M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. Nicolas About. C’est un grand plaisir !

M. Michel Mercier, ministre. Le présent projet de loi est porté par tout le Gouvernement, qui est un,…

M. Alain Gournac. Et indivisible !

M. Daniel Raoul. Et par M. Guaino, sans doute !

M. Michel Mercier, ministre. …M. Estrosi étant chargé, en sa qualité de ministre de l’industrie, de soutenir le texte devant le Parlement.

Monsieur Raoul, n’adoptez pas une attitude pire que celle que vous reprochez à M. Estrosi, sinon tous vos arguments s’effondreront par votre propre faute !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux que vous inviter toutes et tous à la sérénité, au travail et à l’étude immédiate du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion des articles, entamée hier.

Titre Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À LA POSTE ET MODIFIANT LA LOI N° 90-568 DU 2 JUILLET 1990 RELATIVE À L’ORGANISATION DU SERVICE PUBLIC DE LA POSTE ET À FRANCE TÉLÉCOM (SUITE)

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Rappel au règlement

Articles additionnels avant l’article 1er (suite)

Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France demande la renégociation des directives européennes de libéralisation du secteur postal.

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. À travers cet amendement visant à insérer un article additionnel avant l’article 1er, nous souhaitons que la France demande, par exemple par l’intermédiaire du ministre de l’économie, la renégociation des directives européennes qui œuvrent pour la libéralisation du secteur postal.

M. Josselin de Rohan. C’est M. Jospin qui a mal négocié ! (Sourires sur les travées de lUMP. – Exclamations prolongées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tiens, voilà du renfort !

M. Josselin de Rohan. Qui était au Gouvernement ? Les communistes !

M. Didier Guillaume. Lionel Jospin, c’était il y a longtemps !

M. Michel Teston. Et il s’est passé tant de choses depuis lors !

Mme la présidente. Mme Didier seule a la parole ! Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Évelyne Didier. Monsieur de Rohan, figurez-vous qu’une crise économique a éclaté entre-temps et que, dans de nombreux pays, on s’est aperçu que la libéralisation à tous crins n’était pas forcément une bonne idée ! Même certains de vos amis s’en rendent compte !

Mme Évelyne Didier. En effet, la Commission européenne s’est acharnée à imposer une ouverture à la concurrence du secteur postal, parfois contre la volonté des États. Ainsi, elle s’est opposée à la France, en 1997, ainsi qu’au Parlement européen, qui, en 1997 et encore en 2000, a tenté de freiner ce processus.

Rappelons que, en 2007, onze pays s’étaient opposés à la libéralisation de ce secteur pour 2011, en exigeant au moins un sursis jusqu’en 2013. Afin que ne soit pas méprisé l’avis des représentants des citoyens, nous demandons que ces directives soient renégociées.

Il s'agit, tout d'abord, de la directive européenne du 15 décembre 1997 dite « directive postale cadre », qui pose la définition d’un service universel minimum réduisant les missions d’intérêt public et introduit le principe d’une ouverture progressive du marché, qui sera totale en 2009.

La directive du 10 juin 2002 doit également être rediscutée, car elle pose les étapes de la libéralisation du secteur postal.

Enfin, il faut revoir la directive européenne du 20 février 2008, qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et fixe au 31 décembre 2010 l’échéance pour parvenir à la libéralisation totale des marchés postaux.

Cette libéralisation du secteur postal, imposée par la Commission européenne, entraîne pourtant des effets désastreux, qu’on essaye d’occulter.

Ainsi, l’expérience des pays européens voisins de la France ayant ouvert ce secteur à la concurrence est probante : l’Allemagne, qui a anticipé cette libéralisation, a vu passer le nombre de ses points contacts postaux de 30 000 à 13 000, et ce pays envisage encore de les réduire à 5 000.

La Suède, qui a externalisé la plupart de ses points contacts auprès de commerçants, connaît aujourd’hui l’un des plus mauvais taux d’accessibilité au service postal en Europe.

Enfin, l’Espagne, face à la concurrence, n’assure plus de service postal direct dans les zones rurales qui ne sont pas jugées assez rentables !

La Commission européenne et le gouvernement français tiennent un véritable discours idéologique, au mépris des conséquences dramatiques, pourtant bien connues, de l’ouverture à la concurrence du secteur postal.

Ainsi, la libéralisation du secteur postal est incompatible avec la réalisation de missions de service public, telles que la mise en place d’un tarif unique et égalitaire ou l’acheminement du courrier sur la totalité du territoire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils le savent ! Dans leurs villages, il n’y a plus de bureau de poste !

Mme Évelyne Didier. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’article additionnel que cet amendement tend à insérer dans le projet de loi prévoit que la France demandera la renégociation des directives européennes de libéralisation du secteur postal.

S’il y a un sujet sur lequel le Sénat s’est penché depuis quelques années, c’est bien celui-là ! C’est d'ailleurs à la suite d’un vœu exprimé par la Haute Assemblée que la France, voilà un peu plus de deux ans, a obtenu que l’ouverture totale à la concurrence ait lieu en 2011, et non en 2009.

Il n’est pas réaliste de demander une réouverture des négociations sur un principe qui a été acté.

En outre, depuis hier, le traité de Lisbonne est désormais ratifié par l’ensemble des pays de l’Union européenne.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous n’allons pas revenir sur une décision qui a été prise et qui constitue véritablement, pour reprendre une formule de M. Fischer, un joyau de la coproduction de la cohabitation ! (Mme Évelyne Didier s’exclame.)

M. Alain Gournac. C’est vrai !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Madame Didier, j’aurais bien envie de vous faire plaisir ! (Sourires.) Mais encore faut-il m’en donner l’occasion !

J’ai bien compris que vous vouliez renégocier toutes les directives édictées depuis 1997.

Mme Évelyne Didier. Tout à fait !

M. Michel Mercier, ministre. Soit, mais nous ne pouvons tout refaire en une seule après-midi ! (Nouveaux sourires.)

Surtout, je suis très attaché à une règle toute simple, celle de la séparation des pouvoirs. Il n’appartient pas au Parlement de donner des instructions au Gouvernement.

M. Daniel Raoul. Et réciproquement !

M. Michel Mercier, ministre. Il revient au pouvoir exécutif, et à lui seul, de conduire les négociations internationales, dont il rend compte a posteriori au Parlement, devant lequel il est responsable. Les parlementaires ne peuvent donner des ordres à l’exécutif à travers un texte législatif !

Madame Didier, je suis donc obligé d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. Daniel Raoul. Ne forcez pas votre nature…

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Le financement du service universel postal est aujourd’hui largement assuré par ce que l’on appelle le « secteur réservé », c’est-à-dire le monopole résiduel des postes nationales pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de cinquante grammes, qui résulte effectivement d’une série de directives européennes.

Permettez-moi d'ailleurs d’indiquer que la directive de décembre 1997, que M. le rapporteur et M. le ministre ont visée, a permis d’obtenir la création du service universel, qui n’existait pas en juin de la même année.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Michel Teston. Le gouvernement auquel vous pensiez, mes chers collègues de la majorité, a donc sauvé le service postal universel, alors que, en juin 1997 – après la dissolution ô combien réussie décidée par Jacques Chirac ! –, il avait trouvé une situation dans laquelle rien n’était garanti. Ne prétendez donc pas que c’est le gouvernement Jospin, pour l’appeler par son nom, qui est responsable d’un processus engagé avant lui et que vous avez largement accéléré à partir de 2002 !

M. Josselin de Rohan. C’est M. Jospin qui a signé la directive…

M. Michel Teston. Cela étant, demander la renégociation de la suppression du secteur réservé ne me paraît pas anormal.

Comme je l’ai indiqué dans mon intervention lors de la discussion générale, nous disposons d’éléments indiquant que bon nombre d’États membres de l’Union européenne, face à la crise économique, préféreraient maintenir le système du secteur réservé afin de financer le service universel postal, parce qu’il s’agit d’un mécanisme beaucoup plus adapté et sûr que celui que vous nous proposez à travers ce projet de loi, à savoir un fonds de compensation acquitté par l’ensemble des opérateurs de services postaux.

En effet, nous savons parfaitement que ce fonds n’assurera pas un financement aussi sûr que celui qui est garanti par le secteur réservé. M. le rapporteur a d'ailleurs qualifié récemment d’« usine à gaz » un autre fonds de compensation, celui qui a été institué pour le téléphone fixe par la loi de 1996 !

Nous soutenons donc tout à fait la demande de renégociation des directives qui est présentée par nos collègues du groupe CRC-SPG. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –Mme Marie-France Beaufils applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Les décisions européennes contenues dans les directives postales imposent l’ouverture à la concurrence des services postaux d’ici à 2011, alors même que ces dispositions ont été entérinées d’une manière très contestable, par des manœuvres politiciennes, sans véritable consensus et au mépris de la volonté des États et des peuples.

En n’acceptant pas de renégocier ces directives, le Gouvernement entérine la volonté de la Commission européenne et ne veut pas reconnaître que l’ouverture à la concurrence, déjà entamée, pèse sur la qualité des services fournis. Il refuse également de voir que ce phénomène sera aggravé par l’ouverture totale à la concurrence.

Dans le passé, le statut de France Télécom a été changé. La privatisation n’était prétendument pas programmée, et on assurait que l’entreprise resterait publique...

Or, treize ans plus tard, l’État ne dispose même plus d’une minorité de blocage ! La conduite de la politique de cette société est dictée par les impératifs du marché et elle est décidée en fonction des actionnaires. Quant aux résultats en termes de traitement du personnel et de conditions de travail, les suicides des salariés harcelés et précarisés sont révélateurs !

M. Roland Courteau. Ô combien !

Mme Isabelle Pasquet. Le refus de renégocier des dispositions européennes imposant l’ouverture à la concurrence du marché postal ainsi que la volonté d’outrepasser les exigences de l’Europe, en allant jusqu’à privatiser La Poste, sont révélatrices du projet politique et idéologique que le Gouvernement porte pour la France et pour l’Europe : celui-ci se construit par et pour le marché, l’entreprise et le profit, en ignorant l’incidence d’un tel dogme libéral sur les conditions de travail des salariés et la qualité des services rendus, qui sont sacrifiées.

En outre, rappelons-le, si ces directives européennes imposent l’ouverture du marché, elles n’exigent aucun statut particulier pour les entreprises.

Rien ne justifie donc cette transformation en société anonyme, ni la privatisation qu’elle engage. Le Gouvernement est véritablement hypocrite quand il prétend que le changement de statut est imposé par l’Europe et par la nécessité de recapitaliser La Poste pour faire face à l’ouverture totale à la concurrence en 2011.

En effet, les besoins de financement de La Poste sont estimés à trois milliards d’euros, ce qui représente un montant dérisoire au regard des sommes débloquées par l’État pour les banques.

Il s'agit donc d’un véritable choix idéologique : l’État vient en aide aux banques, qui sont par ailleurs à l’origine de la crise, et il sacrifie les services publics. L’ironie est grande quand on sait que La Poste elle-même se livre à des activités bancaires – d'ailleurs encadrées par des règles, à la différence de celles qui sont pratiquées par les autres banques ! – afin de garantir ses missions de service public en la matière…

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Le problème du secteur réservé qu’a abordé notre collègue Michel Teston est fondamental, me semble-t-il, surtout si l’on veut rediscuter les directives européennes.

Monsieur le ministre, vous affirmez que nous n’avons pas de consignes à donner au Gouvernement. Il me semblait tout de même que celui-ci devait parfois suivre l’avis du Parlement ! J’ai entendu parler de « coproduction ». Je ne sais pas ce que cette notion signifie dans votre esprit, mais, si vous considérez que les parlementaires ne peuvent exprimer aucun jugement ni aucun sentiment, alors ce n’est pas la peine de l’employer !

Le sujet qui nous préoccupe cet après-midi, c’est le fameux secteur réservé, qui, pour le moment, est financé par le monopole résiduel des postes nationales !

Ce fameux secteur réservé repose sur les plis de moins de cinquante grammes, en particulier. Or j’habite dans une ville où il est déjà concurrencé par certaines entreprises qui délivrent de tels courriers alors que l’ouverture du secteur n’est prévue qu’au 1er janvier 2011 !

M. Daniel Raoul. Je vous demande donc, monsieur le ministre – vous transmettrez ma requête à M. Estrosi, qui, peut-être, vous écoutera plus que nous –, de vérifier que ce secteur réservé porte bien son nom !

En effet, il existe aujourd'hui à Angers des entreprises de quarante salariés qui distribuent des plis de moins de cinquante grammes, certes en y apposant des codes barres, conformément aux dispositions de la directive relatives aux adressages.

Je trouve inadmissible que, avant même l’échéance du 1er janvier 2011, le secteur réservé soit déjà ouvert à la concurrence, ce qui met forcément en jeu sa survie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 359, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement négocie au niveau européen une directive-cadre relative aux services d'intérêt général avant l'entrée en vigueur des dispositions portant transposition de la directive 2008/6/CE du 20 février 2008.

La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Cet amendement a pour objet de rappeler – j’insiste sur ce terme – que la France s’était engagée à faire adopter une directive-cadre sur les services d'intérêt général.

En effet, c’est bien Lionel Jospin, alors Premier ministre, qui avait exigé lors du Conseil européen de Barcelone de mars 2002 que l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général constitue une condition sine qua non de l’ouverture à la concurrence maîtrisée des différents secteurs composant le marché intérieur.

C’est ce qu’il a obtenu des autres États membres européens. Toutefois, à notre grand regret, les gouvernements successifs depuis 2002 ne se sont pas sentis tenus par cet engagement, bien au contraire.

Pour relancer ce débat, le groupe socialiste du Sénat a déposé, voilà un an exactement, une proposition de résolution européenne n° 57 rectifié, qui a été débattue ici-même le 30 avril dernier.

L’existence d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général aurait probablement permis de maintenir le secteur réservé de La Poste, qui ne représente plus que 30 % de l’ensemble de l’activité du courrier et du colis, mais qui assure encore aujourd’hui le financement du service universel. Notre collège Michel Teston en a fait la démonstration.

L’adoption d’une telle législation permettrait encore au service public d’être soustrait aux seules règles de la concurrence et de conforter son rôle stabilisateur, facteur de cohésion sociale et territoriale, comme chacun le reconnaît dans cet hémicycle.

Les sénateurs socialistes ont dressé les lignes de force de cette directive-cadre : clarification de la définition et du statut des services d’intérêt général, consolidation du principe de subsidiarité et de l’autonomie des autorités locales dans l’exercice de leur mission, volonté de mettre un terme à la primauté du droit de la concurrence et reconquête du politique.

J’ajoute, pour y avoir participé activement, que le groupe socialiste européen a élaboré un projet de directive-cadre sur les services d’intérêt général qui, malheureusement, n’a été ni débattu ni adopté par le Parlement européen.

Le travail de formulation juridique est donc réalisé, il importe désormais de le mettre en œuvre. Cela demande une volonté politique et l’aptitude à saisir deux opportunités qui s’offrent à nous dans les semaines qui viennent.

La création d’un poste de commissaire européen en charge des services publics, garant de leur prise en compte dans toutes les politiques communautaires, de leur niveau de qualité, de leur bon fonctionnement serait d’ailleurs tout à fait justifiée au moment même où la Commission européenne va être renouvelée. Hélas ! nous direz-vous, l’on ne commande pas à M. Barroso. C’est bien dommage !

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Bernadette Bourzai. Même si une telle demande n’est pas prise en compte, le Gouvernement se voit offrir une occasion unique de donner la preuve de l’ambition et de l’attachement au service public qu’il a affirmés lors de l’examen en séance publique de notre proposition de résolution européenne au mois d’avril dernier. Il lui suffit de demander, au nom de la France, la nomination de M. Michel Barnier au poste très important de commissaire européen en charge du marché intérieur et des services.

Si ce vœu est exaucé, nous espérons que M. Barnier demandera en priorité la mise en œuvre de la base juridique de l’article 14 du nouveau traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une fois le traité de Lisbonne en vigueur, et, par conséquent, l’élaboration d’une directive-cadre relative aux services d’intérêt général que les socialistes, comme les citoyens européens, les syndicats européens et la société civile européenne, réclament depuis maintenant de nombreuses années.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Une minute trente de dépassement !

Mme Bernadette Bourzai. Cette directive-cadre reste, pour nous, un préalable absolu à toute ouverture supplémentaire à la concurrence pour le service postal, comme pour tout autre secteur d’ailleurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous refusons la transposition de la directive 2008/6/CE.

Mme la présidente. Madame Bourzai, je vous rappelle que vous disposez de trois minutes pour présenter vos amendements. Je pense que vos collègues et vous-même aurez à cœur de respecter ce temps de parole.

M. David Assouline. Nous nourrissons le débat !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que le Gouvernement négocie à l’échelon européen une directive-cadre relative aux services d’intérêt général avant l’entrée en vigueur des dispositions portant transposition de la troisième directive postale.

Il a été fait allusion à la proposition de résolution européenne de Mme Tasca, dont j’ai été le rapporteur au mois d’avril dernier. Le Sénat avait alors considéré que la Commission européenne devait prendre des initiatives en vue de conforter les services d’intérêt général, mais n’avait pas exigé que ces initiatives prennent nécessairement la forme d’une directive-cadre.

Je suis donc opposé à cet amendement, d’autant plus que les délais sont manifestement irréalistes avant l’entrée en vigueur de la concurrence.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Madame la sénatrice, ma réponse sera identique à celle que je viens de faire à votre collègue. (M. David Assouline s’exclame.)

Monsieur Assouline, vous venez d’arriver et je vous salue. Mais vous n’êtes pas obligé d’interrompre tout le monde, à peine franchi le seuil de cet hémicycle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Madame Bourzai, j’ai bien entendu votre message et je le transmettrai au Premier ministre. Toutefois, un texte législatif ne peut contenir une injonction à l’exécutif.

Je rappelle en outre à la Haute Assemblée que transcrire en droit interne une directive européenne est une obligation constitutionnelle.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !

M. Michel Mercier, ministre. Le Conseil d’État vient d’ailleurs de le rappeler dans la décision qu’il a rendue le 30 octobre dernier sur l’affaire Perreux. Il reconnaît la possibilité pour tout citoyen de se prévaloir des dispositions d’une directive européenne, lorsque l’État n’a pas pris à temps les mesures de transposition nécessaires.

Le Gouvernement ne fait donc que son devoir en transcrivant cette directive européenne en droit interne.

Par conséquent, il émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. Didier Guillaume. C’est bien dommage !

M. Martial Bourquin. Quel manque d’ambition ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Navarro, pour explication de vote.

M. Robert Navarro. Il existe actuellement un vide cruel dans la législation communautaire : l’absence totale de cadre législatif clair pour les services publics.

C’est pour cette raison que je vous appelle à voter cet amendement. Depuis des années, nous militons en faveur d’un tel cadre juridique : la présidence française de l’Union européenne aurait pu avancer sur ce sujet-clé.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Robert Navarro. Elle était d’ailleurs attendue par les autres États membres. Elle n’en a pas eu la volonté politique. Je vous ai entendu, monsieur le ministre, et j’espère que vous transmettrez notre message de manière plus efficace !

À l’heure de la transposition de la directive relative à l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté, et dans la mesure où sera bientôt transposée la fameuse directive sur les services, dite « Bolkestein », un tel cadre juridique est absolument indispensable.

Les règles du marché intérieur ne peuvent pas s’appliquer aux services publics, qu’ils s’agissent des services d’intérêt général ou des services sociaux d’intérêt général. Les collectivités locales, les associations, les mutuelles et les syndicats en ont assez du flou juridique qui encadre leur activité. Ce n’est pas non plus à la Cour de justice des Communautés européennes de définir notre cadre juridique : il revient au pouvoir politique de prendre ses responsabilités.

Le Gouvernement serait bien inspiré de prendre conscience de l’urgence qu’il y a à construire ce cadre juridique avec ses partenaires européens avant de toucher à un seul service public.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je voterai cet amendement.

Je dois avouer n’avoir pas bien compris la position de M. Hérisson. Alors qu’il a été rapporteur de la proposition de résolution européenne de Catherine Tasca, il affirme aujourd'hui qu’il est trop tard pour agir. Je suppose que, à l’époque où a été examiné ce texte, il n’a pas soutenu qu’il était trop tôt ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Aujourd'hui, il se contente de rappeler qu’il a été le rapporteur de ce texte, ce dont nous le félicitons.

Monsieur le rapporteur, qu’avez-vous fait depuis que cette proposition de résolution européenne a été examinée en séance publique ?

M. David Assouline. Il n’a rien fait !

M. Jean Desessard. Si vous aviez agi, vous nous auriez évité d’avoir à déposer aujourd'hui cet amendement !

M. David Assouline. Bien sûr !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 359.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 263, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 1er janvier 2010, il est instauré une commission indépendante d'évaluation, composée de façon paritaire par des représentants de l'État, des salariés de La Poste, des associations d'usagers et de membres du Parlement.

Cette commission est chargée de procéder à l'évaluation objective et contradictoire pour La Poste du coût précis du service postal universel et des obligations qu'il comporte ainsi que le montant de la perte de recettes qu'implique la suppression du secteur réservé.

Cette commission présente au Parlement les résultats de son évaluation avant le 1er janvier 2011.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement vise à permettre une évaluation objective et contradictoire du coût précis du service postal universel ainsi que du montant de la perte de recettes qu’impliquerait la suppression du secteur réservé. Cela suppose la création d’une commission indépendante d’évaluation composée de façon paritaire par des représentants de l’État, pour leur légitimité, des salariés de La Poste, qui sont les mieux à même d’évaluer les coûts, des associations d’usagers, qui ont des demandes à formuler, car ils n’ont pas envie de perdre leur temps au guichet, et de membres du Parlement, qui représentent le peuple.

Le service postal universel a un coût évaluable, qui doit être établi de façon incontestable et connu de tous, afin d’être comparé aux recettes garanties ainsi qu’aux recettes plus aléatoires.

Dans le secteur public comme dans le secteur privé, ce préalable de bonne gestion est incontournable. Pour notre part, nous refusons le changement de statut et nous voulons, par cet amendement, prouver que derrière la « modernisation » se cache la volonté de démanteler le service public.

Monsieur le ministre, l’adoption de cet amendement vous obligerait à sortir du flou dans lequel vous maintenez le Parlement, les usagers et les salariés. Quel serait le coût précis d’un service postal universel résultant de la fin du secteur réservé ?

La directive européenne ne dit presque rien à ce sujet. Le rapport Ailleret sur le développement de La Poste est quasiment muet sur le sujet. Le rapport de la commission de l’économie, quant à lui, mentionne pour l’opérateur un « surcoût net » estimé « grossièrement à un milliard d'euros par an ».

Si les régions avaient été aussi peu exigeantes avec la comptabilité de la SNCF, lors de l’évaluation du coût de la décentralisation...