Mme Nicole Bricq. Eh bien, examinons-la !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Ces deux textes partagent le même objectif : garantir la présence de 40 % de femmes dans les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions, ainsi que dans les organes dirigeants des entreprises publiques, avec des délais de mise en œuvre.

Toutefois, leurs périmètres sont, bien sûr, différents concernant les entreprises privées. Des modalités essentielles, telles les sanctions, diffèrent également. Mais la proposition de loi de Mme Bricq intègre, elle aussi, des mesures complémentaires importantes, comme les dispositions de non-cumul de mandats sociaux. La convergence entre ces deux initiatives parlementaires n’en est pas moins réelle.

La proposition de loi de Mme Bricq fixe un objectif de 40 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance.

Compte tenu des règles de composition des conseils d’administration et de surveillance, il était en effet difficile de prévoir une stricte parité ; je partage votre point de vue, madame Bricq. La règle des quotas a donc été retenue comme un mal nécessaire. C’est important, car de nombreuses modifications peuvent se produire dans un conseil d’administration, par exemple, à la suite d’un accident. Il me semble donc tout à fait réaliste d’avoir retenu ce quota de 40 %.

Par ailleurs, la proposition de loi prévoit un palier de 20 % dans les trois ans pour les seules sociétés cotées.

Lorsqu’un administrateur est une personne morale, son représentant est pris en compte dans le respect des règles de représentation équilibrée. Cette disposition est également très importante pour éviter d’offrir une possibilité d’échappatoire considérable.

En cas de vacance, lorsque les règles de représentation équilibrée ne se trouvent plus respectées, le conseil d’administration doit procéder à des nominations provisoires dans les trois mois.

Les administrateurs élus par les salariés ne sont pas pris en compte pour la détermination du quota. Toutefois, si ces administrateurs sont élus par scrutin de liste, chaque liste doit être composée de manière paritaire.

Le président du conseil d’administration doit rendre compte à l’assemblée générale du respect des règles de parité.

Des dispositions analogues sont prévues pour les conseils de surveillance et pour les sociétés en commandite par actions.

L’article 10 de la proposition de loi vise les sociétés publiques, ainsi que les établissements publics industriels et commerciaux de l’État et tous les établissements publics administratifs de l’État.

S’agissant du périmètre concernant les sociétés privées, les sociétés visées sont celles qui comptent plus de  250 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50  millions d’euros.

Le conseil d’administration ou le conseil de surveillance délibère annuellement de la politique d’égalité salariale. Il sera important, de mon point de vue, de s’intéresser, au-delà du conseil d’administration, aux différents comités de nomination et de rémunération, même si les règles en la matière figurent non dans la loi, mais dans les statuts des différentes sociétés.

S’agissant des sanctions, sont prévues la nullité des délibérations en cas de composition non conforme du conseil dans le cadre du fonctionnement normal et, dans le cadre de la période transitoire, la nullité des nominations qui contreviennent à la règle des 20 % puis des 40 %, cette nullité entraînant la nullité des délibérations auxquelles ont pris part les membres nommés irrégulièrement. J’ai déjà eu l’occasion de dire à Mme Bricq mon souci de préserver une sécurité juridique tout en prévoyant de vraies sanctions, permettant la réalisation de l’objectif poursuivi.

La proposition de loi s’appuie sur une plus forte limitation du cumul des mandats sociaux : hors le cas des administrateurs personnes morales, le texte limite à trois le nombre de mandats d’administrateurs ou de membres d’un conseil de surveillance ou d’un directoire susceptibles d’être cumulés, que la société soit cotée ou non et quel que soit le lieu de son siège.

Le texte ajoute qu’une même personne ne peut exercer simultanément plus d’un mandat de président de conseil d’administration, de directeur général, de président du directoire, de directeur général unique ou de président du conseil de surveillance.

Actuellement, on peut cumuler jusqu’à cinq mandats d’administrateur ou de membre de conseil de surveillance et on peut cumuler jusqu’à cinq mandats de directeur général membre du directoire directeur général unique. La proposition de loi semble contenir une contradiction concernant le mandat de membre du directoire ; nous examinerons cette question.

Il est certain que, au sein des sociétés relevant du CAC 40, 22 % des mandataires sociaux concentrent 43 % des droits de vote du fait du cumul.

Mme Nicole Bricq. C’est l’« endogamie » !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Par ailleurs, la proposition de loi prohibe le cumul des fonctions de président du conseil d’administration, directeur général, membre du directoire ou président du conseil de surveillance dans une entreprise privée avec les mêmes fonctions dans une entreprise du secteur public.

Je rappelle que le Sénat s’est prononcé sur cette question dans le cadre de la proposition de loi présentée par M. Yvon Collin, adoptée en novembre 2009.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Mes chers collègues, voilà de très nombreuses dispositions qui modifieraient assez profondément la législation en vigueur et sur lesquelles un travail de fond me semble nécessaire.

Réunie le 7 avril dernier, la commission des lois a décidé de proposer de réunir les deux initiatives parlementaires de façon à pouvoir les étudier conjointement, dans un esprit constructif.

En effet, plutôt que d’examiner deux textes séparément, il semble préférable, pour une bonne coordination des initiatives législatives du Sénat et de l’Assemblée nationale, plus logique de poursuivre la navette engagée par la transmission de la proposition de loi de l’Assemblée nationale, en lui joignant le texte défendu par Nicole Bricq.

Il reste à trancher des questions de fond, comme le périmètre exact des entreprises concernées ou les sanctions attachées au respect des dispositions adoptées. Et, compte tenu de l’ampleur du sujet abordé, un travail important est à mener. Dans ces conditions, il y a lieu, en termes d’efficacité, d’éviter des navettes inutiles.

Ainsi, je vous proposerai à ce stade, dans l’attente de l’inscription à l’ordre du jour du Sénat de la proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale, d’adopter une motion de renvoi à la commission. Je suis confiante, madame Bricq : si cette discussion ne peut pas se faire avant la fin de cette session ordinaire, elle aura lieu à l’automne, juste après la reprise de nos travaux. Il faut le préciser, un travail ambitieux d’auditions de plus de quatorze heures, d’ores et déjà programmé, et il est susceptible de commencer dès le 5 mai prochain. Ces auditions sont très importantes à mes yeux.

Je réitère ma confiance dans l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat et dans le travail de fond de la commission des lois sur un sujet qui m’apparaît primordial. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, madame Bricq, mesdames, messieurs les sénateurs, s’il est vrai que le travail féminin a acquis une légitimité sociale…

Mme Nicole Bricq. Et économique !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. … irréversible, il est également vrai que son statut n’est pas encore semblable à celui des hommes.

C’est une réalité, les inégalités perdurent. Ce sont elles que vise à combattre la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et dont l’objectif est d’augmenter de façon significative la représentation des femmes dans les conseils d’administration. Mais, je le dis d’emblée, les moyens proposés nous paraissent excessifs, voire contre-productifs.

La salarisation massive des femmes, l’ouverture des carrières aux deux sexes n’ont nullement empêché que soient reconduites des différences inacceptables. Le rapport remis en juillet dernier par Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, dresse, dans ce domaine, un constat accablant. En France, les femmes sont près de deux fois plus souvent rémunérées au niveau du SMIC que les hommes : près de 20 % d’entre elles, contre 11 % d’entre eux. Elles sont cinq fois plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel : 30 % de femmes, contre 6 % d’hommes en 2007. Et, à responsabilités équivalentes, leur rémunération moyenne est inférieure de 27 % à celle des hommes.

L’égalité avec les hommes semble la chose la plus naturelle et, en même temps, la plus chimérique ! Au fil des années – 1972, 1983, 2001, 2006 –, aucun des textes législatifs adoptés jusqu’ici n’a permis de remédier efficacement aux inégalités existantes.

Heureusement, un pas décisif a été franchi l’an dernier : la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 portant modernisation des institutions de la Ve République a érigé en principe constitutionnel l’exigence d’égalité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. La Constitution prévoit désormais que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

L’égalité professionnelle constitue une priorité de notre action.

Le 6 novembre dernier, nous avons rencontré, Xavier Darcos et moi-même, les partenaires sociaux au sein de la commission nationale de la négociation collective. Il leur a été remis, à cette occasion, un document d’orientation définissant les trois axes que le Gouvernement souhaite voir traités en matière d’égalité professionnelle.

Il s’agit, premièrement, de poser des règles plus simples, notamment pour les obligations de négocier, et ce afin de faire en sorte que les entreprises puissent établir un diagnostic.

Il s’agit, deuxièmement, de faire une meilleure place aux femmes dans l’entreprise en améliorant la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle et en favorisant une plus grande présence des femmes dans toutes les instances de direction des entreprises.

Il s’agit, troisièmement, de se donner les moyens d’appliquer la loi grâce à la transparence de certaines informations et à un système calé sur l’évolution des indicateurs relatifs à l’égalité professionnelle et de carrière des femmes.

L’ensemble des organisations patronales et syndicales nationales et interprofessionnelles ont fait part de leurs positions. Au vu de ces échanges, le Gouvernement a constaté qu’une négociation pouvait se tenir entre les partenaires sociaux sur tout ou partie des sujets évoqués par ce document d’orientation et qui sont dans le champ de la négociation collective nationale : travail à temps partiel, temps partiel familial et mise en place d’un entretien de conciliation entre vie personnelle et professionnelle, négociations collectives prévues par le code du travail conduisant à traiter des questions d’égalité professionnelle, représentation des femmes dans les instances représentatives du personnel.

À l’issue de ces négociations, il sera possible de définir, sur l’ensemble des aspects évoqués dans le document d’orientation, les moyens d’action pour que la situation en matière de réduction des écarts de salaire et de carrière, de durée de promotion ou d’accès des femmes aux fonctions de dirigeantes s’améliore réellement.

Je suis heureuse que vienne en débat la question de la place des femmes dans les conseils d’administration, car c’est l’une des facettes de l’égalité professionnelle que nous cherchons à promouvoir.

Chacun sait qu’en ce domaine notre pays est loin d’être exemplaire puisqu’on ne compte que 8 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des 500 premières sociétés françaises. La France fait donc pâle figure en comparaison de certains pays, en particulier de certains pays scandinaves : il y a plus de 41 % de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises norvégiennes, 27 % en Suède, 20 % en Finlande.

Toutefois, vous le savez, une proposition de loi de Marie-Jo Zimmermann et de Jean-François Copé a été adoptée à l’Assemblée nationale le 20 janvier dernier. J’en rappellerai les principales dispositions.

Aux termes de ce texte, dans six ans, les sociétés cotées devront compter au moins 40 % de femmes au sein de leur conseil d’administration. Un premier palier de 20 % est fixé à l’échéance du troisième anniversaire de la promulgation de la loi. Faute de respecter cet objectif, ces sociétés verront frappées de nullité les nominations irrégulières, mais également les délibérations intervenant à l’issue de la période transitoire de mise en œuvre de ces quotas par les entreprises.

J’ajoute que, lors de l’examen de cette proposition de loi au Palais-Bourbon, le Gouvernement a notamment proposé d’aligner rigoureusement le régime applicable aux entreprises publiques sur celui des entreprises privées. En particulier, il a souhaité que, dans les conseils d’administration des entreprises publiques qui ne comptent aucune femme, une femme puisse être nommée dans les six mois, comme Marie-Jo Zimmermann l’a proposé pour les entreprises privées.

Le texte présenté aujourd’hui par Nicole Bricq, Michèle André, Richard Yung et plusieurs de leurs collègues reprend les principaux articles du texte de Marie-Jo Zimmerman. Mais il contient aussi des dispositions qui, à être trop contraignantes, risquent, selon moi, de se révéler contre-productives.

Mme Nicole Bricq. Qui peut le plus, peut le moins !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Ainsi, il tend à durcir le régime des sanctions concernant le secteur privé, en prévoyant la nullité des délibérations y compris après la période transitoire, en réduisant le délai pour procéder à de nouvelles nominations.

Il tend, en outre, à interdire certains cumuls de mandats. La présente proposition de loi élargit en effet le champ du texte adopté par l’Assemblée nationale en traitant également du cumul des mandats, pour lequel elle prévoit trois types de limitation : l’interdiction du cumul de plus de trois mandats d’administrateur dans le secteur privé, au lieu de cinq mandats au maximum actuellement ; l’interdiction de cumuler plus d’un mandat de président de conseil d’administration, de directeur général, de président de directoire, de membre de directoire, de directeur général unique, de président de conseil de surveillance ; l’interdiction du cumul des mandats de président de conseil d’administration, de directeur général, de membre de directoire, de président de conseil de surveillance du secteur privé et du secteur public.

Le texte élargit également le champ d’application du quota, dans le secteur privé, aux entreprises qui emploient au moins 250 salariés et qui ont un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros au cours de l’exercice. Est ainsi introduit un nouveau seuil, quand seules les entreprises de plus de 300 salariés ont l’obligation de réaliser le rapport de situation comparée.

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas un nouveau seuil !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Enfin, est introduite une sanction nouvelle qui touche à la rémunération des administrateurs concernés.

Pour ce qui est de la diminution du nombre de mandats d’administrateur exerçables par une même personne, elle n’est pas, en l’état, opportune, ne serait-ce que parce que ces modifications auraient des conséquences qui iraient bien au-delà de l’objectif de parité. Il n’est aucunement justifié d’empêcher un dirigeant de droit privé d’une entreprise publique d’exercer une autre fonction dans une entreprise privée dès lors que cette seconde activité ne nuit pas à l’exercice de ses fonctions dans le cadre de la direction de l’entreprise publique. En effet, pourquoi priver certaines entreprises publiques de la participation avisée de grands dirigeants exerçant dans le privé, alors même que cette participation est le gage d’une connaissance et d’une compétence reconnues ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

En outre, le dirigeant de droit privé d’une entreprise publique serait ainsi soumis à un régime plus strict que les fonctionnaires, pour lesquels la loi du 13 juillet 1983 prévoit certes une interdiction de cumul, mais avec la possibilité d’y déroger, dans certains cas précisés par voie réglementaire, lorsque cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n’affecte par leur exercice.

En résumé, les auteurs de ce texte visent le même but que Marie-Jo Zimmermann et Jean-François Copé, mais selon des modalités plus sévères. Or il me semble que, pour pouvoir entrer en vigueur dans les meilleures conditions, cette réforme doit être équilibrée. Notre objectif est d’encourager les entreprises à accélérer cette démarche, parce que l’égalité n’est pas seulement juste : elle est aussi source d’efficacité et de performance économique. À cet égard, je vous rejoins, madame Bricq, madame Des Esgaulx, et je partage votre avis commun : oui, le vivier potentiel de talents féminins existe !

Une réforme équilibrée implique que les entreprises bénéficient d’un délai minimum de mise en œuvre de ce nouveau dispositif et que le Gouvernement le calibre au mieux pour ne pas créer de contraintes supplémentaires sur les entreprises cotées en France ; sinon, nous pourrions envoyer un message qui ne serait pas compris. Pénaliser les entreprises reviendrait à pénaliser les salariés, donc l’emploi et finalement les femmes dans leur ensemble.

Au demeurant, il n’est sans doute pas inutile de rappeler que les entreprises ne sont pas seules responsables de la situation existante, loin de là. Les résistances à l’égalité professionnelle proviennent d’abord de vieilles représentations du féminin et du masculin, diffusées par l’école, par les médias, ainsi que sur les nouveaux supports culturels.

Mme Nicole Bricq. Sans doute, mais ce n’est pas le sujet !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Notre tâche est de lutter contre les stéréotypes sexistes et les déterminismes qui en découlent. C’est à cela que nous nous employons, notamment en matière d’orientation. Je pourrais vous citer, par exemple, la commission de réflexion sur l’image des femmes, présidée par Michèle Reiser, réalisatrice et membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, commission qui a été créée afin d’élaborer des indicateurs de suivi des stéréotypes de genre dans les médias ; ses travaux seront achevés d’ici au mois de juin prochain.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris : si l’esprit nous semble bon, sur le fond et sur la forme, cette proposition de loi ne peut malheureusement susciter l’approbation du Gouvernement. Néanmoins, quelles que soient nos divergences aujourd’hui, ce que je vous invite à retenir, c’est que nos débats ont d’ores et déjà provoqué un « électrochoc » au sein du monde des entreprises.

Mme Nicole Bricq. Oh, un tout petit électrochoc !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. L’AFEP et le MEDEF ont complété leur code sur le gouvernement d’entreprise pour poser l’objectif de 40 % de femmes dans les conseils des sociétés cotées dans les six ans qui viennent, avec un objectif intermédiaire de 20 % dans les trois ans. Dans de grandes entreprises – Alcatel-Lucent, Axa, BNP Parisbas, Bouygues, Capgemini, Crédit agricole… –, de toutes nouvelles administratrices viennent d’être nommées.

Mme Odette Terrade. Ah oui, toutes nouvelles !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. D’ici à l’été, selon les évaluations de l’AFEP, le taux de présence des femmes dans ces instances devrait passer de 10,8 % à 15,6 %, soit une amélioration de près de 50 %. Les choses bougent, elles avancent, et c’est grâce à la mobilisation, il faut bien le dire, des parlementaires et du Gouvernement. (Moues sceptiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Certains objecteront sans doute que tant la proposition de loi Zimmermann-Copé que celle qui est examinée aujourd’hui ne sauraient épuiser le sujet. Je leur répondrai que l’instauration de quotas dans les instances dirigeantes des entreprises cotées est un premier pas important et que, comme je l’ai indiqué, l’intention du Gouvernement est d’aller plus loin en traitant la question de l’égalité professionnelle dans sa globalité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en période de crise, d’incertitude économique et sociale, il existe toujours un risque : celui de voir les femmes devenir une variable d’ajustement économique.

Mme Nicole Bricq. Encore plus au niveau de l’emploi et de la rémunération des salariées que dans les conseils d’administration !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. L’examen, aujourd’hui, de cette proposition de loi relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance justifie le dépôt d’une motion de renvoi en commission. C’est avec confiance que je vous donne rendez-vous pour l’examen conjoint des deux propositions de loi : celle de Marie-Jo Zimmermann et Jean-François Copé, celle de Nicole Bricq, Michèle André et Richard Yung. Nous les aborderons, je le dis clairement, dans un esprit constructif. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme Nicole Bricq. Vous ne pouvez pas faire autrement !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes engagés là dans un vrai débat de société, un débat politique au sens le plus noble du terme. Au cœur de ce débat, se trouve le problème de la concentration du pouvoir économique, étant entendu que ce problème est lié à celui de la parité, car, à mes yeux, la question de la diversité ne se résume pas à la question de la parité hommes-femmes.

Un État qui n’est pas capable de faire respecter des règles à ceux qui exercent le pouvoir – en premier lieu le pouvoir économique, au demeurant nécessaire et respectable – est un État qui ne saurait durablement imposer des contraintes sociales à ceux qui vivent dans la difficulté en perdant l’espoir de vivre mieux. Le lapidaire « Enrichissez-vous ! » de Guizot a marqué négativement notre histoire, car il y manquait la contrepartie de la justice et de la redistribution.

Les radicaux, initiateurs de l’école obligatoire et accessible à tous, des premiers droits du travail, de l’impôt sur le revenu, restent fidèles à des principes qu’ils ont toujours promus et dont le marasme actuel de nos sociétés, de l’échec soviétique aux crises du capitalisme, renforce encore l’évidence et l’actualité.

Pour nous, l’économie doit être au service de la société et non l’inverse. La liberté d’entreprendre, le jeu de la concurrence sont indispensables, mais ils doivent impérativement être soumis au pouvoir régulateur de l’État, garant du respect de l’équilibre social et du processus de redistribution indispensable à la cohérence de notre société et au respect de tous les citoyens.

Notre assemblée a eu l’occasion de se pencher sur la question du cumul des mandats sociaux à l’occasion de la discussion de la proposition de loi du groupe RDSE adoptée le 18 novembre dernier. Notre propos d’alors, dicté par la nomination du PDG d’une grande entreprise privée à la tête d’EDF, ne s’inscrivait pas tout à fait dans une perspective identique. Quoi qu'il en soit, contrairement à vous, madame la secrétaire d’État, nous sommes de ceux qui considèrent que ce mélange des genres, ce cumul, est extrêmement dangereux et conduit à une concentration du pouvoir économique particulièrement discutable.

La pertinence des questions soulevées à ce moment-là demeure. Le paysage que composent les dirigeants des grandes entreprises françaises reste marqué, on l’a dit, par une forte « endogamie », propre à alimenter les soupçons de collusion d’intérêts, voire de conflits d’intérêts. Oui, 98 personnes concentrent aujourd’hui 43 % des 500 mandats d’administrateurs des sociétés du CAC 40, et les femmes ne représentent que 10 % des administrateurs de ces mêmes sociétés.

Cette concentration des pouvoirs rompt les équilibres entre les pouvoirs fondamentaux de notre société.

Vient d’être publié le « palmarès » des rémunérations des dirigeants des entreprises du CAC 40. On apprend ainsi que, hors stock-options et actions gratuites, leur rémunération globale a augmenté de 4 % l’année dernière, les dirigeants de ces 40 entreprises se partageant un total de 79,5 millions d’euros. Bien sûr, on se réjouit pour le vainqueur de cette course effarante, qui a touché 4,4 millions d’euros en 2009. Mais on est piqué de curiosité à l’idée que le morcellement progressif des revenus en de multiples composantes intégrées à des packages – des contrats négociés de plus en plus complexes, mêlant salaire fixe et variable, retraite supplémentaire et stock-options – vise à mieux indexer la rémunération des dirigeants sur « les exigences de la place, des politiques et de l’opinion publique pour réduire les risques d’excès ou, tout du moins, de mieux lier la performance des dirigeants à leurs salaires », comme l’explique un grand quotidien économique.

Cette cascade de chiffres, encore plus aujourd’hui qu’hier, soulève l’indignation, la révolte – et je ne suis pas de ceux qui sont contre le système libéral ! –, au moment où nos compatriotes souffrent d’une crise économique provoquée par la spéculation financière et où le chômage repart de plus belle.

C’est pour lutter contre ces dérives que la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 avait limité à trois le nombre de mandats ; tous les mandats au sein des sociétés anonymes étaient visés. Malheureusement, madame la secrétaire d'État, votre majorité, revenue au pouvoir, s’est empressée de retourner à l’état antérieur du droit.

M. Jacques Mézard. La loi du 29 octobre 2002 fixe l’état du droit toujours applicable aujourd’hui. Même si le code de bonne conduite du MEDEF et de l’Association française des entreprises privées recommande de limiter à trois le nombre de mandats cumulés, on sait que cette limite est assez peu suivie dans la pratique.

Madame la secrétaire d'État, qu’incarne cette concentration des pouvoirs si ce n’est la transposition, à la tête de nos grandes entreprises, d’un modèle de reproduction sociale qui favorise l’accès aux grandes écoles à une minorité toujours plus resserrée ? Il n’y a pas tant à s’étonner que des réseaux d’influence très restreints soient autant surreprésentés et pèsent d’un poids si grand et contraire à une véritable démocratie.

Cette situation est particulièrement ambiguë pour un État qui se targue d’être le héraut de la transparence et de la régulation financière internationale !

Mes chers collègues, à ce vice rédhibitoire s’ajoute la sous-représentation des femmes au sein des conseils d’administration. À cet égard, les exemples étrangers qui ont été cités éclairent d’un jour bien peu reluisant la situation française.

On a rappelé, à juste titre, l’article 1er, modifié, de la Constitution. Aujourd'hui, il nous faut aller de l’avant.

Je ne suis certes pas un adepte des quotas, dont la systématisation peut entraîner des effets pervers. Mes chers collègues, faudra-t-il instaurer un quota d’hommes à l’École nationale de la magistrature ? (Sourires.)

Mmes Michèle André et Jacqueline Gourault. Il le faudra peut-être !