Mme Marie-France Beaufils. C’est bien dommage !

Mme la présidente. L'amendement n° 366, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le service public postal assure aux citoyens des tarifs péréqués et abordables sur l'ensemble du territoire.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Les activités de La Poste ont toujours revêtu un intérêt stratégique et social. En étant, nous ne cesserons de le rappeler, plus de 2 millions à voter en faveur de la tenue d’un référendum, que la majorité continue de refuser, sur la question de son statut, les Français ont témoigné de leur attachement à cette entreprise publique.

Il est, somme toute, assez curieux de voir un parti politique se méfier des électeurs. Quoi qu’il en soit, devant l’entêtement du Gouvernement à passer outre les craintes populaires, nous tenons à ce que le projet de loi rappelle clairement certains principes.

À cet égard, il nous semble nécessaire de bien préciser que les tarifs postaux sont régulés pour que ce qui constitue l’essence même du service public soit maintenu. Notre recommandation porte sur deux points : la péréquation des tarifs et leur caractère abordable.

Premièrement, la péréquation est une nécessité. Chacun le sait, pour un opérateur, l’acheminement d’une lettre n’a pas le même coût, selon qu’elle est distribuée dans l’Aude, l’Hérault, la Drôme ou en plein centre de Paris. L’accessibilité du territoire et la densité de la population font que certaines zones sont nécessairement plus rentables que d’autres.

Permettez-moi tout de même de rappeler que, aux termes de l'article 1er de la Constitution, la France est « une République indivisible ». Si l’on ajoute le principe de continuité territoriale, alors une lettre doit pouvoir circuler en tout point de notre territoire pour le même coût, afin que l’égalité des citoyens ne soit pas un vain mot. C’est là un principe fondamental de notre République, et il nous importe qu’il figure dès les premières lignes du projet de loi.

Puisque le Gouvernement a décidé de livrer La Poste à l’exigence de rentabilité, nous souhaitons instaurer suffisamment de garde-fous pour empêcher le délitement de la qualité du service et de ses valeurs.

Deuxièmement, La Poste doit fournir un service abordable, afin que l'ensemble de nos concitoyens puisse en bénéficier.

La votation citoyenne organisée le 3 octobre dernier l’a rappelé, La Poste est l’affaire de tous. Nous devons faire en sorte qu’elle puisse le rester. Il faut garantir aux Français qu’ils pourront à l’avenir avoir facilement accès au service postal.

Cela suppose, notamment, que le prix du timbre ne grimpe pas en flèche, comme on a pu le constater dans de nombreux pays ayant privatisé l’entreprise nationale chargée du courrier.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise donc à protéger les citoyens et les consommateurs. Non, la concurrence ne conduit pas nécessairement à une réduction des prix. Nous pourrions citer de nombreux exemples qui prouvent le contraire.

Aussi est-il de notre devoir de tout mettre en œuvre pour que les Français ne soient pas les grands perdants de ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mon cher collègue, cet amendement est satisfait tant par l’état du droit actuel que par les dispositions du projet de loi. D'ores et déjà, les tarifs du service universel sont uniformes sur le territoire et doivent demeurer abordables.

En effet, l'article 13 du texte prévoit : « Les services d’envois postaux à l’unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés au même tarif sur l’ensemble du territoire métropolitain. »

Par ailleurs, l'article L. 1 du code des postes et des communications électroniques précise : « Le service universel postal [est offert] à des prix abordables pour tous les utilisateurs. »

Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Courteau, l'amendement n° 366 est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. Exceptionnellement, nous allons dire que nous avons été convaincus par les propos de M. le rapporteur, mais pas par ceux de M. le ministre, qui a été bien bref ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Christian Estrosi, ministre. Mais je suis du même avis que M. le rapporteur !

M. Roland Courteau. Nous retirons donc cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 366 est retiré.

L'amendement n° 368, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le service public postal fournit ses services en répondant aux exigences d'aménagement du territoire.

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Cet amendement a pour objet de rappeler que l'aménagement du territoire est considéré comme une « exigence essentielle » – pour reprendre la terminologie européenne – depuis la première directive postale de 1997. En effet, selon le point 19 de son article 2, complété par la troisième directive postale, l’aménagement du territoire constitue l’une des « raisons générales de nature non économique qui peuvent amener un État membre à imposer des conditions pour la prestation des services postaux ».

Le fait d’inscrire cette notion dans le projet de loi, avant même l'article 1er, permettrait de s’assurer que le Gouvernement souscrit bien à cette exigence.

Monsieur le rapporteur, le 30 avril dernier, à la suite de la demande de plusieurs de nos collègues d’une directive-cadre pour les services d'intérêt général formulée à l’occasion d’un débat sur une proposition de résolution européenne, vous aviez vous-même reconnu ceci : « Les services publics réduisent les inégalités de fait en apportant à chacun la possibilité d’obtenir des soins, d’éduquer ses enfants, de se déplacer pour un coût raisonnable. Une société pourvue de services publics efficaces bénéficie d’un point d’accroche lors des crises économiques.

« J’ajouterai – j’y suis particulièrement sensible en tant que président de l’Observatoire national de la présence postale – que seule l’intervention des pouvoirs publics, notamment la péréquation, peut assurer à chacun un accès aux services de poste et de télécommunications, même pour celui qui est situé dans un territoire isolé ou socialement défavorisé, sans jamais dissocier les deux. »

Les services d'intérêt général ont donc des spécificités qui doivent être prises en compte. C’est ainsi que la Confédération européenne des syndicats estime que « des dispositions devraient être prises avant de décider de libéraliser des secteurs essentiels comme le secteur postal, afin de préserver la cohésion économique et sociale de l'Union européenne ».

Or, lors de l'examen de la proposition de troisième directive postale, l’UNI-Europa Poste, qui représente les syndicats postaux de tous les États membres, soit plus d’un million d’employés sur un effectif total de 1,6 million, a bien noté un déficit d’analyse et d’évaluation de l’impact économique et social et des effets sur l’emploi de la réduction du secteur réservé, et ce à chaque étape du processus, et a regretté que « les études retenues par la Commission pour arrêter ses propositions ne se [soient] pas intéressées aux répercussions sur la cohésion sociale et territoriale ni à l’emploi ».

Personne ne peut accepter que l'aménagement du territoire fasse finalement les frais à la fois de la troisième directive postale et de ce projet de loi. De la même façon, nous ne saurions tolérer un nouveau transfert de charges sur les collectivités.

L’exigence d’une directive-cadre pour les services d'intérêt général est, à ce titre, pleinement d’actualité.

Monsieur le ministre, vous vous dites réellement attaché, comme nous le sommes nous-mêmes, non seulement à la préservation des services publics, mais aussi à leur promotion : eux seuls peuvent garantir la solidarité et la cohésion sociale et territoriale. Vous vous devez donc d’encourager officiellement les États membres à donner vie à la nouvelle base juridique autorisée à cette fin par le traité de Lisbonne. Se saisir des nouvelles possibilités offertes par ce texte, qui devrait très prochainement entrer en vigueur, constituerait un symbole fort pour l'ensemble des citoyens européens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Madame Alquier, cet amendement tend à préciser que le service public postal fournit ses services en répondant aux exigences de l’aménagement du territoire. Comment ne pas approuver une telle disposition ?

Or, La Poste contribue déjà, par son réseau, à l’aménagement du territoire. Cette mission de service public est d’ailleurs – je prends M. le ministre de l'espace rural et de l’aménagement du territoire à témoin – renforcée dans le texte adopté par la commission, qui me paraît suffisamment explicite pour répondre à votre préoccupation.

Point n’est besoin de se répéter, et je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Daniel Raoul. À quel article faites-vous allusion ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. En mettant notamment en avant le service universel postal, le projet de loi initial prenait déjà en compte les critères d’aménagement du territoire et d’accessibilité, plus précisément à l'article 2 pour répondre à l’interpellation de M. Raoul.

La commission de l’économie du Sénat est allée encore plus loin, puisqu’elle a adopté, avec l’accord du Gouvernement, un amendement visant à prévoir 17 000 points de contact de La Poste sur le territoire français.

Par conséquent, madame la sénatrice, votre amendement est pleinement satisfait, même si je comprends que vous l’ayez déposé et que vous souhaitiez en discuter. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

M. Jean Bizet. Voilà qui est bien dit !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Pour une fois qu’une directive européenne comporte un élément très positif – je fais référence, bien sûr, à la prise en compte de l’aménagement du territoire comme l’une des exigences essentielles pouvant amener un État membre à imposer une certaine organisation pour la prestation de services postaux –, pourquoi diable la commission et le Gouvernement n’acceptent-ils pas de l’énoncer en chapeau du projet de loi ?

Je constate d’ailleurs que M. Mercier, l’un de nos anciens collègues, se pose la même question et semble être d’accord avec moi sur ce point.

M. Michel Mercier, ministre. Non !

M. Michel Teston. Très franchement, je ne vois pas les raisons qui justifient de ne pas inscrire dans le texte que le « service public postal fournit ses services en répondant aux exigences d’aménagement du territoire ».

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, nous avons vraiment de la chance de vous compter parmi nous cet après-midi !

L’idée générale, c’est que nous sommes tous favorables à l’aménagement du territoire. Mais là où tout se complique,…

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est quand il faut de l’argent !

M. Jean Desessard. … c’est effectivement quand la collectivité doit payer.

M. Michel Mercier, ministre. Je vais vous répondre !

M. Jean Desessard. Il faut en effet assurer le service public, même quand il n’est pas rentable. Parce qu’il est utile, parce qu’il permet d’éviter la désertification rurale et de maintenir une présence humaine dans les villages, la collectivité doit faire un effort financier.

Monsieur le ministre, selon vous, nous devrions être satisfaits. Sans doute allez-vous me dire que je suis exigeant, mais pourriez-vous nous satisfaire davantage encore ? (Exclamations amusées.)

M. Michel Charasse. Satisfait ou remboursé !

M. Jean Desessard. Nous serions rassurés si vous pouviez prendre l'engagement de prévoir, dans les années à venir, les moyens nécessaires pour maintenir des bureaux de poste à part entière plutôt que d’installer des « points poste » chez les commerçants. Car ces derniers n’assureront, tout au plus, que deux ou trois des dix-sept tâches que remplit actuellement un bureau de poste.

Si vous aviez pu, grossièrement bien entendu et sans entrer dans le détail des 17 000 points de contacts, auquel cas nous risquerions d’être encore là dimanche, nous communiquer l’ensemble des moyens que votre ministère compte obtenir de La Poste pour maintenir, dans le cadre de l’aménagement du territoire, cette présence postale, nous serions davantage rassurés. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Pour être agréable à M. Desessard, ainsi qu’à l’ensemble de ses collègues, je veux rappeler que les obligations d’aménagement du territoire, qui s’appliquent spécifiquement à La Poste, et non aux autres opérateurs, sont incluses dans la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom. Nous les reprenons dans l’article 2 du présent projet de loi, mais elles sont déjà inscrites dans la loi.

C’est pourquoi l’amendement est satisfait. Je vous demande donc, madame Alquier, de bien vouloir le retirer.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.

M. René-Pierre Signé. L’aménagement du territoire est extrêmement important et le rôle qu’occupe La Poste dans ce domaine est prépondérant. La desserte des hameaux, en particulier, est essentielle, car la France ne peut pas vivre avec des zones complètement dépeuplées et délaissées.

Comme je l’ai déjà dit, je connais des personnes qui prennent des abonnements dans le seul but de voir le facteur : celui-ci leur apporte, non seulement le journal, mais aussi de la vie. En effet, le pire pour certaines personnes âgées et isolées, ce n’est pas la solitude, mais l’isolement.

Je suggère donc plutôt un élargissement des activités de La Poste. Après tout, c’est bien ce qu’elle a fait en devenant une banque postale : la banque des pauvres, d’ailleurs ; des gens qui ne sont pas clients des banques ; des personnes âgées qui, dans les campagnes, ont l’habitude de faire appel à elle pour ouvrir un livret.

Pourquoi le facteur ou le préposé de La Poste, qui se rend dans chaque hameau, dans chaque maison, ne pourrait-il pas assurer en même temps le portage des repas ? Pourquoi ne pourrait-il pas apporter de tels services supplémentaires ? Cette idée a déjà été proposée et je crois qu’elle correspond bien à la notion de vivre ensemble, de lien social.

M. Michel Mercier, ministre. C’est l’objet de l’article 2 !

M. René-Pierre Signé. Pour cette raison, nous tenons absolument à maintenir une présence postale, en tous lieux et tous les jours.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. La notion d’aménagement du territoire se situe réellement au cœur de nos préoccupations. Cela ne fait aucun doute ! Dans cet hémicycle, nous sommes tous convaincus de son importance, tant dans les secteurs urbains, dans les villes, que dans le monde rural et dans nos villages – nous sommes nombreux, ici, à représenter de petites communes. Nous sommes également tous convaincus du rôle indispensable que La Poste peut jouer dans les territoires ruraux.

M. le ministre et M. le rapporteur nous ont apporté des assurances, notamment en évoquant les dispositions de la loi du 2 juillet 1990, quant à la prise en compte de cette notion d’aménagement du territoire.

Nous sommes aussi particulièrement sensibles à l’importance de la présence humaine. Même si, malheureusement, notre société évolue beaucoup dans le virtuel, La Poste montre l’exemple dans ce domaine. Ses agents méritent donc aussi beaucoup de respect et de reconnaissance.

Quoi qu’il en soit, je crois que nous pouvons nous fier à la réponse de M. le ministre : la notion d’aménagement du territoire, à laquelle nous accordons tous, ici, une importance certaine, est bien prise en compte dans ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. Nous allons soutenir avec ardeur l’amendement n° 368, présenté par le groupe socialiste, dans la mesure où il se réfère aux exigences d’aménagement du territoire. Ce sont des exigences auxquelles nous sommes particulièrement attachés, notamment en cette période où le Gouvernement s’apprête à dynamiter les communes et les départements dans un projet de loi dit « de réforme territoriale ».

Je ne veux pas opposer les ruraux et les urbains, qui sont complémentaires. Toutefois, ce pays compte 20  % de ruraux qui souffrent chaque fois que de beaux messieurs de La Poste viennent nous rencontrer, nous, les élus de ces populations, pour annoncer des fermetures progressives de bureaux de poste : d’abord le mercredi matin, puis le mardi après-midi… Malheureusement, les commissions départementales ne peuvent absolument pas peser sur ces choix, qui sont imposés.

Ce matin, nous parlions de référendum. Sur ce sujet particulier de l’aménagement du territoire, il y a vraiment lieu d’organiser un référendum. Si vous le souhaitez, monsieur le ministre, nous pourrions même regrouper les deux sujets. Cela serait certainement intéressant : il suffirait de prévoir deux cases à cocher !

Vous êtes effectivement en train de faire sauter l’héritage de 1789, l’héritage de nos communes, de nos départements.

Au cours de ce débat, certains sont remontés à Louis XI. J’irai moins loin, s’agissant de l’aménagement du territoire. Néanmoins, mon attachement à ce sujet est d’autant plus fort que c’est un député des Côtes-du-Nord, département aujourd’hui dénommé les Côtes-d’Armor, qui s’est battu, entre 1839 et 1847, pour l’adoption du tarif postal unique. Celui-ci a été adopté en 1848. À l’époque, le timbre-poste n’existait pas encore ! Ce député des Côtes-du-Nord, élu sans discontinuité de 1834 à 1846, s’appelait Alexandre Glais-Bizoin et, quand il est décédé, en 1877, il était toujours conseiller municipal de la ville de Saint-Brieuc.

C’est vous dire, mes chers collègues, tout l’attachement que nous portons au principe d’un traitement égalitaire – il y a bien écrit « Égalité » quelque part sur les frontons de nos mairies ! – de l’ensemble de nos citoyens par ce grand service public qu’est La Poste.

Voilà pourquoi nous soutiendrons et voterons cet amendement ! Cette notion, essentielle, risque malheureusement de disparaître car nous voyons bien quel sera le profil de La Poste de demain. Il y aura de grands paquets de boîtes aux lettres au bout des routes de nos hameaux. Comment les personnes âgées feront-elles, dans ces conditions, pour aller chercher leur courrier ? Il y aura aussi des tarifs encore plus différenciés qu’aujourd’hui. Certes, il existe différents tarifs, envoi lent ou envoi rapide, et des tarifs pour les entreprises. Il n’empêche que, demain, les personnes éloignées des bureaux de poste devront payer plus cher.

Voilà, messieurs les ministres, ce que vous qualifiez de modernisation. Eh bien non ! Avec ce projet de loi, vous êtes en train de faire voter un véritable recul de société ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Je viens de vérifier les références qui ont été données par M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.

Je suis navré, monsieur Mercier, mais il n’y a aucune trace d’une mission d’aménagement du territoire, ni dans la loi du 2 juillet 1990 – je parle bien de la loi, et non d’un code des postes et des communications électroniques – ni dans l’article 2 du projet de loi débattu aujourd’hui.

Certes, ce dernier fait apparaître toute une série de missions de service public, dont « le service universel postal » ou encore « la contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire ». Mais il est bien fait mention d’une contribution au travers du réseau postal, et nullement d’un service public d’aménagement du territoire, ce qui devrait être la mission de base de La Poste.

Je trouverai donc tout à fait normal que, au moment où nous évoquons tous, les uns et les autres, le rôle de service public de La Poste, cette mission d’aménagement du territoire soit inscrite en préambule des articles. Cela ne mangerait pas de pain et nous pourrions même obtenir un consensus sur cette mission de La Poste ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Si vous souhaitez des références précises, monsieur Raoul, je vous rappelle les dispositions de la loi du 2 juillet 1990, dans son article 6 : « Dans l’exercice de ses activités visées à l’article 2 de la présente loi, La Poste contribue, au moyen de son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire national, en complément de ses obligations de service universel au titre des articles L. 1 et L. 2 du code des postes et des communications électroniques et dans le respect des principes fixés à l’article 1er de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Pour remplir cette mission, La Poste adapte son réseau de points de contact, notamment par la conclusion de partenariats locaux, publics ou privés. »

Nous sommes en train d’examiner des amendements portant articles additionnels avant l’article 1er.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. … et, comme le savent ceux qui ont suivi, en commission, l’évolution du projet de loi, un certain nombre des points évoqués ici seront satisfaits au fur et à mesure de la discussion des articles.

Je vous demande donc simplement, mes chers collègues, de faire preuve de confiance à mon endroit ! Sur des sujets aussi essentiels que celui que nous évoquons, nous pourrons avoir un débat, mais cela se fera à l’occasion de l’examen d’articles ultérieurs. Ces discussions trouveront mieux leur place, me semble-t-il, dans le déroulement ultérieur de nos travaux, ce qui permettra éventuellement d’enrichir la loi avec des propositions de l’opposition.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On commence à être sérieux !

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Sutour, pour explication de vote.

M. Simon Sutour. Je ne sais pas si mes collègues souhaitent répondre à la proposition que M. le rapporteur vient de formuler. Pour ma part, je suis surpris et choqué par les propos qui sont tenus !

On nous dit : nous sommes tous d’accord sur le fait que La Poste doit contribuer à l’aménagement du territoire. M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire nous signale que cette disposition est prévue dans la loi du 2 juillet 1990, mais il y a débat sur le contenu de cette loi. M. le rapporteur, quant à lui, nous indique qu’elle figure dans le projet de loi que nous allons voter. Il n’y aurait donc pas de problème et, sur le fond, nous serions tous d’accord.

Je prends à témoin l’ensemble de nos collègues, sans faire de distinction entre les représentants de départements ruraux ou urbains – le mien est à la fois urbain et rural : l’inscription d’une telle mention dans la loi n’est pas d’une efficacité considérable ! Quand nous parcourons nos communes et nos cantons, on ne cesse de nous saisir pour des bureaux de poste qui ferment une demi-journée, puis une autre. C’est un lent équarrissage !

Vous avez peut-être raison formellement, monsieur le rapporteur. Ne m’étant pas penché sur le contenu complet, exact, détaillé, exhaustif de cette loi du 2 juillet 1990, je n’en sais rien. Je vous fais donc confiance, puisque vous manifestez un grand intérêt pour La Poste et l’aménagement du territoire.

Mais, franchement, mes chers collègues, qui peut le plus peut le moins ! Si cela ne vous pose pas de problème sur le fond, acceptez donc notre amendement !

Sinon, vous revenez à la position que notre collègue Patrice Gélard a défendue et qui m’a choqué. Celui-ci semble estimer que tout est réglé, qu’il y a une majorité, que les commissions ont déjà délibéré et que, par conséquent, nous pouvons faire toutes les propositions que nous voulons, chanter,…

M. Simon Sutour. … le débat continuera. Moi, je dis « non » !

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, faites preuve d’ouverture et la discussion sera plus rapide ! Je tenais à insister sur ce point, et j’en ferai part aux élus de mon département.

Mes chers collègues, si cet amendement, qui permet d’enfoncer le clou s’agissant de l’obligation pour La Poste de contribuer à l’aménagement de nos territoires, notamment dans les zones rurales et de montagne, n’est pas adopté, chacun devra prendre ses responsabilités et les assumer devant nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le rapporteur, nous avons bien entendu les engagements que vous avez pris en ce qui concerne l’article 2. Vous avez parlé de confiance, mais nous restons vigilants et maintenons notre amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 368.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 354, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un moratoire est instauré sur l'entrée en vigueur de la directive 2008/6/CE du 20 février 2008

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Cet amendement a pour objet d’instaurer un moratoire sur l’entrée en vigueur de la troisième directive postale du 20 février 2008, qui, par son article 7, interdit désormais aux États membres d’accorder ou de maintenir des droits exclusifs et spéciaux dans le secteur postal.

Or, avec l’arrêt Corbeau du 19 mai 1993, la Cour de justice des communautés européennes a étudié le droit exclusif de collecter, de transporter et de distribuer le courrier confié par la loi belge à la Régie des postes. Elle a admis que l’article 90 du traité permet aux États membres de conférer à des entreprises, qu’ils chargent de la gestion de service d’intérêt économique général, des droits exclusifs susceptibles de faire obstacle à l’application des règles du traité sur la concurrence, dans la mesure où des restrictions à la concurrence sont nécessaires pour assurer l’accomplissement de la mission particulière qui a été impartie à ces entreprises.

D’autres arrêts rendus depuis lors, comme Commune d’Almelo du 27 avril 1994 et International Mail Spain du 15 novembre 2007, vont dans le même sens.

Cette jurisprudence constante n’a empêché ni l’adoption de directives soumettant les services d’intérêt général à la loi du marché ni une interprétation très libérale des directives sectorielles par la Commission.

Dans le cas de la troisième directive postale, aucune étude préalable n’a été menée, ni de la part de la Commission européenne ni de la part du Gouvernement, sur la portée de cette jurisprudence qui vient conforter, sur le plan juridique, la nécessité économique et sociale du maintien du secteur réservé comme option laissée aux États membres pour financer le service universel postal.

Dès lors, il nous paraît indispensable de demander un moratoire sur l’entrée en vigueur de la troisième directive postale et de contester le bien-fondé du projet de loi, qui vise à la transcrire, en attendant que la preuve soit faite que les droits exclusifs et spéciaux ne peuvent être invoqués dans le cas présent pour préserver le secteur réservé postal. Nous souhaitons que le Gouvernement prenne en compte notre demande et se rapproche d’autres États européens pour obtenir l’instauration d’un moratoire. Dans un contexte marqué par une profonde crise économique, financière et sociale, il devrait trouver des alliés.