M. Jean Desessard. C’est incroyable !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Du reste, cette participation restera minoritaire et ne pourra jamais aboutir à une privatisation de La Poste, d’autant que celle-ci, étant devenue une société anonyme, aura la possibilité d’attribuer à son personnel des actions gratuites, lesquelles pourront, si les salariés le souhaitent, être vendues à l’État actionnaire.

Par conséquent, il me semble dommage d’évoquer un risque qui n’existe pas. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.) Les salariés, dont la participation est limitée, ne pourront céder éventuellement leurs actions qu’à l’État ou aux personnes morales de droit public. J’en appelle à votre bon sens, mes chers collègues. Nous verrons tout à l’heure que M. Desessard a déposé un amendement intéressant sur ce point.

L’amendement n° 268 est satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi, qui prévoit que le capital de La Poste est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public. La commission y est donc défavorable.

L’amendement n° 269 est également satisfait, qui vise à préciser que le capital de La Poste est incessible à d’autres acteurs que l’État, les personnes morales de droit public et les personnels.

L’amendement n° 270 a pour objet de conditionner toute prise de participation au capital de La Poste à l’acceptation d’une clause d’incessibilité. Celle-ci serait parfaitement dérogatoire au droit commun des sociétés, puisqu’elle interdirait tout échange d’actions de La Poste entre l’État et les autres personnes morales de droit public qui participeront à son capital. La commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 272 prévoit l’incessibilité des participations au capital de La Poste jusqu’en 2020. Même ainsi limitée dans le temps, une telle clause d’incessibilité n’apparaît pas justifiée.

En ce qui concerne l’amendement n° 271, dans la mesure où l’État cède une partie du capital de La Poste, je ne vois pas pour quelle raison il souhaiterait disposer d’un droit de préemption sur les actions de la future société anonyme. Je le rappelle, le caractère public du capital de La Poste est, en toute hypothèse, garanti.

Enfin, la commission demande au Gouvernement de bien vouloir lui faire connaître son avis sur l’amendement n° 582, dont l’objet est semblable à celui de l’amendement nº 567, puisqu’il prévoit de préciser que l’État sera actionnaire majoritaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Les auteurs des amendements nos 31 rectifié, 266, 265 et 441 rectifié souhaitent que seul l’État puisse être actionnaire de La Poste. Selon nous, il serait dommage de priver La Poste de l’apport de la Caisse des dépôts et consignations. Nous sommes donc défavorables à une telle proposition.

L’amendement n° 567, qui prévoit que l’État sera l’actionnaire majoritaire de La Poste, ne paraît pas nécessaire, le capital devant être presque entièrement détenu par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, laquelle est le bras armé de l’État. Votre amendement n’apporte rien, monsieur Merceron, le texte étant déjà suffisamment explicite, néanmoins je ne verrais pas d’inconvénient majeur à son adoption. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 27 et 267, je ne comprends pas, très sincèrement, que l’on puisse vouloir supprimer un droit ouvert aux salariés par le projet de loi, celui de détenir une part du capital. Le Gouvernement est fondamentalement opposé à une telle intention : on ne peut pas à la fois clamer, du matin au soir, sa considération pour le personnel de La Poste et vouloir refuser aux salariés qui le souhaitent la possibilité de devenir actionnaires de leur entreprise !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Versez-leur de meilleurs salaires !

M. Christian Estrosi, ministre. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

En ce qui concerne l’inscription d’une clause d’incessibilité des parts, je suis en désaccord avec les auteurs des amendements, notamment s’agissant des actions détenues par les salariés. En effet, un salarié de La Poste qui achèterait des parts de son entreprise n’aurait pas le droit de les revendre ensuite à un autre salarié, à l’État ou à la Caisse des dépôts et consignations, seuls actionnaires possibles, je le rappelle. Dans cette hypothèse, que se passerait-il si un salarié avait besoin de céder sa participation parce qu’il traverse de graves difficultés personnelles ? J’émets un avis défavorable sur les amendements nos 269, 270 et 272.

Enfin, l’amendement n° 271, dont je me suis longuement entretenu avec M. le rapporteur, tend à instaurer un droit de préemption de l’État pour toute cession de participation. Dans ces conditions, un salarié qui voudrait acheter un titre à un autre salarié devrait d’abord demander à l’État si celui-ci compte exercer son droit de préemption… Cela étant, cette disposition, marquée par un certain bon sens, ne me pose de problème fondamental. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 31 rectifié.

Mme Odette Terrade. Il n’est évidemment pas question que nous retirions cet amendement, qui porte sur la détention du capital de La Poste et sur son incessibilité.

Nous souhaitons en effet clairement inscrire dans la loi, même si cela ne représente, je le répète, qu’une position de repli au regard de notre opposition de fond au changement de statut de La Poste, que le capital de l’entreprise ne pourra pas être détenu par une personne morale de droit public autre que l’État et qu’il ne pourra en aucun cas être cédé.

Si vous souhaitez, monsieur le ministre, rendre La Poste « imprivatisable », selon le néologisme que vous utilisez depuis le début de ce débat, nous vous offrons ici la possibilité d’atteindre cet objectif : il vous suffit d’appeler les parlementaires de l’UMP à adopter notre amendement. Sinon, nous serons enclins à penser que telle n’est pas votre intention réelle et que, dans le novlangue sarkozien comme dans celui d’Orwell, les réalités recouvertes par les mots ne correspondent pas à ce qu’ils désignent. Autrement dit, les promesses n’engagent que ceux qui y croient !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous apportiez quelques précisions.

Il est donc prévu que la Caisse des dépôts et consignations prenne une participation dans le capital de la future société anonyme. Or je note que le conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, qui s’est réuni il y a deux jours, n’a été saisi d’aucun projet de cet ordre. Trouvez-vous cela normal, alors que la constitution de la société anonyme devrait intervenir, si ce projet de loi est adopté, à brève échéance ? Certes, le conseil de surveillance se réunira à nouveau dans quinze jours, mais les délais sont courts… Quel est le calendrier prévu pour l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations ?

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Le texte initial du projet de loi constituait une provocation, après le succès de la consultation citoyenne, qui a permis de recueillir plus de deux millions de signatures en faveur du maintien du caractère public de La Poste.

« À la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l’État », est-il écrit à l’article 1er. Et ensuite ? Je reste dubitatif quant aux intentions réelles du Gouvernement.

En effet, le statut de société anonyme permet la détention de parts par une société d’économie mixte. Cela est tout à fait courant. Par quelle magie pourrait-on garantir qu’il n’en sera jamais ainsi concernant La Poste ? Comment le Gouvernement, dans cette période incertaine de crise, face à l’injonction européenne de tout ouvrir à la concurrence, pourrait-il prévoir et garantir que, à l’avenir, le capital de la société anonyme restera à 100 % public ?

Les déclarations gouvernementales visent à calmer l’opinion publique, hostile à la privatisation de La Poste.

Nous aimerions pouvoir les croire, mais nous éprouvons des doutes, car cette opération n’est pas une première et les précédents changements de statut d’entreprises publiques ont abouti, en dépit des promesses faites, à des privatisations totales, à une dégradation du service rendu, à une hausse des tarifs et à une couverture insatisfaisante du territoire. De surcroît, ce processus suscite un mal-être profond parmi les salariés, qui, attachés au service public, se voient contraints d’adopter une logique de rentabilité à tout prix. Nous avons tous en tête l’exemple dramatique de France Télécom, mais il en va de même pour Gaz de France, pour ERDF ou je ne sais quel autre morceau de ce que l’on appelait naguère EDF.

Pourquoi en irait-il différemment demain avec le secteur public postal ? Tous les personnels ont attiré notre attention sur le fait que La Poste était déjà prête à être dépecée et vendue à la découpe. Les activités non rentables, celles qui faisaient pourtant la qualité du service rendu à celui que l’on appelait l’ « usager », devenu maintenant le « client », seront laissées à la charge de l’État et dotées de moyens drastiquement réduits, avant d’être purement et simplement supprimées. C’en sera alors fini des multiples petits services quotidiens que rendent encore certains résistants, considérés comme des « moutons noirs » par la direction actuelle.

Cette prédiction est malheureusement plus crédible que la promesse du maintien de la propriété publique de l’intégralité du capital de la société anonyme…

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Notre groupe apprécie la rectification de l’amendement, visant à rendre incessible le capital de la société anonyme. Toutefois, à l’instar des membres du groupe CRC-SPG, nous ne faisons pas confiance au Gouvernement et redoutons que la transformation du statut de La Poste ne constitue la première étape vers la privatisation.

Dans ces conditions, nous ne prendrons pas part au vote sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Ce débat me semble quelque peu surréaliste. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Nous discutons du statut d’une entreprise publique qui exerce des missions de service public. À cet instant, il n’est sans doute pas inutile de rappeler le b.a.-ba de la première année de droit. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Odette Terrade. Tout le monde n’a pas fait de droit, monsieur Portelli ! Restez correct !

M. Hugues Portelli. Mais vous rabâchez toujours les mêmes inepties ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)

Premièrement, une entreprise publique peut avoir différents statuts juridiques.

Deuxièmement, La Poste est, au moins depuis 1968, un service public à caractère industriel et commercial, ce qui a des conséquences en termes de missions et de statut des agents. Certes, une grande partie de ces derniers sont des fonctionnaires, pour des raisons historiques, mais rien n’impose qu’il en soit ainsi.

Par ailleurs, les missions de service public de La Poste peuvent varier dans le temps. Ainsi, certaines missions qu’elle exerçait jadis ne relèvent plus aujourd’hui du service public – je pense notamment au secteur des télécommunications.

Le problème est que l’activité postale relève des compétences de l’Union européenne. Une directive a été adoptée.

M. Jean Desessard. Par vous !

M. Jean Bizet. Et alors ?

M. Hugues Portelli. Elle l’a également été par tous vos camarades des partis socialistes européens. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. M. le professeur ne va pas nous intimider !

M. Hugues Portelli. Nous avons obtenu que cette directive consacre la notion de service public universel. N’oubliez pas, mes chers collègues, qu’obtenir la reconnaissance par l’Union européenne du service public tel que nous le concevons traditionnellement en France exige de mener une véritable bataille politique. Or, nous avons remporté des victoires significatives sur ce terrain. Alors que d’aucuns considéraient la libéralisation totale comme l’issue inéluctable, la notion de service public universel a été retenue, et elle peut notamment s’appliquer à La Poste. Certes, le vocabulaire employé ne correspond pas aux termes juridiques français, la plupart des textes communautaires étant d’abord rédigés en anglais, mais nous avons bel et bien obtenu ce résultat. Chaque État membre a ensuite la possibilité d’adapter cette directive comme il l’entend, et c’est d’ailleurs ce que tend à faire le présent projet de loi, dans un sens conforme à notre conception traditionnelle du service public postal.

Cela étant précisé, dans une économie concurrentielle, si nous ne voulons pas que La Poste meure d’asphyxie financière, nous devons changer son statut pour lui permettre de se financer et d’investir. Nous faisons en sorte qu’il s’agisse de capitaux publics, en sollicitant la holding d’État qu’est la Caisse des dépôts et consignations. Tous les États qui ont voulu préserver le statut public de la poste ont procédé de la sorte. C’est une question de bon sens financier et juridique, et même de bon sens tout court.

Prêter au Gouvernement et à la majorité des intentions perverses, en les accusant de vouloir en fait liquider le service public, c’est tout simplement faire preuve d’ignorance. Il existe d’autres statuts, pour une entreprise publique, que celui qui a été fixé au XIXe siècle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci de la leçon, monsieur le professeur !

M. Jean Bizet. Vous ne l’avez pas écoutée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toutefois, je l’ai trouvée hors sujet ! La vraie question est la suivante : la directive européenne nous oblige-t-elle à faire passer La Poste du statut d’EPIC à celui de société anonyme ? (« Non ! » sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

La réponse est négative. Depuis lundi, certains essaient de nous faire croire qu’un EPIC ne peut pas recevoir de financements de l’État. Nous leur avons opposé l’exemple de la SNCF, qui est encore un EPIC, quoi qu’en dise l’un de nos collègues, ex-doyen de faculté de droit… De même, les offices de l’habitat, qui sont des EPIC aux termes de la loi Boutin du 25 mars 2009, reçoivent des dotations de l’État.

M. Guy Fischer. N’est-ce pas, monsieur Repentin ?

M. Thierry Repentin. Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel est au juste votre objectif dans cette discussion ? Depuis trois jours, vous répétez en boucle les mêmes arguments (Rires sur les travées de l’UMP), mais ils sont totalement erronés !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. Je voudrais répondre à la question posée par M. Jean-Pierre Bel sur l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations.

Dès le mois de décembre 2008, le Président de la République avait très clairement indiqué que la Caisse des dépôts et consignations participerait au capital de la nouvelle société anonyme. Je me suis personnellement entretenu de ce sujet à de nombreuses reprises avec son président, M. de Romanet, ainsi que de la représentation de cet organisme au conseil d’administration de La Poste.

Je sais que M. le rapporteur a participé à des réunions techniques avec la Caisse des dépôts et consignations, dont des responsables ont été auditionnés par la commission de l’économie, à la demande de M. Emorine. En outre, la commission a adopté un amendement, dont nous aurons l’occasion de débattre ultérieurement, qui vise à améliorer la représentation de la Caisse des dépôts et consignations au conseil d’administration de La Poste.

M. Guy Fischer. Ce n’est qu’une première étape !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron, pour explication de vote sur l’amendement n° 567.

M. Jean-Claude Merceron. Nous sommes attachés à cet amendement, visant à garantir l’engagement majoritaire de l’État dans la future société anonyme. Nous souhaitons que cette précision figure dans la loi.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Alors que l’on ne cesse de dire que La Poste n’est pas une entreprise comme les autres, nos collègues centristes font comme s’ils n’avaient rien entendu.

Il ressort de cet amendement que l’ouverture du capital de La Poste serait aujourd’hui indispensable, et que l’on doit fixer à 51 % au moins la part de son capital détenue par l’État. Si l’on pousse cette logique jusqu’au bout, cela signifierait que les 49 % restants pourraient être détenus par d’autres personnes morales de droit public.

Je précise que tous les sénateurs du groupe de l’Union centriste n’ont pas cosigné cet amendement pour le moins intéressant, qui permettrait à l’État, par le biais d’une étrange opération financière déconnectée de toute logique économique, de se refaire une petite santé financière en cédant une partie du capital de La Poste à la Caisse des dépôts et consignations ou à une autre personne morale de droit public, comme une région ou un département. Cela s’est déjà fait, mais les précédents ne sont guère encourageants de notre point de vue…

En ce qui concerne le rôle dévolu à la Caisse des dépôts et consignations au côté de l’État dans cette opération, vous oubliez un peu vite, mes chers collègues, que cet organisme est aujourd’hui doté d’un comité des investissements et qu’il participe, bon gré mal gré, au Fonds stratégique d’investissement, lequel ne semble d’ailleurs pas vraiment remplir la mission qui lui a été assignée.

La vérité, c’est que le paravent de papier que constitue l’article 1er ne résistera pas longtemps quand le vent de l’ouverture totale à la concurrence des services postaux se lèvera. Il suffira alors, par exemple, d’un amendement déposé de façon impromptue au détour de l’examen d’un projet de loi de finances ou d’un texte économique ou financier « fourre-tout » pour le faire tomber.

Une autre question à prendre à considération est celle de la valeur initiale de La Poste.

En réalité, la valeur de La Poste sera probablement révisée à la baisse, ce qui signifie qu’elle sera naturellement sous-évaluée. Car, s’il fallait déterminer effectivement ce que vaut La Poste, nous ne pourrions sans doute parvenir qu’à un résultat particulièrement spectaculaire, probablement bien éloigné de l’évaluation prétendument indépendante dont nous allons être prochainement informés.

Soyons précis : croyez-vous vraiment que La Poste, en tout cas si l’on considère la place éminemment particulière d’opérateur de service public qu’elle occupe depuis plusieurs décennies, sinon plusieurs siècles, n’ait qu’une valeur initiale limitée à 2,258 milliards d’euros ?

La valeur immatérielle de La Poste et la qualité même de son service ne se mesurent pas avec les outils de la comptabilité privée ordinaire.

Dans le même ordre d’idées, par souci d’une parfaite honnêteté, on pourrait fort bien déterminer la valeur de La Poste à partir du volume actualisé, selon les règles en vigueur en la matière, des versements qu’elle a faits au profit du budget de l’État durant tout le temps que l’on a procédé au virement de l’excédent du budget annexe des postes et télécommunications sur le budget général.

Autre aspect de la question : celui des charges indues supportées par La Poste et non prises en compte par l’État, au plus grand mépris des engagements pris dans le cadre du contrat de plan !

Si vous étiez conséquent, monsieur le ministre, avant même de procéder à tout apport en capital à la société anonyme que vous allez porter sur les fonts baptismaux, vous commenceriez par vous acquitter de vos dettes !

Comment oublier que la somme que vous vous apprêtez à mettre dans le capital de La Poste – 1,5 milliard d’euros - ne représente même pas les 1 871 millions d’euros que l’État doit à l’EPIC de La Poste pour le transport de la presse ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Foucaud. Comment oublier que le déficit d’au moins 150 millions d’euros que connaît la prise en charge du service universel se répète tous les ans depuis dix-neuf ans et que cet argent, qui représente des montants importants, a manqué et manque encore au développement de ce service public ?

C’est tout cela qu’il faut rappeler, ici encore, au moment de rejeter sans ambiguïté cet amendement de la minorité de nos collègues du groupe centriste.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Les auteurs de cet amendement vont plus loin que le Gouvernement lui-même puisque, si leur rédaction était adoptée, on admettrait que l’État ne puisse plus détenir, dans un délai relativement rapide, que 51 % du capital de l’entreprise.

Comme nos collègues du groupe CRC-SPG, nous sommes totalement opposés à cet amendement, qui, se voulant protecteur, pourrait en réalité être un accélérateur du processus de privatisation progressive de La Poste.

Mme Odette Terrade. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Cet amendement est sensiblement identique à l’amendement n° 582, que j’ai déposé avec plusieurs collègues de mon groupe et dont, à titre personnel, je préfère le libellé.

En effet, poser que « la part de l’État dans le capital 100 % public du groupe La Poste ne peut être inférieure à 51 % du capital », c’est envisager qu’elle puisse être supérieure. Pour moi, c’est une garantie.

En outre, je ne suis pas choqué que des collectivités locales, communes, départements et même régions, puissent être actionnaires de La Poste. Après tout, dès lors que l’on est très attaché au service public postal, cette possibilité est, somme toute, assez logique. Cela constituera d’ailleurs une garantie supplémentaire contre la privatisation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 567.

(L'amendement est adopté.)

Mme Odette Terrade. C’est mettre le doigt dans l’engrenage !

M. Guy Fischer. C’est un amendement fondamental que vous venez d’adopter, chers collègues de la majorité !

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 582 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 266.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 26, 265 et 441 rectifié.

M. Thierry Foucaud. Ces trois amendements identiques de repli, qui visent à préciser que l’État est l’unique actionnaire de la société anonyme à créer, sont essentiels au regard des missions de service public de La Poste exploitant d’un service public national.

Ces amendements sont également importants, car ils réservent du même coup la propriété du patrimoine de l’exploitant public à l’État. Or l’entreprise publique possède un beau patrimoine immobilier.

D’ailleurs, elle a déjà réalisé des transactions, notamment des ventes d’immeubles, tout à fait intéressantes financièrement compte tenu de la flambée des prix qu’a connue Paris.

On se souvient que La Poste avait vendu un immeuble de 17 000 mètres carrés, situé avenue d’Italie, à Captiva Capital Partners II, société créée par Nexity et Ixis Capital Partners. La Poste, via sa filiale Locaposte, est restée locataire d’un tiers de la surface, laquelle comprend le bureau de poste...

Bien sûr, on peut s’interroger sur la pertinence de ce genre de transaction. Toujours est-il que le produit de telles ventes reste la propriété de l’État à travers son exploitant public.

Dans la nouvelle société, l’argent servira à rémunérer les actionnaires.

De plus, actuellement, de source syndicale, selon « les textes en vigueur, le conseil d’administration doit avaliser toute cession immobilière dont le montant est supérieur à 25 millions d’euros et toute vente de filiale dont le prix de vente dépasse 12 millions d’euros ».

Dans la nouvelle configuration, le risque est que l’État ne soit plus suffisamment fort pour faire entendre sa voix.

Enfin, il est inadmissible de transférer l’ensemble du patrimoine de La Poste à la nouvelle société anonyme sans une identification et une évaluation de ce patrimoine.

L’unique parole du Gouvernement comme garantie que ces biens resteront la propriété d’une société détenue majoritairement par des personnes publiques est un faible gage.

Et, quand bien même il en serait ainsi, il reste que l’exploitant public sera dissous et que ses biens appartiendront désormais non plus uniquement à l’État, mais aussi aux actionnaires de la nouvelle société.

Pour toutes ces raisons, nous vous appelons à voter ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26, 265 et 441 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 27 et 267.

Mme Éliane Assassi. En dépit de vos arguments respectifs, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous persistons à penser que le dispositif qui nous est proposé est dangereux, car non seulement il fragilise la protection sociale en créant des exonérations de cotisations sociales, mais aussi et surtout il contrevient tout simplement au principe de la rémunération par les salaires.

Or ce type de rémunération sert fondamentalement de prétexte pour ne pas augmenter les salaires. Une telle pratique serait pourtant encore plus dommageable dans une entreprise de main-d’œuvre comme La Poste, qui compte de nombreux bas salaires. Je rappelle qu’un facteur perçoit au maximum 1 200 euros par mois.

Les syndicats considèrent qu’il s’agit d’une déformation du partage de la valeur ajoutée. En effet, offrir une telle opportunité aux salariés ne règle pas le problème, que nous dénonçons continuellement, du déséquilibre entre les revenus du travail et les revenus du capital.

Il s’agit d’une réponse tronquée à un véritable problème. Comment ne pas voir que cet argument de la participation des salariés au capital de l’entreprise est utilisé de manière récurrente à chaque privatisation depuis le milieu des années quatre-vingt ?

De plus, que se passera-t-il si le cours de ces actions baisse ? Les salariés subiront alors une « double peine » : premièrement, l’actionnariat pourra justifier l’impossibilité de toute augmentation des salaires ; deuxièmement, le capital que les salariés auront investi aura diminué.

Je vous rappelle, à titre d’exemple, que la poste allemande a perdu 20 % de sa valeur depuis son entrée en bourse, en 2000.

Enfin, les dispositifs d’épargne salariale existent déjà au sein de l’entreprise depuis 2007, mais ils n’ont séduit que 40 000 personnes, soit 13 % du personnel. L’actionnariat salarié ne bénéficiera donc qu’à celles et à ceux qui ont déjà les moyens d’épargner, soit une minorité.