compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Noël Guérini,

M. Daniel Raoul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Article 2

Réforme des collectivités territoriales

Suite de la discussion d’un projet de loi

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n °60, texte de la commission n °170, rapport n° 169 et avis n° 198).

Article 2 (suite)

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Article 3 (début)

M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons, à l’article 2, les explications de vote sur l’amendement n° 512 rectifié bis, présenté par MM. Charasse, Collin, Baylet et Barbier, Mme Laborde, M. Fortassin, Mme Escoffier et MM. Mézard, de Montesquiou, Tropeano, Plancade et Vall, et dont je rappelle les termes :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une commune ne dispose que d'un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui peut participer avec voix délibérative aux réunions de l'organe délibérant en cas d'absence du délégué titulaire et si celui-ci n'a pas donné procuration. »

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

M. Jean-René Lecerf. J’ai dit hier que j’étais assez d’accord avec M. Gérard Collomb quant aux problèmes que pourrait susciter l’amendement n° 512 rectifié bis.

Dans une communauté urbaine comme celle de Lille, quelque soixante communes sur quatre-vingt-cinq n’ont qu’un seul représentant. Cela signifie que nous serons confrontés à ce que mon collègue appelait « l’auberge espagnole », et je crains que cette mesure ne rende la gestion des grandes agglomérations extrêmement difficile.

J’observe également que, dans l’exposé des motifs de l’amendement déposé par nos collègues du RDSE, il n’est fait allusion qu’à la situation des communautés de communes et des communautés d’agglomération. Serait-il possible de faire en sorte que les communautés urbaines, aujourd’hui, ainsi que, demain, les métropoles ne soient pas concernées ? C’est ce que je souhaite.

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 703, présenté par M. Collomb, et ainsi libellé :

Amendement 512 rectifié bis, alinéa 3

Au début de cet alinéa, ajouter les mots :

Dans les communautés de communes,

La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. J’ai déjà eu l’occasion de m’expliquer hier. Dans nos grandes communautés urbaines nous examinons environ cent cinquante délibérations par soirée. Prévoir un titulaire et un suppléant à la fois dans les séances publiques et dans les séances de commission avec en plus une alternance reviendrait à faire participer aux débats, sous une forme ou sous une autre, de deux cents à deux cent cinquante personnes ! Nous aurions donc à embaucher du personnel au service des assemblées pour pouvoir gérer ce nombre supplémentaire de délégués, et nous serions également obligés, par exemple pour les plans locaux d’urbanisme, ou PLU, d’envoyer à toutes ces personnes un mètre cube de documents !

Autant l’amendement n° 512 rectifié bis peut être adapté pour les communautés de communes, autant il n’est évidemment pas approprié pour les très grandes villes. Telle est la raison du dépôt du sous-amendement n° 703.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 703 ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce sous-amendement ainsi que l’amendement n° 512 rectifié bis posent un double problème.

Premièrement, il est tout à fait normal que les communes soient représentées. Dans une petite commune n’ayant qu’un seul délégué, cet unique représentant doit pouvoir être remplacé par un suppléant s’il n’est pas là, car c’est un conseiller municipal de la commune concernée qui sera le plus à même d’en défendre les intérêts.

En revanche, comme l’ont expliqué nos collègues MM. Collomb et Lecerf, cet amendement soulève des difficultés pour les grosses collectivités.

Puisqu’il s’agit d’un problème épineux, je vous demande, monsieur le président, de suspendre la séance pour quelques instants, afin de me permettre de consulter la commission des lois sur cette dérogation. Bien que celle-ci paraisse un peu anodine, elle pourra avoir des conséquences politiques importantes pour les petites communes appartenant à ces grandes structures.

M. le président. Je vais faire droit à votre requête dans un instant, monsieur le rapporteur, mais souhaite auparavant, pour la clarté de nos débats, recueillir l’avis du Gouvernement, et permettre à certains de nos collègues d’intervenir pour explication de vote.

Quel est donc l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 703 ?

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Je souhaite que la commission puisse éclaircir sa position, et le Gouvernement se prononcera à ce moment-là.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Le problème que nous abordons ici va se reposer à l’article 3.

Tout d’abord, cette question fait surgir non pas des clivages politiques au sens classique du terme, mais plutôt des oppositions qui sont fonction du vécu et du type de collectivité concerné.

Plus on réfléchit et plus on s’aperçoit qu’il y a probablement une spécificité de ces très grosses intercommunalités que sont les communautés urbaines et, éventuellement demain, les métropoles.

En revanche – je me souviens de ce que notre collègue M. Braye disait hier soir –, le sous-amendement n° 703 mériterait à mon avis d’être étendu aux communautés d’agglomération, dont nombre sont composées de petites communes, avec une ville-centre proportionnellement plus grosse ; nous retrouverons ce problème tout à l’heure.

C’est donc l’amendement n° 512 rectifié bis assorti d’une telle modification que j’aimerais voter.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. Je voudrais simplement attirer l’attention de M. le ministre, mais surtout de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des lois, ainsi que de tous les membres de cette commission, sur deux éléments.

Je me suis exprimé sur la possibilité d’écarter de la mesure proposée par l’amendement de M. Charasse les seize communautés urbaines de notre pays, qui ne sont d’ailleurs pas aussi importantes qu’on le croit.

Il faut en revanche absolument intégrer dans l’amendement les cent soixante-quatorze communautés d’agglomération, dont certaines sont bien plus petites que certaines communautés de communes.

M. Michel Charasse. Bien sûr !

M. Dominique Braye. La France compte cent soixante-quatorze communautés d’agglomération, et, en tant que membre du bureau de l’Assemblée des communautés de France, l’AdCF, je considère que les petites communes, qui sont très nombreuses au sein de ces structures, doivent être visées par l’amendement de M. Charasse. De fait, comme le démontre l’étude qu’a menée l’AdCF, c’est précisément dans les cent soixante-quatorze communautés d’agglomération que, le plus souvent, le problème de la ville-centre se pose par rapport aux petites communes périphériques. Certes, les communautés urbaines sont elles aussi confrontées à cette problématique, mais dans des termes très différents. Les communautés de communes, quant à elles, sont, d’une manière générale, beaucoup plus homogènes dans la mesure où les villes-centres sont plus petites.

Essayons de traiter ce problème de façon pragmatique en intégrant au dispositif proposé les communautés d’agglomération.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. J’avais déposé un amendement dont l’objet était similaire, quoique moins restrictif, à celui de l’amendement n° 512 rectifié bis. Je l’ai finalement retiré. Cet amendement tendait à autoriser une commune qui ne compterait qu’un seul délégué titulaire à remplacer celui-ci, en cas d’empêchement momentané, par un suppléant afin que puisse être présenté et défendu le point de vue de cette collectivité. Je ne vois aucune raison de traiter différemment les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines. Dans une communauté urbaine ou une communauté d’agglomération, le poids de la ville-centre est plus difficile à supporter pour les petites communes.

M. Nicolas About. Effectivement !

M. Hervé Maurey. C’est pourquoi il serait absurde et inenvisageable que ces dernières ne soient pas représentées ! (M. Nicolas About acquiesce.) En outre, cette absence de représentation serait sans doute anticonstitutionnelle. J’espère que le Gouvernement y prendra garde, lui qui ne manque jamais d’invoquer devant nous le respect des textes constitutionnels.

Toujours est-il que je m’étonne vraiment qu’on puisse oser présenter ce genre de sous-amendement. Cela démontre une fois de plus que le lobby des grosses communes a, au sein de cette assemblée, un poids qui ne manque pas d’être surprenant.

Comme l’a très bien expliqué Michel Charasse hier soir, nous devons aussi prendre en considération les petites communes, dont nous sommes censés être les défenseurs, ce que certains ont parfois tendance à oublier ! (Marie-Thérèse Bruguière applaudit.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 704, présenté par M. Collombat, et ainsi libellé :

Amendement 512 rectifié bis, alinéa 3

Au début de cet alinéa, ajouter les mots :

Dans les communautés de communes et les communautés d'agglomération,

Mes chers collègues, nous couvrons ainsi la totalité des possibilités : l’amendement n° 512 rectifié bis vaut pour tout le monde ; le sous-amendement n° 703 exclut les communautés urbaines et les communautés d’agglomération, et le sous-amendement n° 704 écarte les seules communautés urbaines.

Pour répondre à la demande de M. le rapporteur, nous allons interrompre nos travaux afin que la commission puisse se réunir.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures quarante-cinq, est reprise à dix heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Monsieur le rapporteur, quel est donc l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission a émis à l’unanimité un avis favorable sur le sous-amendement n° 704 de M. Collombat.

M. le président. Monsieur Collomb, faut-il en conclure que vous retirez votre sous-amendement n° 703 ?

M. Gérard Collomb. Oui, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 703 est retiré.

Quel est, en définitive, l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 704 ?

M. Michel Mercier, ministre. Je ne peux malheureusement pas partager l’avis de la commission des lois.

En effet, selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel – il y a notamment la décision du 6 décembre 2007 –, si le législateur peut traiter de manière différente des situations différentes, il ne peut déroger au principe d’égalité. L’amendement no 512 rectifié bis, qui vise à assurer la représentation des petites communes, prévoit des dispositions identiques pour toutes les structures de coopération intercommunale.

Le législateur ne peut pas trier les structures intercommunales et prévoir un traitement différent pour les communautés de communes, les communautés d’agglomération ou les communautés urbaines. S’il le faisait, il prendrait un risque grave d’inconstitutionnalité. Le rôle du Gouvernement est bien de rappeler la position constante du Conseil constitutionnel et de mettre en garde le législateur à cet égard.

Toutefois, le Sénat est souverain. Il est placé devant une alternative simple : adopter ou rejeter l’amendement no 512 rectifié bis. Mais il ne peut en aucun cas établir une distinction entre les diverses structures.

Le Gouvernement est donc défavorable au sous-amendement no 704, M. Marleix, je le rappelle, ayant émis hier un avis favorable sur l’amendement no 512 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 704.

M. Michel Charasse. Je partage sans réserve l’analyse juridique de M. le ministre.

Je ne pensais pas que cet amendement provoquerait un tel trouble. Pourtant, il se justifie d’autant plus que le groupement de communes est très important et que les petites communes y sont écrasées pour des raisons démographiques.

Dans la mesure où nous nous préparons à voter des textes qui vont rompre avec la règle générale en ramenant de deux à un le nombre de délégués, veillons au moins à assurer en toutes circonstances la représentation des petites communes aux réunions du conseil.

Je regrette que M. Collomb n’ait pas compris le sens de ma démarche. Mon amendement prévoit simplement que le délégué qui ne peut pas venir et qui n’a pas donné délégation à un autre collègue peut se faire remplacer par son suppléant. Ainsi, dans un cas exceptionnel, lorsqu’un problème grave se pose concernant une petite commune – problème de voirie, de traversée de commune, par exemple –, le conseil municipal de ladite commune aura la possibilité de se faire entendre par un représentant si le délégué normalement désigné ne peut pas être présent.

Plus la communauté est importante, plus la représentation et la défense de la petite commune se justifient.

Mes chers collègues, est-il vraiment nécessaire de consacrer des heures à cette question élémentaire, de bon sens ?

Hier, nous sommes entrés dans un processus qui conduira à la suppression des petits cantons ruraux et à leur regroupement en cantons plus importants. Qui sera alors moins bien représenté ? Évidemment, les petites communes !

Les articles 3 et suivants nous engagent dans un mouvement tendant à renforcer encore le poids des villes – et je n’y suis pas opposé, je ne cherche pas à déclencher une guerre entre villes et campagnes – au sein des intercommunalités. Cela se fera nécessairement au détriment des petites communes. Je vous en prie, mes chers collègues, arrêtons de massacrer ces dernières ! Ne leur coupons pas complètement la parole !

Monsieur Collomb, le fait qu’un délégué unique qui ne peut pas venir donne une délégation à l’un de ses collègues ne soulève aucune difficulté. Je ne comprends pas quels problèmes la technostructure de la communauté urbaine de Lyon rencontrera parce que deux ou trois délégués supplémentaires assisteront, à titre exceptionnel, à une réunion. La technostructure est là pour travailler. Je ne vois pas ce qu’elle peut avoir à expliquer en long, en large et en travers. De toute façon, tout le monde sait que l’on n’explique jamais assez !

J’ajoute que, si une délibération relative au passage d’une route, par exemple, intervient concernant une petite commune qui n’est pas représentée – et cela se produit tous les jours – et que cette délibération se heurte à l’opposition de la population, vous découvrirez le lendemain dans votre journal – Le Progrès ou un autre journal –, que les habitants de cette commune ont organisé une manifestation, barré un passage pour s’opposer à cette décision, et la communauté sera mise en cause, y compris le conseil municipal placé devant le fait accompli. Et ce, tout simplement parce que, le jour de la réunion du conseil communautaire, le délégué de cette commune n’était pas là pour s’exprimer !

La nuit dernière, Mme Dominique Voynet nous a expliqué que mon amendement entraînait un mandat impératif. Peut-être étions-nous alors un peu endormis ; mais ce matin, nous sommes parfaitement réveillés. Que celui qui, en cet instant, considère – naïvement – que le fléchage évitera le mandat impératif se fasse connaître. Je suis prêt à m’expliquer avec lui à la sortie. Arrêtez de me faire rire ! Il y aura dans toutes les communautés des groupes politiques, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle ! Or, la règle du groupe politique, c’est le mandat impératif. J’en sais quelque chose. J’ai été exclu du parti socialiste parce que je n’ai pas accepté le mandat impératif ! (M. Hervé Maurey applaudit.)

Mes chers collègues, vous aurez tous compris que je suis hostile au sous-amendement no 704.

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.

M. Gérard Collomb. Je maintiens ma position. Je me suis rallié au sous-amendement no 704 de M. Collombat pour faire preuve de bonne volonté, de manière que l’on excepte les communautés urbaines, et, demain, les métropoles.

On souhaite constituer de très grands ensembles. Toutes les communes devant avoir au moins un représentant, le nombre des représentants sera donc très élevé.

On nous propose que les communes représentées par un délégué puissent faire siéger un autre délégué.

M. Michel Charasse. S’il a délégation !

M. Gérard Collomb. Oui, alternativement, lorsque le titulaire ne pourra pas venir !

Il faut mesurer les conséquences d’une telle décision. Cela signifie que des délégués différents pourront assister aux séances de commission – une tous les quinze jours environ – et aux séances du conseil communautaire – une tous les mois –, au cours desquelles sont examinés à peu près 150 dossiers.

Considérons la situation d’un point de vue pratique. Nous n’écrasons pas les petites communes. Toutes les petites communes sont dans ma majorité. Leurs représentants ont bien évidemment réfléchi à la réforme des collectivités territoriales : ils ne veulent pas de cet amendement visant à prévoir un suppléant ! (M. Michel Charasse s’exclame.) La raison en est simple. Il sera déjà difficile, avant les élections, de flécher le titulaire, et des bagarres, des marchandages risquent d’intervenir. Alors, songez à ce que cela donnera pour les suppléants !

Mes chers collègues, je veux bien que, dans les petites communes, on soit presque en famille et que tout se règle dans la bonne humeur. Mais ce n’est pas tout à fait le cas dans les très grandes communautés urbaines. Il faut donc édicter des règles précises.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. Il ressort de l’intervention de M. le ministre que le Sénat est placé devant une alternative : soit il vote l’amendement n° 512 rectifié bis de M. Charasse, acceptant ainsi la création d’un suppléant dans tous les EPCI, soit il le rejette, et supprime cette possibilité pour tous les EPCI.

Je comprends les problèmes qui peuvent se poser, et je m’en suis d’ailleurs ouvert à M. Collomb. Toutefois, force est de constater que la COURLY n’est pas la France. (M. Gérard Collomb s’exclame.) On ne peut pas, parce que cela convient à la communauté urbaine de Lyon, prendre une disposition qui s’appliquera aux 2 600 autres EPCI, lesquels souhaitent continuer à fonctionner comme ils le font aujourd’hui.

Mes chers collègues, écoutons M. Charasse, arrêtons de taper sur les petites communes, cessons de les massacrer ! Tout ce qui se prépare est déjà amplement suffisant ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Les maires des petites communes ne pardonneraient jamais au Sénat, qui se dit tous les jours le garant du territoire, le garant de toutes les collectivités locales, y compris des plus petites, de voter une telle disposition !

Efforçons-nous de défendre ces petites communes et de leur donner leur juste place. La démographie doit certes être prise en compte, mais il faut aussi intégrer des critères de nature territoriale. Sinon, nous ne sommes plus dans l’intercommunalité, nous instituons une représentation nouvelle des communes, dans laquelle un homme vaut une voix.

Pour toutes ces raisons, je voterai l’amendement no 512 rectifié bis, présenté par M. Charasse. (M. Jean-Marc Juilhard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je suis d’accord sur un point avec Michel Charasse : nous nous sommes lancés dans un débat extraordinaire ! Je n’aurai d’ailleurs jamais envisagé de déposer un tel sous-amendement si nous n’étions pas allés aussi loin.

M. le ministre a invoqué l’inconstitutionnalité de cette disposition. Il reviendra au Conseil constitutionnel de se prononcer, et Michel Charasse, lorsqu’il en sera membre, tranchera ! (M. Michel Charasse s’exclame.)

Il m’avait semblé que la question était moins liée à la défense des petites communes qu’à la possibilité pour un délégué de se faire représenter par un suppléant.

Je considère que l’on ne peut pas dissocier cette discussion – et sans doute cela explique-t-il sa longueur – des dispositions de l’article 3 que nous allons examiner tout à l’heure.

Aujourd’hui, il y a des statuts, les contrats passés entre les communes ; il faudrait en rester là et ne prévoir des règles qu’en cas de problème.

Les statuts de certaines communautés prévoient la possibilité de se faire remplacer par un suppléant. J’ai donc présenté une solution de compromis – mais je ne me ferai pas couper la tête pour cela ! – afin de pouvoir traiter des cas très différents. Les communautés urbaines n’ont en effet pas la même origine juridique que les autres structures intercommunales. Elles sont beaucoup plus intégrées, et il ne me paraît donc pas scandaleux de leur assigner des règles légèrement différentes.

Mais que le Sénat vote l’amendement de M. Charasse modifié ou non par mon sous-amendement, la terre ne s’arrêtera pas de tourner !

M. Pierre-Yves Collombat. Si les difficultés de représentativité des petites communes se limitaient à la possibilité pour un titulaire de se faire remplacer par un suppléant, nous n’aurions pas beaucoup de soucis à nous faire. Je suis beaucoup plus inquiet pour la suite de la discussion, car le projet de loi prévoit des dispositions qui réduisent drastiquement leur représentation. Nous reviendrons sur ce sujet lors de l’examen de l’article 3.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Je soutiens le sous-amendement no 704 de M. Pierre-Yves Collombat, qui n’est pas plus que moi un élu de la COURLY !

Tout d’abord, ce sous-amendement n’est pas politiquement incorrect. Je ne peux pas laisser dire qu’il y a une machine diabolique contre les communes rurales.

M. Nicolas About. Mais si !

M. Alain Anziani. Notre volonté est que le dispositif s’adapte à toutes les communes, dans leur diversité.

Par ailleurs, ce sous-amendement ne me paraît non plus juridiquement incorrect. Le Conseil constitutionnel pose certes le principe d’égalité. Toutefois, et vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il s’agit de l’égalité de traitement de situations identiques. Or, en l’occurrence, les situations ne sont pas identiques. Nous sommes face à des structures qui s’appuient sur des strates démographiques différentes, qui ont parfois des compétences et des règles de fonctionnement différentes. Je ne vois donc pas en quoi le principe d’égalité serait bafoué.

En revanche, en termes de droit, l’amendement no 512 rectifié bis me semble receler une difficulté. En effet, et cela ne me paraît pas juridiquement viable, il permet à une assemblée de commencer un débat avec certains élus et de l’achever avec d’autres élus. Cela soulève une difficulté réelle.

M. Michel Charasse. Et que se passe-t-il ici ?

M. Alain Anziani. Cela posera un vrai problème. Non seulement deux collèges différents pourront se succéder au cours de la même journée, mais une délibération pourra commencer avec un délégué et se poursuivre avec son suppléant, lequel n’aura pas nécessairement eu connaissance de tous les éléments du débat. À mon avis, c’est là que se situe le vrai problème de constitutionnalité !

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

M. Jean-René Lecerf. Je soutiendrai le sous-amendement n° 704 présenté par notre collègue Pierre-Yves Collombat, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, je ne pense pas, contrairement à M. le ministre, qu’il soit inconstitutionnel.

Tout d’abord, le principe d’égalité doit s’appréhender de manière concrète et n’oblige à traiter de la même manière que les collectivités se trouvant dans des situations identiques. Or la volonté d’intégration est plus forte au sein d’une communauté urbaine, dont la création répond à des conditions de majorité et de population différentes de celles qui président à la constitution d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération.

Ensuite, si l’on suit l’argumentation de M. le ministre, la loi du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines était elle-même inconstitutionnelle,…

M. Michel Mercier, ministre. Non !

M. Jean-René Lecerf. puisqu’elle ne prévoyait pas la représentation de toutes les communes.

M. Michel Charasse. Elle n’a pas été soumise au Conseil constitutionnel !

M. Jean-René Lecerf. J’ai moi-même siégé dans des communautés urbaines où les petites communes n’étaient absolument pas représentées, et l’on ne doit cette représentation de l’ensemble des communes qu’à un amendement déposé ultérieurement par notre regretté collègue André Diligent.

En second lieu, j’ai été maire d’une commune de 40 000 habitants de la communauté urbaine de Lille : elle n’avait droit qu’à quatre représentants au sein du conseil de communauté, quand les plus petites communes, qui ne comptaient qu’une centaine d’habitants, envoyaient un représentant chacune… Faites la comparaison, mes chers collègues : peut-on vraiment parler d’un « écrasement » des petites communes ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Au regard des réalités de ma communauté d’agglomération, ce débat me paraît surréaliste. Nous n’avons pas attendu l’amendement de notre collègue Michel Charasse pour prévoir dans nos statuts la désignation de suppléants. Ce système fonctionne parfaitement… (M. Michel Charasse s’exclame.)

Toutefois, même s’il me semble inutile, je suis d’avis que nous adoptions l’amendement de M. Charasse, modifié par le sous-amendement de M. Collombat. Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, qu’il s’agit de la première lecture du texte, et que nous aurons tout le temps d’approfondir par la suite la constitutionnalité de cet amendement. (M. le ministre acquiesce.)

M. Dominique Braye. C’est vrai !

M. Daniel Raoul. Quoi qu’il en soit, ce problème ne me semble pas devoir concerner les communautés urbaines, dont les compétences, les modalités de désignation des représentants et les statuts sont fort différents. C’est pourquoi je suis favorable au sous-amendement n° 704.

M. Michel Charasse. La seule différence réside dans la longueur de la liste des compétences obligatoires.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.