Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d'État, la consultation dont les résultats vont être analysés par les ministères concernés n’a pas eu lieu ! Il est facile de s’auto-consulter : cela permet de simplifier l’examen des problèmes ! Toutefois, je ne pense pas que ce soit la bonne solution.

Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d’État, que vous vous ferez notre porte-parole pour expliquer combien il est pénible d’effectuer un aller et retour de cinq heures sur les routes difficiles de notre région. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une très bonne réforme !

Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Rappel au règlement (début)

Réforme de l'hôpital

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 290, 380 et 381).

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Discussion générale
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Rappel au règlement (suite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Monsieur le président, mon intervention a trait à l’organisation de nos travaux…

M. François Autain. Les conditions sont scandaleuses !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … et, plus précisément, aux droits du Parlement.

M. Alain Gournac. C’est parti !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le débat sur le projet de loi relatif à l’hôpital s’ouvre aujourd'hui au Sénat dans des conditions qui mettent en lumière, il faut bien le dire, l’inféodation croissante des assemblées au pouvoir exécutif, c'est-à-dire au Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Gaudin s’exclame.)

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. François Autain. C’est la vérité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En effet, le Président de la République, hier soir, a dicté à la majorité sa ligne de conduite : …

M. Guy Fischer. N’est-ce pas, monsieur Gaudin !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … voilà ce que j’accepte ; voilà ce que je n’accepte pas ; voilà ce que je veux ; voilà ce que je ne veux pas.

M. Jean-Louis Carrère. On appelle cela un monarque !

M. Jean-Claude Gaudin. Il a quand même été élu !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les sénateurs de la commission des affaires sociales ont d’ailleurs été saisis à quinze heures –  quel formidable délai, et quel respect ! – de trente amendements,…

M. Guy Fischer. Les voilà ! (M. Guy Fischer brandit la liasse d’amendements.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … et encore uniquement sur les articles 1er à 13, ce qui donne à penser qu’il en surviendra d’autres aux articles suivants…

Le principe républicain de la séparation des pouvoirs est bafoué, c’est le moins que l’on puisse dire ! Point ne sera besoin de discours annuel devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles : Nicolas Sarkozy est présent tous les jours dans l’hémicycle !

Si l’on ajoute à cela la présence permanente du Gouvernement durant l’examen du rapport et des amendements en commission et la récente décision du Conseil constitutionnel, qui n’évoque pourtant que la présence du Gouvernement au moment du vote, on voit que la pression est encore plus claire, d’autant que les conditions de travail imposées aux groupes et aux sénateurs, notamment en matière de délais, sont très difficiles ! Mais peut-on d’ailleurs encore parler de délais lorsqu’il est demandé à la commission d’examiner, entre quinze heures et seize heures, trente amendements tombés du ciel, …

M. Guy Fischer. N’est-ce pas, madame la ministre ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … que dis-je, non pas du ciel, mais du trône ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne prête pas à rire ni même à sourire, hélas !

La révision constitutionnelle ne renforce pas le Parlement dans ses droits ; elle le soumet au Président de la République, elle le disperse et, au bout du compte, elle l’humilie.

Il faut bien le dire, l’opposition massive au projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires est sans doute pour quelque chose dans les tergiversations du Gouvernement et dans ces amendements de dernière minute, si tant est qu’ils visent bien à modifier le fond de ce texte. Mais chacun d’entre nous ici dira ce qu’il en pense...

En tout état de cause, est-il admissible, est-il même conforme à l’esprit de la Constitution s’agissant de la navette parlementaire que la déclaration d’urgence soit maintenue sur ce texte, de sorte que les députés n’auront jamais la possibilité d’examiner ce qui doit pourtant être considéré comme un nouveau projet de loi ?

Mme Annie David. Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, il importe de lever la présente déclaration d’urgence. Il y va de la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. C’est du jamais vu !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, je le dis avec une certaine solennité, les conditions dans lesquelles s’ouvre au Sénat ce débat sur l’hôpital doivent véritablement nous alerter sur le devenir même de la démocratie parlementaire, sur les droits de chaque parlementaire et sur ceux de la Haute Assemblée tout entière. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (début)
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Discussion générale

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, après notre collègue et amie Nicole Borvo Cohen-Seat, je souhaite revenir à mon tour sur les conditions d’examen de ce projet de loi.

M. Jean-Pierre Bel. Si gouverner, c’est prévoir, le moins que l’on puisse dire de l’examen en commission du projet de réforme de l’hôpital, c’est que rien n’avait été prévu.

Je pense d’abord au temps de travail en commission, qui a duré au final quatre journées entières, dont deux jusque tard dans la nuit, ce qui est inédit. En effet, si les nocturnes en séance publique sont habituelles au Sénat, elles étaient encore inédites en commission. Las, l’une de nos réunions s’est achevée à trois heures du matin !

M. Guy Fischer. En effet !

M. Jean-Pierre Bel. Je pense également aux délais de dépôt des amendements, ainsi qu’aux conditions du débat, en présence de Mme la ministre – j’ai cru comprendre qu’elle n’avait pas totalement apprécié et de ses conseillers.

La mise en application des nouvelles règles de travail issues de la révision constitutionnelle de juillet 2008, voulue par la majorité sénatoriale, montre, de fait, une absence de préparation, qui aboutit à une improvisation totale mais aussi à des conditions de travail déplorables pour les sénateurs siégeant en commission.

Mais là n’est pas le plus grave, même s’il nous faudra y revenir.

L’urgence sur ce projet de loi devient de plus en plus insupportable avec l’improvisation qui le dispute au changement de pied.

Nous avons connu plusieurs phases.

Le projet initial contenait trente-trois articles. C’était le premier texte « hôpital ».

À l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, le projet de loi comprenait cent trois articles. C’était le deuxième texte « hôpital ».

La commission des affaires sociales du Sénat a ensuite presque totalement réécrit le texte, même si rien n’est réellement changé sur le fond, que ce soit sur le démantèlement progressif, mais programmé, du service public hospitalier, sur la logique purement comptable de la gestion hospitalière, sur l’absence d’une réelle politique de santé publique. Tout changer pour ne rien changer, telle a été la devise, semble-t-il. Reste que c’était là le troisième texte « hôpital ».

Et hier, le Président de la République, devant ce que l’on pourrait appeler la fronde de certains médecins parisiens, n’a pas hésité à contredire sa volonté proclamée de n’avoir qu’un seul chef à l’hôpital.

Cette fronde l’interpelle d’ailleurs apparemment plus que la colère des agents hospitaliers face à la « vente à la découpe » programmée de l’hôpital public et au véritable plan social mis en place dans les hôpitaux publics.

Le Président de la République utilise donc un rapport sur les centres hospitaliers universitaires rendu le jour même pour exiger un nouveau changement du projet de loi…

Si la majorité sénatoriale entérine cette manière de traiter le Parlement, nous aurons donc un quatrième texte « hôpital » !

Mes chers collègues, la modification plus que substantielle d’un texte après son examen en commission et pendant le débat, d’ailleurs certainement inconstitutionnelle, n’est de toute manière pas acceptable.

Cette manière de faire est encore moins acceptable si le Gouvernement décide de maintenir la déclaration d’urgence. En réalité, cela signifierait l’impossibilité pour les députés d’examiner ce nouveau projet de loi, puisque le texte issu du Sénat n’aura plus rien à voir avec celui qu’ils ont eux-mêmes discuté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, l’urgence doit être levée. C’est une nécessité, parce que le Parlement doit être le lieu d’élaboration de la loi, et non une chambre d’enregistrement des désirs changeants et versatiles de l’exécutif. C’est une nécessité aussi parce que ce projet de loi, malvenu et dangereux pour l’hôpital public, doit faire l’objet préalablement d’une réelle concertation avec les acteurs de santé, ce que ces derniers ne cessent de demander.

Cette demande légitime avait été formulée lors de la dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement. Mme la secrétaire d’État avait alors lu une déclaration qui n’avait, je crois, rien à voir avec la question, mais n’avait pas répondu.

Nous posons donc une nouvelle fois la question : madame la ministre, levez-vous l’urgence ?

Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour permettre au Gouvernement de nous répondre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. François Autain. Très bien !

M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Bel, après vous avoir donné acte de vos rappels au règlement respectifs, et sans prétendre répondre à la place du Gouvernement, je me permettrai quelques observations.

D’abord, il ne m’appartient pas de commenter une décision du Conseil constitutionnel, qui s’impose.

Ensuite, en considération des travaux qu’ils ont conduits au sein de la commission des affaires sociales, je tiens à rendre un hommage particulier au président Nicolas About, au rapporteur Alain Milon, ainsi qu’à l’ensemble des commissaires, hommage auquel j’associe les collaborateurs de la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est du masochisme !

M. le président. Je vous renvoie à l’ensemble des travaux de la commission publiés, notamment au tome II, qui rend compte des interventions de nos collègues. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Dominique Voynet. M. Sarkozy ne l’a pas lu !

M. le président. Oui, monsieur Bel, comme nous l’avons dit en conférence des présidents, nous avons des leçons à tirer pour améliorer notre mode de fonctionnement dans le cadre de la nouvelle procédure née de la révision constitutionnelle.

M. Guy Fischer. Il faut faire vite, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Fischer, pour être étroitement associé à cette démarche, vous n’ignorez pas que nous comptons bien agir rapidement. En ce sens, j’ai confié à Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et à Bernard Frimat, vice-président du Sénat, le soin de nous faire des propositions d’ici à la fin du mois de juin.

Je rappelle, néanmoins, les efforts qui ont été accomplis.

Le compte rendu des deux premières séances de la commission des affaires sociales des 29 et 30 avril, qui portaient sur le titre Ier et le titre II, a été mis à disposition sur Internet dès le samedi 2 mai.

M. Jean-Pierre Michel. Sans comparatif !

M. le président. Le lundi 4 mai, au matin, le texte a été distribué à tous les sénateurs membres de la commission.

M. Jean-Pierre Michel. Sans comparatif !

M. le président. Le mardi 5 mai a été publié le compte rendu relatif aux titres Ier et II rectifiés correspondant à la séance du lundi 4 mai.

Le mercredi 6 mai au matin - pardonnez-moi, mais la chronologie est importante -,…

M. Jean-Pierre Michel. Rideau de fumée !

M. le président. … le titre III a été publié sur papier et, dans l’après-midi, le titre IV a été mis à disposition sur Internet.

M. Guy Fischer. On nous enfume !

M. le président. Le jeudi 7 mai, à dix-sept heures, 700 amendements ont été distribués et mis en ligne. Le rapport a été publié le samedi 9 mai, puis, le lundi 11 mai, les amendements sur le titre IV ont été mis à disposition.

Ce bref rappel témoigne de l’intensité du travail accompli et du souhait qui est le nôtre de permettre à chacun de nos collègues de travailler dans les conditions les meilleures. Au reste, cette démarche a été fructueuse puisque nous constatons que plus de 1 000 amendements ont été déposés.

Plusieurs sénateurs socialistes. Ce n’est pas la question !

M. le président. Mais je me tourne vers le Gouvernement pour savoir ce qu’il pense de la demande de suspension de séance formulée par M. Bel.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est vous qui décidez, monsieur le président !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il n’y a pas eu de réponse à notre question !

Rappel au règlement (suite)
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Organisation des débats

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, cher Gérard Larcher, monsieur le président de la commission des affaires sociales, cher Nicolas About, monsieur le rapporteur, cher Alain Milon, mesdames, messieurs les sénateurs, réformer pour moderniser (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…

M. Jean-Louis Carrère. Non ! Non ! Non !

M. François Autain. Non, madame la ministre !

M. René-Pierre Signé. Une réponse, nous voulons une réponse !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … réformer pour renforcer : tel est notre devoir le plus impérieux. (Protestations vives et continues sur les mêmes travées.) Nos concitoyens attendent que nous l’assumions avec courage et détermination. (Brouhaha sur les mêmes travées.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues…

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas la réponse à la question posée !

M. le président. Chers collègues, laissez parler Mme la ministre ! (Plusieurs sénateurs socialistes et du groupe CRC-SPG scandent les mots : « Et la question ! Et la question ! »)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans un monde en mutation (Protestations redoublées sur l’ensemble des travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), il s’agit de garantir les valeurs…

M. le président. Laissez parler Mme la ministre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … qui fondent notre système de santé, de le sauvegarder durablement et de préparer son avenir. (Le brouhaha persiste et s’amplifie.)

Plusieurs sénateurs socialistes et du groupe CRC-SPG. Nous voulons une réponse !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’origine et la raison d’être du projet de loi (Le brouhaha atteint une telle intensité que les propos de l’orateur deviennent peu à peu inaudibles.) … une loi aussi fondamentale… ne peut qu’être le fruit d’un profond débat (Plusieurs sénateurs socialistes et du groupe CRC-SPG se lèvent et protestent de plus belle.),…

M. Bernard Frimat. Il n’y a pas de réponse !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs,…

M. François Autain. Aucune réponse, qu’est-ce que c’est que ça ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … je ne demanderai pas (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, ainsi que Mme Nicole Bricq et MM. Daniel Reiner, Jean-Louis Carrère et Jean-Pierre Michel, debout, apostrophent le Gouvernement, imités bientôt par d’autres sénateurs socialistes et du groupe CRC-SPG)…

M. François Autain. On veut une réponse !

M. Jean-Louis Carrère. Arrêtez de finasser !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … que soit levée la procédure d’urgence (Le brouhaha s’amplifie encore.),…

M. le président. Chers collègues, je vous prie instamment d’écouter Mme la ministre, qui est précisément en train de vous répondre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … que réclament les auteurs des rappels au règlement. (Les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG se mettent à frapper en cadence sur leur pupitre.)

M. le président. Je vous en prie, chers collègues, la ministre est vous répond !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le débat a été très largement nourri. (Le brouhaha atteint son paroxysme.)

M. le président. Madame la ministre, pouvez-vous répéter ce que vous venez de dire ? Nous ne vous entendions plus !

M. François Autain. Nous voulons une réponse !

M. Jean-Louis Carrère. Une réponse !

M. Jean-Pierre Michel. Oui, la réponse à la question !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais je vous ai répondu !

M. François Autain. À quelle question répondiez-vous ?

Mme Nicole Bricq. Pourquoi l’urgence ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si vous vous taisiez pour m’écouter, mesdames, messieurs les sénateurs, vous auriez déjà votre réponse ! (Les sénateurs qui s’étaient levés se rassoient peu à peu, tout en continuant d’apostropher le Gouvernement.)

Je vais donc me répéter, puisque visiblement vous ne m’écoutiez pas, et réexpliquer pourquoi je ne demanderai pas la levée de la procédure d’urgence. (Exclamations renouvelées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Mes chers collègues, Mme la ministre l’avait déjà dit !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Parfaitement, monsieur le président, vous faites bien de le signaler !

M. Jean-Louis Carrère. Oui, mais on ne se lasse pas de vous l’entendre dire !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les hurlements ne créent pas le débat. Nous devons nous écouter les uns les autres ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. L’urgence n’est pas la démocratie !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires a été préparé grâce à un débat démocratique d’une largeur et d’une profondeur sans égales. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. Pour quel résultat ?

M. François Autain. Il y a eu des manifs dans les rues !

M. René-Pierre Signé. Vous n’avez pas écouté les manifestants !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce débat a été précédé par deux importants rendez-vous démocratiques.

Mme Nicole Bricq. Cela va faire comme pour les universités : même méthode !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il a d’abord été précédé par les états généraux de l’organisation de la santé, qui ont permis de consulter de très nombreux professionnels libéraux et d’autres acteurs du monde de la santé. (Exclamations continues sur les mêmes travées.)

Il a également été précédé par la commission Larcher, qui a interrogé, écouté, confronté, sous la houlette du président Gérard Larcher, plusieurs centaines de spécialistes de l’hôpital.

De nombreux rapports parlementaires ont permis de creuser ces questions. Je pense, en particulier, aux travaux des députés André Flajolet et Marc Bernier, et à ceux du sénateur Jean-Marc Juilhard.

Des débats approfondis ont été conduits ici, au Sénat, sur des sujets comme la démographie médicale, l’accès aux soins, au cours desquels nous avons pu confronter nos points de vue.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a mené un travail extrêmement approfondi. Certains ont jugé que c’était trop, mais les trois semaines de débat ont abouti à un enrichissement considérable du texte.

M. Jean-Louis Carrère. Lequel ? Le quatrième ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le débat au sein de la commission des affaires sociales du Sénat a duré plusieurs jours. On a même reproché à certaines discussions de se poursuivre parfois fort tard dans la nuit. Les échanges ont été vifs ; ils ont été fructueux. Il est normal que le débat public, comme le débat parlementaire, fasse progresser le texte.

Je considère qu’il est sain que les choses se passent ainsi (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), surtout lorsqu’il s’agit de questions qui, touchant à la santé de tous, concernent chacun d’entre nous. J’y vois même le signe que notre démocratie fonctionne correctement. (Un grand nombre de sénateurs socialistes et du groupe CRC-SPG s’esclaffent.)

Accepter un ou plusieurs amendements, ce n’est pas reconnaître une erreur, c’est donner du prix à la concertation. Ce n’est pas reculer, c’est donner toute sa valeur à la démocratie.

M. Jean-Louis Carrère. C’est faire volte-face !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Des inquiétudes se sont exprimées ; je les ai entendues, avec l’esprit d’ouverture et de dialogue qui n’a jamais cessé de m’animer.

J’ai longuement discuté, encore ces derniers jours, dans un climat sérieux et apaisé, avec les membres de la conférence des présidents, avec votre rapporteur, pour trouver une réponse qui puisse restaurer la sérénité sans dénaturer le texte.

Au nom de la démocratie, qu’hommage soit rendu à mes interlocuteurs.

Pour avoir moi-même siégé au Parlement pendant de nombreuses années, je sais l’importance et la qualité de la réflexion qui y est menée.

Comme je l’ai fait pendant la longue phase d’élaboration du projet de loi, puis lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, c’est avec une grande attention que j’ai suivi les travaux de la commission des affaires sociales du Sénat et que j’ai examiné les enrichissements qu’elle a pu apporter.

La commission a su se mobiliser, se saisir de l’enjeu majeur que représente ce projet de loi pour l’avenir de notre système de santé. Si l’on doit en préserver l’esprit, le texte que vous aurez à examiner, déjà de très grande qualité, peut et doit encore évoluer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai à votre écoute en séance plénière, comme je l’ai été en commission.

Je remercie plus particulièrement le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, qui a mis sa hauteur de vues, sa sagacité, son humanité, au service d’un travail de fond (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), et ce dans des conditions nouvelles, que nous avons découvertes en même temps et avec lesquelles il a composé en virtuose.

Qu’il trouve ici l’expression de ma gratitude. (Plusieurs sénateurs socialistes et du groupe CRC-SPG s’esclaffent de nouveau.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je veux également saluer le rôle déterminant du rapporteur, Alain Milon, à qui je souhaite rendre hommage. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Investi et rigoureux, expert autant que pédagogue, il a mené un travail exceptionnel.

Je veux enfin remercier Gérard Larcher, président de la Haute Assemblée, dont le grand rapport sur les missions de l’hôpital, que j’ai déjà évoqué, a inspiré une part importante du projet de loi. Depuis, sa compétence, son expertise lucide…

M. Jean-Louis Carrère. Sa malignité, aussi !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … ont constitué un atout considérable, dont chacun mesure les bénéfices. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais la sagesse de la Haute Assemblée, justement réputée, et sa capacité à s’approprier les projets les plus ambitieux. À l’aube du débat qui s’annonce, je suis donc confiante.

Vous le savez, il est plus que temps d’entreprendre cette réforme.

Depuis des années, j’entends dire qu’il faut mettre fin à la complexité et aux cloisonnements de notre système de santé, dont nos concitoyens sont les premiers à souffrir. De toute évidence, personne ne trouve normal que certains malades aillent aux urgences alors que leur médecin aurait pu les recevoir.

M. Jean Desessard. À quelle heure ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Personne ne tolère que le transfert d’une personne âgée de l’hôpital vers une maison de retraite – quand il y a de la place ! – soit un véritable parcours du combattant pour ses proches.

M. René-Pierre Signé. Cela n’a rien à voir !

M. François Autain. Le texte n’y changera rien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai entendu le constat. Il fallait des solutions, il faudra des outils.

Vous le savez, et le vote de l’Assemblée nationale l’a confirmé, le statu quo n’était pas tenable. Depuis des années, j’entends dire qu’il faut lutter contre les inégalités territoriales devant l’accès aux soins et contre les déserts médicaux. Faut-il attendre, pour agir, que nos concitoyens éprouvent de très grandes difficultés à trouver des médecins dans les zones urbaines défavorisées ou dans les zones rurales ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. René-Pierre Signé. La loi n’apporte rien !

M. Jean-Louis Carrère. C’est de la communication !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Non, nous ne pouvons pas laisser se poursuivre cette « démédicalisation » des territoires !

Grâce à ce projet de loi, et pour la première fois, nous disposons d’une matrice offrant les outils pour nous aider à mettre en œuvre nos ambitions.

Au-delà de la technicité de certains de ces outils, au-delà aussi de nos divergences politiques, ce sur quoi vous aurez à vous prononcer peut finalement se résumer en quelques mots : oui ou non, pouvons-nous continuer à observer ces fragilités sans agir ?