer, liées au milieu familial ou à la richesse de la commune d’habitation ?

Je m’associe à l’inquiétude unanime des professionnels du secteur face à l’absence de concertation et d’évaluation préalables aux réformes.

Prenons l’exemple de la réforme des lycées : elle paraît justifiée par le taux élevé d’échecs ou d’abandons des étudiants inscrits en licence. C’est pourquoi vous proposez une scolarité sous forme de modules disciplinaires.

Ce choix pédagogique me semble pertinent, sous réserve que deux conditions soient remplies : l’éventail des matières proposées aux élèves doit rester très diversifié et ne doit pas être réduit à la seule logique d’entreprise – il faut que vivent les arts, la philosophie et les langues étrangères ; il convient de mettre en place un programme de formation pour les enseignants pour accompagner ce dispositif.

Mais pourquoi réformer si rapidement ? Avez-vous évalué les incidences réelles sur la vie des lycées ? Y aura-t-il plus d’adultes pour entourer et accompagner les jeunes dans leurs choix et les aider à tirer le meilleur parti de cette nouvelle façon d’enseigner ? Ou bien est-ce encore les meilleurs élèves qui tireront profit de la diversité des modules et les moins bons qui seront très vite dépassés et laissés pour compte ?

Concernant l’enseignement professionnel, réduire la durée de préparation du « bac pro » à trois ans peut attirer de vraies vocations si les collégiens ont accès, durant leur scolarité, à un parcours de découverte des métiers et à des formations de qualité. En revanche, il paraît difficile d’inciter des élèves en grande difficulté à suivre le même cursus sans être sûrs d’obtenir, à mi-parcours, un diplôme de type CAP ou BEP.

C’est pourquoi il me paraîtrait utile de développer davantage de passerelles entre la filière générale, la filière professionnelle et les entreprises. Il doit y avoir une souplesse dans l’orientation d’un élève qui envisagerait de changer de voie ou qui ne réussirait pas dans celle qu’il a choisie.

Enfin, pour dissiper l’image péjorative de l’enseignement professionnel, il faudrait développer une campagne d’information interne dès le collège qui serait principalement axée sur les débouchés de ces cursus en matière d’emploi, sans oublier de revaloriser l’image des enseignants de ces lycées.

En ce qui concerne l’enseignement agricole, véritable modèle pédagogique, je rejoins la position exprimée par Mme Férat, rapporteur pour avis, qui a déposé un amendement, au nom de la commission des affaires culturelles, pour que le ministère de l’agriculture et de la pêche vienne en soutien du ministère de l’éducation nationale pour financer les 51 millions d’euros manquants.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. C’est plutôt l’inverse !

Mme Françoise Laborde. À défaut, il reviendra à votre ministère d’assumer ces dépenses. Eh oui, monsieur le ministre, la pédagogie de qualité a un coût !

Sans revenir en détail sur l’ensemble des lignes budgétaires qui nous sont présentées aujourd’hui, je ne peux passer sous silence les nombreuses suppressions de poste ou leur non-renouvellement, ce qui, à moyen terme, revient au même.

Est-il raisonnable de justifier ces décisions par une vision partielle de l’évolution démographique ? En effet, ne croyez-vous pas que, si le nombre d’élèves est plus important aujourd’hui dans le premier degré, cela se répercutera directement sur le second degré dans les prochaines années ? Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi avez-vous décidé de stopper les concours de recrutement dans certaines disciplines ?

Dans la même logique, comment justifiez-vous la réduction drastique de 1 500 postes ? Cette décision conduit à une remise en cause directe de la pérennité du travail effectué par les nombreuses associations de proximité du mouvement d’éducation populaire, dont l’action complète celle de l’éducation nationale en assurant, notamment aux enfants des familles en difficulté, une ouverture à laquelle ils n’auraient pas accès dans le secteur privé en termes notamment d’accompagnement scolaire et d’activités périscolaires.

Vous affirmez de surcroît que le financement de ces associations doit désormais répondre à une logique de projet. Mais c’est déjà le cas depuis le début de l’année 2007, avec les conventions pluriannuelles d’objectifs !

Je terminerai mon analyse en évoquant le devenir des réseaux d’aide aux enfants en difficulté. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, le soutien scolaire ne peut pas remplacer la spécificité et la qualité du travail effectué par ces personnels spécialisés. Les 3 000 enseignants qui seront sédentarisés dans des classes ne pourront pas y tenir le rôle de référents au sein d’une équipe pédagogique, comme vous voulez nous le faire croire.

Avez-vous prévu que leur classe ait un effectif très réduit, au même titre qu’une classe d’intégration scolaire ? Peut-être avez-vous prévu, pour profiter au mieux de leurs nombreuses compétences, des classes « ghettos » de 28 élèves en difficulté ? Ou bien avez-vous envisagé, par mesure d’économie, leur retour pur et simple dans une classe banalisée ?

Comment justifiez-vous alors que ces personnels soient affectés à des classes standard, avec leurs bons et moins bons éléments, alors qu’ils ont obtenu leur spécialisation après une formation de plusieurs années financée par l’État ? Ce dernier aurait-il investi à fonds perdus ?

Qui s’occupera finalement des élèves en grande difficulté ? Qui accompagnera leurs familles ? Qui prendra le temps de créer le climat de confiance indispensable pour restaurer l’image de l’école et permettre les apprentissages ? Les centres médico-psycho-pédagogiques, avec leurs six mois d’attente, ou les professionnels du privé, n’auront pas la vision globale de la problématique et, en cette période de baisse du pouvoir d’achat, ils ne sont pas à la portée de tous.

Vous confirmez ainsi votre choix de valider l’école à plusieurs vitesses.

Mon collègue François Fortassin, ainsi que l’ensemble des membres du groupe RDSE partagent ces interrogations et une terrible incompréhension en la matière.

Nous rêvons tous d’un projet ambitieux pour l’éducation nationale ; cependant, rien ne nous oblige à légiférer dans la précipitation, comme vous nous invitez à le faire aujourd’hui.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous conditionnons notre vote à l’engagement de votre part de mener une évaluation régulière des réformes engagées, qui conduise à des ajustements, voire à des modifications, et ce pour le bien des élèves, en concertation avec les professionnels concernés et les parents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le ministre, je ne passerai pas en revue les différentes lignes budgétaires de la mission « Enseignement scolaire », mais je m’attacherai à quelques thèmes phares de la politique éducative que vous menez afin de mettre en exergue votre conception de l’école, sur laquelle le Parlement a, en définitive, peu d’occasion de se prononcer.

Nous avons ressenti très fortement sur le terrain que la communauté éducative a dépassé le stade de l’inquiétude et qu’elle finit par être écrasée sous le poids de ce qui lui tombe sur la tête et par un climat malsain, que votre gestion ministérielle a largement contribué à développer. À la gestion comptable de notre système scolaire, vous ajoutez la défiance et le mépris envers les enseignants, que vous attaquez dans leur identité professionnelle même.

En effet, c’est bien ce que véhiculent, même si vous vous en défendez, à la fois vos annonces intempestives et votre manière de faire. Votre méthode consiste à noyer la communauté éducative sous un flot de réformes et de déclarations tapageuses pour rendre les enseignants atones, pour segmenter la communauté éducative par des mesures sectorielles ciblées et pour essayer de saper à la base toute réaction collective organisée.

Même les rapporteurs spéciaux de la commission des finances s’y perdent et déplorent que la multiplication des annonces ministérielles puisse « nuire au bon suivi et au contrôle des crédits de la présente mission, qui constitue pourtant le premier poste de dépenses de l’État. Ces mesures, le plus souvent annoncées en cours d’année, ne font en effet généralement pas l’objet d’une présentation au sein des projets annuels de performances et leur impact budgétaire reste mal connu. »

Monsieur le ministre, vous ne pourrez vous dispenser encore longtemps d’un réel dialogue avec les représentants de la communauté éducative. Il est regrettable qu’il ait fallu une mobilisation forte, telle que celle du 20 novembre dernier, pour que vous sembliez faire marche arrière, en annonçant tout récemment être prêt à recevoir les syndicats. Il y a pourtant une méthode simple pour saisir l’état de l’opinion : savoir écouter et accepter d’entendre. C’est bien plus économique que de mobiliser 200 000 euros pour faire de la veille d’opinion, surtout en ces temps de crise, pendant lesquels le Gouvernement est très prompt à réduire la dépense publique sur des postes essentiels. Les enseignants auront peine à y voir autre chose qu’une provocation supplémentaire !

Le soutien individualisé devient l’axe central de votre politique éducative. En réalité, ce n’est qu’un paravent : il vous permet d’affirmer que vous vous mobilisez pour les élèves en difficulté et que vous leur offrez les conditions de la réussite. Mais ce qui se joue dans la classe, les situations d’apprentissage habituelles, ne sont, quant à elles, pas du tout remises en question.

Quant aux conditions de travail des élèves au quotidien, elles sont détériorées par une politique des ressources humaines strictement comptable, qui, avec le projet de loi de finances pour 2009, atteint son paroxysme. La sédentarisation ou banalisation de 3 000 emplois de maîtres E et G exerçant dans les RASED en est l’illustration frappante. C’est bien pourquoi la communauté éducative s’est mobilisée fortement contre cette mesure. Vous voulez faire croire que ces enseignants spécialisés seront plus efficaces s’ils sont chargés d’une classe. Mais comment pourront-ils faire du suivi individualisé en gérant quotidiennement une classe hétérogène d’une trentaine d’élèves ? Et comment pourront-ils également venir en appui à leurs collègues ?

Les professionnels des RASED eux-mêmes ont réalisé, grâce à une enquête de terrain, un bilan de leurs propres pratiques et fonctionnements, en vue d’optimiser le dispositif.

Au lieu d’utiliser ce travail, ce capital d’expériences, pour doter les RASED de conditions de fonctionnement réellement meilleures, vous allez casser complètement ces réseaux, car cette première tranche de suppression devrait être poursuivie en 2010 et 2011 pour aboutir, à terme, à la suppression de l’ensemble des 8 000 emplois exerçant au titre des RASED.

Si ce n’était que par souci d’économie, ce serait une erreur, mais nous sommes confrontés à la mise en application d’un parti pris idéologique fondé sur une conception restrictive de la « remédiation » scolaire, ce qui constitue à nos yeux une faute politique grave.

Déjà, dans des écoles maternelles franciliennes, qui comportent un fort taux d’enfants non francophones, les équipes enseignantes ont été informées que les élèves qui bénéficieraient des deux heures hebdomadaires d’accompagnement, ne pourraient pas parallèlement être pris en charge par les RASED. Monsieur le ministre, dans votre conception des choses, comme dans les faits, l’un remplace donc l’autre, ce qui revient à faire entrer dans le même moule difficulté scolaire et échec scolaire, à traiter pareillement deux situations différentes.

Le soutien scolaire individualisé, qui permet de revenir sur ce qui n’a pas été compris en classe, n’est pas de même nature et ne peut s’adresser aux mêmes publics. Traiter l’échec scolaire demande une prise en charge globale des élèves en grande difficulté par une équipe pluridisciplinaire, dans un cadre spécifique.

Vous créez ainsi les conditions pour laisser sur le bord du chemin les élèves qui ont décroché, parce que votre dispositif ne peut fonctionner que pour des élèves en difficultés passagères.

Pour les élèves qui sont en situation d’échec, ou de fait hors-jeu du système scolaire, nous avons besoin d’une palette de prises en charge différenciées par des personnels spécialisés pour leur permettre de se réapproprier l’école et de pouvoir entrer dans l’apprentissage. Sans cela, vos mesures renforceront le refus scolaire de ces enfants les plus éloignés du système, ceux qui ne saisissent pas le sens de l’école.

Nous considérons que c’est une faute politique grave. Tout miser sur des heures supplémentaires de soutien scolaire, c’est mettre les moyens sur les seuls élèves, certes en difficulté, mais les moins éloignés de l’apprentissage, pour essayer de faire du chiffrable le plus rapidement possible dans l’espoir de pouvoir afficher une légère baisse du taux d’élèves ne maîtrisant pas les apprentissages fondamentaux et justifier ainsi votre gestion. Et tant pis pour les autres, ce seront les victimes collatérales du quantifiable !

Ce faisant, c’est la conception même de l’école républicaine fondée sur l’éducabilité de chacun qui est remise en cause. C’est là que réside la faute politique grave.

Vous cassez également les fondements et les réseaux institutionnels de la réflexion et de la culture pédagogique, les instruments de l’innovation pédagogique, de l’adaptation des pratiques éducatives à des situations d’apprentissage de plus en plus complexes.

C’est le retour au seul face à face enseignant-enseigné, dans un souci de productivité de la classe, et l’affaiblissement du travail collectif dans le traitement de la grande difficulté scolaire. De quel dispositif, de quel soutien pourront disposer les enseignants démunis face à des situations difficiles ou à des cas complexes ? Ce qui se profile, c’est un véritable gâchis de compétence. Votre politique éducative tourne le dos à la généralisation des bonnes pratiques.

Pour ce qui concerne les rythmes scolaires, nous avions déjà la journée scolaire la plus longue du monde avec cinq heures et demie de temps pédagogique. Aucun enfant d’école primaire ne peut être attentif sur un temps journalier aussi long, même entrecoupé de pauses. Et vous l’augmentez encore en affectant les heures résultant de la suppression du samedi aux quatre jours restants pour le soutien scolaire ! Si l’objectif poursuivi avait été l’intérêt des enfants, la priorité n’aurait pas été donnée à la réorganisation de la semaine scolaire, mais à celle de la journée.

La première heure à huit heures trente, la mi-journée et le temps post-scolaire à partir de seize heures trente sont les périodes de la journée les moins propices aux activités pédagogiques. Ce sont pourtant sur ces deux dernières plages horaires qu’est majoritairement organisé le soutien scolaire. Est-ce pour le bien des enfants ?

Restons sur le premier degré.

L’école maternelle, initialement par le biais de la scolarisation précoce, fait l’objet depuis quelques mois d’une offensive généralisée de la part de la majorité gouvernementale : avec le rapport Tabarot tout d’abord, autour de l’idée de jardins d’éveil pour les deux-trois ans dans les structures existantes et les écoles maternelles, avec tarification en fonction des revenus, ce qui est considéré comme la première étape de la mise en œuvre du droit de garde opposable à partir de 2012 ; avec vos propos outrageants ensuite, monsieur le ministre, sur la pré-scolarisation et avec l’utilisation orientée du rapport de la Cour des comptes par M. Longuet.

Et n’oublions pas le rapport de nos collègues Monique Papon et Pierre Martin, qui plaide pour un nouveau service public d’accueil des jeunes enfants, dans la droite ligne du rapport Tabarot !

Tout cela, faut-il le préciser, n’est accompagné d’aucun bilan sérieux avec suivi de cohortes des classes adaptées à l’accueil des moins de trois ans : les dispositifs passerelles existants impulsés sous le gouvernement Jospin.

Tous ces éléments mis en perspective inquiètent grandement les acteurs de l’école maternelle, qui se demandent ce que leur prépare encore le Gouvernement. À quoi préparez-vous donc l’opinion publique, monsieur le ministre, à travers cette stratégie de communication tous azimuts contre la maternelle ?

J’en viens maintenant à la formation des enseignants, qui est l’un des derniers sujets passés à la moulinette de votre obsession réformatrice.

Je crois que, s’il existe un consensus sur les améliorations indispensables à la formation initiale actuelle, il porte sur la formation pratique, l’exigence accrue de professionnalisation, de mises en situation. Et que fait le Gouvernement ? Il supprime justement l’année de professionnalisation !

Les futurs enseignants ont besoin de plus de simultanéité entre le savoir d’un côté et la formation professionnelle de l’autre, d’allers-retours tout au long de leur parcours universitaire, et d’allers-retours progressifs : stages d’observation d’abord, de pratiques accompagnées ensuite, en responsabilité enfin, pour pouvoir mettre au fur et à mesure leur propre pratique en question et y apporter des réponses concrètes mobilisables en classe, au quotidien, tout en enrichissant leur pratique des apports de la recherche en éducation !

Sur ce sujet, pourtant essentiel, c’est le flou total. Dans la présentation de la charte signée avec les présidents d’université et les directeurs d’IUFM, il est fait mention de la possibilité de stages comme dans tout master. C’est totalement insuffisant. Mme Pécresse, lors de son audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat, a évoqué l’idée d’une formation en alternance. Qu’en est-il en réalité ?

À nouveau, vous vous êtes engagé de manière tout à fait précipitée, et en dehors de toute concertation, sur un sujet capital pour l’avenir de notre pays pour aboutir à des solutions bancales, si ce n’est contre-productives. La formation des enseignants doit être conçue comme un continuum entre formation initiale et continue.

J’arrête là, car le temps me manque pour passer en revue toutes les annonces auxquelles vous vous êtes livré cette année, monsieur le ministre. Vous l’aurez compris, le groupe socialiste votera résolument contre les crédits de la mission « Enseignement scolaire », parce qu’ils portent une vision de l’école que nous refusons. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2009 traduisent les priorités du Gouvernement dans le secteur de l’éducation. Ils s’inscrivent dans un contexte de réforme particulièrement marqué, qui répond aux deux priorités que vous vous êtes fixées : l’amélioration des résultats de notre système éducatif et la mise en place de dispositifs nouveaux pour les élèves afin de combattre et de réduire l’échec scolaire, qui reste l’une des faiblesses de notre école. C’est bien de manière structurelle qu’il faut s’atteler à cette tâche.

La stabilité budgétaire de cette mission, qui demeure le premier budget de l’État, avec près de 60 milliards d’euros, est à noter dans un contexte particulièrement difficile de nécessaire maîtrise des comptes publics. Elle traduit l’importance que notre pays accorde à l’école, et ces dépenses doivent être considérées comme un investissement pour l’avenir.

Cet effort financier permet en outre – c’est un point que je tiens à souligner – de préserver la qualité du taux d’encadrement et de présence des enseignants dans les classes compte tenu de la baisse des effectifs scolaires. Ce qu’on appelle le « face à face » pédagogique progressera même dans l’enseignement primaire grâce à l’ouverture de 500 classes supplémentaires.

Sur cette question particulièrement sensible de la baisse des effectifs enseignants, on ne saurait appliquer dans le système éducatif une logique purement comptable, au moment où l’on fait de la lutte contre l’échec scolaire la priorité. À cet égard, si nous approuvons les objectifs que vous fixez à la politique éducative – généralisation de l’accompagnement éducatif et du soutien personnalisé, poursuite des efforts engagés en vue de la scolarisation des enfants handicapés, et dieu sait s’il y a à faire dans ce domaine ! – et les moyens qui leur sont alloués, nous souhaitons néanmoins évoquer le sort des RASED.

En effet, je m’interroge sur la réforme prévue dans ce budget de la sédentarisation de 3 000 postes affectés aux RASED. Il a beaucoup été question de ce sujet ces dernières semaines ; plusieurs intervenants l’ont évoqué à la tribune ce matin.

La décision d’affecter 3 000 enseignants des réseaux d’aide et de soutien aux élèves en difficulté dans des écoles sur les 11 000 postes existants suscite des inquiétudes légitimes de la part des sénateurs de mon groupe. Chacun d’entre nous s’est tellement investi localement qu’il a été directement et à juste titre interpellé. La crainte est qu’« un affaiblissement de ces équipes constituerait un grave préjudice pour les élèves en grande difficulté », comme l’ont dit les inspecteurs de l’éducation nationale.

Comme cela a déjà été rappelé, les RASED ont pour mission de fournir des aides spécialisées à des élèves en difficulté dans les classes ordinaires des écoles primaires, à la demande des enseignants de ces classes, dans ces classes ou hors de ces classes.

J’ai bien entendu les arguments que vous avez avancés en commission, monsieur le ministre : les nouveaux dispositifs de soutien scolaire mis en place à l’école primaire, l’inadaptation de l’action des RASED ou le recentrage de leur action sur les écoles en zone difficile, ce qui peut d’ailleurs être justifié. Pour autant, les inquiétudes demeurent, notamment en ce qui concerne les élèves des autres écoles. En effet, aucun bilan de leur action n’a été effectué avant de prendre cette décision.

Les enseignants spécialisés des RASED, de par leurs compétences et leurs formations, ont de vraies dispositions dans le repérage et le traitement des difficultés scolaires. Celles-ci ne sont pas uniquement concentrées sur certaines écoles, elles peuvent aussi, et c’est souvent le cas, être liées à des difficultés psychologiques ou sociales.

Il me semble donc que les missions qu’ils remplissent, centrées sur des enfants aux difficultés scolaires beaucoup plus profondes que de simples difficultés d’apprentissage, sont utiles et ne peuvent être traitées par des enseignants sans formation spécifique.

S’il m’a semblé utile de rappeler les priorités du Gouvernement en matière scolaire, c’est parce que le nombre de réformes annoncées ou mises en œuvre en 2008 est élevé. Ce rythme peut parfois donner le tournis, notamment aux enseignants et aux parents, qui ont du mal à s’y retrouver.

On ne saurait trop insister sur la nécessaire concertation. Il faut faire œuvre de pédagogie afin que les réformes soient comprises et acceptées par les personnels enseignants, les parents ou les élus qui sont mis à contribution dans leur mise en œuvre. Je reviendrai tout à l’heure sur ce point pour ce qui concerne les élus locaux.

Ainsi, la réforme des lycées nous semble aller dans le bon sens, notamment en ce qui concerne les rythmes scolaires et le recentrage des enseignements sur les connaissances fondamentales. Mais j’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur l’inquiétude des enseignants et des parents au sujet des modalités pratiques de mise en œuvre, dès la prochaine rentrée scolaire, de l’organisation de la seconde en semestres et en modules, telle que vous nous l’avez d’ailleurs présentée en commission.

Parmi les actions prioritaires du Gouvernement, je souhaite maintenant m’arrêter un instant sur les mesures de revalorisation du métier d’enseignant, dont on voit la traduction dans ce projet de budget.

Nous savons tous en effet que les débuts de carrière de nos jeunes enseignants sont difficiles. C’est pourquoi la création d’une prime d’entrée dans les métiers de l’enseignement, de l’éducation et de l’orientation d’un montant de 1 500 euros est particulièrement bienvenue.

Dans la même logique, l’annonce récente par le ministre d’un prêt immobilier à taux zéro dont bénéficieraient les professeurs qui obtiennent une mutation me semble une excellente mesure.

C’est également dans cette logique qu’a été créée une prime spéciale de 500 euros liée aux heures supplémentaires pour les enseignants qui assurent au moins trois heures supplémentaires hebdomadaires dans l’enseignement secondaire. En complément de mesures renforçant l’attractivité des heures supplémentaires, cette prime vient valoriser les enseignants qui s’investissent particulièrement dans leur métier.

Ces différentes mesures permettent d’augmenter substantiellement le pouvoir d’achat des enseignants, notamment de ceux qui sont en début de carrière. Elles participent à l’amélioration de leur situation matérielle et morale et contribuent à une meilleure reconnaissance de leur métier. Nous ne pouvons donc qu’y être favorables.

Ces mesures ont pour corollaire la question de la formation initiale et continue des enseignants, qui est l’une des questions les plus importantes pour l’avenir du métier.

Lors de l’examen du projet de loi sur l’école, j’avais insisté sur la nécessité de profiter du renouvellement sans précédent des personnels enseignants pour traiter la question de leur formation. La commission présidée par Marcel Pochard sur la redéfinition du métier d’enseignant a engagé ce chantier.

Une première étape a été enclenchée avec la réforme du recrutement et de la formation des futurs enseignants, qui entrera en vigueur en 2010.

L’intégration des IUFM aux universités, prévue par la loi sur l’école de 2005, doit permettre de mieux recruter et de mieux préparer les futurs enseignants. Il faut en effet favoriser le plus en amont possible la présence des futurs enseignants dans les classes et les établissements pour les préparer au mieux aux réalités du terrain.

Tel est, si j’ai bien compris, l’objectif de cette réforme. Il est en effet important que, dès leur première année d’exercice, les lauréats des nouveaux concours soient mis en situation d’enseignement à temps plein avec l’aide et le soutien des professeurs expérimentés, comme vous l’avez évoqué, monsieur le ministre.

Il ne faut pas non plus oublier de repenser la formation continue, élément indispensable pour s’adapter à un monde qui bouge. Les enseignants doivent pouvoir enrichir constamment leur pratique pédagogique.

Il faut enfin réfléchir aux possibilités d’évolution ou de reconversion pour les enseignants « usés » par des années d’enseignement. Il faut leur permettre de s’ouvrir à de nouvelles perspectives en offrant à ceux qui le souhaitent de nouvelles missions et en jetant des passerelles vers d’autres métiers.

Je veux terminer mon propos sur les difficultés qu’éprouvent les collectivités locales à mettre en œuvre les décisions prises par le ministère. Je pense à la suppression de l’école le samedi matin et au service minimum d’accueil en cas de grève.

Lors de l’examen de ce projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, les sénateurs, en prise direct avec les élus locaux et les réalités du terrain, ont insisté sur les difficultés juridiques et pratiques que poserait ce texte, notamment en milieu rural.

Les maires revendiquaient et revendiquent toujours plus de souplesse et de garanties dans la mise en place de ce dispositif, certes attendu par les familles, mais particulièrement difficile à mettre en œuvre, notamment pour l’organisation de l’accueil des élèves dans leurs communes. Ils ont du mal à accepter ce dégagement de la responsabilité de l’État sur leurs communes alors qu’ils estiment déjà assumer leurs responsabilités. Aussi, nous vous demandons de prendre en compte la réalité des petites communes qui n’auraient pas le personnel nécessaire et qualifié pour assurer ce service. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit lors de la dernière grève.

Chacun aura entendu le Président de la République dans son discours de clôture du congrès des maires annonçant des assouplissements possibles de la loi instaurant ce service minimum, notamment pour les petites communes. Le Président de la République a ainsi tenu compte des difficultés rencontrées par les communes et fait un pas en direction des maires.

En expliquant que l’on « ne peut pas demander la même obligation au maire d’un secteur rural » qu’aux maires des grandes villes, il a répondu aux interrogations des maires, choqués de voir leurs collègues traînés devant les tribunaux par les préfets, non parce qu’ils ne veulent pas appliquer la loi, mais parce qu’ils ne le peuvent pas faute de moyens humains mobilisables.

Le groupe centriste attend donc avec impatience des aménagements à cette loi pour les communes rurales et sera attentif, comme il l’a été lors de l’examen du projet de loi, à celles que vous proposerez, monsieur le ministre. M. Yves Détraigne interviendra d’ailleurs à ce sujet tout à l’heure. En attendant, peut-être pouvez-vous nous indiquer les pistes sur lesquelles vous travaillez. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, avant que Xavier Darcos ne prenne la parole, je suis heureux d’intervenir brièvement, en écho à vos réflexions, à vos interrogations, mais aussi à vos critiques sur le secteur de l’enseignement agricole, les maisons familiales et rurales, les collèges et lycées agricoles, dont j’ai l’honneur d’avoir la responsabilité.

M. René-Pierre Signé. L’enseignement agricole qui devrait être rattaché à l’éducation nationale…

M. Michel Barnier, ministre. J’en reparlerai d’ailleurs ce soir, en vous présentant le projet de budget de mon ministère pour 2009. J’ai la conviction que ce qui se fait avec intelligence, avec ouverture, avec modernité dans l’ensemble de notre enseignement agricole constitue l’un des fondements du modèle d’agriculture et de pêche durables auquel nous travaillons, mesdames, messieurs les sénateurs.

Le budget de l’enseignement agricole représente, en autorisations d’engagement, 25 % des crédits de mon ministère. Il en constituait 17,78 % en 2006. Depuis mon arrivée, voilà dix-huit mois, à la tête de cette administration, j’ai constamment soutenu la place du programme 143 « Enseignement technique agricole » dans les crédits budgétaires.

Pour 2009, la dotation de ce programme – y compris les crédits du titre 2 – est en augmentation de 0,4 %, soit 4,7 millions d’euros en crédits de paiement. Cette augmentation est d’autant plus significative que la classe d’âge est en diminution.

S’agissant de l’enseignement technique agricole, les moyens de l’enseignement public seront confortés, en particulier afin d’augmenter le nombre d’assistants d’éducation dans les établissements – plus 1,7 million d’euros en 2009 – et de lancer un programme de travaux de mise aux normes des lycées des collectivités d’outre-mer et du Centre d’enseignement zootechnique de Rambouillet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais souligner, dans cette brève intervention, que je continuerai de veiller à l’équilibre entre les différentes formes d’enseignement.

Il reste, bien sûr, des difficultés, des insuffisances, des besoins que vous avez rappelés, les uns et les autres. Nous pourrions aller plus loin. J’ai entendu vos remarques et vos attentes. Mais, je vous le dis franchement, nous sommes entre élus responsables : mon ministère prend sa part de l’engagement national de maîtrise des dépenses publiques.

Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2009 nous permet de répondre aux priorités, de conforter l’enseignement agricole dans ses missions de développement et d’animation des territoires, d’insertion sociale et professionnelle.

Je veillerai, dans les quelques regroupements indispensables, à maintenir la capacité de formation de l’enseignement sur tous les territoires. Ces mutualisations seront objectivement conduites en concertation avec les acteurs locaux.

Enfin, ce budget nous permet d’envisager sérieusement le futur. Le futur, ce sont les orientations qui viennent d’être fixées dans le cinquième schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole, que j’ai présenté le 7 octobre dernier. Vous me permettrez, à ce titre, de remercier Mme Françoise Férat, qui a réalisé, avec la ténacité, la vigilance et la franchise que nous lui connaissons, un travail compétent et passionné qui a été unanimement salué. C’est d’ailleurs ce schéma, auquel elle a beaucoup contribué, qui fixe la feuille de route de notre enseignement agricole pour les prochaines années. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le président, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, comme à l’accoutumée, la présentation du budget de l’éducation nationale a donné lieu aux expressions les plus diverses. J’aimerais dire en préambule que les réformes que nous conduisons – elles sont nombreuses et suscitent, de fait, beaucoup d’animation – ont pour seule ambition de rendre service aux élèves. Que n’ai-je entendu sur ma prétendue volonté de nuire aux élèves en difficulté, de martyriser les pauvres, de favoriser une logique comptable,…

M. René-Pierre Signé. C’est vrai !

M. Xavier Darcos, ministre. …moi qui ai consacré toute ma vie à l’école de la République ! Ces propos sont de l’ordre de la caricature.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Évidemment !

M. Xavier Darcos, ministre. Le budget que j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui devant la Haute Assemblée, le premier budget de l’État, est le signe de la confiance que la nation accorde à son école. Les 58,7 milliards d’euros qui lui sont consacrés doivent également favoriser la mise en place de nouveaux services aux enfants et à leurs familles, et contribuer à la revalorisation de la condition enseignante.

Notre premier objectif, c’est d’assurer et de favoriser le face-à-face entre les élèves et les enseignants.

Comme vous le savez, 13 500 départs à la retraite ne seront pas remplacés à la rentrée prochaine, mais j’affirme que cela ne se traduira en aucun cas par un renoncement à notre ambition pour l’école. Les mesures du schéma d’emploi se traduisent en effet partout par le maintien du face à face avec les élèves, grâce à une meilleure utilisation des moyens dont nous disposons, y compris, madame Gonthier-Maurin, pour les handicapés. À cet égard, madame le rapporteur pour avis, les données que vous avez citées me surprennent beaucoup, puisque les élèves handicapés accueillis à l’école étaient 162 000 à la rentrée 2007, mais plus de 170 000 à la rentrée 2008, soit 8 000 élèves supplémentaires.

M. René-Pierre Signé. Oh, les chiffres…

M. Xavier Darcos, ministre. Ainsi, 1 500 enseignants qui sont aujourd’hui mis à la disposition de structures éloignées des missions de l’école seront réaffectés devant les élèves.

C’est ainsi qu’une agence nationale de remplacement va être mise en place, monsieur Gérard Longuet. Cette structure souple, composée au maximum d’une vingtaine de personnes, pilotera mieux la politique de remplacement. La gestion se faisant évidemment au plus près du terrain, ce seront toujours les inspections académiques qui traiteront au quotidien de cette épineuse question.

Le schéma d’emplois pour l’année 2009 se traduit aussi par une amélioration du face à face avec les élèves lorsque cela s’avère nécessaire. Pour vous citer deux exemples concrets, l’ouverture de 500 classes supplémentaires est prévue dans le premier degré…

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C’est exact !

M. Xavier Darcos, ministre. …ainsi que la mobilisation de 600 postes sur des projets dans les établissements difficiles du second degré. Dans le même ordre d’idées, je reviendrai tout à l’heure sur la partielle sédentarisation de quelques maîtres E et G actuellement organisés en réseau.

Notre second objectif, c’est de proposer à toutes les familles des services que seules les plus aisées pouvaient s’offrir.

De ce point de vue, notre détermination demeure inchangée. Je rappelle que le budget que je vous présente prévoit l’extension de l’accompagnement éducatif à tous les collèges ainsi qu’aux écoles de l’éducation prioritaire. Un million de collégiens bénéficient d’ores et déjà d’un accompagnement éducatif. Combien étaient-ils deux ans auparavant ? Zéro !

Ce budget prévoit aussi la mise en place de stages de remise à niveau gratuits pendant les vacances scolaires pour les élèves qui le souhaitent, de même que des stages d’anglais intensifs pour les lycéens.

Les réformes que nous avons menées sont nombreuses, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous l’avez noté. M. Lagauche dénonçait mon obsession réformatrice, mais le monde change et l’école doit accompagner des mutations très importantes, notamment sur le plan social. Toutes ces réformes n’ont qu’un seul but : réduire l’échec scolaire.

La réorganisation de la semaine scolaire à l’école primaire en réinvestissant les deux heures dégagées le samedi matin au profit des élèves en difficulté est un moyen de réduire l’échec scolaire. Il s’agit d’une aide individualisée en petits groupes.

M. Yannick Bodin. Mais c’est mal fait !

M. Xavier Darcos, ministre. Plusieurs d’entre vous ont évoqué ce dispositif de soutien dans le premier degré. Les analyses fines que nous réalisons, je tiens à le souligner, montrent qu’une grande partie des familles et des enfants en sont satisfaits et que nous apportons un véritable soutien. Nous luttons ainsi contre l’échec scolaire.

M. René-Pierre Signé. C’est pour ça qu’ils vont dans les écoles privées !

M. Yannick Bodin. Il n’y a pas encore de bilan !

M. Xavier Darcos, ministre. Il ne peut pas y avoir de bilan puisque ce soutien n’a réellement commencé que depuis quelques semaines. Mais « la grande maison » sait ce qui se dit dans les écoles. (Sourires.)

La rénovation de la voie professionnelle participe également à la réduction de l’échec scolaire. Mme Brigitte Gonthier-Maurin a beaucoup insisté sur l’orientation positive vers ces filières. C’est précisément ce que nous voulons mettre en œuvre.

La rénovation de la voie professionnelle vise à accroître le niveau général de qualification et à limiter le nombre de sorties sans qualification, en apportant des réponses appropriées aux besoins du monde économique.

Pour ce faire, Jean-Claude Carle l’a évoqué, nous devons être attentifs à l’évaluation de nos politiques et au bénéfice qu’en tirent les élèves. Nous comptons beaucoup sur les évaluations réalisées en CE1 et en CM2 pour vérifier l’efficacité du dispositif que nous mettons en place.

Enfin, la réussite de nos réformes réside dans le soutien que la nation apporte à ses enseignants.

Pour que les enseignants aillent bien, il faut que nous les aimions, que nous les soutenions, que nous les considérions, que les propos que je tiens ne soient pas caricaturés et présentés comme insultants ou méprisants à leur égard. J’ai évidemment de l’estime pour les enseignants et pour leur métier, que j’ai d’ailleurs exercé toute ma vie !

Au-delà des mots, il faut revaloriser leur condition. Mme Morin-Desailly l’évoquait, cette revalorisation est concrète puisque 410 millions d’euros de pouvoir d’achat ont déjà été redistribués aux enseignants. D’autres mesures suivront, dans le cadre des réformes que nous poursuivons.

Je tiens par ailleurs à rassurer M. Jean-Claude Carle sur la question du départ à la retraite des mères de trois enfants ayant effectué quinze années d’activité dans la fonction publique : nous n’avons nullement l’intention de remettre en cause ni de restreindre ce droit.

Au sein de ce projet de loi de finances, mesdames, messieurs les sénateurs, quatre questions vous ont préoccupé plus particulièrement. Je vais tenter d’y répondre, dans le cadre solennel de cette discussion budgétaire devant la Haute Assemblée.

Tout d’abord, la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, promulguée le 20 août dernier, a permis d’organiser l’accueil des enfants dans 10 000 des 12 000 communes concernées lors de la dernière grève,…

M. Yannick Bodin. Dans quelles conditions ?

M. Xavier Darcos, ministre. …à la satisfaction des familles.

M. René-Pierre Signé. C’est le « système D » !

M. Xavier Darcos, ministre. Pour autant, je ne méconnais pas les difficultés qu’ont pu rencontrer certains maires, notamment les maires de petites communes rurales,…

M. Claude Domeizel. Et des grandes villes !

M. Xavier Darcos, ministre. …en cherchant à appliquer, de bonne foi, la loi de la République.

C’est pourquoi, dans les prochains mois, nous allons essayer de mieux concilier l’intérêt des familles à bénéficier du droit d’accueil les jours de grève et les contraintes auxquelles peuvent faire face certains maires chargés par la loi de l’organisation de ce service. À cette fin, nous organiserons une collaboration plus étroite entre l’État et les communes sur la mise en œuvre de la loi, que ce soit au niveau national ou au niveau local.

L’État aidera en outre les communes, notamment les plus petites d’entre elles, à dimensionner correctement le service d’accueil par une meilleure prévision du nombre des enseignants grévistes et des enfants à accueillir, ainsi que pour constituer la liste du vivier des personnes susceptibles d’être mobilisées par les communes.

Enfin, comme je l’ai annoncé hier à la suite d’une rencontre avec le président de l’Association des maires de France, les recours engagés par les préfets seront maintenus pour les communes ayant manifesté publiquement leur intention de ne pas appliquer la loi, mais nous mettrons fin aux actions de contentieux engagées à l’encontre des communes qui ont rencontré des difficultés à appliquer la loi.

M. Alain Vasselle. Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre. Le deuxième thème que vous avez évoqué, mesdames, messieurs les sénateurs, est la mise en place d’un dispositif cohérent de lutte contre l’échec scolaire.

De fait, grâce à la réforme, chaque élève en difficulté reçoit désormais une réponse adaptée à sa situation.

Tout d'abord, les deux heures libérées le samedi matin sont réinvesties au profit des élèves en difficulté, sous la forme d’une aide personnalisée. Désormais, dans toutes les écoles, et non plus seulement dans certaines d’entre elles, comme c’était le cas auparavant, tous les élèves reçoivent, s’ils le souhaitent, une aide de leurs enseignants leur permettant de surmonter les difficultés qu’ils rencontrent.

Des stages de remise à niveau en français et en mathématiques sont également proposés aux élèves de CM1 et de CM2, pendant les vacances scolaires, par petits groupes et à raison de trois heures par jour durant une semaine.

Le sort des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, agite beaucoup l’opinion en ce moment, ce que je comprends d'ailleurs (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), …

M. René-Pierre Signé. Pourquoi les supprimer, alors ?

M. Xavier Darcos, ministre … car il s'agit d’une question technique, difficile à expliquer aux Français.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le recours aux RASED a montré les limites d’une prise en charge trop ponctuelle de la difficulté scolaire.

En effet, les problèmes scolaires des enfants ne peuvent être réglés en quarante-cinq minutes par un intervenant extérieur, quelle que soit sa compétence d'ailleurs, que je ne discute pas ! Il est nécessaire de mener un travail continu, à raison de deux heures chaque semaine, avec des enseignants mobilisés spécifiquement pour cette tâche.

C’est pourquoi les RASED ne sont pas supprimés : 8000 maîtres spécialisés et structurés par ces réseaux vont continuer à s’investir particulièrement pour résoudre les difficultés comportementales et psychologiques des élèves, là où le besoin s’en fait sentir.

Comme l’a très bien expliqué tout à l'heure M. Gérard Longuet, avant la réforme, dans une école type, 7 élèves sur 125 recevaient un soutien à un moment ou à un autre de leur scolarité. Avec le dispositif que nous proposons, les psychologues scolaires étant conservés, 70 % des RASED étant maintenus, une aide individualisée par les maîtres étant instituée à raison de deux heures par semaine, des stages de remise à niveau étant prévus, ce sont 36 élèves sur 125 qui recevront, toute l’année, un soutien approprié !

C’est pour cette raison aussi que les 3000 maîtres spécialisés des RASED seront réaffectés dans des écoles et continueront à traiter de façon continue et professionnelle la difficulté scolaire. Je rencontrerai cette semaine les syndicats pour évoquer cette question et définir les ajustements nécessaires.

En outre, un plan national de formation au traitement de la difficulté scolaire, destiné à 40 000 enseignants sur cinq ans, sera annoncé très bientôt. Il sera ouvert aux professeurs des écoles qui souhaiteraient s’occuper spécifiquement de cette difficulté ou qui éprouveraient le besoin de se former dans ce domaine.

Cet effort considérable permettra de doter chaque école ou groupe d’écoles d’un maître-ressource en la matière.

Ces différentes mesures permettront de traiter la difficulté scolaire dans toutes les classes, car je n’oublie pas que les maîtres sont les premiers à faire face aux difficultés scolaires de leurs élèves.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous êtes interrogés également sur l’école maternelle, et c’est le troisième sujet que je souhaiterais aborder.

Je veux répéter ici, de façon solennelle, que je crois profondément à l’utilité de l’école maternelle et que je respecte infiniment tous ceux qui y enseignent, et qui sont des professeurs. Monsieur Foucaud, aucun projet d’aucune sorte ne vise, de quelque manière que ce soit, à remettre en cause l’école maternelle !

Les enseignants de maternelle jouent un rôle essentiel pour permettre aux élèves d’acquérir les règles, les notions et le vocabulaire qui leur seront indispensables pour réussir à l’école élémentaire.

Et c’est précisément parce que la maternelle constitue une véritable école, qui accueille d’ailleurs la quasi-totalité des enfants à partir de l’âge de trois ans, et parfois même plus tôt, que, lors de la réforme entrée en vigueur lors de la dernière rentrée, elle a été dotée à son tour de véritables programmes.

Je regrette que l’on ait considéré que je portais atteinte au travail des professeurs de maternelle lorsque j’ai affirmé, en réponse à une question portant sur la scolarisation des enfants de dix-huit mois, qu’il ne fallait pas confondre école maternelle et puériculture.

Je regrette vivement cette interprétation, car elle ne correspond ni à mon intention ni aux propos que j’ai tenus. Et si j’ai blessé les professeurs de maternelle parce qu’on a déformé ma pensée, je leur exprime mes regrets et leur présente mes excuses. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Et les jardins d’éveil ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pourquoi expérimentez-vous d’autres structures pour accueillir les enfants ?

M. Xavier Darcos, ministre. J’affirme donc avec force que l’école maternelle continuera à accueillir 100 % des enfants âgés de trois à six ans. Qu’on cesse de faire croire que mon ministère voudrait porter atteinte à l’école maternelle ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Toutefois, un problème n’a pas encore été réglé, et ce n’est pas être polémique, provocateur ou destructeur que de le rappeler : nous n’avons pas tranché en France de manière claire, définitive et explicite la question de la scolarisation des très jeunes enfants âgés de deux à trois ans.

Des rapports ont été rédigés sur ce thème, que l’on présente d'ailleurs comme ayant été suscités par moi alors que, je le rappelle, je n’y suis pour rien, même si j’en approuve les conclusions.

Au Sénat même, Monique Papon et Pierre Martin ont envisagé dans un rapport d’information conjoint une prise en charge spécifique des deux-trois ans, sous la forme de jardins d’éveil.

Une telle orientation doit être étudiée avec intérêt mais, je le répète, mon ministère assurera ses responsabilités afin d’accueillir la totalité des enfants tant que la question des deux-trois ans ne sera pas réglée globalement. Il n’y aura aucun recul dans ce domaine de la part du ministère de l’éducation nationale !

Le quatrième et dernier sujet que je voudrais aborder concerne le nouveau lycée ou, plus exactement, la nouvelle classe de seconde.

Mesdames, messieurs les sénateurs, quels sont les problèmes qui se posent à nous ? Pourquoi voulons-nous réformer le lycée ? Tout à l'heure, un intervenant soutenait que tout allait très bien et demandait pourquoi nous y touchions !

Le lycée doit avant tout donner à nos jeunes les savoirs intemporels qui constituent le socle de notre culture commune. L’exigence intellectuelle, qui a toujours fait la force de notre lycée, demeure plus que jamais nécessaire.

Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, le monde change ! C’est le cas pour ce qui concerne les langues, le numérique, l’orientation professionnelle, l’adaptation au monde du travail, la culture économique et sociale, entre autres. À l’évidence, le savoir commun des lycéens doit évoluer également. Nous ne pouvons continuer à le construire selon un modèle conçu sous Napoléon Ier !

Le nouveau lycée républicain que nous voulons bâtir doit permettre aux jeunes de comprendre les enjeux d’aujourd’hui et de répondre aux défis de demain.

Comment faire face aux nouvelles problématiques de l’économie sans posséder les fondamentaux de cette science ? Comment participer à l’extraordinaire internationalisation des échanges culturels sans disposer d’une maîtrise effective des langues étrangères ?

Comment penser le travail des lycéens de demain sans réfléchir, dès aujourd'hui, à leur appropriation raisonnée des technologies de l’information et de la communication ? Comment imaginer de nouveaux modes de gouvernance adaptés à une société globalisée sans revoir l’organisation même de nos établissements scolaires ? Telles sont les questions qui trouveront des réponses dans le cadre du nouveau lycée.

Si je renonçais à cette réforme, si je considérais qu’il ne faut pas voir le monde bouger autour de nous, vous pourriez à bon droit me faire le reproche d’être inconséquent !

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes déterminés à avancer, non par obsession réformiste, par agitation désordonnée ou par volonté de donner à tout prix une impression de mouvement, mais parce que le tout est cohérent.

Les mesures que nous prenons pour l’école primaire, le collège et le lycée s’inscrivent dans une seule et même politique.

Nous voulons offrir à tous les élèves l’essentiel en matière de culture : les fondamentaux à l’école primaire, le socle commun au collège, le tronc commun au lycée. Mais nous voulons aussi leur donner à tous des services personnalisés, individualisés, leur permettant de surmonter leurs difficultés scolaires et de résister à la pression sociale qui, parfois, s’exerce sur eux. De là le soutien à l’école primaire, l’accompagnement éducatif au collège ou les trois heures qui, au lycée, seront consacrées au soutien et à l’approfondissement à partir de la rentrée prochaine.

Enfin, nous voulons les aider lorsqu’ils souffrent de difficultés particulières en raison de leur famille, de leur milieu social et des déterminismes qu’ils subissent. Nous leur offrons gratuitement ce que les familles fortunées paient dans les officines spécialisées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous défendons l’école de la République ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.)

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Dans la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale, nous poursuivons l’examen de la mission « Enseignement scolaire ».

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à compléter les propos que j’ai tenus à la tribune ce matin afin de répondre aux préoccupations que beaucoup d’entre vous, notamment Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis, ont exprimées quant aux besoins de financement de l’enseignement agricole, dont j’ai la responsabilité.

Ayant moi-même reconnu que le Gouvernement pourrait faire plus, compte tenu de l’ampleur de ces besoins, je vous informe que le Gouvernement déposera un amendement visant à augmenter de 8 millions d’euros les crédits de l’enseignement agricole technique, grâce à un redéploiement de 3 millions d’euros de mon propre budget – malgré les contraintes que je dois assumer, que chacun d’entre vous connaît et que je détaillerai ce soir, en vous présentant le projet de budget de l’agriculture pour 2009 –, somme à laquelle s’ajouteront 5 millions d’euros d’un dégel de crédits, que M. le Premier ministre m’a autorisé à annoncer.

Cet amendement sera présenté tout à l'heure par Xavier Darcos, au nom du Gouvernement.

Mme la présidente. Nous vous remercions de ces précisions, monsieur le ministre.

questions et réponses

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder à un échange de questions et de réponses.

Je rappelle que chaque intervention ne devra pas excéder deux minutes trente.

Après la réponse de M. le ministre, chaque orateur pourra reprendre la parole pour une minute.

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus que jamais, la France a besoin d’un enseignement scolaire efficace afin de répondre aux défis de notre temps.

À l’heure de l’économie de la connaissance, l’avenir de notre pays dépend de sa capacité à développer un système éducatif performant. L’école en est, certes, le pilier, mais de nombreuses associations éducatives, œuvrant dans le champ scolaire ou périscolaire, contribuent également à la réussite des élèves.

Ces associations éducatives complémentaires de l’enseignement public mènent un travail indispensable, que le Président de la République a lui-même salué en juillet dernier. Accompagnement scolaire, ateliers de pratiques artistiques, éducation à la citoyenneté, classes de découverte : l’ensemble de ces activités ont démontré toute leur pertinence au fur et à mesure des années dans l’acquisition des savoirs par des millions de jeunes, en prolongeant autrement les enseignements dispensés à l’école.

Or les décisions de restriction de moyens que vous venez de prendre, monsieur le ministre, mettent en danger la plupart de ces structures, et ce en totale contradiction avec les conventions pluriannuelles d’objectifs qui visaient, au contraire, à en sécuriser le financement.

Comment ces associations pourront-elles faire face à la suppression d’un quart de leur subvention sur l’exercice 2008, d’autant qu’elles ont eu connaissance de ce « gel budgétaire », d’une ampleur inédite, il y a à peine deux mois, soit quasiment à la fin de l’exercice budgétaire, à un moment où les actions et les charges financières afférentes sont déjà engagées ?

Outre la suppression drastique de moyens financiers, je déplore également la remise en cause des moyens humains, pourtant indispensables à la réalisation de ces missions. Ainsi, les associations éducatives viennent d’être informées de la non-reconduction, dès septembre 2009, des financements permettant la rémunération des enseignants détachés.

Ces mesures draconiennes ne manqueront pas de contraindre ces associations à renoncer à bon nombre d’actions conduites au service de la jeunesse.

Les enfants sont bien la clé de notre avenir, « la clé du trésor », pour reprendre une expression d’André Malraux.

Pourquoi amputer ainsi les moyens alloués à ces associations, qui jouent un rôle déterminant dans la formation de citoyens éclairés ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Les choses ne se présentent pas exactement ainsi que vous les avez décrutes, monsieur Renar.

Depuis fort longtemps, nous avons, avec la Ligue de l’enseignement, les Francs et franches camarades, la Jeunesse au plein air, les Éclaireuses et éclaireurs de France, etc., des relations très étroites. Ces associations sont prestataires de services pour l’éducation nationale, en particulier pour la mise en œuvre de toutes les activités périscolaires.

Elles bénéficient d’ailleurs d’une subvention annuelle importante, de mises à disposition exonérées de remboursement ou de détachements.

Il a été décidé qu’en 2008 et en 2009 ces prestataires associatifs verraient la totalité de la subvention qui leur est versée passer de 75 millions d’euros à 114 millions d’euros, soit une augmentation de 50 %.

Il est donc inexact de dire que le Gouvernement a réduit drastiquement les subventions qu’il alloue.

En revanche, il est vrai – cela fait l’objet de négociations avec ces associations – qu’il souhaite passer d’une logique de financement de structures et de permanents à une logique de financement de projets, dans le cadre d’une négociation avec ces partenaires. La situation de ces associations a beau être un peu difficile en ce moment, leurs relations avec le Gouvernement ne sont pas distendues pour autant.

En matière d’emplois, le Gouvernement n’a fait qu’appliquer les nouveaux cadres législatifs et réglementaires en ce qui concerne les mises à disposition : il compensera à l’euro près les salaires des personnels détachés qui seront versés par les associations.

Nous dialoguons actuellement avec les représentants des associations concernées : outre la subvention de base, qui équivaudra à 75 % des sommes versées jusqu’à présent, le financement des contrats, projet par projet, pourra augmenter.

Vous n’avez donc pas lieu de vous inquiéter, monsieur le sénateur : un nouveau système se met en place, en grande partie, d’ailleurs, par la volonté législative, et qui aura l’agrément de la Cour des comptes. Au fil du temps, chacun y trouvera son compte et la communauté éducative pourra fonctionner dans les meilleures conditions.

Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, je ne suis pas rassuré par votre réponse.

Vous avez ouvert le dialogue. Fort bien ! Je souhaite que les négociations engagées soient couronnées de succès, mais, comme chacun le sait, « la preuve du pudding, c’est qu’on le mange » !

Monsieur le ministre, l’éducation ne s’arrête pas à la porte de l’école.

Alors que toutes les recherches sur l’efficacité de l’acte d’apprentissage mettent l’accent sur le fait, d’une part, que le rapport des jeunes au savoir est le fondement même de la réussite ou de l’échec scolaire, d’autre part, que ce rapport au savoir se construit selon des processus liés à des contenus et à des situations d’apprentissage multiples et diversifiées, il est incompréhensible que l’on mette en cause l’existence même des associations complémentaires de l’enseignement public.

M. Xavier Darcos, ministre. Ce n’est pas le cas !

M. Ivan Renar. Vous dites vous-même qu’elles sont actuellement en difficulté.

Ces associations transmettent aux élèves le goût et le plaisir d’apprendre, cherchant à développer toutes leurs potentialités, tout en donnant du sens à leurs études : autant de facteurs indispensables à la réussite scolaire.

Plus que jamais, l’éducation nationale a besoin de ces partenaires efficaces et fiables que constituent les associations éducatives, qui apportent une réelle plus-value à l’instruction de nos enfants.

M. Xavier Darcos, ministre. Je suis d’accord !

M. Ivan Renar. Nous continuerons à être vigilants sur cette question.

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Rozier.

Mme Janine Rozier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans trois classes de CM2 de différents cantons du Loiret, département dont je suis une élue, des cours d’information sur les principales religions ont été dispensés aux élèves.

Ces derniers connaissent désormais les grands principes de la religion juive et la signification des mots « kippour », « torah », « shabbat », etc., ainsi que ceux de la religion musulmane : ils ont appris qui était Mahomet, ce qu’est le Coran, ce que sont les sourates, ce qu’est le ramadan… Et c’est très bien !

Les petits élèves pratiquant ces religions étaient particulièrement brillants.

Monsieur le ministre, est-il prévu de compléter l’information et la culture de nos enfants en leur enseignant que les bases de nos civilisations européennes se trouvent dans la chrétienté, et que là se situe l’origine des mots « Pâques », « Noël », « Pentecôte », etc., sur lesquels ils s’interrogent et ne savent que très peu de chose ?

M. Jean-Louis Carrère. Ah, la calotte !

Mme Janine Rozier. Il est un peu tard pour les élèves de CM2 que j’évoquais puisqu’ils sont maintenant collégiens. Pourtant, « le message de la révélation chrétienne se présente toujours revêtu d’une enveloppe culturelle dont il est indissociable ».

J’aimerais également savoir, monsieur le ministre, si un « enseignement de la mémoire » ne pourrait pas être inclus, en primaire, dans celui de l’histoire ?

Rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », j’ai été troublée par les résultats d’une enquête réalisée au moment du quatre-vingt-dixième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale : plus de 60 % des personnes interrogées ne savaient pas ce qui s’était passé le 11 novembre 1918 ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Et ils applaudissent !

Mme Françoise Henneron. Oui, et nous en sommes fiers !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Madame le sénateur, comme vous le savez, il est établi depuis très longtemps que la religion ne fait pas l’objet, dans l’école de la République, d’un enseignement séparé.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Sauf dans les départements concordataires !

M. Xavier Darcos, ministre. J’allais le dire, monsieur Longuet : la Lorraine, l’Alsace et la Moselle ont leurs propres règles en ce domaine.

C’est lors des autres cours – histoire, histoire des arts –, de l’étude du patrimoine ou de rencontres culturelles que les questions de lexique, de rituels ou même de principes religieux sont abordées.

Puisque c’est surtout le sort fait à la religion chrétienne qui vous préoccupe, je vous indique que, durant le cycle 3 de l’école élémentaire, l’un des programmes d’histoire porte sur la christianisation du monde gallo-romain, et c’est l’occasion d’évoquer devant les élèves les termes que vous avez mentionnés.

Je le répète, en vertu du principe de laïcité républicaine, il ne peut en aller autrement. En tout cas, pour ma part, je ne le souhaiterais pas.

En ce qui concerne l’enseignement des grands événements, et notamment celui de la Première Guerre mondiale, vous avez raison, madame le sénateur : il faut que les élèves en aient la mémoire.

S’agissant plus particulièrement du 11 novembre 1918, il fait partie des dates qu’il faut connaître dans le cycle 3. Je rappelle que, dans les nouveaux programmes, nous avons réintroduit un certain nombre de dates et de grands repères – au moins ceux que l’on peut considérer comme essentiels –, parmi lesquels figure le 11 novembre 1918.

D’une manière générale, dans les nouveaux programmes de l’école primaire, l’histoire se voit accorder une place qui est celle d’un véritable enseignement, avec des repères chronologiques fondés sur les grandes dates et les grands personnages. Nous considérons en effet que, pour un petit enfant, il s’agit là de la meilleure façon d’aborder les choses.

J’ajoute que le 11 novembre est aussi, évidemment, une date de commémoration nationale et que, à ce titre, de nombreuses actions éducatives sont organisées. Pour le quatre-vingt-dixième anniversaire de l’armistice de 1918, que nous venons de célébrer, beaucoup d’élèves ont ainsi participé au concours intitulé « les petits artistes de la mémoire », que nous avons organisé en partenariat avec l’ONAC, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

C’est dire que nous ne sous-estimons pas du tout ces sujets ; ils font partie des préoccupations quotidiennes des enseignants du premier degré.

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Rozier.

Mme Janine Rozier. Je vous remercie, monsieur le ministre de votre réponse. J’ai confiance en votre parole, mais j’attends quand même de voir !

Quoi qu'il en soit, tout n’est peut-être pas perdu : un de nos collègues, ce matin, a pu vous souhaiter une bonne fête depuis la tribune, puisque c’est aujourd’hui la Saint-Xavier ! (Sourires sur les travées de lUMP. – Murmures sur certaines travées du groupe RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. En préambule à mon intervention, je voudrais rappeler, s’agissant de ce que je viens d’entendre, que l’école que nous aimons, c’est l’école publique, laïque et obligatoire (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste) et que, dans la République française, les églises sont séparées de l’État !

Monsieur le ministre, la crise qui s’installe assombrit l’avenir d’un grand nombre de nos concitoyens, en particulier, bien sûr, celui des plus fragiles. Dans ce contexte économique morose, les familles continuent de placer beaucoup d’espoir dans l’école – ce qui ne peut que vous réjouir –, car la formation reste le meilleur des boucliers contre le chômage.

C’est pourquoi le budget de l’enseignement scolaire devrait bénéficier d’un effort soutenu. Malheureusement, ce n’est pas la priorité du Gouvernement. Celui-ci profite d’une démographie scolaire favorable pour mettre en application l’un des principes de la révision générale des politiques publique, la RGPP, à savoir le non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite.

En effet, monsieur le ministre, même si vous affichez une hausse de 2 % des crédits pour 2009 – taux d’ailleurs très discutable puisqu’il bénéficie de la progression du compte d’affectation spéciale « Pensions » –, la principale réalité comptable de la présente mission est la suppression de postes, au total près de 13 500. Et vous ne semblez pas toujours en mesurer les conséquences, malgré la forte mobilisation des enseignants le 20 novembre dernier.

Alors que les enquêtes internationales d’évaluation font apparaître un recul de l’efficacité de notre système éducatif, vous affaiblissez l’encadrement des élèves.

Les classes surchargées sont encore le quotidien de la plupart des établissements, quoi que vous en ayez dit ce matin, monsieur le ministre. Dans ces conditions, l’école de la République, à laquelle je me référais au début de mon intervention, ne tient plus sa promesse de garantir l’égalité des chances.

Pensez-vous vraiment, monsieur le ministre, que la généralisation du dispositif d’accompagnement éducatif suffira à réaliser votre objectif d’une division par trois du nombre d’élèves en grande difficulté à la sortie de l’école primaire, si, dans le même temps – j’y reviens, même si vous avez partiellement répondu ce matin sur ce point – vous sédentarisez les 3 000 maîtres enseignant dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED ?

Ces maîtres ont une approche éducative unique, qui permet d’intégrer à la pédagogie le recours direct à l’assistante sociale ou au psychologue scolaire. Beaucoup d’enfants ont besoin d’un parcours spécialisé de rééducation dans lequel l’aide, pour être efficace, doit être multiforme. Dans mon département comme ailleurs, ce sont des centaines d’enfants qui ont retrouvé le goût de l’apprentissage grâce aux RASED.

Monsieur le ministre, ce sujet est sensible, et nous sommes nombreux à l’avoir évoqué. Ma question est simple : quel est l’avenir des RASED pour les prochaines années ? Partout sur notre territoire, la souffrance scolaire est une dure réalité pour de nombreux enfants. La France s’honorerait à ne pas les laisser au bord du chemin du savoir. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Comme vous l’avez rappelé, nous retrouvons, avec cette question, un sujet dont nous avons déjà débattu ce matin.

Vous indiquez que les comparaisons internationales en matière de système éducatif ne nous sont pas favorables. Vous estimez donc que ce n’est pas le bon moment pour baisser la garde en termes d’emploi public à l’école. Soit. Mais ces mêmes comparaisons internationales nous étaient déjà défavorables à l’époque où nous augmentions très sensiblement le nombre de nos enseignants !

Je rappelle que, dans le premier degré, au cours des dix-huit dernières années, le nombre d’élèves a diminué de 200 000, mais que, dans le même temps, nous créions 12 000 emplois. Or on n’a pas pour autant constaté des effets qualitatifs perceptibles !

Et je m’empresse d’indiquer que ce n’est d’ailleurs pas la faute des enseignants. N’allez donc pas dire à nouveau que je les méprise ou que je sous-estime le travail qu’ils accomplissent ! Cela tient tout simplement au fait que les élèves ont beaucoup changé.

En conséquence, je ne crois plus – même si je l’ai cru, moi aussi, autrefois – que la solution soit à chercher uniquement du côté du nombre d’enseignants. Ce qu’il faut faire, c’est prendre en charge les élèves différemment, savoir répondre aux difficultés particulières qu’ils rencontrent.

À cet égard, je crois profondément au dispositif que nous avons mis en place : tous les élèves d’une école primaire ayant des difficultés pourront bénéficier chaque semaine de deux heures pendant lesquelles on s’occupera spécifiquement d’eux. On pourra ainsi être plus attentif à eux, leur faire classe différemment, reprendre les points sur lesquels ils auront buté, avoir du temps pour établir un rapport plus personnel et affectif.

Pour ces raisons, je crois que les deux heures de soutien hebdomadaires sont de nature à lutter contre l’échec scolaire ; il faut donc continuer dans ce sens.

Mais il faut aussi, par ailleurs, mieux gérer nos personnels. J’ai rappelé ce matin la promesse que j’ai faite, et qui sera tenue : le non-renouvellement de 13 500 emplois n’affectera pas la relation maître-élève.

Pour cela, nous jouons sur l’organisation du remplacement, que nous entendons améliorer, sur les postes ne correspondant pas à des affectations dans les classes, mais aussi sur la démographie et la redistribution d’heures supplémentaires, en fonction des vœux des enseignants.

Bref, le ratio professeurs-élèves ne diminuera pas. Au contraire – je le disais déjà au sujet de la rentrée précédente, monsieur Baylet, et on ne m’a pas cru, mais je le répète malgré les accusations de mensonge que me lancent certains protestataires –, à la rentrée de 2008, nous avions un meilleur encadrement pédagogique que les années précédentes. Alors même que nous n’avons pas renouvelé 11 200 postes, le nombre d’enseignants par élèves est meilleur que l’année précédente. Cela, je ne l’invente pas : c’est ce qui ressort des statistiques fournies par les l’INSEE !

En ce qui concerne les RASED, je répète qu’il s’agit non pas de les supprimer, mais de faire en sorte que le traitement de la difficulté scolaire soit envisagé de façon plus globale.

Pour nous, traiter la difficulté scolaire, c’est instaurer les deux heures de soutien hebdomadaire ainsi que les stages de CM1 et CM2 pour les élèves qui en ont besoin.

C’est aussi, en effet, avoir recours à des psychologues scolaires pour les élèves présentant de grandes difficultés psychologiques, liées notamment à leur milieu, ayant besoin d’un diagnostic particulier et d’une relation d’ordre quasiment médical pour faire face à leurs difficultés, notamment à l’école. Or le nombre de psychologues sera maintenu à l’unité près ; peut-être même sera-t-il augmenté.

Mais nous avons également besoin de réseaux d’enseignants qui interviennent dans les zones où les élèves en difficulté sont plus éparpillés. Il nous restera 8 500 de ces enseignants, qui sont actuellement 11 500, les autres étant placés là où se rencontrent des problèmes massifs. En effet, dans certaines écoles, il y a beaucoup plus qu’un ou deux élèves dont il faut s’occuper !

C’est dans ce type d’établissements, où sont concentrés des élèves en grande difficulté, que seront réaffectés quelque 3000 de ces enseignants, dont les compétences particulières – pour lesquelles ils avaient été formés et grâce auxquelles ils sont mieux payés – seront évidemment davantage sollicitées.

Il n’est donc pas exact de dire que nous voulons supprimer les RASED. Nous conserverons le dispositif, et ceux de leurs enseignants qui ne sont pas concernés cette année par la réaffectation et la sédentarisation ne seront pas contraints de participer au mouvement dans les prochaines années. Ils resteront affectés sur les zones où ils enseignent actuellement.

Nous essayons donc d’utiliser au mieux les ressources dont nous disposons. Par ailleurs, nous engageons, comme je l’ai indiqué ce matin, un vaste programme de formation de nos enseignants du premier degré, fondé sur le volontariat, afin qu’ils soient, précisément, mieux armés pour répondre aux nouvelles difficultés scolaires que nous rencontrons. Car, de fait, dans nos classes, certains élèves présentent des difficultés naguère inconnues, liées à des circonstances extérieures et que je n’ai donc pas à commenter ici. Je dirai seulement que le nombre même des élèves en difficulté semble en augmentation et que leurs difficultés sont plus complexes à analyser.

Par conséquent, c’est un mauvais procès qui est fait à l’action de mon ministère. J’entends dire que nous nous moquons des élèves en difficulté, que nous les jetons à la rue, que nous ne voulons plus nous en occuper, ou encore que c’est la fin de la lutte contre l’échec scolaire… Tout cela est évidemment faux ! Ce n’est pas ainsi que les choses se présentent. Il s’agit d’organiser de manière globale, cohérente et à destination de tous les élèves un véritable plan de lutte contre l’échec scolaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour vous, la maternelle ne doit plus accueillir les enfants âgés de deux ans. Pourtant, la scolarisation précoce n’a jamais été le fruit d’une volonté politique, mais bien un outil dont les familles se sont emparées – parfois parce qu’elles n’avaient pas le choix –, en particulier dans les communes rurales.

M. Xavier Darcos, ministre. C’est vrai !

M. Jean-Luc Fichet. Souvent, le ministère de l’éducation nationale, qui voit là un bon moyen de faire des économies, a essayé de remettre en cause cette scolarisation ; il a dû subir la fronde des enseignants, des parents et des élus, au nom de l’égalité des chances.

Mais cette fois, les attaques sont beaucoup plus sournoises. Elles s’appuient sur des analyses censées démontrer l’inutilité pour les enfants de cette scolarisation précoce. Or la réalité est tout autre. Ce n’est pas le bien-être de l’enfant qui est en jeu, mais bien le souci de l’État de faire des économies. Pourtant, on ne peut pas aborder la question de l’école d’un point de vue uniquement comptable.

Vous voulez faire ces économies sur le dos des collectivités locales. L’éducation nationale veut, si j’ose dire, « refiler la patate chaude » aux communes en leur disant, une nouvelle fois, après le SMA, qu’elles n’ont qu’à se débrouiller !

Il se trouve que la Bretagne, de même que le Nord-Pas-de-Calais, d’ailleurs, se signale en la matière par des taux exceptionnels : en 2007, par exemple, dans le Finistère, 66 % des enfants de deux ans étaient en maternelle. Et c’est en Bretagne que le taux de réussite scolaire est le meilleur ! (Sourires.)

M. Xavier Darcos, ministre. C’est exact !

M. Jean-Luc Fichet. Vous me permettrez donc, monsieur le ministre, d’établir un lien entre ces deux faits.

La très forte demande des familles, contrairement à ce que certains voudraient laisser croire, correspond non pas à la recherche d’un accueil gratuit du jeune enfant, mais bien à une « attente d’école ».

Les communes se sont tout particulièrement investies en construisant et adaptant des locaux, ainsi qu’en recrutant des personnels de service pour répondre aux attentes sociales des familles.

Puisque vous vous appuyez sur des rapports, monsieur le ministre, je vous rappelle que celui de la Cour des comptes, publié le 18 novembre dernier, constate qu’il est « difficile de dégager des conclusions définitives » sur cette question et plaide pour « la mise en place d’outils d’évaluation » !

M. Xavier Darcos, ministre. Nous les avons déjà !

M. Jean-Luc Fichet. La Cour des comptes souligne par ailleurs que « le coût pour l’enfant est moindre s’il est accueilli en maternelle » plutôt qu’en établissement d’accueil du jeune enfant.

Dans le monde rural, accueillir les enfants dans les écoles à partir de l’âge de deux ans est devenu un devoir pour les communes.

Votre politique revient à diminuer les chances d’un enfant de faire une bonne scolarité, ce qui inquiète les familles et les collectivités territoriales, qui devront dépenser plus alors que leur budget fond comme neige au soleil.

Aussi, monsieur le ministre, ma question est-elle double. D’une part, ne doit-on pas voir là, de votre part, une volonté de mettre une fois de plus sur le dos des collectivités territoriales une charge incombant à l’État ? D’autre part, ne vous paraîtrait-il pas opportun de mettre en place une véritable concertation avec l’ensemble des acteurs concernés par les jeunes enfants ? Je pense à l’éducation nationale, à la Caisse nationale des allocations familiales, aux collectivités territoriales et aux parents d’élèves. Ils pourraient ainsi déterminer, tous ensemble, en coordination avec l’État, les besoins qui se présenteront à l’avenir et les réponses qu’il convient de leur apporter.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Il s’agit là encore d’un sujet que nous avons déjà abordé. Le problème de la préscolarisation des tout-petits présente deux aspects.

Le premier tient à la question de savoir si la scolarisation à cet âge est utile à l’enfant, s’il en tire un bénéfice en termes scolaires. Or cette question est âprement débattue entre ceux qui pensent que c’est le cas et ceux qui sont persuadés du contraire. Moi-même, je n’ai pas un avis absolument définitif sur le sujet, tant les controverses sont vives et les affirmations péremptoires, d’un côté comme de l’autre ! Certains proclament que, dans les départements où il n’y a pas de scolarisation à deux ans, on observe de très bons résultats scolaires. Quant à vous, monsieur le sénateur, vous venez d’apporter une pierre à l’édifice de la position exactement inverse en citant l’exemple de votre région.

Ce dont je suis certain, c’est que l’école maternelle est une école à part entière, ayant ses propres programmes et ses ambitions spécifiques. Nous avons élaboré des programmes pour le primaire, dans lequel l’école maternelle est pleinement intégrée. Dès lors, on peut craindre qu’à scolariser des enfants de plus en plus jeunes on n’en vienne à changer la nature même de cette école maternelle, qu’on ne soit contraint de définir d’autres objectifs pédagogiques et, partant, de modifier toute l’organisation de l’enseignement des petits.

Le second aspect du problème, quant à lui, dépasse la simple question de la scolarisation. En effet, ce qui est tout de même visiblement l’enjeu véritable, depuis quelque temps – disons plutôt depuis quarante ans ! –, c’est de savoir si nous sommes en mesure de répondre d’une manière satisfaisante aux besoins des familles en ce qui concerne l’accueil des enfants âgés de dix-huit mois à trois ans. Avons-nous trouvé une solution à ce problème ? Force est de constater que non.

Des propositions ont été faites, ici même, par Mme Monique Papon et M. Pierre Martin dans leur rapport d’information ; d’autres rapports ont insisté sur le fait qu’il conviendrait de se demander comment organiser, partout en France, un système d’accueil des tout-petits.

Vous craignez un transfert de cette responsabilité aux communes. Je comprends votre inquiétude : si j’étais maire, je serais, moi aussi, très vigilant sur ce point.

Mais je voudrais insister sur le fait que la France ne s’est pas posé, comme l’ont fait la plupart des pays qui lui sont comparables, notamment l’Allemagne, la question d’une organisation universelle de l’accueil des tout-petits.

Pour ce qui relève de mes responsabilités, j’ai fait ce matin une affirmation qui me semble assez importante ; elle mérite en tout cas de retenir l’attention de ceux qui, ces temps-ci, battent le pavé en agitant des couches-culottes et en m’accusant de détruire l’école maternelle… Je ne crois donc pas inutile de la réitérer : pour le moment, l’intention du ministère de l’éducation nationale, c’est le maintien du statu quo. Cela signifie que tous les enfants de trois ans seront accueillis et que, là où l’habitude a été prise de scolariser les enfants plus jeunes, on continuera à le faire. Il en sera ainsi tant que nous serons dans l’attente d’une solution collective concernant l’accueil des plus petits. Et nous espérons qu’elle sera trouvée parce que nous en avons besoin.

Vous dites que, chez vous, les enfants de deux ans sont scolarisés. Mais en bien des points du territoire, ils ne le sont pas du tout ! Il y a donc de grandes disparités et le système actuel est injuste.

Quant à l’argument de la Cour des comptes, selon laquelle l’accueil des plus petits à l’école maternelle est souhaitable pour des raisons financières, il n’est pas vraiment recevable : que valent en effet les économies si l’on se place d’un point de vue pédagogique et politique ?

Je tiens donc de nouveau à vous féliciter, madame la présidente, de l’excellent travail que vous avez réalisé sur ce sujet avec votre collègue Pierre Martin. Je le demande instamment, il faut à tout prix que les parties prenantes puissent trouver un accord sur l’accueil des tout-petits avant leur entrée en petite section de maternelle et sur la préscolarisation. C’est tout ce que je souhaite.

Je n’ai jamais eu l’intention d’insulter qui que ce soit. Au contraire, j’ai toujours exprimé ma grande reconnaissance à l’égard du travail effectué par les enseignants de maternelle. Le fait que je m’interroge sur l’opportunité de scolariser les tout-petits n’a rien de scandaleux. La seule certitude que nous avons, c’est que la scolarisation précoce, à trois ans, présente pour l’enfant un avantage certain en termes pédagogiques.

De surcroît, pour avoir été directeur de cabinet du ministre de l’éducation nationale en 1993, je connais très bien – et vous aussi, d’ailleurs ! – les raisons pour lesquelles on a favorisé la scolarisation dès l’âge de deux ans : à l’époque, l’objectif était d’éviter certaines fermetures de classes ! L’intérêt des enfants n’était donc pas un élément prédominant.

Ce sujet a toujours été perturbé par des problématiques extérieures à toute vision pédagogique. J’ai au moins eu le mérite de reposer la question – peut-être un peu brutalement – en la recentrant sur la pédagogie, sur l’école. Et l’école maternelle, c’est une école à part entière ! (M. Pierre Martin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, la question se pose pour nous aussi en termes pédagogiques. À cet égard, il est souhaitable, pour prendre les bonnes décisions, de s’appuyer sur les résultats probants obtenus non seulement en Bretagne, mais aussi dans le Nord–Pas-de-Calais. Dans ces deux régions, plus de la moitié des enfants de moins de trois ans sont scolarisés. En Bretagne plus particulièrement, la réussite scolaire est tout à fait établie.

Je prends acte de vos propos et du maintien du statu quo concernant l’accueil des enfants de moins de trois ans, en attendant qu’une réponse globale soit trouvée.

Nous ne pouvons pas non plus négliger une autre conséquence de ce dispositif pour les communes, notamment rurales, lesquelles sont en effet tenues d’investir pour construire les établissements d’accueil de jeunes enfants qui font actuellement défaut. Or elles ne disposent d’aucun moyen particulier pour ce faire. (M. Michel Boutant applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, le moins que l’on puisse dire est que votre politique à la tête du ministère de l’éducation nationale n’est pas marquée par l’immobilisme...

M. Jean-Claude Carle. C’est vrai !

M. Yves Détraigne. Une semaine, vous nous annoncez la disparition de la carte scolaire pour favoriser la mixité sociale, une autre semaine, la fin de l’école le samedi matin, pour faire cesser, selon vos propres mots, « une situation incohérente, source de nombreux problèmes pour tous les parents », ainsi que le report des deux heures d’enseignement du samedi sur les autres jours pour assurer une aide personnalisée aux élèves en difficulté. Une autre semaine encore, c’est l’instauration du service minimum d’accueil, le fameux SMA, qui est sans doute devenu aujourd’hui le sigle le plus connu de tous les maires de France, mais aussi le plus décrié. Puis vient la réduction du nombre d’enseignants affectés aux RASED.

Et arrivent à grands pas, semble-t-il, l’accompagnement éducatif généralisé ainsi qu’une réforme importante de l’éducation artistique et culturelle.

Ce sont autant de réformes, souvent décidées, hélas ! sans concertation préalable avec les élus locaux, mais dont la mise en œuvre repose pourtant en partie sur eux.

Monsieur le ministre, autant les maires n’ont aucune compétence particulière pour s’exprimer sur l’intérêt, pour l’enfant, d’une réforme réduisant la semaine scolaire de cinq à quatre jours, autant ils sont en droit d’exiger que d’autres réformes, dont l’application leur incombe et dont les conséquences financières sont parfois importantes pour leur collectivité, ne soient pas décidées sans une réelle concertation préalable avec leurs associations représentatives.

En effet, comment, l’école pourrait-elle exister sans l’intervention des collectivités pour la mise à disposition, l’entretien et le fonctionnement des locaux et des équipements, pour l’organisation des transports scolaires, pour la mise à disposition du personnel de service et des ATSEM – les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles –, pour le financement des projets artistiques et culturels, des classes transplantées, des projets d’école, des activités périscolaires ? Je m’arrête là, mais cette liste n’est pas complète, vous le savez bien !

Il est grand temps que le Gouvernement se rende compte que les maires sont des acteurs à part entière de l’école, et non de simples exécutants. Certains ont même parfois eu le sentiment d’être traités comme des supplétifs.

C’est ce que les maires de toutes opinions politiques, de toutes régions et de communes de toutes tailles ont exprimé on ne peut plus clairement lors du Congrès des maires de France, qui s’est tenu la semaine dernière.

Aussi, monsieur le ministre, il paraît indispensable, notamment pour répondre au souhait exprimé par le président de l’Association des maires de France, d’une part, que soit conduite une évaluation sur les modalités actuelles du droit d’accueil – pour lequel les besoins, mais aussi les moyens d’y répondre ne sont pas les mêmes dans toutes les communes –, et, d’autre part, que soit ouverte une véritable concertation sur ce sujet avec les élus et leurs représentants.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, vous engager en ce sens ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Détraigne, nous en revenons donc une nouvelle fois à cette question du SMA.

Vous avez rappelé le rôle des maires et les difficultés auxquelles ils sont confrontés, notamment les complications qu’ils ont pu connaître lors de la mise en œuvre de cette loi. À cet égard, permettez-moi de faire deux remarques.

D’une part, je comprends très bien la situation des maires. Je l’ai été moi-même douze ans, après avoir exercé un mandat d’adjoint pendant quinze ans.

D’autre part, même si vous vous êtes abstenu, le texte qui a été adopté a bien été le fruit d’une concertation avec le président de l’Association des maires de France, M. Pélissard. Un travail en amont a en effet été mené, et le projet de loi initial a fait l’objet d’améliorations très sensibles, parmi lesquelles je citerai en particulier le relèvement du seuil de déclenchement de la procédure. Je rappelle d’ailleurs que, à l’Assemblée nationale, M. Pélissard a voté le texte.

Au-delà de ces considérations générales, sur lesquelles il n’y a pas lieu de revenir, quelle est la situation aujourd’hui au regard du SMA ?

Tout d’abord, contrairement à ce que l’on entend ici ou là, le dispositif a bien fonctionné, même si, je le reconnais bien volontiers, les maires ont subi une contrainte très forte. Lors de la grève du 20 novembre dernier, sur les 12 000 communes concernées, plus de 10 000 ont mis en place le service minimum d’accueil. Selon une enquête réalisée non par le ministère, mais par l’AMF, la majorité des 10 000 maires en question n’a pas, semble-t-il, rencontré de problèmes particuliers.

Ensuite, les difficultés qui ont pu être recensées sont de trois natures.

Premièrement, nous n’arrivons pas à calibrer le dispositif de manière satisfaisante dans la mesure où le nombre réel des grévistes parmi les enseignants ne correspond pas aux chiffres annoncés préalablement, qui sont souvent supérieurs à la réalité. Ainsi, le 20 novembre dernier, alors que 67 % des enseignants s’étaient déclarés grévistes, le mouvement n’a finalement été suivi que par 47 % d’entre eux. L’accueil est donc « surcalibré ».

Deuxièmement, nous ne connaissons pas non plus à l’avance le nombre d’élèves qui viendront à l’école le jour de la grève.

Nous avons recherché avec M. Pélissard, que j’ai rencontré hier, les moyens de mieux dimensionner le SMA par un système d’information plus performant. Nous allons mobiliser à cette fin les inspecteurs d’académie et les inspecteurs de l’éducation nationale, les IEN, afin qu’ils puissent établir, circonscription par circonscription, un meilleur calibrage. En d’autres termes, il faut éviter à tout prix que la montagne n’accouche d’une souris !

Troisièmement, il convient de veiller à la qualité de l’alerte sociale. On nous a en effet reproché de ne pas avoir ouvert de discussions préalables à la mise en place du SMA. Mais, je le rappelle, le décret relatif à la modernisation du dialogue social n’était pas encore paru. Il a été publié voilà quelques jours seulement.

Nous aurons donc désormais beaucoup plus de temps pour discuter avec les représentants de nos personnels lorsqu’une grève sera annoncée. Ce faisant, nous serons en mesure de mieux évaluer les mobiles de la contestation syndicale et l’ampleur du mouvement et, donc, de nous y préparer beaucoup mieux.

Par ailleurs, conformément à ce qu’a indiqué très clairement le Président de la République devant le Congrès des maires, parmi ceux d’entre eux qui n’appliquent pas le SMA, deux catégories doivent être distinguées.

Il y a, d’une part, ceux qui, rencontrant de trop grandes difficultés ou ne sachant comment s’y prendre, ne parviennent pas à assurer l’accueil. Nous devons les aider à résoudre ces difficultés, éventuellement chercher avec eux les causes objectives qui les empêchent de se conformer à la loi.

Il y a, d’autre part, ceux qui, par principe, font délibérer leur conseil municipal et organisent ensuite une conférence de presse pour annoncer leur refus de mettre en place, quoi qu’il arrive, le service minimum d’accueil.

J’ai pris, ce matin même, la décision de lever tous les recours engagés contre les mairies qui ont été dans l’obligation de constater l’impossibilité matérielle d’organiser l’accueil des élèves. En revanche, je n’ai pas suspendu les procédures lancées contre les mairies volontairement récalcitrantes. D’ailleurs, un certain nombre d’entre elles – je pense notamment à une commune du sud de la France, que je ne nommerai pas ! – qui s’étaient déclarées incapables d’organiser le SMA ont subitement su le faire, après avoir constaté la réaction assez vigoureuse du tribunal administratif !

Par conséquent, monsieur le sénateur, nous avançons sur ce sujet.

Vous avez également évoqué la question centrale de l’évaluation, qui, je le rappelle, est inscrite dans la loi. Le dispositif sera bien évalué au bout d’un an. Hier, Jacques Pélissard et moi-même sommes tombés d’accord sur la nécessité d’anticiper cette évaluation, pour la rendre plus prospective.

La semaine prochaine, j’assisterai à une réunion que le Président de la République organise avec l’AMF. Nous verrons à cette occasion les conclusions qu’il tirera de toutes ces réflexions, mais, en tout état de cause, celles-ci devraient aller dans le sens des annonces que je viens de vous faire. À mon sens, un modus vivendi sera trouvé sur cette question.

Je tiens à le dire, les familles sont évidemment favorables à ce que leurs enfants soient accueillis les jours de grève.

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas un argument !

M. Xavier Darcos, ministre. Bien sûr que si, monsieur le sénateur ! Les familles dont les deux parents travaillent ou les mamans seules ont tout de même le droit de savoir ce qu’il adviendra de leurs enfants les jours de grève !

M. Jean-Claude Carle. Absolument !

M. Xavier Darcos, ministre. C’est un service supplémentaire que nous rendons aux familles. Les électeurs seront reconnaissants à leur maire de l’avoir mis en place, même si, je ne le conteste pas, il s’agit évidemment d’une contrainte supplémentaire pesant sur les élus.

M. André Dulait. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, je vous remercie de toutes ces informations. Je me réjouis que le dialogue soit renoué avec l’AMF, car les maires sont, comme vous-même, très attachés au service public de l’éducation nationale et à son bon fonctionnement. Il ne peut réellement bien fonctionner que si nous avançons, ensemble, dans la même direction.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, je tiens à revenir sur votre décision, ô combien inquiétante, d’amputer les RASED de 3 000 postes.

Une pétition de soutien a déjà recueilli plus de 200 000 signatures, de parents, d’enseignants, d’inspecteurs de l’éducation nationale. Un de leurs syndicats leur a même apporté un soutien public, tout comme l’Association nationale des centres médico-psycho-pédagogiques et l’Association française des psychologues de l’éducation nationale. Autrement dit, tous ceux qui, au quotidien, travaillent en liaison avec les RASED s’insurgent contre cette décision.

Pour rassurer tout le monde, monsieur le ministre, vous répondez : aide personnalisée ! Or celle-ci ne peut se comparer à l’aide spécialisée dispensée par les enseignants RASED, et encore moins, bien sûr, la remplacer.

Les RASED n’interviennent pas un quart d’heure ou une demi-heure pour expliquer à un élève le passé composé. Cela est évidemment du ressort de l’enseignant, dans sa classe. Ils agissent, eux, auprès d’élèves en difficulté durable et globale, en souffrance scolaire, à qui il faut souvent « apprendre à apprendre ».

Nier cette spécificité, c’est prendre le risque de compromettre tout le travail de liaison, mené, d’une part, avec les enseignants, pour qui les RASED représentent un appui, et, d’autre part, avec les parents. C’est également prendre le risque de remettre en cause le travail de médiation, souvent pacificateur, mené dans les établissements, permettant d’expliquer aux parents et aux enfants ce qu’est l’école, afin de les aider à mieux la comprendre. C’est particulièrement important dès lors qu’on veut lutter contre la violence à l’école.

Faire croire que les deux métiers sont interchangeables revient aussi à ne plus s’intéresser qu’aux difficultés d’ordre pédagogique. Or, très souvent, celles-ci sont entremêlées avec d’autres, notamment d’ordre social ou médical. La question a déjà été posée : qui sera alors en mesure de prendre en charge ces enfants ? La médecine scolaire ? Elle est exsangue, vous le savez bien, et encore faut-il que cela relève du médical. Les assistantes sociales ? Elles n’interviennent pas dans les écoles et sont débordées.

Cela signifierait que l’école renonce à prendre ces enfants en charge, les laisse à la porte, démunis de tout projet d’éducation.

Je reste donc très inquiète : qui réalisera ce travail quand 3 000 RASED – et combien, l’an prochain ? – se retrouveront face à des classes entières qu’ils devront gérer au quotidien ?

Vous assurez que la fonction n’est pas supprimée, mais que seules changent les modalités. Or c’est précisément une telle modification qui fera des RASED une coquille vide.

Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante : si votre intention n’est pas de supprimer les RASED, pouvez-vous nous garantir que, durant la présente législature, le budget consacré à la formation initiale et continue des maîtres E et G sera préservé ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet à plusieurs reprises. Je commencerai, madame le sénateur, par répondre à la dernière partie de votre question.

Je vous confirme que le budget de formation des maîtres G sera préservé. L’expérimentation que nous avons menée cette année sur 3 000 postes de RASED n’implique pas la suppression des 8 600 postes de RASED qui restent. Nous souhaitons précisément conserver toutes les personnes ressources spécialisées dans la psychologie des enfants, en particulier les psychologues scolaires.

Je ne vais pas répéter ce que j’ai déjà dit. J’insisterai simplement sur un point, qui est un point de divergence entre nous : je considère, moi, que tous les professeurs de France sont des spécialistes des difficultés scolaires.

Lorsque les 380 000 enseignants du premier degré assurent chacun deux heures de soutien, ils traitent bien des difficultés scolaires ! Il n’y a pas, d’un côté, des professeurs qui enseignent et, de l’autre, des enseignants spécialisés dans l’échec scolaire ! Le métier d’enseignant implique de traiter les difficultés d’apprentissage.

Il faut persévérer dans cette voie, car nous savons, par les alertes que nous recevons, les remontées d’inspection, les évaluations, que de nouvelles difficultés scolaires apparaissent chez les élèves, surtout chez ceux qui ont des problèmes personnels liés à leur milieu et à l’évolution de la société elle-même, qui est plus dure pour ces enfants. Il ne s’agit donc pas pour nous de questions accessoires.

Les difficultés d’apprentissage relèvent de la responsabilité des enseignants et nous devons les former à cette spécificité de leur métier.

L’apport particulier des RASED sera conservé, notamment pour ce qui est de la psychologie, de l’évaluation, de l’orientation vers les structures d’intervention comme les CMPP, bien que ceux-ci soient complètement débordés et que les délais pour obtenir une remédiation orthophonique ou une thérapie psychopédagogique soient considérables. Nous sommes conscients de ces difficultés.

Nous ne pensons pas, contrairement à vous, qu’il soit forcément nécessaire de résoudre les difficultés scolaires en dehors de la classe et de sortir tous les enfants en situation d’échec de la classe pendant une heure afin qu’ils soient pris en charge par le RASED, comme c’est le cas aujourd’hui. Cette méthode est souvent utile, voire nécessaire, et produit des résultats tangibles. Mais ce n’est pas la solution unique au problème massif de l’échec scolaire.

C’est la raison pour laquelle nous avons pris ces décisions difficiles. Il eût certes été plus facile de ne rien faire, comme sur tous les sujets !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas ce que l’on vous demande !

M. Xavier Darcos, ministre. Je crois que nous avons fait œuvre utile. Progressivement, grâce au plan de formation que nous allons mettre en place, le traitement des difficultés scolaires fera l’objet d’une plus grande appropriation de la part de la totalité des 380 000 enseignants du premier degré et nous surmonterons ces problèmes, plus fréquents que naguère.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous avons certes des divergences, monsieur le ministre, mais nous ne vous demandons pas de ne rien faire. Bien au contraire !

Sur le sujet des RASED, comme sur d’autres, il fallait se poser la question de l’évaluation avant d’entreprendre toute réforme. Si vous aviez procédé à cette évaluation, vous auriez pu constater que la transformation des groupes d’aide psychopédagogique, les GAPP, en RASED s’est faite sans augmenter les effectifs, malgré un élargissement des zones géographiques couvertes.

Vous auriez également pu observer que l’offre de formation est insuffisante et que de nombreux postes sont vacants. C’est le cas dans mon département, les Hauts-de-Seine, où 30 postes de maîtres G sur 130, ainsi qu’une cinquantaine de postes de maîtres E, ne sont pas pourvus.

M. Xavier Darcos, ministre. Bien sûr !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il aurait d’abord fallu agir sur ces paramètres pour pouvoir améliorer l’efficacité de ce réseau.

J’ai appris hier que, dans mon département, l’inspecteur d’académie proposait la fermeture de 100 postes de RASED et que certaines académies – je peux citer le cas de la Charente-Maritime, qui relève de l’académie de Poitiers – proposaient d’ores et déjà une reconversion aux maîtres E et G, alors même que le projet de loi de finances n’est pas définitivement adopté. Vous conviendrez que cela peut susciter de nombreuses inquiétudes pour l’avenir !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on l’a dit ce matin, le monde change, notre société évolue et l’école doit s’adapter, car les enfants changent eux aussi.

Pour adapter l’école, des réformes sont nécessaires. Vous avez emprunté, monsieur le ministre, le chemin de ces réformes pour essayer d’améliorer le système. Il faudra, bien sûr, dresser le bilan des changements apportés, et je vous fais entièrement confiance pour cela.

La semaine scolaire de quatre jours à l’école primaire a été presque unanimement préférée à celle de neuf demi-journées.

Les maires regrettent de ne pas avoir été suffisamment associés à la mise en œuvre de l’aide personnalisée. Certes, il s’agit d’une décision d’ordre pédagogique. Mais, lorsque le soutien est organisé à l’heure du déjeuner, se posent les problèmes du retour des élèves à la maison ou de leur repas à la cantine

Les stages de remise à niveau sont positifs. L’accompagnement éducatif généralisé dans les collèges, déjà en place dans les ZEP, sera étendu en septembre prochain à toutes les écoles primaires.

Je veux également mentionner le SMA, dont il a déjà été beaucoup question ici, aujourd'hui.

L’étude sur la scolarisation des enfants de deux ans vient d’être remise. Je souhaite que l’on privilégie l’intérêt de l’enfant afin qu’il puisse obtenir les meilleurs résultats.

Tous ces chantiers exigent un travail en partenariat avec de nombreux intervenants. Le partenariat qui existe d’ores et déjà peut être amélioré, notamment dans le cas du SMA.

Comment comptez-vous améliorer ce partenariat et donner la possibilité à tous les enfants de bénéficier de ces nouveaux services ?

Je tiens à soulever le problème important des transports scolaires en milieu rural, notamment au regard du soutien pédagogique de midi et de l’accompagnement éducatif du soir.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Eh oui !

M. Pierre Martin. Le transport scolaire relève du département pour ce qui concerne les écoles primaires, les collèges et les lycées. Or les lycées fonctionnent le samedi, de même que certains collèges, et il n’y a plus de transports ce jour-là. Il serait donc utile de mettre en place une harmonisation dans ce domaine afin que tous les enfants puissent accéder à ces nouvelles mesures.

Monsieur le ministre, comment voyez-vous la solution de ce problème ? De toute évidence, un seul intérêt doit compter, celui de l’enfant ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Martin, votre question en comporte plusieurs…

Avant même que nous décidions de supprimer les cours du samedi matin, pratiquement une école sur deux était fermée ce jour-là, sans rencontrer pour autant de difficulté particulière.

Mais il est extrêmement difficile d’imaginer que les emplois du temps des collèges et des lycées puissent être contenus en quatre jours et demi, et je me garderai bien de prendre des engagements à cet égard. Cette question est donc assez complexe.

Vous avez posé une question de principe et je vais y répondre : oui, le ministère de l’éducation nationale travaille avec les élus et leurs représentants sur les sujets que vous avez évoqués et qui relèvent du département. Je rencontre régulièrement, et encore récemment, le président de l’Assemblée des départements de France. J’ai également, bien sûr, des échanges avec son vice-président chargé des questions de transport scolaire.

Nous savions depuis le départ que la difficulté principale de la mise en place du soutien pédagogique concernerait le transport scolaire, non pas dans les zones urbaines ou dans les zones rurales dotées d’un système souple, mais dans d’autres zones, comme les régions de moyenne montagne.

L’école étant un corps vivant, elle doit évoluer. Je souhaite que nous reportions progressivement d’une demi-heure, en fin de journée, le retour par transport scolaire. En effet, il n’est pas certain que le soutien scolaire entre midi et deux heures, ou le matin de bonne heure, soit idéal pour les élèves et que l’effet pédagogique soit suffisant. Il serait plus intéressant que les élèves restent un peu plus tard le soir – une demi-heure ou trois quarts d’heure, ou une heure deux fois dans la semaine –, afin que l’on puisse s’occuper d’eux séparément.

De nombreux départements ont trouvé une réponse satisfaisante et ont pu s’adapter, même si cela a pu poser des difficultés. Encore une fois, l’école est un corps vivant, et ses relations avec les communes et les départements sont en constante évolution, font donc l’objet de négociations permanentes : j’ai donc bon espoir que nous trouverons rapidement des solutions conformes à l’intérêt de l’enfant.

Les difficultés que nous avons rencontrées sont en grande partie liées au fait que la majorité des conseils d’école avaient choisi la semaine de quatre jours et de ne pas travailler le mercredi matin. Il ne s’agissait pas d’un impératif dicté par le ministère ! On me reproche souvent d’être favorable à la semaine de quatre jours. Or les conseils d’école avaient le choix entre la semaine de quatre jours et celle de quatre jours et demi. Majoritairement, ils ont choisi la semaine de quatre jours. Il s’agissait d’un choix pédagogique ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. Ça ne s’est pas passé comme ça !

M. Xavier Darcos, ministre. C’était indiqué dans la circulaire ! Je ne pouvais pas être présent au sein des 26 000 conseils d’école avec les élus, les parents et les représentants des enseignants ! Je n’ai pas décidé à leur place ! Comme je l’ai souvent dit, dans ma propre ville, les écoles fonctionnaient quatre jours et demi par semaine. On ne peut donc me reprocher d’être favorable à la semaine de quatre jours.

Ce n’est pas le ministère qui a choisi la semaine de quatre jours, mais les conseils d’école !

M. Yannick Bodin. Ils ont rarement eu le choix !

M. Xavier Darcos, ministre. On peut considérer que c’était un choix légitime...

Mme Christiane Demontès et M. Yannick Bodin. On a vu passer les circulaires académiques !

M. Xavier Darcos, ministre. Je l’ai souvent entendu dire ! Mais si vous prenez la peine de vous reporter à ces circulaires, vous constaterez que les directives émanant de mon ministère et destinées aux rectorats, qui sont disponibles sur Internet, comportaient clairement une alternative entre la semaine de quatre jours et celle de quatre jours et demi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions. Je suis convaincu que, si tout le monde partage cette volonté d’innover, qui va dans le bon sens, nous réussirons. Je souhaite que ceux qui imaginent que l’on peut bouger sans rien changer bougeront vraiment ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Personne ne dit cela !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Ma question concerne l’organisation des écoles primaires et maternelles en milieu rural.

Pour conserver les petites structures isolées menacées par la baisse démographique, on a créé, au fil des ans, diverses formes de réseaux d’écoles primaires, notamment les regroupements pédagogiques intercommunaux, les RPI. La plupart de ces regroupements se sont faits de manière dispersée, chaque école rassemblant des élèves de plusieurs communes par niveau pédagogique. En moyenne, les RPI comprennent de trois à cinq classes, accueillant des élèves qui viennent d’une demi-douzaine de communes.

L’émiettement en petites structures présente quelques inconvénients. Le principal tient au fait que les enfants doivent monter dans le car quatre fois par jour, deux fois, le matin et le soir, entre leur domicile et l’école et deux fois, à midi, entre l’école et le lieu unique de cantine.

Un autre problème est celui du dépaysement à chaque rentrée pour l’élève, qui découvre ainsi trois ou quatre lieux d’enseignement différents au cours de sa scolarité en primaire. Or l’attachement au lieu est pour l’enfant un élément rassurant, protecteur.

Enfin, cette dispersion empêche les échanges entre maîtres d’un même cycle, échanges pourtant nécessaire, surtout pour les jeunes enseignants parachutés ici ou là. Cette dispersion fait obstacle à la pratique d’activités collectives, notamment sportives et artistiques.

Il semble que l’État souhaite concentrer l’offre éducative en un seul lieu, dans des unités scolaires plus importantes.

L’article 86 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a ouvert la possibilité de créer, à titre expérimental, des établissements publics d’enseignement primaire destinés à permettre une gestion mutualisée des moyens des écoles maternelles et élémentaires, notamment en milieu rural. Néanmoins, les décrets d’application ne sont toujours pas publiés.

Une proposition de loi a été déposée récemment à l’Assemblée nationale, visant à rendre obligatoire la création d’établissements publics d’enseignement primaire, les EPEP, lorsqu’une école maternelle, élémentaire ou primaire comprend ou atteint un nombre de classes égal ou supérieur à quinze.

Ces chiffres paraissent tout à fait irréalistes dans des secteurs très ruraux. Il faudrait associer pas moins de trois à cinq RPI pour créer un EPEP !

Les maires sont réservés sur tous ces projets, car ils sont fortement attachés au lien entre commune et école publique.

Pourquoi abandonner des formes consensuelles de regroupement et des réseaux d’écoles qui ont prouvé leur souplesse et leur efficacité ?

L’érection de l’école publique en établissement public autonome implique une complexité nouvelle dans les processus de prise de décision, avec le risque pour les maires de ne pas maîtriser les dépenses, là encore.

Enfin, quelles seront les conséquences de ce projet sur la carte scolaire en matière de fermetures de classes ?

Il me semble que ces EPEP ne devraient se constituer que sur la base du volontariat et s’il existe un établissement public intercommunal compétent.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser quelles sont vos intentions afin de pouvoir informer les élus locaux sur cette loi qui n’a encore pas connu d’application ? Quelles orientations allez-vous retenir ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez d’abord le problème de l’implantation des RPI dans des zones rurales où beaucoup de petites communes ont des classes uniques. Certaines équipes pédagogiques ont estimé que, compte tenu des distances, il était de l’intérêt des enfants de les regrouper par niveau plutôt que de les laisser dans des classes uniques éparpillées.

Les inconvénients que vous avez évoqués ne sont pas à négliger. Pour des enfants de six à dix ans, il n’est en effet pas idéal de changer chaque année d’équipe pédagogique et d’école, voire d’amis. Pour autant, les laisser dans des classes uniques et isolées présente également de grands inconvénients.

Le choix est laissé aux élus, puisque les RPI sont décidés par eux dans le cadre des structures intercommunales : c’est à eux qu’il revient d’arbitrer entre les avantages et inconvénients respectifs des deux solutions, et c’est indiscutablement très délicat.

Je me souviens des discussions qui ont précédé, dans votre région, monsieur le sénateur, plus précisément dans le nord du pays dolois, au début des années quatre-vingt-dix – alors inspecteur général, je devais m’occuper de Dole et de Besançon : un moment dans une longue carrière ! –, la mise en place, sur l’initiative de l’inspecteur d’académie, d’un dispositif de cet ordre, avec des pôles de cinq à dix classes.

Même s’ils ne sont pas exempts d’inconvénients, des regroupements de ce genre me paraissent aller dans le sens de l’intérêt des élèves et des enseignants. De toute façon, le processus se déroule en concertation entre les collectivités et le ministère, sous le contrôle des inspecteurs d’académie, qui sont évidemment attentifs aux propositions qu’on leur fait dans ce domaine. Mais il n’y a pas de doctrine tranchée en la matière.

S’agissant maintenant des établissements publics du premier degré, il est vrai que c’est un dossier qui est depuis longtemps dans nos cartons. Sans doute une nouvelle proposition de loi sera-t-elle prochainement déposée, visant à accélérer le processus.

Je le précise, l’idée concerne plutôt des lieux où existent un grand nombre de classes sur une surface plus resserrée. Au fond, il me semble plus utile de regrouper toutes les écoles d’une ville de 35 000 ou 40 000 habitants, par exemple, autour d’un établissement public, dont le directeur serait l’interlocuteur direct et unique du maire, que de le faire en milieu rural, où les écoles sont très éparpillées et où les structures intercommunales suffisent.

Vous m’avez demandé si, après avoir été expérimentée, cette solution serait imposée à des collectivités. Évidemment, non ! Il y aura concertation. Bien que conscient qu’il s’agit d’un point d’achoppement avec une partie des représentants des personnels du premier degré, je reste persuadé que l’établissement public est une bonne idée pour mutualiser les moyens et donner enfin une structure comptable à l’école primaire. Aujourd'hui, pour acheter un timbre, il faut passer par la caisse des écoles ! Il serait donc opportun d’élaborer une structure plus moderne, dont le directeur serait évidemment un enseignant.

En fin de compte, les avantages l’emportent largement, selon moi, en termes de fonctionnement, à condition de ne pas imposer sa généralisation. Il faut créer des EPEP là où ils seront utiles pour mutualiser les moyens et pour gérer les réseaux d’aides de toute nature qui concourent au fonctionnement de l’école. Pour moi, c’est plutôt une bonne idée, et je souhaite qu’on puisse l’expérimenter assez vite.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais revenir sur un sujet évoqué à plusieurs reprises depuis ce matin, la suppression des RASED, mais en lui donnant une dimension plus large. Je veux, en effet, vous interroger, monsieur le ministre, sur la politique que vous entendez mener pour lutter contre l’échec scolaire.

Si j’y reviens, c’est parce qu’il apparaît que cette mesure suscite tant chez les parents d’élèves que chez les enseignants, beaucoup d’interrogations et une profonde incompréhension.

Ceux qui s’interrogent sur la suppression de ces postes affectés aux RASED sont d’autant plus nombreux que, jusque-là, cette formule avait donné toute satisfaction. Les témoignages des uns et des autres montrent le rôle extrêmement important joué par les RASED dans les écoles où ils ont été implantés : ils y ont apporté aux élèves en difficulté une aide très efficace.

Or aucune évaluation préalable n’a été faite pour justifier la suppression de ces RASED. C’eût été pourtant un minimum ! Et, à la suite de cette évaluation, sans doute eût-il été utile d’engager une concertation avec toutes les personnes concernées.

Certes, vous l’avez dit et redit, monsieur le ministre, le rôle des RASED et le travail qu’ils réalisaient va être compensé par les heures de soutien personnalisées qui ont été mises en place.

Toutefois, et vous l’avez implicitement reconnu, il ne s’agit pas de la même chose. Au demeurant, lorsque les heures de soutien nous ont été présentées, elles devaient répondre à des besoins ponctuels ou à des interrogations sur tel ou tel point du programme. Elles étaient censées permettre aux enfants, grâce à quelques heures supplémentaires, d’approfondir leurs connaissances ou de se remettre en situation d’acquisition par rapport à telle ou telle notion.

Dans la réalité, que se passe-t-il ? En Gironde, département dont je suis une élue, en particulier dans la commune dont je suis maire, ces heures de soutien sont mises en place entre midi et quatorze heures. Vous en convenez vous-même, ce n’est pas une bonne chose. C’est bien mon avis !

Comment ces heures de soutien dispensées lors de la pause déjeuner, à un moment où les enfants ont besoin de se ressourcer et de se détendre pourraient-elles produire un effet bénéfique sur le plan pédagogique ? S’il se confirmait qu’à l’avenir ces heures de soutien vont remplacer les heures d’intervention RASED, vous iriez à l’encontre de l’objectif poursuivi : la lutte contre l’échec scolaire.

Monsieur le ministre, quelle cohérence dans la politique de la lutte contre l’échec scolaire entendez-vous promouvoir, alors que vous vous apprêtez à remplacer un système efficace, le RASED, par un système d’heures de soutien dont les modalités d’application sont trop floues et ouvrent la porte à beaucoup de difficultés ?

Pouvez-vous nous confirmer que cette suppression de maîtres E et G ne se poursuivra pas en 2010 et en 2011, aboutissant ainsi, à terme, à la suppression totale des 8 000  emplois RASED restants ? (Marques d’impatience sur les travées du groupe UMP.)

Enfin, que proposerez-vous à ces milliers d’enseignants supplémentaires que vous allez utiliser pour combler les déficits d’encadrement ? Que proposerez-vous à ceux qui ont tant donné à des milliers d’élèves pour tirer parti de leur savoir-faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Madame Cartron, j’ai déjà répondu trois fois à cette question ! Ter repetita placent. Je veux bien recommencer !

Je persiste à dire que toute la politique conduite à l’école primaire avec énergie et rapidité vise à lutter contre l’échec scolaire.

C’est bien dans cette perspective que nous avons défini de nouveaux programmes, que nous proposons deux heures de soutien, que nous avons lancé, à la rentrée de la Toussaint, l’accompagnement éducatif dans les écoles des zones d’éducation prioritaire, que nous procédons à des évaluations ; en l’occurrence il ne s’agit pas de dresser un constat froid, destiné à alimenter des statistiques, mais d’identifier les difficultés et d’y répondre, et c’est pourquoi l’évaluation de CM2, en particulier, se fait en cours d’année. C’est également dans cette perspective que nous améliorons le management de nos inspections.

Toutes ces mesures tirent les conséquences d’un constat qu’il ne faut surtout pas oublier : 15 % à 20 % des élèves qui entrent en sixième sont en très grande difficulté. Or, on trouve parmi eux les enfants des couches sociales les plus exposées. C’est cela qui est au fondement de notre politique ! Savez-vous qu’un fils d’ouvrier court sept fois plus le risque de ne pas savoir lire à dix ans qu’un fils de cadre ? C’est bien beau de répéter que l’école républicaine était parfaite jusqu’à ce que j’arrive Rue de Grenelle, mais enfin, tout de même, il y a des moments où il faut savoir raison garder ! Est-ce cela la République ?

Nous avons essayé de concentrer l’ensemble de notre action sur cet objectif. Alors qu’il y a aujourd'hui 380 000 professeurs du premier degré et près de 12 000  membres des RASED, prétendre que le redéploiement de 3 000 d’entre eux vers les endroits où les besoins sont le plus criants va faire exploser la difficulté scolaire et signe notre renoncement à toute lutte contre l’échec scolaire, c’est une vue de l’esprit !

Je comprends que cela suscite des réactions. Je conçois que cela agace ceux qui sont concernés. J’en ai vu d’autres ! Mais je persiste à penser que c’est une vue de l’esprit !

Et je répète que le traitement de l’échec scolaire doit être l’affaire, non pas simplement de personnels spécialisés, quelles que soient leurs compétences, mais de l’ensemble du personnel ! C’est ma doctrine de fond, elle n’a pas changé, bien qu’elle soit difficile à « vendre » ! Mais je la soutiens de bonne foi. N’allez pas croire que j’en sois à 3 000 postes près !

Mme Christiane Demontès. Trop, c’est trop !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le taux d’encadrement des élèves va chuter !

M. Xavier Darcos, ministre. Mais vous disiez la même chose l’année dernière ! Et moi, je suis prêt à parier qu’en 2009 la situation sera identique parce que les non-renouvellements d’emplois ne concernent pas les RASED : 3 000 d’’entre eux sont simplement sédentarisés. Notre gestion n’affecte pas le face-à-face entre les professeurs et les élèves.

Déjà, l’année dernière, vous m’annonciez qu’à la rentrée prochaine ce serait la fin de tout et qu’on ne pourrait plus tenir les classes !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Toutes vos mesures mises bout à bout, cela fait beaucoup !

M. Xavier Darcos, ministre. Enfin, je vous donne acte, madame Cartron, les heures de soutien ne doivent pas avoir lieu au moment de la pause méridienne, car il faut les prendre au sérieux. Petit à petit, les choses se mettent en place. Après une année d’adaptation, tout fonctionnera bien partout !

Je m’en suis remis aux équipes enseignantes du premier degré. Confiant en leurs méthodes et en leur dévouement, je ne m’autorise pas à leur dire ce qu’elles doivent faire à telle ou telle heure ! Je n’ai pas voulu fixer des règles parce qu’une équipe pédagogique est capable de prendre en charge sa gestion.

Cette mesure est appliquée très différemment selon les lieux. En Normandie, par exemple, où je suis allé récemment, les deux heures de soutien sont réparties entre le lundi et le jeudi, en fin de journée. Et cela se passe très bien.

Je l’ai toujours dit, je fais confiance aux professeurs. L’essentiel, c’est que nous soyons tous d’accord sur le fait que la première mission des enseignants du premier degré, c’est de lutter contre l’échec scolaire.

Mme la présidente. Madame Cartron, je ne vous redonne pas la parole parce que vous avez largement dépassé votre temps de parole en posant votre question.

Je rappelle à l’ensemble des intervenants qu’ils doivent s’en tenir à deux minutes trente.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question concerne l’accueil des enfants de moins de trois ans.

Les deux-trois ans forment une tranche d’âge charnière, caractérisée notamment par une grande diversité sur le plan de la maturité psychique et physique. Ils sont à la fois déjà grands pour fréquenter la crèche, mais encore petits pour l’école, centrée sur les processus d’apprentissage.

La scolarisation des enfants dès deux ans, mode d’accueil gratuit, rend de grands services aux parents. Mais cette tranche d’âge nécessite un autre mode de prise en charge, qui permette à l’enfant de se développer à son rythme.

N’y aurait-il pas à inventer des « jardins-passerelles » ou, selon les termes de Mme Nadine Morano, des « jardins d’éveil » qui permettraient aux petits d’aller à l’école le matin jusqu’à onze heures et d’être ensuite pris en charge jusqu’au retour des parents par du personnel formé spécifiquement à cet accueil ?

J’avais suggéré la création de ces structures en mars 2005, lors de la discussion sur le projet de loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école ; mais on a toujours tort d’avoir raison trop tôt !

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. C’est bien vrai !

Mme Muguette Dini. Une telle structure pourrait fonctionner sur l’ensemble de l’année civile et offrirait une amplitude horaire similaire aux crèches collectives.

La volonté des trois partenaires, à savoir l’éducation nationale, la caisse nationale d’allocations familiales et les collectivités territoriales, est un passage obligé pour créer ce projet de niveau intermédiaire entre la crèche et l’école.

Nombre de communes sont intéressées par cette expérience, mais comment pourront-elles assumer la charge salariale que représentera ce mode d’accueil innovant ?

Peut-on espérer, monsieur le ministre, que les crédits affectés aux personnels de l’éducation nationale en charge des enfants de deux ans soient, d’une manière ou d’une autre, versés aux collectivités qui mettraient en place ce nouveau mode d’accueil ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Il n’en est pas question !

Mme Muguette Dini. À défaut de cette aide, je crains que peu de communes ne soient prêtes à financer la charge supplémentaire, malgré tout l’intérêt que représenterait, pour les enfants d’abord, pour les familles ensuite, ce mode de garde innovant.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Madame Dini, j’ai en grande partie déjà répondu à vos questions sur la préscolarisation des enfants et je m’en tiens à ce que j’ai dit : pour l’instant, il faut accepter qu’il y ait une diversité de traitement et que les enfants soient accueillis plus ou moins tôt, voire pas du tout, avant trois ans.

Les pistes ouvertes, d’une part, par Nadine Morano, d’autre part, par Monique Papon et Pierre Martin dans leur rapport, doivent être examinées. Lorsque l’on y verra clair et que l’on sera d’accord sur ce qu’il faut faire à l’échelle du pays, l’éducation nationale prendra ses responsabilités. Mais je vois mal comment nous pourrions décider aujourd'hui de verser à toutes les communes une subvention pour accueillir autant d’élèves de dix-huit mois à trois ans : si vous attendez de moi un engagement de cet ordre, vous risquez d’être déçue !

Le pays tout entier se pose la question du traitement de la petite enfance, question qu’il ne s’était d’ailleurs jamais vraiment posée au fond, contrairement, je l’ai déjà dit, à nombre d’autres pays. En attendant qu’il y réponde, l’éducation nationale assurera dans les conditions actuelles l’accueil en maternelle lors de la prochaine rentrée.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Monsieur le ministre, à Wallis-et-Futuna, l’enseignement primaire est délégué entièrement à la mission catholique.

À cette fin, la direction de l’enseignement catholique reçoit une subvention du ministère de l’éducation nationale. Or le rapport élaboré par le vice-rectorat de Wallis-et-Futuna sur l’état de l’enseignement primaire fait ressortir que la subvention accordée actuellement suffit à peine à satisfaire 50 % des besoins, même si les effectifs ont baissé. On peut imaginer la qualité de l’enseignement dispensé avec des moyens aussi insuffisants !

Monsieur le ministre, que pensez-vous de cette situation pour 2009 et pour les années suivantes.

Par ailleurs, je voudrais attirer votre attention sur la dette du territoire de Wallis-et-Futuna envers les établissements d’enseignement privé de Nouvelle-Calédonie et plus particulièrement envers la direction de l’enseignement catholique.

Cette dette, actuellement d’un montant d’environ 1 million d’euros, résulte du non-paiement, depuis maintenant trois ans, d’une subvention à verser au titre du fonctionnement des internats.

Ces internats privés accueillent en grand nombre nos élèves, obligés d’aller poursuivre leurs études en Nouvelle-Calédonie parce que les filières de formation manquent à Wallis-et-Futuna. L’enseignement public de Nouvelle-Calédonie ne pouvant les recevoir, la solution du privé reste la seule à la disposition des familles.

S’il est normal qu’aussi bien la collectivité que les familles de Wallis-et-Futuna assument les frais de cantine et d’hébergement de ces jeunes, nous demandons, monsieur le ministre, l’aide de l’État pour la prise en charge des frais dont je viens de parler, aide qui se justifierait par le manque d’offre de formation sur le territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Laufoaulu, nous connaissons la situation et les difficultés particulières de Wallis-et-Futuna.

Le Gouvernement a délégué une mission de service public à l’enseignement catholique, qui perçoit un forfait pour les élèves qu’il scolarise, système ancien et qui fonctionne parfaitement bien.

Nous avons récemment abondé ce forfait pour améliorer la rémunération des services de la direction de l’enseignement catholique. Il m’a été dit que des ajustements étaient nécessaires et je prévois donc d’étudier le versement d’une subvention exceptionnelle avant la fin de l’année. Cette subvention sera déléguée par le vice-recteur, de sorte qu’il n’y aura pas de solution de continuité dans le versement du forfait que nous devons à la direction de l’enseignement catholique.

Plus complexe est la question des élèves qui poursuivent leur cursus au lycée dans le privé en Nouvelle-Calédonie.

Il existe à cet égard un différend qui porte sur la prise en charge des dépenses de fonctionnement des restaurants scolaires et des internats, couvertes par les trois provinces de Nouvelle-Calédonie et le territoire de Wallis-et-Futuna au prorata du nombre des élèves originaires de chacune de ces collectivités.

La question de la prise en charge de ces dépenses devrait, elle aussi, trouver une issue favorable. Une convention spécifique va en effet être signée entre les deux territoires, car il s’agit d’écoles hors contrat, qui ne peuvent de ce fait bénéficier du forfait d’externat financé par l’État.

Soyez donc rassuré, monsieur le sénateur, quant à l’attention que nous portons à ces questions et à notre volonté de faire en sorte que l’accueil effectif des jeunes de Wallisiens en Nouvelle-Calédonie se fasse dans les meilleures conditions possibles : mon ministère n’aura pas la moindre réticence à apporter son soutien et à faire le nécessaire en ce qui concerne le versement du forfait.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, vous paraissez agacé par le fait que les questions soient toujours les mêmes…

M. Xavier Darcos, ministre. Non !

M. Claude Domeizel. …et vous vous bornez chaque fois à dire que vous avez déjà répondu. Mais, monsieur le ministre, si les questions sont toujours les mêmes, c’est que les inquiétudes sont largement partagées, et cela sur toutes les travées !

Le fait que je passe en douzième position va en tout cas me permettre d’axer mes questions davantage en fonction de vos réponses que du budget lui-même.

S’agissant d’abord de la suppression des RASED, si j’ai bien compris, 3 000 maîtres spécialisés, puis 8 000 les deux années suivantes, vont être affectés dans des classes, devant des élèves. Pourront-ils vraiment exercer le métier qu’ils exerçaient dans les RASED ? J’espère, monsieur le ministre, que c’est un problème dont vous avez conscience !

S’agissant ensuite de la semaine des quatre jours, à titre personnel, je considère depuis toujours que le samedi matin est un moment privilégié dans les écoles primaires, moment pendant lequel on peut appliquer une pédagogie un peu différente : comme on le disait avant du samedi après-midi, mais l’image s’applique au samedi matin, c’est un peu le « dimanche de l’école ».

Dans le cadre de cette semaine de quatre jours, vous instaurez l’aide personnalisée aux élèves en difficulté, ce qui soulève, reconnaissez-le, monsieur le ministre, divers problèmes, et d’abord pour les enfants eux-mêmes.

Intervenant hors du temps scolaire, que ce soit le matin, entre midi et deux heures ou le soir, l’aide est donc dispensée à des moments où ces enfants – et ceux-là plus encore que les autres – ont besoin de « se défouler ».

Quant aux parents et aux services des collectivités locales, qui peinent déjà à coordonner les diverses obligations et activités – transport, restauration, activités périscolaires, aide au devoir, etc. –, ils auront encore plus de mal à s’organiser avec des horaires constamment variables au fil du temps.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous avais interrogé en mai dernier au sujet de la situation des ATSEM, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles. J’attends toujours, et de nombreux maires avec moi, une réponse qui prenne en compte les obligations statutaires des communes à l’égard de ces fonctionnaires.

Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole, monsieur Domeizel.

M. Claude Domeizel. Je vais essayer de résumer la suite de mon intervention, madame la présidente !

Monsieur le ministre, certains de ces maires que je viens d’évoquer sont poursuivis devant les tribunaux parce qu’il refuse le service minimum d’accueil, et je veux revenir sur ce point.

Ajoutées aux menaces, les déclarations du Premier ministre, du Président de la République, de différents ministres et les vôtres, hier encore, ne font qu’accroître la confusion et renforcer l’exaspération des maires.

Il y aurait aujourd'hui 500 contentieux : c’est un peu trop ! Monsieur le ministre, lorsqu’on s’est trompé, il faut savoir le reconnaître. Depuis le début, nous sommes nombreux à vous dire que le service minimum ne fonctionnera pas, comme nous l’avions fait pour le CPE. Dans ce dernier cas, d’ailleurs, le Gouvernement et le Président de la République étaient revenus en arrière. Faites pareil pour le service minimum !

Alors, monsieur le ministre, oui ou non, le travail des RASED sera-t-il organisé dans les conditions que nous souhaitons ?

M. Jean-Claude Carle. Cela fait dix fois qu’on en parle !

M. Claude Domeizel. Oui ou non, la semaine de quatre jours sera-t-elle obligatoire ?

Oui ou non, comptez-vous persister à mettre en place des mesures désastreuses, génératrices d’inégalités, qui suscitent une large réprobation et, surtout, qui laisseront sur le bas-côté les élèves en vraie difficulté ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Domeizel, je ne suis nullement agacé, mais je suis obligé de vous dire qu’il y a peu de chances pour qu’en quelques minutes ou dans une même journée je fasse, à la même question, deux réponses différentes.

En conséquence, vous me permettrez de vous renvoyer à ce que j’ai dit, déjà plusieurs fois, à propos des RASED, ce qui évitera à la Haute Assemblée de m’entendre répéter ce que, visiblement, elle a parfaitement compris.

En ce qui concerne la semaine de quatre jours, j’ai également déjà dit que les conseils d’école avaient majoritairement opté pour ce choix, qui présente des avantages et des inconvénients.

Les élèves auront donc six heures de cours par jour et vingt-quatre heures de cours par semaine. Il en est ainsi depuis 1887 : il me paraît donc difficile de dire que c’est épouvantable !

La complexité réside dans l’organisation du soutien, mais j’ai répondu tout à l’heure qu’il appartenait aux équipes pédagogiques de la définir.

Quant aux ATSEM, ce sont des fonctionnaires municipaux et je ne peux guère répondre à une question portant sur la manière dont ces agents territoriaux sont gérés, d’autant que la manière d’organiser les services est très variable selon les communes et selon les usages.

Enfin, selon vous, nous nous serions trompés avec le SMA. Pour ma part, je suis un démocrate et j’estime que le législateur ne se trompe pas : il vote la loi et, lorsque la loi est votée, elle est appliquée, ce qui est le cas, je le répète, dans 10 000 communes sur 12 000.

J’ajoute que l’Association des maires de France a mené une enquête auprès des maires qui appliquent le SMA, lesquels ont majoritairement répondu que le système ne présentait pas de difficultés et qu’ils en étaient satisfaits.

Vous n’approuvez pas le SMA, monsieur Domeizel : c’est votre droit. Vous dites qu’il y a des difficultés : il y en a, mais nous travaillons à les résoudre. Nous nous sommes vus longuement hier avec des responsables de l’Association des maires de France et nous nous revoyons la semaine prochaine.

Mais, puisque vous aimez la clarté, monsieur Domeizel, soyons clairs : contre les communes qui décideront que la loi ne doit pas être appliquée, j’engagerai des poursuites, car aucune raison ne justifie que des élus décident de ne pas appliquer la loi.

M. André Dulait. Vous avez raison !

Mme la présidente. Je vous donne la parole pour la réplique, monsieur Domeizel, mais en vous appelant à la brièveté, car vous avez tout à l'heure largement dépassé votre temps de parole.

M. Henri de Raincourt. C’était interminable ! Et inintéressant !

M. Claude Domeizel. Il s’agit tout de même de sujets importants, madame la présidente.

Monsieur le ministre, premièrement, vous ne répondez toujours pas aux questions et, deuxièmement, si je vous ai bien compris, tout va bien !

Je me permets de vous rappeler quelle était l’ambiance au congrès des maires, où le Premier ministre lui-même a été hué…

M. Henri de Raincourt. Le Président de la République a été très applaudi !

M. Claude Domeizel. C’est bien la preuve que l’ensemble des maires vivent très mal ce qui se passe dans les écoles de leur commune.

M. Jean-Claude Carle. Ce n’est plus vrai !

Mme la présidente. La parole est à M. André Ferrand.

M. André Ferrand. Monsieur le ministre, les trois points que j’aborderai sont ne sont pas du même ordre que ceux qui ont été soulevés, ne serait-ce que parce que je tiens à exprimer en cet instant le point de vue d’un sénateur des Français établis hors de France qui va à la rencontre de nos communautés résidant à l’étranger.

Cela me permet d’abord de constater que nos positions, en particulier sur le plan économique, se dégradent sérieusement dans le contexte de la mondialisation.

Après avoir observé le comportement des autres habitants de la planète, il me semble que nous avons un sérieux problème de culture !

Pour faire de nos compatriotes des citoyens du XXIe siècle armés pour la mondialisation, on devrait d’abord leur apprendre très tôt l’ouverture sur le monde et l’internationalisation, afin qu’ils prennent conscience qu’il existe autre chose au-delà des frontières de l’Hexagone.

Ensuite, il faudrait leur donner d’acquérir le goût d’entreprendre, leur faire acquérir un esprit d’entrepreneur.

Enfin, il est essentiel qu’ils apprennent les langues et, en particulier, qu’ils aient une aisance normale dans un anglais pratique, courant.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. André Ferrand. Monsieur le ministre, vous avez déjà fait très sérieusement bouger les lignes. J’approuve et je soutiens totalement votre action.

Cependant, il y a urgence, car nos positions s’érodent gravement : nous n’avons pas une compréhension suffisante du monde actuel. Il convient donc de presser le mouvement, et j’aimerais connaître votre avis sur ce premier point.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. André Ferrand. Mon deuxième point a trait à l’enseignement français à l’étranger, qui connaît un succès extraordinaire et qui constitue un instrument d’influence exceptionnel. Nous avons accueilli dans nos écoles, à la rentrée dernière, 7 000 élèves supplémentaires, dont plus de 4 000 Français.

Mais l’argent public est de plus en plus rare et, malheureusement, il n’est pas possible à l’État de soutenir comme il le faudrait le nécessaire développement de notre enseignement à l’étranger.

Grâce au ciel, il existe de plus de plus d’initiatives locales. Elles consistent à créer des établissements scolaires français homologués par l’éducation nationale. Mais les parents qui prennent l’initiative de la création de ces écoles ont besoin d’enseignants. Or ils ont du mal à trouver des enseignants titulaires de l’éducation nationale qui soient « exportables ».

Ma question est donc la suivante : n’est-il pas possible de constituer un corps de titulaires de l’éducation nationale susceptibles d’être détachés administrativement ou mis à la disposition de ces établissements ? Tout le monde y gagnerait : les enseignants désirant partir à l’étranger et, bien sûr, les établissements.

Enfin, monsieur le ministre, je reviens de Madagascar.

M. Xavier Darcos, ministre. Vous avez de la chance !

M. André Ferrand. Oui, une chance exceptionnelle !

Je m’adresse en l’occurrence aussi au président de la commission des affaires culturelles, M. Jacques Legendre, grand héraut de la francophonie.

À l’automne 2010, le sommet de la francophonie aura lieu à Madagascar. L’annonce de cet événement a déclenché un véritable coup de tonnerre : le Président Ravalomanana, qui venait d’introduire l’anglais comme langue officielle à Madagascar et dont l’épouse, dit-on, ne parle pas encore tout à fait bien notre langue, fait un virage à 180 degrés en faveur du français ! Il compte absolument sur nous, j’en témoigne.

Nous avons deux ans devant nous pour mettre les bouchées doubles ! C’est une chance historique pour combler le retard accumulé pendant la période de malgachisation.

Monsieur le ministre, votre département est-il prêt à jouer tout son rôle ? En effet, il faudra se montrer très actif, et ce en particulier grâce au rectorat voisin de la Réunion. Il y a à cet égard une forte attente de la part des Malgaches. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jean-Claude Carle et Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. En ce qui concerne la question de la mobilité et de l’adaptation de nos jeunes au monde réel, je suis d’accord avec vous : les voyages et la comparaison avec d’autres modèles sont nécessaires. Il s’agit d’ailleurs de l’un des points de départ des réformes que nous engageons. Il est clair que nous ne pouvons nous penser comme si nous étions uniques et que nous avons besoin de nous comparer aux autres.

La présidence française de l’Union européenne a permis aux vingt-sept ministres de l’éducation de se mettre d’accord – et cela explique que je n’aie pas pu assister l’autre jour à la réunion l’Association des maires de France – sur ce que l’on appelle le communiqué de Bordeaux, qui sera bientôt adopté par le Conseil des ministres européens. Ce communiqué repose sur trois grands principes : mobilité pour tous – tous ceux qui le veulent, qu’il s’agisse d’élèves, d’apprentis ou d’enseignants –, validation commune des acquis de l’expérience et des diplômes par le dispositif ECVET – European Credit for Vocational Education and Training –, et garantie d’assurance qualité, permettant, dans tous les pays de l’Europe, qu’une formation soit reconnue comme qualifiante et validée, selon une sorte de co-validation.

Nous progressons beaucoup, malgré le principe de subsidiarité qui est un peu compliqué.

Concernant l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, nous entretenons des relations soutenues avec le ministère des affaires étrangères à ce sujet. La question du détachement est extrêmement complexe. D’ailleurs, une réunion s’est tenue la semaine dernière sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avec le ministre des affaires étrangères et moi-même, pour réfléchir à l’évolution de ces questions et aux difficultés qui se posent, en particulier au droit d’écolage, dont les familles sont désormais dispensées.

Je ne peux pas répondre ici de manière définitive à la question de la mise à disposition de manière définitive ou en détachement de personnels de l’éducation nationale auprès de l’AEFE. Si vous le permettez, monsieur Ferrand, nous en parlerons d’une manière beaucoup plus ample lorsque l’occasion se présentera. Il s’agit en effet d’un sujet d’une technicité folle ! Mais vous le savez très bien, ayant d’ailleurs vous-même rédigé un rapport qui y était consacré.

Ayant été ministre de la coopération et de la francophonie, je suis moi aussi persuadé que notre réseau des lycées français à l’étranger est un outil extrêmement fécond. Le ministère de l’éducation nationale est très attentif à cette question et nous sommes ouverts à la discussion.

Enfin, le projet du Président Ravalomanana concernant la « re-francophonisation » de Madagascar, est en effet très important. Je suis prêt à y apporter tout mon soutien. Cependant, je ne peux, pour l’instant, que vous payer de bonnes paroles, car je ne sais pas exactement à quoi cela nous engage ; cela relève d’ailleurs plutôt de mon collègue M. Joyandet.

Il est fondamental de replacer la francophonie dans l’océan Indien. Non seulement Madagascar est le principal territoire dans cette partie de l’océan Indien mais il existe, au nord, une structure, la Commission de l’océan Indien, rassemblant les Comores, Mayotte, la Réunion, l’île Maurice et les Seychelles, où une politique francophone très développée. Madagascar doit pouvoir s’adosser à cette structure, pour le bénéfice de tous.

Je vous écoute donc avec beaucoup de faveur, mais sans pouvoir vous en dire plus sur des décisions susceptibles d’avoir des conséquences budgétaires précises.

Mme la présidente. La parole est à M. André Ferrand.

M. André Ferrand. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.

J’aimerais apporter une précision, car je n’ai probablement pas été assez clair quant à mon deuxième point. Il ne s’agit pas précisément de l’AEFE, monsieur le ministre. Notre réseau d’écoles à l’étranger est géré en partie par l’AEFE, mais un certain nombre d’écoles sont simplement homologuées par le ministère de l’éducation nationale et n’appartiennent pas au réseau de l’AEFE.

Compte tenu du budget que nous allons voter vendredi pour l’AEFE, ou du moins pour son ministère de tutelle, il est à craindre que cette structure ait de moins en moins les moyens de tout contrôler. En conséquence, nous devons faire confiance aux initiatives locales. Ce sont ces dernières qui ont besoin d’une réserve de titulaires de l’éducation nationale mis à sa disposition.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Je suis désolé, monsieur le ministre, mais je crains de vous poser de nouveau les mêmes questions !

La loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles primaires et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire met en jeu deux droits fondamentaux à valeur constitutionnelle : le droit de grève, remontant à 1864, et la continuité du service public.

Ce texte prévoit plus un service d’accueil qu’un droit réel. Il pourra être mis en place dans deux cas de figure : par les communes en cas de grève, mais également par l’État en cas d’impossibilité matérielle de remplacer un enseignant absent.

Il s’agit donc ici d’une remise en cause du principe de continuité du service public de l’école puisque est instauré, à côté de l’obligation et de la gratuité scolaires, un prétendu droit d’accueil, mettant sur le même plan la continuité de l’enseignement et ce qui ne sera finalement qu’une garderie.

Ce texte porte atteinte à la fois au droit de grève et au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Une majorité de parents soutiennent ce projet, dites-vous, monsieur le ministre. Il est en effet possible de susciter la compassion à propos des enfants laissés seuls les jours de grève ou sur les difficultés de garde que rencontrent les familles ce jour-là.

M. Jean-Claude Carle. Ce n’est pas de la compassion, c’est la réalité !

M. René-Pierre Signé. Présenté ainsi, ce projet ne peut qu’attirer la sympathie, à l’aune de la commisération qui, prétend-on, l’inspire. Ainsi, on fait vibrer la corde émotive, mais c’est pour amputer un droit de grève qui n’est pourtant exercé qu’à juste titre.

« On s’insurge toujours sur les conséquences des grèves, on ne s’interroge jamais sur leurs causes », disait François Mitterrand.

Ce dispositif s’ajoute, en outre, à une trop longue liste de réformes néfastes, évoquées par mes camarades et amis, décidées sans réelle concertation.

En transférant cette charge aux communes, la loi oublie les réalités locales d’ordres pratique, juridique et financier : la difficulté de trouver du personnel, le problème de la responsabilité des maires et le financement de cet accueil. Vous avez affirmé, monsieur le ministre, que les municipalités disposeraient « de la plus grande souplesse » pour organiser cet accueil ; c’est bien la moindre des choses !

Malgré tout, cette loi, d’inspiration assez démagogique, est inapplicable aux communes rurales qui ne disposent pas du personnel nécessaire, et difficilement applicable aux communes urbaines qui devront mobiliser en grand nombre du personnel d’encadrement. Quant au financement, même revu et majoré, il reste insuffisant, en particulier pour ce qui est du transport au sein des regroupements pédagogiques, souvent assuré par le conseil général ; dans cette situation, celui-ci se désengagera.

Ce texte, fortement critiqué, montre que le Gouvernement conçoit l’institution scolaire comme un service qui veut satisfaire, sur le court terme, ses usagers, au détriment de sa mission d’éducation. Ce n’est pas notre conception du service public de l’éducation nationale !

Je tiens à vous interroger, monsieur le ministre, sur l’impossible organisation de ce service dans les communes rurales et sur le flou qui entoure toutes les mesures exigées. Je vous demande donc qu’il y ait une véritable concertation avant de poursuivre l’application de cette loi.

Enfin, quel bilan tirez-vous de cette loi, dont l’application a connu une réussite assez modérée ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Je vais donc reprendre, une nouvelle fois, cette question du service minimum d’accueil !

D’abord, il n’est pas exact de dire que ce dispositif n’a pas fonctionné. C’est justement parce qu’il a fonctionné que des difficultés sont apparues : 10 000 communes sur 12 000 l’ont appliqué et cela a, en effet, créé des contraintes importantes, d’autant que certaines communes ont mobilisé plus de personnel qu’il n’était nécessaire eu égard au nombre moins élevé que prévu d’enfants qui se sont rendus à l’école le jour de la grève.

Le Président de la République a donné des signes d’ouverture pour que les problèmes qui se sont fait jour puissent être aplanis ou résolus et nous en avons tenu compte dans nos entretiens avec l’Association des maires de France. D’ailleurs, hier, nous avons fait un communiqué commun avec celle-ci – vous ne pouvez pas dire qu’elle ne représente pas les maires ! – sur les conclusions tirées de cette expérience.

Je l’ai indiqué tout à l’heure, le système d’évaluation va être accéléré.

Les difficultés objectives qui se sont manifestées à l’occasion de la mise ne place du SMA seront levées ; nous nous y efforcerons. Mais la loi est la loi, et elle s’appliquera !

Contrairement à ce que vous dites, monsieur Signé, elle ne contrevient pas à des principes constitutionnels puisque le Conseil constitutionnel, à la suite d’un recours déposé par le parti socialiste, a considéré que la loi était parfaitement conforme à la Constitution.

Quant au droit de grève, il n’est pas question d’y porter atteinte. Personne n’imagine une chose pareille ! Le système d’alarme sociale qui va maintenant fonctionner, puisque le décret est paru il y a quelques jours, nous permettra de tout faire pour éviter qu’on en arrive à la grève. Il faudra discuter, négocier, échanger et déterminer les raisons qui conduisent aux mouvements. Je suis confiant sur le fait que, ainsi, le droit de grève ne devrait plus être exercé qu’en dernier recours.

Enfin, le SMA ne sera pas mis en œuvre tous les jours ! On ne peut pas mettre sur le même plan l’organisation d’un service d’accueil en cas de grève et le service offert à tous les enfants de France, toute l’année et pendant toute leur scolarité, en matière d’éducation.

Ce service d’accueil ne prétend pas être en continuité avec l’acte pédagogique en tant que tel : il a pour but d’aider les familles et n’est en aucun cas comparable à l’école elle-même !

Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, il y a bien atteinte au droit de grève dans la mesure où une grève qui est moins ressentie perd évidemment de son efficacité au regard des objectifs recherchés.

Par ailleurs, une simple garderie ne suffit pas à assurer la continuité du service public de l’enseignement.

Sans doute n’avez-vous pas cerné certaines difficultés financières : quand le regroupement pédagogique concerne cinq communes, qui paiera le transport des élèves vers l’unique commune qui assurera le service minimum d’accueil ? Vous ne le précisez pas ; or nous savons que les conseils généraux se désengageront.

Enfin, je n’omets pas les difficultés liées aux impératifs de sécurité et à l’organisation. Je reprends à mon compte ce que Claude Domeizel vient de dénoncer vigoureusement et à juste titre : les maires seront exposés à des poursuites pénales qui seraient tout à fait injustifiées.

Monsieur le ministre, il faut revoir le service minimum d’accueil et organiser une concertation.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Percheron.

M. Daniel Percheron. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les milliers de suppressions de postes de professeurs dans le second degré.

Les questions que je vous poserai s’appuient à la fois sur ma conviction que le système de formation de notre pays est encore l’un des plus performants au monde et sur mon engagement régional.

Premièrement, quelle est la cohérence de cette politique de suppression massive d’emplois ? Les milliers de postes d’enseignants supprimés sont autant de blessures pour l’école de Jules Ferry.

Chaque jour, le libéral José Manuel Barroso nous rappelle que, depuis 2000, l’Europe n’a d’avenir que si elle est le continent le plus intelligent du monde. Il s’agit là d’un formidable défi. C’est bien cette analyse qui sous-tend la stratégie de Lisbonne. Or, alors même que la France assure la présidence de l’Union européenne, vous nous expliquez que moins d’enseignants, c’est une chance, que c’est un élément positif dans le face-à-face entre les élèves et ceux qui sont chargés de leur transmettre le savoir.

Pourtant, monsieur le ministre, vous avez reconnu à Davos que les pays qui arrivent en tête – la Suède, la Finlande, le Danemark – sont ceux qui consacrent le plus d’argent à l’éducation et à la protection sociale.

Où est la cohérence ?

Deuxièmement, quelle équité entre les territoires de la République cette politique assure-t-elle ? Nous savons maintenant qu’à côté de l’implacable bataille de la production, de la mondialisation, qui ne tourne pas forcément à l’avantage des territoires et de leurs populations, il y a l’économie résidentielle, la présence de l’État, des services publics et des fonctionnaires.

Je prendrai l’exemple du Nord-Pas-de-Calais. Dans certains arrondissements de conversion industrielle, l’indice de présence de l’État et de la fonction publique est de 78, alors qu’il est en moyenne de 100 dans les arrondissements de notre pays. Au cœur de ces arrondissements, de grands lycées généraux ou de grands lycées professionnels ont déjà perdu à la rentrée et perdront encore à la rentrée prochaine 10 % de leurs enseignants.

Où est l’équité ?

Troisièmement, alors qu’il s’agit d’une compétence partagée, quid du respect et du dialogue entre l’État et les collectivités ?

Certes, monsieur le ministre, vous êtes en charge de l’essentiel – la transmission du savoir –, et c’est bien ainsi. Cependant, pour ce qui est des lycées, les régions doivent s’occuper des murs, de la restauration, des ordinateurs et des projets lycéens.

À chaque rentrée, le recteur, transformé en bûcheron, abat des centaines de postes d’enseignants : plus de 4 500 depuis cinq ans dans ma région. À cet instant, les investissements consentis par les collectivités locales deviennent obsolètes, inutiles ou inappropriés.

Où est le dialogue ? Où est l’efficacité ?

Monsieur le ministre, nous ne vous demandons pas d’être Jules Ferry, mais nous souhaitons que vous puissiez nous éclairer sur cette politique de l’éducation nationale, qui blesse nos territoires et nous inquiète pour les années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le sénateur, évitons les paralogismes : je n’ai jamais affirmé que le système serait meilleur s’il y avait moins de professeurs ; j’ai dit que ce n’était pas en maintenant des postes d’enseignants que le système serait forcément meilleur.

Vous avez cité des pays que je connais fort bien – la Suède, le Danemark –, rappelant qu’ils investissaient dans l’éducation plus que la France. C’est vrai ! Mais, dans ces pays, les méthodes de travail ont été profondément modifiées et l’innovation est permanente. Si le Gouvernement proposait aux professeurs de France le mode d’organisation de la Suède ou du Danemark, vous seriez le premier à vous y opposer !

Dans ces pays, l’enseignement scolaire est appréhendé différemment : l’organisation y est tout autre, avec des services adaptés et une présence des professeurs beaucoup plus importante. Le système britannique impose aux professeurs d’arriver le matin et de repartir le soir, et ce tous les jours. Si c’est ce que vous préférez, dites-le ! Mais tel n’est pas le choix du Gouvernement.

Ne cherchons pas à comparer ce qui n’est pas comparable. Le système est français est ce qu’il est. Pour le Gouvernement, c’est en l’organisant différemment qu’il deviendra plus efficace et plus performant. Pour autant, je vous en prie, ne prétendez pas que, à mes yeux, il faut à tout prix faire baisser le nombre d’enseignants afin que le système aille mieux. Je n’ai jamais ni dit ni même pensé cela !

Nous devons nous adapter aux besoins de l’économie d’aujourd'hui, consentir des efforts et faire en sorte que la réduction de la voilure de l’emploi public ne nuise pas aux relations entre les professeurs et les élèves. Nous devons organiser différemment nos services et travailler autrement.

Il va de soi que la stratégie de Lisbonne reste notre objectif principal : il s’agit de faire de la France et de l’Europe un territoire qui parie sur la matière grise.

Monsieur Percheron, vous avez pris l’exemple d’une académie que, bien sûr, vous connaissez bien. Or il s’agit de l’académie qui connaît depuis de nombreuses années la plus forte déperdition d’élèves. Celle-ci se compte en milliers d’élèves chaque année ; je n’ai pas les chiffres en tête, mais c’est considérable. Pour cette raison, cette académie est l’une de celles qui nous posent très régulièrement des problèmes d’ajustement. Si le nombre de professeurs de lycées professionnels baisse et que cela entraîne pour les établissements des difficultés d’organisation, ce n’est pas dû à l’action du Gouvernement.

Le ministère de l’éducation nationale est contraint de s’adapter et d’opérer des regroupements.

Vous ne pouvez pas non plus soutenir que nous abandonnons notre vocation de service public. Certes, je ne suis pas Jules Ferry, je vous le concède bien volontiers, mais là où il est nécessaire, le service public est maintenu. Quel ministère créera 500 points de service public supplémentaires ? Or c’est ce que nous ferons, puisque 500 postes de professeurs seront créés dans le premier degré, là où les besoins ont été définis.

Bien sûr, là où les élèves partent, nous fermons des classes ; mais nous en ouvrons quand des besoins nouveaux se font sentir. Nous dégageons des moyens supplémentaires quand nous le jugeons nécessaire ; je pense aux 200 lycées qui sont en grande difficulté. Qui dit mieux ?

Nous n’augmentons pas de manière systématique et aveugle le nombre de postes d’enseignants. Cette logique n’a pas prouvé son efficacité. Nous préférons augmenter la qualité et non la quantité. C’est ainsi que nous procédons.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Percheron.

M. Daniel Percheron. En évoquant le Nord-Pas-de-Calais, nous sommes au cœur du sujet, monsieur le ministre. Régionaliser ou localiser, ce n’est pas forcément réduire le problème ou le banaliser.

Dans ma région, le décrochage scolaire concerne 8 000 jeunes dans le second degré. Le taux de réussite au baccalauréat est inférieur à la moyenne nationale. Enfin, et c’est une exception, nous avons une part majoritaire d’enfants qui sont issus de la classe ouvrière et qui rejoignent presque mécaniquement l’enseignement professionnel. C'est la raison pour laquelle nous considérons que la présence d’enseignants et un haut niveau d’encadrement des élèves représentent des chances fondamentales pour l’avenir.

Dans les arrondissements qui perdent aujourd'hui un grand nombre d’élèves, le revenu par habitant est de 10 000 euros par an, alors qu’il est de 73 000 euros dans les Hauts-de-Seine ! On peut attendre de la République qu’elle compare les territoires et que, s’appuyant sur une politique éventuellement ratifiée par le peuple, elle adapte son action.

Nous savons que, à la rentrée prochaine, c’est par centaines que les postes seront supprimés ; des filières seront abandonnées, notamment dans l’enseignement professionnel. Je vous invite à nous rendre visite, monsieur le ministre ! Nous n’acceptons pas cette situation et nous espérons que votre attitude évoluera dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec l’échange de questions et de réponses.

Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.

Enseignement scolaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B (interruption de la discussion)

M. Henri de Raincourt. Enfin !

État B

(En euros)

Enseignement scolaire

59 982 651 011

59 965 036 228

Enseignement scolaire public du premier degré

17 262 876 669

17 262 876 669

Dont titre 2

17 199 260 512

17 199 260 512

Enseignement scolaire public du second degré

28 674 577 553

28 674 577 553

Dont titre 2

28 498 276 059

28 498 276 059

Vie de l’élève

3 768 991 594

3 768 991 594

Dont titre 2

1 696 011 352

1 696 011 352

Enseignement privé du premier et du second degrés

6 942 087 199

6 942 087 199

Dont titre 2

6 206 297 629

6 206 297 629

Soutien de la politique de l’éducation nationale

2 067 345 561

2 063 130 778

Dont titre 2

1 317 289 657

1 317 289 657

Enseignement technique agricole

1 266 772 435

1 253 372 435

Dont titre 2

815 987 293

815 987 293

Mme la présidente. L'amendement n° II-195, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

 

 

 

 

Vie de l'élèveDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

 

5 604 362

 

5 604 362

 

5 604 362

 

5 604 362

TOTAL

 

5 604 362

 

5 604 362

SOLDE

-5 604 362

-5 604 362

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Cet amendement est retiré, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° II-195 est retiré.

L'amendement n° II-66, présenté par Mme Férat, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

 

 

24 153 333

24 153 333

 

 

51 453 333

51 453 333

Vie de l'élèveDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

 

24 153 333

3 453 333

 

 

51 453 333

51 453 333

 

TOTAL

24 153 333

24 153 333

51 453 333

51 453 333

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Je précise que l’amendement que je présente a été adopté à l’unanimité par les membres de la commission des affaires culturelles, ce dont je les remercie.

Je souhaite lever toute ambiguïté : cet amendement n’a pas pour objet de privilégier l’enseignement agricole aux dépens de l’éducation nationale. Il tend ni plus ni moins à donner aux établissements agricoles les moyens de fonctionner.

Pour cela, 51 millions d’euros sont nécessaires. Une telle somme peut, au premier abord, sembler bien importante. Mais nous avons tous eu, mes chers collègues, l’occasion d’entendre les enseignants, les familles et les élèves de ces établissements : les besoins y sont criants.

Ce n’est pas une simple vue de l’esprit et je me permettrai d’évoquer trois des six besoins auxquels permettra de répondre l’adoption de cet amendement.

Premièrement, l’enseignement public agricole supporte l’essentiel des suppressions de postes depuis maintenant trois ans. Les fermetures de classes s’y multiplient, de même que les recrutements de contractuels, et ces derniers ont parfois bien du mal à se faire payer par l’État lui-même. Ainsi, certains n’ont pas perçu de salaires depuis le mois de septembre !

En 2009, si rien n’est fait, cette logique de fermeture de classes se poursuivra, portant ainsi un nouveau coup à des territoires ruraux souvent très fragilisés. Pouvons-nous continuer ainsi ?

Mes chers collègues, prélever 51 millions d'euros sur une ligne budgétaire dédiée aux heures supplémentaires, où était inscrit l’an dernier un montant de 1,1 milliard d'euros, nous permettrait de rétablir des postes d’enseignants et de personnels administratifs. Ce sont soixante à quatre-vingt fermetures de classes prévues pour 2009 qui pourraient être ainsi évitées.

Deuxièmement, en application des dispositions du code rural, l’État doit verser à l’enseignement agricole privé du temps plein une subvention qui devrait être revalorisée depuis l’année dernière, sur la base du coût d’un élève dans l’enseignement agricole public.

Or, en 2007, l’État a demandé aux établissements agricoles privés du temps plein de patienter jusqu’en 2009 et, en 2009, il lui demande de patienter jusqu’en 2010. En 2010, si rien ne change, les établissements toucheront le premier tiers de ce qui leur est dû au titre de 2006, puis le deuxième tiers en 2011, enfin le troisième tiers en 2012. Au total, l’État aura réussi à différer de six ans le paiement de 30 millions d’euros !

Pendant ce temps, ce sont les familles qui devront combler les trous creusés dans la trésorerie des établissements par l’impéritie, pour ne pas dire l’avarice de l’État. Pouvons-nous, mes chers collègues, nous satisfaire d’une telle situation ? Est-il raisonnable d’attendre que la justice condamne l’État à payer – c’est ce qui arrivera, car le contentieux est lancé – pour que nous nous résignions enfin à tenir les engagements qui figurent dans la loi ?

Troisièmement, l’enseignement à rythme approprié doit chaque année supporter des reports de charge qui atteignent désormais 25 millions d’euros. Je le répète : ce sont bien 25 millions d’euros que, chaque année, l’État se permet de ne pas verser à ces établissements, sans justification aucune.

Quand je vois, mes chers collègues, la réaction qu’a pu provoquer dans les ministères la simple évocation d’un amendement portant sur 51 millions d’euros, alors que la mission en cause « pèse » 60 milliards d’euros, je n’arrive pas à comprendre pourquoi ces mêmes ministères envisagent avec une infinie sérénité l’idée de faire supporter des reports de charges de 25 millions d’euros à des établissements scolaires.

Ma priorité n’est pas de savoir sur quelle ligne prélever les 51 millions d’euros dont l’enseignement agricole a besoin. Cette question est seconde. Il est en revanche primordial de savoir si nous allons remettre définitivement à niveau l’enseignement agricole.

Nous sommes en effet arrivés à un carrefour : soit nous continuons à tenter, année après année, d’affecter quelques centaines de milliers d’euros supplémentaires, parfois quelques millions, pour un enseignement agricole structurellement sous-financé, et les années à venir verront cet enseignement s’éteindre lentement ; soit nous donnons à ce secteur les moyens de sortir enfin la tête de l’eau, garantissant ainsi son avenir.

Pour ma part, mon choix est fait. Et je ne peux, pour accomplir cette tâche, que me tourner vers le ministère de l’éducation nationale. La Constitution m’interdit en effet de faire autrement. Ainsi vont les rigueurs de l’article 40 : il nous est permis de toucher à la répartition des crédits, mais au sein d’une même mission. Or la mission « Enseignement scolaire » ne vise que l’enseignement agricole et l’éducation nationale. Pour donner à l’un, il faut donc prendre à l’autre. Les parlementaires que nous sommes ne peuvent agir autrement.

Je sais, mes chers collègues, combien il peut paraître insatisfaisant de prendre à un ministère pour donner à un autre, a fortiori lorsque le ministère auquel seront affectés les crédits supplémentaires n’a pas toujours su se défendre au cours de la négociation budgétaire. C’est pour cela que, depuis plus de deux mois, j’ai pris mon bâton de pèlerin afin de rencontrer les membres de tous les cabinets ministériels et les conseillers que compte la capitale. J’ai répété la même chose à chacun d’entre eux : « L’enseignement agricole a des besoins qu’il faut combler ; aidez-nous à le faire sans que soit obligatoirement prélevée l’intégralité des fonds nécessaires sur le budget de l’éducation nationale. »

J’ai toujours été écoutée avec intérêt, quelquefois avec sympathie, mais, au final, la même réponse a toujours prévalu : « Peut-être y a-t-il des besoins, mais nous ne pouvons rien faire. » Sans doute aurait-il été plus conforme à la réalité de me dire qu’on ne voulait rien faire.

Monsieur le président de la commission des finances, j’ai tout fait pour que l’esprit de négociation prévale, pour que la situation soit réglée sans que nous ayons aujourd’hui à nous prononcer sur cet amendement. Mais, pour régler la situation, on me demandait précisément de renoncer à présenter cet amendement et à abonder les crédits de l’enseignement agricole. Or c’est bien la seule chose à laquelle je ne pouvais me résoudre.

Je vous appelle donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement. Ainsi, l’enseignement agricole aura les moyens de vivre et de continuer le travail exceptionnel qu’il accomplit, au service des élèves, dans des territoires qui en ont bien besoin.

Je vous appelle à le faire malgré le gage qu’il comporte ce texte. J’ai tout fait pour que le gage soit levé ; cela n’a pas été possible et je le regrette.

Une précision s’impose en cet instant : les 51 millions d’euros en cause représentent 0,08 % des crédits visés.

L’amendement n° II-66 est présenté pour solde de tout compte. Il sera alors de la responsabilité du ministre de l’agriculture d’agir et de défendre l’enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées socialistes.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à l’amendement n° II-66. En effet, Mme Férat défend avec compétence, ferveur et passion une juste cause.

Depuis plusieurs années, monsieur le ministre, nous revenons sur ce sujet. Votre ministère, en tant que tel, n’est d’ailleurs pas en cause. Il assume ses responsabilités.

Comme l’a rappelé Mme Férat, le Parlement ne peut que faire basculer des sommes à l’intérieur d’une même mission. En réalité, la mission « Enseignement scolaire » concerne deux ministères : à titre principal, en fait quasi exclusif, la Rue de Grenelle, mais également la Rue de Varenne. Or, le ministère de l’agriculture a manifestement du mal à obtenir les moyens nécessaires pour la part qui lui revient dans la mission que nous examinons.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Madame Férat, les trois formes d’enseignement agricole que vous avez évoquées sont dispensées par les lycées agricoles publics, les établissements du temps plein et les établissements du temps adapté, lesquels constituent l’une des formes les plus singulières, les plus originales et sans doute les plus performantes des structures offrant des chances de réinsertion à des jeunes en voie d’échec. Ces trois catégories d’établissements sont touchées par l’insuffisance des crédits que le ministère de l’agriculture peut dégager de la mission « Enseignement scolaire ».

C’est la raison pour laquelle la commission des finances – et je parle sous le contrôle de son président – est favorable à l’amendement n° II-66, tout en espérant cependant que de la somme en cause soit déduit l’effort que le ministère de l’agriculture pourrait accomplir in extremis. À tout pécheur miséricorde !

Cependant, à l’instant où nous examinons cet amendement n° II-66, il ne semble pas que ledit ministère ait consenti cet effort puisque nul autre amendement ne nous a été communiqué.

De ce fait, la commission des finances estime utile d’adopter l’amendement n° II-66, qui tend à combler un retard assumé aujourd’hui par les établissements et par les familles. C’est assez étonnant, car l’on considère généralement que la trésorerie de l’État a plus de facilités que celle des particuliers… (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Il faut aider l’enseignement agricole, j’en conviens.

La commission des finances vient d’émettre un avis favorable sur l’amendement n° II-66. Or, dans un récent rapport, elle regrettait, à juste titre, que le ministère de l’éducation nationale soit souvent victime de prescriptions qui engagent une partie de son budget.

Ce matin, d’aucuns me reprochaient d’être un peu avare eu égard à l’importance du budget de l’éducation nationale. Or, cet après-midi, les mêmes personnes trouvent tout à fait normal que 51 millions d’euros – somme minime, selon elles – soient retirés de ce budget. Or cette somme correspond tout de même à 18 000 heures de cours par semaine, à 1 000 postes de professeurs certifiés. Ce n’est donc pas négligeable !

Ce matin, M. Barnier m’a dit que l’enseignement agricole devait être performant et qu’il fallait l’aider. J’en conviens. Mais je ne peux pas accepter d’amputer de 51 millions d’euros le budget de l’éducation nationale. Sans illusion, j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° II-66.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Dans cet hémicycle, personne n’a envie de diminuer les crédits du ministère de l’éducation. Si la situation générale était différente de celle que nous connaissons actuellement, nous serions probablement fort tentés, à l’inverse, de les augmenter.

Mais il n’y a personne non plus dans cet hémicycle pour se satisfaire d’une situation dans laquelle l’enseignement agricole est empêché de fonctionner…

M. Xavier Darcos, ministre. C’est vrai !

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. … alors qu’il est le vecteur d’un grand service rendu à de nombreux jeunes dans notre pays. Ces jeunes, grâce à lui, peuvent recevoir une formation, en établissement soit public, soit privé, qui leur permet de trouver un emploi, de s’insérer et de contribuer à la vitalité du milieu rural, en particulier.

M. Xavier Darcos, ministre. Je suis d’accord !

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. C’est pourquoi l’évolution défavorable des crédits consacrés à l’enseignement agricole nous inquiète. À plusieurs reprises, par le passé, Mme Férat l’a signalé.

Actuellement, des faits inacceptables se produisent. Des enseignants n’ont pas été payés. Ce n’est pas supportable.

Lorsque la commission des affaires culturelles a examiné les crédits de la mission « Enseignement scolaire », elle a estimé qu’il fallait mettre un terme à cette dérive. Se pose alors un problème : les règles de la LOLF étant ce qu’elles sont, pour apporter des crédits supplémentaires à l’enseignement agricole, à défaut de pouvoir augmenter la dépense générale, il nous faut faire passer des crédits d’une ligne à une autre. C’est ce que nous nous sommes résolus à demander, tout en regrettant que ceux qui émanent du ministère de l’agriculture ne soient pas à la hauteur des besoins.

J’y insiste, notre proposition ne correspond pas du tout à un désir de voir amputer les crédits du ministère de l’éducation nationale. Nous souhaitons que le Gouvernement, qui en a encore la possibilité, puisse, par le biais d’un arbitrage, permettre à l’enseignement agricole de remplir sa mission et de demeurer performant, sans amputer pour autant les crédits du ministère de l’éducation nationale.

Quoi qu’il en soit, la commission des affaires culturelles a approuvé, à l’unanimité, l’amendement n° II-66. Elle espère que le Sénat s’associera à cette action tout à fait nécessaire. Afin de faire valoir sa position avec quelque éclat, elle demande qu’il soit statué sur cet amendement par scrutin public.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le point que nous examinons est crucial.

Le dépôt de l’amendement n° II-66, que Mme Férat vient de présenter avec beaucoup de conviction, répond à la nécessité d’apurer une dette. La LOLF prescrit que soit dressé chaque année un bilan de la situation patrimoniale de l’État, de ses éléments d’actifs, de ses dettes. Ces dernières apparaissent à son passif.

En l’espèce, transformer un certain nombre d’établissements en créanciers de l’État revient à les mettre en difficulté. Il faut résoudre ce problème. Les commissions assument pleinement leur rôle. Monsieur le ministre, soyez certain des meilleures intentions que nous vous témoignons ainsi qu’à votre collègue ministre de l’agriculture.

M. Xavier Darcos, ministre. Je n’en doute pas !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il nous arrive d’exprimer le souhait que, dans chaque région, la coordination entre le rectorat et la direction régionale de l’agriculture et de la forêt s’opère de la meilleure façon. Nous vous faisons confiance, tout comme à M. Barnier, pour que vous fassiez en sorte qu’il en soit ainsi.

Le projet de budget que nous examinons est ce qu’il est. Je ne crois pas que les 51 millions d’euros en cause soient de nature à précipiter nos finances dans l’abysse. Certes, cette somme est non négligeable. D’ici à la fin de la discussion budgétaire, il va donc falloir trouver les éléments d’équilibre.

J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que votre collègue chargé de l’agriculture était prêt à faire un geste et que vous nous présenteriez tout à l’heure un amendement tendant à transférer des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », à hauteur de 3 millions d’euros, vers la mission « Enseignement scolaire ». Je ne doute pas que Mme Férat acceptera que cette somme soit déduite de celles qu’elle propose de faire glisser à l’intérieur des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». C’est une question de simple arithmétique. (Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis, fait un signe d’approbation.)

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Absolument !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je constate que tant Mme Férat que M. le président de la commission des affaires culturelles y sont disposés. L’amendement n° II-66 pourrait donc être rectifié afin de diminuer les montants proposés de 3 millions d’euros. Cela démontrerait d’ores et déjà notre acquiescement à l’amendement que va nous soumettre le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Martin, pour explication de vote.

M. Pierre Martin. Ce dossier a été examiné par la commission des affaires culturelles. Le rapporteur a précisé ce matin qu’il serait judicieux d’agir en partenariat et, par conséquent, qu’il serait bon que le ministère de l’agriculture se manifeste. Or, cet après-midi, à la reprise de la séance, le ministre de l’agriculture a annoncé qu’il allait dégager 8 millions d’euros. Je tenais simplement à vous le rappeler, mes chers collègues.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Si cet amendement, qui a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires culturelles, je le rappelle, n’était pas adopté en séance publique, les établissements agricoles publics ou privés seraient confrontés à des fermetures de classes, voire à une fermeture totale.

Par ailleurs, cet amendement s’inscrit dans un contexte économique et budgétaire difficile. Dès lors, le dispositif en cause doit être financé non par une augmentation des crédits, mais par des redéploiements. Ceux-ci peuvent avoir deux origines.

D’une part, le ministère de l’agriculture se doit de réaliser un effort. Il en est capable puisque M. Barnier nous a annoncé qu’il comptait dégager 8 millions d’euros.

D’autre part, nous pouvons également procéder à des redéploiements à partir d’une ligne très importante du budget de l’éducation nationale, en l’occurrence la ligne du titre 2 du programme « Enseignement scolaire public du second degré ». Sur les quelque 27 milliards d’euros qui y sont affectés, nous pouvons bien, me semble-t-il, trouver les quelque 40 millions d’euros qui font défaut à l’enseignement agricole public et privé.

C’est à la fois aussi simple et aussi compliqué que cela. D’ailleurs, comme le disait le général de Gaulle, les choses simples sont parfois les plus difficiles à mettre en œuvre.

Quoi qu’il en soit, nous devons le faire si nous ne voulons pas nous retrouver dans la même situation que voilà trois ans. Comme je l’ai souligné ce matin, nous devons mobiliser des crédits. Je parle évidemment de crédits effectifs, et non de crédits gelés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Dans l’Orne, nous avons un lycée pilote entre Sées et Alençon. Je voulais simplement rappeler à nos collègues l’importance de ce type d’enseignement.

En France, quelque 175 000 élèves sont scolarisés dans des lycées agricoles publics ou privés. De tels établissements sont importants non seulement pour l’agriculture, mais également pour le développement durable, pour l’aide à la personne et pour les questions environnementales.

C’est la raison pour laquelle je soutiendrai l’amendement présenté par Mme Férat, au nom de la commission des affaires culturelles. Nous avons effectivement besoin d’un tel dispositif, et le plus tôt sera le mieux, car il y a déjà eu des problèmes de transfert de financement entre les régions et les établissements.

L’adoption d’un tel amendement nous permettra d’apurer les comptes.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Nous ne pouvons que complimenter Mme le rapporteur pour avis. Voilà plusieurs années qu’elle se bat pour défendre l’enseignement agricole, et nous soutenons cet objectif.

Depuis deux mois, elle s’est, nous a-t-elle dit, rendue de ministère en ministère et de cabinet en cabinet pour essayer d’obtenir satisfaction ; en vain ! Elle a donc décidé de présenter cet amendement, afin de sauver une partie de l’enseignement agricole. Nous comprenons ses difficultés et son angoisse.

Mais enfin, voilà plus de vingt minutes que vous discutez sur cette affaire ! Certains nous disent qu’un tel transfert de crédits serait très ennuyeux pour l’éducation nationale. D’autres répondent qu’il faut tout de même adopter l’amendement pour sauver l’enseignement agricole. En fait, nous assistons à un dialogue, sans doute très intéressant, entre les membres de la majorité. Honnêtement, vous auriez pu trancher cette question entre vous plus tôt !

M. Xavier Darcos, ministre. Mais elle a déjà été tranchée !

M. Serge Lagauche. Officiellement, oui, monsieur le ministre. Mais, en réalité, certains espèrent tout de même obtenir un arrangement avec le Gouvernement, en faisant pression via cet amendement, pour débloquer des crédits sans léser l’éducation nationale…

Vous le comprendrez, nous n’avons pas l’intention de prendre part aux discussions ou aux arrangements internes à la majorité. (M. le président de la commission des finances s’exclame.)

Ne prenez pas cet air scandalisé, monsieur Arthuis. J’ai simplement constaté que vous cherchiez des accommodements.

Cela dit, au sein de la majorité, vous êtes incapables de présenter un budget correct sur la question et de vous mettre d'accord sur une somme qui n’est pourtant pas vraiment considérable. Ne comptez pas sur nous pour participer à vos discussions internes ou au pseudo-vote que vous vous apprêtez à organiser. D’ailleurs, le fait même que vous ayez demandé un scrutin public prouve que vous ne vous faites pas confiance entre vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Mais si !

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous nous sommes très longuement interrogés sur le vote que notre groupe allait émettre sur cet amendement.

Comme cela a été souligné par Mme le rapporteur pour avis, l’enseignement agricole constitue une exception remarquable et représente, de surcroît, un très grand succès en termes d’insertion professionnelle.

Toutefois, nous sommes, en quelque sorte, pris entre le marteau et l’enclume.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Pour des communistes, c’est normal !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. D’habitude, c’est plutôt la faucille et le marteau ! (Rires.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si la question de la pérennité de l’enseignement agricole se pose aujourd'hui, c’est bien à cause des restrictions et de la baisse des moyens imposées depuis cinq ans à ce type d’enseignement.

Les politiques budgétaires menées depuis plusieurs années ont asséché l’enseignement public et dirigé le flot des élèves vers le privé. Nous voyons là la perversité du dogme de la réduction des dépenses publiques.

Pour la première fois, Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles propose des mesures d’abondement des crédits de l’action 1 « Mise en œuvre de l’enseignement dans les établissements publics », afin de rétablir 100 emplois d’enseignants, créés ou non supprimés, et 64 emplois administratifs. De mon point de vue, il est positif d’octroyer des moyens. À cet égard, je veux insister sur le terrible point noir que constitue la carence de postes de personnels administratifs dans ce secteur.

Sont également proposés l’abondement des crédits de charges de pension des emplois gagés de centres de formation d’apprentis de l’artisanat, les CFAA, et de centres de formation professionnelle et de promotion agricole, les CFPPA, concernant l’apprentissage et la formation professionnelle continue, ainsi que l’abondement des crédits de rémunérations des assistants d’éducation et de ceux visant à indemniser les accidents des élèves.

Je souhaiterais formuler une remarque et une interrogation.

D’une part, j’observe que les crédits dégagés iront une nouvelle fois, pour l’essentiel, à l’enseignement privé, qui percevra 40 millions d’euros, contre 11 millions d’euros pour le public. Certes, il est vrai que ces crédits iront, pour une part, irriguer la création de postes dans le public, ce qui est tout de même une première.

D’autre part, je m’interroge sur le choix du programme retenu pour opérer de tels prélèvements de crédits. Mme le rapporteur pour avis a opté pour le programme « Enseignement scolaire public du second degré », alors qu’il existe un programme « Enseignement privé du premier et du second degrés » au sein de la mission « Enseignement scolaire ».

En fait, ce règlement en urgence constitue un nouveau transfert de crédits du public vers le privé. C’est pourquoi nous ne voterons ni pour ni contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.

M. Gérard César. Je souhaite d’exprimer en tant que rapporteur de la dernière loi d’orientation agricole.

En l’occurrence, la commission des affaires économiques n’a pas été saisie d’un tel amendement. Mais je crois pouvoir dire que, si nous l’avions été, nous aurions certainement émis un avis favorable.

Pour ma part, je suis très favorable à l’amendement n° II-66.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Madame le rapporteur pour avis, si j’avais été membre de la commission des affaires culturelles, j’aurais probablement voté votre amendement.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Dans ce cas, votez-le !

M. Thierry Foucaud. Du point de vue de la commission des affaires culturelles, il est, me semble-t-il, juste d’adopter cet amendement, qui vise à permettre à l’enseignement agricole, notamment public, de rattraper son retard.

Cela étant, mes chers collègues, vous auriez dû aller au bout de votre logique en incitant le Gouvernement à lever le gage.

En l’occurrence, les auteurs de cet amendement proposent de prélever 51 millions d’euros sur l’enseignement public scolaire et de les affecter pour les deux tiers à l’enseignement privé et pour un tiers à l’enseignement public. À titre personnel, cela me pose problème.

Imaginons que nous ayons déposé un amendement similaire pour transférer des crédits vers les zones d’éducation prioritaires. Je ne suis pas persuadé que les membres de la majorité sénatoriale l’auraient voté…

Bien entendu, je souscris aux propos de mon amie Brigitte Gonthier-Maurin sur la situation de l’enseignement agricole. Mais nous ne pouvons pas accepter que 40 millions d’euros destinés à l’enseignement public soient transférés à l’enseignement privé.

M. Henri de Raincourt. Ce n’est pas vrai !

M. Thierry Foucaud. Chers collègues de la majorité, vous auriez dû demander à votre gouvernement de lever le gage.

M. Michel Mercier. C’est ce que nous avons fait !

M. Thierry Foucaud. Le dispositif que cet amendement vise à instituer est, je le répète, positif. Mais, pour le financer, il vaut mieux demander au Gouvernement de lever le gage, ce qui évitera de prélever 40 millions d’euros destinés à l’enseignement public.

En réalité, certains manient la carotte et le bâton. On nous incite à voter cet amendement en insistant sur les 11 millions d’euros – cela correspond à 150 postes – destinés à l’enseignement public agricole. Mais, dans le même temps, il nous semble injuste de dégager 40 millions d’euros pour l’enseignement privé,…

M. Henri de Raincourt. Pour l’enseignement privé agricole !

M. Thierry Foucaud. … contre seulement 10 millions pour l’enseignement public.

Pour éviter tout quiproquo, comme l’a souligné ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin, nous ne voulons pas empêcher cet amendement d’être adopté. Il n’est pas question pour nous d’empêcher le fonctionnement des lycées agricoles (Ah ! sur les travées de lUMP).

C’est pourquoi nous ne voterons ni pour ni contre cet amendement…

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Ni pour ni contre, bien au contraire !

M. Thierry Foucaud. …et nous nous abstiendrons. (Marques d’ironie sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, on nous dit que le Gouvernement a déposé un amendement n° II-207 qui témoigne de l’effort accompli par votre collègue en charge de l’agriculture. Vous pourriez nous le présenter dès maintenant, afin que nous puissions l’examiner en priorité.

En effet, si cet amendement est adopté, nous pourrons ensuite suggérer à Mme le rapporteur pour avis de rectifier le sien, afin de réduire de 3 millions d’euros le montant des crédits qu’elle propose de transférer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Xavier Darcos, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La priorité est de droit.

Je suis en effet saisie d’un amendement n° II-207, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

 

 

 

 

Vie de l'élèveDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

3 000 000

 

3 000 000

 

TOTAL

3 000 000

 

3 000 000 

 

SOLDE

+ 3 000 000

+ 3 000 000

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Cet amendement vise à affecter 3 millions d’euros supplémentaires au programme « Enseignement technique agricole », ainsi que l’a suggéré tout à l’heure mon collègue Michel Barnier.

Si cet amendement était adopté, Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pourrait effectivement rectifier son amendement, en remplaçant la somme « 51 453 333 » par la somme « 48 453 333 ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-207.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, madame le rapporteur pour avis, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens qui a été suggéré ?

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° II-66 rectifié, présenté par Mme Férat, au nom de la commission des affaires culturelles, et ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

 

21 153 333

21 153 333

 

48 453 333

48 453 333

Vie de l'élèveDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

 

21 153 333

 453 333

 

 

48 453 333

48 453 333

 

TOTAL

21 153 333

21 153 333

48 453 333

48453 333

SOLDE

0

0

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je demande la parole.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je précise que la réduction des crédits de paiement, pour le programme « Enseignement scolaire public du second degré », passe de 51 453 333 euros à 48 453 333 euros. Il s’agit d’un prélèvement opéré sur l’enseignement scolaire public du second degré, et nous verrons dans les jours prochains comment nous pouvons régler cette question. En contrepartie, le programme « Enseignement technique agricole » est doté d’un complément de 48 453 333 euros.

Quant aux autorisations d’engagement, elles sont également modifiées du même montant.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-66 rectifié.

Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires culturelles et, l'autre, de la commission des finances.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 53 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 201
Majorité absolue des suffrages exprimés 101
Pour l’adoption 201

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

L'amendement n° II-182, présenté par M. Muller, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

56 000 00056 000 000

 

56 000 00056 000 000

 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

 

56 000 00056 000 000

 

56 000 00056 000 000

Vie de l'élèveDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

56 000 000

56 000 000

56 000 000

56 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Cet amendement vise à affecter les crédits destinés à financer les heures supplémentaires dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », au rétablissement des 3 000 postes supprimés dans les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED.

La volonté d’amputer fortement les RASED, en transférant 3 000 enseignants spécialisés sur un total de 11 000 et en les affectant dans les classes en tant que professeurs des écoles, suscite à juste titre de très fortes réactions dans notre pays.

Au sein de la communauté éducative, enseignants et parents sont unanimes. Dans le Haut-Rhin, tous les conseils d’école qui se sont tenus depuis l’annonce de la disposition c’est-à-dire plus d’une centaine, se sont exprimés clairement pour le maintien d’un dispositif qui a fait ses preuves sur le terrain.

Les témoignages de parents se multiplient tous les jours dans la presse locale.

S’agissant des élus, une fois n’est pas coutume, on retrouve la même unanimité. Les motions de soutien de conseils municipaux s’accumulent. Tous les conseillers généraux, sans exception, et quelle que soit leur étiquette, présents lors de la dernière séance du conseil général du Haut-Rhin, ont signé le texte d’appel en faveur du maintien et de la pérennité du dispositif RASED, ainsi que du retrait du projet de sédentarisation.

Trois sénateurs du Haut-Rhin sur quatre, plus de cent cinquante maires ont à ce jour adopté publiquement la même position. Et le président UMP de la région Alsace a fait appel aux parlementaires pour trouver une solution technique dans le cadre de la loi de finances.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le sujet qui nous préoccupe, il n’y a plus de majorité ni d’opposition ; il n’y a plus d’étiquette politique ; il y a un consensus, pour pérenniser un dispositif dont la présence sur le terrain, y compris en milieu rural, est jugée incontournable.

Le travail des RASED est un travail de réseau, d’abord en interne par l’existence des trois catégories de professionnels – enseignants spécialisés, rééducateurs, psychologues –, mais également en externe par les liens qu’ils tissent avec d’autres intervenants médico-sociaux.

Ils interviennent à la demande des professeurs et avec l’accord des parents pour proposer des aides spécialisées à des élèves rencontrant des difficultés sévères en classe, qui portent le plus souvent sur le comportement des enfants et leur adaptation à la classe et à l’école et auxquels la mise en place des deux heures de soutien scolaire hebdomadaire ne peut en toute rigueur pas répondre.

La spécialisation des professionnels des RASED permet ainsi à ces derniers de remettre sur les rails des enfants quand il est encore temps. Ils agissent en prolongement du travail des professeurs, qui reconnaissent là leurs compétences spécifiques.

Certes, les professeurs peuvent faire face à certaines difficultés qu’ils rencontrent avec leurs élèves, mais il en est d’autres devant lesquelles ils se trouvent totalement désarmés.

Pour celles-ci, le RASED, grâce à sa composition pluridisciplinaire, permet une prise en charge et un accompagnement spécifique et adapté, en liaison étroite avec les parents. C’est ce dont témoignent les enseignants et les familles qui ont été confrontés à des problèmes psychologiques de comportement ou aux répercussions scolaires de difficultés familiales et sociales.

Au regard des résultats remarquables observés sur le terrain, n’eût-il pas mieux valu apporter des améliorations au dispositif en place, plutôt que de tracer, comme vous le faites, la perspective de la suppression des RASED ?

Certes, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles du Sénat le 12 novembre dernier, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que la suppression des RASED n’était pas à l’ordre du jour, la sédentarisation des 3 000 maîtres ayant pour seule vocation de fixer une petite partie des enseignants de ces réseaux dans les établissements où l’on a le plus besoin d’eux.

Mais cette déclaration est en contradiction avec la décision d’arrêter les formations de maîtres spécialisés à partir de septembre 2009, qui programme implicitement la suppression des RASED à terme, en tarissant leur recrutement.

Elle est également en contradiction avec ce qui se passe sur le terrain. À titre d’exemple, dans le Haut-Rhin, on comptait voilà deux ans quarante-cinq rééducateurs en poste. Ils ne sont plus que trente-six aujourd’hui, chacun d’eux aidant cinquante enfants à trouver leur place à l’école. Le suivi de ces 1 800 enfants permet également de soutenir les maîtres d’école et les familles confrontées à des difficultés qui ne relèvent pas forcément de soins ou d’interventions sociales.

Ainsi, nous avons aujourd’hui un dispositif qui a fait ses preuves, gratuit pour les familles, et dont la suppression irait clairement à l’encontre de la réussite scolaire des enfants en grande difficulté, principalement ceux des milieux populaires et dans le monde rural.

Notre système éducatif est fondé sur l’accueil de tous les enfants, l’égalité des chances, le droit au savoir et à la réussite scolaire. La prise en compte des difficultés rencontrées par les plus faibles et leur accompagnement par des professionnels compétents pour les aider à trouver pleinement le chemin de l’école doivent rester une priorité absolue.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à déposer nos étiquettes politiques respectives et à donner un signal clair en faveur de l’école de la République. Adoptons cet amendement technique qui permettra de pérenniser un dispositif aussi emblématique qu’irremplaçable et qui respecte le cadre du budget, tel qu’il a été tracé. (Mme Christiane Demontès applaudit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances n’est pas favorable à cet amendement. Je tiens toutefois à vous rassurer, monsieur Muller, car elle a débattu de ce sujet en dehors de toute considération politique et les échanges de cet après-midi ont permis d’approfondir ce débat légitime.

La position défavorable de la commission s’explique par trois raisons simples.

Tout d’abord, s’agissant des cas difficiles relevant, dans les trois catégories de personnels que vous avez citées, des psychologues, il n’y aura aucun transfert de psychologues des RASED vers des postes d’enseignant, pour la bonne raison que ce ne sont pas des enseignants. Les psychologues des RASED garderont donc la possibilité de suivre les cas difficiles, dont certains ont été évoqués au cours du débat et méritent, en effet, un partenariat avec un psychologue qui les suit.

Ensuite, la commission des finances préfère élargir les capacités de soutien éducatif. La démonstration a été faite par M. le ministre que, dans le cas d’un RASED type et d’une école type de cent vingt-cinq élèves, nous pouvions passer de sept élèves soutenus à trente-six.

Enfin, la troisième raison est plus personnelle, mais elle est assez largement partagée au sein de la commission des finances.

Nous n’avons pas de vision globale du nombre de dossiers suivis par les RASED. Nous savons qu’il existe 11 000 postes équivalents temps plein dans ces réseaux, mais nous ignorons combien de dossiers sont effectivement traités.

En effet, si l’on multiplie les annonces de dossiers présentés par l’ensemble des cellules sur l’ensemble du territoire, on arrive à des chiffres sans comparaison possible avec le total obtenu en multipliant les 11 000 postes par la probabilité d’intervention de chacun d’eux.

Je me tourne donc vers vous, monsieur le ministre, pour vous demander, au nom de la commission des finances, un résultat quantitatif global de l’intervention des RASED sur l’ensemble du territoire national, ce qui permettra peut-être également d’apaiser ce débat qui reviendra nécessairement l’année prochaine. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.

Monsieur le rapporteur spécial, je suis d’accord pour procéder à un examen attentif des choses afin de communiquer à la commission des finances, lors d’une audition, la situation telle qu’elle se présente sur le terrain.

Mme la présidente. Monsieur Muller, l’amendement n° II-182 est-il maintenu ?

M. Jacques Muller. Oui, bien entendu, madame la présidente, je le maintiens.

Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais je crois que mon amendement se heurte à une attitude que je qualifierai d’autiste. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Lorsqu’un conseil général unanime toutes tendances confondues, cent cinquante maires, trois sénateurs sur quatre expriment une position, il faut les entendre, entendre tout simplement ce que dit le peuple ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Josselin de Rohan. C’est nous qui décidons !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire » figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Article 35 et état B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Discussion générale

4

Saisine du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le Président du Sénat a été informé, par lettre en date du 3 décembre 2008, par M. le Président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

5

Article 35 et état B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Deuxième partie

Loi de finances pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Aide publique au développement - Compte spécial : Accords monétaires internationaux - Compte spécial : Prêts à des Etats étrangers

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2009.

Aide publique au développement

Compte spécial : Accords monétaires internationaux

Compte spécial : Prêts à des États étrangers

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement » (et articles 59 quinquies et 59 sexies) ainsi que des comptes spéciaux « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des États étrangers ».

À la demande de la commission des finances, la parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Madame la présidente, messieurs les présidents de la commission des finances, de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires culturelles, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les sénateurs, c’est donc la deuxième année consécutive que je viens vous présenter le programme de mon ministère dans le cadre de la mission interministérielle « Aide publique au développement ».

Et, pour la deuxième année consécutive, votre commission des finances, si habilement éclairée par l’expertise de Michel Charasse, rapporteur spécial de cette mission budgétaire depuis 1992, me fait l’honneur d’en adopter les crédits sans modification.

Cette continuité comporte toutefois son lot de nouveautés à l’occasion de la préparation du projet de loi de finances pour 2009. C’est notamment la première fois que les sénateurs Louis Duvernois, au nom de la commission des affaires culturelles, Christian Cambon et André Vantomme, au nom de la commission des affaires étrangères, rendent un avis sur ce budget.

Je souhaiterais, en quelques mots, vous rappeler la politique du Gouvernement en matière de développement solidaire et évoquer les résultats d’ores et déjà obtenus, ce qui permettra de tracer quelques perspectives d’avenir.

Comme en témoigne la nomenclature du budget, nous sommes passés cette année du codéveloppement au développement solidaire. Ce changement n’est pas que sémantique. Il traduit surtout une évolution politique. Le codéveloppement concernait exclusivement le soutien aux initiatives des migrants en faveur de leur pays d’origine. Le développement solidaire, lui, a pour ambition d’aller plus loin en favorisant également des projets relatifs à l’organisation des migrations légales, à la lutte contre les migrations clandestines, en passant naturellement par le développement des pays source d’immigration.

La conduite d’une politique de développement solidaire offre trois avantages. Elle permet de s’inscrire dans le cadre de « l’approche globale » adoptée par les institutions européennes, de mettre en œuvre une nouvelle politique d’immigration couvrant tous les aspects des phénomènes migratoires et, enfin, de mener de front deux objectifs, à savoir la maîtrise des flux migratoires et la réduction de la pauvreté dans les pays d’émigration.

Les résultats obtenus en 2008 reflètent, d’ores et déjà, ce changement d’échelle dans nos relations avec les pays qui sont source d’immigration.

Forts d’une équipe resserrée d’une dizaine de personnes dans une administration d’état-major, nous avons soutenu plus de 120 projets dans 23 pays source d’immigration et cet effort sera poursuivi en 2009. Nous avons surtout conclu sept accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire. Ces accords ont été signés avec le Gabon, le Congo, le Bénin, le Sénégal, la Tunisie, l’île Maurice et, il y a quelques jours à peine, le Cap Vert.

Des discussions sont engagées avec d’autres pays. De nouveaux accords devraient donc voir le jour bientôt.

S’agissant de l’avenir justement, nous poursuivons en 2009 l’effort consenti en 2008. Sur la période allant de 2009 à 2011, le budget du développement solidaire s’élèvera à 97,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 74,5 millions d’euros en crédits de paiement. J’insiste tout de même sur un point : toute comparaison entre 2009 et 2008 est délicate car les financements mis en place en 2008, notamment en termes d’autorisations d’engagement, se poursuivront en exécution en 2009.

Je suis en mesure de vous annoncer que – je sais combien Michel Charasse est attentif à ce point – nous avons atteint, pour l’exercice 2008, un niveau d’exécution tout à fait remarquable, pour ne pas dire historique. Ainsi, 83 % des autorisations d’engagement ont été exécutées et nous devrions consommer environ 80 % des crédits de paiement ouverts.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il faut inviter l’Europe à faire de même ! Il faut leur donner la combine !

M. Brice Hortefeux, ministre. Servons de référence : cela sera déjà une première étape !

Ce résultat a été atteint grâce à la mobilisation de l’ensemble des services et je rappelle qu’il a été obtenu dans un laps de temps très court, le ministère n’existant administrativement que depuis le 1er janvier de l’année dernière. Je remercie donc tous ceux qui y ont contribué.

J’ai pris connaissance, avec beaucoup d’attention, des rapports qui ont été établis et je voudrais essayer d’y répondre par quelques éléments d’information.

Dans un premier temps, je voudrais remercier Louis Duvernois d’avoir souligné, dans son rapport sur la francophonie, le lien essentiel qui existe entre la maîtrise du français et la réussite de l’intégration. La promotion de la langue française est une composante majeure de notre action. D’ailleurs, depuis le 1er décembre, les tests et formations linguistiques prévus dans le cadre du futur contrat d’accueil et d’intégration sont organisés dans les pays d’origine.

Par ailleurs, certains ont sans doute eu connaissance de la conférence ministérielle sur l’intégration que j’ai organisée à Vichy, en Auvergne. J’ai fait tester certaines des mesures relatives à la connaissance de la langue avant l’arrivée sur le territoire. Ne souhaitant pas extrapoler, je ne prétendrai pas que celles-ci sont approuvées par 80 % des Français, mais elles le sont par 80 % des personnes sondées. Il s’agit tout de même d’un signal intéressant !

J’en viens maintenant aux observations de Michel Charasse. Monsieur le sénateur, la richesse et l’exhaustivité de votre rapport font naturellement honneur à votre réputation d’expert des questions d’aide publique au développement.

Dans ce rapport, vous avez mis en exergue le caractère novateur du programme 301 et, au-delà, sa parfaite cohérence avec nos initiatives européennes. Je sais que vous êtes également attentif à cette question.

Comme vous le savez, le pacte européen sur l’immigration et l’asile, qui a été adopté à l’unanimité les 15 et 16 octobre derniers par le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement – donc, quelles que soient la situation géographique des pays et l’orientation politique des gouvernements –, fixe, parmi ses objectifs, une ouverture de l’Europe au travers de la concertation avec les pays source d’immigration.

Vous avez également salué, avec Christian Cambon et André Vantomme, la tenue à Paris de la seconde conférence euro-africaine sur les migrations et le développement. Je rappelle que cette conférence, qui a réuni 80 délégations, a permis d’arrêter, là aussi à l’unanimité, malgré le nombre élevé de délégations, un programme de travail triennal. Ce plan d’action comporte 106 mesures concrètes en matière de migration et de développement des pays source et des pays de transit. En effet, il est aujourd’hui difficile de parler exclusivement de pays source, puisque beaucoup d’entre eux deviennent aussi des pays de transit.

Je ne m’étendrai pas sur ce que vos rapports relèvent de positif. Toutefois, je remarque que vous soulignez, à juste titre, la polyvalence des personnels de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, l’ANAEM, en évoquant leurs missions dans les domaines de l’accueil des étrangers primo-arrivants, de l’asile et du développement solidaire.

Je vous confirme très clairement que l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, qui est appelé à succéder à l’ANAEM au début de l’année 2009, maintiendra cette polyvalence. Je suis même convaincu qu’il l’accroîtra. Je souhaite en effet que l’Office, placé sous la tutelle unique de mon ministère, développe ses implantations à l’étranger afin de favoriser notre politique d’immigration professionnelle et accentue son soutien aux microprojets d’entreprise dans les pays source ou dans les pays de transit.

Je voudrais aussi compléter votre information sur le montant des aides à la réinstallation.

L’année 2008 a vu le démarrage de ce dispositif, qui vient en complément des autres formes d’aides financées directement par l’ANAEM, soit essentiellement l’aide au retour volontaire et l’aide humanitaire.

Concrètement, plus de 350 projets ont été soutenus pour une dépense en autorisation d’engagement de 2,5 millions d’euros. Le montant moyen de l’aide au projet est donc légèrement supérieur à 7 100 euros. Évidemment, comme vous avez pu l’observer, certains projets dépassent 10 000 euros, ce qui, dans des pays tels que le Mali ou la République démocratique du Congo, constitue un véritable capital de départ pour la création d’une entreprise individuelle.

J’en viens aux produits d’épargne codéveloppement dont, à l’évidence, la montée en puissance est encore lente et dépend largement du degré de mobilisation des établissements bancaires.

Avec Bercy, nous poursuivons, au-delà de l’accord signé en 2007 avec le réseau des Caisses d’épargne et de celui qui a été finalisé en  2008 avec l’Union tunisienne de banques sur le compte épargne codéveloppement, les contacts avec le secteur bancaire. Ceux-ci sont indispensables pour mieux faire connaître ces produits financiers.

Je ne vous dirai pas que je suis totalement satisfait du déroulement de cette démarche. Certes, elle progresse lentement, mais cela ne signifie pas qu’il faille y renoncer. Au contraire, il faut lancer des initiatives, les tester, les observer et, compte tenu de la situation actuelle des banques, produire un effort incontestable de pédagogie et de stimulation.

Par ailleurs, les transferts de fonds de migrants, qui représenteraient pour la France environ 8 milliards d’euros, soit l’équivalent de notre aide au développement, sont un phénomène majeur qui implique que nous nous y intéressions.

Nous le faisons avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement en finançant une étude sur le montant et l’utilisation de ces transferts de fonds entre la France et l’Afrique, initiative que vous avez bien voulu saluer dans votre rapport.

Sur la base des résultats de cette étude, la France soutiendra, au travers d’un fonds fiduciaire placé auprès de la Banque africaine de développement, des projets concrets permettant de mieux valoriser ces transferts. D’autres pays, comme l’Espagne notamment, ont lancé des démarches identiques. Il s’agira, par exemple, de soutenir la microfinance, de développer de nouveaux produits d’assurance ou encore de favoriser l’utilisation des nouvelles technologies dans les transferts.

MM. Cambon et Vantomme ont rappelé, dans leur rapport, que nous avons l’intention de doter ce fonds fiduciaire de 9 millions d’euros sur trois ans. D’ores et déjà, 6 millions d’euros ont été engagés au travers du cadre d’entente que nous avons signé avec la Banque africaine de développement la semaine dernière, en marge de la conférence euro-africaine.

Par ailleurs, je vous confirme qu’aucune dépense fiscale ou budgétaire ne sera associée, en 2009, au lancement du compte épargne ou du livret d’épargne codéveloppement, eu égard aux effets à moyen terme de ces dispositifs.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez proposé de fusionner les deux premiers indicateurs du programme 301 pour en créer un nouveau qui permettrait de suivre l’impact de l’épargne codéveloppement.

Je n’ai pas d’objection à ce que ces indicateurs, qui portent sur le taux de conclusion des accords de gestion concertée et des accords de développement solidaire, soient fusionnés. Nous étudierons cette évolution, avec le ministère du budget, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2010.

S’agissant de la création d’un indicateur dédié à l’épargne codéveloppement, tout dépendra de la montée en puissance du dispositif. Pour ma part, je crois à son avenir, même s’il faut sans doute s’y investir davantage. Nous travaillerons également sur ce point dans la perspective du prochain projet de loi de finances.

Enfin, je vous rejoins sur le cinquième point de vos conclusions. Nous devons articuler les actions conduites en faveur du développement solidaire et les documents-cadre de partenariat. C’est un sujet que j’évoque assez régulièrement avec mon collègue Alain Joyandet.

Dans le cadre du cosecrétariat du CICID, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, j’ai proposé que, à l’occasion de la révision des documents-cadre de partenariat, la dimension migratoire et le contenu des accords de gestion concertée des flux migratoires déjà signés – ils sont sept à ce jour – soient mieux pris en considération.

Ce point a fait l’objet d’un accord de principe du CICID.

Voilà très brièvement résumés, mesdames, messieurs les sénateurs, les différents éléments de ce budget.

Pour la première fois, la France se donne les moyens d’une véritable politique de développement solidaire. Tout le mérite de l’avoir souligné, authentifié, présenté est que cela confère un impact plus fort.

De plus, la politique d’immigration que le Président de la République et le Premier ministre m’ont chargé de mettre en mesure ainsi l’enjeu fondamental du développement économique des pays source d’immigration.

Ne nous y trompons pas, – il y a une majorité très large dans l’opinion publique pour le comprendre – le défi de la maîtrise des flux migratoires que nous avons à relever est immense. Pour le mener à bien, nous n’avons qu’une seule méthode : celle du dialogue, de la concertation et du partage. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’aide publique au développement baisse sensiblement en part du revenu national brut, le RNB, depuis deux ans et les perspectives pour 2009 demeurent incertaines.

Malheureusement, la France ne fait pas exception à cette tendance internationale, avec une aide de 0,38 % du RNB en 2007 et 0,37 % prévus en 2008, soit 7,3 milliards d’euros, hors taxe sur les billets d’avion.

Comme chaque année, il est annoncé une forte augmentation de l’effort d’aide publique au développement, l’APD, pour l’année suivante – près de 2,3 milliards d’euros de plus pour la France en 2009 –, mais je doute que nous y arrivions, car les aléas pesant sur les annulations de dettes sont élevés.

Même si la réalité est plus complexe, les pays pauvres ont le sentiment de « faire les frais » de la crise économique et financière, quand les nations développées sont si promptes à recapitaliser leurs banques et à garantir le crédit interbancaire.

Certes, le Président de la République a assuré samedi dernier encore, le 29 novembre, à Doha que l’Union européenne respecterait sa promesse de consacrer 0,7 % de son RNB à l’aide en 2015. Mais nous devrons fournir un effort énorme à partir de 2010 pour « tenir le rythme », alors que la programmation triennale des finances publiques françaises jusqu’en 2011 ne prévoit que la stabilité de l’aide en euros constants, du moins sur le plan budgétaire.

Nous savons, d’ores et déjà, que tous les objectifs du Millénaire ne pourront malheureusement pas être réalisés partout, en dépit de réels progrès accomplis dans plusieurs domaines : réduction de la mortalité infantile, traitement des pandémies ou éducation primaire.

Les chiffres sont importants, car ils ont notamment trait à la dimension d’engagement politique de l’aide publique au développement, à laquelle le Sénat a toujours été très attaché, mais ils ne peuvent résumer à eux seuls la finalité de l’aide. Dans la période de fortes tensions budgétaires que nous connaissons, il n’y a plus vraiment de domaine sanctuarisé. L’essentiel est donc d’assurer avant tout la lisibilité et l’efficacité de notre aide, et de mobiliser de nombreux acteurs sur des projets précis et aux effets mesurables.

De ce point de vue, la récente évaluation par les pairs conduite sous l’égide de l’OCDE a montré que notre système était encore trop complexe et compartimenté – nous le disons depuis des années, mais ça bouge peu – bien que je relève cependant une vraie prise de conscience, qui se traduit par des réformes structurantes, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Sans revenir sur les détails, certaines orientations sont particulièrement bienvenues : redéfinition de la zone de solidarité prioritaire, la ZSP, recentrage de la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, pilotage plus « pointu » et vigilant des opérateurs, fusion des services de coopération et d’action culturelle, les SCAC, et des instituts culturels, volonté de mobiliser de nouvelles ressources et de nouveaux acteurs.

L’État ne peut pas tout faire lui-même, et il doit aussi, par sa force d’entraînement et son rôle prescripteur, renforcer l’effet de levier de ses concours d’APD.

Cette recherche de l’efficacité est d’ailleurs cohérente avec les principes de la déclaration de Paris de mars 2005 et se traduit dans les nouveaux objectifs et indicateurs du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », qui sont pertinents et qui restituent beaucoup mieux les dimensions de l’aide.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser la stratégie et les moyens de votre initiative « Cap 8 », qui a l’ambition de renouveler notre coopération avec l’Afrique, car je n’ai pas très bien compris les contours de cette affaire ?

Simplification et lisibilité de la stratégie de l’État, recours à des opérateurs, renforcement de l’AFD comme opérateur privilégié sur tous les secteurs relevant des objectifs du Millénaire, différenciation de l’aide en prenant également en compte nos intérêts politiques, économiques et migratoires : tout cela est légitime si les opérateurs n’agissent pas en « électrons libres », s’ils ne reproduisent pas à leur tour les gaspillages et les doublons, et si leurs initiatives et leurs projets sont parfaitement cohérents avec les priorités de l’action extérieure de l’État. La contractualisation des objectifs et des moyens est donc un préalable nécessaire.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous décrire rapidement les contours et les modalités de création du futur opérateur sur la mobilité, qui doit regrouper, notamment, Egide et France coopération internationale, FCI ?

La RGPP doit également aboutir à un meilleur suivi de nos contributions aux organismes et aux fonds multilatéraux, qui peuvent être appréhendés comme de quasi-opérateurs. Nous prévoyons, avec mon collègue rapporteur de la commission des affaires étrangères, Christian Cambon, et à la demande de ce dernier, d’effectuer un contrôle conjoint sur ce thème dans les prochains mois.

Ce contrôle est d’autant plus nécessaire que le canal multilatéral, mystérieux et invisible pour les populations, exerce une contrainte croissante sur notre budget d’APD, au détriment de l’aide-projet bilatérale, visible, elle, dont les crédits de paiement diminueraient de près de 22 % en 2009. Je regrette fortement cette inflexion, car cette aide est sans doute la plus perceptible pour les populations. Je vous proposerai, à cet égard, un amendement de la commission des finances visant à augmenter significativement les subventions-projets à l’AFD.

Cette emprise de l’aide multilatérale est également illustrée par le Fonds européen de développement, le FED, dont la dotation budgétaire en 2009 est probablement sous-budgétisée – c’est une habitude –, comme en 2008.

Les décaissements du Fonds progressent indéniablement. Mais quiconque se rend sur le terrain constate plusieurs choses : les progrès sont plus lents que la croissance des effectifs des délégations ; ces délégations sont parfois installées dans un luxe relatif alors que nos propres services vivent chichement et font de plus en plus attention ; les procédures sont complexes malgré la déconcentration ; les décaissements sont facilités par les dotations multilatérales et par l’aide budgétaire plutôt que par l’aide-projet.

Cela n’a pas empêché d’adopter un dixième FED de 22,7 milliards d’euros, soit près de 80 % de plus que le précédent ! Doit-on alors s’attendre à ce que les versements du dixième FED se poursuivent jusqu’en 2020 ?

La lourdeur et l’inertie de ce « paquebot » qui mobilise le quart des crédits budgétaires sont inquiétantes, et je souhaite connaître l’état d’avancement des négociations avec nos partenaires européens sur sa budgétisation.

Je relève, cependant, que l’Europe est capable d’agir rapidement, comme l’illustre le récent accord sur le financement de la facilité alimentaire, pour 1 milliard d’euros supplémentaire sur trois ans.

Il reste que nos débats et considérations budgétaires sur la mission « Aide publique au développement » ne concernent que le tiers de notre effort global d’aide prévu en 2009.

Je ne reviens pas sur les raisons de cette inévitable discordance entre les crédits de la mission, les crédits budgétaires et le montant notifié à l’OCDE. Je persiste, néanmoins, à regretter la débudgétisation intégrale des contrats de désendettement-développement et la quasi-contraction de dépenses et de recettes que constitue le « recyclage » du résultat de l’AFD. Je vous présenterai un amendement de la commission des finances qui a pour objet de mettre fin à cette pratique contraire à la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et dénoncée régulièrement par la Cour des comptes.

Je déplore, également, le maintien d’une opacité, que je finis par croire délibérée, sur la comptabilisation de l’écolage et de l’aide aux réfugiés en APD.

Le document de politique transversale, détaillé et éclairant sur bien des points, est quasiment muet sur ce sujet et les ministères ne prennent plus la peine de répondre à nos questions. Le syndrome de la « boîte noire » n’a pas disparu. Quelles initiatives, monsieur le ministre, le Gouvernement compte-t-il prendre pour améliorer l’information du Parlement en la matière ?

Cela nous conduit aussi à nous interroger sur les perspectives de renégociation des critères de notification à l’OCDE, afin d’inclure certaines dépenses, qui sont des dépenses réelles d’aide au développement, et d’en exclure d’autres, qui n’ont rien à voir avec cette dernière.

Pour terminer, je me livrerai à quelques observations sur la politique de développement solidaire. J’espère que je ne ferai pas perdre trop de temps à M. Hortefeux, qui a un conseil restreint à l’Élysée dans peu de temps.

La politique de développement solidaire est encore modeste en termes de crédits, mais elle n’en a pas moins de grandes ambitions. Le rôle de l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations, l’ANAEM, et les cofinancements de projets prennent progressivement de l’ampleur, en particulier dans des pays pilotes tels que le Sénégal ou le Mali.

Il importe donc que ces dispositifs soient intégrés dans les documents-cadres de partenariat et bien coordonnés avec les ambassades à l’échelon local.

Il me semble aussi qu’avec 7 000 euros – M. le ministre en a parlé – le plafond de l’aide au projet individuel financée par l’ANAEM est sans doute insuffisant pour amorcer la création d’entreprises dans les pays partenaires. J’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’une moyenne. Il conviendrait, sans doute, de relever à 15 000 euros ou à 20 000 euros ce montant, en posant des conditions strictes quant au sérieux et à la pérennité du projet présenté.

Enfin, les deux instruments de mobilisation de l’épargne des migrants, le compte épargne codéveloppement et le livret d’épargne codéveloppement, démarrent très lentement. M. le ministre l’a souligné à cette tribune il y a quelques instants.

Seules deux conventions ont été signées, et la Banque Postale ne distribue pas ces produits alors qu’elle devrait manifestement figurer parmi les établissements privilégiés.

Il y a pour l’heure peu ou pas de souscripteurs. Il faudra donc s’interroger sur l’opportunité du maintien de ces dispositifs s’ils ne parviennent pas réellement à « décoller ». J’ai noté, évidemment, avec intérêt la confirmation de M. le ministre sur le taux de consommation de ces crédits. Au mois de septembre, nous étions plus près de 10 % ou de 15 % que de 80 %. Ces crédits de mission ne sont pas d’une ampleur considérable, et ce serait véritablement perdre du temps que de les traîner pendant trois ou quatre ans avant de les exécuter.

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de deux amendements que je vous présenterai tout à l’heure, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de voter les crédits de cette mission.

Cette année, sur décision de la commission des finances, le traditionnel rapport sur l’aide publique au développement a été scindé en deux parties. La deuxième partie, qui concerne les comptes spéciaux du Trésor, est hors budget général, et son examen a été confié à mon collègue et ami M. Edmond Hervé, ce dont je me réjouis. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. François Fortassin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Edmond Hervé, rapporteur spécial.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les deux comptes que j’ai l’honneur de présenter, « Prêts à des États étrangers » et « Accords monétaires internationaux », ont leur importance, quoiqu’il s’agisse de deux missions hors budget général.

Le compte spécial « Prêts à des États étrangers » prévoit 2,5 milliards d’euros en autorisations de programme et 2,147 milliards d’euros en crédits de paiement.

Au sein de ce compte spécial, le programme 851, tel qu’il apparaît dans les documents dont a eu connaissance la commission des finances, prévoit un montant de prêts de 1,8 milliard d’euros et concerne vingt-quatre pays.

Madame la secrétaire d'État, vous allez nous proposer un amendement qui porte sur 350 millions d’euros et qui vise à augmenter les autorisations d’engagement du programme afin de permettre l’instruction de nouveaux projets.

Comme il s’agit de favoriser le financement de projets dont la réalisation fait appel à des biens et à des services français, et qui soutiennent l’expansion internationale de nos entreprises, je suis persuadé que le Sénat, sur le conseil avisé de M. le président de la commission des finances, vous suivra, madame la secrétaire d'État. Simplement, nous souhaiterions que vous puissiez nous éclairer sur les activités concernées, ainsi que sur les territoires d’élection.

Le programme 852 est dédié aux allégements et aux annulations de dettes. Il concerne deux initiatives : celle pour les pays très endettés, lancée en 1996, et celle qui concerne l’annulation de la dette multilatérale, décidée en 2005.

L’impact budgétaire de ces annulations demeure limité, soit moins de 7 % de l’aide publique au développement.

Nous savons qu’en ce domaine les prévisions restent très aléatoires. J’en veux pour preuve, entre autres éléments, le report régulier des annulations au profit de la République démocratique du Congo et de la Côte d’Ivoire.

II est également difficile d’obtenir des données fiables et cohérentes pour les annulations de créance par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE. J’ai le souvenir d’avoir déjà évoqué cette difficulté dans une autre institution, elle n’est donc pas nouvelle.

Dans un souci de soutien, les membres du Club de Paris seraient bien inspirés de mettre en place un « système » permettant d’adapter les conditions de remboursement en fonction des contraintes du pays débiteur.

Le second compte spécial « Accords monétaires internationaux », qui intéresse le Trésor et les banques centrales de la zone franc, n’est pas doté de crédits en 2009, pas plus qu’il ne l’était en 2008.

Il illustre une forme originale de coopération avec les trois unions monétaires et économiques : l’Union monétaire outre-Atlantique, l’Union monétaire d’Afrique centrale et l’Union monétaire des Comores.

Nous serions heureux, madame la secrétaire d'État, que vous nous donniez votre sentiment sur les perspectives économiques de ces pays.

Ne souhaitant pas reprendre les excellentes présentations qui ont été faites par mon collègue et ami Michel Charasse, je vous propose, mes chers collègues, au nom de la commission des finances, d’adopter ces deux comptes spéciaux « Prêts à des États économiques » et « Accords monétaires internationaux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Michel Charasse, rapporteur spécial, applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, l’examen de la mission « Aide publique au développement » me permet de faire une analyse des crédits consacrés à la francophonie, qui sont en partie inscrits au sein du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement ».

La francophonie occupe une place à part entière au sein de notre politique extérieure. J’en veux pour preuve la consécration récente, à l’occasion de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, de la francophonie dans notre loi fondamentale, et ce à la suite d’un amendement présenté par le président de la commission affaires culturelles, Jacques Legendre, et que j’avais cosigné.

Autre motif de satisfaction et non des moindres : la voix de notre commission semble avoir été entendue par le Gouvernement sur la question, longtemps laissée en suspens, de la rationalisation administrative de notre politique francophone.

La future direction générale des affaires politiques et multilatérales annoncée par le ministre des affaires étrangères et européennes devrait comporter une direction consacrée à l’Organisation internationale de la francophonie et aux opérateurs de la francophonie. Je me réjouis que la francophonie gagne ainsi en visibilité sur le plan administratif, comme vous vous étiez engagé à le faire, monsieur le ministre, en réponse à une question que je vous avais posée lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles. Je tiens donc à vous féliciter pour vos efforts en ce sens.

S’agissant plus précisément des crédits de la francophonie institutionnelle, inscrits dans le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », ils sont en très légère hausse par rapport à l’année dernière : 68,14 millions d’euros seront attribués à l’Organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs.

Toutefois, je sollicite l’attention de notre Haute Assemblée sur la tendance baissière des crédits spécifiquement consacrés à la promotion du français par la Direction générale de la coopération internationale et du développement : les crédits centraux de promotion du français accusent une baisse substantielle de 31 % sur le programme 209, c’est-à-dire dans le cadre de la coopération avec les pays en développement.

Je note au passage que ces crédits sont également en baisse non moins substantielle de 35 % au titre du programme 185 de la mission « Action extérieure de l’État », dans le cadre de la coopération avec les pays développés au sens de l’OCDE.

Bien que conscient des contraintes lourdes qui pèsent à l’heure actuelle sur notre budget, je regrette cependant une tendance à la baisse qui, selon moi, fragilise notre action linguistique extérieure, d’autant plus qu’un amendement adopté en seconde délibération à l’Assemblée nationale minore davantage les crédits de la mission « Aide publique au développement ».

La politique francophone de la France n’a pas vocation à se fondre complètement dans celle de l’Organisation internationale de la francophonie, qui dérive de plus en plus vers ce que Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS, qualifiait d’ « ONU bis sans moyens ». La France se doit de développer sa propre politique francophone en s’appuyant, notamment, sur ses moyens bilatéraux d’influence, qu’elle contrôle mieux et pour lesquels elle obtient un meilleur retour sur investissement. Il serait enfin temps de passer d’une politique francophone de contribution à une politique francophone d’initiative !

Nos moyens bilatéraux d’influence, au sein du programme 209, sont justement censés nous permettre de mettre en œuvre une politique de soutien à des associations aux initiatives très prometteuses. Il serait absurde que ces associations, qui font la preuve de leur efficacité sur le terrain, fassent les frais des restrictions budgétaires. Il en va de même, par exemple, pour les revues Planète Jeunes et Planète Enfants, très appréciées de la jeunesse francophone, en particulier africaine et haïtienne.

Comment espérer que les Français se réapproprient la francophonie si celle-ci continue de se cantonner aux enceintes intergouvernementales ? Il nous faut impérativement trouver les moyens de rendre la francophonie plus proche du citoyen pour lui démontrer qu’il a lui-même sa part de responsabilité dans la promotion du français. À cet égard, monsieur le ministre, votre projet de portail francophone va dans le bon sens ; il devrait pouvoir trouver toute sa place.

Les collectivités territoriales, au travers de la coopération décentralisée, sont notamment appelées à être mieux associées à la mise en œuvre de notre politique francophone.

À ce titre, je tiens à rappeler que nos territoires ultramarins entretiennent des liens très étroits, sur les plans tant culturel, politique qu’économique, avec les pays qui les entourent, qui, bien souvent, s’inscrivent dans une zone de solidarité prioritaire. Pourquoi ne pas profiter de cette opportunité et faire de l’outre-mer français une fenêtre de notre politique francophone ?

Votre ministère compte-t-il s’appuyer plus fortement sur le levier exceptionnel de la coopération décentralisée pour mettre en œuvre sa politique francophone, notamment au niveau de nos collectivités territoriales ultramarines ?

Sur le plan économique, je suis persuadé que la francophonie a des valeurs propres à faire valoir, en particulier à l’heure où le système financier international d’inspiration anglo-américaine est profondément remis en cause : je vous encourage très vivement, monsieur le ministre, à saisir l’opportunité qui se présente à notre politique francophone de faire valoir les principes d’une économie mondialisée qui fait du développement solidaire et durable sa priorité et qui promeut le respect de la diversité linguistique et culturelle au sein des échanges commerciaux dans la droite ligne de la convention de l’UNESCO de 2005.

Enfin, bien que cela concerne la mission « Médias », je souhaite rappeler que, dans le cadre de la réforme en cours de l’audiovisuel public, l’audiovisuel extérieur de la France, levier de notre politique francophone, continue de faire l’objet de multiples interrogations : en particulier, l’articulation entre le pilotage stratégique exercé par la société holding « Audiovisuel extérieur de la France » et la tutelle administrative et financière exercée par Matignon au travers de la direction du développement des médias mériterait, sans aucun doute, d’être clarifiée.

Je conclurai mon intervention en indiquant qu’en dépit des réserves émises, notamment en ce qui concerne l’insuffisance des crédits centraux consacrés à la promotion du français, la commission des affaires culturelles a proposé d’émettre un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Vantomme, rapporteur pour avis.

M. André Vantomme, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue M. Robert del Picchia traitera dans un instant, en remplacement de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, des crédits de la mission « Aide publique au développement ». Je voudrais, pour ma part, évoquer plus largement l’effort français en faveur du développement, dont les crédits de la mission représentent environ un tiers.

C’est cet effort global qui doit parvenir, en application de nos engagements internationaux, à 0,7 % de notre richesse nationale en 2015, une échéance qui nous fixe une feuille de route mais qui n’est pas sans susciter certaines interrogations.

Quelle part de la richesse nationale représentera notre effort d’aide au développement en 2009 ? Nous n’en avons pas une idée très précise.

Les documents budgétaires indiquent 0,47 % du revenu national ; vous avez préféré vous engager sur 0,41 % devant notre commission, monsieur le ministre, reconnaissant bien volontiers l’incertitude qui s’attache aux opérations d’annulation de dette prévues en 2009, après l’avoir été, rappelons-le, en 2007 puis en 2008.

Retracer toutes les composantes de notre aide est un effort certes nécessaire, pour les besoins de la comptabilisation internationale, mais bien complexe. Or cette complexité conduit parfois à mettre en doute la réalité de nos efforts.

Ainsi en est-il des procédures d’annulation de dettes, reportées d’année en année pour certains pays et qui représentent des montants importants.

Il en est de même des modalités de comptabilisation de l’aide publique au développement qui doivent être conformes aux directives - lesquelles, hélas ! ne sont pas toujours très précises - du Comité d’aide au développement de l’OCDE.

Tant l’OCDE que les ONG nous reprochent une comptabilisation extensive des frais d’accueil des étudiants étrangers dans nos universités, des dépenses liées à l’accueil des réfugiés sur le territoire français, des dépenses de recherche sur le développement.

Toutes ces dépenses ne peuvent qu’être constatées in fine, une fois l’année écoulée Elles ne résultent pas d’un véritable choix et contribuent à donner un aspect artificiel à une aide publique au développement qui reste pourtant importante.

Notre pays, troisième bailleur mondial, consent un effort important en faveur des pays du Sud mais, à bien des égards, il s’agit d’un effort composite et dispersé sur lequel il ne semble pas toujours avoir de prise.

Tout l’enjeu de la réforme annoncée est en effet de permettre à notre pays de reprendre l’initiative et de définir une stratégie claire au service d’une efficacité accrue et d’un rayonnement à la hauteur de nos ambitions.

Repenser ce dispositif était une nécessité mais, en ces temps de crise mondiale, cette réforme doit aussi contribuer à garantir que l’effort nécessaire et légitime que notre pays entend apporter aux pays les plus pauvres continue d’être orienté vers les plus déshérités.

À niveau d’effort égal, notre pays doit prendre garde à ce que, par la modification de ses outils d’intervention, on n’abandonne pas, de fait, certains pays très défavorisés, au profit des pays émergents. Accorder une aide sous forme de subvention, ce n’est pas la même chose qu’accorder un prêt à des conditions proches de celles du marché.

Conflits, crise alimentaire ou crise financière : chaque année voit le bouleversement de l’ordre de nos priorités, ce qui nous fait plaider pour un système souple qui parte de la réalité concrète de chacun des pays dont nous entendons soutenir le développement et s’appuie sur une réflexion stratégique solidement charpentée.

La transformation de la DGCID en une direction générale de la mondialisation, direction « d’état-major » chargée de la stratégie et de la tutelle des opérateurs, vise à renforcer la cohérence globale de notre outil.

Cette direction générale constitue en quelque sorte l’aboutissement de la réforme de 1998 en achevant le transfert aux opérateurs de toutes les interventions opérationnelles du ministère.

Ce transfert était déjà bien entamé, ce qui avait conduit à priver de crédits les services en centrale et sur le terrain. Sur le terrain, les services de coopération et d’action culturelle, les SCAC, devraient être fusionnés avec l’opérateur culturel tandis que le directeur local de l’Agence française de développement, l’AFD, sera le conseiller de l’ambassadeur pour les questions de développement.

Cette réforme nous paraît logique et souhaitable mais elle ne sera viable qu’à deux conditions : que la nouvelle direction générale change véritablement de nature et ne constitue pas une DGCID « amaigrie » et qu’un volume raisonnable de crédits bilatéraux à mettre en œuvre soit disponible.

Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, au nom de laquelle mon collègue Robert del Picchia, qui remplace M. Christian Cambon, et moi-même intervenons, vous recommandera l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Cependant, en tant que corapporteur, je me dois d’exprimer quelques observations.

Tout d’abord, l’aide publique de la France est tenue par des engagements. En 2010, nous devrions y consacrer 0,51 % du PIB, afin de respecter l’engagement européen d’augmentation régulière de cette aide pour qu’elle puisse atteindre 0,7 % du PIB en 2015.

Dans le document de politique transversale sur la politique française en faveur du développement, il est indiqué que l’aide publique au développement atteindra 0,41 % du PIB en 2010, soit 0,10 % de moins que l’engagement européen.

Ensuite, l’aide publique de la France, pourtant importante, est contestée en raison de l’emploi, pour les allégements de dettes, de méthodes extra-comptables peu orthodoxes, qui conduisent à majorer les chiffres de plus de 2 milliards d’euros.

De même, l’Union européenne nous reproche des comptabilisations excessives, notamment pour les frais d’écolage et les frais liés à l’accueil des étrangers sur le territoire français.

Enfin, monsieur le ministre, votre souci de sacrifier une bonne partie des subventions et de développer, par l’intermédiaire de l’Agence française de développement, une politique de prêts, conduira nécessairement à une réorientation de notre aide au bénéfice des pays émergents et au détriment des pays les plus pauvres de l’Afrique subsaharienne.

C’est pour ces raisons, trop brièvement exposées, que je m’en remettrai, pour ma part, à la sagesse de notre assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia, en remplacement de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, M. André Vantomme vous a présenté les observations de la commission des affaires étrangères sur l’effort de la France en faveur du développement. J’évoquerai, pour ma part, au nom de M. Cambon, les crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Notre commission relève que, dans un contexte budgétaire difficile, les crédits budgétaires globaux alloués à l’aide publique au développement sont globalement préservés et connaissent une légère progression.

Cette enveloppe budgétaire stable est cependant marquée par la très forte progression des contributions multilatérales.

Le programme 110 est structurellement un programme de crédits multilatéraux qui supporte la contribution de la France aux guichets de développement des institutions de Bretton Woods ainsi qu’à toute une série de banques régionales et de fonds multilatéraux. Il témoigne de la multiplication des structures régionales ou sectorielles qui interviennent aujourd’hui dans le domaine du développement.

Le programme 209 supporte l’aide héritée de l’ancien ministère de la coopération, notamment l’aide-projet bilatéral, mais aussi toute la coopération culturelle dans les pays en développement. Ce programme, traditionnellement plus bilatéral, a fait l’objet d’une évolution sous l’effet de la croissance de 7 % des contributions multilatérales financées sur ses crédits, au sein d’une enveloppe globale stable, et même en légère diminution de 0,34 %.

Ces contributions représentent désormais 62 % des crédits du programme, et même plus de 67 % si l’on excepte les dépenses de personnel.

Le programme est surtout marqué par le dynamisme de la contribution de la France au FED, le Fonds européen de développement : avec 802 millions d’euros et une progression de 11 %, elle représente à elle seule 40 % des crédits du programme.

Si les engagements pour le IXe FED sont clos depuis le 1er janvier 2008, plus de 2 milliards d’euros de contributions restent à appeler pour la France.

La commission des affaires étrangères soutient naturellement un engagement européen au service du développement, mais les performances du FED ne nous paraissent pas justifier une telle sur-contribution de la part de notre pays. Pour cette raison, elle estime que l’intégration du FED dans le budget communautaire est une nécessité.

La contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme s’élève, quant à elle, à 300 millions d’euros pour 2009, soit une augmentation de 7 % par rapport à 2008. Aujourd’hui, ce fonds connaît une réussite presque paradoxale. Il a su mobiliser des ressources à un point tel qu’il se trouve dans une situation financière plutôt confortable ! En effet, à ce jour, il a reçu au total 11,8 milliards de dollars. Malheureusement, 5 milliards n’ont pu encore été décaissés, faute de projets en nombre suffisant. Face aux besoins, qui sont immenses pour lutter contre ces pandémies, la commission estime qu’une plus grande efficacité devrait être recherchée et elle s’emploiera, au cours de l’année 2009, à chercher les moyens d’y parvenir.

Ces contributions multilatérales ont clairement un effet d’éviction sur l’aide bilatérale, qu’elle soit culturelle ou qu’il s’agisse de l’aide-projet sur subventions.

L’aide bilatérale du programme 209 passe de 670 millions d’euros en 2008 à 592 millions d’euros en 2009, soit une baisse de 12 %, alors que son périmètre s’est élargi à Canal France international – la banque d’images à destination des PVD – et au GIP Esther – qui regroupe les mesures d’accompagnement des mesures pharmaceutiques –, et doit faire une plus large place à Cultures France, aux ONG et à la politique du genre, notamment les actions de promotion à destination des femmes.

Ainsi, les projets de gouvernance et de lutte contre la pauvreté baissent de 13 %.

La contraction des subventions risque de toucher en particulier les pays les plus pauvres, qui ne sont pas éligibles à l’intervention sur prêts. Elle risque également d’entraîner mécaniquement un glissement de notre aide vers les pays à revenu intermédiaire ou émergents. Enfin, elle prive la France de la capacité de mobiliser des financements internationaux, notamment européens via des cofinancements.

Notre poids dans les enceintes multilatérales est lié à la crédibilité de notre propre effort bilatéral et à notre pratique du terrain, en particulier en Afrique.

C’est pourquoi nous souhaitons que, pour une plus grande efficacité, qui requiert une palette d’instruments aussi large que possible, notre pays puisse retrouver dans les années à venir des marges de manœuvre au profit de son outil bilatéral.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Christian Gaudin applaudit également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, l’aide publique au développement est un élément clé de notre action diplomatique. Elle est connue du grand public depuis les années soixante, avec la création du ministère de la coopération.

À l’époque, il s’agissait de faire preuve, comme la France a toujours su le faire, de générosité envers les populations les plus démunies de la planète et, pour certains, de faire oublier les affres du colonialisme.

Comme mon excellent collègue Michel Charasse l’a rappelé, le Président de la République a manifesté, encore très récemment d’ailleurs, une volonté très affirmée dans ce domaine. Cependant, on constate un décalage entre les objectifs déclarés et les résultats obtenus.

Certains problèmes sont récurrents. Je pense aux annulations des dettes, qui brouillent parfois la véracité budgétaire. Je pense également aux crédits qui ne sont pas engagés ou aux retards très importants dans la mise en œuvre des programmes.

Il faut aussi évoquer les ONG : elles font un travail remarquable, mais, lorsqu’on sait qu’elles sont au nombre de 4 500 pour la seule région parisienne, il y a certainement de la « perte en ligne »…

Et que dire du langage diplomatique décalé, parfois prétentieux ou ésotérique, notamment lorsqu’on s’adresse aux populations des pays les plus pauvres ? J’ai relevé les meilleures expressions : le « Millénaire du développement », le « manque de sélectivité », la « conditionnalité de performance », les « indicateurs d’impact », le « développementalisme », « l’efficience exogène » et, bien sûr, « l’efficience endogène »,…

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. François Fortassin. …sans parler de l’aide « Cap 8 » citée par M. Charasse et sur laquelle les sénateurs de base que nous sommes attendent des explications.

Tout le monde s’accorde à le dire, notre politique d’aide au développement est née de la difficile combinaison de la pluralité des visions des différents ministères et de celle du ministère de la coopération, fondée sur l’influence économique et culturelle de la France, en d’autres termes sur son rayonnement.

Mais on peut regretter que des lignes directrices n’aient pas été clairement affirmées à l’époque, et qu’elles ne le soient pas davantage aujourd'hui. Il serait utile, par exemple, d’affirmer que l’essentiel de l’aide doit servir sur le terrain : sur 10 euros, 8 ou 9 euros doivent aller aux populations qui en ont vraiment besoin.

Quant à l’aide multilatérale, utile pour lutter contre le sida par exemple, elle est parfois d’une grande opacité, elle est mal contrôlée et dispendieuse. Cela témoigne, me semble-t-il, d’un manque de dignité à l’égard des populations qui sont dans la misère.

L’aide bilatérale est nettement préférable, car elle est beaucoup plus visible, plus facile à contrôler et elle assure mieux le rayonnement de la France qu’une intégration dans des organismes internationaux échappant, en définitive, à notre contrôle.

Nous devons mener un effort important pour renforcer la démocratie dans un certain nombre de pays car, comme nous avons pu le vérifier dans de nombreux pays, quand la démocratie se renforce, le développement suit.

Nous devrions aussi recenser avec précision, cela n’a pas été fait, les actions souvent remarquables que mènent les collectivités locales en matière de coopération décentralisée, afin d’éviter des doublons. Il faut mettre en exergue certaines actions particulièrement emblématiques. Permettez-moi d’en citer une que certains d’entre vous ne connaissent peut-être pas.

Je veux parler de l’action de sauvegarde du patrimoine qui a été menée au Laos grâce à l’action conjuguée de nos collègues Jean Faure et Yves Dauge, que je salue. À mes yeux, c’est la plus exemplaire de toutes celles que l’on peut connaître dans notre pays en matière de coopération décentralisée. Ce qui est regrettable, c’est que cela ne se sait guère. Même si la modestie de nos deux collègues doit en souffrir, il faut mettre ce type d’actions en avant, car elles ont valeur d’exemple.

Dans le même temps, il y a des maladresses à éviter. J’en citerai deux fondées sur des exemples que j’ai vécus.

Il n’existe pas de marché du matériel médical d’occasion en France, si bien que, lorsqu’un médecin change son appareil de radiographie, il l’envoie à la casse même si celui-ci est toujours en état de fonctionner. C’est vrai qu’il serait plus utile de le faire parvenir à un dispensaire du centre de l’Afrique ou au cœur de l’Amérique andine, mais encore faut-il que celui-ci soit relié à l’électricité, sinon cela ne sert à rien. Or, quelquefois, on envoie du matériel sans avoir fait d’expertise préalable.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Sans jeu de mots, c’est même tout à fait courant ! (Sourires.)

M. François Fortassin. J’ai connu mieux. Au cœur de l’Amérique andine, au milieu de paysages somptueux où vivent des populations extrêmement pauvres de langue quechua, dont à peine 50 % connaissent l’espagnol, une ONG n’a rien trouvé de mieux que d’y envoyer une jeune fille pendant six mois, spécialiste du tourisme, angliciste distinguée, mais ne parlant pas un mot d’espagnol.

Voilà des exemples de gaspillages et de coups d’épée dans l’eau qu’il vaudrait mieux éviter.

Enfin, l’action de l’Agence française de développement doit être beaucoup plus visible, car n’oublions pas que, pour de nombreux pays, la France est un exemple sur le plan politique, de la générosité, du développement, et ils en attendent beaucoup. En matière de coopération décentralisée, nous avons une ardente obligation : répondre à ces attentes. (Applaudissements sur plusieurs travées.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais me féliciter des propos tenus par M. Brice Hortefeux sur les très importantes avancées en matière de politique d’immigration, d’intégration et de développement solidaire. Pour nous, représentants des Français de l’étranger, c’est sans doute d’une importance plus grande que pour d’autres collègues, car c’est un sujet auquel on est très sensible dans les pays de résidence.

Tout d’abord, des dispositions concernant la langue française, que nous considérons comme l’élément d’intégration par excellence, ont été annoncées. Ensuite, l’adoption du Pacte européen sur l’immigration et l’asile encourage les États membres de l’Union européenne a signé avec les pays d’immigration d’origine des accords s’apparentant aux accords bilatéraux que la France a déjà signés avec sept pays.

Cela étant dit, l’année dernière, lors de l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », j’étais intervenu de façon encore plus appuyée que les années précédentes sur la situation de nos compatriotes retraités d’Afrique qui ne percevaient plus la pension qui aurait dû leur être versée par les caisses africaines de sécurité sociale. J’avais même déposé un amendement visant à créer un programme pour apurer la dette de l’État congolais. En effet, au Congo, plus de 500 Français dûment recensés ne touchent plus leur retraite depuis quinze ans.

Grâce à l’appui du Sénat, notamment du rapporteur spécial, M. Michel Charasse, M. le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie s’était engagé à ce que la France ne signe pas le Document-cadre de partenariat avec le Congo tant qu’un accord ne serait pas trouvé.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C’est exact !

M. Robert del Picchia. Ce débat a fait un peu de bruit au Congo. Deux ou trois jours après cette séance, M. Bowao, le ministre chargé de la coopération, m’a téléphoné pour demander à me rencontrer. À cette occasion, il m’a présenté un échéancier des paiements des arriérés de pension, sinon sur quinze ans, du moins sur les dix dernières années.

Je suis donc heureux de pouvoir vous annoncer, mes chers collègues, que votre soutien a été positif, puisque la situation a favorablement évolué pour nos compatriotes.

L’échéancier est respecté. Le gouvernement congolais a versé à sa caisse de sécurité sociale une somme supérieure aux montants nécessaires pour couvrir la période de 1997-2006. On peut donc légitimement espérer que le solde permettra d’apurer les arriérés antérieurs.

En ce qui concerne le paiement des arriérés de 1997 à 2006, la caisse de sécurité sociale a déjà versé, par l’intermédiaire d’une banque locale, une bonne partie des sommes dues. Il ne reste que les années 2003 et 2004 à régler, même s’il y a encore quelques régularisations à faire sur les autres années. Enfin, les pensions courantes depuis 2007 sont payées presque régulièrement.

On peut donc dire que la situation est quasiment assainie. On espère que les années 2003 et 2004 seront très rapidement apurées.

Je tiens à souligner la bonne volonté de l’État congolais depuis le dépôt de cet amendement, et même depuis le début de nos négociations en décembre 2007. Je veux donc remercier le président Sassou Nguesso, qui a permis que l’on arrive à ce résultat, le ministre chargé de la coopération, M. Bowao, ainsi que l’ambassadeur de France à Brazzaville, M. Normand, qui a eu un rôle déterminant. Il est important de signaler des diplomates qui s’engagent fortement.

Tout le monde pourrait penser que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et se demander pourquoi j’interviens à la tribune. En fait, un problème subsiste, celui des frais bancaires applicables aux virements des pensions en France.

Vous me rétorquerez que toutes les banques ou presque les facturent. En Europe, ces frais s’élèvent, je crois, à 10 euros. Mais au Congo, la banque locale prélève 20 % sur les sommes versées. Cela fait beaucoup pour des retraités qui attendent le versement de leur petite pension depuis quinze ans. Vous imaginez bien qu’il est hors de question que nos compatriotes acceptent de rembourser cet argent et même qu’on leur prenne 20 % au passage.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande votre soutien actif afin que nos compatriotes retraités du Congo ne soient pas une fois de plus pénalisés et qu’ils puissent toucher intégralement leur retraite et les arriérés.

Je voterai avec conviction les crédits de la mission « Aide publique au développement », mais je vous demande de rester vigilant, voire d’intervenir auprès de nos amis congolais afin que la banque applique des retenus, disons-le, honnêtes. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais me montrer moins optimiste que mon collègue del Picchia et aborder les crédits de cette mission de façon plus générale.

Le projet de budget pour 2009 me laisse à penser que la France considère de plus en plus l’aide publique au développement comme une B.A., c’est-à-dire que, comme un boy-scout, on peut faire un peu semblant. Or, selon moi, c’est l’un des trois piliers de l’action internationale en interaction avec la diplomatie et, quand les circonstances l’exigent, avec la défense.

Rien, pas même la visite éclair du Président de la République à Doha le week-end dernier, ne nous empêchera de constater que les chiffres de l’aide publique au développement mentent : la moitié de notre APD est factice, l’aide bilatérale stagne depuis 2001 à 1,7 milliard d’euros et baisse de 12 % dans le projet de budget pour 2009. De surcroît, le décret du 28 novembre dernier annule plus de 27 millions d’euros en autorisations d’engagement et plus de 34 millions d’euros en crédits de paiement. Monsieur le secrétaire d’État, quels secteurs seront-ils frappés par cette annulation ?

Les chiffres mentent !

La France, acteur de premier rang des conférences internationales sur le développement, se présente comme le troisième bailleur mondial de l’aide publique au développement. Si l’on en croit les chiffres, elle est censée consacrer plus de 9,5 milliards d’euros au développement en 2009. Mais ce n’est pas du tout ce qui apparaît sur le terrain.

En fait, ces 9,5 milliards d’euros sont en grande partie le produit de la comptabilisation de dépenses sans relation avec le développement.

Vous me rétorquerez, monsieur le secrétaire d’État, que notre pays ne fait que se conformer aux règles de l’OCDE. Pour autant, il est quand même terrible d’avoir, d’un côté, une aide virtuelle énorme et, de l’autre, une aide réelle de plus en plus faible. L’abîme se creuse.

Comme l’a rappelé M. Vantomme, nous sommes critiqués par le CAD de l’OCDE, car nous déclarons plus de 1 milliard d’euros pour les frais d’accueil des étudiants étrangers ou des réfugiés. Ce chiffre ex post ne correspond à rien et est excessif.

Nous déclarons aussi des annulations de dette, comme celle de l’Irak ou du Nigéria, qui sont en fait des dettes commerciales, ce que nous ne devrions pas faire au titre de l’aide au développement. Le plus grave est que nous déclarons les mêmes annulations de dette plusieurs années de suite. Tel est le cas pour la Côte d’Ivoire en 2007 et en 2008, puis maintenant pour 2009. Retrouverons-nous cette somme dans le projet de budget pour 2010 ? Là, vraiment, les chiffres mentent !

Si nous entrons dans le détail, les crédits véritablement disponibles, ceux de la mission « Aide publique au développement » auxquels on peut ajouter les prêts de l’AFD, ne représentent plus que 6,3 milliards d’euros. Les prévisions de prêts de l’AFD passent de 469 millions d’euros en 2008 à 927 millions d’euros en 2009.

Dans ces conditions, on pourrait penser que notre pays est un peu plus visible et un peu plus audible sur le terrain. Tel n’est pas le cas, car, comme plusieurs intervenants l’ont dit, nous avons fait le choix, et probablement d’une façon excessive, du financement des structures européennes et onusiennes d’aide. Or, faute d’une forte présence directe sur le terrain, en coopération bilatérale, nous n’avons plus ni les hommes ni les instruments qui pourraient orienter et évaluer les actions de ces grandes structures.

Pourtant, nous avons besoin des deux. L’action multilatérale n’est pas contre l’action bilatérale, et inversement. Sans action bilatérale sur le terrain, on est incapable de peser sur l’action multilatérale. C’est d’ailleurs ce qu’il nous arrive actuellement.

Je voudrais essayer de comprendre pourquoi nos financements multilatéraux ont augmenté à ce point. Ils représentent maintenant plus de 66,7 % de la mission APD.

Une première raison est que les engagements pris n’ont pas été maîtrisés, comme c’est le cas de notre contribution au Fonds européen de développement, qui atteint 800 millions d’euros en 2009 et qui devrait croître encore dans les années à venir.

On peut aussi se demander s’il ne s’agit pas d’un choix délibéré, plutôt sympathique finalement, qui mettrait, d’une certaine manière, notre aide à l’abri des réductions budgétaires, puisque, en ce qui concerne la modalité multilatérale de l’aide, nous sommes contraints par nos engagements internationaux. À l’inverse, aucune contrainte ne s’exerce pour l’aide bilatérale, et nous voyons ses crédits baisser.

Trouvons donc le juste équilibre entre aide multilatérale et aide bilatérale.

Force est de constater que le paysage de l’aide multilatérale s’est singulièrement compliqué ces dernières années par la multiplication des créations de fonds fiduciaires chaque fois qu’une priorité semble s’imposer.

Prenons le cas du Fonds de lutte contre le sida, qui ne parvient pas à « décaisser », tout simplement parce qu’il a tout à coup reçu trop d’argent.

Le plus souvent, ces fonds ne sont même pas opérateurs des crédits dont ils disposent. On se retrouve alors dans une situation absurde, où le bailleur, qui a trop d’argent, cherche désespérément des projets à financer et des acteurs pour les mettre en œuvre – or il n’y a plus de coopération bilatérale française pour le faire – alors que des pans entiers des besoins sociaux et économiques sont orphelins de l’aide.

La crise alimentaire est venue nous rappeler cruellement à quel point le développement rural et l’agriculture avaient été délaissés par les grandes organisations multilatérales, alors qu’ils avaient été traditionnellement prioritaires dans notre coopération française bilatérale. (M. Robert Hue acquiesce.)

Je ne souhaite pas verser dans le passéisme, je souligne simplement que le ministère de la coopération avait su donner l’importance qu’il fallait à l’action rurale, qui garantit la sécurité alimentaire des populations, tandis que les grandes organisations internationales ont au contraire aggravé la dépendance alimentaire de ces populations.

Finalement, la France est moins présente dans l’aide publique internationale qu’elle ne le devrait, alors qu’elle paie un ticket d’entrée apparemment supérieur à celui de ses partenaires pour faire valoir ses points de vue. La raison en est que nous sacrifions à ces fonds multilatéraux les instruments de notre aide bilatérale, alors que c’est par elle que nous pouvons y peser.

Par ailleurs, à force de tout embrouiller au niveau des structures de l’État, comme au niveau des objectifs, la France apparaît sur le terrain velléitaire, incompréhensible et sans moyens d’action directe lisible.

L’action du ministère de l’immigration, qui prétend acheter l’enfermement des citoyens migrants à leurs gouvernements, défigure la notion de coopération.

Dans son discours du Cap, le Président de la République a évoqué la hausse « des engagements financiers bilatéraux pour l’Afrique subsaharienne ». Par un simple jeu sémantique, on ne parle plus « d’aide au développement », mais « d’engagement financier », c’est-à-dire de prêts. Et en effet, devant l’indigence de nos moyens sur subventions, nous ne pouvons proposer que des opérations de prêts.

Or pour réaliser un projet, il faut qu’une part de don amorce la dynamique du prêt. Là aussi, les deux sont absolument complémentaires. Nos prêts vont désormais soutenir l’économie des pays émergents. En 2007, la Chine est ainsi le dixième bénéficiaire de notre aide au développement. La France va soutenir les affaires des amis – Bouygues, Bolloré – en ré-endettant des pays trop pauvres.

Pour finir, monsieur le secrétaire d’État, nous déplorons que la France soit de plus en plus pingre et avare de son argent, plus que du sang de ses soldats, comme le montre l’exemple afghan. (Protestations sur les travées de lUMP.) Je regrette d’avoir à le dire. C’est Serge Michaelof, un spécialiste de la coopération, qui l’écrit. Et je reprends son propos avec beaucoup de gravité.

Nous voulons, monsieur le ministre, que la France présente un budget d’aide au développement à la fois généreux et sincère, et non pas le faux-semblant que nous avons examiné et que nous ne voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Madame la présidente, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, je souhaite d’emblée dire que je trouve particulièrement choquante et cynique l’attitude du gouvernement, qui manifeste sans aucune pudeur son autosatisfaction concernant le budget d’aide publique au développement, alors que, inexorablement, comme ma collègue vient de le rappeler, les aides consacrées aux pays les plus pauvres ne cessent de diminuer, ou sont employées à des fins qui n’ont rien à voir avec la mission première et concrète de l’aide publique au développement : l’éradication de la pauvreté dans le monde.

Cela alors même qu’un intéressant sondage nous apprend que 76% des Français, malgré le contexte de crise financière, souhaitent un maintien, voire un accroissement de l’aide ; alors que vous-même, monsieur le secrétaire d’État, dans Le Monde du 5 novembre, déclariez « il faut sauver les banques mais aussi les pauvres » (M. le secrétaire d’État opine.) et que le gouvernement prétend se fixer des objectifs ambitieux. La réalité est plus cruelle.

Les pays de l’OCDE ont réduit leur aide pour la deuxième année consécutive, ce qui rend peu crédible les objectifs pris en 2005 par le G8 à Gleneagles, en Écosse, d’augmenter de 50 milliards de dollars l’aide envers les pays les plus pauvres.

En effet, l’objectif de 0,7% fixé pour 2012 est, nous le savons maintenant, reporté à 2015. Et malgré ce glissement silencieux, malgré les effets d’annonce, il est évident, et non plus probable, que cet objectif ne sera pas atteint. Entre 2006 et 2007, nous avons déjà eu l’occasion de l’entendre, notre aide est passée de 0,49% à 0,37%. Elle se situe à 0,38% pour l’année en cours, et plafonnera entre 0,40 et 0,41% pour 2009.

Au-delà des chiffres, c’est toute la visibilité de notre aide qui est en cause. Cette légère hausse annoncée est illusoire puisqu’elle intègre d’hypothétiques allégements de dettes et la croissance des prêts. Les allégements de dettes font certes un bond spectaculaire mais sont totalement aléatoires et imprécis. Les prêts quant à eux sont accordés en priorité aux pays émergeants, où la France souhaite se positionner, au détriment des pays les moins avancés. Ceux-ci n’y ont d’ailleurs souvent pas accès, car ces prêts sont consentis par l’Agence française de développement à des conditions peu avantageuses.

À ce propos, je tiens à souligner le fait que cette agence se retrouve l’acteur pivot de l’aide publique au développement, alors que ses crédits sont en baisse. À ce rythme, les lignes budgétaires consacrées aux effacements de dettes ne pourront plus faire illusion longtemps.

Les ONG s’insurgent et, à l’instar de Coordination Sud ou Oxfam, dénoncent la baisse de l’aide publique. Avec ces promesses non tenues, la. France priverait les pays en voie de développement, et notamment l’Afrique, de centaines de millions de dollars. Pour l’Afrique de l’Ouest, les suppressions de subventions entre 2008 et 2009 représentent quarante-neuf millions d’euros ; dix-neuf millions pour l’Afrique Centrale. Oxfam a dénoncé également l’abandon de cinquante-cinq projets.

On nous assure que les principaux projets seront tenus. Lesquels et comment, monsieur le secrétaire d’État ? Il semble bien que les objectifs pour le Millénaire, classés en cinq phases prioritaires par l’ONU, soient aujourd’hui devenus secondaires, à part pour les pays à forte visée politique. Les Africains pourront bien attendre, et notamment les réfugiés de la République démocratique du Congo, qui à l’heure actuelle auraient bien besoin des retombées de notre aide.

La façon dont est tronçonné ce budget est inacceptable. L’aide publique au développement est fractionnée suivant les priorités politiques du Président de la République, et en aucun cas dictée par les nécessités, notamment concernant l’Afrique subsaharienne.

Où sont les engagements du Président de la République ? Il avait fait de la lutte contre la pauvreté en Afrique son cheval de bataille, en souhaitant que « la France y participe plus largement », comme annoncé en février 2008 en Afrique du Sud. Les 2,5 milliards d’euros promis alors ne sont en fait qu’un leurre, car ils sont bel et bien destinés au secteur privé. Quid de la santé ? Quid de l’éducation ? Et l’on oublie une vraie question : qui contrôlera ces fonds accordés au secteur privé ?

Le Président de la République souhaite un « nouvel ordre mondial » Nous exigeons que celui-ci soit guidé par des motivations d’humanité, de justice et d’équité sociale, et non par des priorités politiques en faveur d’intérêts privés ! Les pays les plus riches, quoi qu’on en dise, sont favorisés dans les négociations commerciales face aux pays les plus pauvres. En attestent les accords de partenariat France-Afrique-Caraïbes-Pacifique, pour le moins déloyaux, que j’ai déjà évoqués ici à plusieurs reprises.

L’apparition l’année dernière du ministère de l’immigration, devenu depuis le ministère du développement solidaire, est inquiétante et entretient la confusion entre migration et développement.

L’attention portée aux transferts des migrants appelle une réflexion sur notre conception de l’immigration. Souhaitons-nous faire en sorte que les personnes concernées puissent vivre dans leur pays avec leurs propres ressources, ou puisons-nous chez eux la main-d’œuvre qui nous intéresse, à grands coups d’accords dits de « gestion concertée » ? Tout cela est scandaleux et démontre une ingérence accrue et nouvelle –  « new-look », en somme – de la France en Afrique.

Or ces transferts financiers sont très importants pour les Africains, notamment les villageois, bien plus que l’aide en elle-même. J’aimerais dénoncer au passage l’attitude des banques américaines, qui, nous le savons, prélèvent des frais considérables sur ces moyens, qui devraient revenir aux Africains.

De fait, est-ce résolument une façon de les piller davantage, de s’accaparer leurs élites et en retour, de les inonder de biens manufacturés ? Ou pire, d’organiser, en échange, le retour de ceux dont on ne veut pas. Tout cela est scandaleux et inhumain. Sans entrer dans les détails, je dirai que c’est tout à fait indigne.

La question de la visibilité et de l’efficacité de notre politique d’aide envers les pays les plus pauvres reste posée. Pouvons-nous obtenir dans votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, une information concrète sur les intentions de la France dans les objectifs du Millénaire, des chiffres fondés sur la réalité, et non dissimulés derrière des artifices comptables ? Je souhaite qu’un calendrier précis nous soit soumis, que le Parlement en soit régulièrement informé et, le cas échéant, puisse le valider.

Pour l’heure, vous l’avez compris, il n’est aucunement question pour mes amis du groupe CRC et moi-même d’adopter ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Madame la présidente, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, des circonstances exceptionnelles m’obligent à être ce jour le porte-parole de Jean-Etienne Antoinette, qui vous prie de l’excuser d’être retenu en Guyane par une crise sociale d’une haute gravité, qui l’empêche de quitter le territoire.

Comme vous le savez, le prix du carburant dans ce département est le plus élevé au monde, et a été le facteur déclenchant de ces évènements. Plus globalement, la Guyane paie cher son enclavement vis-à-vis des circuits commerciaux internationaux, et les termes de ses échanges sont marqués par des monopoles démesurés et des denrées de base dont les prix sont si élevés – ils peuvent atteindre jusqu’à deux à trois fois les prix nationaux – qu’ils ne peuvent plus être supportés par les revenus des ménages.

Si je me suis permis d’évoquer ici rapidement cette situation, c’est parce qu’elle n’est pas exempte de tout lien avec l’objet du débat d’aujourd’hui sur l’aide publique au développement. J’y reviendrai à la fin de mon propos.

Mais d’abord, permettez au nouveau venu que je suis de s’interroger face au budget de la mission tel qu’il est présenté. Au-delà de la tendance à la baisse des crédits, qui nous alarme tous, on sait que l’objectif de porter le niveau de l’aide de la France à 0,7% du PIB s’éloigne de plus en plus. De même détermine-t-on des axes forts dans la définition de l’aide, qu’il s’agisse de l’éducation, de la santé ou de la démocratie ? Et comment l’aide publique s’intègre-t-elle dans les circuits commerciaux internationaux ? L’aide publique au développement ne reste-t-elle pas difficilement lisible, du fait de la multiplicité des dispositifs qui en relèvent ?

En vérité, ce qui me rend perplexe, c’est le contenu même des notions d’aide et de développement dont ce budget est la traduction, ainsi que ses modalités de mise en œuvre, la géographie de cette politique publique et ses finalités.

J’ai été par exemple surpris par la comptabilisation dans les crédits de cette mission de certaines actions relevant du rayonnement culturel de la France à l’étranger…

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et même de son rayonnement nucléaire !

M. Georges Patient. …comme la défense de la francophonie. Je conçois bien qu’elle favorise le déploiement de l’influence française aussi bien dans les pays en développement que dans les grandes institutions internationales, mais j’ai plus de mal à comprendre son positionnement au sein de la stratégie d’aide au développement stricto sensu menée par la France. Lequel des quatre objectifs stratégiques de l’APD sert-elle ?

Il est vrai que dans la nomenclature de l’aide publique au développement, l’intervention d’urgence sans autre but qu’humanitaire voisine avec des actions affichant clairement l’objectif de « promouvoir l’expertise française dans le domaine du développement durable et de la gouvernance économique et financière », ou encore celui de « promouvoir les priorités stratégiques françaises au sein des banques et des fonds multilatéraux ».

Il est vrai aussi que l’aide publique au développement se décline en dons et en prêts, multilatéraux et bilatéraux, avec des évolutions et des revirements de doctrine ces dernières décennies dans la communauté internationale. On pourrait regretter que les engagements à tenir par la France dans l’abondement des fonds multilatéraux fassent d’autant diminuer, en contexte de pénurie, la part de l’aide bilatérale, que l’on souhaiterait plus importante dans l’ensemble de l’aide envisagée sur la période 2009-2011.

Mais puisque l’aide est en principe conçue pour le développement des pays qui en ont besoin plutôt que pour le rayonnement des pays bailleurs ou donateurs, on devrait pouvoir tout à la fois concevoir des solidarités réellement internationales au service des territoires les plus nécessiteux, et des dispositifs de contrôle de l’usage et de l’efficacité de cette aide permettant à chacun des contributeurs de s’exprimer et de «rayonner », sans divergence stratégique.

Ou alors, plutôt que de défendre la francophonie pour elle-même, ne serait-il pas judicieux que la France se batte davantage pour renforcer sa position dans les instances décisionnelles multilatérales, afin de peser sur toute la chaîne de l’aide – orientation, suivi, contrôle ?

De même, pas plus les prêts que les dons ne me paraissent, en soi, de meilleurs outils d’aide ou de développement. La simple décence voudrait que l’on ne ré-endette pas un pays de façon insoutenable, que l’on n’impose pas des conditions inaccessibles à des États dont la population meurt de faim et que l’on sache discerner le moment et les conditions de l’effet levier optimal d’une aide-projet ou d’une subvention pour un pays qui en a besoin.

Enfin, la géographie de l’aide publique au développement française est vaste, répartie sur tous les continents, mais concentrée sur l’Afrique pour les deux tiers de cette aide, ce qui s’explique autant par l’histoire de ce continent que par la gravité des problèmes qu’il rencontre.

Mais faut-il qu’une histoire ou une langue commune soient les conditions – ça l’est de fait – des partenariats bilatéraux entre les pays développés et les autres, plutôt que la prise en compte, à l’échelle mondiale, de l’inégale importance des besoins ici et là, ou la reconnaissance, à l’échelle régionale, d’intérêts mutuels nouveaux, dans « un monde qui bouge » ?

Ainsi, curieusement, l’outre-mer français est également présent dans la géographie de l’aide publique au développement, notamment à travers l’action déléguée de l’Agence française de développement, l’AFD.

N’y aurait-il pas un intérêt, dès lors, à ce que des liens plus ouverts et plus ambitieux soient tissés entre ces territoires français excentrés et leurs États voisins, dans les océans Indien et Pacifique, dans la Caraïbe, et même dans l’Atlantique Nord, à travers des accords commerciaux, culturels, scientifiques, économiques moins contraints ? Ces derniers serviraient tout autant le développement de ces États que celui des territoires français ultramarins : une forme de codéveloppement sud-sud, en somme, facilitant les échanges commerciaux, réduisant certains coûts de transport de denrées et de matières premières. Je pense, par exemple, au carburant : en Guyane française, le litre de carburant, après avoir baissé de 30 centimes d’euro, coûte actuellement 1,47 euro ; de l’autre côté du fleuve Maroni, au Suriname, il ne coûte que 0,77 euro !

Quelles articulations sont-elles envisagées entre l’action « Insertion économique et coopération régionales » du budget 2009 de la mission « Outre-mer » et le programme « Développement solidaire et migrations » de la mission « Aide publique au développement » ? L’Union européenne va, semble-t-il, conclure des accords de partenariat économique, notamment dans l’espace « Caraïbes » et dans l’espace «océan Indien » au cours de l’année 2009, si d’autres urgences ne viennent pas entre-temps changer la donne…

Comme vous le constatez, madame, monsieur les secrétaires d’État, je n’ai guère que des interrogations face au budget actuel de l’aide publique au développement, une politique porteuse de tant d’enjeux pour l’équilibre mondial et tellement mise à mal.

Il est dramatique que les pays développés ne tiennent pas les engagements qu’ils ont pris à l’égard de ceux du sud, surtout quand cela va mal pour tout le monde. Il est d’autant plus inquiétant de penser que même les sommes inscrites dans le budget ne sont pas garanties, puisqu’elles peuvent faire l’objet de décrets d’annulation en cours d’année.

Mais c’est peut-être justement parce que l’heure me semble grave que, au-delà de notre inquiétude devant la baisse générale des crédits de l’aide mondiale, au-delà des appréhensions concernant les impacts encore non mesurables de la crise économique et financière des pays développés sur l’évolution économique et sociale des pays du sud, nous devrions nous interroger sur le sens même de notre politique d’aide au développement, sa destination, ses finalités.

Peut-être qu’après avoir retrouvé ou affirmé les valeurs fondamentales, non négociables et non complaisantes de la vraie solidarité, nous aurons moins à débattre des montants et des affectations des crédits. En l’état, tel qu’il est présenté, je ne peux que voter contre ce budget ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Madame la présidente, madame, monsieur les secrétaires d'État, je ne reviendrai pas sur les chiffres, qui ont été fort bien présentés par les orateurs précédents. Je voudrais pour ma part insister sur les questions de stratégie, de lisibilité et d’efficacité, en reprenant les demandes de Michel Charasse. Dans une situation budgétaire contrainte, nous avons plus que jamais intérêt à définir clairement ce que nous voulons faire.

Nous étions récemment à Nankin, avec une délégation importante, pour participer au forum urbain mondial de l’Organisation des Nations unies-habitat. Nous avons eu la confirmation, de manière spectaculaire, que le monde - l’Afrique, bien sûr, mais aussi l’Amérique latine, l’Inde ou encore la Chine – était confronté à une explosion urbaine considérable. Celle-ci est porteuse à la fois de progrès, puisque c’est dans les villes que se créent les échanges, la culture, l’économie, mais également de pauvreté extrême et de ségrégations de toutes sortes.

En termes de stratégie, je plaide pour que la France affiche clairement ses propositions en matière de développement urbain, en modulant celles-ci en fonction des pays et des sites. La réponse n’est pas universelle : il existe une gamme de réponses adaptées aux différentes situations.

Nous devons aussi nous interroger sur la question de l’agriculture vivrière, en particulier dans les pays pauvres d’Afrique, puisque les villes, en consommant l’espace agricole, contribuent d’une certaine manière à réduire l’approvisionnement alimentaire des populations. Ce pourrait être une inflexion nouvelle et, selon moi, intelligente de notre politique.

Alors, que faire pour être plus efficace, comme nous y invite notre rapporteur spécial, Michel Charasse ? Dans ce domaine, où nous disposons d’une grande expertise et de nombreuses compétences, nous devons être mieux organisés.

Le ministère des affaires étrangères a mis en place, depuis un peu plus d’un an, un groupe de travail sur la question urbaine : quelle peut être l’offre française en matière de politique urbaine ? Nous disposons désormais de documents clairs et simples démontrant l’importance de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Surtout pour l’eau, l’assainissement et les ordures.

M. Yves Dauge. En ce sens, je rejoins tout à fait les propos qu’a tenus ma collègue tout à l’heure. Il faut des projets. Or un projet repose avant tout sur un maître d’ouvrage bien identifié, compétent, ainsi que sur une maîtrise d’œuvre c’est-à-dire du professionnalisme.

Bien que nous soyons dans une situation financière contrainte, nous serons plus efficaces si nous sommes mieux organisés et si nous mettons l’accent sur ces deux notions fondamentales.

Il convient de faire le lien avec la coopération décentralisée, les communes françaises étant bien placées pour s’intégrer dans cette vision stratégique et aider à la mise en place des projets – maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, appui institutionnel.

Le ministère des affaires étrangères et européennes compte une délégation pour l’action extérieure des collectivités locales, très appréciée par celles-ci : avec un euro, elle en produit quatre ! Nous n’avons donc pas intérêt à baisser ses crédits, monsieur le secrétaire d’État, et j’espère que vous pourrez y remédier au cours de l’année.

L’État doit avoir un effet de levier avec de tels outils, les collectivités y sont prêtes. Il s’agit en outre de mettre un peu d’ordre et de cohérence dans la stratégie des collectivités, qui auraient tendance à s’éparpiller.

Je souhaite que vous nous annonciez la mise en place des partenariats urbains, monsieur le secrétaire d’État. Les compétences ont été rassemblées pendant un an, sur votre initiative, monsieur le secrétaire d’État, et les différents acteurs sont prêts à travailler ensemble. Nous offririons ainsi une proposition cohérente, qui serait appréciée dans le monde.

Nos moyens doivent être redéployés au service de cette stratégie, ce qui implique parfois une plus grande réflexion avant de passer à l’action. Comme je le dis souvent, on peut faire beaucoup de bêtises avec de l’argent public ! En recherchant une plus grande cohérence en amont, en opérant une planification urbaine, en augmentant légèrement notre investissement intellectuel avant d’investir, on gagnera en efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. François Fortassin et Yann Gaillard applaudissent également.)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, en guise de préambule, de vous remercier de la qualité des travaux qui ont été réalisés au sein de la Haute Assemblée, où j’ai eu le plaisir de retrouver de grands spécialistes de la question de l’aide publique au développement.

Je reviens de la Conférence internationale de suivi sur le financement du développement, qui s’est tenue à Doha. Cette conférence a permis d’obtenir un consensus général sur la réaffirmation de l’objectif de 0,7 % du PNB consacré à l’aide au développement d’ici à 2015.

Le Président de la République, qui exerce la présidence de l’Union européenne, a fait le déplacement. Cette présence a été saluée et les observateurs ont reconnu le succès d’une conférence de haut niveau.

La France est, derrière les États-Unis et l’Allemagne, le troisième bailleur de fonds bilatéral mondial. Notre aide, qui était inférieure à 0,4 % du PNB en 2007, devrait repasser au-dessus de cette barre en 2009 – je reviendrai sur ce point ultérieurement.

Vous constaterez que les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » sont bien en augmentation pour les budgets des trois années à venir, avec une progression de 2,4 % en 2009.

À l’échelon européen, avec la présidence française, je me suis battu pour qu’une enveloppe additionnelle de 1 milliard d'euros d’aide publique au développement soit consacrée à la relance de l’agriculture, j’y reviendrai également tout à l’heure.

Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de citer brièvement quelques chiffres.

Au niveau multilatéral, avec 300 millions d'euros par an, nous resterons, en 2009, le second contributeur, derrière les États-Unis, du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Avec la taxe sur les billets d’avion, nous sommes le premier contributeur de la centrale d’achat de médicaments UNITAID. Sachez que deux enfants malades du sida sur trois dans le monde sont soignés grâce à l’intervention de la France.

Pour un certain nombre de problèmes très importants, nous ne pourrons être efficaces que si nous intervenons dans le cadre des organisations multilatérales. Ce que je dis pour le sida ne vaut pas pour tous les autres sujets, monsieur le rapporteur spécial, je suis d’accord avec vous.

En ce qui concerne notre aide bilatérale, certes, rien n’est parfait. Nous avons dû nous battre pour préserver les ressources nous permettant de financer certains projets, notamment en Afrique subsaharienne.

En accord avec M. le Premier ministre, nous avons obtenu une rallonge budgétaire de 92,5 millions d’euros en autorisations d’engagement sur l’aide-projet, ce qui nous permettra, j’en suis absolument certain, de financer l’ensemble de nos projets, notamment en matière de santé et d’éducation en Afrique subsaharienne. Cette question avait d'ailleurs fait l’objet d’un débat voilà quelques semaines.

Monsieur Charasse, l’initiative « Cap 8 » portée par le ministère comprend un ensemble de mesures répondant à une stratégie globale, fixée par le Président de la République, notamment dans son discours du Cap. Il s'agit de réorienter l’aide publique traditionnelle, que je qualifierais de « sociale », en la doublant d’une action plus spécifique en faveur de la croissance économique.

En effet, nous sommes persuadés que la meilleure recette pour faire reculer la pauvreté et favoriser le développement durable consiste à soutenir la croissance économique.

Les pays qui sont passés de la catégorie des PMA, c'est-à-dire des pays les moins avancés, à celle des pays émergents sont ceux qui ont pu, à un moment ou à un autre, s’accrocher au train de la croissance mondiale et créer des richesses et des emplois.

Tel est précisément le sens de notre action, qui fonde le premier pilier de l’initiative « Cap 8 », le deuxième visant à maintenir, et si possible à faire progresser, le rayonnement et l’influence de la France à travers ses actions culturelles, particulièrement son audiovisuel extérieur.

Pour vous donner des réponses plus concrètes, monsieur Charasse, le premier pilier prévoit la multiplication par trois du nombre de nos volontaires internationaux, qui passeront de 4 400 à près de 15 000, la mise en place, dès l’année prochaine, d’un fonds supplémentaire de 1 milliard d'euros confié à l’AFD, qui permettra de financer des projets de développement économique, enfin, une attention accrue à la question du genre et à la situation des femmes, qui constituent l’une des clefs du développement de l’Afrique subsaharienne.

Par ailleurs, je vous confirme notre intention de fusionner Égide, CampusFrance et France-coopération internationale et de créer un opérateur unique, pour gagner en visibilité et en efficacité. Nous n’avons pas encore décidé définitivement du statut juridique de l’entité qui réunira les trois organismes actuels, mais nous y travaillons.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi de ne pas répondre dans le détail à toutes les questions que vous m’avez posées, mais je ne veux pas excéder le temps qui m’est imparti, ni empiéter sur l’intervention de ma collègue Anne-Marie Idrac. Je tâcherai d’être le plus complet possible et je m’engage à répondre aux autres questions par écrit.

Monsieur Duvernois, s'agissant de la francophonie, il est vrai que certains chiffres peuvent inquiéter, avec une diminution des crédits de 9 % pour le programme 209 et de 13 % pour le programme 195.

Toutefois, je rappelle que nous portons à 415 millions d'euros, contre 287 millions d'euros l’an dernier, les fonds octroyés à l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, ce qui représente une hausse de 44 %. Certes, cette progression ne concerne pas uniquement des crédits à effet de levier, mais elle constitue tout de même un important effort budgétaire, en même temps qu’elle traduit un choix politique.

S'agissant du portail francophone, je vous confirme que ce projet me tient beaucoup à cœur. Il ne s’agit pas de créer un second Google : nous n’en avons pas la prétention,…

Mme Nathalie Goulet. Ni les moyens !

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. …et un tel projet coûterait très cher, pour des résultats qui restent incertains. Nous entendons simplement nous doter d’un outil de modernité, en investissant 300 000 euros pour valoriser les contenus présents sur le Web, notamment s’ils viennent des pays du Sud, si possible francophones.

Oui, monsieur Duvernois, nous nous appuierons de plus en plus sur l’audiovisuel extérieur, dont la réforme s’achève, car il s’agit là, me semble-t-il, d’un outil essentiel pour le rayonnement de la francophonie et pour notre politique d’influence dans le monde.

Je souhaite que l’audiovisuel extérieur, et particulièrement la télévision,…

Mme Nathalie Goulet. Et Radio France Internationale !

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. …soit davantage présent qu’il ne l’est aujourd'hui sur le média global.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Lorsque nous séjournons à l’étranger et que nous zappons devant la télévision nous devons avoir accès beaucoup plus facilement aux contenus francophones, qui sont excellents, même s’ils doivent sans doute être réactualisés, et qui, pour être vus, doivent être présents sur le média global.

S'agissant de la coopération décentralisée, vous savez que cette question me tient particulièrement à cœur. Au sein du ministère, la délégation pour l’action extérieure des collectivités locales encourage toutes les actions en faveur de la francophonie à travers des appels à projets. Je souscris donc tout à fait à vos propos, monsieur Duvernois.

J’en viens à la situation des revues Planète et Planète jeunes, auxquelles, je le sais, vous êtes très attaché, ainsi que M. Charasse. Ces publications de qualité constituent véritablement des tremplins vers le livre.

Le désengagement progressif du ministère a été négocié afin qu’il puisse être compensé par une diversification des partenariats et adossé financièrement à un groupe africain. Je tiens néanmoins à indiquer que cette démarche ne remet pas en cause l’échéancier prévisionnel pour 2010.

Monsieur Vantomme, s'agissant du taux d’APD en pourcentage du revenu national brut, je ne suis pas certain, comme je l’ai déjà souligné devant la commission compétente du Sénat, que nous puissions atteindre l’an prochain l’objectif de 0,47 %. En effet, ce taux dépend des annulations de dettes : si celles-ci ne sont pas complètes, il sera plus proche de 0,41 % ou de 0,42 %.

Au sein de cet effort global, si nous examinons les prises en charge de crédits effectivement constatées, nous nous rendons compte que la France respecte tout à fait les normes CAD/OCDE, c'est-à-dire les standards définis par le Comité d’aide au développement et l’Organisation de la coopération et du développement économiques.

Nous avons profité de la revue de l’aide publique au développement qui a été organisée par l’OCDE pour rencontrer nos partenaires étrangers et tenter de prendre en compte leurs remarques. Nous avons constaté alors que, dans l’ensemble, les critères retenus en la matière par la France et ses partenaires étaient les mêmes.

Monsieur del Picchia, vous avez évoqué longuement nos contributions multilatérales, en soulignant, de même d'ailleurs que bien d’autres intervenants, à commencer par M. Charasse, qu’elles étaient en hausse.

Il est vrai que nous constatons un certain « effet de ciseaux » : dans le cadre d’un budget contraint, si l’aide multilatérale augmente, compte tenu des engagements de la France, que nous respectons bien sûr, les contributions bilatérales en souffrent forcément.

Toutefois, nous retrouverons des marges de manœuvre dans quelques années, puisque notre participation au FED diminuera à partir de 2011. Nous pourrons alors flécher de nouveau des crédits vers nos interventions bilatérales, qui, il est vrai, comme plusieurs orateurs l’ont souligné, sont souvent beaucoup plus visibles et donnent le sentiment d’être bien plus efficaces.

En ce qui concerne à présent le Fonds sida, nous devrons examiner pourquoi les décaissements ne sont pas aussi rapides que nous pourrions le souhaiter. Je sais que la commission des finances et la commission des affaires étrangères veulent s’intéresser de plus près à la gestion de ces fonds multilatéraux. (M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, acquiesce.) Je ne puis que m’en réjouir et vous encourager dans cette voie. Naturellement, nous tiendrons le plus grand compte des conclusions que vous voudrez bien nous adresser à l’issue de cette mission.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'État, il serait utile à cette occasion que la France sensibilise ces fonds à cette mission de contrôle, qui concernera des organismes internationaux, afin que nous soyons accueillis convenablement et que ne subissions pas de rétention d’informations.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Monsieur Charasse, je prends note de votre remarque. Nous mettrons tout en œuvre pour qu’il en aille ainsi.

Monsieur Fortassin, il serait bien sûr formidable que huit euros sur dix versés au titre de la contribution à l’aide publique au développement arrivent sur le terrain et y soient efficaces. Tel est justement notre objectif. D'ailleurs, les participants à la conférence d’Accra ont estimé à l'unanimité que l’efficacité de l’aide au développement devait constituer une priorité.

Monsieur Fortassin, vous avez également évoqué l’aide bilatérale dans le cadre de la coopération décentralisée, sur laquelle je ne reviendrai pas car je me suis déjà exprimé sur cette question.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je lance un appel à chacune et chacun d’entre vous : aidez-nous à faire mieux connaître les projets qui sont soutenus par notre pays !

Ainsi du programme évoqué par M. Fortassin et qui vise à sauvegarder le patrimoine de la ville de Luang Prabang au Laos. Nous connaissons bien ce projet, parce qu’il porte à la fois sur l’hygiène, l’assainissement et le traitement des ordures ménagères, autrement dit les tâches qui nous attendent partout dans les PMA. Je précise que l’Agence française de développement soutient très activement ce projet.

Monsieur del Picchia, vous êtes revenu sur la question des transferts de pensions des ressortissants français, qui a déjà suscité de longs débats. J’ai moi-même évoqué ce dossier lors d’une rencontre bilatérale avec le chef d’État du pays que vous avez évoqué ; j’interviendrai de nouveau dans le sens que vous souhaitez, car le taux de prélèvement appliqué à ces virements bancaires est en effet extrêmement élevé.

Madame Cerisier-ben Guiga, vous m’avez interrogé sur certaines annulations de crédits. Celles-ci concernent, d'une part, des crédits de personnel qui étaient mal dimensionnés au départ et qui ont été « recalibrés » sans que cette mesure affecte en aucun cas les montants des engagements et des décaissements sur l’aide-projet, et, d'autre part, des reliquats de réserves de précaution qui n’ont pas eu à être mobilisés. Par ailleurs, nous sommes bien sûr en mesure de respecter tous nos engagements multilatéraux.

Vous avez également évoqué les règles de comptabilisation de certaines interventions, mais je me suis déjà exprimé sur ce point.

Je voudrais simplement préciser que des annulations de dette d’un même pays ne peuvent apparaître chaque année dans des budgets différents. Nous discutons aujourd'hui de la loi de finances initiale, mais en matière de comptabilisation des annulations de dette, c’est la loi de règlement qui fait foi, parce qu’elle retrace des mouvements qui ont effectivement eu lieu.

Si une annulation de dette est reportée d’un exercice budgétaire sur l’autre, elle n’est bien sûr pas comptabilisée deux fois ; elle est prise en compte l’année où nous parvenons à annuler la dette.

Vous avez aussi souligné combien le paysage de l’aide multilatérale s’était compliqué, et je suis tout à fait d’accord avec vous, madame la sénatrice.

D'ailleurs, comme vous l’aurez remarqué, quand nous avons lancé la nouvelle initiative mondiale pour le développement de l’agriculture, nous avons souhaité créer non pas un fonds spécial, mais seulement une facilité, qui serait utilisée par les organisations existantes, afin de ne pas ajouter encore à la complexité, qui constitue un véritable problème pour le multilatéralisme.

Je suis entièrement d'accord avec vous pour considérer que nous ne devons pas créer de structures supplémentaires, mais au contraire réfléchir à fusionner les organismes existants, à chaque fois que c’est possible.

Monsieur Hue, contrairement à ce que vous avez affirmé, nous ne versons pas dans l’autosatisfaction. Toutefois, la France n’a pas à rougir de son action en matière d’aide publique au développement. Elle reste le troisième pourvoyeur de fonds à l'échelle mondiale, après les États-Unis et l’Allemagne.

Je rappelle que la France consacre à l’aide publique au développement près de dix milliards de dollars et les États-Unis vingt-deux ou vingt-trois milliards de dollars, ce qui permet de mieux apprécier l’effort de notre pays.

Certes, je suis bien conscient que notre objectif de consacrer 0,7 % de notre revenu national brut à l’APD en 2015 sera difficile à atteindre, mais nous n’avons pas à avoir honte de notre action.

Monsieur Hue, vous avez également évoqué le G 20 qui s’est tenu en novembre dernier. Or, sur l’initiative de la France, qui exerce la présidence de l’Union européenne, ce sommet a traité non pas seulement de la remise en ordre de nos institutions financières, mais aussi des questions de développement.

Je vous renvoie notamment à l’article 14 de la déclaration issue des travaux du G 20, qui a donné satisfaction aux pays les plus pauvres, même si ceux-ci ont regretté dans un premier temps ne pas être représentés à travers l’Union africaine.

D'ailleurs, le Président de la République s’est engagé à tout faire pour que, lors du prochain sommet du G 20 consacré à la crise financière, les pays les plus pauvres soient représentés, notamment à travers l’Union africaine.

Quant aux résultats du premier G20, ils sont un sujet de grande satisfaction pour tous les acteurs du développement.

M. Patient a évoqué lui aussi le contrôle du multilatéralisme. J’ai déjà répondu sur ce point.

Enfin, j’indique à M. Dauge que le développement urbain est l’une des grandes priorités du Gouvernement, qu’il garde présente à l’esprit lorsqu’il traite les dossiers d’aménagement technique dont il a été question tout à l’heure : l’eau, l’assainissement et les ordures ménagères. Il est indispensable au développement économique.

En conclusion, si l’aide publique au développement est une bonne chose, elle n’est qu’un moyen parmi d’autres pour parvenir à réaliser les objectifs du Millénaire, qui constituent l’essentiel. Il y a aussi tout ce que nous pouvons faire pour soutenir la croissance. À travers la réorientation de notre politique, l’objectif, c’est la croissance économique, la création de richesses, afin de faire reculer la pauvreté. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure tardive et compte tenu de l’extrême qualité des débats, je me bornerai à aborder deux points : le multilatéralisme et, en réponse, notamment, à M. Edmond Hervé, rapporteur spécial, la situation financière et économique.

S’agissant du multilatéralisme, je me réjouis sincèrement, monsieur Charasse, de l’annonce que vous avez faite d’un prochain contrôle conjoint.

En effet, Christine Lagarde et moi-même avons lancé, voilà quelques semaines, une réflexion stratégique concernant la Banque mondiale.

Elle portera sur l’équilibre, qui me semble bon, entre multilatéralisme et bilatéralisme, sur une meilleure utilisation de l’effet de levier, et le recentrage de nos actions sur nos priorités.

Je confirme, à cet égard, nos deux priorités essentielles : l’Afrique et l’environnement, plus particulièrement la gestion de l’eau et l’urbanisation, cette dernière ayant notamment été évoquée par M.  Dauge. Nous avons, cette année, privilégié l’environnement.

Il sera intéressant de vérifier que la France reste bien en deuxième position, de par le nombre de ses agents travaillant au sein de la Banque mondiale.

Je ne doute pas que d’autres organismes multinationaux – le FED, pour ne pas le nommer, puisqu’il a été évoqué à plusieurs reprises – bénéficieront de votre vigilance, qui stimulera à coup sûr la réflexion du Gouvernement. Vous pouvez compter sur la plus totale collaboration des services de Bercy, de ceux de Mme Christine Lagarde et des miens.

La visibilité des choix et des actions réalisées sur le terrain est extrêmement importante.

J’en viens à un dossier qui a été moins évoqué par mes collègues MM. Brice Hortefeux et Jean-Pierre Joyandet : la gestion des crises.

Conformément à l’un des engagements du Président de la République, nous sommes intervenus avec force pour lutter contre la crise alimentaire qui sévit depuis le début de l’année, et qui s’est un peu atténuée depuis quelques semaines.

Je ne vais pas entrer dans le détail : je préciserai simplement que tous les instruments dont nous disposons ont été mobilisés, qu’il s’agisse d’aides financières stricto sensu ou de prêts fléchés, plus traditionnels.

Nous avons également décidé de consacrer 1 milliard d’euros à l’agriculture africaine, afin de remédier quelque peu au désintérêt dont ont malheureusement fait preuve les institutions internationales à l’égard de l’agriculture vivrière.

Au-delà de la crise alimentaire, j’en viens à la situation économique et financière.

Elle entraîne des difficultés spécifiques pour les pays en développement : le retrait de capitaux, qui dépendent des investissements internationaux, publics ou privés, ou encore le ralentissement des transferts effectués par les travailleurs expatriés, eux-mêmes en difficulté dans les pays industrialisés, et qui ont donc moins d’argent à envoyer dans leur pays d’origine.

Nombre de pays émergents ou en transition ont déjà été touchés par ce phénomène et certain d’entre eux ont fait appel au FMI ou à d’autres soutiens multilatéraux.

S’agissant de l’Afrique, j’ai présidé, voilà quelques semaines, le conseil des ministres de la zone franc. Les analyses qui résultent des dernières estimations disponibles font état d’une certaine résilience – pour employer un mot à la mode – des économies africaines : en zone franc, la croissance pourrait se maintenir à environ 3 % en 2008.

Le premier des risques encourus par l’Afrique est un risque de manque de liquidités et de difficultés d’accès au crédit pour les investisseurs et les entreprises. Ce risque que nous connaissons dans les pays industrialisés peut être encore plus grand dans les pays en développement.

C’est la raison pour laquelle on peut considérer comme particulièrement bienvenu le fait que l’année 2008 ait été marquée par le coup d’envoi de l’« Initiative pour le soutien à la croissance en Afrique », annoncée par le Président de la République à l’occasion de son discours dit « du Cap ». Il s’agit justement de prêts à un moment où les pays dont nous parlons risquent d’en manquer. De même, il est intéressant que l’Agence française de développement intervienne de plus en plus pour accorder des prêts. Cela arrive à point nommé.

Le second risque encouru, d’ordre économique, et non plus financier, c’est la contraction des exportations à la fois vers les pays développés et vers les pays émergents ou en transition, autrement dit le commerce Sud-Sud.

Pour faire face à ce second risque, nos interventions bilatérales et multilatérales tendent à développer une forte dimension contracyclique.

L’AFD a ainsi créé un prêt très concessionnel contracyclique, le PTCC, qui permet de concilier l’augmentation des engagements sous forme de prêts dans les pays les moins avancés, notamment en Afrique subsaharienne, tout en assurant la soutenabilité de leur endettement.

Le FMI, pour sa part, utilise ses instruments d’intervention dans les pays à faible revenu, principalement la « Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance », pour compenser les effets de la hausse des prix énergétiques et alimentaires, qui, au début de l’année, a fortement grevé les budgets de ces pays, compte tenu des mécanismes de subventions aux consommateurs qu’ils ont dû mettre en place pour des raisons sociales.

À la demande de la France, notamment, le FMI a par ailleurs réformé sa « Facilité de protection contre les chocs exogènes » – on est vraiment au cœur du sujet – pour la rendre plus flexible et plus réactive qu’elle ne l’était. Il est vrai que, malheureusement, la crise n’attend pas.

De même, et nous nous en réjouissons, la Banque mondiale a mis en place, pour lutter contre la crise alimentaire, une facilité d’urgence qui a été dotée de 200 millions de dollars à partir du revenu net de la Banque et dont le mode de fonctionnement est très réactif.

L’un des rapporteurs spéciaux, M. Edmond Hervé, suggère que le Club de Paris adopte ce type de comportement et d’approche. La France y est très favorable, elle tentera de convaincre ses partenaires, mais vous savez qu’il faut obtenir un consensus.

Je terminerai en indiquant que le Gouvernement présentera un amendement visant à augmenter les crédits du compte spécial « Prêts à des États étrangers », afin de pouvoir octroyer des prêts permettant de relancer, dans des pays émergents, de grands projets tout en contribuant à l’activité des entreprises françaises. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Aide publique au développement

Aide publique au développement - Compte spécial : Accords monétaires internationaux - Compte spécial : Prêts à des Etats étrangers
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 37 et état D

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Aide publique au développement

3 370 362 664

3 152 342 664

Aide économique et financière au développement

1 335 237 147

1 053 517 147

Solidarité à l’égard des pays en développement

2 008 789 397

2 074 489 397

Dont titre 2

230 827 648

230 827 648

Développement solidaire et migrations

26 336 120

24 336 120

Mme la présidente. L'amendement n° II-3, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

 

12.000.000

 

12.000.000

Solidarité à l'égard des pays en développementDont Titre 2

12.000.000

 

12.000.000

 

Développement solidaire et migrations

 

 

 

 

TOTAL

12.000.000

12.000.000

12.000.000

12.000.000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Cet amendement vise à faire glisser 12 millions d’euros du programme 110 vers le programme 209.

Comme l’ont rappelé plusieurs orateurs, et le ministre l’a reconnu tout à l’heure, l’aide-projet bilatérale financée par le programme 209 connaît une forte baisse en 2009, de 49 % pour les autorisations d’engagement et de près de 22 % pour les crédits de paiement. Cette inflexion est très préjudiciable à la visibilité et à la portée politique de notre aide.

Les subventions à l'Agence française de développement au titre des dons-projets n'échappent pas à ce mouvement. Selon les données qui nous ont été fournies par l'Agence française de développement, elles seraient de seulement 177 millions d'euros, auxquels s'ajouteraient, comme cette année, 31 millions d’euros de prélèvement sur le dividende, soit un total de 208 millions d’euros, contre 226 millions d’euros en 2008.

Il se trouve qu’en examinant de près les crédits, mes collaborateurs de la commission des finances et moi-même nous sommes aperçus qu’une fois de plus nous n’avions pas reçu les éléments demandés en ce qui concerne les modalités de calcul et donc les justifications de la rémunération versée par l’État à l’Agence française de développement.

Nous avons constaté que la somme inscrite au programme 110 pour cette rémunération dépassait manifestement d’une douzaine de millions d’euros le montant nécessaire pour rémunérer l’Agence, compte tenu de ce qui peut être raisonnablement prévu en ce qui concerne ce que l’État lui devra au titre de la rémunération de ses prestations pour services.

Dans le contexte actuel, dont beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, ont souligné la tension – ils ont évoqué les protestations d’un certain nombre d’États, d’associations, d’ONG, de personnalités –, il nous a paru utile, sans prétendre, bien entendu, bouleverser l’équilibre des choses, – et les membres de la commission des finances nous ont suivis sur ce point – de remonter légèrement l’aide-projet en la faisant bénéficier de ces 12 millions d’euros inscrits en trop, de façon qu’elle bénéficie cette année de 220 millions d’euros, contre 226 millions d’euros l’an dernier, une différence qui représente, au fond, ce qu’on appelle familièrement « l’épaisseur du trait ».

Cette démarche, mes chers collègues, est en parfaite cohérence avec les annonces de politique française d’aide aux pays pauvres que le monde a entendues à plusieurs reprises ces temps derniers, et la semaine dernière encore avec le dernier discours du Président de la République sur ce sujet.

L’objectif de la commission des finances est non seulement d’améliorer l’aide-projet, dont il a été dit tout au long de ce débat qu’elle était la seule vraiment visible et palpable par les populations bénéficiaires, mais, surtout, de ne pas dégrader, dans le monde, l’image de notre pays pour une « bricole » de 10 millions d’euros ou 15 millions d’euros.

Certes, nous ne faisons pas aussi bien que l’année dernière. Mais 220 millions d’euros contre 226 millions d’euros l’an passé, c’est quand même plus présentable que 208 contre 226.

Tel est l’objet de cet amendement, qui, vous l’avez bien compris, mes chers collègues, ne dégrade en rien le solde de la loi de finances.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-191, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement des programmes : « aide économique et financière au développement » et « solidarité à l'égard des pays en développement », remplacer (quatre fois) le montant :

12 000 000

par le montant :

8 000 000

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur spécial, le Gouvernement salue le bien-fondé de la démarche de la commission des finances et vous donne son accord de principe quant à votre souhait de renforcer le financement de l’aide-projet, qui a été au cœur de nombre de discussions pendant toutes les semaines passées.

Toutefois, il est quelque peu en désaccord avec vos chiffres : ceux dont il dispose laissent apparaître une différence non pas de 12 millions d’euros, mais plutôt de 8 millions d’euros, d’où le dépôt de ce sous-amendement, qui vise à rétablir la réalité des chiffres tels que nous avons pu les récoler.

Monsieur le rapporteur spécial, nous sommes prêts à suivre votre démarche, sous réserve que le sous-amendement du Gouvernement soit adopté, ce qui nous permettrait de ramener à 8 millions d'euros les crédits ainsi transférés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'État, l’amendement n° II-3 est un amendement de la commission des finances et, à cet égard, je suis heureux de parler sous le contrôle du président Jean Arthuis, présent parmi nous. Bien entendu, la commission n’a pas été saisie du sous-amendement du Gouvernement.

J’imagine que le président de la commission des finances ne pourra que se réjouir de mes propos. En effet, ce n’est pas la première fois que nous nous interrogeons sur le mode de calcul de la rémunération de l’Agence française de développement, que nous posons des questions au Gouvernement, et ce n’est pas la première fois que l’on ne nous répond pas ! Lorsque les bureaux ministériels compétents ont été confrontés à cet amendement, qui les a un peu surpris, ils se sont retrouvés comme pris à leur propre piège et ils tentent maintenant, sordidement, de récupérer 4 millions d'euros pour ne pas complètement perdre la face ! (Sourires.)

Bien entendu, je ne peux pas préjuger de ce qu’aurait décidé la commission, puisqu’elle n’a pas été saisie. Mais, véritablement, je trouve que passer de 208 millions à 220 millions d'euros, c’est mieux que de passer de 208 millions à 216 millions d'euros, et ce uniquement pour satisfaire l’ego d’un ou deux bureaux qui, enfin, sont contraints de nous dire les choses telles qu’elles sont.

Madame, monsieur le secrétaire d'État, je tiens à remercier vos collaborateurs, en particulier celui qui est très gentiment venu me voir tout à l’heure, en me donnant, dans le couloir, votre méthode de calcul ! (Rires.) Rapporteur spécial de ce budget, grâce à la confiance de la commission, depuis 1992, j’ai donc attendu je ne sais combien d’années pour obtenir, enfin, la méthode de calcul dans le couloir !

Il se trouve que je ne suis pas convaincu du tout par ce sous-amendement et par cette méthode de calcul, qui conduirait le Gouvernement à nous « raboter » 4 millions d'euros, tout en nous expliquant, dans son exposé des motifs, que, malgré une telle diminution, le budget augmente de façon formidable. Voilà une contorsion qui peut donner des problèmes de vertèbres à partir d’un certain âge. (Sourires.) À mon avis, la base de calcul est partiellement erronée.

Je n’ai pas le droit de modifier l’amendement de la commission, c’est la règle. À titre personnel, donc, – mais, en tant que rapporteur spécial, je connais un petit peu la matière – je me réjouis que le Gouvernement se soit enfin décidé à bouger et qu’il nous donne, à partir de maintenant, la fiche de calcul. Même si celle de cette année est inexacte, j’espère que l’on aura la bonne l’année prochaine !

Mes chers collègues, il s’agit de l’aide aux pays pauvres, de l’aide-projet, de la visibilité du drapeau de la France dans ces pays. Je trouve navrant d’avoir, à cette heure tardive, à « mégoter » pour 4 millions d'euros !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur spécial, puisque nous nous disons tout – y compris les bruits de couloir –, sachez que je souhaitais absolument, sur ce sujet technique, faire la part des choses et obtenir des comparatifs chiffrés afin de pouvoir vous donner une réponse qui soit, sur le plan budgétaire, la plus sincère et la plus transparente possible.

Force est de constater qu’entre votre calcul et le nôtre il y a effectivement une différence. Je vous rejoins quand vous dites que tout cela paraît quelque peu délicat compte tenu de la nécessité de prévoir des moyens supplémentaires pour l’aide au développement. Vous avez employé le terme « mégoté » : je le reprends bien volontiers à mon compte ! (Sourires.)

Par conséquent, monsieur le rapporteur spécial, en accord avec ma collègue Anne-Marie Idrac, je suis prêt, sur cette question, à laisser le Sénat, dans sa sagesse, décider de l’issue de votre démarche. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Sur ce sujet, je n’ai pas l’intention de me chamailler avec le Gouvernement, encore moins avec Alain Joyandet. J’ai été, pendant très longtemps, son voisin de bureau dans cette maison, et nous avons toujours eu les meilleurs rapports du monde !

Je le remercie de sa démarche. Il ne s’agit pas d’une querelle politicienne : c’est une différence d’appréciation sur une fiche de calcul. Si cela portait, mes chers collègues, sur 40 millions ou 50 millions d'euros, je vous dirais : « rendons les armes » ! Mais, à ce niveau d’homéopathie, l’avis de sagesse que vient d’émettre M. le secrétaire d'État, se rappelant tout de même que, dans cette maison, c’est un avis qui est généralement apprécié, ne peut que me réjouir, d’autant que j’ai cru comprendre qu’il retirait le sous-amendement.

Bien évidemment, si jamais je m’étais gravement trompé – ce dont je doute – la commission mixte paritaire pourra toujours rectifier. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d'État, le sous-amendement n° II-191 est-il maintenu ?

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Madame la présidente, formellement, j’aurais préféré maintenir mon sous-amendement. Cela étant, puisqu’il doit être mis aux voix avant l’amendement et dans la mesure où je m’en suis remis à la sagesse du Sénat, je retire ce sous-amendement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-191 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° II-3.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés)

compte spécial : accords monétaires internationaux

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article additionnel avant l'article 59 quinquies

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Accords monétaires internationaux », figurant à l’état D.

état d

(En euros)

Accords monétaires internationaux

0

0

Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine

0

0

Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale

0

0

Relations avec l’Union des Comores

0

0

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de ce compte spécial.

(Ces crédits sont adoptés.).

compte special : prêts à des états étrangers

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen des crédits du compte spécial « Prêts à des États étrangers », figurant à l’état D.

État D

(En euros)

Prêts à des États étrangers

2 528 960 000

2 147 960 000

Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure

350 000 000

180 000 000

Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

1 808 960 000

1 808 960 000

Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

370 000 000

159 000 000

Mme la présidente. L'amendement n° II-185, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure

350 000 000

Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

TOTAL

350 000 000

SOLDE

350 000 000

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, le programme 851 « Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure » permet d'accorder des prêts à des pays en développement pour la réalisation d’un certain nombre de projets d'infrastructures.

Parmi les projets qui ont ainsi été financés ces dernières années, je peux notamment vous citer ceux-ci : en 2006, le métro de Hanoï ou des véhicules de lutte contre l’incendie en Chine ; en 2007, le métro du Caire, du transport ferroviaire au Vietnam ou des données cadastrales au Sri Lanka ; en 2008, le fameux projet de TGV au Maroc, l’assainissement en Mongolie, la qualité de l’air à Oulan-Bator ; tout récemment encore, je me suis rendue à Tbilissi, en Géorgie, pour officialiser le financement de la reconstruction d’un radar détruit par l’armée russe l’été dernier.

Or la crise financière a provoqué une raréfaction des financements de marché, qui intervenaient dans nombre de projets de ce type. Les pays acheteurs demandent à nos entreprises d’apporter des financements pour lesquels il a paru nécessaire d’abonder les crédits du programme 851.

Le Gouvernement souhaite ainsi être en mesure de continuer à apporter son soutien, en 2009, à de tels « grands contrats », lesquels représentent environ 10 % des exportations françaises.

Tel est donc l’objet de cet amendement, qui est, je le répète, directement lié à l’évolution de la situation financière constatée au cours des dernières semaines.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial. Bien évidemment, la commission des finances n’a pas pu examiner cet amendement, mais j’ai fait part tout à l’heure, lors de mon intervention initiale, de mon accord de principe sur la mesure proposée. Il s’agit, en effet, de favoriser l’expansion d’un certain nombre d’entreprises nationales dans le cadre de la coopération.

La commission aurait, me semble-t-il, émis un avis favorable sur cet amendement ; je parle sous l’aimable contrôle de son président.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-185.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Prêts à des États étrangers », figurant à l’état D.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés)

Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 59 quinquies et 59 sexies et l’amendement tendant à insérer un article additionnel, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Article 37 et état D
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 59 quinquies

Article additionnel avant l'article 59 quinquies

Mme la présidente. L’amendement n° II-23, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Avant l'article 59 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La totalité du résultat net bénéficiaire de l'Agence française de développement au titre d'un exercice est versée aux recettes non fiscales du budget général de l'État au plus tard le 31 décembre de l'année de sa constatation.

II. - Les dispositions du I s'appliquent au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2008.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Depuis de nombreuses années, la Cour des comptes soulève une irrégularité commise régulièrement, chaque année, et qui concerne l’affectation des résultats de l’Agence française de développement.

Logiquement, ces résultats devraient être rattachés aux recettes du budget général de l’État, puis éventuellement recyclées en crédits, donc donner lieu à une double opération de recettes et de dépenses. Or, comme on l’a dit à propos du précédent amendement – vous avez vu que le crédit budgétaire était complété par l’utilisation des résultats de l’Agence française de développement –, l’habitude a été prise de prélever directement sur les bénéfices de l’Agence les crédits nécessaires pour financer en particulier l’aide-projet.

Mes chers collègues, tout le monde le sait, y compris ceux qui sont maires, cela s’appelle une contraction recettes-dépenses. Et la Cour des comptes demande, depuis des années, que l’on mette un terme à ce processus.

M. René Garrec. Absolument !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ce qui m’a conduit à proposer cet amendement à la commission des finances, c’est le souci du respect strict de la loi organique. La commission des finances fait tout et quotidiennement pour obtenir le respect de cette loi par les divers opérateurs et acteurs concernés. Elle vous suggère donc de mettre un terme à ce processus.

L’amendement, adopté en commission, prévoit que la totalité du résultat net bénéficiaire de l’Agence au titre d’un exercice sera versée, lorsque ce résultat aura été constaté, en recettes au budget général, et que ces dispositions s’appliquent au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2008.

Si Mme et M. le secrétaire d’État le veulent bien, je vais dire un mot, pour gagner du temps, sur le sous-amendement du Gouvernement.

Le Gouvernement propose deux modifications.

La première, qui se trouve en fait en deuxième position dans le texte du sous-amendement, consiste à dire : 2008, c’est trop court ; 2009 nous arrangerait mieux.

La commission n’a pas été consultée, mais je suis persuadé qu’elle aurait approuvé cette modification. Je m’étais d’ailleurs moi-même interrogé, lorsque j’ai présenté l’amendement en commission, en pensant qu’il valait mieux éviter de perturber la gestion 2009. Au fond, je suis plutôt favorable à ce recul d’un an, mais je n’engage pas la commission !

Seconde modification, le Gouvernement souhaite que le versement au budget général ne concerne plus la totalité du résultat net bénéficiaire, mais le seul dividende. Toujours à titre personnel, puisque la commission n’a pas été saisie, je ne peux pas être défavorable à cette modification, car en suivant ma rédaction première, approuvée par la commission, l’Agence française de développement deviendrait une exception à la règle selon laquelle les établissements publics, les entreprises nationales, etc., ne versent à l’État qu’un dividende, et pas la totalité de leurs résultats.

Par conséquent, sans avoir consulté naturellement la commission des finances, je suis à peu près convaincu – et je parle sous le contrôle de son président – qu’elle aurait donné son accord à ces deux modifications.

Vous voyez, monsieur le secrétaire d’État, je ne suis pas toujours désagréable ! (Sourires.)

M. Alain Joyandet, secrétaire d’État. Je n’ai pas dit cela !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ainsi, nous mettons un terme à la violation systématique de la loi organique, qui interdit de contracter recettes et dépenses.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-206, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Au deuxième alinéa de l'amendement n° II-23, remplacer les mots :

résultat net bénéficiaire

par le mot :

dividende

II. - Au dernier alinéa du même amendement, remplacer le millésime :

2008

par le millésime :

2009

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. J’ai quatre raisons de remercier M. Charasse.

Premièrement, il nous aide, avec le président Jean Arthuis, à aller dans le sens de la rigueur budgétaire et de l’absence de contraction des recettes et des dépenses. Nous sommes d’accord avec vous, monsieur le rapporteur spécial !

Deuxièmement, il a largement fait mon travail en expliquant pourquoi le sous-amendement du Gouvernement était excellent.

Troisièmement, il accepte que nous travaillions sur l’affectation non pas du résultat, mais seulement du dividende, pour la raison qu’il a exposée.

Quatrièmement, il est d’accord pour que cette mesure de lisibilité favorable soit reportée et ne s’applique que l’année prochaine.

En effet, il faut bien avoir les chiffres en tête. Nous avons bâti ce budget avec des sommes très importantes : 100 millions d’euros sont prévus au titre des bonifications de prêts de l’AFD aux États étrangers et 104 millions d’euros au titre des contrats de désendettement et de développement. Si nous avions opéré dès cette année l’affectation préconisée par la commission des finances, ces sommes nous auraient fait défaut.

Nous remercions M. le rapporteur spécial d’avoir accepté, si j’ai bien compris, de reprendre à son compte le sous-amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-206.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-23, modifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l’article 59 quinquies.

Article additionnel avant l'article 59 quinquies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 59 sexies

Article 59 quinquies

Le premier alinéa du III de l’article 44 de la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998) est ainsi rédigé :

«  Chaque année avant le 15 septembre, le Gouvernement remet aux commissions du Parlement chargées des finances et des affaires étrangères un rapport présentant : ».  – (Adopté.)

Article 59 quinquies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural

Article 59 sexies

Après les mots : « financement de », la fin du premier alinéa de l’article 19 de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l’engagement éducatif est ainsi rédigée : « projets de solidarité internationale, à la rémunération de personnels des associations intervenant dans le domaine de la jeunesse, de l’éducation populaire, du sport, de la culture ou de la protection de l’environnement ou concourant à l’action sociale des collectivités publiques, ainsi qu’au versement des indemnités ou cotisations relatives au volontariat de solidarité internationale aux associations ou organismes agréés dans ce cadre. »  – (Adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze.)

Article 59 sexies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Compte d’affectation spéciale :

Développement agricole et rural

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » (et articles 59 A à 59 D, 59, 59 bis, 59 ter et 59 quater) et du compte spécial « Développement agricole et rural ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les intervenants qui vont se succéder au cours de la discussion des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » sont, comme à l’accoutumée, nombreux. Aussi me permettrez-vous de centrer mon intervention, monsieur le ministre, sur les principales questions que la commission des finances s’est posées au vu des crédits prévus pour 2009.

Nos débats ont pour toile de fond à la fois les difficultés que traverse le monde agricole et le bilan de santé de la politique agricole commune, la PAC. Ce contexte résume à lui seul la mission délicate de tout ministre de l’agriculture : mettre en œuvre une politique largement communautarisée, avec les contraintes réglementaires que cela emporte, au bénéfice d’un secteur économique stratégique, mais ô combien ! vulnérable aux aléas économiques, climatiques et sanitaires.

Votre mission budgétaire, monsieur le ministre, intègre désormais un programme consacré à la sécurité et à la qualité sanitaire de l’alimentation, et votre ministère a entrepris sa réorganisation, conformément aux préconisations de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Cette réorganisation est ambitieuse, puisqu’elle passe, entre autres, par le resserrement de l’administration centrale, la fusion des directions départementales de l’équipement, les DDE, des directions départementales de l’agriculture, les DDA, et des offices, ainsi que du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, CNASEA et de l’Agence unique de paiement.

J’ai cru comprendre que vos services étaient « en ordre de bataille » pour fonctionner, dès le 1er janvier 2009, selon ce nouveau schéma. Cela nécessitera pour partie, et dans les plus brefs délais, une traduction législative. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quand et dans quelles conditions cette traduction doit intervenir ? Par parenthèses, je forme le vœu que cette réorganisation administrative accélère les délais de réponse du ministère au questionnaire budgétaire, puisque, cette année, seulement 37,7 % des réponses me sont parvenues dans les délais prescrits par la loi organique.

Pour la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » sont prévus, en 2009, 3,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,5 milliards d’euros en crédits de paiement, dont la moitié de dépenses d’intervention. Nous nous doutons que les crédits de cette mission sont « budgétés au plus juste » ; l’exécution des années passées a souvent démontré le caractère insuffisant de certaines dotations, en particulier lorsqu’il s’agit de faire face aux nombreux aléas qui frappent le monde agricole.

À cet égard, monsieur le ministre, le plan d’urgence que vous venez d’annoncer en faveur de l’agriculture témoigne à nouveau des difficultés du pilotage budgétaire que vous devez assumer. Ce plan a fait débat au sein de notre commission et mes collègues ont formé le vœu que votre intervention à venir soit l’occasion d’en détailler le financement.

Nous nous sommes également interrogés sur la programmation pluriannuelle de vos crédits, qui prévoit une baisse des crédits de paiement du programme 154, soit votre principal programme d’intervention, de près de 17 % en 2010. Cette baisse semble gagée sur des redéploiements attendus de la réforme de la PAC, dont nous sommes désireux de connaître la teneur et les montants.

L’examen détaillé de vos crédits conduit à se demander si certaines « poches de sous-budgétisations » ne demeurent pas au sein de cette mission. Que penser des montants alloués à la gestion des crises et aléas climatiques, économiques et sanitaires ? J’observe, par exemple, et une fois de plus, qu’il n’y a pas de crédits pour le Fonds national de garantie des calamités agricoles, alors même que la commission des finances, qui est têtue, se voit régulièrement soumettre des projets de décrets d’avance venant abonder ce fonds en gestion.

Que penser, ensuite, des 13,7 millions d’euros prévus au titre de la lutte contre la fièvre catarrhale ovine, la FCO, dont ma collègue Nicole Bricq, en sa qualité de rapporteur spécial, a souvent relevé la sous-budgétisation chronique ? D’après vos services, ce montant devrait être suffisant dans la mesure où les frais importants de vaccination de l’année 2008 seront dorénavant pris en charge non pas par l’État, mais par les éleveurs et, éventuellement, par l’Union européenne.

La même question se pose s’agissant plus particulièrement du montant prévu au titre des « indemnisations de mortalité », soit 1,5 million d’euros. Cette prévision est fondée sur une hypothèse de prophylaxie basse dont nous nous demandons si elle est réaliste, compte tenu de l’ampleur de la reprise épizootique de l’automne 2008.

Je pourrais également évoquer l’absence de crédits dévolus au paiement des refus d’apurement communautaire, cette épée de Damoclès qui pèse annuellement sur votre budget et dont la loi de finances rectificative vient traditionnellement régler la facture. L’audition à laquelle la commission a procédé le 13 novembre dernier sur ce sujet a été pleine d’enseignements, et je persiste à juger nécessaire la budgétisation, en loi de finances initiale, de ces pénalités financières, au moins pour leur montant correspondant au taux d’erreur incompressible dans l’application de la réglementation communautaire.

Je dirai un mot, à présent, de la traduction budgétaire des décisions prises dans le cadre de la RGPP. Ainsi que vous le faites valoir, les conseils successifs de modernisation des politiques publiques ont validé la plupart des dispositifs d’intervention nationaux que votre ministère met en œuvre en faveur du monde agricole.

La RGPP se traduit néanmoins, en 2009, par des baisses significatives ou des suppressions de crédits en matière d’hydraulique agricole, d’animation rurale ou de préretraites.

Au chapitre de la RGPP, permettez-moi de saluer la réforme du service public de l’équarrissage, le SPE. Celle-ci est réclamée depuis longtemps par la commission des finances, et ma collègue Nicole Bricq et moi-même y avons consacré par moins de deux rapports d’information.

Le fait que la réforme ait été opérée par voie d’amendement gouvernemental à l’Assemblée nationale a conduit la commission des finances à en examiner les contours dans une certaine urgence. Aussi, je serais heureux que vous y reveniez, monsieur le ministre, afin d’éclairer plus particulièrement le Sénat sur le calendrier de résorption de la dette du SPE, sur l’avenir de la taxe d’abattage et sur les négociations en cours concernant l’instauration d’une cotisation volontaire obligatoire pour financer, à l’avenir, les missions d’équarrissage.

J’en viens un instant à la situation de deux opérateurs du ministère chers à la commission des finances.

Les orientations annoncées pour l’évolution des haras nationaux sont conformes aux recommandations que nous avons formulées : recentrage des haras sur leurs missions de service public, évolution vers un « office du cheval permettant de mieux structurer la filière », plan de réduction des effectifs de l’opérateur à hauteur de 147 équivalents temps plein, ou ETP, sur 2009-2011, qui se traduira par la diminution progressive de la subvention pour charges de service public. Il ne reste qu’à matérialiser ces orientations dans le contrat d’objectifs 2009-2013 de l’opérateur, qui tarde un peu à paraître.

L’Office national des forêts verra, quant à lui, sa subvention diminuer à 167 millions d’euros en 2010 et 161 millions d’euros en 2011, et l’établissement devra verser un dividende à l’État en fonction de l’évolution des cours du bois. Il lui sera demandé de réaliser des gains de productivité et de réduire ses effectifs selon la trajectoire définie par son contrat d’objectifs 2006-2011, soit 1,5 % par an et 458 ETP sur 2009-2011.

La commission des finances y sera attentive ; elle a confié à la Cour des comptes une enquête sur l’ONF en 2009. Cette enquête permettra d’évaluer à mi-parcours l’exécution par l’opérateur de son contrat d’objectifs et d’examiner comment il met en œuvre les décisions de la RGPP et les orientations du Grenelle de l’environnement et des Assises de la forêt.

Nous nous pencherons également sur la question du paiement par l’ONF de la taxe foncière sur les propriétés non bâties portant sur les forêts domaniales de l’État. L’Office semble désormais se considérer comme non assujetti, dans la mesure où il n’est pas propriétaire des forêts en question. Cela occasionne une perte de recettes potentiellement importante et non compensée pour les communes concernées ; l’avis du ministre de l’agriculture sur cette question nous serait précieux.

Je relève, enfin, que le ministère de l’agriculture est orphelin de l’un de ses opérateurs en 2009. En effet, l’Agence française d’information et de communication agricole et rurale, l’AFICAR, a prononcé sa dissolution le 11 septembre 2008, ce dont je me félicite compte tenu des insuffisances que j’ai pu relever dans le fonctionnement de cette agence au cours du contrôle que j’ai mené en 2008.

Le Programme d’action prioritaire 2009 prévoyait de redéployer les 1,4 million d’euros de crédits de l’AFICAR au profit d’opérations de communication décidées sur l’initiative de la profession agricole. Notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur spécial de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a proposé d’affecter cette somme aux charges de bonification des prêts aux Coopératives d’utilisation du matériel agricole, les CUMA, et au bénéfice des associations œuvrant en faveur du monde rural. Nous vous proposerons de revenir sur une partie de cette affectation, car nous considérons que la suppression de l’AFICAR doit se traduire par une économie nette pour le budget du ministère.

S’agissant enfin du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », je maintiens, monsieur le ministre, que la justification des crédits doit être améliorée pour garantir que les subventions ne sont pas distribuées en vertu d’une logique « d’abonnement aux aides » des chambres d’agriculture et des instituts techniques.

Sous réserve des amendements qu’elle vous proposera, la commission des finances recommande l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », du compte spécial « Développement agricole et rural » et des articles rattachés. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, d’abord, vous donner un aperçu général du budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », ensuite, évoquer la RGPP, qui bouleverse l’organisation du ministère, enfin, vous dire un mot de la filière vitivinicole.

Mais je commencerai, monsieur le ministre, par saluer l’énergie que vous avez déployée, tout au long de cette année, en faveur du monde agricole, dont vous avez su défendre au mieux les intérêts au fil des dossiers plus délicats les uns que les autres que vous avez eu à traiter.

Permettez-moi donc de vous féliciter, même si la présidence française de l’Union européenne n’est pas encore terminée, de la volonté farouche avec laquelle vous avez défendu l’agriculture française et européenne, au sein des vingt-sept États membres comme devant l’Organisation mondiale du commerce.

Mais revenons aux crédits de la présente mission. Tout d’abord, je serai rapide, mon excellent collègue Joël Bourdin ayant déjà tout dit, ou presque. (Sourires.)

Je tiens simplement à souligner l’effort budgétaire réalisé cette année : dans le contexte très contraint que nous connaissons, une hausse de l’enveloppe globale, aussi limitée soit-elle, est un signe encourageant pour le secteur agricole.

Si la baisse des crédits d’engagement et les perspectives pluriannuelles peuvent susciter l’inquiétude, les dotations prévues pour 2009 permettent cependant de sécuriser le financement de ce qui constitue le « cœur de métier » du ministère, c’est-à-dire l’installation, la stratégie économique, les mesures agro-environnementales, ou encore la sécurité et la qualité sanitaire de l’alimentation ; ces différents domaines sont bien traités dans le présent projet de budget.

Certains points posent cependant problème. D’abord, les crédits destinés au dispositif d’aide aux agriculteurs en difficulté, dit AGRIDIFF, déjà divisés par deux en 2008, reculent de 20 % cette année : ils s’élèvent à 4 millions d’euros, alors que les besoins en matière de soutien augmentent, en même temps que s’accroissent les difficultés rencontrées par les agriculteurs.

Ensuite, avec une enveloppe reconduite à 32 millions d’euros, le soutien au développement de l’assurance récolte se situe en deçà des attentes, comme nous l’annonçait notre collègue Daniel Soulage dans le rapport qu’il nous présentait il y a quelques semaines sur la proposition de loi tendant à l’extension de l’assurance récolte obligatoire.

Sur ce dossier, vous avez renvoyé, monsieur le ministre, aux résultats du bilan de santé de la PAC. Maintenant que celui-ci est acté, pouvez-vous nous indiquer quel usage vous comptez en faire pour soutenir les dispositifs assurantiels ?

M. Aymeri de Montesquiou. Le meilleur usage !

M. Gérard César, rapporteur pour avis. L’autre point sensible concerne les crédits destinés à des associations œuvrant en faveur du développement rural, qui sont réduits de 7 millions d’euros en ce qui concerne la part nationale. Que proposez-vous pour pérenniser le travail de ces structures, qui est souvent très utile localement ?

Enfin, nous nous interrogeons sur la baisse de 2,7 % des crédits du programme « Forêt », qui nous paraît en décalage avec les objectifs de développement de la filière forêt-bois fixés par le Grenelle de l’environnement et par les Assises de la forêt. Là encore, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer quant au soutien à ce secteur important pour notre économie ?

J’en viens maintenant à l’impact de la RGPP sur les crédits ministériels. Depuis plusieurs années, votre ministère s’est engagé dans une politique très importante de réorganisation de ses services et établissements publics, et ce au niveau tant des directions de l’administration centrale que des services déconcentrés et des opérateurs, dont la réforme est en cours d’achèvement.

Ces réformes ont un impact budgétaire et social, puisqu’elles vont se traduire par des économies représentant près de 40 millions d’euros dès 2009, ainsi que par des réductions d’effectifs de plusieurs centaines de postes. Vous contribuez ainsi, monsieur le ministre, à l’effort général de mise en cohérence des moyens, demandé dans le cadre de la RGPP. On ne peut que s’en féliciter !

Je souhaite cependant vous interroger sur le calendrier et l’impact de ces réformes au-delà de l’année 2009, ainsi que sur vos projets en termes de redéploiement des moyens ainsi dégagés.

Je ne peux finir mon intervention sans vous dire un mot de la filière vitivinicole. Comme vous le savez, le secteur est en crise. La récolte de 2008 est la plus faible depuis 1991, et les ventes sont en baisse, en France comme à l’export.

Je vous rassure : le beaujolais est excellent ! (Sourires.)

M. Charles Revet. C’est vrai !

Mme Nathalie Goulet. Ça rend l’examen du budget plus agréable…

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Nous venons de le déguster en l’honneur de l’intronisation du président Gérard Larcher ! J’ajouterai même que, chaque année, le beaujolais est excellent ! (Nouveaux sourires.)

Même si certains dossiers d’ordre sanitaire et fiscal ne relèvent pas directement de vos services, monsieur le ministre, j’aimerais savoir comment vous envisagez ceux qui sont négociés à l’échelon européen, alors que vous présidez pendant encore un mois le Conseil agricole.

La Commission européenne fait pression pour que l’OCM vitivinicole, dont nous avions tous, ici même, souligné la spécificité lors de l’adoption à l’unanimité de nos propositions de résolution, soit intégrée dans l’OCM unique de la PAC, alors que ses intérêts n’ont rien à voir avec ceux d’autres secteurs.

Les demandes d’arrachage, présentées par les viticulteurs français auprès de la Commission européenne et qui devraient permettre à la filière de se restructurer, ne seront prises en charge par l’Europe que pour la moitié d’entre elles.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » que je souhaitais vous livrer. La commission des affaires économiques a décidé de donner un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

J’aurai toutefois l’occasion, tout à l’heure, de prendre de nouveau la parole au nom de la commission, afin de présenter un amendement soutenant les coopératives d’utilisation en commun de matériel agricole, les CUMA, et le Centre national des expositions et concours agricoles, le CENECA, qui sont très utiles au monde agricole.

Vous défendez avec constance le monde agricole, monsieur le ministre, et nous le soutenons tous. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis.

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à titre liminaire, je souhaite exprimer ma satisfaction que le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » relève désormais de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Cette évolution de l’architecture budgétaire clarifie les responsabilités, sans nullement porter atteinte à l’efficacité de la politique publique menée en matière de sécurité sanitaire, essentielle pour notre pays.

Mme Nathalie Goulet. Très juste !

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis. Dans ce nouveau contexte, l’évolution positive des crédits de ce programme n’est qu’apparente, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial dans son rapport. En effet, elle résulte essentiellement de transferts internes au ministère de l’agriculture et de la pêche entre les différents programmes de la mission. En réalité, les crédits effectivement mis à la disposition du directeur général de l’alimentation seront en diminution en 2009.

Sur le principe, cela ne me choque pas : le souci de bonne gestion et d’économie des deniers publics doit être partagé par tous les ministères. Je crains cependant que l’on n’en fasse un peu trop, dès lors que la stagnation nominale des crédits conduit l’État à remettre en cause ses engagements auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, pris dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2007-2011.

Il est anormal que l’AFSSA doive autofinancer non seulement une partie de la croissance de ses dépenses de fonctionnement, mais aussi toute la tranche 2009 de son plan pluriannuel d’investissements. Dans le même ordre d’idées, je souhaite savoir, monsieur le ministre, pourquoi l’État n’a pas renouvelé l’attribution des 4 millions d’euros nécessaires à la résorption du stock de demandes d’évaluation des produits phytosanitaires et de leurs adjuvants. C’est très regrettable, d’autant qu’il y a deux ans j’ai accepté de retirer un amendement à la suite de l’engagement pris expressément par votre prédécesseur de réduire rapidement ce stock.

J’en viens maintenant aux deux thèmes d’étude que j’ai choisi de retenir cette année : la lutte contre la FCO et le plan ECOPHYTO 2018.

S’agissant de la fièvre catarrhale ovine, l’année 2008 a encore été difficile, puisque le nombre de foyers a triplé en un an : on en compte aujourd’hui plus de 27 000. Tout le territoire français est contaminé. Les zones affectées désormais par les deux sérotypes 8 et 1 ne cessent de s’étendre, et près de 97 000 bovins et 70 000 caprins et ovins ont été abattus. En effet, la campagne de vaccination, commencée tardivement pour des raisons techniques, n’a pas permis la protection de l’ensemble des cheptels.

Cependant, monsieur le ministre, nous vous remercions et vous félicitons pour l’action que vous avez menée, au niveau tant national que communautaire, au cours des derniers mois. Une campagne de vaccination obligatoire va être conduite pendant la période de prophylaxie, et largement financée par l’Union européenne, ce qui devrait permettre de contenir réellement la maladie en 2009.

J’ai toutefois trois remarques à formuler.

Tout d’abord, j’espère que les prévisions budgétaires – environ 14 millions d’euros – seront plus réalistes que celles de l’an passé. À l’époque, et je m’en étais du reste étonné, seuls 2 millions d’euros avaient été inscrits en loi de finances, alors qu’en définitive c’est 57 millions d’euros que l’État a dû mobiliser. Pour que nos débats aient un intérêt, encore faut-il observer un minimum de sincérité budgétaire !

Ensuite, nombre de nos collègues se sont inquiétés de l’accroissement des charges des éleveurs avec la fin de la réforme du service public de l’équarrissage, finalisée par l’article 59 bis du projet de loi, alors même que la profession subit de plein fouet l’impact de la FCO. Ne devrait-on pas reporter le calendrier prévu, de manière à en tenir compte ? Certains de nos collègues nous l’ont demandé en commission.

Enfin, selon le président de la commission des affaires économiques, la sécurité commanderait que la campagne de vaccination obligatoire soit achevée le 31 mars 2009, et non le 30 avril comme prévu. Cet objectif vous semble-t-il réalisable, monsieur le ministre ?

S’agissant du plan ECOPHYTO 2018, le rapport écrit y consacre un long développement. Je me limiterai donc à vous soumettre les deux observations et propositions de la commission.

Nous sommes tous favorables au principe de la réduction de l’usage des produits phytosanitaires, pour des raisons tant sanitaires qu’économiques. Mais nous redoutons tous également que le rythme imposé ne détruise les filières de production qui ne disposent aujourd’hui d’aucune molécule de substitution à celles qui sont ou vont être interdites prochainement. Il faudrait donc instaurer un moratoire dans les filières « orphelines » où existent des impasses techniques ; je pense, en particulier, à celles des fruits et légumes.

Par ailleurs, il ne s’agira pas, durant cette période de transition, de rester inactif : il faudra responsabiliser le monde agricole pour l’encourager à modifier ses pratiques. Mais, surtout, il est indispensable d’orienter la recherche et l’innovation publiques dans ces secteurs, délaissés par les laboratoires privés faute d’être rémunérateurs. L’INRA a ainsi une responsabilité éminente, et c’est à l’État qu’il revient de l’inciter à accélérer et approfondir ses efforts en la matière.

Comptez-vous, monsieur le ministre, accéder à ces deux demandes, formulées unanimement par la commission des affaires économiques ?

Pour conclure, je souhaite vous renouveler mes félicitations, monsieur le ministre, pour les efforts accomplis par vos services et par vous-même pendant toute la crise de la fièvre catarrhale. Le travail effectué a été remarquable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je commencerai par formuler une remarque sur une mission que m’avait confiée l’un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, concernant la gestion du financement du deuxième pilier de la PAC : la France est certainement le plus mauvais élève de l’Europe pour ce qui est de l’utilisation des fonds européens !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Pour ce qui est du bilan de santé de la PAC, le constat est simple : sur les 15,9 milliards d’euros de fonds publics que prévoit le présent budget, 10,2 milliards d’euros proviennent de l’Union européenne et seulement 5,2 milliards d’euros du ministère. Déjà, en 2007, nous avions observé que 50 % du revenu agricole de la ferme « France » était constitué par des aides directes de l’Union européenne.

Trois autres questions se posent à nous : quelle sera l’évolution ? Que servira-t-elle à financer ? Quelles seront les perspectives budgétaires découlant de cette évolution ?

S’agissant tout d’abord de l’évolution, pour la période 2007–2013, la PAC est sauvée, nous en avons la confirmation : sur les 862,4 milliards d’euros que représente le budget européen, environ 43 % sont réservés à la PAC, soit 370 milliards d’euros.

Mais après 2013, que va-t-il se passer ? Nous nous interrogeons, compte tenu des sommes considérables qui sont injectées pour financer le monde agricole

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Nous avons de grandes divergences de vues avec les pays du nord de l’Europe, dont les intentions en la matière sont très libérales ; ils sont majoritaires au sein de la Commission européenne.

Mais d’autres priorités pourraient également intervenir après 2013, et il ne s’agirait pas obligatoirement de l’utilisation de l’enveloppe européenne pour l’agriculture, loin de là !

Pour ce qui est, ensuite, du financement, le bilan de santé répond à cette question. Des accords, très difficiles, ont été conclus les 19 et 20 novembre : ils ont permis de réajuster la PAC, avec le risque de supprimer les instruments d’encadrement du marché.

Une majorité d’États, dont la France, ont cependant souhaité le maintien d’un modèle agricole équilibré et régulé.

M. Adrien Gouteyron. Entraînés par la France !

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Tout à fait !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Vous me devancez, mes chers collègues, mais je ne me laisserai pas ôter de la bouche cette partie de mon discours ! (Sourires.) Je m’apprêtais en effet à vous le dire, monsieur le ministre : nous avons remarqué que vous avez tout fait afin que la France soit bien positionnée pour défendre la notion de régulation d’un marché équilibré, et je tenais à vous en féliciter. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

La commission des affaires économiques a organisé un groupe de travail, présidé par Jean Bizet, qui a présenté une proposition de résolution, adoptée à l’unanimité, dont on retrouve cinq points dans les accords.

Ces points sont les suivants : l’instauration d’outils de couverture de risques en mobilisant les fonds du premier pilier ; l’accompagnement de la sortie des quotas, avec tout de même une interrogation quant à l’avenir économique de certains territoires si les quotas laitiers n’y sont pas préservés ; la préservation des outils de stabilisation des marchés, dans le respect de certains équilibres, qu’il s’agisse, bien sûr, du rapport lait-céréales ou encore des aides spécifiques et des aides aux productions animales ; la réorientation des aides, dans la mesure où chaque État pourra réallouer les aides au sein du premier pilier ; enfin, le renforcement du volet « développement rural », avec un possible basculement des financements du premier pilier au deuxième pilier.

Monsieur le ministre, quels vont être vos choix par rapport à ces perspectives ? Quels vont être les choix de la France ? Les États membres ont jusqu’au 1er août 2010 pour se décider.

Ce constat suscite tout de même quelques interrogations.

D’abord, pour trouver un accord entre tous les pays, a-t-il fallu « lâcher » sur une renationalisation de la PAC ?

Comment pouvez-vous accompagner la sortie des quotas laitiers ?

Vers quelles filières et à quel niveau comptez-vous réorienter les aides du premier pilier, puisque la France aura la possibilité de réaménager ces aides ?

Quels seront les usages, pour le développement rural, des montants issus de la modulation supplémentaire obligatoire ?

Enfin, quel soutien l’Europe compte-t-elle apporter à la forêt et aux biocarburants, qui justement ne figurent pas du tout dans le bilan de santé de la PAC ? Il y a pourtant bien un lien à trouver avec le Grenelle de l’environnement et les conférences de Kyoto, Bali, Poznań…

Cela m’amène à poser la question de l’adaptation française à ce nouveau régime : quelles en seront les conséquences sur les choix budgétaires que nous devons faire dès aujourd'hui ?

Les prévisions pour 2009 donnent, certes, quelques indications, mais celles-ci sont encore trop floues. J’espère donc, monsieur le ministre, que vous serez en mesure de répondre aux questions que je soulève.

Dans le secteur de l’élevage, rien n’apparaît pour soutenir les pans d’activités en crise.

Pour le secteur assuranciel, on serait dans la même logique puisque l’on parle de redéploiement de l’article 69 révisé.

Dans le domaine de l’équarrissage, ce serait un transfert progressif des missions de service public au monde des éleveurs et je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez cette subtilité…

J’évoquerai encore les mesures sur l’indépendance énergétique des exploitations liées au Grenelle de l’environnement. Le tout devait être financé par une augmentation de la redevance pour pollution diffuse, mais l’Assemblée nationale a supprimé l’article 54 du projet de loi de finances au motif qu’une hausse de 130 % pèserait trop lourdement sur les agriculteurs et les éleveurs. Que compte faire le Gouvernement ?

Enfin, s’agissant du deuxième pilier et du développement rural, que prévoit le Gouvernement pour faire en sorte que la France soit plus performante dans l’utilisation des financements et pour que le monde rural s’y retrouve ?

Puisque le bon alterne avec le mauvais, je propose que l’on s’en remette à la sagesse de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de lUMP.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, rapporteur pour avis.

M. François Fortassin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », mon intervention portera plus spécifiquement sur les crédits consacrés aux mesures environnementales, et tout particulièrement sur les crédits destinés à soutenir l’élevage, de préférence extensif.

D’une façon générale, le budget du ministère de l’agriculture et de la pêche a, cette année plus que jamais, une connotation environnementale très marquée, nombre des actions financées étant en réalité la traduction budgétaire de mesures prises dans le cadre du Grenelle de l’environnement, où l’agriculture a pris une large part.

Les mesures agro-environnementales, je dois le reconnaître, font l’objet, dans ce cadre, d’évolutions plutôt stables ou favorables, qu’il s’agisse de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, ou de la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante, la PNSVA, mais je ne m’arrêterai pas à ces mesures, Joël Bourdin, notre éminent rapporteur spécial, les ayant déjà exposées.

En revanche, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur la possibilité de soutenir plus activement encore l’élevage extensif en faisant en sorte que les aides soient accordées en particulier aux ruminants pâturant de l’herbe. C’est une demande qui n’a rien d’illégitime, car, si l’on veut des ruminants de qualité, autant les laisser pâturer de l’herbe !

MM. René Garrec et Charles Revet. Tout à fait !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. On évitera ainsi un certain nombre de désagréments…

M. Paul Raoult. Très juste !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. Une telle demande se justifie d’autant plus que notre pays possède en abondance des pâturages lui permettant de produire une viande de qualité.

Ajoutons que ces pâturages sont souvent situés dans des régions de montagne, qui sont des territoires fragiles. Si l’élevage extensif disparaît de ces zones, celles-ci deviendront non pas des déserts au sens strict du terme, mais des zones désertifiées sur le plan humain. En définitive, le pâturage sera remplacé par la friche, ce qui sera extrêmement dommageable à l’image de nos campagnes et même au tourisme.

L’utilisation de ces zones pour l’élevage extensif permettrait de les redynamiser et d’y assurer une préservation des paysages. On fait donc coup double, voire triple : on maintient les éleveurs, ce qui est important sur le plan social, on a une production de qualité et on préserve l’environnement !

M. Charles Revet. Nous partageons votre point de vue !

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, je vous crois assez sensible à ces arguments pour estimer qu’une telle orientation est envisageable dans le cadre de la réallocation des aides du premier pilier que le bilan de santé de la PAC va nous permettre d’opérer.

Je veux également évoquer le plan de modernisation des bâtiments d’élevage, dont l’enveloppe globale est revalorisée.

À cet égard, monsieur le ministre, je suggère que l’on encourage la pose sur les toitures des bâtiments d’élevage, qui, généralement, sont assez vastes et architecturalement peu remarquables, de panneaux photovoltaïques.

Puisque EDF va payer, pendant quelques années encore, le kilowattheure plus cher qu’elle ne le vend, cela fournirait aux éleveurs quelques revenus supplémentaires. Surtout, nous nous mettrions ainsi très clairement dans les pas du Grenelle de l’environnement.

En accord avec EDF et les syndicats départementaux d’électricité, cela pourrait constituer une initiative extrêmement intéressante, valable aussi pour les bâtiments industriels, mais, aujourd'hui, nous nous occupons des bâtiments agricoles. Si vous le permettez, monsieur le ministre, je prendrai contact avec vos services en tant que président du syndicat d’électricité de mon département. Comme département pilote, les Hautes-Pyrénées…

M. Jacques Blanc. Ou la Lozère !

Mme Nathalie Goulet. Et l’Orne !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. …n’auraient plus seulement le Pic du Midi et les ours ! (Sourires.)

Une telle initiative serait extrêmement intéressante dans la perspective du développement des énergies renouvelables, dont la part devrait atteindre environ 23 % dans les années à venir, ce qui est tout à fait possible.

Je souhaiterais aussi, monsieur le ministre, vous parler de la filière ovine, à laquelle nous avions, avec Gérard Bailly, consacré un rapport. Cette filière est en crise structurelle. Depuis vingt-cinq ans, les éleveurs ovins sont toujours en queue de peloton en ce qui concerne les revenus. Ils perdent régulièrement de l’argent et c’est inacceptable.

La situation est telle qu’un troupeau d’environ 500 brebis disparaît tous les jours ! Or, lorsque l’élevage ovin s’arrête dans une région, il n’y a rien qui puisse le remplacer, si ce n’est la friche.

La production ovine, qui est de qualité, joue un rôle social et un rôle environnemental. Une fois l’épidémie de fièvre catarrhale ovine enrayée, il faudra donc que des mesures soient prises.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir fait en sorte que le plan de soutien à la filière de 15 millions d’euros mis en place en 2007 soit reconduit cette année et d’avoir destiné dans un plan de soutien transversal 50 millions d’euros au secteur ovin. Le compte n’y est peut-être pas pour les éleveurs, mais cela mérite d’être souligné.

Pressentant que Mme la présidente va manier la règle et quoique la discipline ne soit pas nécessairement ma vertu cardinale (Sourires), je conclurai, monsieur le ministre, en disant…

M. Charles Revet. Que nous allons voter les crédits !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. …qu’il y a un seul sujet à propos duquel je ne vous « gronderai » pas pour avoir diminué les crédits ;…

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Ça y est ! (Rires.)

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. … je veux parler des prédateurs.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Les loups !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. Nous sommes, bien entendu, très favorables à la présence de ces prédateurs…

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Mais ailleurs !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. …à condition qu’ils ne soient pas à proximité des troupeaux.

À ce propos, car je sais qu’ils ont ici des défenseurs, nous ne verrions après tout aucun inconvénient à ce qu’on les lâche dans la forêt de Fontainebleau ! (Nouveaux rires.)

La commission a émis un avis favorable sur les crédits de la mission, mais, à titre personnel, quoique ce ne soit pas non plus l’une de mes vertus cardinales, j’incline à un avis de sagesse… (Applaudissements sur diverses travées.)

Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. Si je vous parais un peu sévère, c’est dans un souci d’équité.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de soixante minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la crise, d’origine financière, gagne l’ensemble de l’économie. Plusieurs filières de l’agriculture, déjà fragilisées par des difficultés structurelles, risquent de souffrir des conséquences de la récession.

D’après les prévisions du ministère, les revenus agricoles subiront une baisse comprise entre 8 et 15 %. Une fois encore, les producteurs de fruits et légumes ainsi que les éleveurs seront les plus touchés, puisque leurs revenus, qui n’ont jamais cessé de se dégrader, connaîtront une chute supérieure à 20 %.

C’est pourquoi il est important que l’État soutienne le monde agricole. Si l’on peut se féliciter du plan d’urgence mobilisant 250 millions d’euros, que dire du projet de loi de finances qui applique la rigueur budgétaire à la mission agriculture ! En effet, comme l’a souligné le rapporteur spécial, la hausse des crédits de 2,4 % est à relativiser, au regard du taux d’inflation et de la baisse de 6,7 % des crédits d’engagement.

Dans ces conditions, un certain nombre d’actions vont être fortement contraintes. Même si l’essentiel des concours publics à l’agriculture provient des fonds communautaires, et même si l’OMC et la PAC orientent fortement les interventions, l’État doit répondre aux déséquilibres qui affectent le secteur par des mesures de soutien ciblées et pertinentes. Surtout, dans le contexte économique actuel, il doit jouer le rôle d’un amortisseur social en soutenant les plus menacés.

Parmi les mesures positives qui figurent dans ce budget – car il y en a quelques-unes –, je citerai l’installation des jeunes agriculteurs, qui est visiblement pour vous un poste prioritaire, puisque les crédits augmentent de 13,3 %. Il est essentiel de contribuer au maintien des exploitations et de limiter la décrue de leur nombre sur notre territoire parce que le défi alimentaire est un enjeu à ne pas sous-estimer.

En revanche, il n’est pas très cohérent de considérer l’installation des jeunes comme fondamentale et de diminuer, dans le même temps, les crédits du programme « Enseignement technique agricole ». Heureusement, un amendement, discuté cet après-midi dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire », a rectifié la baisse initiale de 2,5 % des crédits.

Aux côtés de la politique d’installation, ce sont les mesures en faveur de la modernisation des exploitations qui donnent les clés de la performance et de la vitalité du secteur. Sur ce volet, on peut apprécier le soutien, continu depuis 2005, au plan de modernisation des bâtiments d’élevage. En revanche, le plan végétal pour l’environnement est peut-être suffisamment doté pour répondre aux besoins, mais la baisse des crédits s’accommode mal des objectifs poursuivis par le Grenelle de l’environnement, notamment en matière d’indépendance énergétique.

La diminution des crédits consacrés au programme relatif à la conduite et au pilotage des politiques de l’agriculture conduit à négliger des outils pourtant essentiels au développement des exploitations ; je pense, notamment, aux CUMA, qui sont un levier important de la modernisation et dont les moyens inscrits en loi de finances pour 2009 ne permettront pas de couvrir les attentes de prêts bonifiés. D’autant que le redéploiement de 700 000 euros opéré par les députés au bénéfice des CUMA pourrait être remis en cause par la commission des finances, ce que je n’approuve pas.

S’agissant du soutien à la gestion des crises, je regrette, en particulier, la faiblesse des crédits consacrés à l’assurance récolte. Vous comptez beaucoup trop sur la manne communautaire, attendue seulement en 2010, pour couvrir la montée en charge du dispositif issu de la loi d’orientation du 5 janvier 2006.

Les rapporteurs pour avis l’ont très justement indiqué : l’assurance récolte ne reçoit pas les financements à la hauteur des besoins. La dotation, fixée en 2008 à 32 millions d’euros, est reconduite en 2009. À l’occasion de l’examen par notre assemblée de la proposition de loi tendant à généraliser l’assurance récolte obligatoire, que j’avais déposée en début d’année, nous avons pu discuter de l’intérêt d’une meilleure protection des exploitants contre les conséquences des aléas climatiques. Je ne reviendrai pas sur le bien-fondé du principe qui, je crois, est assez partagé ; vous aviez considéré ce texte comme une excellente loi d’appel.

En ce qui concerne le programme « Sécurité et qualités sanitaires de l’alimentation », désormais rattaché à la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », le renforcement des crédits consacrés à la lutte contre la fièvre catarrhale ovine explique en grande partie la hausse de ses moyens. À cet égard, compte tenu de l’ampleur de la crise sanitaire qui touche les élevages, la dotation de 13,7 millions d’euros sera probablement trop juste.

Je profite de ce programme pour évoquer la réglementation européenne destinée à sécuriser les denrées alimentaires. Si l’on peut naturellement adhérer à l’objectif de réduction des pesticides dans l’agriculture, le durcissement brutal des règles menacerait et déstabiliserait un grand nombre de productions, en particulier l’arboriculture fruitière.

Dans mon département, la filière de production des pommes est très inquiète. Le retrait des produits phytosanitaires doit être progressif et accompagné d’un plan de soutien à la recherche de solutions alternatives. D’ailleurs, notre collègue Daniel Soulage en a excellemment parlé tout à l’heure.

Enfin, je conclurai sur une question qui ne relève pas de votre ministère, en termes budgétaires, mais à laquelle vous êtes sans doute sensible, monsieur le ministre : je veux parler des retraités agricoles.

Le problème du financement structurel du régime social agricole a été évoqué dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Une solution pérenne doit être trouvée pour garantir l’équilibre du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, et permettre ainsi la mise en place d’une politique plus volontariste à l’égard des retraités agricoles.

Je ne sous-estime pas les mesures récentes visant à revaloriser les petites retraites des non-salariés agricoles et à augmenter le taux des pensions de réversion. Mais, vous le savez, monsieur le ministre, elles ne sont pas suffisantes. En effet, la revalorisation ne portera la retraite qu’à 633 euros, ce qui équivaut aujourd’hui à un revenu de survie. Nous rencontrons d’ailleurs tous quotidiennement d’anciens agriculteurs en situation de précarité, alors qu’ils ont fortement contribué à hisser l’agriculture française parmi les plus performantes !

C’est pourquoi l’effort de solidarité nationale doit être poursuivi en faveur des retraités agricoles.

Mes chers collègues, certes, la prépondérance économique de l’agriculture diffère d’un département à un autre, mais ce secteur mérite toute l’attention des parlementaires, même des plus urbains d’entre nous.

Avec encore près de 800 000 actifs, notre pays conserve une forte tradition rurale. Les agriculteurs, plus que les autres, ont affronté des crises de toutes sortes dans un contexte de forte concurrence. Ils ont toujours démontré leur capacité à s’adapter. En retour, il nous revient de renforcer les outils nécessaires à leur maintien. Le projet de loi de finances pour 2009 n’étant pas en mesure de le faire efficacement, les radicaux de gauche n’approuveront pas la mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Permettez-moi, monsieur le ministre, de commencer mon intervention en citant les propos que vous avez tenus lors de l’examen de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » devant l’Assemblée nationale, le 5 novembre dernier : « notre secteur productif est, au fond, le seul atout qui peut permettre à la France et à l’Europe de résister. »

Je partage totalement votre analyse, monsieur le ministre, mais je peux vous dire, avec beaucoup de gravité et même une certaine angoisse, que la réalité ressentie sur le terrain est loin de cette certitude : les agriculteurs, les pêcheurs, les ostréiculteurs, comme beaucoup d’autres malheureusement, souffrent.

Ils souffrent financièrement, d’abord : aucune production n’est épargnée aujourd’hui : lait, porcs, volailles, ovins, légumes, tous les signaux sont au rouge !

Ils souffrent aussi moralement. En effet, ils ne voient aucune perspective d’avenir face à la dérégulation totale des marchés voulue par la Commission européenne, avec l’abandon des outils de gestion de crises et de régularisation des marchés les plus efficaces. Ils ressentent déjà certaines conséquences désastreuses des lois d’orientation agricole et de modernisation de l’économie, contre lesquelles nous nous étions élevés.

Je vous donnerai un exemple, monsieur le ministre : le revenu moyen agricole de ma région était de 13 440 euros en 2006 ; il est descendu à 9 360 en 2007. Qu’en sera-t-il en 2008, alors que le prix du lait a encore baissé et qu’il baissera davantage en 2009 ?

Devant l’urgence et les risques de dérive des exactions – inacceptables, certes, mais compréhensibles –, souvent dues au désespoir, une table ronde a été organisée en préfecture de région samedi matin. Les producteurs, les industries agro-alimentaires et même les représentants des consommateurs ont insisté sur trois points. D’abord, ils réclament une information réelle sur le fait que les prix payés aux producteurs ne sont pas à l’origine de la hausse du coût des produits alimentaires. Ils réclament également un arrêt immédiat du « combat du prix bas » pour l’alimentaire et la mise en place d’un juste prix rémunérateur. Enfin, et surtout, ils demandent une transparence totale sur qui gagne quoi et sur les négociations commerciales.

Il est grand temps, monsieur le ministre, de faire fonctionner votre observatoire des prix et des marges, et de mettre en application votre plan d’urgence.

Nous sommes donc tous d’accord sur l’importance de l’agriculture et de la pêche dans notre économie : il est nécessaire de soutenir et de développer d’ambitieuses politiques de régulation, seules capables de préserver des activités qui répondent aux besoins les plus élémentaires de notre humanité.

Malheureusement, les moyens déployés dans vos missions pour atteindre ces objectifs – à savoir réconcilier compétitivité, durabilité et solidarité –, ne sont pas toujours en adéquation avec les attentes des agriculteurs et des pêcheurs.

Votre budget, qui s’élève à 4,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement, est certes en augmentation de 2,4 % en crédits de paiement par rapport à 2008, mais les autorisations d’engagement chutent de 6,7 %.

Selon une logique purement financière, on pourrait se féliciter de cette hausse à court terme des crédits de paiement. Mais de grandes inquiétudes demeurent à échéance de trois ans, car on assistera, dans les deux prochains budgets, à une baisse drastique des autorisations d’engagement de près de 20 % !

Mes collègues interviendront plus en détail sur cette mission. Je voudrais, pour ma part, recentrer mon propos sur la pêche. Son avenir n’est pas davantage assuré dans le contexte actuel extrêmement tendu. La pêche française, elle aussi, souffre. En dix ans, elle a perdu 1 300 navires et doit faire face à de multiples crises, dans un pays qui compte pourtant le linéaire côtier le plus important de l’Union européenne.

De nombreux problèmes se posent, là encore, en lien direct avec les politiques européennes, au moment même où l’on assiste à une forte baisse de leurs financements : 4 millions d’euros pour l’investissement et la modernisation, ou encore 8 millions d’euros pour les sorties de flotte, qui sont pourtant des objectifs forts de votre plan pour la pêche. La prudence est donc de rigueur dans l’analyse précise du budget consacré à la pêche et de son augmentation par rapport à 2008.

Vous savez, monsieur le ministre, que les attentes du secteur sont fortes et que, pour certains, le capital confiance est largement entamé. Les réunions de suivi de votre plan ne sont plus, d’après le président de la coopérative Ar Mor Glaz, « que des rafales d’annonces négatives ».

Évoquons tout d’abord les 87 millions d’euros d’aides versées entre 2004 et 2006 par le fonds de prévention des aléas de la pêche, le FPAP, et dont la Commission européenne, après les avoir jugées illégales, demande le remboursement par les entreprises bénéficiaires.

Comment comptez-vous régler ce problème des aides, qui constitue pour la Commission un préalable à la délivrance du certificat d’eurocompatibilité concernant le plan pour une pêche durable et responsable lancé il y a quelques mois ?

Votre ministère a indiqué que « serait engagé un processus de recouvrement des aides illégales et que celui-ci sera mené avec pragmatisme, au cas par cas et en tenant compte de la situation individuelle de chaque entreprise ». Mais, précisément – les comités régionaux des pêches vous l’ont déjà demandé avec insistance –, que ferez-vous alors que la quasi-totalité des entreprises de pêche est au bord de la rupture ? Certaines ont même disparu, ou bien leurs fonds ont été partagés entre des équipages.

En ce qui concerne le plan pour une pêche durable et responsable, doté de 310 millions d’euros et devant s’appliquer sur trois ans, face à l’urgence, vous avez choisi, le 30 octobre dernier, de le mettre en œuvre en deux ans, ce dont nous nous félicitons. Financé par l’écotaxe, qui avait fait largement débat à la fin de l’année dernière, ce plan répond à plusieurs finalités ; il prévoit, notamment, des aides à la cessation d’activité, à la modernisation et à la recherche halieutique. Bien sûr, je préfère, quant à moi, les deux dernières finalités.

Face aux interrogations sur son financement, il est important de rappeler que l’intervention des collectivités, si elle a été imaginée pour permettre la mise en œuvre juridico-administrative, n’a pas pour objet de combler un éventuel déficit de financement.

J’exprime aussi des réserves sur les plans de casse et sortie de flotte : ils comportent des effets pervers sur le prix de l’occasion et des effets néfastes sur l’installation, y compris par le renchérissement du prix des bateaux.

Quitte à devoir sortir de flotte des navires, il semblerait plus pertinent de favoriser la sortie de vieux navires peu économes en énergie et peu sûrs, en permettant d’accorder une prime pour la construction de navires neufs, plus économes en énergie, sous des conditions d’engagement du patron à pratiquer une pêche responsable.

Pour atteindre cet objectif de pêche responsable, les contrats bleus représentent un outil intéressant, mais, là encore, de nombreuses questions demeurent. Progressivement, ceux-ci se mettent en place grâce à un cofinancement État-Fonds européen pour la pêche. Différentes structures porteuses ont été créées, parfois régionales, ou nationales.

Dans le respect du principe de financement du plan pour une pêche durable et responsable, qui repose sur une taxe ad hoc, les contrats bleus relèvent de l’intervention financière de l’État et doivent être calibrés par celui-ci au regard des possibilités financières, ce qui ne peut relever que d’une concertation entre l’État et les représentants des pêcheurs. Un tel montage permettrait surtout d’épargner le Fonds européen pour la pêche, dont l’enveloppe limitée doit sans doute être réservée à des actions structurelles si l’on veut que ce secteur survive.

De plus, il semble que certaines clauses des contrats bleus ne soient pas eurocompatibles. La coopérative que j’ai déjà citée, qui a mis en place les contrats bleus pour les pêcheurs bretons et qui représente 75 % de la pêche chalutière bretonne, a d’ailleurs décidé avec son homologue du Fonds pour le développement durable de la pêche de suspendre temporairement ses paiements, ce qui ne va pas sans aggraver les problèmes des entreprises de ce secteur.

En outre, ces contrats bleus, dont le financement national est porté à 30 millions d’euros, mériteraient un renforcement, car, s’ils sont bien perçus, il semble difficile de les aménager pour l’ensemble des demandeurs. Enfin, des interrogations subsistent sur le rythme de leur financement prévisionnel, qui est pris en charge à 20 % par le Fonds européen pour la pêche, compte tenu de l’augmentation du nombre de contrats.

Par ailleurs, le retard pris par la mise en place du Fonds européen pour la pêche n’a fait qu’aggraver les choses. Je me permets donc, monsieur le ministre, de relayer ici la demande exprimée par l’Association des régions de France : il faudrait réaliser un bilan afin de préparer la révision à mi-parcours du Fonds européen pour la pêche à la fin de l’année 2009. Ce bilan serait à mettre en relation avec la mise en œuvre du plan d’adaptation de 310 millions d'euros.

Le tableau de l’état d’avancement budgétaire du programme opérationnel du Fonds européen pour la pêche au 3 octobre 2008 pose lui aussi un certain nombre de questions. Qu’en est-il des lignes financières relatives à l’ajustement des efforts de pêche et aux arrêts temporaires d’activité qui sont engagées à plus de 100 %, ou de celles qui sont déjà consommées à près de 50 %, notamment les actions collectives ? Quelles sont les modalités de calcul qui seront appliquées pour les mesures qui seront à l’avenir régionalisées ?

Je ne peux terminer mon propos sans évoquer la grave crise que traverse l’ostréiculture depuis plusieurs mois. Les 2 500 entreprises du secteur ostréicole rencontraient déjà des problèmes, mais l’été 2008 a connu une forte mortalité d’huîtres juvéniles et de naissains. Ce phénomène concerne aussi bien les huîtres de captages naturels que celles qui sont issues d’écloseries. On estime que le stock français d’huîtres creuses sera réduit de moitié à la fin de l’année 2009.

Monsieur le ministre, vous avez pris des mesures en faveur de ce secteur, mais je réitère les interrogations que je vous ai déjà adressées dans une question écrite. Quels sont les conditions et les moyens qui sont mobilisés pour mettre en œuvre ces mesures ? Quels sont vos projets concernant le problème récurrent de la couverture des risques dans le secteur ostréicole ?

En conclusion, monsieur le ministre, si certains aspects de votre budget nous semblent aller dans le bon sens, son inadaptation programmée face à la gravité des crises que traversent toutes les activités relevant de votre ministère et que mes collègues aborderont de façon plus détaillée ne nous permettra pas de le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, alors que le revenu des agriculteurs a connu une certaine progression au cours des années 2005 à 2007, même si les situations ont varié suivant les productions, vous avez vous-même reconnu que le revenu des agriculteurs français devrait baisser de 8 % à 15% cette année.

Dans le département de la Meuse, où ils sont très présents, les éleveurs de bovins et d’ovins devraient enregistrer une baisse de 20 % à 30% de leur revenu. Quant aux producteurs de lait, les négociations qui sont intervenues avec les transformateurs ne se sont pas bien passées et il est à craindre qu’eux aussi subissent des pertes importantes.

Monsieur le ministre, je vous suis reconnaissant d’avoir pris à temps la mesure de ces problèmes en annonçant, dès le 12 novembre dernier, une série de mesures destinées à soutenir le pouvoir d’achat des agriculteurs et des éleveurs, pour un montant de 204 millions d’euros. Le quart de cette somme est d’ailleurs destiné à la filière ovine, notamment pour compenser les dommages de la FCO.

Je ne reviendrai pas sur le détail de ces mesures, que j’approuve. J’espère néanmoins que les départements comme celui dont je suis l’élu, où l’élevage bovin et ovin est très développé, voient les dossiers de demande d’exonération de charges sociales examinés avec la célérité et la bienveillance qui conviennent, car les éleveurs ont déjà subi le traumatisme de la FCO et sont véritablement pris à la gorge.

Sur votre projet de budget proprement dit, monsieur le ministre, je vous ferai part d’un certain nombre de préoccupations.

Avec 52,5 millions d’euros, le plan de modernisation des bâtiments d’élevage, qui a été mis en place en 2005 pour répondre aux besoins de modernisation et de mise aux normes des exploitations d’élevage, voit ses crédits légèrement augmenter – 5 % – par rapport à 2008. Cette augmentation, que je salue, ne permettra malheureusement pas de faire face à toutes les demandes tant les besoins sont importants. Je souhaite donc une augmentation de cette ligne de crédits, afin qu’un plus grand nombre d’éleveurs puissent en bénéficier et que puisse être maintenu le bassin d’élevage utile.

S’agissant du plan de performance énergétique des exploitations agricoles, le Grenelle de l’environnement a fixé comme objectif à atteindre, d’ici à 2013, 30 % d’exploitations agricoles à faible dépendance énergétique. J’observe cependant, monsieur le ministre, que votre budget ne comporte pas de crédits pour un début de mise en œuvre de ce plan, dont le coût total a été évalué à 731 millions d’euros.

Concernant le plan biocarburants, à ma grande surprise, le Gouvernement a décidé l’arrêt progressif sur quatre ans de l’exonération partielle de la taxe intérieure de consommation pour les agrocarburants, alors que cette filière commence à peine à se développer. Je souhaite qu’il soit possible de maintenir les projets initialement prévus de défiscalisation de cette taxe en faveur des esters méthyliques d’huile animale incorporés au gazole ou au fioul domestique. Une usine de fabrication de ces esters est en cours de construction dans la vallée de la Meuse : ce revirement fiscal risque de mettre en cause sa viabilité, alors qu’elle n’a même pas encore produit le premier litre d’agrocarburant.

Les crédits alloués à la lutte contre les maladies, comme la FCO, connaissent une baisse de 16 %. Même si d’importants efforts ont été accomplis jusqu’à présent, j’ai du mal à comprendre une telle tendance, tant la crise de FCO est encore prégnante. Il faudrait prévoir dans le budget des financements spéciaux pour pallier une probable accélération de la pandémie de FCO, notamment du sérotype 1 qui remonte du Sud et du sérotype 6 apparu aux Pays-Bas, qui menacent tous deux les élevages lorrains.

La libéralisation du marché de l’équarrissage inquiète au plus haut point les éleveurs, dans la mesure où elle entraînera à leur détriment un transfert de cette charge financière. Cela pose aussi le problème de la responsabilité de l’État en matière de sécurité sanitaire. C'est la raison pour laquelle il faut maintenir à la fois la participation financière de l’État au service public de l’équarrissage et sa responsabilité.

S’agissant de la sécurité sanitaire, j’ajoute que le nouveau dispositif de gestion des risques sanitaires dans les domaines alimentaire, vétérinaire et phytosanitaire semble poser problème dans la mesure où celui-ci sera toujours morcelé entre plusieurs services de l’État et où son financement risque d’être mal assuré. Pourriez-vous, monsieur le ministre, apaiser mes craintes à cet égard ?

Le budget qui est consacré à la gestion des aléas climatiques est reconduit à hauteur de 32 millions d’euros. L’État s’est pourtant engagé à augmenter le taux de pénétration de l’assurance récolte. Compte tenu de la stagnation des crédits, on peut se demander comment un tel objectif pourra être atteint dans un contexte économique agricole devenu plus difficile.

Monsieur le ministre, il faut saluer à leur juste valeur les mesures que vous prenez afin de soutenir l’installation des jeunes agriculteurs, qu’il s’agisse de la dotation aux jeunes agriculteurs ou des prêts d’installation des jeunes agriculteurs. Elles démontrent qu’il s’agit d’une véritable priorité pour le Gouvernement.

Toutefois, nous ne pouvons que regretter l’abandon progressif des principaux dispositifs d’aides au départ. Concernant les retraites, je remercie, là encore, le Gouvernement d’avoir pris des mesures visant à revaloriser les petites retraites agricoles, notamment à fixer une retraite minimale, disposition qui s’appliquera en deux étapes. Cette joie est néanmoins quelque peu ternie par les problèmes de financement du régime d’assurance vieillesse des non-salariés agricoles. À court terme, le versement de ces prestations sera garanti grâce à une autorisation d’emprunt accordée à la Mutualité sociale agricole, ce qui n’est pas une solution d’avenir.

Pour ce qui concerne la formation agricole privée, le vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire », qui a eu lieu cet après-midi, montrera ses effets dans l’avenir et nous permettra d’appréhender la situation plus sereinement.

Enfin, je souhaite que les services de la direction départementale de l’agriculture et autres contrôleurs des exploitations agricoles adoptent des méthodes différentes, afin que les agriculteurs aient une meilleure compréhension de leur action.

Telles sont, monsieur le ministre, les préoccupations dont je voulais vous faire part. Je vous remercie des éclaircissements que vous ne manquerez pas de m’apporter et je vous précise d’emblée que je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits pour 2009 de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » se déroule dans un contexte très particulier, caractérisé par le sombre bilan de santé de la PAC et par la crise financière mondiale.

La seule constante, si je puis dire, c’est de débattre à un moment où de nombreux secteurs de production agricole sont en crise, avec la particularité, en 2008, de ne pas avoir de difficulté à trouver les secteurs qui vont bien, tant ils sont rares.

Pour dresser un état complet de la situation, il faut ajouter l’échec des négociations au sein de l’OMC, qui favorise les accords bilatéraux au détriment d’une vision globale, nécessaire à l’équilibre alimentaire mondial. Faut-il préciser qu’un succès du cycle de Doha conduirait à une catastrophe encore plus grande, en livrant le monde entier, les plus faibles comme les plus forts, à la loi de la jungle du libéralisme le plus débridé ? Non, merci, on a déjà donné et ça risque de durer !

Faut-il inclure dans ce contexte la révision générale des politiques publiques, que nos libéraux nationaux appellent « rationalisation », alors qu’il s’agit d’en finir avec ce qui reste des anciens grands services publics, de livrer les secteurs rentables au secteur privé et de mutualiser les pertes des secteurs les moins attractifs pour le capital ?

Dernière touche au contexte, la crise alimentaire mondiale, qui touche désormais près d’un milliard d’individus. Sont-ils encore considérés comme des hommes dans ce monde devenu fou ? La crise financière y ajoutera bientôt 100 millions de personnes, à en croire les fameux experts.

Je vous fais grâce du Grenelle de l’environnement, qui demeure pour l’instant un pavé de bonnes intentions et qui donne bonne conscience à celles et ceux qui en parlent avec gourmandise, mais sans ouvrir le porte-monnaie.

Le tableau est dressé, il n’est pas brillant ; il est même dramatique. Mais il traduit plutôt bien ce à quoi nous pouvions nous attendre au regard des multiples dispositions prises ces dernières années, tant par la France que par l’Europe ou l’OMC.

S’agissant des crédits de cette mission, je me contenterai de citer le rapport de la commission des affaires économiques : ce budget contraint « limite les dégâts », « permet de continuer à financer le "noyau dur" des actions portées par le ministère », mais subit « une baisse de 13% de ses dotations en CP d’ici 2011 ». Ce n’est guère réjouissant pour ce budget national, qui, avec 5 milliards d’euros, ne constitue qu’une partie mineure des concours publics à l’agriculture – 15,7 % –, eu égard à la prévalence du budget communautaire : 73%.

Nous pouvons donc nous demander, de façon légitime, à quoi peut servir le budget agricole, partie nationale. À quoi doit-il servir prioritairement ? Comment peut-il être utile au monde agricole dans sa diversité, à son niveau de revenu, à sa capacité à structurer durablement l’espace rural en accomplissant sa mission prioritaire : nourrir les hommes ?

Dans la mesure où les chiffres pèsent peu et où l’augmentation des crédits n’est pas à l’ordre du jour du Gouvernement, bien au contraire, il me semble de plus en plus évident qu’il faudrait se doter d’outils législatifs permettant d’assurer une stabilité des revenus, de garantir des productions qui répondent aux attentes des consommateurs en qualité et quantité et de structurer l’espace rural au travers de tous les modes et tailles d’exploitations. Car il s’agit de familles, qui sont beaucoup plus heureuses là où elles sont que dans les banlieues, où elles iraient grossir le nombre de ceux qui sont dans la misère.

Ces dernières années, la loi d’orientation agricole, la loi relative au développement des territoires ruraux, la loi Dutreil et, plus récemment, la loi de modernisation de l’économie ont contribué à conforter une conception entrepreneuriale de l’agriculture, une forte concentration des exploitations et, surtout, une agriculture désarmée face aux centrales d’achat et à la grande distribution.

Dernier exemple en date, l’article 59 ter du projet de loi de finances : à l’instar de la loi de modernisation de l’économie, il vise à accentuer la concurrence libre et non faussée voulue par la réglementation communautaire. En adoptant cet article, mes chers collègues, vous condamnerez des dizaines de milliers de producteurs laitiers non seulement en Bretagne, mais aussi en zone de montagne et dans tout l’Hexagone.

Le regroupement des offices agricoles dans une même structure, pour ne pas dire dans un même sac, contribue également à neutraliser le rôle de régulation du marché pour lequel ils ont été conçus initialement.

Pour ce qui concerne l’installation des jeunes, ce budget semble enfin aller dans le bon sens, tout en restant modeste. Je m’interroge néanmoins sur la réalité des moyens nécessaires pour mettre en œuvre les objectifs du Grenelle de l’environnement, notamment le passage de 1,4 % à 6 % en 2012 et à 20 % en 2020 des surfaces agricoles consacrées à l’agriculture biologique. C’est demain, monsieur le ministre !

Je m’interroge également sur le manque de dispositions qui pourraient rendre incontournable l’installation ou la conversion de milliers d’exploitations biologiques peu consommatrices de terres et d’intrants polluants. Je sens que l’on va s’amuser, dans les CDOA ! J’aimerais, monsieur le ministre, connaître votre sentiment sur ce point précis, qui n’engage que ceux qui veulent bien y croire.

Quant au plan ECOPHYTO 2018, il vise à réduire de 50 % l’usage de pesticides, notamment par le retrait des 53 molécules les plus dangereuses. J’ai lu avec la plus grande attention les huit axes de ce plan, mais je n’ai rien vu de lisible en matière de recherche de molécules de substitution non nocives pour les humains et la biodiversité. Il est vrai que la recherche coûte cher. Pour le reste, les huit axes vont plutôt dans le bon sens. Mais restons prudents, car le lobbying des marchands de poison est déjà à l’œuvre – encore une histoire de « gros sous » ! – et les résistances de la profession sont également très fortes.

J’en viens aux Haras nationaux. L’État se désengage progressivement de ses missions et ferme des sites. En Bretagne, ceux de Lamballe et Hennebont demeurent ; ils réalisent un travail exemplaire, tant pour la conservation des races que pour l’animation équestre. Il faut préserver ces outils, monsieur le ministre, car ils sont à la Bretagne ce que le cheval est à l’homme : sa plus belle conquête !

Dans le cadre de la préparation de ce projet de budget, nous avons été interpellés par les associations de développement et d’animation du milieu rural. À l’instar de ce qui se passe au sein du budget de l’éducation nationale pour les mises à disposition, elles se voient dépourvues de crédits et ne peuvent guère s’inscrire dans les opérations du compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural, le CAS-DAR, qui ne semble pas être l’outil adapté à leurs missions. Ces coupes sévères signifient la mort du lien social en milieu rural. Aussi, nous demandons que les crédits soient intégralement rétablis.

Ce qui pose avant tout problème à l’agriculture française et à son avenir, c’est la question des revenus, qui sont le plus souvent en baisse ; ils sont irréguliers au gré des crises, déséquilibrés selon les productions, incertains en raison du régime des aides de la PAC et écrasés par les marges des centrales d’achat et de la grande distribution.

La table ronde qui s’est tenue en urgence à la préfecture de région à Rennes, samedi dernier, témoigne de la priorité qu’accorde le monde agricole à la question vitale des revenus et aux relations avec la grande distribution. Aucun gouvernement n’est parvenu, jusqu’à présent, à résoudre l’équation suivante : des prix rémunérateurs pour les producteurs ; des prix abordables pour les consommateurs ; des marges raisonnables pour les voleurs de la grande distribution.

Ce serait possible, à condition, bien sûr, de ne pas faire un préalable de la concurrence libre et non faussée et de tout l’arsenal libéral en place, qui légalise et pérennise le « banditisme » commercial.

Le bilan de santé de la PAC demeure, de loin, l’élément qui inquiète le plus l’ensemble de la profession : la remise en cause des aides, qui constituent aujourd’hui 50 % du revenu des agriculteurs, et la fin des dispositifs de régulation – offices, quotas laitiers, découplage généralisé – ont effectivement de quoi inquiéter et même démoraliser le monde agricole.

Monsieur le ministre, je vais vous citer la réaction au bilan de santé d’une personne que vous connaissez bien et qui ne peut être taxée de « dangereux gauchiste » : « C’est une décision irresponsable. Cet accord symbolise la fin de la régulation des marchés. Alors que la crise financière est omniprésente, que la crise économique est de plus en plus prégnante et que la crise alimentaire semble permanente, la Commission et les ministres sont restés figés sur un schéma dogmatique libéral, sans tenir compte du contexte européen et mondial.

« La stratégie de la Commission de Bruxelles, “le marché, rien que le marché, tout le marché”, ne peut avoir que des conséquences graves pour les producteurs et les consommateurs.

« Pour les produits laitiers par exemple, l’augmentation des quotas laitiers est une ineptie au moment où partout en Europe, les producteurs subissent des baisses de prix importantes. »

Il s’agit de la réaction de Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA. Je n’ai rien à ajouter !

Il est vrai qu’en cette période de crise du système capitaliste et ultralibéral les commissaires européens auraient été bien inspirés de ne pas en remettre une louche. C’est indécent !

« Les marchés sont devenus fous », disent-ils. Non, ce sont les hommes qui sont devenus fous ! Gandhi affirmait que « la terre peut satisfaire les besoins de tous, mais pas la cupidité de tous ».

Les glissements autorisés du premier pilier de la PAC vers le second visent à capter l’opinion publique sensible aux questions environnementales et à justifier les dérégulations en cours. Certes, les actions visées par le second pilier sont indispensables, mais rien ne justifie la disparition de l’ensemble des instruments de régulation et la baisse progressive des aides.

En Bretagne, première région agricole de France, les producteurs de lait sont en colère. Pendant plusieurs jours, ils ont bloqué les plateformes logistiques de la grande distribution. La fin programmée des quotas en 2014, leur augmentation de 1 % par an et la pression des laiteries sur le prix du lait constituent le cocktail explosif idéal pour exaspérer la profession. Le compromis qui a été trouvé hier fait état de baisses allant de 25 euros à 55 euros la tonne d’ici au mois de mars 2009.

Selon l’Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, l’ONILAIT, la France ne compterait plus que 75 000 exploitations laitières en 2010, contre 133 000 en 1998. La concentration va être extrême.

Il est urgent de maintenir tous les instruments de régulation, de favoriser le stockage des matières premières, avec une marge d’environ six mois, comme le fait la Chine aujourd’hui.

Il est urgent de décourager par tous les moyens, juridiques et fiscaux, la spéculation sur les denrées alimentaires, véritable crime contre l’humanité. Un clic d’ordinateur peut tuer beaucoup plus que des armes conventionnelles, dans ce cas précis !

Il est urgent de rétablir les règles de préférence communautaire qui sont bafouées.

La crise alimentaire mondiale n’aurait pas eu lieu sans les spéculateurs ; un déficit mondial de production des céréales de 3 % s’est traduit par une augmentation du prix de ces denrées de 100 % en 2007. Certes, les productions sont soumises à de multiples aléas climatiques et sanitaires, mais l’aléa spéculatif peut être évité.

Dans le monde, 30 millions d’agriculteurs ont des tracteurs, plusieurs centaines de millions utilisent la traction animale et plus d’un milliard ont recours à la houe. Ces derniers sont les premiers à souffrir de la faim, ce qui est un comble.

Selon un rapport de l’ONU, 82 milliards d’euros devraient suffire à résoudre les épidémies et la faim sur la planète. C’est finalement peu au regard des 2 000 milliards d’euros prévus pour renflouer les spéculateurs européens du système bancaire.

Nous sommes contraints de constater que ni le budget, ni les politiques agricoles françaises, ni les orientations européennes de la PAC ne correspondent aux attentes du monde paysan et aux défis mondiaux. Aussi, nous ne voterons pas ce projet de budget et formons le vœu qu’un ressaisissement, une prise de conscience, une réorientation profonde inspirent les vingt-sept pays membres de l’Union européenne en 2009. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chatillon.

M. Alain Chatillon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits affectés à l’agriculture dans le projet de loi de finances pour 2009 me donne l’occasion d’évoquer plusieurs points qui me tiennent à cœur.

Tout d’abord, il me paraît aujourd’hui essentiel que le ministère de l’agriculture soit aussi celui de l’alimentation et de la nutrition, comme tel est le cas dans de nombreux pays.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Alain Chatillon. À cet effet, il conviendrait de mieux définir et d’arbitrer les rôles respectifs des ministères de l’agriculture et de la santé. Par ailleurs, les fonctionnaires de Bruxelles devraient avoir un contact plus régulier avec nos entreprises au travers des fédérations et des syndicats,…

M. Charles Revet. Il y a beaucoup à faire !

M. Alain Chatillon. …car les problèmes de réglementation sont souvent absents des préoccupations de nos industriels. À cet égard, les fonctionnaires de tutelle allemands évoquent tous les vendredis les modifications de réglementation avec les syndicats professionnels de branche. En tant qu’industriel, je n’ai jamais pu établir un seul contact. Il faut absolument revenir sur cette disparité de traitement.

M. Charles Revet. C’est à nous de nous battre !

M. Alain Chatillon. Par ailleurs, il faudrait que nos ambassades défendent avec un peu plus d’énergie nos entreprises et fassent en sorte que nos productions agricoles et alimentaires soient mieux acceptées à l’étranger, grâce à des vecteurs d’accompagnement peu présents aujourd’hui. Il y va de la réactivité et de la compétitivité de nos industries agroalimentaires. En effet, les industries agroalimentaires sont non seulement un facteur essentiel de développement de nos productions agricoles, mais aussi un facteur d’équilibre territorial, compte tenu de leur implantation rurale dans notre pays.

Je vous soumets donc, monsieur le ministre, quelques propositions.

Premièrement, une orientation forte du ministère de l’agriculture et de la pêche sur la nutrition doit accompagner le développement des industries agroalimentaires, car la prévention alimentaire est un enjeu majeur, pour nos concitoyens comme pour les agriculteurs.

Une relation doit être établie avec le corps médical, ce qui permettrait, j’en suis certain, des économies sérieuses dans le budget de la sécurité sociale. Je vous rappelle, mes chers collègues, que, dans tous les pays anglo-saxons, les médecins prescrivent fréquemment des produits alimentaires sur leurs ordonnances, notamment des produits visant à lutter contre l’excès de cholestérol ou des fibres alimentaires. Ainsi, l’absorption de 3,5 grammes de fibres règle 80 % des problèmes de transit intestinal : une économie sérieuse pourrait être réalisée dans le domaine des laxatifs.

Pour ce qui concerne les nutraceutiques et les alicaments, une vigilance plus importante doit être portée sur certains produits provenant de l’étranger et distribués souvent par Internet.

De même, il importe de surveiller l’introduction d’éléments chimiques dans les produits alimentaires ; les risques de toxicité nutritionnelle doivent être mieux étudiés et régulés, particulièrement pour les produits de provenance extracommunautaire.

Deuxièmement, il s’avère nécessaire d’apporter de la valeur ajoutée aux produits agroalimentaires, pour améliorer notre compétitivité, bien sûr, mais aussi pour éviter les délocalisations : il s’agit de la relation entre les industries et le monde de la recherche.

Les pôles de compétitivité doivent être un facteur essentiel de développement, par la mise en relation de nos entreprises avec le monde académique et la conclusion de contrats de filières pour la valorisation de nos produits agricoles.

Il convient aussi d’évoquer les pôles d’excellence rurale, compte tenu du rôle majeur qu’ils peuvent jouer en complémentarité des pôles de compétitivité. Il serait bon de pouvoir aider les entreprises artisanales qui structurent ces territoires peu peuplés, d’attribuer à ces zones un statut identique à celui des zones franches et de favoriser tout particulièrement les services structurants.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Alain Chatillon. Troisièmement, la dimension de nos entreprises soulève des questions. En effet, nos PME ont une taille bien inférieure à celle des PME des autres pays européens, notamment de l’Allemagne. L’appui des sociétés régionales de capital-risque et de capital-développement est essentiel : d’importants capitaux doivent être orientés vers ces structures, au-delà du soutien des banques, pour accompagner le secteur des industries agroalimentaires ; de même un effort de « clusterisation » doit être accompli par les pôles de compétitivité, dont il faudra aussi assurer la pérennité au-delà des trois ans prévus.

Quatrièmement, je veux évoquer la nécessaire simplification des dispositifs d’aide : l’intervention d’OSEO, une trame régionale cohérente de pépinières d’entreprises et la mise en place de fonds d’amorçage permettront, j’en suis sûr, de diminuer sensiblement la mortalité précoce des entreprises.

L’installation d’un guichet unique, que nous attendons depuis bien longtemps, permettrait d’apporter une aide structurelle à nos entreprises, notamment au niveau régional. Mettons-le rapidement en place !

Cinquièmement, je rappellerai que, depuis quelques années, la politique de flux tendu a conduit à l’effacement des stocks agricoles, qui s’avèrent indispensables pour mieux réguler les prix des denrées alimentaires ; ce fut, en 2007, la vraie raison de l’inflation des prix à la consommation. Ne nous le cachons pas ! L’Europe doit de nouveau assurer le financement de ces stocks, ce qu’elle ne fait plus depuis six ans, me semble-t-il.

Sixièmement, je souhaite savoir ce que la PAC deviendra après 2012. Pour nous, cette question suscite de fortes inquiétudes. Si la PAC représente aujourd’hui 40% du budget européen, que se passera-t-il ensuite ? Quel soutien sommes-nous prêts à apporter aux filières ovine et bovine, qui sont particulièrement sinistrées par la fièvre catarrhale, mais également, et surtout, par les prix du marché ? Devrons-nous nous résoudre à acheter dans quelques années notre bétail aux pays voisins, notamment au Commonwealth ?

M. Jacques Blanc. Surtout pas !

M. Alain Chatillon. À ce sujet, je m’interroge sur les compensations obtenues par le Royaume-Uni voilà deux ou trois ans à propos de la PAC. Cet argent ne sert-il pas aujourd'hui, au moins en partie, à subventionner les cheptels australiens et néo-zélandais, qui viennent ainsi casser les prix des produits de nos éleveurs ?

M. Jacques Blanc. C’est bien possible !

M. Alain Chatillon. Faudra-t-il se résoudre à embaucher des « jardiniers de l’espace » pour entretenir nos zones d’élevage ? Et à quel coût, puisque ce sera sans retour sur investissement ? Que deviendront nos éleveurs, qui sont attachés à leur cheptel ? Ils méritent véritablement notre respect et notre appui.

M. Charles Revet. Et cela coûtera bien moins cher de les maintenir en place !

M. Alain Chatillon. En effet, mon cher collègue !

Septièmement, les contrats de filière doivent être privilégiés. Il m’apparaît indispensable que des accords structurants s’établissent entre les producteurs, les industriels et les distributeurs dans notre pays.

Une nécessaire solidarité doit s’installer, afin que la plus grande partie de la marge ne se réalise pas au niveau de la seule distribution. Un système de contrôle et d’arbitrage doit être mis en place, ainsi que de véritables interprofessions par filières. Je sais que notre excellent collègue Benoît Huré développera ce point tout à l’heure.

Enfin, huitièmement, la France consomme chaque année 58 000 hectares de terres agricoles par l’expansion des villes et particulièrement des communautés urbaines et communautés d’agglomérations. À mon sens, il conviendrait d’obtenir par la loi, comme cela s’est récemment produit en Allemagne, une meilleure maîtrise de l’espace rural, au-delà des plans locaux d’urbanisme, les PLU, et des schémas de cohérence territoriale.

Monsieur le ministre, depuis votre arrivée à ce poste, vous effectuez un travail remarquable grâce à votre compétence et à votre capacité de mobilisation de toutes les équipes, et ce avec des crédits limités.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Alain Chatillon. Or l’agroalimentaire, l’agriculture et toutes ses filières sont des éléments forts de notre pays. Bien entendu, je ne critique pas le fait que des aides importantes soient accordées au secteur automobile ou à la filière aéronautique. Mais nous avons des industries agroalimentaires de pointe ! Nous devons nous battre pour elles et demander l’appui du Gouvernement

La crise actuelle devrait nous inciter à favoriser particulièrement nos agriculteurs, nos éleveurs et nos industries de transformation. Il y va de l’avenir de notre pays. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « l’agriculture n’est pas une nostalgie, l’agriculture n’est pas seulement une tradition. L’agriculture ce n’est pas le passé,…

M. Charles Revet. C’est l’avenir !

M. Aymeri de Montesquiou. … « l’agriculture est au cœur des défis de la planète de ce siècle : le défi alimentaire, le défi environnemental et le défi énergétique.

« […] Ma conviction, c’est que ces défis, la France est l’un des pays les mieux placés au monde pour les relever. Ce qu’il nous faut, c’est quoi ? Une nouvelle ambition pour l’agriculture en France et en Europe. »

Ainsi s’exprimait le Président de la République à Rennes, au mois de septembre 2007. Au-delà de tous les clivages politiques, nous ne pouvons tous que partager ces propos.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Cette nouvelle ambition pour l’agriculture se manifeste dans le présent budget, sous l’impulsion des conclusions du Grenelle de l’environnement et de la révision générale des politiques publiques. Car cet ambitieux instrument de réforme prévoit la restructuration de l’administration centrale avec la création de la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, d’un service de prospective, des services déconcentrés avec la fusion des DDA et des DDE, la création d’un nouveau réseau régional où le préfet de région et le président du conseil régional copiloteront les actions, ou encore la fusion des offices agricoles au sein de France Agrimer.

Ces quelques exemples montrent la volonté d’insuffler une dynamique à notre politique agricole et rurale, en insistant sur l’appui à l’exportation de nos produits. En effet, leur qualité est mondialement reconnue, notamment grâce aux signes de qualité concernant 30% de notre production. Notre agriculture se classe au premier rang européen et au deuxième rang mondial. Notre pays est le troisième exportateur mondial de produits agroalimentaire après les États-Unis et les Pays-Bas, que nous devrions dépasser en étant plus performants. L’agriculture représente d’ailleurs le premier poste excédentaire de notre commerce extérieur, avec 9 milliards d’euros, ce qui est très précieux vu le déficit de notre balance commerciale.

Comme axe majeur, je mettrais en avant le programme 154, qui vise à promouvoir et valoriser les produits de qualité et à soutenir la présence française à l’international. Dans le domaine agroalimentaire, c’est une condition nécessaire au développement économique des productions nationales. Le ministère a mis en place un cadre stratégique définissant les priorités de l’État en matière de pays cibles, de filières et d’actions à mener.

Ainsi, nous encourageons nos entreprises à participer aux manifestations et salons internationaux, nous déterminons la stratégie économique avec des mesures d’appui à l’exportation et nous gérons le partenariat avec les organismes qui assurent la promotion des technologies et du savoir-faire français. Vu la notoriété de nos produits, nous pouvons faire beaucoup mieux. Interrogeons-nous pour savoir pourquoi nous ne sommes pas plus performants.

Ce budget de 5 milliards d’euros couvre quatre programmes. Comme notre rapporteur spécial l’a souligné, le ministère de l’agriculture est un ministère d’intervention. Ainsi, 84,5% des crédits du programme 154, soit 1,5 milliard d’euros, sont des crédits d’intervention.

Si je regrette la baisse des crédits alloués aux associations d’animation rurale, je me réjouis de la priorité que constitue l’installation des jeunes agriculteurs, avec une forte progression de l’enveloppe consacrée à la bonification des prêts – 79,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 77,7 millions d’euros en crédits de paiement – et le maintien de la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, à hauteur de 55 millions d’euros, qui devrait permettre 7 000 installations en 2009.

L’effet de serre, l’écologie et le développement durable concernent tous les citoyens, y compris les agriculteurs, qui utilisent moins d’engrais, de pesticides et autres traitements : d’abord, ils ont pris de conscience qu’ils devaient protéger la nature ; ensuite, le coût de ces intrants grève leurs dépenses.

De plus, ces agriculteurs peuvent s’inscrire dans le processus de développement durable par la production de biocarburants, dont les objectifs d’incorporation dans les carburants, qui étaient de 1,75 % en 2006 et de 3,5 % en 2007, ont été atteints ; pour 2010, ils sont fixés à 7 %.

Le développement des biocarburants répond à quatre enjeux stratégiques. En diversifiant les sources d’énergie, ils permettent de renforcer la sécurité des approvisionnements énergétiques de la France, ils contribuent à réduire significativement les émissions de gaz dans le secteur des transports, ils participent à l’indépendance protéique de la France et de l’Union européenne et, surtout, ils contribuent de manière appréciable à l’emploi dans les zones rurales, où il est primordial de maintenir les activités économiques. Il est donc essentiel que ces unités de traitement soient réparties sur l’ensemble du territoire, de préférence près des centres de production de biocarburants.

Le Gers, qui est le département le plus rural de France, doit bénéficier de la création d’un tel centre, car il produit une part importante du maïs du sud-ouest. Les agriculteurs gersois y sont très favorables. Ils considèrent comme nécessaire, équitable et cohérente une telle implantation, parmi les vingt et une usines nouvelles du territoire national qui permettront d’atteindre les objectifs de production.

Le compromis en matière de défiscalisation atteint à l’Assemblée nationale est une démarche positive pour le développement des biocarburants. Désormais, l’éthanol ne sera pas plus taxé que l’essence.

La disposition votée par les députés sur l’écopastille rejoint le vœu du Président de la République, qui a exprimé le vœu que les véhicules flex-fuel, fonctionnant à l’éthanol E-85, « puissent être exonérés rapidement du malus qui les frappe et qui ne tient pas compte du bénéfice environnemental complet de tels véhicules ». Je souhaite que le Sénat en fasse autant !

Je voudrais enfin aborder deux problèmes qui mettent à vif certains secteurs du monde rural : le lait et l’esca.

Les laitiers ont obtenu un accord avec les industriels ; les modalités de cet accord sont très dures pour eux, mais ils y ont consenti pour sortir de la crise.

Le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé un effort en faveur de la recherche, mais il y a urgence dans certains domaines. Ainsi, l’esca est une maladie qui touche l’ensemble des vignes. Elle s’est déclarée voilà une dizaine d’années. Aujourd'hui, elle détruit le vignoble gersois, qui, à ce rythme, si rien n’est fait, disparaîtra dans dix ans. Le ministère de la recherche n’a toujours pas trouvé de solution.

Monsieur le ministre, avec mon collègue Raymond Vall, je vous demande de faire un effort important de recherche sur l’esca, en lien avec Mme Pécresse. Vous savez combien la lutte contre cette maladie est vitale pour la pérennité des exploitations viticoles.

Alphonse Karr, jeune directeur du Figaro au XIXe siècle, dont la notoriété n’est peut-être pas parvenue chez tous, mais qui était très en pointe sur l’évolution des débouchés agricoles, écrivait ceci : « Il faut rendre à l’agriculture sa place et son rang. » Les réformes engagées par le Gouvernement vont dans ce sens. C’est pourquoi, tout comme nombre de mes collègues, je soutiendrai le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Charles Revet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » s’élèvent à environ 3 milliards d’euros. Nous pouvons donc considérer ce budget comme stable. Mais l’agriculture bénéficie d’une très faible part de l’effort public global : sur la période 2009-2011, on constate une baisse de 10 % en crédits de paiement et de 12 % en autorisations d’engagement.

À ce propos, je voudrais effectuer un rappel. L’argumentation qui est souvent apportée en faveur de cette diminution, en l’occurrence la baisse de la population agricole, n’est pas une justification valable. En effet, l’ensemble du volume financier tiré de l’agriculture est toujours en progression.

La société française doit continuer à définir une politique agricole active, car cela crée des mouvements industriels très importants. Cette réflexion paraît très importante à exprimer, car le ministère subit des restructurations au niveau des directions régionales et départementales, qui conduisent à des suppressions de postes. Cela suscite un sentiment d’incertitude sur l’avenir de la gestion du monde agricole et rural.

La mise en place du découplage des aides renforce encore ce sentiment : c’est la mort programmée, à plus ou moins long terme, de toutes les aides au monde agricole et rural. Ce serait dramatique pour toute l’économie française.

Ce démantèlement de la PAC est d’autant plus surprenant que les États-Unis ont encore accru leurs aides agricoles, au niveau de la farm bill, pour 2008-2012, portant les crédits de 55 milliards de dollars à 77,5 milliards de dollars.

Les agriculteurs français appréhendent la relance prévisible des négociations du cycle de Doha, qui n’ont pas abouti jusqu’à présent. L’OMC voudrait nous arracher de nouveaux engagements qui pèseraient sur le sort de notre agriculture.

Là encore, monsieur le ministre, il faudra faire preuve de beaucoup de détermination pour résister à la pression internationale.

Après une période d’euphorie, les difficultés pèsent à nouveau sur le monde agricole depuis quelques mois. J’attire votre attention sur l’évolution du secteur de l’élevage français, touché par des crises sanitaires répétitives : la fièvre catarrhale apparue en 2006 fut la dernière d’entre elles.

Certes, vous avez accompli d’importants efforts financiers afin de lancer une vaste campagne de vaccination sur le sérotype 1 et 8, qui devrait se terminer le 30 avril 2009. Toutefois, les pertes financières d’exploitation sont énormes lorsqu’un élevage est touché par cette maladie. Les éleveurs ont besoin de se sentir soutenus et veulent bénéficier de la solidarité nationale et européenne dans ces circonstances sanitaires tout à fait exceptionnelles et violentes : malgré les témoignages de votre bonne volonté, le compte n’y est pas tout à fait.

Ces éleveurs sont aussi attentifs à l’avenir des quotas laitiers. Le dernier accord que vous avez négocié, monsieur le ministre, conduira, par l’augmentation régulière des droits à produire, à la suppression effective de ces droits. La dérégulation du marché du lait est en marche !

On peut penser que cette décision aboutira inévitablement à la concentration des élevages, avec d’énormes usines à lait, et à la disparition des élevages de petite et moyenne importance. Cette évolution aura des conséquences catastrophiques en termes économique, social et d’aménagement du territoire, aussi bien pour des régions de montagnes que pour des régions intermédiaires comme celle de l’Avesnois, dans le département du Nord.

Cette politique favorisera également la désertification agricole. Lorsque les éleveurs auront disparu, nous manquerons de lait, et nous regretterons alors amèrement d’avoir supprimé le système des quotas permettant d’assurer des prix relativement garantis. N’oublions pas qu’il faut beaucoup de temps pour former un éleveur.

Aujourd’hui, les agriculteurs s’interrogent sur la capacité à définir une politique liant intelligemment agriculture et environnement. Ils sont en effet conscients des problèmes auxquels ils sont confrontés, sans toutefois savoir si nous avons les solutions pour y remédier. Le plan d’action « Agriculture biologique : horizon 2012 » prévoit de tripler en trois ans les surfaces cultivées en produits biologiques. J’approuve cet objectif louable, qui pourrait d’ailleurs concerner prioritairement les zones de protection des champs captant.

Toutefois, il convient de former des agriculteurs, en particulier des jeunes, à ces techniques de culture. Nous connaissons un déficit en matière de formation et il faut donc susciter des vocations. Par ailleurs, il sera nécessaire d’assurer la rentabilité de la filière dans son ensemble, de la production à la commercialisation. Le pari est loin d’être gagné ! Atteindre ces objectifs demandera de la ténacité, de l’obstination, et des crédits. Au-delà, il s’agit de développer une agriculture intégrée, respectueuse de l’environnement.

Le plan ECOPHYTO 2018 constitue également un sujet d’inquiétude : il vise à réduire en dix ans l’utilisation des produits phytosanitaires. Il s’agit d’un enjeu majeur pour la santé tant des agriculteurs eux-mêmes que des populations. On constate, depuis quelque temps, une résistance des plantes à certains traitements chimiques. Conserver les mêmes méthodes, c’est aller dans le mur !

La difficulté, c’est qu’il faut réorienter la recherche vers d’autres molécules moins dangereuses, mettre en œuvre des techniques culturales différentes, encourager les études sur des variétés de plantes, certes moins productives, mais plus résistantes aux maladies. Le choix est difficile ! Si la précipitation est à bannir, il faut néanmoins se fixer un nouveau cap et le tenir, afin de rassurer les paysans sur l’efficacité des moyens mis en œuvre.

Parallèlement, le temps presse pour nourrir trois milliards de personnes supplémentaires sur la planète : on risque, dans les décennies à venir, de connaître une pénurie alimentaire, voire la famine dans certaines régions.

Les politiques agricoles nécessitent une régulation et une aide soit de l’État, soit de l’Europe. Sinon, la volatilité des prix conduira à la ruine de l’agriculture, car les agriculteurs hésiteront à investir. Les mouvements erratiques du prix du lait ces derniers mois, qui ont fortement touché les éleveurs, montrent bien qu’il faut redéfinir les règles de fixation du prix du lait afin de le stabiliser, tout en tenant compte du marché mondial. De même, un rééquilibrage en faveur de l’herbe et des protéines végétales limitera notre dépendance au soja américain. Enfin, il importe de mieux gérer les stocks sur le long terme, car la décroissance des stocks favorise la spéculation.

Lors du Grenelle de l’Environnement, j’ai pu constater que la Commission européenne projetait de supprimer l’aide de 33 euros la tonne à la déshydratation de la luzerne, qui permet de compenser une partie du déficit de compétitivité de la luzerne par rapport au soja importé.

La luzerne est une plante écologique : elle fixe l’azote, remplace les engrais de synthèse et assure une couverture permanente du sol en évitant le ruissellement et l’érosion des sols. C’est également une plante mellifère qui intéresse les apiculteurs et apporte de la nourriture à l’élevage. Là aussi, il faut une volonté politique qui assure un revenu décent à nos agriculteurs et les oriente vers une agriculture intégrée.

Vos propositions sur le bilan santé de la PAC n’orientent pas l’agriculture dans la bonne direction. Sans reprendre les propos tenus par le président de la FNSEA, qui parle de décisions « irresponsables », la régulation des marchés est nécessaire. Le compromis auquel vous êtes parvenu ne me semble pas acceptable. L’Union européenne ne peut pas être une simple zone de libre-échange et la seule issue ne peut pas être la renationalisation des politiques agricoles.

C’est pourquoi nous ne voterons pas votre budget, monsieur le ministre. Même si j’en reconnais le sérieux, compte tenu du contexte national et international très contraint, ce budget comporte trop d’incertitudes et ne me paraît pas répondre aux enjeux auxquels notre agriculture doit faire face. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 20 novembre dernier, les ministres européens de l'agriculture, sous votre présidence, monsieur le ministre, sont parvenus à un compromis sur le bilan de santé de la PAC. Ces négociations, ouvertes depuis un an, ont connu une accélération à partir du mois de mai. Je me félicite que la Présidence française ait pu conclure dans les temps ce dossier complexe. Vous avez mené, monsieur le ministre, un difficile travail de conciliation, et je vous en remercie.

Le résultat obtenu peut, bien sûr, être discuté. Vous avez dû vous en tenir à la proposition initiale de la Commission à laquelle la France, avec juste raison, n’était pas favorable, contrairement à de nombreux autres États.

Si ce résultat a permis d’améliorer très sensiblement la proposition de la Commission, il est loin de faire l'unanimité parmi les agriculteurs et leurs représentants. Un pas supplémentaire a été franchi vers une dérégulation de la politique agricole européenne : les outils de régulation voient leur portée réduite – c'est le cas pour les dépenses d'intervention – ou menacée à terme, comme l’illustrent les quotas laitiers, tandis que le découplage de la quasi-totalité des aides est décidé.

Cependant, monsieur le ministre, vous avez pu obtenir des avancées qui méritent d'être soulignées. Ainsi, les transferts du premier vers le second pilier de la PAC permettront d’affecter les fonds ainsi dégagés à des mesures de développement rural et aux nouveaux défis tels que le changement climatique, les énergies renouvelables, la gestion de l'eau, la biodiversité, l'innovation, le soutien à la prime à l'herbe, l'aide aux secteurs laitiers, ou encore le maintien des productions bovine et ovine, etc.

Les nouveaux défis bénéficieront, en outre, d'un cofinancement communautaire à hauteur de 75 %.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous interroger sur quelques points précis.

Tout d'abord, je pense nécessaire, depuis plusieurs années, de créer de nouvelles ressources en eau, qui s’intègrent dans un système de gestion équilibrée. Cela fera-t-il pleinement partie des nouveaux défis définis par le conseil Agriculture ?

Par ailleurs, les producteurs de tabac pourront bénéficier, de 2011 à 2013, d'une mesure transitoire pour soutenir le revenu des exploitations en cours de restructuration. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en sera après cette date ?

Je souhaite également attirer votre attention sur la filière des fruits et légumes. Le deuxième aspect de l'accord sur le bilan de santé de la PAC concerne la renationalisation d'une part croissante des budgets européens, en particulier par le biais de l'article 68. Cela permettra, notamment, de réorienter des aides vers des secteurs, zones ou types de productions fragiles. Certains secteurs sont d'ores et déjà listés, tel celui du lait et des produits laitiers, ainsi que ceux du riz, de la viande bovine, ovine et caprine. Cette liste est-elle exhaustive ou d'autres secteurs sont-ils susceptibles de bénéficier de ces aides ? Je pense, bien évidemment, à la filière des fruits et légumes. Elle était jusque-là exclue de la PAC. Va-t-elle continuer à l'être ? Confrontée à de multiples crises depuis de nombreuses années, il serait logique qu'elle soit éligible à ce type d'aides.

Je suis particulièrement inquiet pour ce secteur en général, et pour la production des pruneaux en particulier. Pouvez-vous me rassurer, monsieur le ministre ?

Enfin, je n’oublierai pas un sujet qui me tient à cœur et sur lequel j'interviens depuis que je suis parlementaire : l’assurance récolte.

J'ai constaté avec plaisir que vous aviez vigoureusement défendu des crédits pour protéger les exploitations agricoles des risques climatiques et sanitaires et que vous aviez obtenu la possibilité d'utiliser des fonds européens importants pour le développement de l'assurance récolte et la création d'un fonds sanitaire. Je vous en suis reconnaissant : il s’agit d’un point important pour notre agriculture ; ce n’est pas le président de la commission des affaires économiques, promoteur de cette mesure, qui me démentira !

L'article 68 prévoit que les États membres qui le souhaitent pourront prélever une part des aides du premier pilier, afin de cofinancer les primes d'assurances climatiques payées par les agriculteurs et mettre en place des fonds de mutualisation pour faire face à des problèmes sanitaires. Ces mesures sont tout à fait satisfaisantes.

Voilà quelques semaines, un débat s’est tenu dans cet hémicycle sur l'assurance récolte obligatoire, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi de MM. Collin et Baylet que j'ai eu l'honneur de rapporter. La commission des affaires économiques s’est rendue à l’évidence : dans le contexte financier actuel, il est impossible de développer cette assurance et a fortiori de la rendre obligatoire. Nous avons un grand besoin de crédits européens.

Cet accord permettra un développement plus rapide de l'assurance récolte. Cela est d’autant plus nécessaire que celle-ci devrait connaître d'importantes évolutions l'année prochaine, dont une diminution prévue du taux de prise en charge des primes d'assurance pour les grandes cultures et, à l'inverse, une augmentation de ce taux pour la viticulture, l'arboriculture et la production légumière.

Ainsi, monsieur le ministre, 2010 devrait être l'année d'un véritable nouveau départ. Nous vous remercions de ce résultat.

S’agissant du fonds sanitaire, les années que nous venons de vivre nous ont démontré son utilité. De quelle manière comptez-vous le mettre en place techniquement et, surtout, financièrement ? L'enveloppe allouée dans le cadre de l'article 68 étant importante, mais pas inépuisable, aurons-nous des moyens suffisants pour faire face au développement de l'agriculture biologique, au soutien des secteurs fragiles, au développement de l'assurance récolte et du fonds sanitaire ? Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les projets que vous avez pour cet article ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, je tiens à souligner une fois de plus, comme je l’ai fait lors de l’examen de la mission « Écologie », la nécessité de développer rapidement les cultures OGM. On ne peut être à la fois contre les pesticides et contre les OGM, il faut choisir.

Nous avons adopté voilà quelques mois déjà un texte, qui prévoit de nombreux garde-fous, tendant notamment à fixer des zones d’isolement entre les cultures OGM, conventionnelles et biologiques, garantissant ainsi leur coexistence. Cette loi reste pour l’instant lettre morte. Pendant ce temps, nos chercheurs, nos agriculteurs accumulent les retards par rapport à nos concurrents.

Parallèlement, le président de la Commission européenne, M. Barroso, a rappelé le 10 octobre dernier que le décalage entre le temps des autorisations de mise sur le marché entre l’Union européenne et d’autres pays constitue une menace pour l’agriculture communautaire. Où en sommes-nous, monsieur le ministre ?

Pour conclure, je veux redire toute l’importance de la recherche agricole. À l’heure du Grenelle de l’environnement et au moment où la société est de plus en plus exigeante en matière de qualité et de sécurité alimentaires, nous devons conserver et développer une recherche agronomique forte, sans oublier la recherche appliquée et les organismes qui la mettent en œuvre. Cela est indispensable si nous voulons que notre agriculture s’adapte et maîtrise de mieux en mieux l’utilisation des intrants.

Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé avec toutes vos forces au service de notre agriculture et de l’agriculture européenne.

Comme nombre de mes collègues, je soutiens votre action et je voterai bien entendu votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se concentrera sur deux sujets importants en termes économique, social et environnemental : la forêt et la pêche.

Si nous examinons le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », nous remarquons la baisse des crédits de 2009 du programme « Forêt » qui constitue, pourtant, un enjeu écologique important.

Mais je souhaite évoquer plus particulièrement aujourd'hui le devenir de l’Office national des forêts, dont le personnel a manifesté son inquiétude récemment à Paris et a dénoncé les décisions arrêtées par le Comité de modernisation des politiques publiques concernant l’ONF.

Ces mesures, qui constituent, selon nous, la dernière étape avant le démantèlement et la privatisation de l’activité de l’établissement, s’apparentent à une véritable rupture du contrat qui lie l’ONF, les onze mille communes forestières et l’État.

Rappelons, pour bien en comprendre les enjeux, que cet établissement public est chargé, par la loi, de gérer le patrimoine forestier public de l’État.

Cette mission doit satisfaire à trois fonctions essentielles : la récolte des bois, la préservation de la biodiversité et l’accueil du public, quels que soient les moyens des communes concernées.

L’ONF assure également certaines missions d’intérêt général pour le compte de l’État. Citons la prévention des risques d’incendie, la prévention des risques d’avalanche en montagne, la lutte contre l’érosion sur le littoral et la préservation des sites pour leurs richesses biologiques, notamment les marais, les dunes, les tourbières, les mangroves.

L’Office intervient aussi pour effectuer un certain nombre de prestations, telles que l’aménagement d’espaces naturels ou de loisirs, la réhabilitation de sites, l’expertise d’arbres.

Toutes ces missions, vous en conviendrez, répondent aux objectifs de développement durable prônés par les acteurs du Grenelle de l’environnement.

Dans une situation de raréfaction des matières premières énergétiques, une très forte pression risque de s’exercer sur la biomasse forestière.

II est donc plus que jamais essentiel de conforter le service public forestier, de mettre en place un contrôle indépendant de l’exploitation des forêts domaniales et un financement pérenne de la gestion forestière, afin de réguler l’exploitation en fonction du long terme et de l’équilibre de la forêt.

Or la politique actuelle de l’État vise à favoriser les missions commerciales de l’établissement public. Ainsi, la seule action en augmentation dans le projet de loi pour 2009 est l’action 01, consacrée au « Développement économique de la filière forêt bois ».

Le budget s’inscrit dans la politique menée depuis deux décennies. En vingt-trois ans, près de 37 % des effectifs de l’ONF ont été supprimés. Les réorganisations effectuées ont fait disparaître de nombreux sites situés en zone rurale ou dans des petites villes. Les missions de service public ont été délaissées au profit d’activités plus rentables.

Le Gouvernement poursuit ce mouvement en augmentant les quantités de bois exploitées pour rééquilibrer son budget.

De plus, l’intégration de l’Inventaire forestier national au sein de l’ONF pose plusieurs problèmes. Il s’agit de la reprise des personnels, de la prise en charge du fonctionnement de l’INF sur le budget de l’ONF – soit tout de même 12 millions d’euros par an –, enfin et surtout, de la garantie d’indépendance de cet établissement public national qui mesure l’état des forêts et apprécie leur exploitabilité.

En outre, le désengagement financier de l'État est visible en ce qui concerne le versement compensateur censé couvrir les prestations aux communes.

Or ce versement compensateur constitue l’essentiel des crédits de paiement de l’action 02 « Régime forestier et patrimoine forestier domanial ». Les autorisations d’engagement de cette action sont en baisse de près de 10 % et les crédits de paiement de 3 % par rapport à la loi de finances pour 2008. Le versement compensateur s’élève à 144 millions d’euros.

Alors que la gestion des forêts communales n’a cessé de s’intensifier et que des missions nouvelles ont été confiées à l’ONF, le volume du versement compensateur est en constante diminution depuis 1981.

Pour assurer un régime forestier identique en quantité et en qualité à celui de 1981, il faudrait aujourd’hui un versement compensateur à hauteur de 162,4 millions d’euros, selon les calculs effectués par les syndicats.

Le financement des conventions nationales au titre des missions d’intérêt général est, lui aussi, en recul. Le contrat État-ONF a confié le financement d’un certain nombre d’entre elles à l’ONF.

Le désengagement de l’État, mis en œuvre avec le contrat 2007-2011, aura des conséquences directes sur la qualité du service rendu. Ainsi, on note d’ores et déjà une forte diminution du nombre de patrouilleurs de lutte contre les feux de forêt.

S’agissant des retraites, il convient d’observer que la compensation de l’augmentation de la cotisation au Compte d’affectation spéciale « Pensions » constitue un nouveau transfert de charges du budget de l’État vers celui de l’ONF.

Pour 2009, le surcoût à la charge de l’ONF s’élèvera à 25 millions d’euros pour atteindre 60 millions d’euros en 2011.

Au vu des sources de financement de l’ONF, toutes ces décisions ne peuvent qu’entraîner une augmentation irraisonnée de la récolte de bois et des suppressions d’emplois massives.

Dès lors, quelle crédibilité faut-il accorder au Gouvernement lorsqu’il parle de développement durable ?

Je terminerai sur cette question, en indiquant que les décisions du Comité de modernisation des politiques publiques ne font qu’accentuer le mouvement vers l’abandon des missions de service public.

J’en viens maintenant au secteur de la pêche, sévèrement touché par des crises successives, en raison des impératifs de gestion de la ressource halieutique, mais également des coûts d’exploitation très lourds, notamment de la facture énergétique.

Dans ce contexte, les conditions de travail difficiles rendent peu attractifs les métiers du secteur.

D’abord, la hausse du coût des carburants que nous avons connue en 2008 a fortement diminué les ressources des marins pêcheurs.

Nous saluons donc l’effort fait par le Gouvernement en réponse à cette crise, au travers de la mise en place d’un plan pour une pêche durable et responsable.

S’il est vrai que les pouvoirs publics français se sont heurtés à la Commission européenne, le Gouvernement a finalement décidé de consacrer au secteur de la pêche 300 millions d’euros sur deux ans et non plus trois ans, et nous espérons qu’il respectera cet engagement.

De plus, le chapitre social du plan comprend la mise en place d’un salaire minimum pour les marins pêcheurs, en accord avec les salariés du secteur, ce qui est une bonne chose.

Mais n’oublions pas que des problèmes persistent, puisque beaucoup d’autres emplois, dépendant indirectement du secteur, sont touchés par la crise et que des bateaux de pêche sont encore détruits.

Ensuite, en ce qui concerne la gestion de la ressource halieutique, les réglementations ne peuvent pas être déterminées au seul échelon européen. Pour aider durablement la pêche, une réglementation internationale est essentielle, ce qui, nous le savons, pose problème.

Enfin, il serait nécessaire d’aller plus loin que le plan proposé pour répondre en profondeur à la crise du secteur.

Le découragement touche l’ensemble du monde de la pêche. Mon collègue Gérard Le Cam m’a fait part de la situation de l’armement Porcher d’Erquy, dans les Côtes-d’Armor, qui menace de se séparer de la moitié de ses bateaux, voire de la totalité, découragé par les contrôles tatillons et permanents de l’administration, par les appréciations divergentes sur la ressource réelle, certains pays de l’Union européenne ne jouant pas le jeu, par la hausse des carburants, par les abandons technologiques qui conduisent les armateurs à s’approvisionner à l’étranger.

Si la menace devait se réaliser, demain, ce sont trois cents à cinq cents personnes qui seraient touchées et, bien entendu, l’économie locale en souffrirait.

Alors que le conseil général vient d’investir dans le port d’Erquy, il est réellement souhaitable que l’activité perdure et se développe.

Nous savons que vous vous êtes investi, monsieur le ministre, sur ce dossier. Aussi, nous aimerions savoir quelles sont les perspectives dans ce secteur.

Cet exemple permet de poser la question de l’avenir de la pêche française qui s’amenuise d’année en année, alors que nous importons 80 % de la consommation nationale. À force d’être un élève zélé de l’Europe, nous payons chèrement l’addition. Un rééquilibrage serait nécessaire.

Pourquoi, par exemple, ne pas sensibiliser les pêcheurs à la diversification des activités de pêche et de cultures marines, comme la vente directe, la valorisation des produits, le tourisme bleu, la table d’hôte ?

Une telle évolution permettrait aux acteurs concernés de faire face aux difficultés rencontrées, notamment à la réduction des quotas, en percevant une plus-value, nécessaire dans la conjoncture actuelle.

Il nous semble important de réfléchir à la mise en place d’actions incitatives dans le cadre des politiques publiques, en nous servant – pourquoi pas ? – de l’expérience des pêcheurs qui se sont déjà engagés sur la voie de la diversification.

Je terminerai en évoquant les grandes difficultés que rencontre la conchyliculture. L’été de 2008 a été très mauvais pour le secteur en raison d’une forte mortalité d’huîtres juvéniles et de naissains. L’allégement des contributions, l’aide au réensemencement de naissains, le report des cotisations sociales et la mise en œuvre du Fonds national de garantie des calamités agricoles sont de bonnes mesures, mais elles ne concernent pas tous les ostréiculteurs.

Ainsi, alors que les huîtres d’Arcachon étaient enfin mises hors de cause dans les deux décès survenus en septembre 2007 et que le sous-préfet déclarait avoir eu confirmation par le parquet général que l’enquête était close, le ministère de l’agriculture apportait des réserves.

À l’approche des fêtes de fin d’année, la profession estime la baisse des ventes à 30 % dans le commerce de détail et entre 50 et 80 % dans les grandes surfaces. Les trois cent cinquante entreprises du bassin voient arriver cette période avec appréhension. Pour beaucoup, cette période représente de 30 % à 40 % du chiffre d’affaires de l’année. La profession se sent de plus en plus incomprise et craint de nouvelles interdictions.

Que proposez-vous à ces professionnels, monsieur le ministre ? Ne serait-il pas temps de regarder de plus près comment cette culture pourrait être protégée durablement, en lui permettant d’intégrer le périmètre Natura 2000 ou en accélérant le traitement des eaux usées qui se déversent à l’entrée du bassin ?

Ces politiques que je viens d’évoquer sont étroitement liées aux questions de biodiversité, de lutte contre la pollution et de développement durable.

Nous estimons que la réponse budgétaire apportée aux objectifs affichés est insuffisante. Pis, elle va à l’encontre de leur réalisation.

C’est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et du parti de gauche voteront contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux vous parler de la forêt à mon tour, brièvement mais, je l’espère, en maintenant un équilibre entre le pessimisme et l’optimisme.

Il nous faut bien constater, monsieur le ministre, que, en dépit de votre talent bien connu, les ambitions des Assises de la forêt appelaient une autre réponse budgétaire que celle qui ressort, par exemple, de la loi de programmation triennale.

Selon ce texte, les crédits du programme 149 « Forêt », qui s’élevaient à 305 millions d’euros en 2008, passent à 292 millions d’euros dans le budget pour 2009 et devraient chuter à 248 millions d’euros si l’on en croit les prévisions pour 2011. Ce n’est pas un progrès !

A minima, mais c’était peut-être beaucoup demander, il eût été souhaitable, pour tous les amoureux de la forêt, de confirmer l’orientation retenue auparavant et, conformément à cette dernière, de maintenir le montant du programme et renouveler les crédits consacrés à la reconstitution des forêts détruites par la tempête de 1999 – à mesure que cette reconstitution, heureusement, s’achève – en faveur des investissements forestiers, de protection et d’amélioration, qu’il s’agisse de la forêt publique ou de la forêt privée.

J’évoquerai d’abord la question de la forêt publique. Sa partie communale, représentée par la Fédération nationale des communes forestières de France, la FNCOFOR, dont j’étais naguère le responsable, s’est abstenue de voter le budget de l’ONF lors du conseil d’administration du 17 novembre, fait très rare.

En effet, si la FNCOFOR s’est réjouie du maintien du versement compensateur à 144 millions d’euros, comme le prévoit le contrat État-ONF – ce qui est pour nous une grande satisfaction et nous vous en remercions de grand cœur –, elle s’est inquiétée des charges qui pèseront désormais sur l’ONF, son partenaire, et non plus son tuteur. Il s’agit de l’augmentation de sa part patronale de dépenses sociales, soit 25 millions d’euros en 2009 et 60 millions d’euros en 2011, ainsi que de l’exigence par l’État d’un loyer pour l’usage, gracieux jusque-là, des maisons forestières. Là, nous confinons pour ne pas dire au folklore, à tout le moins à la dérision.

C’est que la révision générale des politiques publiques, la RGPP, mécanisme que la commission des finances approuve, est passée par là !

La réduction des effectifs, autre chapitre essentiel de la RGPP, se limitera-t-elle à la non-compensation d’un départ à la retraite sur deux déjà observée dans l’établissement ? Faudra-t-il aller plus loin dans le cadre de la norme de 1,5 % par an prévue par le contrat entre l’État et l’ONF ?

Les communes forestières, monsieur le ministre, vous demandent avec insistance de veiller à ce que les charges de l’ONF qui découleront de la RGPP soient ajustées à la situation du marché du bois, dont dépendent les ressources de l’établissement. Or ce marché, comme vous le savez, se dégrade sensiblement avec la crise de la construction.

Les communes, comme l’a dit mon successeur à la présidence de la COFOR, mon ami Jean-Claude Monin, ont été choquées de voir l’État ou l’ONF refuser désormais de s’acquitter de la taxe foncière sur les propriétés non bâties des forêts domaniales : cela représente 14 millions d’euros de recettes en moins pour les communes et l’abolition d’un usage traditionnel. Certes, ce n’est pas l’épisode le plus dramatique de l’histoire des forêts, mais cette situation est quelque peu regrettable.

La forêt privée, pour sa part, s’inquiète de la baisse des aides à la voirie forestière, pourtant reconnues nécessaires à l’accroissement de la récolte de bois.

Cette nécessité a été affirmée aux assises de la forêt et du bois. Le budget ne la reconnaît plus, ou il ne la reconnaîtra peut-être que plus tard. Quid du fonds de mobilisation, dont il a été question lors du Grenelle de l’environnement ? Comme l’ont observé la plupart des orateurs qui m’ont précédé, il existe un écart entre les espoirs suscités par le Grenelle de l’environnement en matière forestière et la réalité budgétaire.

Le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement, le DEFI, a été amélioré pour ce qui concerne le DEFI Travaux, mais non pour l’investissement foncier, c'est-à-dire le DEFI Forêt. Il serait pourtant souhaitable que l’application du seuil de cinq hectares soit étendue des forêts de montagne à l’ensemble du territoire forestier national.

Y aura-t-il bien un dispositif d’appui à la récolte du bois dans les forêts difficiles d’accès pour effectivement valoriser ce qui constitue, au-delà du solaire et de l’éolien, notre tout premier gisement national d’énergie renouvelable ?

M. Henri Plauche-Gillon, président de la Fédération nationale des syndicats de propriétaires forestiers et sylviculteurs, relevant que l’examen du projet de budget pour 2009, en première lecture à l’Assemblée nationale, avait débouché sur la suppression de 2 millions d’euros de crédits, destinés à être redéployés pour financer le plan de relance pour l’emploi, certes indispensable, vous a fait part, monsieur le ministre, de son amertume en ces termes : « La forêt – et c’est une observation que je me fais moi aussi depuis quelques années – sert régulièrement de variable d’ajustement au ministère de l’agriculture. »

C’est ainsi que, depuis quelques budgets, la forêt a dû, au dernier moment et pour satisfaire à des amendements parlementaires, sans doute justifiés, payer pour les bâtiments d’élevage, l’installation des jeunes agriculteurs, voire la lutte contre la fièvre catarrhale, que sais-je encore !

Faudra-t-il, dès lors, nous consoler en nous raccrochant à l’idée de créer un fonds « chaleur renouvelable », qui figure dans le document intitulé « 50 mesures pour un développement des énergies renouvelables à haute qualité environnementale » ? Ce fonds, d’après ce document officiel du ministère de l’environnement, est sous-tendu par une haute ambition puisqu’« il s’interfacera naturellement avec les outils mis en place pour faciliter la mobilisation de la ressource forestière ».

C’est un peu obscur, c’est sans doute un peu idéal, mais nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire pénétrer dans cette obscurité un peu de lumière, et dans cet idéal un peu de réalité ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous débattons des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2009 quelques jours après l’adoption, par l’Assemblée nationale, du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, mais avant l’examen de ce même texte au Sénat.

Or il est une vérité que nous partageons tous : les engagements pris à la suite du Grenelle de l’environnement ne deviendront effectifs que s’ils se traduisent par des engagements budgétaires concrets. À cet égard, si l’on en retrouve quelques éléments dans le projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, les ombres qui pèsent sur notre modèle agricole en crise – lui aussi ! – ne sont toujours pas dissipées.

Je relève, certes, quelques dispositions favorables au développement de l’agriculture biologique – j’y reviendrai ultérieurement –, mais je ne peux que dénoncer avec la plus grande fermeté le soutien apporté au développement des agrocarburants, à hauteur de 1 milliard d’euros d’argent public.

Je suis au regret de devoir rappeler à la Haute Assemblée les problèmes graves posés par le développement des agrocarburants de première génération, qui ne présentent pas un intérêt suffisamment significatif, en termes de bilan global d’émission de gaz à effet de serre, pour être ainsi subventionnés.

En effet, les cultures industrielles dédiées à la production d’agrocarburants de première génération ont une incidence très négative sur l’environnement, notamment sur la qualité des eaux et des sols, ainsi que sur la biodiversité.

Je me dois également de rappeler, à cet instant, les mises en garde de Jean Ziegler, rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation pour l’ONU, à propos du développement des biocarburants. Selon lui, loin de diminuer la faim dans le monde, le développement des biocarburants va l’aggraver : « Cet empressement […] revient à courir à la catastrophe. Cela risque d’entraîner une concurrence entre nourriture et carburant qui laissera les pauvres et les victimes de la faim des pays en développement à la merci de l’augmentation rapide du prix des aliments, des terres vivrières et de l’eau. »

C’est pourquoi, à l’instar du rapporteur spécial des Nations unies et de nombreuses organisations non gouvernementales en Europe et dans le monde, mon groupe demande un moratoire immédiat sur la production de ces agrocarburants de première génération.

Par ailleurs, dans notre pays, ces agrocarburants bénéficient indûment de l’appellation « biocarburants », alors qu’ils ne répondent en rien aux critères imposés à la filière biologique.

Au mieux, cet usage apparu dans le Journal officiel résulte d’une traduction erronée du terme anglais biofuel, qui ne prête pas à confusion dans les pays anglo-saxons dans la mesure où les produits issus de l’agriculture biologique y sont qualifiés d’organic. Au pire, cette appellation de « biocarburants » vise à entretenir la confusion au sein du grand public et parmi les consommateurs, en s’appuyant sur l’image positive du « bio » pour vendre un concept fallacieux sur le plan environnemental et dangereux pour la sécurité alimentaire mondiale.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à mettre un terme au subventionnement inacceptable des ces agrocarburants de première génération et à désamorcer cette « pompe à finances publiques » qui profite, une fois encore, au lobby céréalier ? Êtes-vous prêt, également, à abandonner une fois pour toutes cette appellation parfaitement erronée de « biocarburants » ?

Cela étant dit, je tiens à revenir sur le sort de la filière « bio », la vraie. Je salue votre volonté de soutenir cette filière, affichée lors de l’inauguration des assises nationales de l’agriculture biologique, avec une enveloppe supplémentaire annuelle de 12 millions d’euros accordée pour atteindre l’objectif fixé lors du Grenelle de l’environnement de tripler la surface consacrée à l’agriculture biologique.

Cela se traduit, aujourd’hui, par la décision de doubler le crédit d’impôt, par le déplafonnement des aides à la conversion à l’agriculture biologique et par l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les exploitations converties à l’agriculture biologique.

Si ces mesures vont dans la bonne direction, elles posent cependant quelques petits problèmes d’ordre technique : en effet, à la lecture du projet de budget pour 2009, nous nous apercevons que le doublement du crédit d’impôt ne sera effectif que pour le revenu de 2009, c’est-à-dire qu’il n’apparaîtra dans les trésoreries des paysans qu’en 2010 !

En outre, l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ne concerne pas les exploitations déjà engagées dans l’agriculture biologique. De plus, elle reste à la charge des communes !

En tout état de cause, le problème de fond, monsieur le ministre, est que ces bonnes dispositions sont loin de répondre aux enjeux actuels, qui ont bien été mis en lumière lors du Grenelle de l’environnement.

Nous sommes soumis à une double nécessité.

Tout d’abord, il faut marquer une nécessaire rupture avec le modèle de production agricole dominant, productiviste, qui, pour reprendre les propos tenus devant la commission des affaires économiques par Guy Paillotin, secrétaire perpétuel de l’Académie d’agriculture et président honoraire de l’INRA, n’est pas loin de l’effondrement du mur des pesticides.

Ensuite, il est nécessaire de prendre sans tarder le virage qui s’impose vers un modèle de production agricole fondé sur l’agro-écologie et la valorisation durable des spécificités de nos territoires et de nos terroirs, plutôt que sur la fuite en avant dans la chimie ou les manipulations génétiques. Il s’agit, en quelque sorte, de mobiliser, mais aussi de réorienter les efforts de recherche et de formation.

En attendant la réforme nécessaire de la PAC, il convient, monsieur le ministre, de réaménager notre politique agricole en utilisant enfin des marges de manœuvre qui, quoi qu’on en dise, existent, mais restent toujours ignorées.

Quand donc allez-vous saisir les chances offertes par l’application de l’article 69 de la PAC, en mobilisant les 9 milliards d’euros d’aides du premier pilier selon des critères environnementaux précis ? Les conclusions du Grenelle de l’environnement nous y invitent instamment.

Cette éco-conditionnalité forte, attendue par nos concitoyens, doit reposer sur des critères techniques simples, efficaces et vérifiables : surfaces de compensation écologique, chargement en animaux, diversité et rotation des cultures, réduction des intrants, exclusion de certaines pratiques et de certains produits.

À cet effet, il importe de ne pas se référer au cahier des charges de l’agriculture dite « raisonnée », élaboré au sein du forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement, le FARRE, qui défend les intérêts conjoints de la frange productiviste de la profession agricole et de l’agrochimie.

Je vous propose plutôt de vous appuyer sur les outils qui ont été développés avec succès au sein de votre ministère. Je pense ici aux indicateurs de durabilité des exploitations agricoles, à l’élaboration desquels j’ai eu le plaisir de collaborer naguère en tant qu’ingénieur du génie rural, des eaux et des forêts, et qui, de mon point de vue, peuvent servir de base d’évaluation des systèmes de production agricoles et des pratiques effectivement durables.

À court terme, les engagements du Grenelle de l’environnement ne pouvaient pas ne pas déboucher sur des dispositions fiscales claires, propres à infléchir les pratiques agricoles dans le sens du respect de l’environnement. Je pense, notamment, au renforcement des taxes et des redevances sur les pollutions et sur la consommation de ressources naturelles, ainsi qu’à la mise en place d’une taxation dissuasive des pesticides. Hélas, en la matière, les dispositions fiscales proposées dans le projet de loi de finances sont surtout symboliques !

Au final, ce projet de budget est loin d’introduire la rupture nécessaire et attendue par nos concitoyens, mais aussi par l’immense majorité des paysans de France.

Ces paysans souffrent sur le plan économique. Ils souffrent également de ne pas être compris et ils continuent de subir de plein fouet les effets désastreux d’une déclinaison de la PAC à la française, construite sur les fameuses et détestables – j’ose le dire ! – références historiques.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s’agit d’une des pires déclinaisons de la PAC au sein de l’Union européenne. Elle continue de profiter indûment à la minorité bien organisée et influente des grands céréaliers, au détriment des éleveurs extensifs.

Eu égard à l’ensemble de ces considérations économiques, sociales et environnementales, monsieur le ministre, les Verts voteront contre les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je profiterai de ce débat pour évoquer l’avenir de la filière de déshydratation de luzerne, à la lumière de l’accord conclu, le 20 novembre dernier, sur le bilan de santé de la politique agricole commune.

Cet accord doit normalement permettre à l’agriculture européenne de relever de nouveaux défis, parmi lesquels la gestion de l’eau et le soutien aux agriculteurs dans une perspective de protection de l’environnement.

Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l’une des plantes de grande culture les plus favorables à la protection de l’environnement est la luzerne. Avec une production de 1,2 million de tonnes, la France se place au deuxième rang des pays producteurs de luzerne déshydratée en Europe.

La luzerne est, en effet, l’une des dernières sources de pollen pour les abeilles, notamment dans l’est de la France. La filière bénéficie d’ailleurs du soutien de l’Organisation mondiale de protection de l’environnement, le WWF, de la Ligue pour la protection des oiseaux, de la Fédération nationale d’agriculture biologique et des syndicats d’apiculteurs, au moment même où l’on s’inquiète d’une surmortalité des abeilles.

C’est une culture qui permet de protéger les captages d’eau potable et c’est la seule plante cultivée, avec le pois et la féverole, qui n’a pas besoin d’engrais, car elle absorbe naturellement l’azote de l’air.

Elle est, par ailleurs, très sobre en intrants, puisqu’elle ne nécessite qu’un épandage d’herbicide par an et un de pesticide tous les trois ans et n’a pas besoin de fongicide.

Enfin, c’est la plante la plus intéressante, parmi les grandes cultures, du point de vue de la biodiversité, notamment en matière de préservation de la macrofaune et de la microfaune, puisqu’elle occupe de quatre à cinq ans une même parcelle.

Au-delà de ses avantages environnementaux indéniables, la culture de la luzerne permet également de réduire la dépendance de notre pays en matière de protéines végétales, puisque cette plante remplace avantageusement, dans la nourriture animale, les aliments à base de soja, qui sont pratiquement en totalité importés des États-Unis et du Brésil et qui, dans la plupart des cas, nous le savons, sont produits à partir d’organismes génétiquement modifiés.

Par ailleurs, des recherches menées ces dernières années ont confirmé que les extraits foliaires de luzerne constituaient un complément nutritionnel des plus efficaces pour l’homme, notamment parce qu’ils sont une source de protéines, de vitamine A et de fer et qu’ils peuvent apporter une contribution très importante à l’amélioration de l’état nutritionnel des populations des pays en voie de développement.

Toutefois, malgré tous ces éléments extrêmement positifs et reconnus, la culture de la luzerne est menacée par la réforme de la PAC, puisqu’a été décidé le découplage, au 1er janvier 2012, des aides à la transformation des fourrages séchés.

Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, que ce découplage risque d’entraîner une baisse de 80 % de la production de luzerne, tout simplement parce que les producteurs empocheront la prime et se tourneront vers des cultures plus rémunératrices ! Je rappelle que l’aide actuelle coûte à l’Union européenne 118 millions d’euros, soit 0,2 % de son budget agricole, qui s’élève à 55,4 milliards d’euros.

La profession avait émis le vœu que le découplage n’intervienne pas avant le terme initialement prévu de 2013, de telle sorte qu’elle ait le temps d’adapter ses outils de transformation pour, notamment, les rendre plus économes en énergie. Les investissements extrêmement lourds qui sont nécessaires à cette évolution et qui ont déjà été engagés ne seront malheureusement pas achevés d’ici à 2012.

Alors même que le Grenelle de l’environnement va assigner aux agriculteurs français l’objectif de cultiver 20 % de la surface agricole de notre pays de manière biologique en 2020 – je ne suis pas sûr que cela soit totalement réaliste – et que l’Europe, au travers de son bilan de santé de la politique agricole commune, a souhaité accroître les « projets verts » en renforçant le deuxième pilier au détriment du premier, nous avons là une culture biologique exemplaire qui risque de disparaître. Pourtant, elle représente, du fait de sa sobriété, un atout pour réduire l’usage des produits phytosanitaires.

Dans ces conditions, et compte tenu des enjeux extrêmement forts qui s’attachent au maintien dans notre pays d’une filière dynamique de la luzerne déshydratée, ainsi que de la détermination dont vous avez toujours fait preuve, monsieur le ministre, pour défendre cette culture, j’émets le vœu que vous puissiez, au cours de l’année prochaine, prendre des mesures permettant de donner aux déshydrateurs le temps qui risque, hélas ! de leur manquer pour assurer l’avenir de ce secteur. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Benoît Huré.

M. Benoît Huré. Tout d’abord, je souhaite, monsieur le ministre, vous féliciter du travail accompli à la tête de votre ministère, particulièrement au cours de la présidence française de l’Union européenne.

Vous avez su réunir une large majorité des pays membres de l’Union autour d’un projet ambitieux, bien que les négociations se soient avérées souvent très ardues. En soutenant, notamment, le financement de fonds européens de développement de l’assurance récolte et l’instauration de fonds de mutualisation pour faire face aux crises sanitaires et environnementales, vous donnez aux agriculteurs de nouveaux outils permettant une grande avancée en matière de protection contre ces risques.

Désormais, nous devons continuer dans cette voie en aidant le monde agricole à se protéger contre le risque économique, qui aujourd’hui, compte tenu de la situation internationale, peut nous faire craindre le pire. L’agriculture est un secteur stratégique pour notre pays puisque, en plus d’assurer l’autonomie et la sécurité alimentaires de nos concitoyens, elle contribue à un excédent de 9 milliards d’euros, ce qui la place loin devant l’industrie automobile, par exemple, et participe pleinement à la résorption de ce fléau qu’est la famine, intensifiée par la croissance démographique mondiale.

Cela étant, la récente décision de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, exigeant du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière, le CNIEL, qu’il cesse toute recommandation en matière de fixation du prix du lait, au motif que cela serait contraire à l’intérêt des consommateurs, ne peut que susciter notre étonnement.

En effet, à travers cette décision, et sous prétexte de défendre les consommateurs, la DGCCRF a mis à mal la position de la profession agricole face à la distribution, plus précisément face à la grande distribution.

M. Adrien Gouteyron. Tout à fait !

M. Benoît Huré. Soutenir le principe de l’interprofession, c’est permettre un partage plus équitable des marges entre tous les acteurs de la filière agricole et alimentaire, et ainsi favoriser le consommateur, contrairement aux dires de la DGCCRF.

Vous le savez, l’agriculture n’est pas une activité économique comme les autres. Au-delà de sa technicité et de sa productivité sans cesse améliorées, l’agriculture doit tenir compte de contraintes sur lesquelles elle n’a aucune prise, tels les risques sanitaires et climatiques.

Sans interprofession, les prix, nous le voyons bien, ne reflètent pas la réalité économique que connaissent les agriculteurs.

Ainsi, depuis le début des années quatre-vingt-dix, le prix de la viande bovine payé au producteur a baissé de près de 10 %, alors que le consommateur a subi une hausse de près de 50 %.

L’an dernier, les agriculteurs ont connu une hausse des cours des céréales et du lait, pour ne citer que ces deux productions, répercutée immédiatement sur les produits transformés. Cette année, ces mêmes cours ont nettement baissé, mais le consommateur n’a constaté aucun changement des prix des denrées alimentaires pratiqués par la grande distribution.

Une baisse des prix pour les producteurs doit s’accompagner d’une baisse des prix pour les consommateurs : voilà quel devrait être le souci constant de la DGCCRF.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Benoît Huré. Je sais, monsieur le ministre, que vous tenez à ces interprofessions, parce que, comme moi, vous voyez en elles un véritable atout pour défendre l’agriculteur et le consommateur, mais également pour faire face à la mondialisation, à l’inorganisation des marchés agricoles et à la volatilité des cours. L’application de la seule loi du marché, dans le secteur agricole, montre très vite ses limites et ses dangers, et livre les consommateurs et les producteurs aux aléas des marchés spéculatifs, volatils et erratiques.

Mme Évelyne Didier. Très bien !

M. Benoît Huré. Finalement, s’en remettre au bon vouloir de la grande distribution hyperconcentrée, ce serait courir le risque de voir se produire des comportements identiques à ceux des financiers internationaux qui se sont servis abondamment, sans autre motivation que leur rapacité, et ont fragilisé l’ensemble des pays qui se trouvent maintenant confrontés à la crise.

Le projet de budget que vous nous présentez aujourd’hui, marqué par une augmentation de 2,4 % des crédits, est un moyen de plus pour conforter l’agriculture française et consolider son avenir, malgré un contexte budgétaire national et européen contraint et une situation internationale très difficile. C’est la raison pour laquelle je vous apporterai mon total soutien en le votant, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas obligatoirement sur ce que je vous ai déjà dit à propos de la PAC et de votre action, que je salue.

Je souhaite en fait dresser un constat plus général sur ce projet de budget qui nous est présenté au moment même où l’ensemble des productions agricoles françaises vivent une situation de crise quasiment généralisée. C’est presque une première, car, généralement, quand certains secteurs sont en crise, d’autres se portent mieux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Si les crédits de paiement augmentent, c’est simplement pour répondre aux engagements pris, notamment l’année dernière. L’important, en fait, ce sont les autorisations d’engagement, et sur ce point l’analyse n’est plus la même, ni pour cette année ni pour celles à venir.

Parmi les aspects plutôt satisfaisants de ce projet de budget, je citerai l’installation des jeunes agriculteurs, que plusieurs orateurs ont déjà évoquée, la sécurité alimentaire, l’enseignement supérieur et la recherche, la gestion des aléas. Je souligne le maintien de votre ligne de conduite sur ces sujets.

Toutefois, parallèlement, il y a aussi des manquements, des oublis, notamment en ce qui concerne les retraites agricoles, qui nécessitent une véritable solidarité nationale, démarche qui ne semble pas spécialement vous motiver… Je ne crois pas qu’ouvrir la perspective de travailler jusqu’à soixante-dix ans constitue cet acte de solidarité attendu par nos anciens !

Au chapitre des oublis, on trouve aussi la gestion des crises, la forêt et le grand plan de modernisation des exploitations lancé par votre prédécesseur. Qu’est devenu ce plan ? J’évoquerai également, à ce même chapitre, l’enseignement technique agricole, ainsi que le soutien au service public de l’équarrissage, sujet sur lequel plusieurs orateurs sont intervenus.

J’ai conscience qu’il est ardu de concilier les exigences de l’OMC et celles de la réforme de la PAC, pour laquelle les perspectives d’avenir au-delà de 2013 continuent de m’inquiéter. Comment commencera-t-on à lisser la participation nationale pour compenser les effets sur les revenus de nos agriculteurs de ce qui risque d’être un retrait de la politique agricole commune ?

En outre, d’autres problématiques interviennent, liées au Grenelle de l’environnement, à l’aménagement du territoire, sans oublier certaines questions fondamentales : l’agriculture doit toujours nourrir la planète, offrir des revenus décents aux agriculteurs et leur donner des perspectives de vie.

Certes, nous avons conscience que cette équation est difficile à résoudre. Néanmoins, en matière de soutien et d’accompagnement du monde agricole, permettez-moi de rappeler, si cela est nécessaire, que les Américains donnent sans aucun scrupule, au travers du Farm Bill, des avantages compétitifs à leurs agriculteurs, que le Canada, au sein du groupe de Cairns, n’hésite pas à avantager directement sa production laitière.

Assurément, monsieur le ministre, vous devez être encore plus agressif dans le débat européen, et surtout dans l’élaboration du budget national !

J’ai pris bonne note de votre méfiance à l’égard d’un système européen trop libéral et de votre souhait que notre agriculture s’inscrive dans un contexte soutenu et, surtout, régulé.

J’apprécie très sincèrement cette évolution du discours politique, mais ne couvrir qu’un tiers des besoins de notre agriculture dans le projet de budget pour 2009, sans prévoir un lissage du retrait quasiment inévitable de l’Union européenne dans les trois ou quatre ans à venir, me semble très risqué.

J’ai le sentiment que le monde agricole n’est pas toujours entendu. Aujourd'hui, on lui demande en quelque sorte de payer deux fois la note : d’un côté, les prix des intrants ont fortement augmenté ; de l’autre, ceux des matières premières agricoles sont repartis à la baisse, d’où les crises actuelles. Ce déséquilibre atteint de plein fouet l’élevage, notamment ovin. Que fait-on des droits à paiement unique dormants, monsieur le ministre ?

La notion de contractualisation par filière ne devrait-elle pas être soutenue afin de mieux mutualiser, de mieux protéger, en recherchant une meilleure valeur ajoutée, peut-être un nouvel équilibre des soutiens céréaliers au profit de l’élevage ?

En vue de l’après-2013, ne faut-il pas essayer de trouver une cohérence entre le périmètre de la PAC et la zone euro, plutôt que de s’engager dans une renationalisation de cette politique, ce qui représenterait pour nous un risque terrible ?

Le deuxième pilier évolue à nouveau pour contribuer à soutenir les revenus, alors qu’il n’est pas spécialement conçu pour cela. Ce point mérite une clarification, que je ne trouve pas dans le bilan de santé de la politique agricole commune.

Par ailleurs, l’OMC joue-t-elle correctement son rôle dans le désordre international actuel ?

Au regard de toutes ces interrogations, ce projet de budget est bien timide. La nécessité d’une cohérence entre la production agricole et les entreprises agroalimentaires en aval conduit à l’idée d’une contractualisation des filières. Mais il est vrai qu’il est difficile de jouer la carte du « tout-libéral » tout en voulant protéger l’agriculture.

Enfin, le foncier reste une véritable difficulté pour l’agriculture. Quelle cohérence européenne pouvons-nous espérer à l’avenir sur cette question ?

Mon intervention sur ce projet de budget me donne l’occasion de rappeler que nos campagnes françaises ne doivent pas être de simples espaces verts : elles doivent permettre à nos agriculteurs d’offrir à tous une alimentation suffisante et de qualité.

Cependant, les campagnes se gèrent non pas sur une année, mais à l’échelle d’une génération. Or nous ne retrouvons une telle perspective ni dans ce projet de budget ni en Europe.

Malgré les remarques positives que j’ai pu formuler,…

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. C’est bien !

M. Jean-Marc Pastor. … en particulier sur la promotion d’un infléchissement des conceptions très libérales qui dominent aujourd’hui en Europe vers la mise en place de protections pour accompagner notre agriculture, ce projet de budget comporte un certain nombre de manques. C’est pourquoi mon groupe ne votera pas les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

MM. Charles Revet et Gérard César. C’est dommage !

M. Jean-Marc Pastor. En effet, mais j’espère que, la prochaine fois, le projet de budget sera meilleur, et que je pourrai faire une annonce différente à cette tribune ! (Sourires. –Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, avant toute chose, je voudrais saluer votre présence à la tête de l’important ministère de l’agriculture et de la pêche, dont l’action concerne l’ensemble de notre territoire, du littoral à la montagne en passant par la plaine.

Dans le Cantal, département proche de la Haute-Loire, vous vous êtes même présenté comme le « ministre des agricultures ». C’est au nom de l’une de ces agricultures, celle de montagne, que je veux m’exprimer à cette heure : elle ne demande pas de privilèges, mais voudrait simplement un traitement équitable, tenant compte des nombreux handicaps qu’elle rencontre. Le Savoyard que vous êtes a à cœur, je le sais, de comprendre et de défendre les intérêts des zones de montagne.

Chaque année, l’étude de ce projet de budget est un moment important. En effet, nous savons tous, sur les travées de cette assemblée, quelle place l’agriculture a tenue hier, tient aujourd’hui et tiendra demain dans notre pays, en assumant des vocations nouvelles et complémentaires, ainsi que des mutations successives. À cet égard, les récentes manifestations liées au prix du lait nous rappellent que les éleveurs laitiers traversent une période difficile et incertaine.

Nos agriculteurs doivent être prêts à faire face aux évolutions, en sachant s’adapter et réagir en permanence.

Le Grenelle de l’environnement montre combien l’agriculture occupe une place majeure en France et dans le monde. Plusieurs orateurs l’ont déjà souligné, elle doit répondre au défi alimentaire, c'est-à-dire nourrir près de 7 milliards de personnes aujourd’hui et, sans doute, 9 milliards en 2050. Elle a aussi une mission sanitaire, environnementale et sociale, sans oublier sa contribution indispensable à l’aménagement du territoire.

Cependant, le contexte budgétaire difficile que nous connaissons aujourd’hui impose de fixer des priorités. Les agriculteurs savent qu’ils ont un bon ministre, qui sait faire entendre sa voix au plan européen. En outre, nous apprécions la qualité des informations qui nous sont fournies par vos services lorsque nous les sollicitons.

Connaissant votre intérêt pour les problèmes de la montagne, je souhaite attirer votre attention sur cette agriculture spécifique, frappée de nombreux handicaps, qui mérite une écoute, un soutien et un accompagnement. Monsieur le ministre, la montagne souffre, et avec elle tous nos territoires ruraux.

Ainsi, nos éleveurs connaissent des problèmes de trésorerie. Au-delà, l’avenir manque de lisibilité pour les filières bovine – lait ou viande – et ovine, la filière porcine traversant de surcroît, à l’heure actuelle, une très grave crise.

L’agriculture de montagne ne demande rien d’autre qu’une prise en compte équitable de ses difficultés, afin que soit restaurée une certaine égalité de traitement, et la reconnaissance des nombreux handicaps qui la caractérisent. Par exemple, la faible densité des exploitations en zone de montagne entraîne un surcoût de la collecte du lait.

N’oublions pas non plus les normes spécifiques s’appliquant aux bâtiments d’élevage en zone de montagne, les mesures agro-environnementales particulières et la multiplication des contrôles, qui sont parfois pratiqués avec un manque de réalisme et de bon sens !

Évoquer les bâtiments d’élevage, c’est rappeler les efforts réalisés depuis 2004 avec une dotation de 42 millions d’euros pour les zones considérées. Cependant, si le succès rencontré par ce plan est incontestable, le nombre important des dossiers en attente montre ses limites.

Dans ce contexte, il faut, je le dis avec beaucoup de modération, simplifier, éviter de superposer les dispositifs, ne pas employer des moyens démesurés pour chercher une aiguille dans une meule de foin ! Appliquons les règles avec équité, certes, mais également avec bon sens !

Régulièrement, dans le cadre de mon mandat de sénateur, je rappelle combien il est important de favoriser l’installation de nos jeunes agriculteurs, afin de permettre à tous ceux qui ont œuvré une longue partie de leur vie avec beaucoup de courage et de détermination de pouvoir bénéficier d’une retraite bien méritée. Là aussi, il s’agit non pas d’accorder un avantage, mais de respecter une forme de parité sociale.

Sur ce sujet, reconnaissons les avancées obtenues avec l’instauration de la retraite complémentaire obligatoire. Pourtant, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que la disparition des préretraites déçoit quelque peu les agriculteurs à l’heure où l’on souhaite favoriser l’installation des jeunes. Certains d’entre eux pouvaient prétendre au bénéfice de ce dispositif.

Pour nos zones de montagne, la revalorisation de l’indemnité compensatrice des handicaps naturels est une nécessité. En effet, les objectifs annoncés à cet égard n’ont pu être atteints.

L’économie agricole en montagne ne peut être abandonnée au bord de la route : elle doit, comme toute activité économique, être accompagnée et soutenue. Le plan de modernisation des bâtiments constitue à ce titre un outil indispensable pour nos zones de montagne.

Il ne suffit pas de mobiliser nos énergies pour la mise en œuvre de plans de relance de différentes filières si, dans le même temps, les tracasseries administratives, les mesures de contrôle et les réglementations viennent contraindre chaque jour un peu plus notre agriculture de montagne et ses partenaires.

Monsieur le ministre, vous le savez bien, si l’on veut conserver une agriculture de montagne, il faut envisager son avenir et, comme l’a écrit Maurice Bourdel, « l’avenir ne se prévoit pas, il se prépare ».

Je vous remercie d’avoir écouté un ancien agriculteur devenu sénateur, mais qui n’a pas perdu l’amour de son métier ! Je voterai les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de budget du ministère de l’agriculture et de la pêche intervient une nouvelle fois dans un contexte budgétaire très difficile de maîtrise des dépenses et de réduction des déficits. Cependant, alors que l’agriculture est confrontée à des défis européens et internationaux majeurs, il préserve la plus grande partie des mesures à destination du monde agricole.

Je voudrais, dans le temps qui m’est imparti, m’attarder sur plusieurs points.

Issu d’un département dont l’une des particularités est un fort taux d’installation de jeunes agriculteurs – une centaine en moyenne s’établissent chaque année –, je me félicite de la volonté du Gouvernement de leur adresser un signal fort.

En effet, la dotation aux jeunes agriculteurs sera maintenue à son niveau de 2008, et le volume des prêts bonifiés sera augmenté, avec une enveloppe constante de 130 millions d’euros sur la période 2009-2011.

Je souhaite également souligner les efforts du Gouvernement pour mettre en place un montant minimal de retraite pour tous les agriculteurs qui auront cotisé au moins dix-sept ans et demi, et pour faire bénéficier les veuves d’exploitant agricole de la retraite complémentaire obligatoire qui avait été acquise par leur conjoint.

Je voudrais maintenant aborder le sujet important de la crise de la fièvre catarrhale ovine, qui s’est largement développée en France, fragilisant très fortement les filières bovine et ovine, particulièrement les élevages de bovins allaitants.

L’État a mis en place une campagne de vaccination obligatoire contre le sérotype 8 en 2008, et une augmentation de 4,6 % des crédits du ministère destinés à la lutte contre les maladies animales est annoncée. C’est une très bonne nouvelle !

Cependant, un autre sérotype, venant du Sud-Ouest, le sérotype 1, a fait son apparition depuis quelques mois dans mon département. Cela imposera très vraisemblablement une campagne de vaccination en 2009. Enfin, un nouveau sérotype est apparu très récemment dans les pays du nord de l’Europe.

Sur ce dossier très sensible de la fièvre catarrhale ovine, une vigilance particulière est requise pour s’assurer que l’État sera en mesure de fournir les quantités de vaccins nécessaires pour les différents sérotypes lors des prochaines campagnes de vaccination.

Pour sa part, le conseil général de la Loire observe l’évolution de la fièvre catarrhale ovine et son incidence sur les filières agricoles du département. En 2008, il a soutenu financièrement les éleveurs touchés par cette maladie.

Nous suivrons avec une grande attention les négociations en cours sur la participation de l’Union européenne au financement des vaccins et de la vaccination. Je tiens à saluer les efforts de votre ministère, qui met tout en œuvre pour assurer la sécurité sanitaire de nos concitoyens.

D’une manière plus générale, je voudrais profiter de mon intervention pour relayer la très forte inquiétude des agriculteurs touchés par une baisse de leurs revenus, sur l’ensemble du territoire et en particulier dans mon département.

La Loire, département d’élevage essentiellement, est particulièrement sensible à l’augmentation des prix des matières premières nécessaires à la fabrication des aliments pour animaux.

En effet, on assiste actuellement à une flambée des prix des céréales, des oléagineux et des protéagineux, sans qu’elle soit accompagnée d’une augmentation des prix de vente des produits d’élevage, tels que le lait, la viande ou les animaux vivants. Parallèlement, le coût de l’ensemble des intrants agricoles – engrais, fumures, produits phytosanitaires, gazole –augmente, suivant les fluctuations des cours du pétrole.

Le revenu des éleveurs du département est donc directement affecté par la conjoncture mondiale. Ainsi, on observe une baisse de 12 % du revenu net des entreprises agricoles par actif non salarié en 2007. Elle sera probablement deux fois plus forte en 2008.

Pour les seuls éleveurs d’ovins et de bovins à viande, nos simulations de l’évolution du revenu sur deux ans faisaient apparaître une baisse de 50 % à 60 % par rapport à 2006. Plusieurs représentants du monde agricole m’ont d’ailleurs fait part de situations sociales et économiques de plus en plus difficiles.

Après avoir pris connaissance des résultats de la conférence nationale sur le revenu des agriculteurs, des décisions du conseil des ministres européens de l’agriculture des 19 et 20 novembre, ainsi que du détail des mesures qui leur sont destinées, beaucoup d’agriculteurs de la Loire m’ont fait connaître leur déception.

Je terminerai mon intervention en développant quelques réflexions sur des points qui me semblent très importants.

Tout d’abord, je voudrais souligner la nécessité de réduire autant que faire se peut, dans le secteur laitier, les possibilités de prêts de quotas en fin de campagne. Le marché laitier étant surapprovisionné, rien ne justifie la décision du conseil des ministres européens de l’agriculture d’augmenter de cinq points les quotas entre 2009 et 2013 ou, pour la campagne en cours, d’autoriser des dépassements de quotas.

S’agissant d’un autre thème de ce même dossier, je voterai l’article 59 ter du projet de loi de finances pour 2009, qui répond totalement à la problématique de la filière laitière française en légitimant le rôle de l’interprofession en matière d’éclairage des marchés.

Par ailleurs, l’article 54 du projet de loi de finances pour 2009, qui a été supprimé par les députés, visait à prévoir une augmentation de 130 % d’ici à 2011 des taux de la redevance sur les produits phytosanitaires – redevance qui a été instaurée par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 – et un élargissement de l’assiette.

Une telle hausse, qui ferait passer le produit de la redevance de 50 millions d’euros en 2007 à 150 millions d’euros en 2012, aggraverait encore le poids des charges des agriculteurs, déjà soumis à la forte augmentation du coût des intrants et de l’énergie. J’espère donc que le Sénat ne rétablira pas cet article. S’il devait en aller autrement, je m’opposerais à toute nouvelle augmentation.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Bernard Fournier. Enfin, j’indique que je soutiendrai l’amendement n° II-132 présenté par M. Gérard César, car il vise à conforter la dotation des CUMA pour 2009.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, vous avez bien sûr tout mon soutien. Je voudrais vous remercier de votre écoute, de votre compétence et de votre détermination. Vous avez en permanence la volonté d’associer les parlementaires aux décisions que vous prenez : je tenais à le souligner et je vous en félicite. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget entend placer la forêt sous le signe d’un développement « durable », mais pas résistant au feu… Ainsi, au sein de ce projet de loi de finances, l’action « Prévention des risques et protection de la forêt » est celle dont les crédits ont été le plus largement amputés par rapport à 2008 : 3,2 millions d’euros de moins, soit une baisse de 7,1 %.

Cela me conduit à vous parler d’une institution de plus en plus diaphane, le Conservatoire de la forêt méditerranéenne, le CFM, de l’évolution de ses crédits et de l’usage qui en est fait.

Je rappelle que le CFM, créé il y a une vingtaine d’années à la suite des grands incendies qui ont embrasé le sud de la France, avait alors été doté d’un budget de l’ordre de 15 millions d’euros, alimenté de manière spécifique par une taxe nouvelle sur les briquets et une hausse de la fiscalité sur les tabacs.

Au fil des années, c’est à un véritable détournement de ces fonds que nous allons assister.

En 2008, le budget du Conservatoire de la forêt méditerranéenne n’était plus que de 7,5 millions d’euros, soit la moitié des crédits d’origine. Un bel effort sera consenti en 2009, puisqu’il atteindra 8 millions d’euros : sans doute s’agit-il d’une erreur ! Plus grave encore, non seulement les crédits du Conservatoire de la forêt méditerranéenne ont été amputés de moitié, mais ils ont aussi été détournés de leur objet.

À l’origine, la mission du CFM était de financer, en partenariat avec les collectivités locales dans quinze départements du sud de la France, les travaux de défense de la forêt contre les incendies, les travaux d’entretien, et de préfinancer l’exécution d’office du débroussaillement obligatoire, qui est de la responsabilité des maires.

Ce sont des actions de prévention au sens strict du terme, puisqu’elles visent à réduire le volume de la biomasse inflammable et à réaliser des ouvrages d’appui à l’intervention des pompiers. En résumé, il s’agit d’éviter que les centaines de départs de feu survenant en période critique ne se transforment en catastrophes sur des centaines, voire des milliers d’hectares.

Aujourd’hui, ces crédits servent à financer tout autre chose : des patrouilles de surveillance, des véhicules ou des constructions. La Cour des comptes le disait déjà dans son rapport de 2000 : « Le constat s’est donc confirmé que l’État négligeait la prévention, peu visible, et privilégiait l’achat d’un matériel destiné à une lutte active et plus spectaculaire contre les incendies. » Encore un rapport oublié de la Cour des comptes ! Constatons aussi que, accessoirement, LOLF ou pas, des crédits d’aménagement rural se trouvent ainsi métamorphosés en crédits de sécurité civile.

Agir de cette façon, c’est se préoccuper du détonateur et des secours en ignorant l’explosif. En effet, la forêt méditerranéenne n’est pas une poudrière qu’il suffirait de tenir sous haute surveillance pour qu’elle se tienne tranquille. Il faut plutôt la comparer à un dépôt de gaz qui fuirait. Comme le gaz, la biomasse produite à chaque instant qui n’est détruite ni par l’homme, ni par l’animal, ni par le feu demeure sur place, augmentant d’autant le risque. Plus tardive sera sa destruction, plus catastrophique sera l’incendie qui ne manquera pas de se déclarer. C’est exactement ce que l’on observe sur des périodes de dix ou quinze ans.

Se fixer comme indicateur de réussite de la prévention, comme le précise l’annexe budgétaire, « le nombre de départs des feux qui ont été éteints avant de dépasser la surface d’un hectare, sur le nombre total des départs de feux déclarés » n’a donc guère de sens ou est tout au moins largement insuffisant.

Aussi efficace l’intervention des pompiers sur feux naissant soit-elle, en période d’extrême sécheresse et de vent violent, quelques foyers leur échapperont. Le problème, comme je l’ai dit, est d’éviter que des centaines d’hectares ne s’embrasent. Tel devrait être l’objectif de la DFCI, la défense des forêts contre l’incendie.

Visiblement, cela n’intéresse pas les responsables de ce pays. Les communes forestières, très généralement sans grands moyens financiers et humains, se retrouvent donc bien seules quand il s’agit de réaliser, de financer et d’entretenir ces ouvrages, pour le coup durables, de protection contre l’incendie. Elles ne bénéficient d’aucun financement du Conservatoire de la forêt méditerranéenne, quand bien même elles se voient imposer des plans de prévention des risques naturels prévisibles d’incendie de forêt, les fameux PPRIF.

Le choix est alors simple : ne plus construire, voire ne plus reconstruire dans certaines zones, hors du secteur aggloméré, ou réaliser des travaux – pour le renforcement de la ressource en eau et des réseaux de distribution, l’élargissement de la voirie communale et des pistes DFCI – ou des équipements, tels que des pare-feux. Or toutes ces dépenses sont hors de portée de leur budget. Et pour ce qui est des prescriptions, on peut faire confiance aux services de l’État : la sécurité, cela n’a pas de prix quand ce sont les autres qui paient !

Ces mêmes communes sont aussi chargées de faire respecter les obligations de débroussaillement, sans avoir les moyens de préfinancer les travaux d’office.

Pour terminer, je voudrais prendre un exemple, celui de la commune varoise de Collobrières, située au cœur du massif des Maures, qui compte 1 710 habitants et 11 268 hectares de forêt. C’est la zone que vous traversez, monsieur le ministre, quand vous vous dirigez vers le golfe de Saint-Tropez.

M. Michel Barnier, ministre. Je n’y vais jamais !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous êtes bien le seul ministre qui n’y aille pas ! Je n’ai pas de chance ! (Sourires.)

M. Michel Barnier, ministre. En revanche, c’est un massif que j’ai fait classer !

M. Pierre-Yves Collombat. Oui, mais il faut aussi l’entretenir.

Quoi qu’il en soit, c’est l’une des dix-sept communes forestières du Var à qui l’on a imposé un PPRIF après les incendies de 2003. Pour faire oublier qu’aucun préfet jusque-là n’y avait pensé, on a redoublé de rigueur aux frais des communes !

À Collobrières, le simple entretien des pare-feux et des pistes DFCI coûtera 300 000 euros par an, soit 15,5 % du budget de fonctionnement de la commune. Je vous laisse imaginer le reste des dépenses…

La Cour des comptes a été claire : « Or la création du CFM n’a jamais été présentée comme une action dans laquelle l’État apporterait une aide de démarrage dont le relais devrait être pris par le partenariat local ; tout au contraire, des ressources spécifiques avaient été créées pour en assurer la pérennité. »

Ce que demandent les communes forestières, c’est donc que cette nouvelle ressource, du moins ce qu’il en reste, enfin affectée en totalité à son objet initial, les aide à faire face aux obligations qui sont les leurs. Voilà qui serait du développement durable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Yann Gaillard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de budget intervient dans un contexte international de grande crise. Or l’agriculture reste l’un des secteurs d’activité fondamentaux de notre pays, puisque représentatif de l’économie réelle, celle dont l’importance s’accroît dans la période que nous traversons.

La politique que vous menez, monsieur le ministre, s’inscrit dans un cadre européen, et je veux ici souligner les efforts importants que vous déployez de façon énergique pour tenter d’ouvrir des perspectives claires aux agriculteurs.

Il est en effet indispensable d’accompagner notre agriculture, qui doit relever des défis liés non seulement aux nouvelles règles environnementales, mais aussi aux impératifs de la sécurité sanitaire et alimentaire.

Le développement des biocarburants participe de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait entendu les propositions qui lui ont été faites et qu’une solution ait été trouvée. Ce compromis permet de sauver la filière, qu’il eût été incompréhensible d’abandonner de façon aussi brutale.

Par ailleurs, la fièvre catarrhale ovine, l’une des crises sanitaires les plus graves que notre pays ait connues, continue de se diffuser sur notre territoire, mettant en grande difficulté nombre d’éleveurs. Nous sommes donc à l’écoute des précisions que vous nous donnerez, monsieur le ministre, sur l’accompagnement de ces derniers, nécessaire à l’équilibre de leur trésorerie dans le contexte bancaire actuel, pour le moins peu favorable ! La France a été le premier pays en Europe à proposer des vaccins à ses éleveurs. Une éventuelle prise en charge communautaire du coût des vaccins est-elle envisagée ?

Par ailleurs, en cette fin d’année, les cours du lait ont accusé une forte baisse, alors même que la pression des industriels et des distributeurs s’accentue sur les producteurs. Je me réjouis donc qu’un accord soit intervenu le 1er décembre dernier, en vue d’une stabilisation des rapports dans la filière ainsi que de la mise en place d’un observatoire de suivi des volumes produits.

Je soutiendrai donc le maintien des dispositions introduites à l’Assemblée nationale visant à clarifier la situation juridique de l’organisation du marché du lait.

Enfin, n’oublions pas les jeunes agriculteurs, pour qui le financement de l’installation est toujours difficile, puisqu’il s’agit de capitaux à rotation très lente.

À cet égard, nous notons avec satisfaction que la dotation aux jeunes agriculteurs sera maintenue à son niveau de 2008 et que les prêts bonifiés seront fortement augmentés.

Cela me conduit à appeler votre attention, monsieur le ministre, sur ceux d’entre eux qui sont confrontés à la restructuration betteravière, qui s’est imposée à eux sans leur laisser de réel choix. Cet abandon betteravier engendre des fermetures de sucreries dans de nombreux départements, dont l’Aisne que je représente ici, et entraîne donc de fortes contraintes pour les exploitants.

Devant trouver des pistes de reconversion, ce qui nécessite de nouveaux moyens, ils souhaiteraient bénéficier, pour les aides versées à ceux qui renoncent à leurs droits de livraisons sous quota, du régime des plus-values professionnelles et des dispositions de l’article 151 septies du code général des impôts. Pensez-vous, monsieur le ministre, pouvoir accéder à cette demande d’aménagement fiscal ?

En conclusion, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de votre action inlassable visant à tenir les parlementaires informés des progrès que vous obtenez dans le cadre des sommets agricoles européens, ainsi que des difficultés que vous rencontrez.

Le projet de budget que vous nous présentez, responsable et prévoyant pour l’avenir de notre agriculture, mérite d’être soutenu : nous le voterons donc ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le ministre, vous avez exprimé une vive satisfaction, le 20 novembre dernier, après la signature de l’accord européen sur le bilan de santé de la PAC, en indiquant que nous venions de remplir une des grandes priorités de la présidence française.

Je vous le dis simplement, sans grandiloquence : les représentants des zones de montagne, qui ont souvent exprimé à cette tribune, dans le passé, des desiderata qui n’ont pas toujours été suivis d’effet, sont dans l’ensemble satisfaits des résultats que vous avez obtenus.

Je pourrais faire une longue énumération des problèmes que rencontre le monde agricole, dus aux crises conjoncturelles à répétition – fièvre catarrhale ovine, baisse du prix du lait, crise ovine –, mais je préfère vous donner mon sentiment à propos de l’accord sur le bilan de santé de la PAC.

Il y a longtemps qu’un accord aussi prometteur pour nos zones de montagne n’avait pas été obtenu.

M. Jacques Blanc. C’est vrai !

M. Adrien Gouteyron. Il s’agit maintenant de tirer parti des possibilités qu’offre ce que vous appelez la « boîte à outils ».

Permettez-moi, monsieur le ministre, d’énumérer quelques-uns des chantiers dans lesquels va pouvoir s’exprimer l’efficacité de votre « boîte à outils », si les pouvoirs publics en sont de bons utilisateurs.

Vous avez réussi à obtenir que la production d’herbe soit reconnue comme une activité économique à part entière et qu’il soit possible, à ce titre, de prévoir un soutien dans le premier pilier de la PAC. Cette ouverture me semble très prometteuse. Si ce soutien est suffisant – je rappelle que la prime herbagère agri-environnementale, la PHAE, est actuellement de 76 euros par hectare –, il permettra enfin de donner une perspective d’avenir à notre agriculture de montagne, fortement herbagère. D’ailleurs, les montants économisés par l’État sur le deuxième pilier pourraient sans doute permettre une revalorisation de l’ICHN, l’indemnité compensatoire de handicap naturel, à la hauteur des promesses qui avaient été faites et n’ont pas encore pu être tenues.

La possibilité que vous avez négociée de réorienter, pour les États membres qui le désirent, une partie des aides directes vers certaines productions fragiles devrait conduire, à mon sens, à fixer deux priorités.

La première priorité est d’apporter un soutien important au secteur ovin.

Tout le monde connaît l’extrême désarroi des éleveurs d’ovins. Dans votre plan d’urgence, monsieur le ministre, 50 millions d’euros ont été débloqués, soit 12 euros par brebis. Vous reconnaissez vous-même que le revenu annuel moyen des éleveurs d’ovins devrait s’établir, en 2008, à 6 000 euros, ce qui est très insuffisant. Je vous ai même entendu citer le cas d’une exploitation, pourtant de bonne tenue, dont le revenu ne dépasserait pas 4 000 euros.

Dans ces conditions, il faut, pour le moins, s’approcher des 27 euros de prime par brebis demandés par la Fédération nationale ovine. N’oublions pas que l’élevage ovin est essentiel dans les régions de montagne et qu’il permet d’éviter le développement des friches.

La seconde priorité est d’instituer une aide à la production laitière en zone de montagne, afin de répondre à la disparition progressive des quotas et au désarroi des producteurs laitiers, qui s’est exprimé dans nombre de départements. Ils ont ainsi manifesté devant ma permanence,…

M. Adrien Gouteyron. … de manière très convenable, je dois le dire, exprimant néanmoins un très grand désarroi, voire de la détresse. C’est vraiment ce que j’ai pu ressentir en dialoguant avec eux.

Compte tenu du retournement des marchés, le prix du lait est une nouvelle fois orienté à la baisse, et la situation n’est plus tenable pour les producteurs, qui réclament un prix juste et équitable face à la grande distribution.

Vous avez récemment adressé un signal fort à la filière laitière, en confortant et en clarifiant la situation juridique du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière. Cela permet de revenir à des principes de régulation positive que nous approuvons tous. Mon collègue Benoît Huré l’a fort bien expliqué tout à l'heure.

L’accord signé lundi dernier par les différents acteurs de l’interprofession, s’il exprime sans doute l’esprit de responsabilité des producteurs, est peut-être empreint d’une certaine désillusion. En effet, il prévoit une baisse progressive du prix du lait, d’abord de 2,5 centimes d’euro par litre, mais qui devrait atteindre 5,5 centimes d’euro par litre au mois de mars prochain. Cette perspective n’est, évidemment, guère réjouissante. La filière laitière mérite d’être soutenue, monsieur le ministre.

Par ailleurs, comment ne pas vous entretenir rapidement de l’installation des jeunes ? Vous avez obtenu, et c’est une grande chance pour un département comme le mien, la réévaluation du plafond communautaire pour les aides à l’installation. Nous en avions souvent parlé, et vous m’aviez fait part de votre volonté d’aboutir. Voilà un verrou qui a sauté !

M. Jean-Marc Pastor. À quel prix ?

M. Adrien Gouteyron. Ce plafond est passé de 55 000 euros à 70 000 euros. C’est un progrès considérable, mais, pour des régions comme la mienne, il serait souhaitable qu’il soit encore augmenté, même si je sais que c’est difficile. En tout état de cause, je tiens à saluer le résultat que vous avez obtenu avec, je n’en doute pas, beaucoup de difficultés.

Dans ce projet de budget, vous avez choisi de consolider la politique d’installation des jeunes par une hausse de 13,3 % des crédits, en vous engageant à poursuivre cet effort en 2010 et en 2011.

Monsieur le ministre, l’accord européen sur le bilan de santé de la PAC ouvre des perspectives nouvelles et fait naître un réel espoir. Je sais que vous saurez mobiliser les crédits nationaux qui permettront à notre agriculture de surmonter les difficultés actuelles.

Vous connaissez cette citation d’Alain : « Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté. » Je suis frappé de la volonté de beaucoup d’agriculteurs et de responsables agricoles d’échapper à l’humeur et de s’engager avec beaucoup de lucidité et suffisamment d’optimisme dans la voie, enfin ouverte pour des régions de montagne comme la mienne, du développement, et donc de l’espoir. Monsieur le ministre, je tiens, à cette tribune, à vous remercier de votre action en faveur de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En préambule, monsieur le ministre, je voudrais souligner la dimension très positive de ce projet de budget et son orientation vers le futur, par le biais notamment des aides aux jeunes agriculteurs et de l’enveloppe des prêts bonifiés.

Je voudrais aussi saluer la profonde restructuration de l’administration centrale et déconcentrée du ministère et de ses opérateurs.

Je centrerai mon intervention sur le fait que le ministre de l’agriculture et de la pêche doit faire face aux conséquences des crises et aléas sanitaires, climatiques et économiques qui surviennent régulièrement dans le monde agricole.

Afin de les prévenir, il me paraît fondamental de prévoir des sommes budgétaires suffisantes dès le vote de la loi de finances, sans avoir besoin de recourir, comme ce fut le cas l’année précédente, à des décrets d’avances.

De plus, il me semble indispensable d’affecter par anticipation la réserve de précaution au financement des crises, cette réserve pouvant notamment être établie selon la moyenne des besoins des années précédentes.

S’agissant plus particulièrement de la situation de l’ostréiculture arcachonnaise, qui a connu, comme chaque année depuis 2005, des fermetures de marché, je voudrais mettre en lumière les difficultés de fonctionnement de ces entreprises ostréicoles, pour lesquelles la constitution d’un fonds de solidarité, d’un fonds de soutien, a été envisagée mais jamais concrétisée.

Outre les difficultés de fonctionnement récurrentes dues à des fermetures de marché pour le moins mal expliquées, les professionnels doivent faire face à une difficulté structurelle liée à la non-propriété de leurs principaux outils de production.

En effet, alors qu’en Charente-Maritime les claires sont installées sur le domaine privé, les cabanes ostréicoles du bassin d’Arcachon sont, comme les parcs, situées sur le domaine public maritime. Les autorisations d’occupation sont donc consenties par l’État ou par son concessionnaire à titre temporaire, le conseil général.

La difficulté principale que pose cette non-propriété tient au fait que les banques demandent des garanties suffisantes pour accorder des crédits. Les ostréiculteurs n’étant pas propriétaires de leur outil de production, les banques exigent fréquemment que leurs bateaux, mais aussi leurs biens personnels, notamment leur habitation, servent de cautionnements.

Les professionnels dénoncent depuis plusieurs années cette situation et soulignent que les bonifications de taux d’intérêt consenties par l’État lors des crises récentes ne sont que des effets d’annonce, car les banques, faute de garanties suffisantes, refusent bien souvent le prêt. Bien entendu, dans le contexte de crise financière actuel, l’offre de prêt est encore plus réduite.

La solution, monsieur le ministre, réside à mon sens dans la création d’un fonds de garantie qui permettrait de cautionner une part significative des prêts d’installation ou des prêts bonifiés accordés en cas de calamités agricoles pour la reconstitution des stocks de naissain.

La constitution de ce fonds de garantie ostréicole me paraîtrait même plus importante que celle du fonds de solidarité précité. Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour aider à sa mise en œuvre. Nous avons apprécié votre visite sur le terrain au printemps, ainsi que la qualité de votre écoute, au mois de septembre dernier, lorsque vous nous avez laissé espérer la négociation d’un nouveau protocole pour le bassin d’Arcachon, qui est prêt à une expérimentation.

Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre. Nous connaissons votre esprit d’ouverture sur tous ces sujets, qu’il s’agisse de l’anticipation et de la gestion des crises, de la prise en compte des spécificités et de la mise en œuvre des adaptations nécessaires. Dans tous les cas, c’est du renforcement de la sécurité qu’il s’agit, ainsi que de la nécessité de disposer de nouveaux outils. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la qualité des travaux des rapporteurs et des commissions me permet de concentrer mon propos sur trois points.

Le premier concerne votre action européenne, monsieur le ministre.

Nous connaissons votre expérience et votre compétence à cet égard. Elles ont beaucoup contribué à ce que la présidence française de l’Union européenne aboutisse sur deux dossiers.

Ainsi, l’accord du 20 novembre dernier ouvre des perspectives jusqu’en 2013, avec notamment la mise en œuvre d’outils efficaces de gestion des marchés, la mise en place d’instruments de gestion des risques et des crises climatiques et sanitaires, la réorientation éventuelle de certaines aides ciblées vers des secteurs, des zones ou des productions fragiles, en application de l’article 68, ainsi que des mesures visant à accompagner la suppression progressive des quotas laitiers, sujet ô combien délicat !

En outre, cet accord prévoit un renforcement des dispositions en faveur du développement rural, avec le basculement de fonds du premier pilier de la politique agricole commune vers le deuxième – notre collègue Adrien Gouteyron a rappelé combien ce transfert était essentiel pour la production d’herbe –, s’accompagnant d’une prise en compte des défis posés par le changement climatique, la biodiversité, la gestion de l’eau, les bioénergies, l’innovation et l’adaptation du secteur laitier, une certaine progressivité des aides étant introduite.

Par ailleurs, vous avez organisé un conseil des ministres européens exceptionnel, afin de préparer l’après-2013 en engageant la réflexion sur des thèmes aussi essentiels que la disponibilité alimentaire, les équilibres alimentaires mondiaux, les équilibres territoriaux – je reviendrai sur cette question, car Dieu sait si elle est importante ! – et la durabilité de l’agriculture. À cette occasion, il est apparu qu’un grand nombre d’États membres de l’Union européenne étaient disposés à adopter vos vues.

Monsieur le ministre, vous-même et l’ensemble de vos collaborateurs devez être remerciés d’avoir obtenu ces acquis.

Vous avez également dû faire face à des situations difficiles, que j’évoquerai maintenant dans le deuxième point de mon intervention, portant sur l’analyse de votre action à l'échelle nationale.

Ainsi, vous avez lancé un plan d’urgence en faveur de la filière ovine, comportant notamment une somme de quelque 25 millions d'euros dégagée à partir des DPU dormants, à laquelle s’est ajoutée par la suite une aide supplémentaire d’un montant équivalent.

L’élevage ovin avait grand besoin d’un tel soutien, lui qui constitue, comme de nombreux intervenants l’ont souligné, un élément essentiel de la vie du monde rural, en même temps qu’un facteur de développement durable pour nos territoires.

Ensuite, vous avez pris une série de mesures destinées à alléger les charges financières ou sociales des éleveurs en difficulté et mis en place des comités départementaux.

Toutefois, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que ces allégements ne suffiront pas.

Dans le département que j’ai l’honneur de représenter et qui est peut-être celui qui compte le plus de petites exploitations agricoles, quelque cinq cents éleveurs ovins, tous installés en zone de montagne, produisent environ 120 000 litres de lait chaque année.

Des allégements de charges d’un montant de 800 000 euros ont été décidés en leur faveur, or chacun de ces producteurs de lait acquitte annuellement 2 400 euros de charges en moyenne, soit un total de 1,2 million d'euros…

Aussi, monsieur le ministre, nous vous demanderons un effort supplémentaire en matière d’allégements de charges, faute de quoi les éleveurs ne pourront passer la crise et seront condamnés à la faillite.

M. Jean-Marc Pastor. Tout à fait !

M. Jacques Blanc. En ce qui concerne la fièvre catarrhale ovine, je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, pour votre réactivité. Cette épizootie a créé un véritable traumatisme, mais la prise en charge des vaccinations a été salutaire et vous nous avez permis de passer ce cap difficile. Soyez-en remercié.

Des difficultés sont également à surmonter dans le secteur laitier, pour lequel 2010 devrait être une année plus favorable.

Vous avez su permettre à l’interprofession de trouver un accord, qui a le mérite d’exister.

M. Paul Raoult. Il est bien fragile !

M. Jacques Blanc. Il est vrai qu’il toujours difficile, pour les producteurs, d’accepter des baisses de prix, mais c’est une attitude responsable. D'ailleurs, monsieur le ministre, vous avez laissé espérer de nouveaux DPU, et peut-être même une extension de la prime à l’herbe en 2010, qui devrait compenser une partie de la baisse du prix du lait.

Nous devons rester vigilants quant à ces perspectives de long terme, mais le plus urgent est de passer le cap de l’année 2009, grâce en particulier aux mesures que j’évoquais à l’instant.

Enfin – ce sera le troisième point de mon intervention, et le plus général –, je tiens à souligner, après nombre de nos collègues, qu’une véritable politique de la montagne est nécessaire.

Monsieur le ministre, vous connaissez parfaitement ce dossier, et vous avez eu le courage – je le dis publiquement – d’affirmer la nécessité de défendre l’élevage dans des zones difficiles telles que la montagne. Je sais que nous pouvons compter sur vous.

Lundi dernier, j’ai organisé à Aumont-Aubrac, en Lozère, un séminaire de la commission pour l’agriculture et le développement durable du Comité des régions de l’Union européenne. À l’issue de nos travaux, nous avons adopté une série de conclusions, que je vous ai d'ailleurs d'ores et déjà transmises.

Pour nous, le principe de cohésion territoriale qui figure dans le traité de Lisbonne, dont j’espère qu’il finira par être approuvé par tous les États membres, doit permettre de lancer une politique de la montagne encore plus active à l'échelle européenne.

Nous souhaitons que la Commission européenne rédige un Livre vert sur cette question, comme M. Barroso l’avait d'ailleurs promis au Comité des régions de l’Union européenne. La montagne ne doit pas seulement constituer le sujet d’un chapitre de ce document ; elle mérite d’être prise en compte dans une perspective nouvelle : c’est cela, le développement durable !

Votre grand mérite, monsieur le ministre, a été précisément de jouer le jeu du développement durable avec les agriculteurs. Ceux-ci ne doivent pas être montrés du doigt ! Au contraire, ils sont des acteurs indispensables de la préservation de la qualité de la vie et de l’environnement.

En ce qui concerne la PHAE et les ICHN, je vous remercie d’avoir ajouté 12 millions d'euros aux crédits prévus. Ainsi, les ICHN pourront être augmentées de 5 % pour les vingt-cinq premiers hectares. Par ailleurs, des efforts ont été consentis en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs et de la mise aux normes des bâtiments d’élevage.

Pour conclure, nous devons montrer aux agriculteurs, quelles que soient leurs difficultés actuelles, voire leur détresse, qu’il y a des raisons d’espérer. En effet, l’agriculture est non pas un boulet que nous traînons, mais une chance pour notre pays ! Quand il était Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing avait parlé de l’agriculture comme du « pétrole vert » de la France. Eh bien oui, elle est une chance pour le développement durable !

Ne laissons plus dire que la PAC coûte trop cher à l’Union européenne, alors qu’elle est, ou peu s’en faut, la seule véritable politique commune européenne ! Et elle est tournée non pas vers le passé, mais vers l’avenir, comme le montrent d'ailleurs vos efforts, monsieur le ministre, en faveur de la recherche agronomique et de l’enseignement supérieur agricole.

Nous soutenons votre action et nous voterons les crédits de cette mission. Mais surtout, offrons, ensemble, une espérance nouvelle à tous nos agriculteurs ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Vive la France !

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Pinton.

M. Louis Pinton. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera, comme beaucoup d’autres, sur la fièvre catarrhale ovine, mais je présenterai cette dernière sous un aspect quelque peu différent, et moins optimiste.

La fièvre catarrhale ovine crée des désordres importants dans les élevages, mettant en péril, outre la santé des animaux, les équilibres budgétaires.

Aujourd'hui, la réponse apportée aux perturbations sanitaires et économiques dues à l’épizootie tient essentiellement dans la vaccination des cheptels.

Toutefois, cette solution trouve ses limites, qui sont liées tant à la complexité épidémiologique de la maladie qu’à la façon dont on pratique la vaccination. En effet, pour que celle-ci soit le plus efficace possible contre un sérotype donné, elle doit concerner tous les sujets sensibles sur l’ensemble du territoire où peut sévir l’agent pathogène, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

La vaccination répond assez bien à une logique d’élevage, mais pour qu’elle puisse empêcher la circulation du virus, elle doit être totale et porter sur tous les animaux. Or, aujourd'hui, on vaccine par anneaux concentriques autour des cas qui ont été repérés.

En outre, les ruminants sauvages, tels que les cerfs ou les chevreuils, ne sont pas vaccinés, alors qu’ils seraient sensibles à la maladie…

M. Paul Raoult. Abattons tous les sangliers !

M. Louis Pinton. … et constitueraient donc des réservoirs de virus.

Par ailleurs, la complexité épidémiologique ne permet pas aujourd’hui d’envisager la disparition de la maladie : vingt-quatre sérotypes du virus de la fièvre catarrhale ovine sont connus, et à chacun d’eux correspond un vaccin.

Aujourd’hui, en France, sont apparus les sérotypes 1 et 8. Il est raisonnable de penser que d’autres se manifesteront, comme c’est d'ailleurs le cas en ce moment du sérotype 6. Or dès qu’un sérotype nouveau apparaît, le vaccin qui lui correspond doit être fabriqué et administré aux sujets susceptibles d’être infectés.

Si l’on considère que, sur les vingt-quatre sérotypes, deux pourraient apparaître tous les ans, il nous faudra douze années pour faire disparaître définitivement la maladie, et c’est là l’une des grandes difficultés auxquelles nous sommes confrontés. La vaccination, en quelque sorte, court derrière les nouveaux sérotypes, lesquels ne manqueront pas de se manifester.

De surcroît, en ce qui concerne la dissémination de la maladie, on imaginait qu’il n’existait qu’un seul vecteur, un moucheron, le culicoïde. Désormais, on estime que de très nombreux insectes ou acariens seraient vecteurs de cette maladie, dont ils assurent la propagation.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, la vaccination pourrait montrer ses limites, même si je n’ignore pas que, pour le moment, nous ne disposons guère d’autres solutions.

Comme vous vous en doutez, mes chers collègues, il ne s’agit pas là de considérations personnelles : j’ai recueilli les avis d’éminents spécialistes. En particulier, le professeur François Schelcher, spécialiste de pathologie bovine à l’école vétérinaire de Toulouse, qui fut mon camarade d’études, a confirmé la justesse de mes observations. Il m’a cité l’exemple de l’Espagne, qui a tenté d’éradiquer la maladie par la vaccination et qui constate aujourd'hui les limites de cette politique.

D’autres logiques pourraient donc être suivies, surtout pour les élevages de bovins allaitants.

Tout d'abord, une autre logique médicale : en cas d’épidémie incontrôlable par la vaccination, il faut envisager la quarantaine.

Ensuite, une autre logique économique, complémentaire et conforme aux nécessités de la précédente : elle consiste à maintenir les animaux sur place.

Or, aujourd’hui, les éleveurs des zones défavorisées produisent des broutards maigres, qu’ils déplacent ensuite pour les faire engraisser hors des territoires où ils sont nés.

Cette pratique, outre qu’elle cantonne ces éleveurs dans un système de production d’une matière première – les broutards – qu’ils ne valorisent pas jusqu’au bout, favorise la circulation des bovins et certainement celle du virus, donc la propagation de celui-ci.

De plus, pour parer aux conséquences de cette circulation, particulièrement en cas de crise sanitaire, toute une réglementation et le contrôle qui en relève se mettent en place. La contrainte qui s’y attache nuit gravement à l’activité économique et à la rentabilité des élevages.

Cette circulation est-elle inévitable ? C’est certainement l’une des questions que l’on doit se poser.

Aussi, ne serait-il pas plus efficace, en complément de la vaccination, de favoriser une politique volontariste d’engraissement des animaux sur le lieu même de leur naissance, grâce à des aides ciblées et adaptées ?

Dans le même temps, cela supprimerait un facteur de propagation de toutes ces épidémies à répétition.

Médicalement, cette politique satisferait au principe de la quarantaine, qui, bien que très ancien, reste pertinent. Économiquement, elle permettrait aux éleveurs d’accomplir la totalité du cycle de production en « finissant » leurs animaux sur place. Elle stimulerait le développement de filières locales, abattoirs et entreprises de transformation.

Ne s’agirait-il pas d’une réponse médicale et économique plus appropriée ? Je vous pose la question, monsieur le ministre. Nous nous soucions tous de préparer l’avenir, cet avenir auquel je m’intéresse beaucoup, car c’est là que je compte passer les prochaines années ! (Sourires et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux heures viennent de sonner : je vais donc écourter mon intervention, pour me concentrer sur quelques points. De toute façon, tout n’a-t-il pas déjà été dit ?

Monsieur le ministre, vous venez de vivre des semaines chargées avec la conférence nationale sur le revenu agricole et, surtout, le bilan de santé de la PAC.

Il est superflu de vous dire que votre plan d’urgence a été le bienvenu. Ces 250 millions d’euros en faveur des agriculteurs, dont 50 millions d’euros pour les éleveurs d’ovins, qui voient leurs revenus baisser depuis plusieurs années, avec même une chute de 15 % en 2008, représentent un effort indispensable.

En effet, la situation des éleveurs est particulièrement difficile : ils subissent de plein fouet l’augmentation du coût de l’énergie, des aliments, et même de la paille dans les zones de montagne ; en outre, ils souffrent de la valorisation insuffisante des productions, la fièvre catarrhale, souvent évoquée ce soir, venant fragiliser encore davantage bon nombre d’exploitations.

À ce propos, les vétérinaires de mon département aimeraient savoir si les vaccins seront bien disponibles dans les premières semaines de 2009. Les éleveurs se demandent qui devra les payer. Peut-être pourrez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre ?

Les aides conjoncturelles que vous avez annoncées le 12 novembre sont donc essentielles et permettront aux exploitants, je l’espère, d’attendre la réorientation des aides de la PAC en faveur de l’élevage.

J’ai déjà eu l’occasion de vous dire à quel point j’approuve que vous entendiez favoriser les systèmes de production à l’herbe, la production laitière de montagne et l’élevage ovin. Ce sont là autant de priorités auxquelles je souscris.

Il a déjà été beaucoup question des éleveurs ovins ce soir. En ma qualité de président du groupe d’étude sur l’élevage, j’avais examiné leur situation avec M. François Fortassin. Elle est presque désespérée.

Le nombre de têtes de bétail ovin diminue très rapidement : de 13 millions en 1979, on est passé à 8 millions en 2007. C’est à se demander comment, dans quelques décennies, nos montagnes pourront encore être pâturées. La fièvre catarrhale est une source de soucis supplémentaires pour les éleveurs d’ovins.

En outre, le rôle des prédateurs ne peut être passé sous silence. J’évoque souvent ce sujet : vous savez, monsieur le ministre, la calamité qu’ils représentent pour les élevages, principalement ovins.

J’ai noté que des crédits sont affectés à des mesures de protection des troupeaux, les mesures d’indemnisation relevant des programmes du ministère chargé de l’écologie.

Lors de la prochaine campagne, il sera important de veiller à ce que les moyens mobilisés soient suffisants pour indemniser l’ensemble des éleveurs, eu égard à l’accroissement de la population des loups et à l’expansion de leur territoire.

Je l’ai déjà dit, les éleveurs apprécieraient qu’un effort soit fait pour maîtriser le nombre de prédateurs. À cet égard, je voudrais évoquer une anecdote, concernant le lynx.

Un jour, Le Progrès a fait ses gros titres sur la douzième attaque par un lynx d’un élevage de Mirebel, dans mon département du Jura. Quelque temps plus tard, on a appris qu’une association se consacrant aux animaux malades venait de soigner un petit lynx, pour un coût de plus de 1 500 euros, et que M. le préfet était allé – bien sûr clandestinement – relâcher l’animal dans la forêt… (Sourires sur les travées de lUMP.) Pour l’éleveur qui a subi douze attaques de lynx, cela est tout de même difficile à admettre ! Pour nous, élus, il est parfois malaisé de répondre aux questions que l’on nous pose sur de tels sujets.

J’en viens maintenant à la crise laitière, qui a déjà été beaucoup évoquée ce soir mais que, en tant que président du groupe d’étude sur l’élevage, je ne peux passer sous silence.

Les éleveurs laitiers, qui étaient au nombre de 130 000 en 1998, voilà dix ans à peine, ne sont plus aujourd’hui que 87 700. Même le nombre de vaches laitières a baissé, à hauteur de 12 %.

Les éleveurs laitiers ont subi, hormis en 2007, des baisses successives du prix du lait, et ce n’est pas l’accord conclu tout récemment qui va leur redonner le moral : une nouvelle baisse significative est prévue, qui atteindra 55 euros aux 1 000 litres au mois de mars prochain. Leurs inquiétudes sont donc compréhensibles.

Dans une situation si conflictuelle, l’amendement récemment adopté à l’Assemblée nationale, qui vise à autoriser les activités de l’organisation interprofessionnelle laitière relatives à l’information sur la tenue des marchés et la formation des prix de cession, est le bienvenu : il était impensable que les activités du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière puissent être empêchées.

Il faut d’urgence privilégier une grande transparence sur les prix, afin de bien déterminer le profit de chaque acteur de la filière, jusqu’à la distribution. Vous avez annoncé récemment, monsieur le ministre, la prochaine mise en place d’un observatoire. Nous attendons beaucoup de cette mesure.

Comme cela a été dit déjà à cette tribune, l’année dernière, l’augmentation du prix du lait, et par suite des produits laitiers, avait provoqué un grand tapage médiatique. Le prix de la baguette de pain avait lui aussi augmenté. Aujourd’hui, le prix payé aux producteurs de blé est pratiquement revenu à son niveau d’il y a deux ans, celui du lait a également diminué, mais, pour autant, la distribution a-t-elle beaucoup baissé les prix pour les consommateurs ? En tout cas, les médias n’en parlent pas… Nous espérons que le nouvel observatoire fera la lumière sur cette situation.

Enfin, toujours en ma qualité de président du groupe d’étude sur l’élevage, je me dois d’évoquer une autre inquiétude des éleveurs : celle que suscite la réforme du service public de l’équarrissage.

Je sais que des discussions ont eu lieu avec la profession et ont débouché sur des accords. Le dispositif actuel arrivera à échéance au mois de juillet. J’aimerais donc que vous nous indiquiez, monsieur le ministre, ce qu’il adviendra ensuite. Personnellement, je ne souhaite en aucun cas que la moindre redevance soit demandée aux éleveurs lors de l’enlèvement des animaux.

Dans le contexte actuel, les éleveurs ne sauraient l’accepter. Cela pourrait susciter des manifestations, avec dépôt d’animaux morts devant les préfectures ou les permanences parlementaires ! Il est donc indispensable de trouver un système de collecte des animaux qui n’aggrave pas les charges des éleveurs, d’autant que le nombre d’animaux ramassés a beaucoup augmenté – à hauteur de 23 % pour les bovins et de 60 % pour les ovins –, à cause, notamment, de la fièvre catarrhale.

Par ailleurs, je déplore une baisse, de 13 millions d’euros à 11,5 millions d’euros, des crédits consacrés à la génétique animale.

S’agissant de la politique forestière, je me réjouis de la hausse des crédits destinés au plan de compétitivité des scieries et des aides accordées aux micro-entreprises pour la mécanisation de la récolte forestière. Je regrette, cependant, la diminution des crédits consacrés aux dessertes forestières. Un amendement a été déposé sur ce sujet.

Il est beaucoup question, à l’heure actuelle, du bois en tant que source d’énergie – cela concerne les résidus, car le bois d’œuvre doit continuer à être utilisé comme il l’est actuellement –, mais je remarque que le développement de cette filière se heurte au fait que, aujourd’hui, un tiers de nos forêts sont inaccessibles, à cause de la pente du terrain ou de l’absence de voirie forestière. Or il faut aller chercher la ressource assez loin dans les forêts, ce qui implique que de nouvelles routes forestières devront être tracées.

Je terminerai en évoquant un produit dont beaucoup d’orateurs ont parlé, particulièrement M. César, et qui nous réjouit tous : le vin !

Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre soutien à notre filière viticole, qui est en crise, dans certains secteurs plus particulièrement. Je vous félicite notamment d’avoir défendu les viticulteurs sur la question de la publicité sur internet. Cela était indispensable.

Vous avez travaillé avec eux au plan de modernisation de la viticulture. Continuez dans cette voie, monsieur le ministre, car la lutte contre l’alcoolisme peut se faire autrement que par le harcèlement de la filière !

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Gérard Bailly. Je souhaite que, dans les jours qui viennent, on puisse encore voir sur internet de la publicité pour le vin jaune, pour le vin de paille, pour les Côtes-du-Jura, pour le vin d’Arbois…

M. Jacques Blanc. Pour les vins du Languedoc aussi !

M. Gérard Bailly. Mes propos susciteront peut-être des remontrances de la part des associations de prévention de l’alcoolisme, mais, monsieur le ministre, comme vous l’avez vous-même affirmé, le vin est un produit de nos terroirs, de nos territoires. Nous nous félicitons de votre soutien à la filière viticole. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à une telle heure, l’exercice est difficile : je vais tâcher, sans abuser de votre attention, de vous répondre sérieusement et précisément.

Je tiens tout d’abord à saluer et à remercier les présidents des commissions, MM. Jean Arthuis et Jean-Paul Emorine, les rapporteurs, MM. Joël Bourdin, Gérard César, Jean-Marc Pastor, Daniel Soulage et François Fortassin, pour leur travail constructif et sans complaisance, comme il est habituel dans cette assemblée que je connais bien pour y avoir siégé.

Chacun selon sa sensibilité, les différents intervenants ont évoqué cette force que représentent pour notre pays, grâce à tous ceux qui les font vivre, qui se lèvent tôt, qui travaillent dur et qui gagnent mal leur vie, notre agriculture et notre pêche.

Comme l’a dit tout à l’heure M. Aymeri de Montesquiou, il faut bien prendre la mesure des défis qu’il nous appartient de relever. C’est en fonction de ce contexte que nous devons prendre des décisions, gouverner ou légiférer.

Le défi le plus global est sans doute celui de l’insécurité alimentaire : 900 millions d’êtres humains sont en danger de mort aujourd’hui parce qu’ils ont faim.

Nous devons également prendre en compte le réchauffement climatique, qui va bouleverser toutes nos habitudes.

Par ailleurs, le coût de l’énergie restera durablement une contrainte et, pour reprendre un mot du nouveau président américain Barack Obama, nous devrons nous libérer de la tyrannie du pétrole.

Le dernier défi est lié à la montée des risques sanitaires due à l’émergence de nouveaux pathogènes.

Pour relever ces défis, pour replacer la ligne d’horizon de l’agriculture et de la pêche à ce niveau, il faut, comme l’a dit Mme Herviaux tout à l’heure, investir dans ce secteur stratégique pour préparer l’avenir, accompagner ce secteur productif essentiel à nos équilibres économiques et sociaux par la solidarité, quand les crises le touchent. J’ai la conviction qu’exprimer une telle solidarité, ce n’est pas apporter une assistance, c’est investir pour l’avenir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans l’incroyable tourmente qui emporte le monde depuis quelques semaines, venue des États-Unis et due à l’opacité, à l’amoralité et au manque d’éthique du système financier, la force de notre appareil productif est l’atout le plus solide, au fond, pour permettre à l’Europe et à la France de résister.

L’agriculture est au cœur de l’économie réelle, celle qui s’oppose à l’économie virtuelle et financiarisée. Elle en est la plus ancienne composante, même si, bien sûr, elle n’en est pas la seule.

Depuis dix-huit mois, à la tête du ministère de l’agriculture et de la pêche, je promeus, avec votre concours, une politique qui entend accompagner un secteur d’avenir. Elle s’adresse, d’abord, aux agriculteurs, mais pas seulement à eux, car c’est toute la société qui est concernée. En effet, ses enjeux sont la sécurité et la qualité de notre alimentation, l’emploi sur tous les territoires et le développement durable.

J’ai le souvenir d’avoir déclaré, à l’occasion d’un congrès syndical agricole – je n’étais alors pas du tout sûr de devenir un jour ministre de l’agriculture ! –, que la question de l’agriculture était, en définitive, une question de société.

Voilà pourquoi j’ai essayé de bâtir, cette année encore, un budget tourné vers l’avenir.

En 2009, les crédits de paiement, qui s’établiront à 3,4 milliards d’euros, augmenteront de 2,72 %, ce qui, dans les circonstances présentes, n’est pas anodin. Au-delà de la seule mission dont nous examinons aujourd’hui les crédits, l’ensemble du budget de l’agriculture mobilise plus de 5 milliards d’euros, y compris pour l’enseignement et la recherche.

Les autorisations d’engagement, quant à elles, atteindront 4,8 milliards d’euros en 2009. Certes, comme l’a souligné Mme Herviaux, elles diminuent de 6,7 %, mais cette baisse – je le dis très objectivement – est essentiellement liée au calendrier de la prime herbagère agro-environnementale, dont la plupart des contrats ont été signés pour une période de cinq ans, en 2008, pour un montant global de 450 millions d’euros.

Enfin, les crédits d’intervention, en augmentation de 7,4 %, s’élèveront à 2,2 milliards d’euros en 2009. Ces crédits nationaux pour l’économie agricole doivent être comparés, comme l’a très bien fait M. Pastor, avec le budget agricole européen.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut le rappeler, la France bénéficiera, en 2009, de 10 milliards d’euros de crédits européens pour accompagner son économie agricole, dont 9 milliards d’euros au titre du premier pilier de la PAC et le reste au titre du deuxième.

Aussi suis-je sans doute le seul membre du Gouvernement dont la politique et le budget sont presque complètement mutualisés à l’échelon européen.

À cet instant, je veux dire à M. Chatillon que cela explique la part qu’occupe l’agriculture dans le budget européen, soit 40 % aujourd’hui : il s’agit de la seule politique qui soit devenue totalement européenne, les budgets nationaux étant en réalité subsidiaires ou complémentaires.

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Michel Barnier, ministre. En définitive, tout est question de volonté. Depuis cinquante ans, c’est grâce à celle des chefs d’État et de gouvernement et des parlements qu’une telle mutualisation a pu être obtenue à l’échelle européenne.

Le présent projet de budget est débattu à un moment crucial, eu égard à la conclusion récente d’un accord politique sur le bilan de santé de la politique agricole commune, à la relance éventuelle des négociations de l’OMC dans les prochains jours et à la perspective d’un débat, évoqué par M. Jacques Blanc, sur la PAC de l’après-2013. Ce sont autant de points sur lesquels je vais revenir.

Tout d’abord, le 20 novembre dernier – nombre d’entre vous l’ont souligné, certains pour s’en féliciter, d’autres pour le regretter –, les vingt-sept pays de l’Union européenne ont conclu, à l’issue d’un an de discussions, après une négociation de quatorze heures sans discontinuer, un accord sur le bilan de santé de la PAC.

C’est le premier accord agricole signé par l’Europe des Vingt-Sept. Cela n’a pas été facile, tant s’en faut ! Je vous ai aussitôt tenus informés, comme je m’efforce d’ailleurs de le faire tous les mois, à l’issue de chaque conseil des ministres européens de l’agriculture, par internet.

M. Charles Revet. Et très bien !

M. Adrien Gouteyron. Absolument !

M. Michel Barnier, ministre. J’ai la conviction que cet accord était indispensable pour préserver et adapter la PAC, et, surtout, pour nous inscrire dans la perspective de l’après-2013. Il ne s’agissait certainement pas, monsieur Pastor, d’aller vers je ne sais quelle renationalisation, à laquelle je ne suis pas et ne serai jamais favorable.

Nous avons cherché à trouver un compromis qui ne soit pas le plus petit dénominateur commun. À mon sens, nous y sommes parvenus.

Le fil rouge, ce fut de conserver des outils d’intervention, de ne pas abandonner cette gouvernance économique que la PAC a instaurée voilà maintenant plus de quarante ans et qui en effet, monsieur Blanc, constitue encore aujourd’hui non seulement la première vraie politique économique européenne, mais aussi la seule.

Je peux vous le dire avec objectivité et lucidité : c’est un accord solide, qui modifie substantiellement la proposition initiale de la Commission, car les ministres et le Parlement européen ont fait bouger les lignes.

C’est un accord qui consolide la dimension économique de la PAC, tout en prenant en compte les priorités que le Président de la République m’avait fixées.

Ainsi, nous avons préservé l’efficacité des outils d’intervention, contrairement à ce qu’a prétendu M. Le Cam. C’est le cas pour les céréales et les produits laitiers. Nous utiliserons d’ailleurs ces outils dès le mois de janvier prochain pour le stockage privé du beurre, afin d’atténuer l’excès de volumes que nous connaissons actuellement sur le marché laitier.

Pour faire écho à ce qu’a dit M. Fournier, j’indiquerai que nous avons rééquilibré la proposition sur les quotas laitiers. Initialement, la Commission proposait une augmentation automatique annuelle de 1 % de ces quotas pendant cinq ans, en vue de préparer leur suppression en 2014-2015, suppression décidée, je le rappelle notamment à M. Raoult, en 2003, par une majorité du conseil des ministres européens. Il nous faut donc vivre avec cette réalité.

Malgré l’actuel retournement du marché, aucune majorité ne s’est exprimée pour revenir sur cette décision. Le débat a donc porté sur les conditions de sortie du dispositif des quotas laitiers. Ma responsabilité a été alors d’encadrer cette sortie et d’obtenir des mesures d’accompagnement.

Nous avons notamment obtenu que deux rapports, qui seront remis en 2010 et en 2012, fassent le point sur l’état des marchés laitiers, afin de procéder éventuellement à l’ajustement des quotas. Voilà deux rendez-vous importants pour chacun d’entre nous. Le lien entre l’évolution des quotas et celle des marchés a été réintroduit à l’occasion du bilan de santé de la PAC. Nous avons ainsi instauré un pilotage politique de la production laitière, que la Commission refusait, avec l’obligation de rouvrir le dossier des quotas laitiers à ces deux échéances. Le jeu reste ouvert, et l’évolution des quotas laitiers n’est donc pas scellée dans le marbre.

Monsieur Pastor, nous avons, enfin, obtenu la mise en place de mesures d’accompagnement pour la production laitière, que nous pourrons financer soit par le deuxième pilier – par le biais de la modulation et d’un cofinancement européen à hauteur de 75 % –, soit par le premier pilier, au titre de l’article 68.

De plus, nous avons introduit, au sein du premier pilier, des outils de couverture des risques climatiques et sanitaires.

Au total, je le dis en particulier à l’adresse de M. Soulage, nous disposons bien d’une « boîte à outils » pour réorienter la PAC vers les productions et les territoires fragiles. Nous pourrons également accompagner le développement d’une agriculture durable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, mon intention est de proposer des choix assez rapidement, d’ici à la fin du mois de janvier. À cet égard, j’ai ouvert la concertation dès cette semaine. Je la conduirai avec les organisations syndicales et professionnelles, les associations et le Parlement.

Sans préjuger bien sûr des résultats de cette concertation, je puis tout de même, pour faire écho, notamment, aux propos tenus par MM. Bailly et Fortassin, vous faire part de quelques idées.

Nous allons ainsi proposer de mieux soutenir les productions animales à l’herbe,…

M. Charles Revet. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. … en particulier la filière ovine, qui est en voie de disparition mais que je ne laisserai pas disparaître.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. Je veux également dire à MM. Blanc et Gouteyron que l’accompagnement de la production laitière est une possibilité ouverte par la « boîte à outils », et à M. Détraigne que j’ai l’intention de proposer, à l’occasion de cette réorientation de la PAC, un plan protéagineux, concernant naturellement la luzerne.

Il convient maintenant de voir comment utiliser la « boîte à outils », surtout dans la perspective du grand débat sur la PAC de l’après-2013, évoqué en particulier par MM. Blanc et Pastor.

Ce débat s’annonce très difficile. Il s’agira alors, avant même d’envisager une réforme de la politique agricole commune, de savoir si l’on conservera une telle politique. Ne sous-estimez donc pas l’importance de cette échéance.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Michel Barnier, ministre. Certains, à Bruxelles et dans beaucoup de capitales, peut-être même en France, voudront profiter de cette occasion pour démanteler, voire supprimer, la politique agricole commune.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. C’est sûr !

M. Michel Barnier, ministre. Elle coûte trop cher, disent-ils.

J’ai demandé à mon collègue Éric Besson, chargé de la prospective, de réaliser une étude comparative entre le coût de la PAC et les conséquences de son éventuelle suppression. Pour ma part, j’ai la conviction que supprimer la PAC engendrerait, en termes de désertification et d’importations, un coût supérieur à l’actuel budget agricole européen.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Certainement !

M. Michel Barnier, ministre. Pour certains, la PAC coûte donc trop cher ; pour d’autres, elle est une politique communautaire ; pour beaucoup, assez influents, l’Europe doit n’être au fond qu’un grand supermarché, caractérisé par une forte compétition fiscale et sociale interne et par une ouverture sans réserves sur l’extérieur : de leur point de vue, la PAC représente le contraire de ce qu’il faut faire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre d’entre vous tiennent à la politique agricole commune, pour toute une série de raisons que j’ai entendues ce soir. J’en appelle donc à votre vigilance, au-delà de l’horizon 2010-2011, dans la perspective d’un grand débat qui, je le répète, s’annonce très difficile. Où que je me trouve alors, j’y participerai pour préserver cette grande et moderne politique alimentaire, agricole et territoriale.

Nous avons décidé d’ouvrir ce débat assez tôt, comme l’a souhaité le chef de l’État. Selon nous, dans une démocratie telle que l'Union européenne, le débat politique doit précéder le débat budgétaire, et non le suivre.

Vendredi dernier, lors du conseil des ministres européens à Bruxelles, j’ai pu, sur un texte assez ambitieux portant sur les missions et les motivations de la PAC, obtenir l’accord de vingt-quatre États membres, trois seulement s’y étant opposés.

S’agissant maintenant de l’OMC, nous devons également être sur nos gardes.

Dans le prolongement des conclusions de la réunion du G 20 à Washington, Pascal Lamy, que je connais bien, envisage de convoquer pour la mi-décembre une réunion ministérielle pour reprendre les négociations du cycle de Doha. Je ne vous cacherai pas que cette réunion sera peut-être celle de tous les dangers.

La position de la France n’a pas changé : l’accord qui est aujourd’hui sur la table est déséquilibré. Sur le volet agricole, nous sommes sur la ligne rouge. Sur les services, les biens industriels, les indications géographiques, je crains que nous ne gagnions rien.

Vendredi dernier, j’ai inscrit cette question à l’ordre du jour, et nombreux sont les ministres qui ont rappelé à la commissaire européenne son devoir de vigilance : l’offre européenne doit maintenant être intangible.

Je le dis notamment à l’intention de M. Le Cam, tel est notre état d’esprit, à la veille de l’éventuelle ouverture de cette négociation.

M. Paul Raoult. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai souhaité donner du sens et de la cohérence à ce projet de budget avec une stratégie que je défends depuis longtemps : promouvoir une agriculture et une pêche fortes et durables.

J’ai bien conscience que nous avons dû faire des choix difficiles, parce que l’engagement national de maîtrise des dépenses publiques nous concerne aussi.

La notion de durabilité évoque le renouvellement des générations, le prolongement, la transmission.

C’est pourquoi, messieurs Collin et Le Cam, je tiendrai l’engagement pris de donner la priorité, dans le budget, à l’installation des jeunes : c’est un axe de la politique de l’emploi dans les territoires, comme l’a dit avec force Jean Boyer.

Pour permettre 6 000 installations par an, nous avons augmenté de 13,3 % les crédits afférents. J’ai également prévu un plan de professionnalisation personnalisée, afin de faire passer le nombre d’installations de 6 000 à 7 500 par an. Quant à la dotation aux jeunes agriculteurs, elle a été stabilisée. Ces engagements rejoignent très clairement les priorités énoncées par Marie-Hélène Des Esgaulx.

Favoriser une agriculture durable suppose également d’investir dans l’avenir et la recherche agronomique, évoquée par Daniel Soulage. Comme en témoignent nombre des programmes que nous lançons, la clef se trouve, en grande part, dans la recherche. C’est la raison pour laquelle, au-delà des mots, j’ai souhaité augmenter les crédits du programme 142 de 15,8 millions d’euros. Que l’on m’en donne acte !

La politique agricole d’enseignement et de recherche change. Vous devez bien comprendre le sens du regroupement des établissements d’enseignement supérieur au sein de quelques grands pôles pluriels et de dimension européenne. Nous avons ainsi décidé le regroupement d’écoles vétérinaires avec des instituts supérieurs de recherche. De même, je soutiens le transfert d’AgroParisTech sur le plateau de Saclay, où nous créerons dans les prochaines années un pôle européen de recherche agronomique et des sciences du vivant.

L’enseignement agricole est une priorité, et nous avons eu l’occasion de la réaffirmer ensemble ici même au cours de ce débat.

Permettez-moi d’ailleurs, à cet instant, de réitérer les remerciements et les encouragements que nous devons aux équipes pédagogiques et administratives de nos maisons familiales et rurales, de nos collèges et lycées agricoles et de nos établissements d’enseignement supérieur.

Une agriculture durable, c’est aussi une agriculture qui travaille avec son secteur aval. Nous consacrerons aux entreprises agroalimentaires, en 2009, un budget de 12,2 millions d’euros afin de mieux accompagner les centres techniques agroalimentaires, de soutenir, comme m’y encourageait Alain Chatillon, les pôles de compétitivité, dont l’intelligence est essentielle à l’avenir de nos territoires, et, avec OSEO, de favoriser davantage l’innovation.

Je m’attacherai, par ailleurs, à ce que les lignes budgétaires et de crédits ouvertes par le Gouvernement, au cours des dernières semaines, pour les PME prennent bien en compte de manière équitable les 60 000 petites et moyennes entreprises du secteur agroalimentaire. C’est le sens de la communication que j’ai présentée en conseil des ministres le 30 octobre dernier.

Installation et renouvellement, mais aussi recherche, éducation et industries : tels sont les deux premiers piliers d’une agriculture durable.

Un troisième pilier consiste en la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Jacques Muller le sait, il s’agit pour moi d’un engagement ancien, que j’affirmais déjà à cette tribune, il y a une quinzaine d’années, lorsque j’étais ministre de l’environnement. Je n’ai pas changé de conviction.

C’est pourquoi nous avons pris part dès le début, résolument et sans états d’âme, à ce grand rendez-vous du Grenelle de l’environnement. Cela était d’autant plus naturel que les agriculteurs, les éleveurs, les viticulteurs, les pêcheurs et les ostréiculteurs sont les premiers, dans notre société, et peut-être même les seuls, à travailler quotidiennement avec l’eau, l’air, la terre. Ils sont donc les premiers concernés par le réchauffement climatique et ses conséquences. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés de manière proactive dans le Grenelle de l’environnement.

Avec ce projet de budget, nous commençons à mettre en œuvre nos engagements.

Ainsi, le plan « agriculture biologique » permettra, d’ici à 2012, de tripler la surface agricole consacrée aux cultures biologiques. Le fonds de structuration des filières sera doté de 3 millions d’euros, et 12 millions d’euros par an pendant trois ans sont prévus pour inciter à la conversion des exploitations vers le « bio ».

Ainsi encore, nous engageons le plan ECOPHYTO 2018, visant à réduire de moitié, dans les dix années à venir, l’usage des produits phytosanitaires dans l’ensemble de l’agriculture française, tout en maintenant un niveau de production agricole élevé. Cela représente un véritable défi, comme l’a souligné Daniel Soulage.

Un autre engagement du Grenelle de l’environnement sous-tend le plan de performance énergétique. J’ai évoqué tout à l’heure la tyrannie du pétrole. À mes yeux, la réduction de la dépendance de nos entreprises agricoles et de pêche à l’égard des énergies fossiles n’est pas une option, c’est une nécessité.

Sur ce plan, M. Fortassin a parlé tout à l’heure de l’énergie photovoltaïque. Je cite souvent l’exemple de cette centaine de jeunes éleveurs de l’Aveyron qui sont parvenus à assurer leur autonomie énergétique en équipant les toits de leurs granges de 33 000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques. Il est donc possible d’atteindre cet objectif partout.

Dès 2009, nous réaliserons, dans cet esprit, les diagnostics énergétiques des exploitations pour conseiller au cas par cas les agriculteurs, afin qu’ils puissent réduire leur consommation de fioul, d’intrants, d’électricité et produire leur propre énergie. Au terme de cette montée en puissance, mon objectif est de parvenir à financer, d’ici à 2013, 100 000 diagnostics énergétiques, grâce à des fonds européens du deuxième pilier et au concours de grandes entreprises comme Total, EDF et GDF, qui m’ont donné leur accord.

En ce qui concerne la forêt, mon intention n’est pas, madame Didier, de démanteler ou de privatiser l’ONF. Le versement compensateur, qui reste fixé à 144 millions d’euros, est la preuve de l’engagement de l’État.

J’ai bien noté que Gérard César et Philippe Leroy avaient déposé deux amendements concernant la forêt.

Notre objectif, ambitieux, est de remettre en production 12 millions de mètres cubes supplémentaires d’ici à 2012. Yann Gaillard le sait bien, pour avoir participé aux assises de la forêt. Le bois est le premier des écomatériaux ! Le Gouvernement est déterminé à réorienter les aides vers la desserte forestière pour mieux mobiliser la biomasse forestière. Nous recourrons aussi aux aides fiscales, notamment les DEFI, aux aides à l’aval et à la multiplication des contrats de travaux.

Je tiens à dire à Gérard César que les travaux réalisés bénéficieront d’une déduction revalorisée. Cette aide est étendue aux contrats passés par les forestiers pour l’exploitation. Il s’agit de mesures fortes permettant d’améliorer la gestion de la forêt privée et sa productivité.

Monsieur Collombat, je répondrai par écrit à votre question sur le Conservatoire de la forêt méditerranéenne.

Toujours à propos du Grenelle de l’environnement et de nos engagements, j’attache, en tant que ministre, autant d’importance au suivi qu’aux effets d’annonce. L’évaluation est donc une de mes grandes préoccupations.

Mme Kosciusko-Morizet et moi-même avions confié une mission au député Martial Saddier, qui a présenté un rapport remarquable sur la pollinisation et la filière apicole, ce qui n’est pas un sujet mineur. Je me suis engagé à aider et à inciter à la structuration de ce secteur. Plusieurs des recommandations de ce rapport seront mises en œuvre.

Enfin, à la veille d’une visite de travail que je ferai demain en Guadeloupe et en Martinique, durement affectées par les cyclones Dean et Omar et par les graves conséquences de la contamination de certaines terres par le chlordécone dans le passé, je veux informer le Sénat du lancement d’un plan « banane durable ». Ce plan de cinq ans, qui sera mis en œuvre avec le concours des collectivités territoriales, de tous les professionnels et des fonds européens, est une vraie chaîne d’innovation pour éliminer l’essentiel des produits phytosanitaires utilisés jusqu’à présent dans la culture de la banane. Ce plan s’accompagnera d’engagements écologiques et sociaux.

L’agriculture durable, c’est aussi la mémoire et la solidarité entre les générations. Il faut se tourner vers l’avenir tout en n’oubliant pas les générations précédentes, auxquelles nous devons la force de notre agriculture.

Le Premier ministre a ainsi annoncé, à l’automne, plusieurs décisions pour réduire les situations de pauvreté indignes, s’agissant notamment des veuves, et donner les mêmes droits à tous. Nous savons que 91 % des veuves d’agriculteurs sans droits propres touchent une pension de moins de 400 euros par mois : ces chiffres, cités par Yvon Collin et Claude Biwer, nous interpellent !

Nous avons décidé de garantir un montant minimal de retraite égal au minimum vieillesse. Cette garantie intéresse 233 000 personnes, dont 70 % de veuves. Nous mettons en place la réversion aux veuves de la retraite complémentaire obligatoire, acquise à titre gratuit par leur conjoint. Le coût de cette mesure s’élève à 40 millions d’euros et concerne 64 000 veuves.

Enfin, l’État apportera désormais sa garantie au FFIPSA pour que son financement soit pérenne.

Ce qui vaut pour l’agriculture durable vaut aussi pour la pêche.

La pêche est le métier le plus dangereux dans notre société : en moyenne, vingt marins pêcheurs meurent chaque année. Hier encore, un chalutier pêchant la coquille Saint-Jacques, l’Emmanuel-Jean, a coulé en Bretagne, ce qui a entraîné la mort d’un marin de Granville de quarante-deux ans, François Rémy.

La pêche est un métier vital pour l’activité des départements littoraux, qui contribue à relever le défi alimentaire. Elle constitue l’une des priorités du Président de la République, qui a voulu marquer l’engagement de notre pays à travers le plan d’action pour une pêche durable et responsable, mis en œuvre depuis un an.

Avec leurs enjeux environnementaux, économiques et énergétiques, la pêche et l’aquaculture mobilisent, au travers de ce projet de budget, un effort financier sans précédent. Je vous remercie, les uns et les autres, sur toutes les travées, de l’avoir souligné. Les crédits de la pêche passent ainsi de 62 millions d’euros à 160 millions d’euros en 2009.

Au total, les crédits du plan d’action pour une pêche durable et responsable, élaboré avec les professionnels, s’élèveront à 310 millions d’euros sur deux ans, crédits dont une part importante sera consacrée au programme de sauvetage et de restructuration de la flotte.

Mme Herviaux a évoqué les trois contrats bleus, dont je signale que le programme a été formellement approuvé par la Commission européenne. En l’absence de cet accord, nous ne les aurions pas instaurés.

La mise en œuvre de ces trois contrats, soutenus par deux structures, Ar Mor Glaz et le Fonds pour le développement durable de la pêche, le FDDP, est déjà engagée à hauteur de près de 10 millions d’euros. Toutes les façades maritimes doivent être équitablement concernées par cette initiative novatrice.

Cela fera l’objet d’une concertation, madame Herviaux, ce qui est d’autant plus naturel que l’idée de départ de ces contrats est née dans les ports, et non au ministère : ce sont les marins pêcheurs qui ont proposé de consacrer une partie de leur temps libre, en dehors des périodes de pêche, à des opérations d’intérêt public ou d’intérêt général.

Enfin, nous consacrons davantage d’argent à l’IFREMER, car le travail en commun des scientifiques et des marins pêcheurs doit être renforcé afin que nous puissions disposer de données plus objectives sur l’état des ressources halieutiques. Il est en effet temps de faire cesser les polémiques ou les malentendus sur ce sujet.

Le plan d’action pour une pêche durable et responsable met en œuvre, pour la première fois, un chapitre social et un chapitre concernant la sécurité. Je souhaite que l’on équipe, dans les deux ou trois années à venir, tous les marins pêcheurs et leurs vêtements à flottabilité intégrée d’une balise individuelle, afin que l’on puisse les secourir le cas échéant. C’est d’ailleurs ainsi que sont équipés les pisteurs-secouristes dans le département de la Savoie, dont j’ai présidé le conseil général pendant dix-sept ans. Une expérimentation sera lancée dans quelques jours ; elle concernera de 800 à 900 marins pêcheurs volontaires, répartis sur trois zones, une par façade maritime métropolitaine. Le retour d’expérience est attendu pour la mi-2009.

M. Charles Revet. Très bonne chose !

M. Michel Barnier, ministre. S’agissant de l’ancien Fonds de prévention des aléas de la pêche, le FPAP, la Commission européenne a notifié aux autorités françaises, en mai dernier, sa décision négative. Ce n’est pas une surprise.

Si une crise est survenue au Guilvinec et dans d’autres ports, c’est précisément parce que les versements de ce fonds s’étaient interrompus au moment même de la flambée du prix du pétrole et du gazole.

Quoi qu’il en soit, le remboursement des aides du FPAP doit donc être mis en œuvre, selon des modalités pragmatiques et progressives qui seront définies dans les prochaines semaines. Je tiens à dire aux parlementaires qui s’en sont inquiétés qu’il est, à mes yeux, impossible que cette récupération mette en péril la pérennité des entreprises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, sur le chemin vers ce nouveau modèle d’une agriculture et d’une pêche durables, au-delà des horizons, des ambitions et des objectifs, il y a, nous le savons tous, des accidents, des crises, des risques.

Dans la récente négociation sur le bilan de santé de la PAC, j’ai voulu trouver les outils d’une meilleure couverture des risques climatiques et sanitaires. Nous en avions parlé ici même, le 29 octobre, avec Daniel Soulage, lors de l’examen de la proposition de loi du Sénat relative à l’assurance récolte.

Depuis dix-huit mois que je suis à ce poste, je dois affronter, chaque semaine, des crises de cette nature. Derrière ces crises, il y a des femmes et des hommes qui souffrent et qui sont parfois désespérés. Or les solutions ne sont à la hauteur ni de cette détresse ni de la gravité des situations économiques.

Les outils issus du bilan de santé de la PAC ne produiront leurs effets qu’en 2010.

D’ici là, de manière plus urgente, il nous faut travailler à des mesures plus conjoncturelles qui nous permettront de passer le cap. Le moment est venu d’évoquer ces situations de crise et les réponses que nous avons voulu y apporter.

Je commencerai par l’élevage. J’ai entendu l’appel profondément digne et responsable des 20 000 éleveurs qui ont manifesté à Clermont-Ferrand au mois de septembre.

Comme l’a très bien dit Gérard Bailly, l’élevage a subi de plein fouet, et plus tôt que d’autres secteurs, la crise économique avec l’envolée des prix de l’énergie et des matières premières.

Claude Biwer a eu raison de le rappeler, j’ai lancé, en accord avec le Premier ministre, le 12 novembre dernier, un plan de soutien à la trésorerie des exploitations agricoles en difficulté. Nous avons décidé de mobiliser immédiatement 250 millions d’euros. Ce n’est pas rien ! Cet argent, qui provient pour partie de l’État, pour partie de l’Europe, pour partie des banques et de la Mutualité sociale agricole, permettra des allégements fiscaux, sociaux et bancaires. Les préfets ont déjà commencé à mettre en place ce plan dans de nombreux départements.

Les principales mesures sont les suivantes : 70 millions d’euros viendront réduire la facture énergétique des agriculteurs, au titre du remboursement de la TIPP ; 4 millions d’euros permettront la reconduction de l’exonération des cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs ; 75 millions d’euros seront consacrés à l’amélioration de la trésorerie des exploitations et à des allégements de charges ; enfin, 50 millions d’euros sont destinés à consolider temporairement les revenus des éleveurs ovins en attendant la réorientation des aides que je vais proposer.

Je précise à M. Bourdin que 60 millions d’euros venant alléger les charges financières seront financés par le budget, tandis que le plan de 50 millions d’euros en faveur des éleveurs d’ovins sera financé à parts égales par des crédits communautaires – il s’agit, monsieur Pastor, des fameuses réserves de DPU – et par le projet de loi de finances rectificative.

L’élevage est en difficulté, particulièrement dans les zones de montagne. Jacques Blanc a rappelé le travail très intelligent accompli par le Comité des régions de l’Union européenne. J’ai examiné avec beaucoup d’attention ses propositions, qui m’ont été remises il y a quelques jours. Je ne suis pas choqué d’y retrouver la notion de cohésion territoriale : c’est moi qui l’avais introduite dans le traité de Lisbonne, alors que j’étais commissaire européen chargé des politiques régionales.

Je le dis à Jacques Blanc et à Jean Boyer, j’ai le souci que l’on retrouve, dans nos politiques agricoles et régionales, la traduction d’une politique spécifique pour les zones de montagne, qui n’intéresse pas, bien entendu, seulement la France.

Pour répondre à une demande de MM. Gouteyron et Bailly, je confirme l’engagement que j’ai pris à l’Assemblée nationale d’affecter dès maintenant une redotation de plus de 12 millions d’euros à l’ICHN, dont 6 millions d’euros de crédits nationaux et 7 millions d’euros en provenance du FEADER.

En ce qui concerne l’équarrissage, j’apporterai à MM. Bourdin et Bailly une réponse écrite aux questions qu’ils m’ont posées. Je me contenterai ici de m’engager à couvrir une partie de la dette des éleveurs à l’égard du service public de l’équarrissage, à hauteur de 12 millions d’euros. Il s’agit de faciliter la réforme inscrite dans ce projet de budget, par le biais d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale.

Cette réforme concerne l’ensemble des filières, y compris celle du cheval. Un groupe de travail a été mis en place pour identifier les besoins des éleveurs, d’une part, et ceux des particuliers, d’autre part, afin d’élaborer des solutions adaptées aux attentes des uns et des autres.

Comme l’ont souligné Daniel Soulage et Antoine Lefèvre, l’élevage est également fragilisé par la plus grave crise sanitaire que notre pays ait eu à affronter, celle de la fièvre catarrhale ovine.

Avec les éleveurs, les vétérinaires, les laboratoires, nos services, nous faisons face. Des réunions hebdomadaires, voire quotidiennes, se tiennent pour faire le point sur le suivi de cette épizootie et sur la riposte à lui opposer.

Après une première vaccination massive – 40 millions de doses ont été utilisées –, une deuxième sera lancée, monsieur Fournier, le 15 décembre pour les sérotypes 1 et 8. Elle s’achèvera en avril. Je continue à me battre pour mettre en place une stratégie européenne. Nous y sommes presque parvenus.

Pour apaiser l’inquiétude de Gérard Bailly, j’indique que nous répartirons les doses département par département. Les préfets et nos services connaissent le nombre précis de doses de vaccins nécessaires.

Monsieur Pinton, la vaccination contre les sérotypes 1 et 8 est pratiquée dans tous les départements où la présence du sérotype 1 a déjà été constatée. Au 15 décembre, un plan national prendra donc le relais.

En Espagne, après la vaccination contre le sérotype 1, un plan national de vaccination contre le sérotype 8 est lancé. La vaccination a fait ses preuves.

J’ajoute que je suis d’accord pour engager une réflexion sur une politique de l’engraissement.

Notre projet de budget national met l’accent sur des mesures sanitaires indispensables et ses crédits progressent, à ce titre, de 2 millions d’euros à 13 millions d’euros. C’est un point sur lequel Mme Nicole Bricq m’avait interpellé l’an dernier.

De son côté, la Commission européenne vient de doter de 100 millions d’euros supplémentaires le financement de la vaccination en 2009 et le cofinancement à hauteur de 50 % des doses vaccinales et de la vaccination.

Enfin, nous avons ajouté 30 millions d’euros au titre des mesures de soutien économique.

L’élevage est également touché par une crise du prix du lait, dans un marché fragile, volatil et qui s’est retourné.

Je me suis attaché, avec Christine Lagarde et Luc Chatel, à recréer le cadre de discussions interprofessionnelles, dont nous avons besoin dans cette filière comme dans toutes les autres. Ce n’est d’ailleurs pas sans raisons que j’ai présenté à Bruxelles un mémorandum pour soutenir et faciliter l’organisation interprofessionnelle dans toutes les filières. Ce cadre a été consolidé par le biais de l’adoption d’un amendement du Gouvernement en première lecture à l’Assemblée nationale. Je souhaite que vous puissiez soutenir cette idée.

Après plusieurs semaines de discussions, les négociations interprofessionnelles ont abouti lundi dernier à un accord entre les trois familles professionnelles. J’en ai pris acte, et je salue l’esprit de responsabilité dont témoigne cet accord.

J’invite maintenant ces familles professionnelles à travailler ensemble à des propositions concrètes sur les modalités de contractualisation, qui permettront de garantir aux producteurs, sur la durée, des volumes et des prix déterminés sur la base d’indicateurs fiables.

J’évoquerai brièvement, pour faire écho aux propos de MM. César et Bailly, le secteur viticole, qui représente pratiquement un quart des exploitations agricoles de notre pays.

La viticulture traverse, dans plusieurs vignobles, de graves difficultés. Toutes les mesures conjoncturelles possibles ont été prises en faveur des exploitations en difficulté. Elles bénéficieront du plan de soutien à l’agriculture que je viens de décrire.

Nous pouvons nous appuyer sur une OCM solide, que nous avons négociée correctement eu égard aux propositions initiales de la Commission.

Nous pouvons également compter sur le plan de modernisation de la viticulture, dont je me suis entretenu la semaine dernière avec l’ensemble des professionnels de la filière. Ce plan, adopté par le Gouvernement le 29 mai dernier et qui concerne tous les aspects du secteur – pilotage et gouvernance de la filière, compétitivité des entreprises, formation et recherche – se met en place. L’objectif est de permettre à la viticulture française de retrouver sa place sur un marché mondial de plus en plus concurrentiel.

Un point particulier est celui de l’utilisation d’internet, évoquée par MM. Bailly et César. Il n’est pas juste que nos entreprises viticoles subissent une distorsion de concurrence par rapport à leurs concurrentes étrangères, faute de pouvoir utiliser ce support, au seul motif qu’il n’existait pas lorsque la loi Évin a été votée.

Après une concertation constructive avec Roselyne Bachelot, et avec le concours du Parlement, nous allons mettre en place, au début de l’année prochaine, un système raisonnable, tout en préservant l’esprit et les objectifs de la loi Évin.

Après avoir évoqué les risques, je ne vais pas, à cette heure, détailler les outils à notre disposition.

Comme je l’avais dit à cette tribune lors de la discussion de la proposition de loi relative à l’assurance récolte, nous souhaitons réformer profondément la gestion des calamités agricoles et mettre en place un véritable fonds sanitaire, y compris pour faire face à des menaces nouvelles.

Je ne reviens pas sur l’architecture du nouveau système national, sinon pour confirmer que nous pourrons prélever dans le premier pilier européen les crédits nécessaires pour financer une partie des nouveaux outils de prévention, de précaution et de mutualisation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, mettre en place une politique agricole et alimentaire plus préventive, plus équitable, plus durable, qui reste une politique économique et ne se réduise pas, comme certains en rêvent, à une simple politique de développement rural ; promouvoir un modèle agricole et une pêche durables en métropole et dans nos départements d’outre-mer ; développer une agriculture économiquement productive, écologiquement et socialement responsable : voilà la stratégie qui est la mienne, voilà les ambitions que j’ai voulu partager avec vous depuis dix-huit mois.

Permettez-moi de conclure en disant quelques mots du grand ministère que j’ai l’honneur d’animer. Ce sont ses équipes qui portent, assument, expliquent, à Paris et sur le terrain, nos politiques publiques pour l’alimentation, la nutrition, le développement rural, l’accompagnement européen des exploitations agricoles, la protection vétérinaire et sanitaire, la forêt, la pêche et l’aquaculture, l’éducation et la formation agricoles.

Je tiens à leur exprimer publiquement ma gratitude pour leur compétence, leur disponibilité et leur impartialité, dans un contexte administratif qui a été profondément modernisé, comme je l’ai voulu, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Cette modernisation trouve sa traduction dans la mutualisation des services départementaux, dans le renforcement de l’échelon régional – la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt sera le point focal de la nouvelle administration de ce grand ministère –, dans la réorganisation des directions centrales, des offices et de l’agence unique de paiement. J’indique à Joël Bourdin que le dispositif législatif ad hoc sera adopté définitivement au plus tard en février.

Nous prenons notre part à l’effort national de maîtrise des dépenses publiques, comme l’ont observé la commission des finances du Sénat et son rapporteur général.

Cette modernisation du ministère a été conduite et réalisée selon une conviction : les enjeux dont nous avons la charge sont au cœur de la société, pour aujourd’hui et pour demain, de ses attentes et de ses exigences en matière de souveraineté alimentaire, de sécurité de l’alimentation et de maintien de l’équilibre des territoires. J’ai d’ailleurs l’espoir que ce ministère ainsi réorganisé puisse un jour devenir le grand ministère de l’alimentation, du développement rural, de l’agriculture, de la forêt et de la pêche.

Le secteur agricole, dans la grande tourmente actuelle, représente pour notre pays une chance et une force, je le redis. Pour le soutenir, nous avons besoin d’un budget responsable et d’un ministère en mouvement, ainsi que d’une politique agricole européenne plus forte et plus équitable : j’y travaille avec vous. Nous devons également faire preuve d’une grande vigilance dans les négociations commerciales.

Nous avons, enfin, besoin d’une stratégie déterminée pour inscrire le travail des agriculteurs, des viticulteurs, des conchyliculteurs et des pêcheurs dans une perspective de développement durable. C’est, à mon sens, leur intérêt, et c’est aussi l’intérêt national, en fonction duquel le projet de budget que je vous soumets a été construit. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 37 et état D

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Agriculture, pêche, alimentation, forêtet affaires rurales

3 234 275 018

3 484 756 554

Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires

1 584 574 019

1 763 160 013

Forêt

289 861 981

307 289 443

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

525 247 170

580 747 170

Dont titre 2

271 139 846

271 139 846

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

834 591 848

833 559 928

Dont titre 2

678 184 019

678 184 019

Mme la présidente. L'amendement n° II-208, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

2 000 000

2 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

1 000 000

1 000 000

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

TOTAL

3 000 000

3 000 000

SOLDE

- 3 000 000

- 3 000 000

 

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre. J’ai indiqué en début d’après-midi, lors du débat sur la mission « Enseignement scolaire », en quoi consistait la présente proposition. Compte tenu des difficultés financières que rencontre l’enseignement technique agricole, soulignées par de nombreux sénateurs et en particulier Françoise Férat, un amendement a été voté lors de l’examen du budget de la mission « Enseignement scolaire », afin de transférer 3 millions d’euros de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » vers le programme « Enseignement technique agricole » au sein de la mission « Enseignement scolaire ».

Le présent amendement tend à annuler, d’une part, 1 million d’euros dans le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » et, d’autre part, 2 millions d’euros dans le programme « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Dans un souci de continuité, la commission des finances a émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-208.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-31, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

700.000

700.000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

TOTAL

0

700.000

0

700.000

SOLDE

-700.000

-700.000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. L’AFICAR s’étant auto-dissoute au cours de l’été dernier, il faut réaffecter les crédits qui lui avaient été attribués.

La commission des finances a considéré que ces crédits pouvaient être utilisés pour réduire les déficits, alors que l’Assemblée nationale a décidé qu’ils pouvaient servir en partie à financer des prêts bonifiés pour les CUMA. Or, ce dispositif ne nous a pas semblé correspondre à nos principes « lolfiens ».

Ce n’est pas parce qu’un crédit se trouve sans objet qu’il faut nécessairement le réaffecter pour le dépenser ! En outre, nous considérons que les prêts bonifiés ne sont pas un bon instrument ; ils sont d’ailleurs critiqués par la Cour des comptes, comme nous avons pu nous en apercevoir récemment. La Cour considère que ces prêts sont très lourds à mettre en œuvre, difficilement contrôlables et coûteux pour les finances de l’État.

Les récents travaux de la commission des finances consacrés aux refus d’apurement communautaire ont confirmé cette analyse et la gestion des prêts bonifiés est apparue comme présentant un risque sérieux de corrections financières à l’encontre de la France dans les années à venir.

Pour toutes ces raisons, il ne nous a pas paru opportun de réaffecter les 700 000 euros en question à la bonification des prêts aux CUMA.

Mme la présidente. L'amendement n° II-132, présenté par M. César, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

500.000

500.000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

500.000

500.000

TOTAL

500.000

500.000

500.000

500.000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de prélever 500 000 euros à l’action 01 du programme 215 et de les transférer vers le programme 154, où ces crédits seraient répartis de la façon suivante : 300 000 euros viendraient abonder, au sein de l’action 13, les crédits destinés à financer les charges de bonification des prêts consentis aux CUMA.

Dans un contexte de hausse des taux d’intérêt, il convient de soutenir les prêts bonifiés pouvant être consentis à ces organismes. La somme serait donc affectée aux prêts destinés aux CUMA, afin de leur permettre d’acquérir du matériel et de l’outillage.

Par ce transfert, venant en complément d’un amendement adopté par les députés, la dotation pour 2009 des CUMA atteindrait 4 millions d’euros. Il s’agit là d’une masse financière d’un niveau raisonnable qui permet de mener une véritable action au profit du monde agricole. En outre, 200 000 euros seraient redéployés vers l’action 11 pour être affectés au Centre national des expositions et des concours agricoles, le CENECA.

Cette somme sera en fait confiée à la direction générale des politiques agricoles, alimentaires et territoriales au titre de ses responsabilités en matière d’action internationale. Cette direction aura la charge de la verser au CENECA, opérateur de la promotion et des salons agricoles, et d’en évaluer les effets.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ces deux amendements sont incompatibles !

L’amendement de la commission des finances fait suite à des discussions intervenues en commission il y a une quinzaine de jours. Nous avons bien entendu les arguments de la commission des affaires économiques. Mais nous avons surtout observé qu’hier après-midi 3 millions d’euros avaient disparu !

Par conséquent, pour ces raisons, et en dépit des observations que j’ai formulées à propos de l’amendement n° II-31, notamment s’agissant des prêts bonifiés, que nous n’aimons guère, nous retirons notre amendement et émettons un avis favorable sur l’amendement n° II-132, présenté par la commission des affaires économiques.

Mme la présidente. L'amendement n° II-31 est donc retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-132 ?

M. Michel Barnier, ministre. Après les propos très sages que vient de tenir le rapporteur spécial de la commission des finances, je voulais manifester à mon tour mon accord avec l’amendement de la commission des affaires économiques.

Les crédits affectés à l’AFICAR disparaissant, les crédits de communication du ministère de l’agriculture diminuent. J’en ferai mon affaire !

De nombreux parlementaires ayant manifesté le sentiment que les crédits affectés à telle ou telle ligne du budget étaient insuffisants, je trouve assez légitime que des crédits destinés à la communication qui sont annulés puissent être utilisés en vue d’autres actions qui en ont besoin. Et on pourrait trouver dans ce budget beaucoup d’exemples.

Je pense que les CUMA en font partie ! Elles font du bon travail. Comme ce n’est pas par plaisir que l’on réduit les dépenses budgétaires en limitant certains crédits, je suis heureux que l’occasion se présente de porter les crédits destinés à ces coopératives à 4 millions d’euros, comme le propose M. César. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° II-132.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. À cette heure tardive, je tiens à remercier, en tant que président de la commission des affaires économiques, le représentant de la commission des finances, qui a retiré son amendement au profit de celui de notre collègue M. César, présenté au nom de notre commission.

Je voudrais simplement rappeler que les CUMA ont joué un très grand rôle dans la modernisation de l’agriculture depuis quarante ou cinquante ans. Il est vrai qu’aujourd’hui en ce qui concerne la mécanisation qui, comme tout ce qui est moderne, demande des moyens financiers considérables, si nous voulons continuer à ce que les agriculteurs puissent accéder aux nouvelles techniques, il apparaissait naturel de donner des moyens aux CUMA à travers des crédits spécifiques.

J’ai parfaitement compris la règle d’orthodoxie budgétaire défendue par la commission des finances. Mais, à partir du moment où le ministre lui-même, dans une sage gestion des crédits, avait déjà augmenté dans son projet de budget les crédits destinés aux prêts bonifiés en direction des CUMA, et où l’Assemblée nationale avait apporté par un geste de générosité 700 000 euros supplémentaires, nous ne pouvions manquer de porter les crédits à 4 millions d’euros.

Par ce moyen, je pense que nous contribuons à faciliter la modernisation de nos exploitations agricoles. Mais je remercie surtout la commission des finances ; sa décision témoigne de ce que, entre commissions d’une même assemblée, nous pouvons vivre en bonne intelligence !

Il s’agissait ici du seul amendement déposé par la commission des affaires économiques, dans la limite de ce qui nous est permis par la LOLF.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Nous tenons à nous associer pleinement à la démarche qui nous est proposée à travers l’amendement n° II-132.

Il s’agit d’une démarche de solidarité en direction du monde agricole. Car les CUMA permettent de rationaliser les investissements qui sont nécessaires pour garantir la modernité de nos exploitations. Sur ce point, nous ne pouvons qu’être tous d’accord ! En outre, elles obligent les habitants des zones rurales à travailler ensemble. Or, d’un point de vue humain, c’est très important dans une société marquée par l’individualisme.

Grâce aux CUMA, on retrouve des banques de travail et, au-delà, des hommes et des femmes qui continuent à travailler ensemble sur nos territoires ruraux. Tant qu’une telle identité perdurera et que de telles approches subsisteront, alors oui, la ruralité vivra !

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste s’associe pleinement à la décision collégiale, prise au sein de la commission des affaires économiques, qui vise à faire aboutir les approches que je viens de signaler.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-132.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-192, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

129 790

129 790

129 790

129 790

TOTAL

129 790

129 790

SOLDE

-129 790

-129 790

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre. Dans le cadre des transferts prévus par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les services de l’aménagement foncier quittent le ministère de l’agriculture pour rejoindre les conseils généraux. Ce transfert de compétence donne bien entendu droit à compensation pour les départements concernés.

Le présent amendement vise donc à ajuster le transfert de crédits qui avaient été inclus dans le projet de loi de finances pour 2009. En effet, compte tenu de la date limite d’exercice du droit d’option, fixé au 31 août 2008, deux personnes n’ont pas pu être prises en compte au moment de l’élaboration du projet de loi de finances.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Il s’agit là d’un amendement de portée strictement technique, auquel la commission est tout à fait favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-192.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-155 rectifié, présenté par MM. Leroy, Gaillard, César, du Luart, Bailly et J. Blanc, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

0

5 000 000

0

5 000 000

Forêt

5 000 000

0

5 000 000

0

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

00

00

00

00

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

00

00

00

00

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Les forêts jouent un rôle important sur nos territoires. Or, pour les exploiter convenablement, il faut améliorer les dessertes.

L’un des objectifs définis par le Grenelle de l’environnement est d’utiliser les branchages pour produire de l’énergie. Pourtant, on sait que de nombreux hectares sont mal desservis.

Nous avons constaté que, dans ce budget, les crédits visant à améliorer les dessertes forestières étaient en diminution. Si nous pouvons accepter une légère diminution de crédits, nous nous opposons à une baisse considérable de ces crédits.

C’est pourquoi nous avons présenté cet amendement, tendant à augmenter de 5 millions d’euros les subventions à la desserte forestière sur notre territoire.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement est conforme aux orientations du Grenelle de l’environnement et des Assises de la forêt et du bois.

Cela étant, il est gagé sur une baisse de 5 millions d’euros des crédits de l’action 14 « Gestion équilibrée et durable des territoires », à l’intérieur du programme 154.

Or, ce programme a déjà subi hier une ponction de 2 millions d’euros ! Par conséquent, la somme de 5 millions d’euros avancée dans cet amendement nous semble quelque peu excessive. Nous aurions préféré que les auteurs de l’amendement soient plus modestes. Pour cette raison, je sollicite l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre. Pour atteindre les objectifs des Assises de la forêt et du bois et être à la hauteur des ambitions du Grenelle, j’avais introduit dans le projet de loi de finances des mesures fiscales renouvelées et incitatives : le DEFI « acquisition de forêt » et le DEFI « travaux », dispositifs d’encouragement à l’investissement forestier.

La diminution des crédits prévus au titre de la desserte en 2009 a donc été calibrée pour assurer une juste complémentarité avec les nouveaux dispositifs fiscaux.

Je comprends tout à fait la préoccupation des auteurs de cet amendement et leur objectif, mais, très franchement, la « ponction », pour reprendre le terme employé par M. le rapporteur spécial, d’une somme aussi considérable sur le programme 154 remettrait en cause l’équilibre de celui-ci et les actions qu’il porte, sans prendre en compte les nouvelles mesures fiscales que j’ai évoquées, ce qui me poserait des problèmes.

Cependant, comme il y a derrière cet amendement une intention juste et pour répondre à l’appel de M. le rapporteur spécial, je propose de le sous-amender de façon à ce qu’une somme de 1 million d’euros puisse être dégagée pour l’accompagnement des actions en faveur du renforcement des dessertes.

Un tel abondement me paraît raisonnable, d’autant qu’il faut voir comment les nouvelles mesures fiscales joueront. En complément de ce sous-amendement, je propose d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous vous associez aux travaux d’évaluation en cours d’année de ces mesures.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° II-215, présenté par le Gouvernement, et qui est ainsi libellé :

Dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement des programmes « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » et « Forêt » figurant dans l'amendement n° II-155 rectifié, remplacer (quatre fois) le montant :

5 000 000

par le montant :

1 000 000

Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Favorable !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Je remercie M. le rapporteur spécial et M. le ministre d’avoir bien voulu considérer que mon amendement avait toute sa raison d’être compte tenu de ce que l’on attend de nos forêts.

Étant donné les conditions particulièrement difficiles dans lesquelles ce projet de loi de finances est établi, il est vrai que s’obstiner à maintenir un abondement à hauteur de 5 millions d’euros pourrait créer plus de problèmes que cela n’en résoudrait et sans doute mes collègues vont-ils, comme moi-même, souscrire à la proposition du Gouvernement.

À titre personnel, je ferai cependant une remarque.

Monsieur le ministre, je considère que les mesures, notamment fiscales, que vous avez prises dans le cadre de votre ministère sont intéressantes, mais attendez-vous à ce que nous soyons particulièrement attentifs lorsque nous débattrons du Grenelle de l’environnement avec le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, en particulier lorsqu’il sera question de l’énergie, car je ne crois pas que nous pourrons développer l’énergie « bois » sans bonnes dessertes !

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-215.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-155 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-168, présenté par Mmes Herviaux et Printz, MM. Masseret, Todeschini, Daudigny, Patriat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

 

 

5 000 000

 

Forêt

 

 

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

 

 

 

5 000 000

TOTAL

 

 

5 000 000

  5 000 000

SOLDE

 

0

La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. À la suite des travaux du conseil de modernisation des politiques publiques, sur lesquels nous avions émis plus que des réserves, le projet de loi de finances pour 2009 prévoit une suppression des crédits de soutien aux associations d’animation rurale et un repli sur le financement de nos obligations communautaires. Ces associations voient ainsi leurs moyens amputer de 7,5 millions d’euros.

En 2005 déjà, le ministère avait réduit de moitié les crédits de la ligne « Animation et développement rural » et il faut constater que les trois dernières années n’ont pas permis à ces associations de trouver ailleurs les financements dont elles avaient besoin.

Ces réductions budgétaires ont entraîné une forte diminution des actions menées ainsi que la perte des emplois de permanents ; pour les plus faibles des fédérations, elles ont conduit à la cessation pure et simple d’activités, voire au dépôt de bilan.

Les associations d’animation rurale, avec un budget modique, jouent pourtant un rôle fondamental dans un monde rural qui se trouve parfois abandonné et livré à la désertification : les populations y sont souvent isolées, les services publics disparaissent, les lieux de vie s’éloignent.

Dans ce contexte, ces associations contribuent activement à proposer de nombreuses actions utiles à nos 20 millions de concitoyens qui habitent en milieu rural.

Dans le grand virage que représente le Grenelle de l’environnement, elles sauront assurer la communication, le lien entre les agriculteurs et les autres acteurs du monde rural et, plus largement, la société. Or, vous le reconnaissez vous-même, monsieur le ministre, c’est, avec le développement durable, l’une de vos priorités. Il y a donc là une contradiction forte que nous ne pouvons accepter.

Vous avez laissé entendre que nombre d’associations rurales – les centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural, les associations d’éducation populaire, le MRJC – seront éligibles au CASDAR, le compte d’affectation spécial pour le développement agricole et rural.

Or, il semble que le nouveau fonds envisagé au travers du CASDAR ne permettra pas de financer des actions liées à l’animation rurale. L’appel à projets du ministère de l’agriculture et de la pêche qui vient de paraître est explicite à ce sujet.

C’est la raison pour laquelle nous proposons, même si nous sommes conscients de l’existence de certaines contraintes budgétaires, de dégager une somme supplémentaire de 5 millions d’euros en faveur de l’animation rurale afin, monsieur le ministre, de rendre concrète la volonté d’atteindre les objectifs que vous avez cités, volonté que nous partageons tous.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. C’est beaucoup !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Dans le cadre de la mise en œuvre de la RGPP, les interventions nationales en faveur de l’animation rurale seront désormais limitées à nos seules obligations communautaires, ce qui explique la baisse constatée des crédits pour 2009.

Cette baisse a toutefois été largement amortie sur l’initiative de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui a augmenté les crédits consacrés à l’animation rurale de 700 000 euros, ce qui nous semble suffisant.

Je demande donc à Mme Herviaux de bien vouloir retirer son amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre. Nous travaillons là dans le cadre de mesures prises en cohérence avec la révision générale des politiques publiques.

Certes, les crédits de l’animation rurale diminuent, mais les associations ont été informées du fait qu’elles pouvaient désormais bénéficier de financements du CASDAR. Même s’il y a un cahier des charges, en faisant preuve d’un peu d’esprit d’innovation, nombre de ces associations, dont nous connaissons le travail, devraient être en mesure de présenter des projets dans le cadre des appels à projets qui sont maintenant ouverts. Je précise que ces appels à projets portent sur des sommes qui ne sont pas négligeables.

Par ailleurs, les crédits correspondant aux obligations communautaires sont maintenus à hauteur de 1,1 million d’euros.

Je ne peux donc donner mon accord à la ponction que l’amendement tend à opérer sur ces programmes.

Mme la présidente. Madame Herviaux, l'amendement n° II-168 est-il retiré ?

Mme Odette Herviaux. Non, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Évoquant tout à l’heure l’utilisation des financements européens du deuxième pilier dans le domaine de l’aménagement et du développement rural, j’ai indiqué que la France était le dernier élève de l’Union.

Nous ne sommes pas performants quand il s’agit de « capter » ces financements. Dans notre pays, toute une série de complications ôte jusqu’à l’envie de déposer des dossiers !

Pourquoi l’Espagne et l’Autriche sont-ils au contraire les premiers élèves ? La raison tient à ce que ce sont justement les associations rurales qui sont demandeuses de financements d’équipements ruraux auprès de l’Europe. Ces associations représentent ainsi plus de 37 % des financements captés par l’Espagne.

Alors que nous sommes déjà les derniers de la classe, nous allons maintenant supprimer le seul moyen qui permettrait à notre pays de frapper à la porte de l’Europe !

C’est dommage pour notre territoire national. Je crois au contraire qu’il faut encourager et accompagner les associations rurales, ce qui permettra aussi de montrer que la ruralité française est dynamique.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-168.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte spécial

développement agricole et rural

Article 35 et état B
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Article 59 A

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial : « Développement agricole et rural » figurant à l’état D.

État D

(En euros)

Développement agricole et rural

113 500 000

118 500 000

Développement et transfert en agriculture

52 100 000

54 600 000

Recherche appliquée et innovation en agriculture

61 400 000

63 900 000

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 59 A à 59 D et 59 à 59 quater et les amendements tendant à insérer un article additionnel, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Article 37 et état D
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Article 59 B

Article 59 A

Un rapport sur l’impact de la réorganisation de l’Office national des forêts sur le budget de l’État et des collectivités territoriales et la gestion forestière de la forêt française est remis avant le 10 octobre 2009 au Parlement.

Mme la présidente. L'amendement n° II-5, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 10 octobre 2009, un rapport évaluant l'impact de la réorganisation de l'Office national des forêts, du centre national et des centres régionaux de la propriété forestière sur la gestion de l'espace forestier en métropole et outre-mer, ainsi que sur les budgets de l'État et des collectivités territoriales.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement rédactionnel a pour simple objet de regrouper en un seul article les demandes de rapports prévues par les articles 59 A, 59 B et 59 C.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-5.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 59 A est ainsi rédigé.

Article 59 A
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Article 59 C

Article 59 B

Un rapport sur l’impact de la réorganisation de l’Office national des forêts sur la gestion de l’espace forestier des départements d’outre-mer et sur le budget de l’État est remis avant le 10 octobre 2009 au Parlement.

Mme la présidente. L'amendement n° II-21, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement de coordination, dans la logique du précédent.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-21.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 59 B est supprimé.

Article 59 B
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Article 59 D

Article 59 C

Un rapport sur l’organisation des centres régionaux de propriété forestière et l’impact budgétaire qui en résulte est remis avant le 10 octobre 2009 au Parlement.

Mme la présidente. L'amendement n° II-25, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. C’est également un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-25.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 59 C est supprimé.

Article 59 C
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Article additionnel avant l'article 59

Article 59 D

Un rapport sur l’évolution de la fiscalité agricole et des activités en lien avec l’agriculture est remis au Parlement avant le 10 octobre 2009.  – (Adopté.)

Article 59 D
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Article 59

Article additionnel avant l'article 59

Mme la présidente. L'amendement n° II-169, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Avant l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un rapport sur l'évolution des enveloppes consacrées par l'État aux prêts bonifiés dont bénéficient les coopératives d'utilisation de matériel agricole est remis au Parlement avant le 1er septembre de chaque année.

La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. M. Pastor a dit tout à l’heure tout le bien qu’il pensait de l’amendement présenté au nom de la commission des affaires économiques M. César sur les CUMA, les coopératives d’utilisation de matériel agricole.

Sur ce point, nous sommes tout à fait en phase et il serait intéressant de disposer d’un rapport périodique sur l’évolution des prêts bonifiés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. On trouve d’ores et déjà beaucoup d’informations dans les rapports annuels de performance, mais la commission a néanmoins émis un avis de « sagesse ».

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-169.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 59.

Article additionnel avant l'article 59
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Article 59 bis

Article 59

Au deuxième alinéa de l’article L. 514-1 du code rural, les mots : « pour 2008, à 1,7 % » sont remplacés par les mots : « pour 2009, à 1,5 % ».  – (Adopté.)

Article 59
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Article 59 ter

Article 59 bis

I. – L’article 1609 septvicies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au IV, le mot : « tarifs » est remplacé par le mot : « taux » ;

2° Le IV est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce montant peut être modulé selon que l’abattoir est situé en métropole ou outre-mer. » ;

3° Au dernier alinéa du VI, après le mot : « équarrissage », sont insérés les mots : « et d’aides à la collecte et au traitement des sous-produits animaux des exploitations agricoles ».

II. – Le code rural est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 226-1, les mots : « ainsi que des autres » sont remplacés par les mots : « outre-mer, ainsi que, en tous lieux, des » ;

2° L’article L. 226-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les éleveurs doivent être en mesure de présenter à tout moment aux personnes mentionnées à l’article L. 231-2 les documents attestant qu’ils ont conclu un contrat ou cotisent à une structure ayant conclu un contrat leur garantissant, pendant une période d’au moins un an, l’enlèvement et le traitement, dans les conditions prévues par le présent chapitre, des animaux morts dans leur exploitation ou de justifier qu’ils disposent d’un outil de traitement agréé. » ;

3° Après le deuxième alinéa de l’article L. 226-7, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elles ne font pas obstacle à ce que des organisations professionnelles ou autres personnes morales, ayant une activité de commerce et de transport d’animaux, de viandes ou de produits carnés destinés à la consommation humaine, créent une association ou une autre personne morale qui exerce une mission d’équarrissage. »

III. – Le présent article entre en vigueur le 18 juillet 2009. – (Adopté.)

Article 59 bis
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Article 59 quater

Article 59 ter

Après l’article L. 632-13 du code rural, il est inséré un article L. 632-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 632-14. – Le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière peut élaborer et diffuser des indices de tendance, notamment prévisionnels, des marchés laitiers, ainsi que tout élément de nature à éclairer la situation des acteurs de la filière laitière.

« Les centres régionaux interprofessionnels de l’économie laitière peuvent élaborer et diffuser des valeurs qui entrent dans la composition du prix de cession du lait aux collecteurs ou aux transformateurs, en s’appuyant notamment sur les indices mentionnés à l’alinéa précédent.

« Les opérateurs de la filière laitière peuvent se référer aux indices et valeurs mentionnés aux deux premiers alinéas dans le cadre de leurs relations contractuelles.

« Ces pratiques ne sont pas soumises aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce. » – (Adopté.)

Article 59 ter
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Article additionnel après l'article 59 quater (début)

Article 59 quater

I. – Après le premier alinéa du VII du A de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les entreprises dont l’activité dominante est la mise en œuvre de produits en bois de menuiserie, charpente ou agencement, assortie d’une activité de fabrication de produits entrant dans le champ de la taxe, peuvent retenir pour assiette de la taxe 40 % du chiffre d’affaires total hors taxes correspondant à ces opérations, fourniture et pose incluses, en y appliquant les taux indiqués ci-dessus, les entreprises de moins de vingt salariés appliquant cependant le taux unique de 0,10 %. »

II. – Le I s’applique aux exercices clos à compter de la date de publication de la présente loi. – (Adopté.)

Article 59 quater
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Article additionnel après l'article 59 quater (interruption de la discussion)

Article additionnel après l'article 59 quater

Mme la présidente. L'amendement n° II-170, présenté par M. César, est ainsi libellé :

Après l'article 59 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les deuxième et dernier alinéas du 3° de l'article L. 13 du code forestier sont ainsi rédigés :

« Les procédures de certification de gestion durable des forêts sont reconnues bénéficier de la certification de conformité environnementale ou écocertification prévue par les articles L. 115-27 et suivants du code de la consommation.

« Les produits forestiers fabriqués à partir de bois récoltés dans le cadre de l'un des documents de gestion visé aux a, b, c et d de l'article L. 4 ou issus d'une forêt bénéficiant d'une certification de gestion durable des forêts peuvent prétendre à bénéficier d'une certification de conformité environnementale ou écocertification. »

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Cet amendement concerne l’interprofession de la forêt. Pour la reconnaissance des interprofessions spécifiques, il est notamment fait référence à la certification de conformité mentionnée à l'article L. 13 du code forestier.

La forêt du Sud-Ouest est une forêt cultivée ; elle représente aussi le plus grand massif forestier de France. L’interprofession du pin maritime, industriels et sylviculteurs réunis, demande cette reconnaissance à l’unanimité.

D’autres professions sont organisées en interprofessions, notamment la viande, le vin, le fromage, etc. Alors, pourquoi, monsieur le ministre, le pin maritime serait-il le seul à ne pas devenir une interprofession à part entière ? Il existe une demande forte de la profession, des sylviculteurs mais aussi des industriels.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement semble avoir vocation à dissiper une divergence d’interprétation entre les professionnels de la forêt et les services du ministère de l’agriculture.

Je demande donc l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre. Je le rappelle, la reconnaissance d’une interprofession régionale suppose qu’elle soit porteuse d’une certification.

Or, cet amendement tend à reconnaître la certification de gestion durable au titre de la certification de conformité prévue par les articles L. 115-27 et suivants du code de la consommation.

Cependant, je vous fais remarquer, monsieur César, que le code de la consommation ne concerne que des produits destinés au consommateur final, ce qui n’est pas le cas de la gestion durable des forêts.

Cette présentation, telle qu’elle a été faite, pose un problème juridique qui mériterait quelques semaines de réflexion. Elle ne permet pas, me semble-t-il, de régler le problème qui a été légitimement soulevé par M. César.

Pour être pragmatique et efficace, je demanderai à Gérard César de bien vouloir retirer son amendement.

Par ailleurs, je vais très rapidement constituer un groupe de travail sur ce sujet pour faire avancer le dossier en lui fournissant les bases juridiques les plus solides et les plus sûres.

Mme la présidente. Monsieur César, l'amendement n° II-170 est-il maintenu ?

M. Gérard César. J’accepte, comme le propose M. le ministre, la création d’un groupe de travail. Bien sûr, je souhaite en faire partie, avec les sylviculteurs et les industriels concernés par le pin maritime.

Fort de l’explication et du soutien de M. le ministre de l’agriculture, je retire l’amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° II-170 est retiré.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et des crédits du compte spécial : « Développement agricole et rural ».

Article additionnel après l'article 59 quater (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Discussion générale

6

Dépôt d'une proposition de loi

Mme la présidente. J’ai reçu de Mmes Alima Boumediene-Thiery, Marie-Christine Blandin, Dominique Voynet, MM. Jean Desessard et Jacques Muller une proposition de loi tendant à permettre la reconnaissance et la production d’effets en France des partenariats et unions civiles enregistrés à l’étranger.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 121, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

Dépôt de rapports

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-René Lecerf un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la législation funéraire (n° 108, 2008 2009).

Le rapport sera imprimé sous le n°119 et distribué.

J’ai reçu de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale :

- sur le projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, portant application de l’article 25 de la Constitution (n° 105, 2008-2009),

- sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et l’élection des députés (n° 106, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n°120 et distribué.

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 4 décembre 2008, le matin, à quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008 2009).

Rapport (n° 99, 2008 2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Examen des missions :

Immigration, asile et intégration (+ articles 62 et 63)

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 15) ;

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Immigration et asile – avis n° 102, tome VII) ;

MM. Jean-Patrick Courtois et François-Noël Buffet, rapporteurs pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (avis n° 104, tome XI).

Politique des territoires

M. François Marc, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 19) ;

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 101, tome V).

Ville et logement (+ articles 82 et 83)

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 32) ;

MM. Pierre André et Thierry Repentin, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 101, tome VII) ;

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 103, tome VIII).

Économie

Compte spécial : gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien

MM. André Ferrand et François Rebsamen, rapporteurs spéciaux (rapport n° 99, annexe n° 11) ;

MM. Pierre Hérisson, Gérard Cornu et Mme Odette Terrade, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 101, tome II).

Sport, jeunesse et vie associative (+ articles 77, 78 et 78 bis)

M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 30) ;

MM. Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 100, tome VIII).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 4 décembre 2008, à trois heures trente-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD