Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Question préalable

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour le développement économique des outre-mer
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Terrade et Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°420.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer (n° 233, 2008-2009).

La parole est à Mme Odette Terrade, auteur de la motion.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire est que la nouvelle manière d’appréhender le travail législatif ne nous met nullement à l’abri de considérations plus profondes sur son sens et sur son essence.

En effet, voici que nous entamons aujourd’hui l’examen d’un projet de loi dit « de développement économique de l’outre-mer », dont l’intitulé n’est pas sans nous interroger. Les développements social, durable ou humain sont sans doute englobés dans cette notion de développement économique, à moins qu’ils ne soient même absents du texte.

Le projet de loi que nous examinons ce soir, cela a été rappelé à maintes reprises, a été déposé sur le bureau du Sénat le 28 juillet 2008. La procédure d’urgence a été invoquée le 16 février dernier, c’est-à-dire pratiquement sept mois après le dépôt du texte !

Urgence pour urgence, ce qui a provoqué cette soudaine décision du Gouvernement tient à une raison très simple : depuis plusieurs semaines, la Guadeloupe était entrée en lutte, dans un mouvement social et politique d’une ampleur sans précédent et la Martinique avait commencé de la suivre depuis une dizaine de jours.

Au moment où nous parlons, c’est la Réunion qui est concernée, à son tour, par un mouvement social d’importance. Les mêmes effets ayant souvent les mêmes causes, rien ne justifiait qu’il en aille autrement.

À vrai dire, le mouvement social que connaît l’outre-mer par sa diversité, sa profondeur, son ampleur sans précédent et sa détermination, a agi comme un formidable révélateur, révélateur des disparités, des injustices, du scandale de la répartition des richesses dans ces territoires ultramarins où la crise est d’autant plus dure que l’économie locale est depuis longtemps confisquée par quelques-uns.

N’ayons pas peur de le dire, l’image qui est véhiculée en France métropolitaine sur les départements et collectivités d’outre-mer était, jusqu’à il y a peu, une image tronquée, faussée. Cette image, c’est celle de l’assistanat social généralisé, doublé du paradis touristique pour vacanciers métropolitains en mal de dépaysement.

D’aucuns continuent d’ailleurs, sans la moindre vergogne, d’asséner quelques arguments complémentaires pour valider ces représentations inexactes de la situation. On peut lire dans Le Figaro ou La Tribune, dont le sérieux est pourtant reconnu sur la place de Paris, que l’outre-mer est coûteux parce qu’il faut verser des aides sociales quasiment à fonds perdus et consentir des dépenses publiques dans tous les domaines pour continuer de maintenir la situation de ces territoires.

La réalité est toutefois bien différente. J’en soulignerai quelques points.

Dans les quatre départements d’outre-mer travaillent 570 000 salariés, et l’on y compte plus de 320 000 emplois dans le secteur privé. Les quatre départements d’outre-mer comptent aussi 132 000 entreprises, dont 90 000 n’ont aucun salarié et plus de 33 000 comptent moins de 10 salariés.

L’outre-mer dégage certes un produit intérieur brut plus faible que celui des autres régions de France, mais cela ne doit pas faire oublier que l’on distribue, dans les quatre départements ultramarins, plus de 11 milliards d’euros de salaires et traitements ou encore plus de 2,3 milliards d’euros de prestations au titre de l’assurance vieillesse.

Cela ne retire rien au fait que les salaires du secteur privé y sont scandaleusement bas et que la vie y est scandaleusement chère !

Non, l’outre-mer n’est pas peuplée que de ménages vivant du RMI ou de travailleurs chroniquement privés d’emploi !

L’outre-mer, c’est aussi une population sensiblement plus jeune que celle de la métropole, même si la transition démographique tend à se généraliser et à en modifier la structure. La jeunesse, qui attend de vivre comme celle du reste du nôtre pays, dont le niveau de qualification initiale s’élève, dont la formation s’améliore, reste confrontée aux limites d’une économie toujours sous tutelle.

Le projet de loi qui nous est soumis répond-il à l’urgence des situations que je viens de décrire ? Permettez-nous d’en douter.

Une fois encore, une fois de plus, une fois de trop, peut être, on nous propose d’utiliser les mêmes outils : réduction des impositions diverses dues par les entreprises, allégements de cotisations sociales, aides sectorielles destinées à répondre aux attentes et aux difficultés de quelques segments d’activité jusqu’ici pourtant déjà largement bénéficiaires des subsides anciens.

Bien que les salaires et pensions constituent 87 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu, ce sont les revenus d’activité non salariée qui font l’objet de la sollicitude gouvernementale !

Et l’on peut bien consacrer une enveloppe de 688 millions d’euros à l’amélioration des conditions de vie outre-mer, il n’en demeure pas moins que les grandes masses sont ailleurs.

Ainsi, l’État dépense 1 050 millions d’euros pour financer la défiscalisation des investissements institués sous l’empire des lois Pons et Girardin. Il dépense aussi près de 1 200 millions d’euros pour alléger les cotisations sociales des entreprises, qui sont ainsi les principaux bénéficiaires des engagements publics !

L’image, complaisamment véhiculée, de l’assistanat nous donne envie de poser une nouvelle question : où sont les assistés ? Sont-ils dans le quartier du Chaudron à Saint-Denis de la Réunion, dans celui de Trénelle-Citron à Fort-de-France, ou dans le quartier nord de Kourou ? Nous n’en sommes pas tout à fait convaincus, bien que nombre des familles vivant dans ces quartiers connaissent les plus grandes difficultés sociales, les plus grandes difficultés d’insertion professionnelle.

Il y a en revanche des assistés bien mieux installés dans la vie, comme par exemple ces 800 familles de la Réunion disposant d’un revenu moyen de 150 000 euros annuels et non soumises à l’impôt sur le revenu ! Et nous en trouvons 200 autres en Martinique, 200 en Guadeloupe et 70 en Guyane ! J’ajoute que, dans les départements d’outre-mer, on compte près de 3 000 contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune !

À Fort-de-France, sans doute à peu de distance des quartiers sensibles de Dillon, de Volga ou des Terres Sainville, vivent 123 redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune, dont le patrimoine total s’élève à 275 millions d’euros !

Nul doute qu’une bonne part de la population la plus fortunée et la moins accablée par la situation générale de l’outre-mer a largement trouvé son compte dans les politiques publiques qui ont été engagées depuis une vingtaine d’années.

Nul doute non plus que la défiscalisation a connu un certain succès parmi les catégories les plus aisées de la population ultramarine et qu’elle a constitué une forme de sport national pour des redevables dont le lien avec l’outre-mer est particulièrement ténu.

Dans bien des quartiers bourgeois et huppés de Paris et de sa banlieue, les investissements outre-mer n’ont jamais constitué une œuvre de salut public ni l’expression d’une soudaine miséricorde pour des populations accablées par la crise et par le chômage ! Ces investissements ont été conçus comme un moyen de payer moins d’impôt sur le revenu, comme une niche fiscale supplémentaire, d’autant plus généreuse que la procédure d’agrément des investissements éligibles était pour le moins assez peu contraignante.

Dans cette affaire, le problème tient au fait que l’argent public, cette matière de plus en plus rare et de plus en plus précieuse, n’a pas été utilisé avec toute la rigueur qui aurait convenu et que les dérives et les effets pervers se sont multipliés. Il serait trop long de citer ici l’ensemble de ces effets pervers, une fois passée l’illusion plus ou moins tenace de la relance de l’activité.

Ainsi, le nombre d’emplois créés liés aux politiques publiques mises en œuvre outre-mer s’est révélé clairement insuffisant pour faire face à la fois à la résorption du chômage existant et à la demande d’emploi des nouveaux arrivants sur le marché du travail.

Les taux de chômage de la population ultramarine demeurent importants malgré la régulation qui procède bien souvent de l’émigration des jeunes sans emploi vers la métropole, phénomène qui ne s’est de toute façon pas interrompu.

La crise économique qui se développe n’épargne pas l’outre-mer.

Pour ne donner qu’un exemple, je prendrai celui de la Réunion où le taux de chômage a connu, au cours de l’année 2008, une progression non négligeable – 8 % de chômeurs de plus sur les trois premiers trimestres et 9 % en glissement annuel – tandis que le nombre des offres d’emploi a diminué, à l’inverse, de 8 % sur la même période.

De même, et le temps passant, on a inscrit notre outre-mer dans une dépendance économique étroite vis-à-vis de la métropole, dépendance dont on a pu mesurer le caractère stupéfiant durant le mouvement social des dernières semaines.

Nombre de produits de première nécessité sont importés de métropole, tandis que certains produits alimentaires, qui pourraient fort bien être produits sur place, sont abandonnés ou délaissés.

Les relations économiques entretenues avec l’environnement immédiat de chacun des départements et territoires d’outre-mer sont faibles ou insuffisantes, ce qui rend encore plus insupportables les effets cumulés des coûts de transport, des prélèvements fiscaux et de la recherche de la marge opérationnelle des distributeurs.

L’abus de position dominante dont jouissent, dans chaque département ou territoire, certaines familles de la grande distribution, est une évidence. Il faut bien souvent y ajouter des conditions léonines imposées aux producteurs locaux désireux d’écouler leur production sous ces enseignes, comme en témoigne l’allongement continu des délais fournisseurs et des marges commerciales sans équivalent.

Pendant que M. Willy Angèle implore pitié pour les pauvres chefs d’entreprise de Guadeloupe qu’il représente pour le MEDEF, les statistiques officielles nous indiquent que le taux de marge des entreprises locales est supérieur à celui des entreprises métropolitaines.

Les bas salaires ont du bon, notamment quand ils deviennent une véritable industrie et une trappe à défiscalisation et à allégements de cotisations sociales !

Ce projet de loi rompt-il profondément avec la logique qui a depuis si longtemps – et sans doute depuis trop longtemps – animé les politiques publiques outre-mer ?

À l’évidence, ce n’est pas le cas. Dans nombre de dispositions, pourtant attendues – passeport mobilité ou fonds d’investissement exceptionnel –, les sommes engagées sont d’un montant fort éloigné des besoins réels, et aucune réponse n’est réellement apportée à l’une des difficultés essentielles des entreprises ultramarines : le manque d’accès au crédit bancaire, qui prive la plus grande part des entrepreneurs de toute capacité de financement pérenne de leur activité.

Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, avez indiqué que votre texte présentait un caractère purement conjoncturel et qu’il serait peut-être suivi d’un autre, porteur de mesures plus fortes.

L’une des pistes évoquées, dans le droit-fil des recommandations de la Commission Balladur, est de procéder à la fusion des départements et des régions d’outre-mer en une collectivité unique.

Mais, à la vérité, ce « court-termisme », que vous auriez très bien pu gérer au travers de mesures réglementaires circonstanciées et adaptées, n’est pas ou n’est plus de mise.

C’est à une vaste remise à plat, une réelle remise en question des relations entretenues entre la métropole – de plus en plus suivie par l’Europe, dont l’ombre insistante se fait plus présente chaque jour – et l’outre-mer que nous devons nous atteler.

Ce texte n’est donc pas urgent, puisque le mal est plus profond, qu’il impose de prendre le temps d’une réflexion renouvelée, et que les conditions déplorables d’examen du présent projet de loi ne permettent pas de mener le débat comme il conviendrait.

Au nom de la solidarité et de l’attention que nous devons à nos compatriotes ultramarins, à leurs attentes, à leurs aspirations, à leurs capacités créatrices jusqu’ici trop souvent bafouées, nous ne pouvons qu’inviter le Sénat à voter en faveur de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur.

M. Éric Doligé, rapporteur. Madame Terrade, j’ai écouté avec beaucoup d’attention vos propos. Évidemment, rien n’est parfait et, si j’ai bien compris, vous nous avez dit qu’il était urgent d’attendre. Nous ne partageons pas du tout cet avis.

Nous pensons au contraire que nous sommes là pour essayer, au travers du texte, d’améliorer la situation et de mettre fin à toutes les anomalies que vous avez pu relever et qui existent certainement. D’ailleurs, le texte que nous examinons est relativement éloigné de la version qui résultera de nos débats, puisqu’un nombre important d’amendements seront défendus. Donc, nous devons travailler, et rapidement, sur ce texte.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous permettons d’émettre un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, il existe une double contradiction dans vos propos.

Vous dites en premier lieu qu’il faut prendre le temps de la réflexion. Mais, depuis de nombreuses années, tout le monde, y compris les pouvoirs publics, a pu réfléchir à la situation de l’outre-mer. Vous avez dit vous-même que la crise sociale n’était pas une découverte pour vous. Vous avez donc pu anticiper sur la réflexion et avoir le temps d’apporter toutes les modifications que vous souhaitiez à ce texte.

Vous dites en second lieu qu’il faut retirer ce texte parce que vous n’êtes pas d’accord avec les outils qui sont mis en place, notamment la défiscalisation. En réalité, vous êtes très isolée sur ce sujet, car nombre de vos collègues, notamment du groupe CRC-SPG, ont demandé tout à l’heure, lors de la discussion générale, d’aller plus loin dans le sens de la défiscalisation.

Il y a donc lieu de s’opposer à cette motion. Nous pourrons ainsi entamer la discussion des amendements et écouter ceux que vous défendrez pour améliorer ce texte.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. J’ai pris bonne note des arguments qui ont été avancés pour justifier le rejet de notre motion tendant à opposer la question préalable au texte du projet de loi.

Permettez-moi simplement de procéder, pour motiver notre appel renouvelé en faveur de son adoption, à quelques observations complémentaires.

Il faudrait, maintenant que la fièvre sociale vient de retomber en Guadeloupe, faire en sorte que les conclusions de ce mouvement social, que les amendements du Gouvernement tentent de traduire comme ils le peuvent, soient tirées et retracées dans la loi.

Il faudrait donc, en quelque sorte, discuter de ce texte, réécrit de manière substantielle à la lumière des événements récents, parce que la situation, sur le court terme, l’exige.

Mais, monsieur le secrétaire d’État, si la conférence des présidents nous a confirmé la tenue de séances pour l’examen du présent texte, elle a aussi validé l’examen, à la fin du mois, du second collectif budgétaire de l’année 2009. Or, en réalité, une bonne part des mesures que prévoient les amendements du Gouvernement pourraient fort bien figurer – ce serait d’ailleurs plutôt leur place – dans ce collectif budgétaire. La même remarque vaut pour des dispositions contenues dans ce projet de loi, comme le passeport mobilité qui est une véritable nécessité pour les jeunes d’outre-mer qui doivent prolonger leurs études ou renforcer leur formation professionnelle.

La loi de finances initiale de 2009 a inscrit, dans les crédits de la mission « Outre-mer », une autorisation d’engagement de 53 millions d’euros, assortie de crédits de paiement d’un montant équivalent pour ce qui est de la politique de continuité territoriale.

Je formulerai deux observations sur ce point.

D’une part, il n’y a pas plus de ressources ni de budget pour financer ces crédits que l’année précédente, il y en a même moins.

D’autre part, on découvre avec intérêt que la dotation concernée manquait d’une base légale, que l’article 26 tend à instituer.

Ne pouvait-on pas résoudre le problème dès le vote de la loi de finances, compte tenu du fait que la mesure a une incidence budgétaire concrète ? Il y a quelques instants, vous parliez d’anticipation. Notre groupe a toujours anticipé, mais il a toujours été confronté à votre refus obstiné d’avancer dans le bon sens.

La même remarque vaut pour le fonds d’investissement exceptionnel, pour le financement duquel ont été prévus 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et 16 millions d’euros en crédits de paiement, dans la loi de finances initiale.

Ce dispositif présente deux caractéristiques très discutables : des dépenses de caractère fortement évaluatif et un chapitre réservoir mis à disposition de la régulation budgétaire.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est passionnant !

M. Thierry Foucaud. Permettez-moi de m’exprimer, monsieur le président de la commission !

Pour faire bonne mesure, le montant sommaire de la dotation l’apparentait, de fait, à une ressource minime destinée au saupoudrage de dotations en fonction de demandes ayant sans doute plus à voir avec l’opportunité politique. On pourrait mener des enquêtes sur les dotations attribuées ici ou là par la majorité, mais de telles enquêtes ne sont jamais diligentées, car personne ne se passionne pour ce genre de choses, en tout cas pas du côté de la majorité.

Quant aux mesures destinées à aider les entreprises locales en majorant notamment les niveaux d’exonération fiscale, elles appellent plusieurs remarques.

On choisit en effet la dépense fiscale en lieu et place de la dépense publique directe. Or nous avons dit que ce choix n’était pas le bon, en tout cas sur la durée, pour résoudre les problèmes économiques et sociaux de l’outre-mer.

Le pire, c’est que ces nouveaux millions dépensés en direction des entreprises – en tout cas sur le papier, puisque, pour payer moins d’impôt sur les sociétés ou les bénéfices, il faudrait, monsieur le secrétaire d’État, qu’il y ait des bénéfices ! –, ce sont les millions qui manquent encore aujourd’hui, malgré les effets locaux du prétendu plan de relance de janvier dernier, pour que le contenu des contrats de plan État-régions soit simplement respecté !

L’État ne tient pas parole sur les investissements cofinancés par les collectivités locales, et il accorde, de surcroît, priorité à de nouveaux allégements fiscaux et sociaux, pour des montants et des matières de toute façon déjà largement allégés par les dispositions antérieures.

Pour donner un exemple simple, comment ne pas mentionner le fait que l’aide fiscale aux ménages investissant dans l’immobilier excède le montant de la dotation de la « ligne budgétaire unique » en faveur du logement ?

Ce texte « court-termiste » n’apporte donc aucune réponse, et nombre de ses dispositions peuvent, soit être abandonnées, soit trouver place dans le collectif budgétaire de la fin du mois.

Pour ces motifs, je ne peux qu’inviter le Sénat à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Monsieur Foucaud, vous avez parlé deux fois plus longtemps que la durée qui vous sera accordée avec le nouveau règlement, c’est-à-dire six minutes au lieu de trois ! (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Je suis surprise d’entendre nos collègues solliciter le report du texte en invoquant les disparités résultant de la défiscalisation prévue dans les lois Pons et Girardin. Je m’étonne d’ailleurs que la loi Paul n’ait rien changé à ces dispositifs fiscaux, bien au contraire !

Je rappelle en outre que le rapport du conseil régional de Guadeloupe sur le monopole et les détournements de fonds de la SARA, remis en 2000 à M. Paul, n’a été suivi d’aucun effet.

Aujourd’hui, vous sollicitez le renvoi du texte afin de permettre la réflexion. Or, lorsque vous avez été au pouvoir, vous avez eu le temps de réfléchir et vous avez maintenu les dispositifs de défiscalisation, que vous dénoncez maintenant, pour des raisons politiciennes ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 420, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi pour le développement économique des outre-mer
Titre 1er A

M. le président. Je suis saisi, par MM. Frécon, S. Larcher, Lise, Gillot, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°423.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5 du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer (n°  233, 2008-2009).

La parole est à M. Jean-Claude Frécon, auteur de la motion.

M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les auteurs de la motion de renvoi à la commission que je présente au nom du groupe socialiste, apparentés et rattachés, considèrent que les sénateurs sont invités aujourd’hui à travailler sur un texte qui, rédigé en grande partie il y a plus d’un an, ne tient compte ni de la crise économique, qui est d’une ampleur considérable, ni des conséquences de cette crise sur les collectivités territoriales, pour lesquelles le projet de loi est censé avoir été élaboré.

Cela est d’autant plus vrai que, comme tout le monde le sait, ces collectivités connaissent, depuis plusieurs semaines, de nombreux événements qui font écho aux craintes et aux inquiétudes légitimes de nos compatriotes ultramarins et à leurs revendications, notamment en matière d’emploi, de pouvoir d’achat ou encore de logement.

Par ailleurs, alors que, à la suite de la dernière révision constitutionnelle, qui était censée renforcer les pouvoirs d’élaboration, de débat et de contrôle législatifs, le Sénat vient de débattre des évolutions du travail législatif devant découler de cette réforme, il n’est pas indifférent que notre assemblée ait l’occasion de se montrer à la hauteur des exigences de la situation.

Le Gouvernement ne cesse de multiplier, dans tous les domaines, les textes de projets de lois. Ce faisant, il provoque une inflation de textes, souvent suscités d’ailleurs par l’actualité immédiate, trop souvent mal conçus, quelquefois vite faits, mal faits, qui doivent être discutés dans la précipitation et qui, finalement, peuvent difficilement être appliqués. En effet, un texte chasse l’autre, avant que la publication des décrets du premier ait eu lieu !

Dans le cas présent, nous sommes confrontés à la variante complexe d’une situation originale. Nous devons examiner aujourd’hui un texte écrit il y a trop longtemps. De plus, on nous demande de discuter ce texte de toute urgence, au prétexte qu’il y a urgence à apporter des réponses immédiates aux problèmes de l’heure. Dans ce cas, pourquoi n’est-il même pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d’État ?

En outre, ce texte n’apporte pas les solutions aux problèmes les plus urgents, puisque celles-ci sont avancées principalement à travers des accords locaux. Par ailleurs – c’est le Président de la République qui l’a dit – des « états généraux de l’outre-mer » doivent apporter des réponses durables, à long terme aux préoccupations de nos compatriotes ultramarins.

Notre collègue Mme Lucette Michaux-Chevry a confirmé cet après-midi tout l’espoir qu’elle met dans ces « états généraux », lors desquels, nous a-t-elle dit, elle pourra exprimer ses propositions.

Fort bien ! Mais cela veut donc dire que de nouvelles propositions s’ajouteront à un texte déjà voté !

M. Jean-Claude Frécon. Ce projet de loi ne répond donc pas aux attentes de ceux qu’il est censé concerner. Ainsi, il crée des zones franches d’activités, mais, indépendamment des quelques ajustements envisagés par le Gouvernement, il ne faut pas oublier que les personnes ayant initié ce texte étaient à l’origine essentiellement mues par le souci de faire des économies !

Il en va ainsi du système de dégressivité, qui permet de faire quelques économies. Les exonérations de charges sociales ont pour objectif de faire baisser le coût du travail, afin de favoriser la création d’emplois, mais cette dégressivité, instaurée par le projet de loi, est défavorable à la hausse des salaires, puisque plus le salaire est élevé, plus les exonérations de charges dont bénéficie l’employeur sont réduites !

En outre, cette mesure nuit particulièrement à l’embauche de cadres, dont les entreprises – notamment les grandes, mais c’est aussi vrai des PME – ont pourtant bien besoin pour se développer ! Et dire que cette mesure, initialement prévue dans le présent projet de loi, a été inscrite par le Gouvernement, en raison du retard pris par ce texte, dans le projet de loi de finances pour 2009, en décembre dernier !

Que dire également de la réforme du régime de défiscalisation en matière de logement ? Si la création d’un dispositif de défiscalisation en faveur du logement social est légitime au regard des besoins qui existent dans ce domaine, celui qui nous est soumis est-il suffisamment attractif financièrement pour fonctionner ? N’est-il pas légitime de craindre une baisse d’activité dans le secteur du bâtiment ? Les moyens budgétaires de l’État en faveur du logement social, regroupés sur la ligne budgétaire unique, ne doivent-ils pas être augmentés, comme le demandent nos collègues ultramarins ?

Que dire encore du fait que ce projet de loi ne prévoie aucune aide aux collectivités territoriales, alors que le rôle de ces dernières en matière d’investissement public est déjà bien supérieur à celui des collectivités de métropole ? En métropole, en effet, 73 % des investissements publics sont réalisés par les collectivités, alors qu’en outre-mer cette proportion s’élève à près de 85 %.

Au contraire, le projet de loi traduit un désengagement progressif de l’État, qui est d’ailleurs beaucoup plus net qu’en métropole depuis 2002, puisqu’il s’accompagne d’une baisse régulière des budgets du ministère chargé de l’outre-mer, malgré des annonces contraires et des tours de passe-passe – c’est bien le terme qui convient – visant à afficher des augmentations. Ainsi, en ce qui concerne le budget pour 2009, on annonce une hausse de 16 %, mais en réalité ce budget n’augmente, à périmètre constant, que de 0,3 %, …