Mme Marie-Christine Blandin. ... et de la gestion du TER, on les aurait accusées de brader l’argent des contribuables !

Mme Marie-Christine Blandin. Je n’imagine pas que l’État soit moins vigilant que le sénateur Hubert Haenel, qui avait été mandaté par l’Association des régions de France dans les années quatre-vingt-dix. À moins que tout cela ne cache la volonté du Gouvernement de liquider le service public postal !

Ce n’est pas la perspective d’un fonds de compensation alimenté par les opérateurs qui nous rassure. Vous savez que France Télécom expérimente, pour y être adossée, la contestation permanente des coûts et les marchandages. Ensuite vient la tentation de céder aux nouveaux entrants, pour les attirer.

Nous refusons cette spirale, qui transforme les usagers en consommateurs, les consommateurs en consommateurs uniques qui ont les moyens, et les salariés en victimes.

D’ailleurs, le Comité économique et social européen a clairement estimé que « le financement durable du service universel n’était pas garanti par les éléments fournis par la Commission » et, dans son avis, il mettait en perspective « la pertinence du secteur réservé ».

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous attendons des comptes sérieux et demandons la création de cette commission indépendante d’évaluation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. C’est indispensable !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vous trouverez réponse à toutes vos interrogations dans l’excellent rapport Ailleret et dans l’avis qu’il a émis sur l’ensemble de cette problématique.

M. Jean Desessard. Il n’y a rien là-dessus !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Bien sûr que si ! On y lit même qu’actuellement le service public universel est bénéficiaire !

M. David Assouline. Pourquoi changer de statut s’il est performant ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’article L. 2-2 du code des postes et des communications électroniques prévoit que le fonds de compensation du service universel postal est alimenté par des contributions dont le montant est déterminé par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.

Ce mécanisme, précisé par l’article 16 du présent projet de loi, permettra à La Poste de supporter le coût financier de son obligation de service universel et répond donc à la préoccupation exposée par les auteurs de cet amendement.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. J’ai bien compris l’objectif des auteurs de cet amendement. Il est en effet indispensable de connaître le coût réel du service public universel, puisque cela conditionnera le montant des contributions qui seront exigées des opérateurs.

M. Michel Mercier, ministre. Sur ce point, nous sommes d’accord.

L’annexe I de la troisième directive postale donne des orientations à prendre en compte pour le calcul du coût net des obligations de service universel. Un décret reprendra l’ensemble de ses composantes.

L’ARCEP, autorité indépendante, est chargée d’évaluer ce coût dans notre pays. À cette fin, l’article 14 du texte issu des travaux de la commission prévoit qu’elle recevra communication de toutes les informations nécessaires par le prestataire du service universel.

Les précisions que je viens de vous apporter devraient vous conduire à retirer votre amendement. Dans l’hypothèse contraire, je donnerai un avis défavorable.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, aux termes du règlement, le signataire d’un amendement dispose d'un temps de parole de trois minutes pour en exposer les motifs. Les explications de vote sont admises pour une durée n'excédant pas cinq minutes.

Je vous demande de respecter ces règles, faute de quoi je me verrai dans l’obligation, par souci d’équité, de vous couper la parole. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

La parole est à M. Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Et moi qui avais prévu de ne parler que trois minutes ; je vais donc pouvoir poursuivre pendant deux minutes supplémentaires ! (Rires.)

Monsieur le ministre, vous êtes formidable ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Michel Mercier, ministre. Ça, c’est vrai ! (Rires.)

M. Jean Desessard. Cela dit, vous auriez pu remercier Mme Blandin d’avoir présenté un amendement positif, qui vise non pas à faire de l’obstruction, mais à garantir le sérieux de l'État en matière de finances publiques.

M. Michel Mercier, ministre. C’est ce que j’ai fait !

M. Jean Desessard. Je le fais, moi ! Merci donc, madame Blandin (Sourires), de vous être préoccupée des recettes et des dépenses de l’État, parce que, même si ce dernier est riche, il faut resserrer ses finances.

Par conséquent, je le répète, ce n’est pas un amendement d’obstruction.

M. Nicolas About. Pas celui-là !

M. Jean Desessard. Quelle réponse avez-vous donnée à cette proposition positive ? Vous nous avez dit que la directive européenne avait mis au point un mode de calcul du coût du service universel. Quel est donc le résultat de ce calcul, monsieur le ministre ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le rapporteur nous a indiqué que le rapport Ailleret mentionnait un chiffre. Lequel ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Non, il n’a pas donné de chiffre !

M. Jean Desessard. Nous y voilà ! Aucun chiffre n’est donné ni par la directive ni par le rapport Ailleret. Le seul chiffre disponible est celui de La Poste. Il est tout de même normal de vérifier si ce dernier est justifié.

Mais vous, vous faites complètement confiance à La Poste. Ce n’est pas sérieux ! C’est pour cette raison que nous vous proposons cet amendement visant à instaurer une commission indépendante d’évaluation, composée de façon paritaire par des représentants de l’État, des salariés de La Poste, des associations d’usagers et des membres du Parlement., afin d’évaluer le coût du service universel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Mercier, ministre. Il y a l’ARCEP !

M. Jean Desessard. Refuser un tel amendement est véritablement incompréhensible !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je vais utiliser la minute trente de temps parole qui reste à M. Desessard pour prolonger son argumentation.

Depuis deux jours, chaque fois que nous présentons un amendement, que nous prenons la parole, il nous est reproché de faire de l’obstruction, de ne pas formuler de propositions,…

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. C’est sûr !

M. Didier Guillaume. Non ce n’est pas sûr, monsieur le président ! Nous sommes là pour avancer ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

D’ailleurs, mes chers collègues, si nous avons perdu beaucoup de temps hier soir, c’est parce que vous étiez minoritaires et que chaque vote a donné lieu à un scrutin public. Si vous aviez été majoritaires, le débat aurait peut-être progressé plus vite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

En ce qui nous concerne, nous faisons bien des propositions même si, ce matin, M. le ministre nous a dit qu’un facteur à vélo irait toujours plus vite qu’un parti socialiste en panne. (Rires.) Ce n’est pas idiot d’ailleurs ! Mieux vaut s’arrêter que s’engager aveuglément dans une privatisation.

Avec cet amendement, nous vous soumettons une vraie proposition, qui pourrait recueillir l’unanimité. Que peut-on lui reprocher ? Personne n’est en cause ! Nous voulons créer une commission indépendante pour effectuer des vérifications et s’assurer du bon fonctionnement du système.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il y en a déjà une !

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas l’ARCEP qui joue ce rôle ! L’instance que nous appelons de nos vœux est très différente, puisqu’il s’agit d’une commission indépendante au sein de laquelle siégeraient, notamment, des représentants du Sénat.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Elle ne sera pas indépendante !

M. Didier Guillaume. Si le Sénat n’est pas indépendant, monsieur le président de la commission, c’est une nouvelle !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Ce n’est pas une autorité de régulation !

M. Didier Guillaume. Tel est donc le sens de cet amendement.

Cependant, constatant que chacun de nos amendements est retoqué (Exclamations sur les travées de lUMP.), nous nous interrogeons : avez-vous décidé de vous en tenir à votre texte et d’adopter la conception décrite par M. Longuet ce matin selon laquelle vous êtes majoritaires et donc que, quelles que soient nos propositions, nous avons politiquement tort parce que minoritaires,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il n’a pas dit cela !

M. Didier Guillaume. … auquel cas le Parlement ne sert à rien ?

Ou bien alors, acceptez-vous de débattre ? En l’occurrence, il s’agit un peu d’un amendement test. Par cette proposition positive, nous voulons montrer que tous les membres de la Haute Assemblée partagent le même souci de la défense du service public de La Poste et décident ensemble de se procurer des informations chiffrées plus développées que celles dont nous disposons aujourd’hui.

Le rapport Ailleret est muet sur ce point et, d’ailleurs, M. le rapporteur considérait, me semble-t-il, que ce qui était proposé était plus ou moins une usine à gaz.

En tout état de cause, cet amendement reflète notre souci d’avancer et je le soutiendrai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Il faut faire confiance à l’ARCEP !

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Cet amendement est symbolique de ce débat à plusieurs égards.

On laisse traîner dans l’opinion publique l’idée selon laquelle le changement de statut est une nécessité pour nos entreprises nationales, qui rencontrent des difficultés financières pour assurer leur mission de service public, face aux conditions de concurrence actuelle et aux contraintes imposées par les directives européennes, et doivent chercher des revenus dans un système concurrentiel.

Ainsi, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, dont je suis membre, sera bientôt saisie d’un projet de changement de statut de l’Agence France-Presse. S’il s’agissait de moderniser une structure créée voilà plusieurs décennies, ce serait acceptable. Mais l’on nous affirme qu’il faut remédier à la mauvaise situation financière de l’Agence, confrontée à un déficit structurel chronique. Or les chiffres montrent que, depuis 2002, l’Agence a toujours été bénéficiaire. Dès lors, pourquoi engager le changement de statut maintenant, puisque le problème n’est pas celui qui est affiché ?

Dans ce débat, nous demandons de la visibilité, non seulement pour les parlementaires qui en ont besoin pour légiférer, mais aussi pour l’opinion publique. Nombre de discussions deviendraient dès lors sans objet.

Monsieur le rapporteur, vous avez répondu à Mme Blandin et à M. Desessard que les chiffres – on ne connaît pas le montant exact – montrent que le service universel est bénéficiaire. Répétez-le à l’opinion ! Criez haut et fort que ce n’est pas la situation financière de La Poste qui pose un problème !

Dans ce débat stratégique, dont l’objet n’est pas seulement l’alternative entre la privatisation et l’absence de privatisation, vous dites qu’avec la directive européenne on ne peut pas injecter de l’argent dans La Poste,…

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. On n’a pas dit cela !

M. David Assouline. Si, vous le dites !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Il faut écouter !

M. David Assouline. … pour investir sur les marchés internationaux.

Mais c’est fort possible pour l’acheminement de la presse, le maillage territorial et la présence postale. Or c’est bien le seul sujet qui doit nous préoccuper, nous législateurs.

Pour nous, La Poste est un service public. Si vous voulez en faire une entreprise commerciale, spécialisée dans la vente, cela ne nous intéresse pas !

Nous souhaitons que nos concitoyens puissent disposer, comme par le passé, du service public qu’ils méritent, qui résiste à la concurrence résultant de l’ouverture des marchés, pour La Poste, la presse, le maillage territorial.

M. Daniel Dubois. On est d’accord !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiendrai cet amendement pour une raison très simple.

Pour permettre au Parlement de jouer le rôle très important que ne cesse de rappeler la majorité dans le domaine de l’évaluation, il faut, à l’évidence, lui donner les moyens de le faire en étant informé de façon objective.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est ce que nous essayons de faire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La création d’un organisme indépendant – vous en êtes friands ! – s’impose donc pour que nous, législateurs, puissions nous acquitter de cette mission de façon éclairée.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

M. Patrice Gélard. Mes chers collègues, j’ai l’impression que nous ne nous rendons pas toujours compte du fait que le Sénat a changé de mode de fonctionnement depuis la révision constitutionnelle. À l’heure actuelle, le texte issu des travaux de la commission est le texte de la majorité, ce qui n’est pas le cas des amendements qui sont proposés maintenant. Il est donc normal qu’ils soient repoussés par le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Eh oui !

M. David Assouline. C’est un aveu ! Il n’y a plus besoin de séance publique !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Mon cher collègue, chaque fois que vous intervenez, sous le sceau de la légalité et du droit, vous faites de la politique. Vous êtes un élu du peuple. Cependant, je ne voudrais pas que vous vous cachiez derrière le sceau du droit pour faire passer des messages politiques.

Savez-vous que le débat d’idées, dans une assemblée quelle qu’elle soit, y compris au Parlement, peut aboutir à des consensus sur des questions essentielles ? (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Lorsque votre opposition vous parle, plutôt que de vouloir passer comme des bulldozers, ne vaudrait-il pas mieux l’écouter et essayer de dégager des consensus dignes d’intérêt ?

M. Patrice Gélard. Il y a la commission pour cela !

M. Martial Bourquin. J’ai l’impression, mon cher collègue, que vous avez dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas !

M. le ministre nous a dit en commission : « Déposez des amendements ; tous ceux qui sont intéressants seront pris en compte. »

M. Daniel Laurent. Il n’y en a pas !

M. Martial Bourquin. Si vous nous dites à chaque amendement : « Circulez, il n’y a rien à voir », à quoi sert le Parlement ? Cela signifie que la loi sera faite par l’UMP et quelques satellites et que, en effet, il n’y a rien à voir ! C’est dramatique de penser ainsi !

Mes chers collègues, réfléchissez aux propos que vous tenez ! (Rires sur les travées de lUMP.)

Le débat est quelque chose d’important ! Nous savons bien tous, pour être membres d’assemblées élues, qu’une opposition est utile, qu’elle parvient parfois à soulever des lièvres, de véritables problèmes. L’ignorer purement et simplement en affirmant que tout ce qu’elle propose est systématiquement nul et non avenu témoigne d’une conception du débat d’un archaïsme épouvantable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Je suis heureux de l’intervention de M. Gélard (Ah ! sur les travées de lUMP), car elle éclaire l’état d’esprit dans lequel la majorité veut conduire les débats face à l’opposition.

J’avais cru comprendre que la réforme constitutionnelle permettrait une coproduction, tant dans le cadre du travail de commission qu’en séance publique.

Or M. Gélard vient de nous dire, et je reprends ses termes : « C’est le texte de la majorité ». Si tel est votre état d’esprit, à quoi sert le débat en commission ? À quoi sert le travail produit en commission, y compris le travail de nuit, comme ce fut le cas pour le Grenelle de l’environnement ?

Cela dit, je mettrai un bémol à mon propos s’agissant des pratiques de la commission des affaires économiques. En effet, dans le cadre du Grenelle – je pense essentiellement au Grenelle I car, sur le Grenelle II nous avons eu quelques divergences, mais c’est normal entre majorité et opposition – ont été retenues des avancées de l’opposition comme de la majorité, qui ont véritablement débouché sur un texte de la commission.

Monsieur le doyen Gélard, je vous le dis calmement, si tel est le fond de votre pensée, cela pose un véritable problème pour le fonctionnement du Parlement.

M. Martial Bourquin. C’est grave, très grave !

M. Daniel Raoul. Si le texte qui sort de la commission est toujours le reflet de la pensée unique de la majorité, à quoi sert l’opposition dans cet hémicycle ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean Desessard. Vous avez déclenché la machine, monsieur Gélard !

M. Jean-Jacques Mirassou. Au moment où nous nous acheminions vers une discussion plus calme, le doyen Gélard ranime l’assemblée !

M. Robert del Picchia. Ça réveille ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. M. Gélard est doyen, certes, mais certains d’entre nous sont également affectés de titres universitaires et ils n’essaient pas pour autant de parodier ou de dévoyer le rôle du Sénat.

Monsieur Gélard, en l’occurrence, vous vous comportez plus comme un saint Jean Bouche d’or que comme un doyen !

Mon collègue Daniel Raoul vient de le dire, si vos propos traduisent la pensée de la majorité en ce qui concerne à la fois l’utilité de l’opposition et le rôle fondamental du Sénat, c’est grave.

En tout cas, cette approche trouve au moins ses limites lorsque, comme hier soir, à minuit, nous nous trouvons face à une majorité introuvable pour cause de désaffection des élus du groupe UMP sur les rangs où ils doivent siéger ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Si vous trouvez que tel doit être réellement le fonctionnement du Parlement, pour notre part, nous ne pouvons accepter que le Sénat soit ainsi la métairie du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Je reviens au fond du sujet tout en répondant au doyen Gélard et en soutenant mon amendement.

M. le doyen Gélard justifie l’immobilisme de la majorité sur le texte de la commission par le fait que le débat, dit-il, a eu lieu en commission.

Ce faisant, il flèche comme unique légitimité pour ce débat le fait d’être membre de la commission de l’économie.

Mme Marie-Christine Blandin. Il exclut du débat les sénatrices et sénateurs qui ont des bureaux de poste, des salariés de La Poste près de chez eux, des maires et des usagers qui les interpellent.

C’est un véritable problème démocratique. Allez donc au bout du raisonnement, fermez l’hémicycle aux parlementaires qui ne sont pas de cette commission ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Vous me direz : dans vos groupes, vous pouvez parler entre vous.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr, c’est leur conception du débat parlementaire !

Mme Marie-Christine Blandin. Si j’avais eu le temps, j’aurais pu expliquer à Jean Desessard toute la pertinence de cet amendement pour qu’il le défende en commission. Malheureusement, le Parlement, dans sa légitimité, m’a confié d’autres responsabilités, l’office, un rapport sur la grippe, etc., et je n’ai pas eu le temps de le faire.

C’est donc dans l’hémicycle, en toute transparence, que j’essaie de mobiliser l’ensemble de mes collègues avec la légitimité que j’ai acquise de mon expérience de présidente de la première région qui a accepté la gestion décentralisée du TER.

Grâce à notre collègue Haenel, pendant deux ans, nous avons établi le cahier des charges d’un audit extrêmement complet pour nous apercevoir que le service public à la française méconnaissait le détail de ses coûts.

Je cite quelques exemples : coût des conducteurs, coût des guichetiers, pourcentage des trains corail et des TER, coût des gares, de leur entretien, des abonnements, des cartes de réduction pour les séniors, des cartes professionnelles ; qui payaient les abonnements étudiants ? (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Daniel Laurent. Revenons-en au sujet !

Mme Marie-Christine Blandin. Nous avons quasi éduqué les comptables de la SNCF.

Une commission comme celle-là vous permettrait de clarifier les coûts de la lettre qu’on envoie dans un village à l’autre bout de la France, l’entretien des bureaux de poste et le coût de ce qui est acheminé à vélo, en camionnette ou par d’autres moyens.

Vous ne voulez pas le savoir parce que la somme que vous préparez n’est pas suffisante et vous n’osez pas le dire devant les Français : quand on ne donne pas les moyens au service public, on le tue ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Comme mes collègues, je suis très surprise de la déclaration de M. Gélard.

Le débat qui a eu lieu au moment de la modification de l’organisation de nos travaux semblait montrer que tous ceux qui ne sont pas membres d’une commission devaient pouvoir s’impliquer dans un sujet comme celui-ci, qui nous intéresse tous au plus haut point.

Si les membres de la commission de l’économie sont nombreux, ils ne représentent pas obligatoirement la diversité de l’ensemble des membres du Parlement. Nous avons tous notre propre connaissance du terrain.

Comme l’a dit Marie-Christine Blandin, nous avons tous été confrontés à la difficulté d’appréciation du coût d’une partie du service public, quel qu’il soit, pas seulement celui de La Poste.

Donnons-nous aujourd’hui les moyens d’apprécier ! Je fais partie, avec M. Hérisson, du groupe de réflexion sur La Poste. Nous avons auditionné des responsables, notamment M. François Ailleret et personne n’a été en mesure de nous apporter des précisions aussi rigoureuses que celles évoquées par Marie-Christine Blandin pour la SNCF concernant le coût du service universel de La Poste.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Gélard n’en sait rien, il n’est pas membre de la commission !

Mme Marie-France Beaufils. Il faut faire ce travail. Nous ne pouvons pas nous en tenir à des appréciations données par La Poste elle-même sur les coûts.

Dire aujourd’hui, après le travail de la commission, « Circulez, il n’y a rien à voir ! » est un manque de respect pour les élus qui ne font pas partie de la commission de l’économie !

Nous avons décidé, en commun, de consacrer une semaine au débat sur ce sujet important qu’est l’avenir de La Poste et la présence postale sur l’ensemble du territoire et dans toutes les communes de France où elle est encore présente, y compris dans celles où elle devrait l’être avec l’augmentation des populations. Nous sommes assez nombreux aujourd’hui dans cet hémicycle pour chasser l’autisme qui vous gagne, mes chers collègues, depuis l’ouverture des débats lundi.

Il faut savoir entendre : ne restez donc pas fermés à nos arguments, qui sont loin d’être aussi politiciens que ceux que vous avez employés ce matin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Notre collègue M. Gélard est une grande voix du droit mais il n’en a pas le monopole.

Selon ses propos, le texte de la commission étant celui de la majorité, aucun amendement n’a lieu d’être voté par notre assemblée, ce qui implique que les amendements déposés par les membres du groupe UMP et par les non inscrits devraient donc systématiquement avoir le même sort. Je ne crois pas que ce soit bien, et cette analyse ne me paraît pas excellente.

Avec humilité, puisque je ne suis pas sénateur depuis très longtemps, je constate que les évolutions auxquelles nous avons pu assister – je me souviens du vote sur le travail dominical et de la quasi-obligation de vote conforme à laquelle nous avons été soumis – ne vont pas forcément dans le sens d’une plus grande démocratie. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Je voudrais revenir sur le débat qui a été engagé de façon impromptue par le doyen Gélard sur la méthode de fonctionnement de notre assemblée.

Je rappelle que la révision constitutionnelle et la réforme de notre règlement ont été annoncées comme une prétendue amélioration du rôle du Parlement et un rééquilibrage.

Un sénateur du groupe socialiste Oui, un « progrès » !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce qu’on voit tous les jours…

Mme Catherine Tasca. C’est dans ce sens que nous avons travaillé à la réforme du règlement. Il a été dit très clairement par tous ceux qui ont travaillé sur ce texte qu’en aucun cas il ne serait porté atteinte au droit d’amendement. Chaque parlementaire ici, quel que soit le groupe auquel il appartient, engage aussi sa responsabilité personnelle.

Vouloir nier l’exercice du droit d’amendement,…

M. Patrice Gélard. On ne le nie pas !

Mme Catherine Tasca. … c’est véritablement nier le rôle du Parlement.

Vous l’avez nié, monsieur le doyen…

Mme Catherine Tasca. … puisque vous prétendez que seuls les amendements pris en commission sont intéressants et donc recevables.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est offensant pour vos collègues, monsieur Gélard : s’ils ont envie d’adopter un amendement, ils en ont le droit !

Mme Catherine Tasca. Nous nous sommes donné une année d’exercice pour juger du fonctionnement de notre assemblée à partir de ces nouvelles dispositions.

Si la majorité avait la tentation d’interpréter le nouveau règlement comme une limitation du droit d’amendement pour l’opposition, lorsque nous en viendrons à évaluer nos nouvelles conditions de travail, nous serions amenés à reprendre notre liberté par rapport aux règles nouvelles.

Il est de l’intérêt de tous les membres du Sénat de bien réfléchir à cela et de respecter l’esprit de la réforme d’un règlement qui, pour le moment, est loin de nous prouver qu’il accroît les pouvoirs du Parlement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 263.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 22 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 152
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.