M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non ! Les propositions de résolution s’apparentent aux propositions de loi !

M. Michel Charasse. Elles sont d’abord publiées, puis elles peuvent être déclarées irrecevables.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, mais pas au titre de l'article 40 !

M. Michel Charasse. Il n’en reste pas moins que la question de la publication des amendements déclarés irrecevables au titre de l'article 40 n’est pas stupide !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai, mais il s’agit d’une autre question !

Je vous invite à relire l'article 24 du règlement, qui est très complet : il existe depuis cinquante ans et son application n’a jamais posé de problème. Les règles seront identiques pour les propositions de résolution !

Ne mettons pas dans la loi organique ce qui relève du règlement ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

La commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 198. J’ai déjà répondu par anticipation à Jean-Pierre Bel : déposer une proposition de résolution est un droit individuel ; les noms de tous les auteurs doivent donc y figurer. Il en est d’ailleurs ainsi pour les propositions de loi. Et vouloir que les propositions de résolution puissent également être déposées sur le bureau d’une assemblée au nom d’un groupe par son président est contradictoire !

M. Jean-Pierre Bel. La situation a bougé ! La révision constitutionnelle a changé les choses !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sur cette question, la révision constitutionnelle n’a rien modifié, à mon avis.

M. Bernard Frimat. C’est votre avis !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est l’avis de la commission !

M. Bernard Frimat. Il arrive que vous le partagiez !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Autrement, je ne serai pas rapporteur, mon cher collègue. (Sourires.)

S’agissant du sous-amendement n° 200, je vous renvoie, là encore, à l'article 24 du règlement.

La commission est également défavorable aux amendements nos 140 et 27 rectifié.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. L'amendement n° 27 rectifié est satisfait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Effectivement, l'amendement n° 27 rectifié est satisfait par l'amendement de la commission.

M. Michel Charasse. Il n’aura plus d’objet si l'amendement de la commission est adopté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est la raison pour laquelle certains sous-amendements ont été déposés à l'amendement n° 2 !

La commission est défavorable à l'amendement n° 141, pour les mêmes raisons que celles qu’elle a avancées pour l'amendement n° 198.

La commission est défavorable à l'amendement n° 142 : il vise à apporter une précision qui n’est pas indispensable.

La commission est défavorable à l'amendement n° 144. J’ai déjà indiqué que la référence à une session, qu’elle soit ordinaire ou extraordinaire, me semblait une erreur.

Monsieur Charasse, je pense que la commission pourrait se rallier à votre amendement n° 28 rectifié, à condition que vous acceptiez de le transformer en sous-amendement.

M. Bernard Frimat. Qu’en pense le rapporteur ? (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À titre individuel, le rapporteur trouve cet amendement pertinent.

J’ai déjà indiqué pourquoi l’adjectif « illimité » ne me paraissait pas opportun ; il paraîtrait curieux de le faire figurer dans un texte de cette nature.

M. Michel Charasse. Il s’agit d’un droit absolu !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait ! C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 143.

Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 145. Il est inutile de renvoyer aux règlements des assemblées.

Mme la présidente. Monsieur Charasse, acceptez-vous de transformer votre amendement en sous-amendement à l’amendement de la commission ?

M. Michel Charasse. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 28 rectifié bis, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :

A la fin du second alinéa de l'amendement n° 2, remplacer les mots :

ne peut être limité

par les mots :

n'est pas limité

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Après les excellentes explications de M. le rapporteur, je serai bref.

Je ne reviendrai pas sur les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale et en commission au Sénat : s’agissant du dépôt des propositions de résolution, tout le monde, à gauche comme à droite, tient à ce que ce droit soit individuel.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement a confirmé cette position : déposer une proposition de résolution est un droit individuel continu, qui peut s’exercer à tout moment, en session ordinaire, en session extraordinaire, ou hors session. Ce droit n’est pas limité.

Je suis heureux de l’accord qui est intervenu entre la commission des lois et Michel Charasse. Le sous-amendement n° 28 rectifié bis permettra à l'amendement de la commission d’être plus conforme.

Il s’agit d’un droit individuel nouveau. Si l’ensemble du groupe socialiste souhaite déposer une proposition de résolution, rien n’empêche, comme c’est le cas pour les amendements, de préciser les cosignataires, même si ce sont les deux cents parlementaires. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) C’est à l'Assemblée nationale que l’on compte deux cents parlementaires socialistes, veuillez m’excusez !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous anticipez bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dieu nous en garde !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C’est trop de rapidité !

M. Bernard Frimat. C’est de la divination !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un lapsus révélateur !

M. Pierre Fauchon. Patience, mes chers collègues !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je voulais parler des cent quinze sénateurs du groupe socialiste !

M. Jean-Pierre Sueur. Deux cents sénateurs socialistes, ce serait excessif. Un peu moins nous conviendrait !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. J’étais encore sur un débat que j’ai eu tout à l’heure avec le président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault. Il est inutile de faire montre d’une précipitation inutile, de nourrir des rêves secrets ou de vouloir lire dans des boules de cristal !

Toujours est-il que la disposition prévue à l'article 1er constitue un droit nouveau, je le répète. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 2 de la commission, modifié par le sous-amendement n° 28 rectifié bis. Nous aurons ainsi une rédaction cohérente permettant de conforter le droit individuel, qui peut être étendu à un certain nombre de sénateurs cosignataires. Les propositions de résolutions pourraient être déposées à tout moment : pendant la session ordinaire, extraordinaire, ou hors session. Et le nombre de propositions de résolutions ne serait pas limité.

La question de la publicité des propositions de résolution relève du règlement et ne doit pas être traitée dans une loi organique.

Le Gouvernement émet donc, à regret – mais tout le monde devrait pouvoir se rallier à l’amendement de la commission – un avis défavorable sur les sous-amendements nos 194, 195, 196, 197, 199, 47, 198, 200, ainsi que sur l'amendement n° 140.

L'amendement n° 27 rectifié est, à mon sens, satisfait par l'amendement n° 2.

M. Michel Charasse. Absolument ! C'est la raison pour laquelle je le retire.

Mme la présidente. L'amendement n° 27 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 141, 142, 144, 143 et 145.

Enfin, j’émets un avis favorable sur le sous-amendement n° 28 rectifié bis de M. Charasse.

Sincèrement, la rédaction de la commission, sous amendée, pourrait, je le répète, convenir à tout le monde : le nombre de propositions de résolution n’est pas limité ; celles-ci peuvent être déposées à tout moment ; enfin, le droit individuel n’est pas remis en cause.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 194.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 195.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 196.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 197.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 199.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 28 rectifié bis.

M. Bernard Frimat. Je me réjouis que M. le rapporteur ait proposé, à titre personnel, d’abandonner la position de la commission pour se rallier à une meilleure rédaction. Je persiste à croire que la nôtre était novatrice. Pour autant, nous voterons le sous-amendement n° 28 rectifié bis de M. Charasse.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 28 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Madame Boumediene-Thiery, le sous-amendement n° 47 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 47 est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 198.

M. Jean-Pierre Bel. Je souhaite revenir sur le débat auquel a donné lieu la présentation de ce sous-amendement. J’ai bien entendu les objections que vous avez formulées, monsieur le rapporteur, et je les prends en considération. Il me semble toutefois que vous ne tenez pas compte de certaines évolutions, en particulier celle qui a été introduite par la dernière révision constitutionnelle et qui a renforcé le poids des groupes politiques.

L'article 51-1 de la Constitution dispose : « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires. »

Que la possibilité de déposer des projets de résolution soit un droit individuel n’exclut pas que cette faculté puisse être dévolue à un groupe en tant que groupe !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si !

M. Jean-Pierre Bel. Je ne reviendrai pas sur l’argumentation que j’ai déjà développée.

L’évolution de la Constitution, que vous avez vous-mêmes voulue, devrait vous amener à être plus ouverts s’agissant d’un amendement qui permettrait de bien déterminer les orientations politiques d’un groupe.

Yvon Collin, en tant que président du groupe du RDSE, soutient notre position et je suis persuadé que si Henri de Raincourt était présent il aurait lui aussi à cœur de réaffirmer notre volonté – nous le disons souvent en conférence des présidents – de voir les groupes traités plus souvent en tant que groupe.

Certes, je peux déposer une proposition de résolution en mon nom, mais celle-ci aura une portée bien plus grande si elle est déposée au nom du groupe que je représente.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est pareil !

M. Jean-Pierre Bel. Et je ne parle pas uniquement des cent quinze membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés. La volonté de réaffirmer la force d’un groupe, afin de donner plus de visibilité à ses actions, s’exprime régulièrement et elle est largement consensuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Je partage les propos que vient de tenir M. Bel. Nous abordons un domaine nouveau, celui des résolutions. Grâce au droit de résolution, les diverses opinions de l’assemblée pourront être exprimées, sans passer par le biais de textes normatifs, souvent artificiels, comme par le passé. Si un parlementaire a quelque chose à dire, il le fait, sans pour autant mettre en cause le Gouvernement ; cette limitation est d’ailleurs établie.

Ce nouveau système, qui a de l’avenir, me semble-t-il, permettra de valoriser la responsabilité des groupes. D’une manière générale, toute mesure concourant à favoriser cette responsabilité au sein de la vie parlementaire me paraît bienvenue et de nature à améliorer l’ensemble de nos délibérations.

Monsieur le rapporteur, il revient à peu près au même de dire M. Untel et les membres de son groupe.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, c’est différent !

M. Pierre Fauchon. Cependant, la formulation retenue par M. Bel me paraît meilleure et ne pas comporter d’inconvénient. Par conséquent, je voterai en faveur de ce sous-amendement.

Je souhaite en cet instant répondre à M. Sueur qu’il ne faut pas m’apostropher en se plaçant sur les cimes de l’éthique parlementaire. En ce qui me concerne, j’ai la faiblesse, plutôt j’ai la force de croire que l’éthique parlementaire consiste non pas à parler le plus longtemps et le plus souvent possible, mais à élaborer les meilleures lois possibles, ce qui n’est pas tout à fait pareil !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je tiens à revenir sur les précisions que souhaitent introduire mes collègues socialistes par le biais des sous-amendements qu’ils ont déposés. J’indique d’ores et déjà que je soutiens le sous-amendement n° 198.

Tout le monde souhaite revaloriser la politique et donc les groupes au Parlement. Il est très important de savoir que telle mesure est voulue par un groupe et pas seulement par plusieurs parlementaires.

Cependant, j’aurais une petite divergence avec mon collègue : par définition, les sénateurs non-inscrits ne constituent pas un groupe puisqu’ils ne réunissent pas les conditions numériques pour en former un. La disposition dont il s’agit ne saurait donc s’appliquer aux sénateurs non-inscrits, qui ne sont qu’une juxtaposition d’individualités. Du reste, ils ne souhaitent pas intégrer un groupe !

Certains groupes ne savent déjà pas s’ils sont dans la majorité ou dans l’opposition ! Si, de surcroît, des parlementaires qui n’appartiennent pas à un groupe peuvent s’exprimer en tant que groupe, on n’y comprend plus rien !

Conservons le sens politique des groupes et reconnaissons qu’ils ont des droits, qui peuvent être inscrits dans un texte.

J’aimerais partager les bonnes paroles de M. le rapporteur comme de M. Charasse. Mais nous ne sommes plus en 1789 !

M. Patrice Gélard. Heureusement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ni en 1792 !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D’ailleurs, les nombreuses interprétations des droits fondamentaux de 1789 montrent que ces droits ne sont pas compris comme étant fondamentaux par tout le monde : l’histoire l’a prouvé.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer : cela devient la devise du Parlement ! Il s’agit souvent de brouiller les pistes.

On nous dit : n’inscrivons pas dans la loi organique ce qui relève du domaine règlementaire. Mais alors, pour quelle raison faire figurer l’article 13 dans la loi organique ? Vous êtes en pleine contradiction, mes chers collègues !

En l’occurrence, pourquoi inscrire cette précision dans la loi organique ? Tout simplement parce que nous sommes méfiants ! Vous craignez, dites-vous, d’être assaillis par des milliers de propositions de résolution déposées à titre individuel par des parlementaires. Mais le dépôt des telles propositions est tellement encadré que les parlementaires devraient faire preuve de beaucoup d’imagination pour arriver à en déposer 3 000 susceptibles d’être examinées ! Quoi qu’il en soit, si tel était le cas, 2 999 feraient d’emblée l’objet d’un veto du Premier ministre. Il ne s’agirait donc que de bouts de papier rangés dans des tiroirs et qui auraient fait plaisir à leurs auteurs.

Étant donné la crainte que suscite l’octroi de ce nouveau petit droit, le règlement pourrait empêcher tout dépôt de résolution, notamment pendant les sessions extraordinaires. Donc, mieux vaut définir clairement les choses dans la loi organique, ce qui évitera aux règlements des assemblées de contredire votre généreuse pensée.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

Un sénateur socialiste. On vote !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Qui a dit cela ?...

M. Jean-Pierre Michel. Ce n’est pas un gros mot !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, mais cela signifie que l’avis du président de la commission des lois est inutile !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Pierre Michel. Mais non !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certains droits des groupes d’opposition et minoritaires sont d’ores et déjà déterminés et d’autres devront l’être dans le règlement. Je vous rappelle, mes chers collègues, que les membres du Parlement ont l’initiative des propositions de loi et des amendements. Ils peuvent se regrouper : on dit couramment « une proposition de loi du groupe socialiste ».

M. Bernard Frimat. Alors, écrivons-le !

M. Jean-Pierre Bel. C’est dans la Constitution !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, mon cher collègue ! Ce serait contraire aux articles 39 et 44 de la Constitution relatifs aux propositions de loi et aux amendements.

M. Jean-Pierre Bel. Il s’agit de résolutions !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mieux vaut retenir une formulation identique pour les trois cas. C'est pourquoi la précision en question ne me paraît pas utile.

M. Jean-Pierre Bel. Ce sera différent !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À la limite, on pourrait l’indiquer dans le règlement, mais pas dans la loi organique.

M. René Garrec. Ce n’est pas la place d’une telle disposition !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. D’aucuns disent : « c’est un droit individuel ». Dans ces conditions, il ne peut s’agir du droit d’un groupe. C’est contradictoire !

La commission maintient donc son avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je suis assez sensible aux propos du président Jean-Pierre Bel relatifs aux groupes. J’entends bien ce que dit M. le président-rapporteur. A priori, je ne suis pas horrifié que les groupes entrent, ès qualités, dans la loi organique à partir du moment où ils figurent désormais dans la Constitution depuis juillet dernier.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est autre chose !

M. Michel Charasse. Mes chers collègues, je veux tout de même rappeler qu’à ma connaissance aucune Constitution de la République n’a jamais mentionné les groupes politiques.

Les groupes parlementaires sont apparus dans le droit parlementaire seulement dans les années 1912-1914. En effet, auparavant, le Parlement n’avait pas le droit de s’organiser en groupes. Les affinités étaient regroupées dans des formations très bizarres, que l’on appelait des « bureaux ».

C’est à partir de 1912-1914 que les groupes ont été admis dans les deux chambres et que l’on a considéré que ce n’était pas méconnaître la loi Le Chapelier que d’autoriser des « coalitions » sous forme de groupes politiques à l’intérieur des assemblées parlementaires.

Les groupes figurent aujourd'hui dans la Constitution à l’article 51-1, qu’a rappelé voilà un instant le président Jean-Pierre Bel.

Ce n’est pas une horreur de préciser cette notion de groupe – Mme Borvo Cohen-Seat a un peu abordé la question tout à l’heure en parlant des sénateurs non-inscrits –, étant entendu que le droit du parlementaire est d’abord individuel, chaque député ou chaque sénateur ayant individuellement le droit d’agir.

M. Michel Charasse. Bien entendu, il ne peut pas y avoir obligation de se regrouper. Sinon, le Conseil constitutionnel considérerait que c’est contraire à des règles de liberté auxquelles nous sommes attachés, les uns et les autres, et que c’est une forme de mandat impératif.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Évidemment !

M. Michel Charasse. Donc, la règle, c’est le droit individuel d’adhérer ou non à un groupe et d’agir ou non.

Cela dit, comme l’a rappelé le président-rapporteur Jean-Jacques Hyest, un certain nombre d’articles, relatifs en particulier aux propositions de loi et aux amendements, visent déjà un ou plusieurs sénateurs, ou députés, selon le règlement de l’assemblée dans laquelle on siège. On peut ajouter les groupes ! Ce n’est pas un inconvénient.

Le bureau du Sénat réfléchit actuellement à la réforme du règlement. Afin de faciliter la lecture de ce règlement, je serais assez favorable à ce que l’on regroupe sous un article unique du règlement l’ensemble des prérogatives des groupes et de leur président. En effet, actuellement, c’est au terme d’une recherche dans le règlement que l’on trouve que le président d’un groupe, et lui seul, en dehors, bien évidemment, du Gouvernement et de la commission, peut demander la vérification du quorum, un scrutin public, etc.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce sont des pouvoirs spécifiques !

M. Michel Charasse. En l’état, je ne vois pas d’objection à ce que la loi organique tire les conséquences des dispositions de la Constitution – je suis d’ailleurs heureux que l’on se décide à appliquer la Constitution, même si on était plutôt réservé – en prolongeant l’article 51-1 et en introduisant une mention qui ne défigure pas complètement la loi organique, monsieur le président-rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Que le droit de résolution soit un droit individuel, personne ne le conteste ! Mais pourquoi s’interdire qu’il soit aussi le droit d’un groupe ?

On déplore bien souvent que soient déposés des amendements très individuels, voire pittoresques, visant à régler un problème particulier. Si l’on refuse à un groupe le droit de résolution, la même dérive est à craindre : le droit individuel de résolution pourrait être utilisé comme l’est parfois le droit d’amendement et les résolutions d’origine individuelle portant sur des sujets ésotériques, pittoresques, risquent de se multiplier.

Accorder le droit de résolution aux groupes permettrait de mieux utiliser ce droit et d’en conserver l’esprit.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je partage le point de vue de M. Détraigne. Pour illustrer mon propos, j’évoquerai l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe où existe une vieille tradition. Le caractère individuel du droit de résolution aboutit à des batailles de propositions de résolution : le lundi, les Arméniens déposent des résolutions, qui sont combattues le mardi par les Azéris, etc. La procédure perd alors tout intérêt ! En l’espèce, la résolution sera publiée et aura ainsi force probante.

Par conséquent, je soutiens le sous-amendement n° 198.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.

M. Henri de Raincourt. Le sous-amendement défendu par Jean-Pierre Bel me paraît extrêmement intéressant.

En effet, l’exercice du droit de résolution ne doit pas trouver de limite du fait de l’objet même de la résolution. Les sujets les plus divers, qu’ils soient techniques ou éminemment politiques, peuvent être considérés par tel ou tel groupe politique ou par tel membre de notre assemblée comme véritablement déterminants au regard de l’intérêt général de notre pays.

Je prie mes amis et collègues de la commission des lois de bien vouloir m’en excuser, mais je souhaite ardemment que le groupe UMP soutienne le sous-amendement n° 198.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission était défavorable à ce sous-amendement surtout par cohérence avec les dispositions relatives aux propositions de lois et aux amendements. Dans la pratique, les propositions de loi et, parfois, les amendements sont présentés par M. Untel et les membres du groupe.

Madame la présidente, ce sous-amendement semblant recueillir une quasi-unanimité, je souhaiterais, toujours par cohérence, qu’il soit rectifié : il conviendrait de supprimer la référence au bureau d’une l’assemblée. J’ai en effet expliqué que cette précision n’était pas utile et il ne me paraîtrait pas judicieux de la réintroduire au travers de ce sous-amendement.

Mme la présidente. Monsieur Bel, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement dans ce sens ?

M. Jean-Pierre Bel. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 198 rectifié, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Compléter l’amendement n° 2 par un alinéa ainsi rédigé :

Ces propositions de résolution peuvent également être déposées au nom d’un groupe par son président.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Nous venons de faire la preuve que le débat peut être fructueux si on lui permet de s’installer. Il faudra méditer cette leçon au fur et à mesure que nous nous rapprocherons de l’article 13 !

Comme nous ne voulons pas troubler l’unanimité et que nous sommes heureux que le président Henri de Raincourt nous ait rejoints dans notre volonté d’accorder à tous les groupes ce nouveau droit, nous acceptons, bien sûr, la rectification de notre sous-amendement et nous retirons notre demande de scrutin public, qui n’a plus de raison d’être et qui allongerait inutilement nos débats.

M. Jean-Pierre Michel. Embrassons-nous, Folleville !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Comme quoi le débat a un sens, surtout s’il est bien conduit !

Lors de la discussion à l’Assemblée nationale, le problème s’était posé et beaucoup de députés, de gauche comme de droite, avaient estimé que le fait d’accorder ce droit aux groupes était contradictoire avec la notion de droit individuel appartenant à chaque parlementaire. Cela explique que même les groupes de gauche n’aient pas demandé que ce droit soit reconnu aux groupes.

M. Bernard Frimat. Ils n’ont pas été bavards !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Ils l’ont été sur bien d’autres sujets !

Le Gouvernement est très attaché au droit individuel des parlementaires.

M. Michel Charasse. C’est la règle !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. De nombreux députés pensaient qu’une résolution présentée à titre individuel serait plus facilement adoptée, car si elle émanait d’un groupe elle pourrait être considérée comme plus politique.

Sincèrement, le Gouvernement n’en fait pas une question de principe. La preuve en est que le nouvel article 51–1 de la Constitution, auquel M. Charasse a fait référence, mentionne les groupes politiques.

Puisqu’une magnifique unanimité se dégage sur ce point, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce sous-amendement.

M. Michel Charasse. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 198 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)