M. Patrice Gélard, rapporteur. Dans le cas de cet amendement, on parlera non pas d’un cavalier, mais d’une écurie entière ! (Sourires.)

Avant d’expliciter ma position sur ce point, je voudrais faire deux remarques de fond.

Premièrement, le texte de cet amendement émane en partie d’un projet de loi adopté par le Gouvernement, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, qui l’a transmis à sa commission des lois. Je ne trouve pas souhaitable que nous prenions le train en marche et que nous court-circuitions l’Assemblée nationale, qui a été saisie de ce projet de loi.

Il s’agit là d’un problème de déontologie entre le Sénat et l’Assemblée nationale : lorsque l’une des deux assemblées est saisie d’un texte, l’autre n’a pas à s’y substituer et à tenter de travailler plus rapidement.

Telle est la position que nous avons retenue, me semble-t-il, pour certaines propositions de loi, que nous avons décidé de renvoyer en commission parce qu’elles avaient été déposées préalablement devant une autre assemblée.

Deuxièmement, nous envisageons une transformation des juridictions financières, qui, à terme, doit aboutir à la refonte presque totale du code des juridictions financières. Cette tâche incombe normalement à la commission des lois et ne devrait pas relever de la commission des finances.

Le problème soulevé par M. le rapporteur pour avis, Jean Arthuis, est extrêmement important.

Le président de la commission des lois et moi-même avons rencontré le Premier président de la Cour des comptes. S’agissant du projet de loi portant réforme des juridictions financières, dont Philippe Séguin était effectivement à l’origine, il nous a fait part de son opinion, plutôt favorable, à l’égard de ce texte.

Depuis, j’ai eu des échanges téléphoniques avec les magistrats de la Cour des comptes, qui estiment tout à fait prématuré de se lancer dans cette opération. D’autres magistrats, issus des chambres régionales des comptes, m’ont dit la même chose.

Par conséquent, la concertation n’est pas terminée : elle devrait même commencer maintenant.

Indépendamment de son importance, le texte proposé par M. Jean Arthuis est partiel et n’a qu’un très lointain rapport avec la proposition de loi émanant de M. Bernard Accoyer.

Ainsi, la disposition concernant la fusion de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes est tellement innovante que sa mise en œuvre ne peut être rendue possible par la simple adoption d’un texte modifiant ou reprenant sept articles du code des juridictions financières. Il faudrait donc élaborer un autre projet de loi pour compléter et rendre applicable l’amendement de M. Arthuis.

Dès lors, je propose à ce dernier de le retirer, faute de quoi je serai tenu d’exprimer un avis défavorable.

Encore une fois, je le souligne, nous ne sommes pas opposés à l’idée d’adopter de nouvelles dispositions relatives aux juridictions financières. Le Gouvernement s’est engagé dans cette voie, et Philippe Séguin, nous le savons, a réalisé un travail très important sur cette question. Nous sommes donc parfaitement disposés à en discuter un jour. Mais cela semble aujourd’hui prématuré, d’autant que la proposition de M. Arthuis est partielle, alors qu’une vision d’ensemble est nécessaire.

Pour ces raisons, monsieur Arthuis, je préférerais vous voir retirer votre amendement, plutôt que de devoir exprimer un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Henri de Raincourt, ministre. M. le rapporteur vient d’expliciter d’une manière très précise le point de vue de la commission, point de vue partagé, je le sais, par un grand nombre des membres de la Haute Assemblée. Le Gouvernement s’aligne également sur cette position.

Je remercie M. Arthuis d’avoir rappelé quel travail avait été déjà accompli, que le Président de la République avait lancé cette réforme des juridictions financières, que le texte avait été travaillé, ensuite adopté en Conseil des ministres, puis déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale et renvoyé pour examen à la commission des lois de cette assemblée. Un processus est donc effectivement engagé.

S’agissant de l’amendement déposé par M. Arthuis, il tend à reprendre en partie, mais non dans sa totalité, le contenu du projet de loi qui est sur le bureau de l’Assemblée nationale. Si cet amendement venait à être adopté, il faudrait réajuster en conséquence le texte qui se trouve à l’Assemblée nationale et reprendre la discussion sur les autres dispositions. On risquerait d’aboutir à un dispositif quelque peu bancal.

Si nous comprenons bien l’urgence, soulignée par M. Arthuis, liée aux situations financières de la France, de nos voisins européens et d’un certain nombre de pays dans le monde, nous devons néanmoins avancer avec prudence sur ces questions.

Par ailleurs, les magistrats se sont quelque peu émus auprès de nous de la méthode qui était utilisée pour aborder un peu par le petit bout de la lorgnette – ce propos n’est aucunement péjoratif dans mon esprit –, à l’occasion de la discussion de cette proposition de loi, les dispositions suggérées par M. Arthuis.

Il est bien évident que le Gouvernement partage totalement la philosophie qui sous-tend la proposition de M. Arthuis et, sur de nombreux points, l’esprit des dispositions qu’il a bien voulu relever.

Je suis bien sûr très sensible – j’en suis presque ému – à la sollicitude de M. Arthuis à mon endroit. Mais je ne me plains pas de ma condition, parce que c’est un grand honneur et un bonheur chaque jour renouvelé que de travailler pour son pays, au contact quotidien des parlementaires ; quelles que soient les difficultés qui peuvent surgir ici ou là, seul l’intérêt général commande.

Il faut savoir ce que l’on veut. Un certain nombre d’entre nous – ce fut mon cas puisque j’étais sénateur à l’époque – ont voté une réforme constitutionnelle qui, entre autres dispositions, afin de donner de l’oxygène à la discussion parlementaire, a séparé l’ordre du jour : deux semaines de séance sur quatre sont réservées au Gouvernement, deux semaines sont réservées au Parlement. Il est donc évident que le Gouvernement ne peut pas faire entrer dans deux semaines de travail parlementaire ce qui précédemment en prenait quatre. Il faut donc que, par de nouvelles habitudes de travail, nous arrivions à nous rôder par rapport au nouvel exercice auquel nous sommes invités et que nous parvenions à réduire le délai entre l’adoption des textes en Conseil des ministres et leur examen par les assemblées.

Je ne sais pas si M. Arthuis était présent au début de la séance tout à l’heure, lorsque M. le rapporteur a exprimé la crainte, après la lecture des conclusions de la conférence des présidents, que le train de l’ordre du jour sénatorial ne déraille ; or M. Arthuis me charge d’ajouter un wagon supplémentaire.

M. Henri de Raincourt, ministre. Je suis donc un peu dans l’embarras ce soir. Je tiens à dire solennellement au président de la commission des finances qui m’a interrogé sur ce point que le Gouvernement entend bien mener la discussion du projet de loi portant réforme des juridictions financières à son terme, mais la franchise m’impose de lui dire qu’aucune date n’est aujourd'hui arrêtée et que ce texte ne pourra pas être examiné avant la clôture de la session parlementaire ordinaire.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. C’est bien triste !

M. Henri de Raincourt, ministre. Si, par hypothèse, le Président de la République décidait – c’est une simple supputation – d’organiser une session extraordinaire au cours du mois de juillet,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Allez savoir !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Chiche ! (Sourires.)

M. Henri de Raincourt, ministre. … je sais que ce texte n’aurait pas plus de chances d’être examiné avant la clôture de cette dernière.

Je souhaite donc ardemment – et cela me paraît préférable à tous points de vue – que M. Arthuis accepte de répondre à la sollicitation de M. le rapporteur et retire son amendement.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement est-il maintenu ?

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. J’ai été très attentif aux appels de la commission et du Gouvernement.

M. le rapporteur me permettra d’abord de lui faire observer, pour répondre à sa première remarque, que la procédure n’est pas tout à fait nouvelle. Il n’y a pas si longtemps, à l'Assemblée nationale, M. Warsmann a fait adopter une proposition de loi portant simplification d’un certain nombre de textes.

Mme Nicole Bricq. C’est exact !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Nous avons utilisé le véhicule de la première loi de finances rectificative pour nous saisir d’une partie de ce texte sans dessaisir la commission des lois, monsieur Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’est pas nécessaire de faire aussi mal !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Donc, monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas véritablement d’une innovation.

J’en viens à votre deuxième remarque qui portait sur la concertation. Il y en a une, engagée par Philippe Séguin. Sur le plan de la méthode parlementaire, il n’y aurait à mon avis aucun inconvénient, dès l’adoption d’un projet de loi en Conseil des ministres, à commencer la concertation sans attendre l’inscription du texte à l’ordre du jour du Parlement.

Enfin – c’était votre troisième remarque –, il est vrai que ma proposition est très partielle. Je le répète, il n’était pas question pour moi de me saisir de dispositions juridictionnelles qui relèvent évidemment de la compétence de la commission des lois. Je m’en suis tenu à des considérations exclusivement liées à la pratique de l’audit et à la nécessité d’opérer un décloisonnement entre les chambres régionales et la Cour des comptes. On a bien vu, à l’occasion d’enquêtes sur la ville, sur l’éducation nationale, sur les chambres de métiers, les complications que pouvait entraîner ce cloisonnement. Mais j’ai entendu votre appel, monsieur le rapporteur.

Monsieur le ministre, le processus est engagé ; je sais votre volonté et celle du Gouvernement, et je mesure votre embarras : vous ne pouvez pas inscrire le texte portant réforme des juridictions financières à l’ordre du jour du Parlement avant le 30 juin, et, s’il devait y avoir une session extraordinaire au mois de juillet, vous n’auriez pas non plus la possibilité de le faire. Y aura-t-il une possibilité au mois de septembre ?

Mon seul désir est de vous aider, car il y va de l’intérêt de la France et de la réussite du Gouvernement. Peut-être pourrions-nous transformer votre texte en une proposition de loi, qui pourrait ainsi être discutée lors d’une semaine réservée au Parlement ? Il peut arriver que le Gouvernement ne voie pas d’inconvénient à ce qu’on utilise la semaine du Parlement pour des textes d’une telle importance.

Si cette initiative pouvait vous être d’un réel secours – vous vous êtes à l’instant déclaré « ému » par ma sollicitude, ce qui m’a profondément  touché –, j’y suis prêt, initiative que nous pourrions d'ailleurs partager avec le président de la commission des lois.

En tout état de cause, monsieur le ministre, il y a véritablement urgence, et il ne me paraît pas de bonne administration de laisser les magistrats de la Cour des comptes et ceux des chambres régionales dans l’incertitude du calendrier parlementaire. Ils savent qu’une profonde réforme a été engagée, qui, aux dires de Philippe Séguin, est la plus importante depuis 1807, depuis la fondation de la Cour des comptes.

Cela étant, je vais naturellement céder à votre invitation, en répétant cependant à quel point il est urgent que ce texte vienne en discussion devant le Parlement, que la concertation s’engage dès maintenant, concertation – oserai-je le dire ? – que mon amendement a permis de lancer.

Quant au Premier président de la Cour des comptes, j’avais compris – l’ayant consulté peut-être trop tôt, monsieur le rapporteur – qu’il était profondément désireux de voir ce texte venir en discussion, en dépit de son aspect partiel.

Monsieur le ministre, vous étiez à la recherche d’un véhicule. M. le rapporteur, pour sa part, redoutait que tous ces wagons ne fassent dérailler le train de l’ordre du jour sénatorial. Je vous proposais simplement d’utiliser ce train-ci, qui passait fort opportunément, pour transcrire dans la loi les dispositions permettant à la Cour des comptes d’assurer la plénitude de ses obligations et de répondre aux attentes nouvelles et légitimes du Parlement.

Ayant dit cela, je retire l’amendement n° 1 rectifié et, par avance, l'amendement n° 2, qui est de conséquence.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 3
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques
Intitulé de la proposition de loi (début)

Article 4 (nouveau)

Après l’article L. 111-3 du même code, il est inséré un article L. 111-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-3-1. – La Cour des comptes contribue à l’évaluation des politiques publiques dans les conditions prévues par le présent code. »  – (Adopté.)

Article 4 (nouveau)
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Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Arthuis, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Compléter cet intitulé par les mots :

et à garantir les moyens de leur mise en œuvre

Cet amendement a été précédemment retiré.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste s’abstient.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le groupe CRC-SPG également.

(La proposition de loi est adoptée.)

Intitulé de la proposition de loi (début)
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15

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi n° 414 (2009-2010), adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.

16

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 28 avril 2010, à quatorze heures trente :

1. Désignation des vingt-six membres de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires.

2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale (n° 454 rectifié, 2008-2009).

Rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 328, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 329, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART