M. Jean-Pierre Chevènement. Quelques mesures simples et pratiques auraient suffi. Ainsi, vous auriez pu continuer dans cette voie pragmatique en procédant par petites touches, plutôt que de vouloir tout bouleverser en substituant au couple républicain commune-département un couple postrépublicain composé de l’intercommunalité, érigée en nouvelle catégorie de collectivités, voire de la commune nouvelle, et de la région.

Le projet de loi vise aussi à remettre en cause l’existence des départements. M. Balladur n’a pas fait mystère de ce que la création de conseillers territoriaux avait pour but de permettre l’« évaporation » des départements dans les régions. On admirera la subtilité : à défaut de pouvoir supprimer ouvertement les départements, comme le proposait la commission Attali, on les voue à une progressive évaporation.

Or, depuis la Révolution, le département est l’organisation même de l’État sur le territoire, avec, depuis 1871, une assemblée élue au suffrage universel dans le cadre des cantons. Faut-il rappeler que la loi Tréveneuc, votée en 1872, à l’aube de la IIIe République, avait confié à la réunion de tous les conseillers généraux…

M. Michel Mercier, ministre. Ou de leurs délégués !

M. Jean-Pierre Chevènement. … le soin d’assurer la continuité de l’État en cas de force majeure ? C’est dire si les départements portent en substance la légitimité républicaine ! C’est d’ailleurs souvent à travers eux que nos concitoyens manifestent leur attachement à la nation et à la République. Vouloir les dissoudre, ou plus insidieusement les faire s’évaporer, c’est saper le fondement même de la République !

Ce travail de sape résulte de plusieurs dispositions du projet de loi.

D’abord, la création des métropoles porte une atteinte substantielle à la réalité des départements dont elles sont le chef-lieu, comme d’ailleurs à celle des régions dont elles sont la capitale. Quelle incohérence ! Les transferts de compétences opérés, ne subsisteront plus que des départements moignons et des régions décapitées. Vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre !

M. Michel Mercier, ministre. Eh oui !

M. Jean-Pierre Chevènement. Les inégalités se creuseront entre les métropoles et leur environnement. La création des métropoles, concentrant potentiellement toutes les compétences, entraînera l’apparition de nouvelles féodalités.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il en existe déjà !

M. Jean-Pierre Chevènement. Ainsi le projet de loi porte-t-il gravement atteinte à l’organisation républicaine du territoire en voulant faire disparaître, à terme, les communes actuelles et les départements pour reconstituer, à la place du jardin à la française séparant clairement trois niveaux de collectivités – commune, département, région –, un fouillis médiéval dont les métropoles et les communes nouvelles seront les nouveaux donjons. (Rires. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur les travées du RDSE.)

M. Michel Mercier, ministre. Il fallait oser le dire !

M. Jean-Pierre Chevènement. Enfin, plusieurs dispositions du projet de loi remettent en cause l’unité de la République et la souveraineté du peuple français exercée légitimement par le Parlement – c’est-à-dire par vous-mêmes, mes chers collègues !

Le projet de loi, tel qu’il a été modifié par la commission des lois, veut étendre à la France métropolitaine le régime de l’outre-mer en prévoyant dans l’article 13 bis la création d’une collectivité à statut particulier se substituant à une région et aux départements qui la composent. Y a-t-on bien réfléchi ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jean-Pierre Chevènement. S’agit-il de refaire le référendum corse du mois de juillet 2003 en fusionnant les deux départements corses avec la collectivité territoriale ? S’agit-il de créer à la place de la région Alsace et des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin une sorte de territoire d’outre-terre entre Vosges et Rhin, une sorte d’eurorégion entre la France et l’Allemagne ? M. Richert en évoquait hier la possibilité !

M. Pierre Fauchon. Ce serait une bonne idée ! Strasbourg deviendrait la capitale de l’Europe !

M. Jean-Pierre Chevènement. Et si l’on incite les départements à fusionner entre eux ou à se retrouver dans une région voisine, par exemple le département de la Loire-Atlantique dans la région Bretagne, comment pourra-t-on s’opposer à la scission de départements comme celui des Pyrénées-Atlantiques, pour permettre la création d’un département basque sur lequel l’ETA ne tarderait sans doute pas à exercer ses chantages ? (Exclamations amusées.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est l’apocalypse !

M. Jean-Pierre Chevènement. Portons notre regard sur ce qui se passe en Belgique entre Flamands et Wallons, ou en Espagne avec la Catalogne et le Pays basque ! Veut-on que la France suive le même chemin ?

Prenez garde, mes chers collègues, qu’en ouvrant la boîte de Pandore des fusions et des regroupements départementaux et régionaux vous ne réveilliez les vieux démons des régionalismes et des ethnicismes, contre lesquels la République une et indivisible avait justement institué les départements.

M. Jacques Mézard. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. Le Gouvernement a-t-il tiré les leçons des référendums intervenus en Guyane et en Martinique ? Aperçoit-il les ferments de division dont il jette les germes pour l’avenir ?

Certes, le Gouvernement peut décider ou non de donner suite aux demandes formulées par les assemblées délibérantes. Mais en cas de délibérations concordantes, pourra-t-il s’y opposer ? Évidemment non ! Et dans l’hypothèse inverse, pourra-t-il résister longtemps à la demande de consultation formulée par des minorités actives ? La réponse est également non : l’expérience nous enseigne qu’il est pratiquement impossible de s’opposer à ces revendications qui partent d’une conception de la démocratie faussée. Ce ne sera plus le peuple français qui décidera de son organisation territoriale, mais telle ou telle portion du peuple plus ou moins dressée contre l’autre.

L’organisation territoriale de la République ne peut être laissée à des arbitrages locaux. Elle doit procéder du Parlement, c’est-à-dire, mes chers collègues, de vous-mêmes !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Donc, pas de référendum ?

M. Jean-Pierre Chevènement. Le Sénat, s’il est le représentant des collectivités territoriales, a aussi – en témoignent tous ces grands personnages dont les statues nous surplombent – le souci de l’État, qui a structuré la France dans la longue durée.

Je sais bien que l’article 72-1 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle de 2003, autorisait, en vertu d’une loi, un référendum local. Il s’agissait alors de l’avenir de la Corse. Je ne m’étendrai pas sur la décision de nos concitoyens de Corse, qui ont refusé d’être mis en coupe réglée au sein d’une collectivité à statut particulier par une minorité violente à forte tendance maffieuse. Cette affaire ayant été tranchée, est-il bon d’y revenir ?

La Constitution, telle qu’elle s’applique depuis 2004, prévoit une loi pour autoriser les référendums locaux. Le projet de loi qui nous est soumis ne contient rien de tel, ne pose aucune barrière de cette sorte. Selon son article 13, un décret en Conseil d’État suffit. C’est une grave atteinte aux prérogatives de la Haute Assemblée et, plus généralement, du Parlement, qui devrait avoir le dernier mot sur l’organisation de la France en départements et en régions.

Menacer les communes, mes chers collègues, c’est renier la Révolution ! Menacer le département, c’est renier la République ! Ouvrir la voie à la création, sur le sol même de la métropole, de collectivités à statut particulier et chambouler notre organisation en départements et en régions en vertu de référendums locaux, c’est porter atteinte à l’unité du peuple français !

Ce projet de loi remettrait en cause le principe d’égalité en creusant les différences entre les territoires et les inégalités entre les citoyens. Il serait, je le crois, un mauvais coup porté à l’unité de la République et au couple républicain communes-département. Bref, monsieur le ministre, il doit être profondément repensé. Le Gouvernement doit prendre le temps de s’expliquer davantage et de revoir son texte, qui, en l’état, porte de graves risques d’inconstitutionnalité.

C’est pourquoi je demande à la Haute Assemblée, en vertu de l’article 44 de son règlement, de décider le renvoi à la commission des lois du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. L’organisation territoriale du pays est une chose trop sérieuse, au cœur même des prérogatives du Sénat, pour que celui-ci se laisse bousculer et placer devant le fait accompli ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les auteurs de la motion déplorent que le projet de loi dont nous entamons aujourd’hui la discussion ne traite ni du cumul des mandats, ni du statut de l’élu, ni de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités, ni de l’existence des communes, des métropoles, ou des fusions des départements et des régions.

Ces questions ont été attentivement examinées lors des diverses réunions organisées par le président de la commission des lois avec le président du Sénat, notamment lors des deux réunions qui ont eu lieu au Sénat avec les membres du Gouvernement. Sur un plan juridique, elles seront traitées, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, à l’occasion de l’examen de projets de loi ultérieurs.

Ainsi, le projet de loi n°61, relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, présente plusieurs dispositions visant à améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux. C’est donc lorsque nous nous saisirons de ce texte que nous serons amenés à traiter une partie de ces questions, qui n’ont pas leur place dans le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis et concerne les seules structures locales.

De plus, nous fixerons dans l’article 35 du projet de loi dont nous avons entamé la discussion les principes qui présideront à la répartition des compétences, dont nous débattrons, là aussi, dans quelques mois.

Examinons les questions bloc par bloc, le débat en sera beaucoup plus lisible et, surtout, beaucoup plus cohérent. Pour ce qui concerne le premier bloc, la commission des lois a déjà réalisé un grand travail.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission vous demande, compte tenu du travail effectué et de l’intérêt de l’opération, de rejeter cette motion tendant au renvoi à la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Chevènement, vous avez brossé du projet de loi un tableau que j’ai ressenti comme apocalyptique. (Sourires.)

M. Pierre Fauchon. Excessif !

M. Michel Mercier, ministre. Il n’est cependant probablement pas tout à fait exact ; peut-être même est-il un peu excessif. Néanmoins, vous avez relevé des problèmes graves qui méritent débat.

Selon vous, ce texte n’est pas abouti et doit être renvoyé à la commission : tel est bien le sens de votre motion. Or, monsieur Chevènement, c’est du texte établi par la commission qu’en vertu des nouvelles dispositions constitutionnelles nous allons discuter. Si nous le lui renvoyons, elle nous le rendra inchangé !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, c’est sûr !

M. Michel Mercier, ministre. Le seul endroit où vous pourrez obtenir que le texte soit modifié, c’est la séance plénière du Sénat. C’est là que doit se dérouler le débat ! Nous avons le texte du Gouvernement, celui de la commission, les amendements et les positions de chacun ; maintenant, le Sénat va délibérer.

Vous avez mentionné des sujets profonds et sérieux, qui touchent à l’essence même de la République. S’il faut en effet en débattre, il est inutile de renvoyer le texte à la commission, qui a déjà fixé sa position. Ces questions doivent être discutées dans cet hémicycle, en séance plénière, avec tous les membres du Sénat. J’y suis prêt.

Telles sont les raisons pour lesquelles je demande au Sénat de rejeter la motion de renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 24 rectifiée, tendant au renvoi à la commission.

Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je vous rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.

Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.

Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

...........................................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?…

En l’absence d’observation, le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 125 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 154
Contre 182

Le Sénat n’a pas adopté.

En conséquence, la motion tendant au renvoi à la commission est rejetée et nous passons à la discussion des articles.

Discussion des articles

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Division additionnelle avant le titre Ier (interruption de la discussion)

Division additionnelle avant le titre Ier

M. le président. L’amendement n° 346, présenté par MM. Collombat, Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :

Titre préliminaire

Clarification des compétences des collectivités territoriales et coordination des acteurs

Chapitre I : Clarification des compétences des collectivités territoriales

Art. ... - La mission centrale de la région est stratégique et de préparation de l’avenir.

Elle l’assume en partenariat avec l’État et les pôles métropolitains. 

La région a en charge la répartition des fonds européens.

Art. ... - Le département a en charge la solidarité sociale et territoriale.

Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération intercommunale en matière d’ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif.

Il veille à l’équité territoriale.

Chapitre II - coordination des acteurs territoriaux

Art. ... - Il est créé dans chaque région un conseil régional des exécutifs constitué du président du conseil régional, des présidents de conseils généraux, des métropoles, des communautés urbaines, d’agglomération ainsi que des communautés de communes de plus de 50 000 habitants et pour les autres communautés de communes d’un représentant par département, élu par les présidents de communautés de communes de moins de 50 000 habitants.

Le conseil régional des exécutifs est présidé par le président de la région.

Il peut, en tant que de besoin constituer une commission permanente.

Il peut associer à ses travaux, en tant que de besoin, le ou les représentants des organismes non représentés.

Il organise la concertation entre ces membres dans un but d’harmonisation de leurs politiques et afin d’organiser les complémentarités entre elles.

Il établit un schéma d’orientation de l’ensemble des politiques intéressant l’ensemble du territoire régional ou plusieurs départements, il coordonne les politiques, définit les « chefs de file » par projet ou ensemble de projets, prépare les accords et les conventions à passer entre les acteurs, veille à la mise en place de « guichets communs » en matière de développement économique, d’aide à l’emploi, de bourses d’études ou d’aide à la formation.

Il constate le désengagement des collectivités dans leur domaine de compétence. Ce constat de carence autorise une autre collectivité qui entendrait se substituer au titulaire de la compétence à l’exercer à sa place.

Il se réunit au moins une fois par trimestre sur un ordre du jour obligatoire pour délibérer sur les questions d’intérêt régional ou interdépartemental, nécessitant une coordination des politiques des acteurs.

Chaque membre du conseil peut faire inscrire à l’ordre du jour de la plus prochaine réunion toute question de sa compétence dont il souhaite débattre.

Art. ... - Il est créé dans chaque département une conférence départementale des exécutifs regroupant le président du Conseil général, le cas échéant, de la métropole et les présidents des intercommunalités.

Elle est chargée d’organiser la coordination locale et la concertation entre ses membres.

Elle a communication des travaux du conseil régional des exécutifs auquel elle peut communiquer des observations et des vœux.

Elle se réunit chaque trimestre sous la présidence du président du Conseil général.

Art. ... - Le pôle métropolitain est un établissement public destiné à assurer la gouvernance d’un réseau de collectivités territoriales et d’EPCI à fiscalité propre, sur un vaste territoire, éventuellement discontinu, pour des compétences de niveau stratégique : transport, développement économique et emploi, enseignement supérieur et recherche, logement, très grands évènements culturels et sportifs.

Le ou les Établissements Public Fonciers existant sur le territoire, sont membres du pôle métropolitain, quand les compétences de celui-ci comprennent le logement ou les équipements stratégiques.

Constitué par accord entre les intéressés, il comprend obligatoirement la ou les Régions concernées, la ou les métropoles quand elles existent. Les départements et les EPCI de plus de 100 000 habitants sont, à leur demande, de droit, membres du pôle métropolitain.

L’initiative de création d’un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles.

Sa création peut-être décidée par arrêté du représentant de l’État du département chef lieu de région ou de la région démographiquement la plus importante si le pôle métropolitain s’étend sur plusieurs régions.

Le pôle métropolitain est soumis aux règles applicables aux syndicats mixtes prévus à l’article L. 5711-1 du Code général des collectivités territoriales, sous réserves des dispositions prévues par le présent titre.

L’arrêté constitutif du pôle métropolitain mentionne obligatoirement les compétences qui lui sont confiées par les organismes membres et le niveau d’intervention de celui-ci.

Le pôle métropolitain définit et arrête les axes stratégiques de développement de son territoire pour les compétences qui lui ont été déléguées. Il coordonne et hiérarchise l’action de ses membres. Il peut aussi se voir confier des missions de gestion. Il assume celles-ci directement ou, sous sa surveillance, par voie de délégation.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je sens bien une certaine lassitude s’installer dans notre Haute Assemblée… (Exclamations ironiques à droite.) Certains de nos collègues se plaignent du caractère répétitif de nos débats et pensent que nous faisons de l’obstruction.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, c’est vrai !

M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement du groupe socialiste est le premier d’une série visant à dessiner un contre-projet.

À vous en croire, mes chers collègues, nous nous contenterions de nous opposer sans jamais avancer de propositions concrètes. Eh bien, en voici ! Leur discussion nous permettra de constater si vraiment le débat existe et s’il est de meilleure qualité que celui que nous avons connu jusque-là – débat qui au demeurant me convenait parfaitement, mais qui apparemment n’était pas du goût de tous. Aurez-vous des arguments valables à nous opposer ?

L’amendement no 346 s’inspire des travaux de la mission Belot et du rapport Krattinger-Gourault – il semble d’ailleurs que l’on ait beaucoup oublié ce dernier, à se demander si nous n’avons pas travaillé pour rien ! Il a pour objet d’insérer en tête du projet de loi une division additionnelle destinée à combler certaines lacunes du texte de projet de loi.

Il s’agit d’abord de clarifier les compétences des collectivités territoriales. Tel était, paraît-il, l’objectif majeur du projet de loi, puisqu’en France tout le monde fait n’importe quoi, agit comme il l’entend, engage des dépenses inconsidérément. M. le rapporteur – je le connais par cœur ! (Sourires.) – me répondra probablement qu’un texte sera consacré à cette question et nous sera soumis dans un an…

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !

M. Pierre-Yves Collombat. Néanmoins, mes chers collègues, si vous lisez bien notre proposition, vous constaterez qu’elle vise simplement des principes, lesquels ont tout à fait leur place dans le présent projet de loi.

S’agissant de la région, notre amendement est ainsi libellé : « La mission centrale de la région est stratégique et de préparation de l’avenir. Elle l’assume en partenariat avec l’État et les pôles métropolitains. La région a en charge la répartition des fonds européens. »

S’agissant du département, nous proposons la rédaction suivante : « Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération communale en matière d’ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif. Il veille à l’équité territoriale. »

Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que ces dispositions sont tout à fait en rapport avec l’article 35 du projet de loi, qui vise la clarification des compétences des collectivités territoriales et la fin des financements croisés. Ou alors, il ne fallait pas introduire un tel article dans le projet de loi !

Je crois donc fermement que cet amendement permet d’éclairer le débat futur. En outre, il n’a rien de révolutionnaire puisqu’il tend à reprendre des éléments des rapports Belot et Krattinger-Gourault. Aussi, je n’imagine pas qu’il puisse être refusé.

M. Pierre Hérisson. C’est terminé ! Vous avez dépassé votre temps de parole !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous aviez trois minutes !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais c’est très important !

M. le président. Veuillez synthétiser votre argumentation, mon cher collègue.

M. Pierre-Yves Collombat. Je reviendrai sur ce point lors de mon explication de vote, monsieur le président, car je n’ai pas l’impression d’avoir convaincu.

Le second élément que je veux souligner concerne la coordination entre les acteurs, qui constitue aussi, me semble-t-il, l’un des objectifs principaux de la réforme.

Le problème, c’est que, d’un côté, vous voulez charger les conseillers territoriaux de la coordination entre la politique de la région et celle des départements et, de l’autre, vous créez les métropoles en leur donnant les mêmes compétences. Encore que j’imagine que, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le développement économique sera assuré par la région, sauf pour Marseille, pour Toulon et pour Nice ! Si c’est ce que vous appelez une clarification, une réforme positive, alors, vous êtes vraiment très forts !

L’objet de notre amendement est précisément d’apporter une réponse à cette lacune du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, aux termes du règlement du Sénat, le signataire d’un amendement dispose d’un temps de parole de trois minutes pour en exposer les motifs et que les explications de vote sont admises pour une durée n’excédant pas cinq minutes.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise d’abord à définir à grandes lignes les champs de compétences du département et de la région, puis à évoquer la coordination de l’action des collectivités territoriales, enfin à définir les pôles métropolitains.

Les dispositions concernant les compétences de la région et du département pourront être utilement discutées, comme l’avait souligné M. Collombat, dans le cadre du futur projet de loi sur les compétences. Elles n’ont donc pas leur place dans ce texte.

Quant à la coordination entre les acteurs, notamment entre départements ou régions et EPCI, le présent projet de loi ne supprime pas la conférence des exécutifs ; au contraire, par son article 6, il introduit les métropoles au sein de cet organe de concertation. Par ailleurs, la coordination entre le département et la région sera nettement assurée par la création du conseiller territorial.

Enfin, les dispositions concernant les pôles métropolitains seront discutées de manière plus approfondie lors de l’examen de l’article 7, qui prévoit leur création.

En conséquence, la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Frimat. Nous allons débattre, M. le ministre l’a dit !

M. Michel Mercier, ministre. Assurément, monsieur le sénateur, car c’est bien l’objet de notre présence !

Monsieur Collombat, la division additionnelle que vous nous proposez est vraiment très additionnelle puisqu’elle viendrait s’insérer avant même le titre Ier du projet de loi : cela montre clairement qu’elle est en dehors du texte présenté par le Gouvernement aussi bien que du texte établi par la commission.

Quant au fond et au contenu de l’amendement, je fais miennes les remarques qu’a formulées M. le rapporteur. S’agissant des compétences, toutefois, je souhaite apporter quelques précisions.

M. Guy Fischer. Elles ne figurent même pas dans le texte !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Fischer, si vous m’interrompez continuellement, je ne pourrai pas exposer l’avis du Gouvernement !

Mme Éliane Assassi. C’est un trublion ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Collombat, la disposition indiquant que « la mission centrale de la région est stratégique » ne définit pas une compétence, c’est une pétition de principe. (M. Pierre-Yves Collombat proteste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument ! C’est de la philosophie !

M. Pierre-Yves Collombat. Mais pas du tout ! Je ne suis pas de votre avis !

M. Michel Mercier, ministre. C’est votre avis, non le mien !

Je considère que certaines dispositions de l’amendement sont trop floues pour pouvoir constituer une charte des compétences des collectivités les unes par rapport aux autres.

S’agissant par exemple des pôles métropolitains, vous prévoyez expressément qu’ils sont créés par les régions et les métropoles. (M. Pierre-Yves Collombat proteste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà qui est curieux !