M. Jean-François Voguet. Mon explication de vote sera brève, car nous nous sommes exprimés à plusieurs reprises dans le débat.

Nous voterons bien sûr contre l’article 1er, et ce pour deux raisons.

La première est une raison de fond évidente : la création de ce conseiller territorial vise en quelque sorte à réduire l’activité des régions et des départements, alors que, selon nous, la situation actuelle, notamment économique et sociale, va à l’encontre de cette volonté.

Il faut, au contraire, préserver l’activité de ces deux strates de collectivités territoriales, qui, chacun le reconnaît aujourd'hui, jouent un rôle important dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Je pense notamment à l’action qu’elles mènent au travers des services publics locaux que j’ai évoqués tout à l’heure et qui irriguent une partie importante des activités humaines, qu’il s’agisse notamment de la petite enfance, de l’action sociale, de l’aménagement du territoire, de l’environnement, du cadre de vie, du développement économique, de la jeunesse et des lycées.

Le but de la présente réforme et de l’article 1er est, nous semble-t-il, de diminuer la dépense publique et, de ce fait, de réduire le service public territorial de proximité. Nous ne pouvons être d’accord avec cet objectif.

La seconde raison pour laquelle nous voterons contre l’article réside dans la complexité du processus qui nous est proposé, comme nous l’avons vu tout au long de ce débat. Je dirais même – mais je n’ose le croire ! – que les propositions qui nous sont faites souffrent d’une certaine impréparation.

Nous venons d’en avoir une illustration à l’instant sur la question du statut de Paris. Sur ce point, qui soulève des problèmes particuliers, la réflexion est totalement inexistante aujourd'hui. Il nous a été dit : « On verra plus tard ».

D’ailleurs, le Président de la République, lorsqu’il a présenté au palais de Chaillot le projet du Grand Paris, a clairement dit : « Faisons, et nous verrons la gouvernance après ! ». À l’évidence, il n’était pas prêt ! La population de la région parisienne ne semble pas être prête non plus, et l’on comprend bien pourquoi !

Au-delà des interrogations sur son rôle, la création du conseiller territorial tel qu’il nous est proposé pose de nombreuses autres questions.

Tout d’abord, le mode de scrutin met en cause, d’une certaine façon, la représentativité nationale.

Ensuite, quid des cantons ruraux et des cantons urbains, de la représentation des villes et des campagnes, du nombre d’élus, du nombre de voix nécessaires ?

De même, cela a été nettement démontré au cours du débat, la parité est remise en cause par le projet. Personne n’a pu faire la démonstration inverse : la proportion de femmes parmi les élus conseillers territoriaux diminuera. C’est inacceptable !

Enfin, se pose également la question de la juste représentation des différents courants de pensée existants dans notre pays. Ils sont bien réels et constituent une de nos particularités. Or, avec le mode de scrutin qui nous est proposé, ils ne seront pas représentés dans ces instances, en tout cas proportionnellement à leur réalité.

Pour toutes ces raisons, des raisons de fond et des raisons plus particulières liées au mode de scrutin et à la façon dont les choses sont présentées aujourd'hui, nous voterons contre l’article 1er qui, s’il était appliqué avec la création des conseillers territoriaux, serait, nous en avons la conviction, un recul démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Au terme de ce débat sur l’article 1er, débat long, et souvent intéressant je dois le dire, je souhaite donner mon point de vue non seulement comme sénateur, mais également en tant que président de conseil général.

La durée du débat était normale car, s’agissant d’une réforme majeure depuis la création des départements, il était utile de développer, tantôt des vérités, tantôt des contre-vérités : c’est le principe même du débat au sein du Parlement.

Cependant, il faut le reconnaître, – et cela n’a pas été assez dit –le fonctionnement au sein du bloc département-région n’a pas toujours été idéal, les départements et les régions s’ignorant souvent réciproquement sur le terrain. C’est, au fond, l’une des raisons pour lesquelles le Gouvernement a engagé cette réforme.

Des arguments pertinents ont été souvent avancés, mais, selon la phrase d’Édouard Herriot, citée par le président de mon groupe : « Un bon discours m’a quelquefois fait changer d’avis, jamais de vote ! ».

Nous avons également entendu des répétitions de contre-vérités. Même si la répétition a une valeur pédagogique, elle ne transforme pas une contre-vérité en vérité.

M. Jean-Pierre Sueur. Et réciproquement !

M. Bruno Sido. En effet, mon cher collègue !

Par ailleurs, quelques-uns, peu nombreux il est vrai, ont traité les départements avec condescendance, allant jusqu’à évoquer une « cantonalisation » des élections régionales. Peu agréable pour les nombreux conseillers généraux qui siègent dans cet hémicycle, une telle attitude n’est pas non plus très heureuse au regard du rôle extraordinairement important que jouent les départements, comme les membres de l’opposition eux-mêmes l’ont reconnu.

Certains ont prédit l’évaporation, la disparition, l’effacement – les termes sont nombreux – des départements. Personnellement, je ne le crois pas. (Mme Josiane Mathon-Poinat s’exclame.)

MM. Daniel Reiner et Claude Haut. Mais si !

M. Bruno Sido. Mes chers collègues, ne relançons pas le débat ! Je vous donne mon opinion, si vous me le permettez.

Cela a été très bien dit, par vous-mêmes d’ailleurs, on ne voit pas comment les départements pourraient être effacés et s’effacer.

M. Bruno Sido. Compte tenu de leur travail de proximité, d’humanité, de stratégie – vous l’avez dit vous-mêmes ; mais la stratégie n’est pas l’apanage des régions, de ceux qui veulent se faire plus gros que le bœuf –, je ne crois pas du tout que les départements disparaîtront.

D’abord, cette réforme permettra, naturellement, une meilleure articulation. Les mêmes siégeant ici et là, ils ne pourront pas se désavouer dans le département par rapport à un vote régional, et inversement.

Ensuite, – ce point n’a pas été abordé dans le débat, et je ne l’ai pas fait pour ne pas allonger ce dernier – la complexité de la réforme permettra aux conseillers territoriaux d’en faire ce qu’ils voudront sur le terrain, et ainsi notre pays ne sera plus un jardin à la française.

La loi donnera la possibilité de fusionner, après le vote des populations concernées, aux départements qui le souhaitent et aux régions intéressées. Puis, au sein des régions, les départements siégeront avec leurs présidents de conseils généraux, leur exécutif. Certains départements voudront se laisser faire, d’autres non. Dans certaines régions, les départements s’effaceront de leur propre volonté. En revanche, dans d’autres régions, je vous le dis très clairement, les départements prendront toutes leurs responsabilités. Dans ce cas, la région sera bien obligée de se concentrer sur ce qu’elle a à faire, plutôt que d’aller subventionner le lavoir du coin.

C’est pourquoi je considère que cette réforme est bonne. Elle permettra aux uns et aux autres de s’exprimer. Elle donnera aux territoires la possibilité d’exprimer leurs différences. Je comprends, par exemple, que l’Alsace souhaite faire différemment de la Bretagne.

C’est donc une véritable ouverture qui est proposée, pour permettre à la France de se réorganiser, et je regrette que le débat n’ait pas traité de cette question fondamentale. Peut-être est-elle trop vraie pour être abordée dans cet hémicycle ?

Personnellement, et pour toutes ces raisons, je voterai l’article 1er. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.

M. Pierre Jarlier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais m’abstenir sur l’article 1er.

Je le ferai, alors même que je ne suis pas opposé au principe d’un conseiller territorial qui pourrait créer un lien utile entre le conseil régional et le conseil général.

Mais, en l’état actuel de la discussion, on nous demande en quelque sorte de faire un chèque en blanc pour créer un nouvel élu, le conseiller territorial, alors qu’on ne sait pas quel territoire il représentera, quelles compétences exerceront les collectivités qu’il représentera, ni quel mode d’élection sera arrêté pour sa mise en place.

En revanche, ce que nous savons clairement, comme l’ont rappelé plusieurs collègues, c’est que cette création, en l’état actuel du texte, va signer la disparition de nombreux élus de proximité que sont les conseillers généraux.

Cette évolution me semble paradoxale, sachant que nos concitoyens nous demandent toujours plus de proximité.

Certes, une recomposition de certains cantons est sans doute nécessaire pour respecter l’évolution démographique de notre pays et la Constitution.

Mais le double mandat du conseiller territorial – car il s’agit bien de deux mandats distincts exercés par une seule tête – signe aussi une représentation des conseils généraux réduite à une part très faible d’élus, qui pourra aller jusqu’à la moitié des assemblées actuelles.

Dans les départements ruraux, notamment si l’on tient compte des discussions que nous avons eues tout à l’heure, en particulier celles qui ont été engagées par notre collègue Jacques Blanc, seuls quinze conseillers, et sans doute pas plus d’une dizaine pour une majorité, auront en charge le budget du conseil général, dans des hémicycles qui seront à moitié vides, pour gérer des budgets allant de 200 millions à 800 millions d'euros pour ces petits départements.

À l’opposé de cela, pour assurer une représentativité conforme à la Constitution dans les conseils régionaux, il faudra construire de nouveaux hémicycles, car les élus seront beaucoup plus nombreux qu’aujourd'hui.

L’objectif de diminution du nombre d’élus sera donc difficile à tenir, et les économies annoncées ne seront pas au rendez-vous,…

M. Pierre Jarlier. … alors que notre démocratie de proximité, si chère à la population, risque d’être affaiblie.

La navette parlementaire lèvera sans doute les incertitudes qui suscitent encore de multiples inquiétudes chez de nombreux élus.

C’est en tout cas ce que je souhaite et telle est la raison pour laquelle j’attendrai la deuxième lecture de ce texte pour me prononcer sur l’opportunité de créer ce conseiller territorial.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est courageux !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, M. Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, parle juste ; il parle d’or.

Un auteur célèbre, que M. le ministre connaît bien, a écrit un jour : « La vérité vous rendra libres ». Je le cite après avoir entendu les propos tenus par notre excellent collègue M. Maurey, qui nous dit, en substance : « Avec l’amendement About, en quelque sorte, la lumière électrique est arrivée ; enfin, nous avons été illuminés ! » (Sourires.)

Mme Jacqueline Gourault. On passe de l’ombre à la lumière !

M. Michel Mercier, ministre. On comprend mieux !

M. Jean-Pierre Sueur. Je me permets de faire observer à M. Maurey que, avant l’amendement About, il était question d’un scrutin mixte. Ce que le Gouvernement propose, c’est une élection uninominale avec une part de proportionnelle de 20 %.

M. Hervé Maurey. Une dosette !

M. Jean-Pierre Sueur. Après l’amendement About, il subsiste une part uninominale et une part proportionnelle. Cependant, M. Maurey affirme : « Au moins, c’est clair ! ». (Sourires.)

Puisque c’est clair, mon cher collègue, vous avez certainement perçu, par exemple, quel était le pourcentage de la part de proportionnelle. Est-ce 20 % ? 30 % ?

M. Nicolas About. Mais vous êtes dans les modalités, alors que nous en sommes encore aux principes !

M. Jean-Pierre Sueur. En tout cas, nous n’avons rien entendu de tel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne distingue pas les modalités !

M. Nicolas About. Maintenant, nous négocierons !

M. Jean-Pierre Sueur. Donc, ce qui était connu avant l’amendement About subsiste après ce dernier ; il n’y a pas de changement.

Or vous dites, mon cher collègue : « Nous avons obtenu quelque chose ». J’aimerais bien savoir quoi.

M. Yves Pozzo di Borgo. L’essentiel !

M. Jean-Pierre Sueur. Apparemment, tout le monde comprend.

M. Bernard Saugey. En effet !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Saugey, c’est facile à comprendre !

M. Bernard Saugey. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous nous dites également, monsieur Maurey, que grâce aux efforts de M. Jacques Blanc, vous avez maintenant la certitude que les quelques conseillers territoriaux qui subsisteraient dans tous les départements pourront représenter le territoire.

Mais cette précision figure déjà dans le troisième projet de loi sur les quatre que nous avons reçus, et M. le ministre a bien voulu nous donner lecture du passage concerné. Personne ne peut le contester. Vous n’avez donc rien obtenu d’autre que la confirmation orale de ce que vous saviez déjà.

Les conseillers territoriaux représenteront non seulement les territoires, mais également la population. Voilà qui est très intéressant, sauf que nul ne sait comment cela se passera. Par exemple, combien y aura-t-il d’élus pour représenter la Lozère ?

M. Jacques Blanc. Quinze au minimum !

M. Jean-Pierre Sueur. M. Mézard vous l’a démontré avec beaucoup d’éloquence, à partir du moment où il ne pourrait y avoir moins de quinze conseillers territoriaux par département et plus de 3 000 élus locaux au total, il resterait 1 500 postes à répartir. N’est-il pas étrange d’imaginer qu’un département douze fois plus peuplé qu’un autre ne compterait peut-être que quatre fois plus d’élus ?

Le dispositif est tout à fait contraire à l’exigence de représentation du suffrage, qui est également inscrite dans votre texte.

M. Nicolas About. Je suis heureux de constater à quel point vous vous délectez de la situation !

M. Jean-Pierre Sueur. J’en suis désolé pour vous, vous n’avez rien obtenu. Ou alors, puisque j’ai dit tout à l’heure que la vérité rendait libres, vous avez obtenu des choses dont vous ne nous avez pas fait part,…

M. Bernard Saugey. Inavouables !

M. Jean-Pierre Sueur. … et, dans ce cas, il serait très intéressant que vous puissiez éclairer l’assemblée, car, si vous avez uniquement obtenu ce que vous annoncez, ce n’est pas grand-chose, c’est même pratiquement rien.

M. Jean-Luc Fichet. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. Sans doute allez-vous me rétorquer que rien, c’est tout de même quelque chose, comme dans l’expression « un rien ».

M. Nicolas About. Et deux fois rien ?

M. Jean-Pierre Sueur. C’est encore quelque chose, bien sûr !

M. Dominique Leclerc. Quelle suffisance !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais, entre nous, ce n’est pas grand-chose !

M. Nicolas About. Ce n’est déjà pas mal ! On verra !

M. Jean-Pierre Sueur. Tout cela est probant. J’ai été très heureux, comme vous tous, me semble-t-il, d’entendre notre collègue Pierre Jarlier dire que, dans l’état des informations dont il dispose, il ne pouvait raisonnablement pas voter cet article.

J’en termine, mes chers collègues, puisqu’il ne me reste plus que trois secondes.

M. Jean-Pierre Sueur. Si vous suivez le raisonnement, tout simple, que nous avons présenté, le vote découle de lui-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela recommence !

M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes effectivement à un moment clé de l'examen de ce projet de loi. Nous avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, le conseiller territorial dont il est question à l’article 1er incarne à la fois la loi et l’esprit de loi.

Décidément, la volonté de suppression des départements n’apparaît nulle part dans le texte de façon explicite. Mais, depuis hier soir, nous avons été nombreux à dénoncer la tactique employée, qui consiste à agir en trois temps.

Il s’agit, dans un premier temps, d’étouffer les départements en supprimant la taxe professionnelle.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il s’agit, dans un deuxième temps, dans la perspective de la disparition de la clause générale de compétence, de leur interdire l’aide aux communes. Or c’est ce dispositif qui leur permet d’assurer la redistribution des ressources, la péréquation financière et, partant, la solidarité entre les communes riches et celles qui le sont moins.

Il s’agit, dans un troisième temps, pour couronner le tout, d’aspirer de manière mécanique, par le biais de la « métropolisation », une grande partie des compétences départementales.

Finalement, que restera-t-il des départements, de ces collectivités qui peuvent s’enorgueillir de plus de deux cents ans d’histoire ? Le mode de scrutin actuel – un mandat par canton – fait du conseiller général un élu de proximité. Cela fait très longtemps que ce dernier a prouvé, aux yeux de la population, son utilité sur le terrain.

Je l’évoquais hier soir, l’élaboration de l’étude d’impact du projet de loi aurait dû être l’occasion pour le Gouvernement de redessiner l’architecture des collectivités territoriales pour l’adapter aux problématiques du XXIe siècle. De nombreux orateurs ont décrit le conseil général et le conseil régional ainsi : le premier est une institution de proximité à l’égard à la fois des citoyennes, des citoyens et des communes ; le second est une collectivité tournée vers l’avenir, la stratégie industrielle, l’économie ou la recherche.

Au demeurant, j’observe que la mutualisation des moyens et des intelligences existe déjà dans nombre de régions et de départements. Je ne comprends donc pas l’insistance d’un certain nombre de nos collègues de droite, qui, pour justifier leur vote, s’échinent depuis hier soir à caricaturer les relations qu’ont leurs propres régions avec les départements concernés.

M. Jean-Jacques Mirassou. J’ai essayé de l’expliquer hier soir, en faisant référence aux départements que je connaissais, singulièrement celui de la Haute-Garonne : ce n’est pas un hasard si tout ce qui relève d’un projet ambitieux s’appuie sur de telles relations. Les exemples sont nombreux, et ce dans bien des domaines, qu’il s’agisse de l’essor d’EADS, de la construction d’un équipement collectif du type zénith ou stadium, de la logique prévalant dans le cadre des transports en commun. L’usager peut ainsi prendre dans la même journée, avec un seul titre de transport, un TER, un bus, un métro et un car interurbain.

Voilà ce qui existe dans la pratique, pour peu que l’on soit conscient de la réalité des besoins ! Fallait-il donc sacrifier toute l’architecture actuelle ou la nier pour arriver à un résultat que beaucoup de régions et de départements atteignent déjà aujourd'hui ?

Point n’est donc utile de créer ce fameux élu territorial, dont les compétences seront par définition très troubles, puisque, cela a été dit, les missions du conseil régional et celles du conseil général sont parfaitement distinctes.

Je le répète après bien d’autres, vous n’êtes pas arrivés, malgré votre obstination et un volontarisme tout de même quelque peu résigné, à réussir le tour de force de nous démontrer la pertinence de ce nouveau type d’élu.

Nous sommes profondément convaincus que cet article 1er est injuste et inique. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre, sans ambiguïté ! (Mme Bernadette Bourzai et MM. Claude Bérit-Débat et Daniel Reiner applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom du RDSE, je tiens à expliquer les raisons de notre vote, qui sera très majoritairement opposé à l'article 1er.

Nous attendions de ce débat qu’il nous donne des éléments pour comprendre en quoi la création du conseiller territorial améliorerait la vie de nos concitoyens et la gestion de nos collectivités. Or les arguments qui ont pu être échangés ne nous ont toujours pas convaincus.

Nous l’avons rappelé, la création du conseiller territorial n’est point issue des réflexions engagées par les associations d’élus, pas davantage de celles des partis politiques – cela ne figurait, me semble-t-il, dans aucun programme –, et encore moins du travail sénatorial réalisé dans le cadre de la mission Belot. Les membres de cette dernière s’étaient exprimés très majoritairement en faveur de l’instauration d’un conseil régional des exécutifs et contre le conseiller territorial.

Considérons donc qu’une telle idée est le fruit d’une « génération spontanée » !

Cela étant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, est-il normal de nous faire délibérer sans connaître vos intentions réelles sur le nombre des conseillers territoriaux – je m’en suis expliqué tout à l’heure –, sur le mode de scrutin – en dépit du projet de loi qui a été déposé – et sur les compétences ?

Voilà une catégorie d’élus atypiques, dont nous ne connaissons ni le nombre, ni l’assise territoriale, ni le mode de scrutin, ni la répartition des compétences selon la casquette qui sera la leur ! Nous n’avons qu’une certitude : le principe de parité sera bafoué !

Ne nous faites pas croire que vous ne connaissez pas la suite du feuilleton et que vous n’avez pas fait réaliser toutes les simulations nécessaires. Je n’ai pas eu l’impression que les questions que j’ai posées ont été entendues. Peut-être faudra-t-il envisager de vous offrir un sonotone ?

Les objectifs affichés dans l’exposé des motifs du projet de loi sont inadéquats. Le texte ne prévoit aucune véritable simplification. Bien au contraire, il en rajoute, avec la commune nouvelle et la métropole.

M. Gérard Le Cam. Et les pôles métropolitains !

M. Jacques Mézard. Comment peut-on simplifier un édifice en y ajoutant des étages ?

Si le projet de loi est ambigu, c’est en réalité parce que vous n’avez pas osé aller au bout du raisonnement. Sur toutes les travées, nous avons entendu une ode au département. Je crains qu’une telle unanimité et un tel enthousiasme ne soient plus inquiétants que véritablement rassurants. Trop de fleurs ont été versées,…

Mme Jacqueline Gourault. La campagne des cent fleurs, c’est Mao !

M. Jacques Mézard. … pour ne pas penser à un éloge funèbre !

Au-delà de l’ambiguïté, c’est au contraire la suppression d’un étage qui s’annonce. Sur ce point, vous n’avez pas non plus répondu par rapport à ce que nous avons pu lire ici ou là. Il y a quelques jours, le Président de la République a utilisé le terme de « préfiguration » pour évoquer la situation outre-mer. On a aussi beaucoup entendu la référence à l’« évaporation ». Ce sont tout de même des mots très forts. Lors de la suppression de la taxe professionnelle, on nous a soumis à une clause de revoyure. Aujourd'hui, on nous impose la préfiguration.

Vous professionnalisez les élus et vous fabriquez une nouvelle usine à gaz, avec des risques évidents de conflits entre les territoires, qu’aurait au contraire restreint le conseil régional des exécutifs proposé par la mission Belot. Cette usine à gaz est censée consommer moins de gaz et en produire plus. Là encore, vous refusez de répondre à la question que vous avez vous-mêmes posée.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, comment cette réforme permettra-t-elle d’économiser les 20 milliards d'euros qui découlent, selon vous, du chevauchement des compétences ? Ce texte n’est aucunement une avancée démocratique, ne simplifie rien et n’a pas forcément été élaboré pour améliorer la gestion de nos territoires. Il a manifestement d’autres visées. Nous n’avons cessé de le dire, les véritables objectifs sont masqués, ce qui est inquiétant pour l’avenir. De fait, la majorité du groupe RDSE votera contre l'article 1er. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Gérard Le Cam applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Gourault. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous ne pourrons pas nous retrouver dans la même situation lorsque nous aborderons la deuxième lecture de ce texte. La présentation de la réforme en quatre projets de loi présente en effet des inconvénients majeurs : beaucoup l’ont répété semaine après semaine, nous n’avons aucune vision sur la répartition des compétences. En d’autres termes, la charrue a souvent été mise avant les bœufs.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous vous engager à nous fournir, d’ici à la deuxième lecture au Sénat, l'ensemble des indications et des éléments de réflexion dont nous avons besoin ? Cela nous permettrait, le moment venu, de voter en toute sérénité et de façon définitive pour prendre un certain nombre de décisions, parmi lesquelles figure la création du conseiller territorial.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne dépend que de nous ! C’est nous qui votons la loi !

Mme Jacqueline Gourault. Nous ne pourrons pas, je le répète, aborder la deuxième lecture sans disposer de telles informations. Sans cette clarification absolument nécessaire, il est pour ma part évident que ce texte ne pourra pas passer.

Aujourd'hui, je suis solidaire de mes collègues, avec qui j’ai travaillé. Mais je vote avec l’espoir que cet engagement sera respecté. (Mme Françoise Férat applaudit.)

M. Jean-Jacques Mirassou. L’espoir sera déçu !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. À ce stade de la discussion de l’article 1er, je voudrais exprimer mon sentiment. Jusqu’à présent, je l’avais gardé pour moi afin de ne pas retarder les débats.

Je voterai cet article 1er et je balaie d’un revers de la main l’ensemble des objections qui ont été avancées par nos collègues de l’opposition.

M. Gérard Le Cam. Il vous faut un grand balai ! (Sourires.)

M. Alain Vasselle. Ces objections, je les rejette, fort de mon expérience de vice-président d’un conseil régional et d’un conseil général. Outre que le cumul des deux fonctions ne m’a posé aucune difficulté, il m’a permis de comprendre que les deux collectivités peuvent exercer leurs compétences d’une façon globalement complémentaire.

Force m’est néanmoins de reconnaître ici que, dans la plupart des cas, la région l’emportait sur le département. La création du conseiller territorial renforcera la complémentarité des compétences entre les deux collectivités. Je souligne, à cette occasion, la pertinence de la proposition qui nous est soumise.

Deux autres objections ont été soulevées, l’une par notre collègue Pierre Jarlier, l’autre, à l’instant même, par Jacqueline Gourault.

M. Jarlier a souligné que le conseiller territorial risquait d’être un peu éloigné des élus locaux. Il est vrai que le territoire sur lequel « sévissait », si j’ose m’exprimer ainsi, le conseiller général lui assurait une proximité réelle par rapport aux maires. Certains d’eux s’inquiètent donc du risque, demain, d’un éloignement.

Contre ce risque, contre cette difficulté, nous pouvons nous prémunir. Je rejoins l’objection de notre collègue Jacqueline Gourault, regrettant, comme elle, l’absence d’approche globale de la réforme. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) En effet, le succès du conseiller territorial dépendra moins du mode d’élection, moins de la définition des compétences respectivement exercées que de l’autonomie financière dont bénéficiera chaque collectivité ; je pense, en particulier, aux communes et aux intercommunalités.

Si nous réussissons la réforme qui garantira leur autonomie financière, il sera mis un terme à la dépendance actuelle des communes vis-à-vis du conseil général. Il n’y a rien de plus désagréable pour les maires que d’être réduits à faire en permanence la manche pour obtenir la subvention nécessaire à la réalisation de tel équipement, tel service ou tel investissement ! La situation est plus insupportable encore quand, comme cela arrive, certains présidents de conseil général, dont la sensibilité politique n’est pas la même que les maires demandeurs, posent leurs conditions, voire exercent une sorte de chantage à leur encontre.

M. Bruno Sido. Mais non !

Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai dans tous les sens !

M. Alain Vasselle. Peut-être ne le vivez-vous pas, cher Bruno Sido, mais je peux vous dire que j’en fais l’expérience dans mon propre département.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la réussite de la réforme des collectivités territoriales dépendra du succès de la réforme des finances locales ! (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ces longues explications de vote - rien que de très normal, en l’occurrence !- je voudrais apporter deux précisions demandées par plusieurs orateurs, notamment Mme Gourault.

Dans le dispositif qui vous est présenté, il manque aujourd’hui un seul texte, certes important, celui qui traite des compétences. Je rappelle que le ministre de l’intérieur, en ouverture de la discussion générale ici même, au Sénat, s’est engagé à le déposer dans les six mois.

M. Daniel Reiner. Il aurait dû commencer par ce texte-là !