M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'axerai mon propos sur le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives ».

Certes, le budget de ce programme augmente de 5,7 %, puisque 322 millions d’euros sont inscrits en crédits de paiement, et les tribunaux administratifs bénéficient d’une hausse de 8,7 %.

Certes, la création de 50 emplois, dont 20 de magistrat et 30 d’agent de greffe, confirme la mise en œuvre du plan triennal.

Certes, enfin, l'ouverture récente du tribunal administratif de Montreuil-sous-Bois est positive.

Toutefois, je le déplore encore cette année, ces mesures demeurent insuffisantes face à l'engorgement de la juridiction administrative, conséquence directe de la stratégie gouvernementale.

À vrai dire, les moyens alloués seraient suffisants si la politique du Gouvernement n’augmentait pas d’année en année le contentieux de façon apparemment exponentielle. Le nombre de jugements rendus par magistrat et par an a connu une croissance sans précédent ces dernières années, passant de 240 à 275 entre 2004 et 2008, avec des « pointes » très fortes dans certaines zones, comme en Île-de-France, avec 378 affaires en moyenne à Cergy, 340 à Melun, 325 à Paris, et 304 Versailles.

Cela fait beaucoup !

Le tribunal de Montreuil-sous-Bois, créé surtout pour faire face à l'afflux du contentieux en Seine-Saint-Denis et rééquilibrer l'activité des tribunaux de Cergy-Pontoise et de Versailles, ne soulagera pas ceux de Melun et de Paris. La commission des lois demande d’ailleurs à leur sujet plus de moyens humains et matériels. C’est le moins que l’on puisse faire lorsque l’on connaît le tribunal administratif de Paris !

Nul ne doute que le tribunal de Montreuil-sous-Bois sera lui-même vite saturé. L'augmentation de sa capacité est d'ores et déjà prévue.

J'ai moi-même été saisie récemment par un justiciable qui, venu aux nouvelles, s'est entendu dire au tribunal de Cergy-Pontoise que le traitement des recours portait sur l'année 2006, et qu'il devrait donc attendre de nombreux mois !

Comment en serait-il autrement pour le contentieux relatif aux étrangers, avec une politique migratoire de plus en plus répressive ? Quand l'objectif est fixé à 26 000 reconduites à la frontière, les atteintes aux droits croissent inexorablement et, avec elles, les recours contre les refus de titre de séjour assortis d'obligation de quitter le territoire, auxquels s’ajoutent ceux des nombreux déboutés du droit d'asile devant la CNDA.

Les juges administratifs ont aussi à connaître du contentieux relatif à la mise en œuvre du droit opposable au logement, le fameux DALO, qui connaît une progression constante en Île-de-France, à Paris en particulier. Voilà le résultat d'une politique du logement qui donne la priorité à l'investissement locatif privé, bien peu à même de satisfaire à ce nouveau droit, créé à contrecœur, semble-t-il, puisque d’aucuns le regrettent déjà.

Quant au contentieux du RSA, sa montée en puissance est à venir en raison, d’une part, de l'augmentation du nombre des bénéficiaires par rapport au RMI, d’autre part, de la complexité du dispositif.

La juridiction administrative a aussi la charge du contentieux du permis à points, en forte progression. Il se résume pourtant bien souvent au simple constat du non-respect, par l'administration, de certaines formalités obligatoires, ce qui amène le juge administratif à prononcer nombre d'annulations. Dans un objectif de désengorgement, ne faudrait-il pas réfléchir à la mise en place d'un recours administratif préalable obligatoire ?

Dans ces conditions, les délais s'allongent pour les autres affaires - contentieux fiscal, marchés publics -, les juridictions devant donner la priorité aux contentieux enserrés dans des délais, c’est-à-dire ceux qui sont relatifs aux reconduites à la frontière et aux refus de titre de séjour.

Cette situation s’oppose de fait à l’obligation de résultat que le Gouvernement fait peser sur les juges administratifs, sauf à prendre des risques pour la qualité des jugements prononcés. Il n’y a en effet pas de bonne justice si celle-ci est mise en œuvre trop rapidement, en l’occurrence trop souvent par ordonnances et sans la garantie de la collégialité.

Quand la justice est regardée sous le seul angle de la révision générale des politiques publiques, alors que la politique menée engendre une augmentation systématique des contentieux, la situation devient assez difficile.

Il faut ajouter à cela la question immobilière. Si les programmes de travaux se poursuivent, de nombreux locaux sont trop petits, comme à Paris, et certains sont inadaptés ou en mauvais état, comme à Fort-de-France.

Enfin, l’accessibilité des locaux aux personnes handicapées est sans cesse repoussée.

Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord remercier les deux rapporteurs du travail qu’ils ont effectué avec diligence et d’efficacité, ainsi que les deux oratrices, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Anne-Marie Escoffier.

Avec plus de 20 000 nouveaux dossiers en 2008, le tribunal administratif de Paris concentre, à lui seul, 36 % des nouvelles procédures en Île-de-France, et son contentieux, notamment en droit des étrangers, est en forte progression.

La situation de cette juridiction s’est cependant améliorée depuis 2002. En effet, le délai prévisible moyen de jugement a été fortement réduit, passant de 23 mois en 2002 à 12,5 mois en 2008, et le nombre d’affaires en stock a diminué de près de 32 % sur la même période.

Une action déterminée a été menée pour résorber en priorité le retard pris dans le traitement de certains contentieux : contentieux fiscal, marchés publics, notamment.

La cour administrative d’appel de Paris, en dépit d’une progression de 50 % du contentieux porté devant elle, a réussi à plus que diviser par deux son délai prévisible moyen de jugement entre 2002 et 2008.

La cour administrative d’appel de Versailles, créée en 2004, a également été confrontée à une très vive croissance du contentieux, qui a progressé de 75 % entre 2005 et 2008. Cependant, son délai prévisible moyen de jugement est proche de la moyenne nationale.

La cour administrative d’appel de Marseille, quant à elle, est parvenue à ramener son délai prévisible moyen de jugement de plus de 3 ans et 7 mois en 2002, à 1 an et 9 mois en 2008, en dépit d’un doublement du contentieux sur la période.

Ces bons résultats ont été obtenus, d’une part, grâce au renforcement des moyens humains alloués à ces juridictions et, d’autre part, grâce à la mobilisation remarquable de l’ensemble des personnels, auxquels je veux rendre hommage.

Toutefois, le tribunal administratif de Paris demeure une juridiction fragile qui mérite une attention toute particulière. En 2009, il a été décidé de renforcer l’aide à la décision par la création d’emplois d’assistant et d’affecter des magistrats supplémentaires. En 2010, 6 nouveaux magistrats y seront donc affectés.

La situation des deux cours franciliennes reste également préoccupante et appelle par conséquent un effort particulier. La croissance du contentieux y demeure en effet nettement plus élevée que la moyenne nationale.

Dans un tel contexte, la cour administrative d’appel de Paris pourrait bénéficier de magistrats supplémentaires. Celle de Versailles se verra dotée en 2010 d’une sixième chambre, qui s’accompagnera de l’arrivée de 4 magistrats et de 3 agents de greffe.

À la différence de ce que l’on constate dans les cours franciliennes, la croissance du nombre de requêtes enregistrées devant la cour de Marseille semble plutôt se ralentir. Toutefois, le délai prévisible moyen de jugement y demeure toujours supérieur à la moyenne nationale. Le responsable du programme n’exclut donc pas la possibilité de renforcer cette cour d’une chambre supplémentaire.

Je voudrais dire à Simon Sutour, qui évoquait ce sujet, qu’une nouvelle rubrique identifiant précisément le permis à points sera créée dans l’application informatique permettant d’assurer la gestion et le suivi des procédures.

Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, s’agissant de la question de l’adéquation entre les moyens des juridictions administratives et leurs missions, permettez-moi de faire les remarques suivantes.

La juridiction administrative est confrontée à une demande massive et croissante, à laquelle elle ne saurait faire face sans une exigence d’efficacité et de qualité qui requiert, outre les moyens supplémentaires qui lui sont alloués par le budget de l’État, l’investissement de l’ensemble des magistrats, assistants et agents de greffe.

Cet engagement doit être salué, car il a permis d’obtenir une réduction tangible des délais de jugement, et ce malgré une progression du contentieux très supérieure aux prévisions. Ainsi, de 2002 à 2008, le nombre d’affaires réglées par magistrat a augmenté dans les tribunaux administratifs.

Par ailleurs, la loi de programmation des finances publiques prévoit, pour les années 2009 à 2011, la création de 150 emplois sur trois ans.

La réorganisation et le renforcement des juridictions d’Île-de-France, ainsi que la poursuite du dialogue de gestion, sont complétés par une réflexion plus globale sur l’évolution des méthodes et des procédures.

Un décret, qui devrait entrer en application au début de l’année 2010, réformera le partage des compétences entre le Conseil d’État et les tribunaux administratifs et poursuivra la rénovation des procédures.

Concernant la réforme du Conseil économique, social et environnemental, monsieur le rapporteur spécial, il est difficile d’en mesurer l’impact financier exact tant que les détails de sa mise en œuvre ne sont pas arrêtés. C’est une évidence !

L’effet des saisines parlementaires sur la charge et les méthodes de travail du Conseil et sur son budget sera fonction du nombre effectif de saisines annuelles. C’est une autre évidence !

Il appartiendra donc au Conseil, renouvelé et recomposé, d’évaluer l’ensemble des conséquences, en termes de budget, d’organisation et de pratiques, qui en découleront.

Mais il est probable que la variable d’ajustement sera le nombre d’auto-saisines, priorité étant donnée aux saisines gouvernementales et parlementaires.

Par ailleurs, l’exercice du droit de pétition pose un certain nombre de questions de gestion.

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. Absolument !

M. Henri de Raincourt, ministre. La négociation triennale qui se tiendra au printemps 2011 avec la Direction du budget sera l’occasion de procéder à l’estimation de ces coûts pour les trois années à venir et de demander les crédits correspondants à la mise en œuvre de la réforme.

En ce qui concerne la situation de la caisse de retraites du Conseil économique, social et environnemental, que vous avez également évoquée, monsieur le rapporteur spécial, au 31 décembre 2008, cette caisse comptait 798 ayants droit et le montant des paiements annuels a été, en année pleine, de 10 millions d’euros.

Les cotisants, qui sont les membres du Conseil en activité, sont au nombre de 233. S’agissant d’un régime par répartition, la structure du financement est donc, par nature, en déséquilibre…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut allonger la durée du mandat ! (Sourires.)

M. Henri de Raincourt, ministre. … et les cotisations des membres ne représentent actuellement que 13,2 % des pensions versées dans l’année.

Le financement de la caisse de retraites des anciens membres du Conseil économique et social est donc très majoritairement assuré par les crédits budgétaires. Il existe certes un fonds de réserve, dont les revenus financiers participent au financement, mais il sera totalement consommé à l’horizon de 2013. (M. le rapporteur spécial acquiesce.)

La Cour des comptes a formulé trois propositions : le changement de paramètres, c’est-à-dire l’âge de la retraite, le montant des cotisations et la diminution des prestations ; une transformation du régime de retraite actuel en régime de « retraite à points » ; une transformation en régime de retraite complémentaire.

Ces différentes solutions nécessitent une expertise très approfondie, et un projet de loi devrait être nécessaire pour modifier les caractéristiques de ce régime.

Il faut souligner que le Conseil économique, social et environnemental a déjà pris, en 2009, différentes mesures : la suppression de la retraite proportionnelle qui existait depuis la création de la caisse de retraites et la diminution du taux de réversion, qui est passé de 66 % à 50 %.

Monsieur le rapporteur spécial, au sujet de l’impact financier de la réforme des juridictions financières, il convient de rappeler que les contours exacts de cette réforme n’étaient pas encore arrêtés lors la préparation du budget pour 2010.

Le projet de loi, qui a été adopté par le conseil des ministres, sera examiné par le Parlement au cours de l’année prochaine. Dès lors, la première traduction budgétaire de la réforme devrait intervenir pour le projet de loi de finances pour 2011 et le vote de la loi de programmation des finances publiques que je mentionnais précédemment, pour les années 2011 à 2013.

Celle-ci s’inscrira, bien entendu, en conformité avec l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi et retrace les conséquences budgétaires potentielles.

Cette étude fait état d’un impact budgétaire globalement neutre à l’horizon de dix ans, les surcoûts des missions nouvelles étant compensés par les gains de productivité et de rationalisation immobilière.

Mme Anne-Marie Escoffier a notamment soulevé la question des délais de jugement devant la Cour nationale du droit d’asile. Je veux lui dire que toutes les garanties de procédure sont évidemment appliquées et respectées par la Cour et que l’assistance des avocats est totalement assurée aux requérants.

Le Conseil d’État et la CNDA se sont accordés sur des objectifs ambitieux pour la période allant de 2009 à 2011. Il est prévu, en particulier, de ramener le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock à 6 mois en 2011, alors que ce délai était de 10 mois et 21 jours au moment de la préparation du projet de loi de finances pour 2009.

En contrepartie, et afin de donner à la Cour nationale du droit d’asile les moyens nécessaires à la réalisation de ces objectifs, le Conseil d’État a engagé d’importantes actions de modernisation de cette juridiction : 10 magistrats siégeant à temps plein et à titre permanent y ont été affectés à compter du 1er septembre 2009 ; la réforme du déroulement des audiences doit permettre de diminuer le taux élevé de renvois d’une séance à l’autre, facteur d’alourdissement de la procédure et d’allongement des délais de traitement.

Afin d’accompagner ces réformes d’organisation, le Conseil d’État a prévu un renforcement des moyens de la CNDA. Ainsi, ses moyens en personnel – hors magistrats – seront augmentés de 15 emplois équivalents temps plein.

Les premiers résultats de 2009 ont conduit à revoir certains objectifs intermédiaires, mais ne remettent pas en cause les objectifs convenus à l’horizon de 2011. Cette réduction moindre que prévu s’explique notamment par l’augmentation du nombre des recours. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Conseil et contrôle de l'Etat
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Direction de l'action du Gouvernement

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État » figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Conseil et contrôle de l’État

590 141 619

570 609 977

Conseil d’État et autres juridictions administratives

347 052 089

321 995 614

Dont titre 2

260 220 340

260 220 340

Conseil économique, social et environnemental

37 596 025

37 606 882

Dont titre 2

30 656 882

30 656 882

Cour des comptes et autres juridictions financières

205 493 505

211 007 481

Dont titre 2

176 553 432

176 553 432

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

Direction de l’action du Gouvernement

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 35 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission : « Direction de l’action du Gouvernement ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Yves Krattinger, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » demandés pour 2010 sont en augmentation de 15 % environ. Ils s’élèvent à 559,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 553,9 millions d’euros en crédits de paiement. Ils sont répartis dans deux programmes, l’un rassemblant les services rattachés au Premier ministre, l’autre composé de onze autorités administratives indépendantes participant à la protection des droits et libertés.

S’agissant de la maquette de la mission, le changement significatif en 2010 réside dans la création d’une nouvelle action « Administration territoriale » dans le cadre du programme « Coordination du travail gouvernemental ». Elle regroupe notamment les crédits de rémunération des secrétaires généraux pour les affaires régionales et de leurs chargés de mission.

La mise en œuvre de ce volet de la réforme de l’administration territoriale déconcentrée explique en partie la hausse d’environ 20 % des crédits de ce programme.

En revanche, il convient de relever qu’à périmètre constant l’évolution des crédits du programme traduit une diminution des emplois, conformément à la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques.

À cet égard, je souhaite que le Gouvernement poursuive sa réflexion sur la pertinence du maintien de certaines entités rattachées aux services du Premier ministre, pouvant éventuellement conduire à des suppressions, en cas de redondance des missions avec d’autres organismes ou de caducité des missions.

En ce qui concerne le programme 308 « Protection des droits et libertés », je souhaiterais insister sur la diligence dont le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a fait preuve afin de rendre opérationnels ses services dans les plus brefs délais, en dépit de conditions d’installation tardives et difficiles.

S’agissant des autres autorités administratives, je me félicite tout d’abord de l’augmentation, de l’ordre de 11 %, des crédits de paiement du programme « Protection des droits et libertés ».

Cependant, comme l’année dernière, l’Assemblée nationale a adopté une nouvelle réduction de crédits de 648 545 euros concernant en 2010 uniquement la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE.

Nos collègues Philippe Dominati et Alain Milon ont, quant à eux, déposé un amendement tendant à limiter la progression des dépenses de fonctionnement de l’ensemble des autorités administratives indépendantes.

Or, à l’exception du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, qui voit ses crédits de fonctionnement augmenter en 2010, afin de poursuivre le développement de la télévision numérique, les augmentations de crédits prévues en 2010 sont destinées à renforcer les effectifs de ces autorités, y compris ceux de la HALDE. Nos AAI doivent en effet faire face chaque année à une explosion des saisines.

À titre d’illustration, l’activité de contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, a crû, en cinq ans, de plus de 1 534 % ! Le Médiateur de la République fait également face à une progression considérable du nombre de ses saisines, en raison de l’absorption des demandes supplémentaires émanant du Pôle santé et sécurité des soins, qui lui est désormais rattaché. Les réclamations enregistrées par la HALDE en 2008 ont augmenté de 25 % par rapport à 2007.

Je comprends le souhait de nos collègues d’associer les autorités administratives indépendantes à la nécessaire maîtrise des dépenses de l’État. La commission des finances y souscrit. Elle n’a pas souhaité revenir sur l’amendement adopté par l’Assemblée nationale.

Je souscris également au souhait de voir l’ensemble de ces autorités adopter une gestion vertueuse. C’est pourquoi j’ai demandé que la commission des finances procède au contrôle des crédits de la HALDE en 2010.

Cependant, dans l’attente des conclusions de ce contrôle, je me garderai de réduire hâtivement les crédits de la HALDE ou ceux de toute autre institution, alors que, je le disais, ces autorités administratives indépendantes font face à une augmentation du nombre des réclamations.

C’est pourquoi, à titre strictement personnel, je présenterai, à l’instar de mon collègue Jean-Claude Peyronnet, mais lui au nom de la commission dans lois, un amendement visant à rétablir les crédits de la HALDE.

En revanche, je reste vigilant sur la question des dépenses de fonctionnement de ces autorités et, plus particulièrement, sur les loyers, cette remarque valant aussi pour les services rattachés au Premier ministre, j’insiste sur ce point.

Le problème a été analysé de manière exhaustive dans le rapport d’information de notre collègue Nicole Bricq sur « l’État locataire ». Je relève certains progrès par rapport à son constat.

La Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, qui figure au premier rang des institutions les plus dépensières en termes de loyer, a rejoint des locaux appartenant aux services du Premier ministre. C’est pourquoi son budget est en réduction de 4 % en 2010.

Le Médiateur a renégocié son loyer, dont le coût passe de 700 euros par mètre carré à moins de 450 euros.

Par ailleurs, il m’a été indiqué que la HALDE était en cours de renégociation de son bail afin d’en réduire le coût.

Il semble qu’une réflexion globale sur le parc immobilier de l’État soit en cours. Monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer l’existence de ces travaux ainsi que leur état d’avancement ?

Telles sont, mes chers collègues, les principales observations que je souhaitais porter à votre connaissance.

Sous réserve de ces observations, la commission des finances a proposé l’adoption sans modification des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinq minutes, c’est bien court pour évoquer un problème aussi dramatique que celui de la drogue, au travers des crédits de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui constitue une action du programme « Coordination du travail gouvernemental ». La commission des affaires sociales a été saisie pour avis de ce budget que je vais m’efforcer de vous détailler.

Avec 29,8 millions d’euros de crédits, la MILDT ne s’occupe en fait directement que d’une infime partie de la lutte contre la drogue et la toxicomanie. Elle est cependant au cœur de cette politique, car elle assure le pilotage du plan gouvernemental 2008-2011.

Dans le cadre de la loi de finances rectificative de 2008, la commission des affaires sociales avait demandé à ce qu’un document de politique transversale soit élaboré. Celui-ci a été présenté pour la première fois cette année et il nous permet d’avoir une vision globale des sommes consacrées par l’État à la lutte contre les drogues.

Le total s’élèverait, pour 2010, à près de 931 millions d’euros. Si l’on y ajoute les sommes attribuées à la prise en charge sanitaire et sociale au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit environ 267 millions d’euros, on arrive à une enveloppe de près de 1,2 milliard d’euros pour l’année prochaine.

Cette somme ne me paraît pas excessive face aux addictions diverses qui sont responsables de près de 20 % des décès en France chaque année.

Une part importante de ce financement relève du budget de l’éducation nationale : la priorité doit être donnée à la lutte contre la première consommation de substances addictives qui, rappelons-le, s’effectue désormais dès l’âge de dix ou onze ans, un accès précoce étant le principal indicateur d’une toxicomanie ultérieure.

La vraie question est de savoir si les sommes consacrées à la lutte contre la drogue sont bien utilisées. C’est là que j’émettrai quelques réserves. En effet, de trop nombreux cloisonnements demeurent. Il y a là, à mon avis, une grande marge de progrès, notamment dans le monde de l’éducation.

Le travail des infirmières scolaires, la visite épisodique d’un gendarme ou d’un policier en uniforme peuvent faire prendre conscience aux jeunes des dangers encourus, faciliter la détection des problèmes et, le cas échéant, l’orientation vers une prise en charge adaptée ; mais l’action doit être plus continue et plus diversifiée.

La politique de répression paraît également inadaptée puisqu’elle oscille entre le simple rappel à la loi et la peine de prison, qui n’empêchent pas la récidive, malheureusement. J’estime qu’une contraventionnalisation serait la meilleure réponse.

Au-delà de l’efficacité de la répression, la question fondamentale est celle de l’évaluation. Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues est un engagement important, mais nous devons rester modestes dans nos attentes. Trois ans ne peuvent suffire à inverser une tendance inquiétante.

Il nous faut une évaluation de fond, inscrite dans la durée, afin de saisir les tendances sociales en matière de consommation des drogues et, surtout, leurs déterminants. Il semble à la commission des affaires sociales que l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies devrait être chargé de la détermination des indicateurs permettant de mesurer l’efficacité de la politique publique. Ces indicateurs pourraient faire l’objet d’une publication annuelle.

Je dois également vous faire part, monsieur le ministre, de l’inquiétude de beaucoup de mes collègues sur la politique de l’État concernant les réseaux de distribution des drogues. Nombreux sont ceux qui estiment que la police et la justice ne les répriment pas suffisamment, qu’elles les conserveraient même en l’état afin, peut-être, de maintenir une forme de paix sociale dans certains quartiers.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, vous faire l’écho de ces préoccupations auprès de vos collègues chargés de l’intérieur et de la justice ?

En conclusion, je voudrais souligner le fait que nous commençons à y voir plus clair sur cette politique. Il faut persévérer dans cette voie. Nous pensons d’ailleurs que la lutte contre les drogues et les toxicomanies pourrait être déclarée grande cause nationale.

Dans cette attente, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la MILDT. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis.