M. Jean-Jacques Mirassou. Nous non plus !

M. Philippe Dominati. Il y a un an, votre secrétaire général avait défini ce ministère comme étant une administration d’état-major constituée pour relever un véritable défi. C’est chose faite, et amplement.

Je suis certain que, des défis, vous en relèverez d’autres, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion, et le vote, des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » engage notre responsabilité d’hommes et de femmes appartenant à une République dont la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » résonne dans cet hémicycle avec une particulière intensité.

Chacune et chacun d’entre nous perçoit ici combien la sécheresse mathématique des chiffres dissimule de tragédies, de folles espérances, de souffrances physiques et morales, parfois de désillusions, parfois de bonheurs indicibles, mais toujours de victoires sur soi.

Alors, monsieur le ministre, face aux enjeux qui sont ceux de votre département ministériel, je reviendrai non pas sur les chiffres en eux-mêmes, mais sur ce qu’ils révèlent du visage d’une France que je voudrais généreuse mais réaliste, accueillante mais équitable, solidement ancrée dans la tradition qui en a fait le pays des droits de l’homme, suivant en cela l’exemple que nous a toujours donné Jacques Pelletier.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Je m’étais interrogée, comme d’aucuns, sur le principe même de la création d’un ministère réunissant, dans la même main, des attributions jusque-là dispersées entre plusieurs administrations. Il en est résulté – il faut saluer cette performance ! – une administration de mission qui s’attache à mettre de la cohérence là où il y avait désordre et de la stratégie là où il y avait improvisation.

Le risque reste celui d’une concentration de pouvoirs annihilant l’indispensable équilibre entre des objectifs parfois contraires, nationaux ou supranationaux.

Je ne peux qu’adhérer à votre volonté de partager, avec les autres pays européens et, au-delà, avec ceux avec lesquels vous avez conclu des accords, une gestion concertée et maîtrisée des flux migratoires. La politique d’immigration s’inscrit inexorablement à l’échelon européen et international.

Je dois reconnaître votre souci de clarification des compétences, pour ce qui concerne, par exemple, les procédures des visas, et de simplification des procédures en matière, notamment, de naturalisation.

Tout cela est indispensable tant l’accumulation des dispositifs législatifs et réglementaires successifs est venue faire du droit des étrangers une jungle où ne se retrouvent plus que les initiés. En découle, d’ailleurs, la floraison de personnes qui ont fait métier de détourner la loi.

M. Brice Hortefeux, ministre. Absolument !

Mme Anne-Marie Escoffier. Mais je voudrais vous dire aussi mes inquiétudes face à ce « tragique de répétition », pour reprendre l’expression de votre collègue Martin Hirsch. Je veux parler du traitement dont font l’objet les étrangers arrivés sur le sol français et confrontés à la difficile épreuve des « papiers ». Je ne saurais m’y habituer.

Monsieur le ministre, quand imposerez-vous un accueil humanisé – simplement humanisé ! – des étrangers s’égrenant en interminables files d’attente devant les préfectures ?

Quand imposerez-vous que soit accordé un regard bienveillant – seulement bienveillant ! –, et non pas de défiance systématique, à l’étranger qui se présente au guichet pour obtenir d’abord le renseignement auquel il a droit ?

Quand refuserez-vous que l’on vienne chercher au petit matin un couple pour le conduire en centre de rétention administrative après avoir confié son bébé de quelques mois à des voisins éberlués ?

Quand refuserez-vous que les sorties d’école soient le lieu et le temps propices pour l’interpellation d’étrangers en situation irrégulière ?

Certes, ils ne devraient pas être en situation irrégulière, et les 400 000 sans-papiers – chiffre d’ailleurs bien difficile à établir – ne devraient tout simplement pas être. Mais, interrogeons-nous : ne sommes-nous pas coupables, pour partie, de leur existence ? Quelles recommandations ont été données aux services chargés d’examiner les demandes d’admission sur le territoire français ? Principalement des consignes en termes d’objectifs quantitatifs, niant par là même toute prise en compte d’éléments individualisés.

Est-il raisonnablement possible de fixer un objectif national chiffré de reconduites à la frontière et d’expulsions ? Cela revient à décider, à la place de celui qui a compétence de par la loi pour prendre une telle décision, de ce que doit être la réponse pour être « politiquement correcte ». Et comme le zèle en la matière n’a pas de limite, les fonctionnaires sont zélés.

En résulte, monsieur le ministre, une accumulation, aujourd’hui dramatique, du nombre de recours gracieux, de recours devant les tribunaux encombrés du contentieux des étrangers, au point de justifier de la création d’un tribunal supplémentaire en Île-de-France.

Je voudrais ici témoigner du désarroi de responsables, à différents postes, que j’ai côtoyés et qui s’interrogent sur leur possibilité d’appliquer tout simplement la loi, équitablement, honnêtement.

L’application informatique AGDREF de gestion du droit d’entrée des étrangers a, depuis longtemps, démontré ses limites et la nécessité de le remplacer par un outil plus performant et compatible avec les données de la police et de la gendarmerie. L’application GREGOIRE devrait la remplacer. Pourriez-vous nous indiquer quand elle sera disponible et dans quelles conditions ?

Les centres de rétention administrative ont fait l’objet de constats, d’analyses, de rapports plus alarmants les uns que les autres. Je sais qu’ils font partie de vos préoccupations, mais je voudrais insister sur l’impérieuse nécessité qu’il y a à en faire des lieux « d’accueil » provisoire pour éviter que de lieux de rétention, ils ne deviennent, de fait, lieux de détention.

S’agissant du droit d’asile, une question dont je connais la complexité, je mesure les efforts réalisés pour réduire les délais de réponse, toujours trop longs, qui maintiennent dans des situations ubuesques des étrangers ballottés de non-réponse en non-réponse pour finir, avec le temps, à rejoindre le cortège des sans-papiers.

Au nombre des mesures positives qui ont été prises – il en existe tout de même quelques-unes ! –, j’ai relevé le contrat d’accueil et d’intégration.

Sur le principe, il me paraît être une très bonne chose, car l’accueil et l’intégration valent tant pour la personne accueillie que pour l’accueillant : chacun a des devoirs à l’égard de l’autre.

Toutefois, j’aurais aimé y découvrir un engagement mutuel, à la manière du parrain et de son filleul ou du tuteur et de son protégé, qui responsabilise de fait l’un et l’autre des acteurs. À la place, j’y ai trouvé la remise d’un diplôme après un quasi-examen de passage. Est-ce cela, la relation que l’on veut établir entre la France et un étranger qui, demain peut-être, demandera à devenir français ? Réduire l’intégration à une feuille de papier n’est pas digne du pays de Voltaire !

Même si j’ai parfaitement conscience de l’immense difficulté que représente la question de l’immigration en France, même si j’entends les arguments qui sont les vôtres, je m’opposerai de toutes mes forces, de toute mon énergie, à une politique qui ne donne pas tout son prix au respect de l’Homme.

C’est pourquoi je ne voterai pas les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » et, avec moi, une grande partie du groupe du RDSE, qui ne retrouve pas, dans votre politique, monsieur le ministre, le respect des valeurs républicaines auquel il est attaché depuis longtemps. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, vous aviez évoqué, lors de votre prise de fonction, la volonté du Gouvernement de concentrer ses efforts humains et matériels sur une meilleure intégration des familles issues de l’immigration de longue date. Or nous constatons votre volonté de renforcer tous les moyens de votre ministère dans la lutte contre l’immigration irrégulière, donc au détriment d’une politique volontariste d’accueil et d’intégration des étrangers en France.

La réalité que nous avons tous observée depuis dix-huit mois est ici concrétisée dans un budget qui accentue plus encore ce déséquilibre entre chasse aux étrangers irréguliers et délaissement total des étrangers en situation régulière.

Avec une chute globale de 14,7 %, ce budget est l’expression d’un véritable mépris à l’égard des étrangers quant à leur accès aux droits, et parallèlement, d’un abandon de toute politique volontariste d’intégration des migrants légaux.

Ainsi, nous regrettons que le budget des reconduites à la frontière soit le seul poste de dépenses en hausse, alors que les autres actions, notamment à destination des étrangers installés sur le territoire, sont simplement laissées pour compte.

Avec une dotation en baisse de 50 %, le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » est, en effet, le parent pauvre de ce budget.

Pour la seule action n° 11 « Accueil, intégration des étrangers primo-arrivants et apprentissage de la langue française », nous constatons une chute vertigineuse des crédits, qui sont passés de 43,4 millions d’euros, en 2008, à 15 millions d’euros seulement !

Contrairement à vos engagements, par ce budget, vous admettez renoncer à l’intégration des immigrés légaux.

Pourtant, lors de l’examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, vous précisiez, monsieur le ministre, que « pour réussir l’intégration, il faut d’abord maîtriser l’immigration ». Je vous réponds aujourd’hui que, pour « réussir l’intégration », il faut y mettre les moyens !

La maîtrise de l’immigration par une politique axée sur la frénésie du chiffre ne sert à rien si elle n’est pas accompagnée d’une politique volontariste en matière d’accueil et d’intégration des étrangers en France.

Or vous organisez l’autofinancement généralisé des politiques d’intégration par les migrants eux-mêmes.

À la difficulté que tout étranger éprouve pour se faire une place dans notre société, ô combien discriminatoire encore dans les domaines du travail et du logement, vous ajoutez des obstacles administratifs et juridiques à l’intégration.

Vous créez, avec ce budget, les conditions d’une abdication de l’étranger devant les obstacles insurmontables que vous dressez, de manière systématique, sur son parcours d’intégration.

Que dire de la réduction du budget de l’ANAEM, qui est passé de 43,5 millions d’euros à 15 millions d’euros, alors qu’il s’agit pourtant d’un organisme pivot en matière d’aide à l’intégration des migrants légaux ?

Que dire aussi de la diminution du personnel, passant de 920 équivalents temps plein, en 2008, à 890 équivalents temps plein en 2009 ?

Alors que vous créez une nouvelle structure, l’OFII, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, comment parvenez-vous à supprimer, dans le même temps, trente postes ?

Lors de son audition, M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, nous a pourtant alertés sur les besoins de l’ANAEM, notamment en matière de formation au droit des étrangers de ses intervenants. Vous n’apportez aucune réponse satisfaisante sur ce point.

Monsieur le ministre, le sort réservé aux étrangers en situation irrégulière est encore plus navrant.

À la lecture des crédits du programme 303 « Immigration et asile », force est de constater que la lutte contre l’immigration illégale vous préoccupe plus que le respect des droits des étrangers en situation irrégulière ou des demandeurs d’asile.

En effet, les crédits attribués à l’action n° 2 de ce programme traduisent votre méfiance à l’égard des associations de soutien aux actions d’accompagnement des demandeurs d’asile.

Le financement des plateformes d’accueil et des associations œuvrant dans ce domaine a diminué de 45 %, passant de 5,28 millions d’euros à 3 millions d’euros. Neuf fermetures de plateformes sont annoncées pour 2009, alors qu’il n’existe déjà plus d’interprète dans les centres de rétention administrative pour aider les demandeurs d’asile à rédiger leur demande d’asile ou leur recours à la commission des recours, documents qui doivent impérativement être libellés en français.

Monsieur le ministre, votre objectif de rationalisation des dépenses ne peut se traduire par une atteinte aux droits élémentaires des étrangers.

Nous refusons que, sous ce prétexte, vous portiez le coup de grâce à la prise en charge sociale des demandeurs d’asile et que vous limitiez leur chance de se voir accueillis et accompagnés dans le respect du droit international.

Nous refusons aussi que, sous ce même prétexte, vous démanteliez l’intervention de la CIMADE dans les centres de rétention. Cette association, dont l’expertise n’est plus à démontrer depuis 1985, exerce sa mission avec le souci permanent de l’effectivité de la protection des droits des étrangers.

Aujourd’hui, vous ouvrez à la concurrence le marché de l’assistance aux étrangers placés en centre de rétention, aux seules fins de déterminer quelle entité sera la moins chère, sans considération de la compétence, de l’expérience ou du caractère effectif de l’aide apportée. Autrement dit, vous nivelez par le bas la protection due aux étrangers.

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que le Conseil d’État ait annulé le décret organisant le marché public de l’aide aux étrangers placés en centre de rétention.

Il est inconcevable de mettre en péril, par souci d’économie, les garanties fondamentales dont doivent bénéficier les étrangers, fussent-ils illégaux : ils n’en demeurent pas moins sujets de droits et, à ce titre, vous avez l’obligation de leur en garantir la protection effective. En effet, lorsque les droits fondamentaux d’un être humain sont niés, c’est la dignité même de la personne qui est niée !

Récemment, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a invité la France à « revoir de façon critique l’ensemble des conditions prévalant dans les centres de rétention administratifs et à les humaniser en concertation avec le nouveau Contrôleur général des lieux de privation de liberté ».

Ce dernier a lui aussi pointé du doigt les dysfonctionnements dans le local de rétention pour étrangers de Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne, allant jusqu’à parler d’« atteinte à la dignité humaine ».

Pendant ce temps, monsieur le ministre, vous nous proposez un budget qui sacrifie l’assistance sanitaire et sociale en centre de rétention administrative, en faisant passer la dotation de 8,09 millions d’euros en 2008 à 5 millions d’euros pour 2009, soit une diminution des crédits de 50 %, dans un domaine qui touche au cœur même de la protection des étrangers : celui du respect de la dignité humaine.

Monsieur le ministre, respecter les droits fondamentaux, c’est respecter la dignité humaine.

Pendant ce temps, vous continuez de construire de nouveaux centres ou vous agrandissez ceux qui existent pour répondre au problème de la surpopulation, plutôt que de changer de politique. Ainsi, trois nouveaux bâtiments sont en train de voir le jour au Mesnil-Amelot, dont l’un sera consacré aux familles avec enfants mineurs. Pensez-vous sérieusement que la place des enfants soit dans les centres de rétention, à attendre que l’on décide de leur sort ? Ce ne sont pas de dangereux criminels, une assignation à résidence de la famille pourrait suffire !

Pendant ce temps, monsieur le ministre, vous redéfinissez les conditions d’intervention des associations dans les centres de rétention, en leur interdisant d’aider à la constitution de dossiers et en les cantonnant à un simple rôle d’information, autant dire à un rôle d’observateur impuissant.

Vous allez même jusqu’à leur interdire de communiquer sur les conditions de rétention.

M. Brice Hortefeux, ministre. Où ça ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, la politique du chiffre déshumanise et ôte toute utilité aux actions menées en matière d’immigration : elle interdit en effet d’apporter à des hommes et des femmes en souffrance un appui, un conseil, un suivi, un peu de solidarité, bref un peu d’humanité !

Votre budget relègue l’individu au second plan : seuls les chiffres, ceux de l’éloignement, des reconduites à la frontière et des refoulés vous importent. Avec votre politique, les êtres humains disparaissent, seuls subsistent des chiffres !

Mme Christiane Kammermann. On ne peut pas entendre cela sans réagir !

M. Alain Gournac. C’est excessif, et donc nul !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il n’y a que la vérité qui blesse !

Nous n’adhérons pas à cette conception du droit des étrangers, qui précarise et punit les plus fragiles, au lieu de les protéger !

Pour ces raisons, nous ne voterons pas le budget de cette mission.

M. Éric Doligé. Tout ce qui est excessif est dérisoire !

M. Dominique Braye. Personne ne vous applaudit, même pas sur les travées de votre propre groupe !

Mme la présidente. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2009, qui s’élèvent à 513,8 millions d’euros en crédits de paiement, accusent une légère baisse par rapport aux 602 millions d’euros de crédits de paiement qui étaient inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008.

Ces crédits sont répartis en deux programmes.

Le programme 303 « Immigration et asile » bénéficie d’une dotation de 436 millions d’euros, dédiés notamment à la lutte contre l’immigration illégale et le travail illégal.

Le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » se voit attribuer le reste des crédits de la mission, soit 77,8 millions d’euros.

Monsieur le ministre, le phénomène de l’immigration, notamment irrégulière, est massif outre-mer, en particulier en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Mayotte.

En ce qui concerne Mayotte, qui présente sans doute la situation la plus critique pour ce qui est des flux migratoires sur le territoire de la République, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Sur une population de 186 452 habitants, telle que recensée par l’INSEE en 2007, le nombre d’étrangers est estimé à 60 000 individus environ, soit le tiers de la population totale, dont 50 000 à 55 000 personnes sont des Comoriens, majoritairement en situation irrégulière.

En outre, selon le récent rapport d’une mission interministérielle, le nombre des naissances enregistrées au centre hospitalier de Mamoudzou croît régulièrement ; elles sont passées de 7 489 en 2005, à 7 779 en 2006, puis à 7 903 en 2007, dont 68 % sont attribuables à des mères non affiliées à notre régime de sécurité sociale, c’est-à-dire à des femmes étrangères en situation irrégulière.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Cela s’explique par le fait que le taux de fécondité naturelle des Comoriennes est actuellement de 5 enfants par femme, alors que, sous l’effet de la campagne de planification familiale, ce taux est en baisse pour les Mahoraises et atteint 3,5 enfants par femme.

D’après les estimations de notre excellent collègue Henri Torre, les élèves étrangers, dont 85 % seraient en situation irrégulière, représentent 22,5% du total des effectifs scolaires de l’île en 2008-2009.

Ces élèves se répartiraient à hauteur de 30% dans l’enseignement du premier degré et de 20 % dans le second degré.

Autres caractéristiques de cette population illégale citée par la mission interministérielle – Inspection générale des finances, Inspection générale des affaires sociales et Inspection générale de l’administration –, 75 % de la population carcérale sont d’origine clandestine, et 90 % des affaires traitées par les assises de Mayotte mettent en cause des clandestins.

Par ailleurs, la commission d’enquête sénatoriale sur l’immigration clandestine a évalué, en 2006, à 10 000 le nombre d’étrangers en situation irrégulière travaillant sur l’île, sur les 23 634 salariés dénombrés à l’époque. Dans le bâtiment, on compte 80 % de travailleurs clandestins dans les entreprises de moins de 10 salariés.

Enfin, le nombre de reconduites aux frontières croît aussi régulièrement : 7 714 en 2005, 13 253 en 2006, 13 300 en 2007 et près de 16 000 en 2008, dont 2 000 mineurs. Au moins 30 % des clandestins éloignés de Mayotte récidivent.

Il faut toutefois noter que l’amélioration de la couverture de l’île en moyens de détection et de surveillance a permis d’intercepter 167 embarcations clandestines en 2007, et plus de 200 à la date du 20 novembre 2008.

Parallèlement – et malheureusement ! – le nombre des naufrages se multiplient, car les passeurs, les propriétaires des kwassas, comme on dit chez nous pour désigner les embarcations clandestines, choisissent des trajectoires de plus en plus longues et périlleuses, afin d’éviter d’être repérés par les radars. C’est ainsi que, le 20 novembre dernier, Mayotte a eu à déplorer un accident faisant 14 morts et 7 disparus au large de Kani-Kély, au sud de l’île.

Les coûts induits par la lutte contre l’immigration clandestine, en sus de l’augmentation des effectifs et des moyens matériels, sont de 2,3 millions d’euros pour la police aux frontières et de 941 000 euros pour la gendarmerie nationale au titre de l’année 2007.

Entre les naufrages et les interceptions, un nombre indéterminé de kwassas, chargés d’une population faite tout à la fois de récidivistes et de primo-arrivants, continuent de passer entre les mailles du filet.

Ce tableau nous conduit à soulever les trois préoccupations majeures qui sont celles des Mahorais aujourd'hui.

Tout d’abord, les 16 000 reconduites aux frontières réalisées chaque année, bien que ce nombre soit extrêmement élevé, n’endiguent pas le nombre de clandestins présents sur le territoire, d’une part, parce que 30% au moins d’entre eux récidivent, et, d’autre part, parce que le flux de primo-arrivants, malgré les moyens considérables mis en place, ne se tarit pas, en dépit des naufrages et des interceptions.

Ensuite, le centre de rétention administrative de Pamandzi ayant une capacité d’accueil de 60 personnes se trouve vite surchargé en période d’activité intense, et accueille alors plus de 200 personnes. En période de suspension des mesures d’éloignement, comme ce fut le cas au début du mois de novembre, cette situation contraint les services de l’État soit à libérer, faute de places, les clandestins, soit à ne pas les appréhender. Rappelons qu’un rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité a estimé que ce centre était indigne de la République.

Qu’en est-il, monsieur le ministre, du projet de construction d’un nouveau centre ?

Enfin, la troisième préoccupation a trait au codéveloppement et à la coopération régionale, en tant que levier permettant de réduire, à la source, la forte pression migratoire qui s’exerce sur Mayotte.

Comme vous le savez, jamais les relations entre la France et les Comores n’ont été aussi chaotiques, sous prétexte que le Président de la République Nicolas Sarkozy est déterminé à organiser à Mayotte une consultation populaire en vue de transformer l’île en département d’outre-mer, si du moins les Mahorais se prononcent en ce sens le 29 mars 2009.

En conséquence, l’atmosphère entre les deux États est telle que la quatrième rencontre du groupe de travail de haut niveau, qui devait se tenir à Moroni, la capitale des Comores, les 19 et 20 novembre 2008, a été reportée à une date ultérieure. Rappelons que ces rencontres entre les présidents Sarkozy et Sambi devraient aboutir à un accord de coopération bilatérale, signé solennellement en 2009.

Monsieur le ministre, quels sont les moyens budgétaires que votre ministère compte mobiliser en réponse aux inquiétudes des Mahorais ?

Pour ce qui concerne Mayotte, nous avons bien noté que, dans le cadre de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2009, 23,3 millions d’euros sont prévus pour la police nationale et 14 millions pour la gendarmerie nationale. En revanche, aucun crédit, excepté ceux que nous avons adoptés hier, n’est prévu pour les programmes « Aide économique et financière au développement » et « Accueil des étrangers et intégration ».

S’agissant du Fonds de coopération régionale, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, la part qui reviendrait à Mayotte sur le milliard d’euros prévu pour les quatre départements d’outre-mer et Mayotte ?

Sous le bénéfice de ces observations, je voterai, dans ce projet de loi de finances pour 2009, les crédits affectés à la mission « Immigration, asile et intégration ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de répondre à votre invitation et de vous présenter, pour la deuxième année consécutive, le budget du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

Je voudrais tout d’abord, et chacun dans cet hémicycle le comprendra, remercier l’ancien rapporteur spécial, André Ferrand, qui a suivi ces questions tout au long de l’année 2008. À son initiative, vous aviez, l’année dernière, demandé au Gouvernement de publier un document de politique transversale consacré à l’immigration et à l’intégration. C’est chose faite.

Par ailleurs, en juin dernier, André Ferrand a présenté à la commission des finances un rapport consacré aux difficultés et aux enjeux de la réforme de l’immigration professionnelle, dont j’ai décidé de suivre l’essentiel des recommandations dans le cadre de la création, en 2009, de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. J’aurai l’occasion d’y revenir.

Naturellement, je voudrais également saluer les travaux menés cette année par les rapporteurs des différentes commissions.

Après le renouvellement partiel du Sénat, la commission des finances a choisi de confier à Pierre Bernard-Reymond le rapport spécial sur la mission « Immigration, asile et intégration ». Ce choix a permis qu’un travail tout aussi constructif que celui réalisé l’année dernière soit accompli. J’annonce d’ailleurs dès maintenant que le Gouvernement émettra un avis favorable sur les amendements présentés par la commission des finances.

La commission des affaires étrangères a dû, elle aussi, choisir en son sein un nouveau rapporteur, M. Trillard, après la décision de Jean-Guy Branger de ne pas solliciter un nouveau mandat. Je tiens à féliciter André Trillard pour son travail de qualité, qui a permis à la commission des affaires étrangères d’adopter les crédits de cette mission le 19 novembre dernier.

Enfin, à l’invitation de Jean-Jacques Hyest, j’ai présenté mon projet de budget, le 19 novembre dernier, devant la commission des lois, qui a également donné un avis favorable à l’adoption de mes crédits. Cette approbation doit beaucoup à l’excellent travail fourni par le rapporteur pour avis, François-Noël Buffet.

Avant de répondre aux observations des rapporteurs et aux intervenants, je rappellerai rapidement les enjeux de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2009.

Permettez-moi, tout d’abord, de faire une remarque générale sur l’évolution de ce budget. À l’heure de la réforme de l’État et dans le contexte économique actuel, un bon budget n’est pas nécessairement un budget dont la valeur faciale augmente. On ne peut pas avoir, sans arrêt, les mots de « réforme de l’État » à la bouche, comme un slogan que l’on martèle, et ne jamais agir concrètement pour la réaliser.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit non pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux !