Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Quand j’entends ce que dit M. le ministre j’y suis plutôt favorable…

M. Charles Revet, rapporteur. Alors c’est bien !

M. Didier Guillaume. Non, ce n’est pas bien parce qu’il faut que ce soit inscrit dans la loi.

Depuis la semaine dernière, M. le ministre a énoncé, toujours avec beaucoup de brio, de bonnes intentions, mais chaque fois qu’une proposition pouvant concrètement inscrire de telles intentions dans la loi était formulée, elle a été rejetée par la commission et par le Gouvernement.

Nous en tirons la conclusion que, en dehors des bonnes intentions de M. le ministre, rien de concret n’est décidé sur la régulation, sur la modération comme sur d’autres sujets que nous aborderons ultérieurement.

Le Président de la République est allé dans le Lot-et-Garonne avec vous, monsieur le ministre, vendredi dernier, pour évoquer un certain nombre de questions et nous en attendions certains résultats. La presse a titré : « Règlements de comptes en Lot-et-Garonne » car le Président de la République n’a parlé que de son prédécesseur. Plutôt que des bonnes intentions et des promesses d’amour, il faut des actes, mais il faut aussi des intentions dans l’amour et pas uniquement des actes. (Sourires.)

M. Alain Fouché. C’est préférable !

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, je vais prendre l’exemple de ce qui a été décidé à l’Élysée, il y a une semaine pour les fruits et légumes. Vous savez très bien que cette mesure ne peut pas s’appliquer et qu’elle n’aura aucun effet car elle est calculée sur la moyenne des trois dernières années. Imaginons – ce que nous ne souhaitons pas – qu’en 2010, les prix s’effondrent. Ils ne s’effondreront jamais autant que la moyenne des trois dernières années. Donc, cela ne fonctionnera pas.

Il faut aussi tenir compte de la distribution. Lorsque des pêches sont achetées un euro au producteur et sont vendues 2,50 euros à Paris sur les marchés, il y a un problème. Si vous ne voulez pas mettre de barrières, de régulation et de contraintes dans la loi, celle-ci ne servira à rien. Ces pêches ont bien souvent été cueillies avant maturité, elles sont conservées dans des réfrigérateurs et, lorsque les Parisiens les achètent, elles n’ont pas beaucoup de goût. Telle est la réalité. Dans ces conditions, n’êtes-vous pas d’accord pour que des contraintes soient inscrites dans la loi ?

Aucun autre gouvernement en Europe ne fait autant de régulation que nous, dites-vous. Je veux bien vous en donner acte, je ne peux pas vérifier pour l’instant. Mais, dès lors, pourquoi refusez-vous d’inscrire dans la loi que la régulation doit avoir pour but qu’aucun agriculteur, quelle que soit sa production, ne vende à perte ?

Monsieur le ministre, vous dites qu’en Haute-Normandie, en Basse-Normandie ou ailleurs, à un kilomètre ou à un canton d’écart, les prix de revient sont différents. C’est tout simplement parce que l’on a poussé les agriculteurs à investir, à s’endetter. Le tracteur n’était jamais assez gros, le matériel jamais assez important… On a dit aux agriculteurs : « Allez-y, on va vous accorder des prêts et vous aurez du beau matériel. »

Or on sait bien aujourd'hui que le matériel agricole tourne quatre à cinq fois moins qu’il y a dix ou quinze ans. C’est la réalité que rencontrent tous les jours nos amis agriculteurs sur leurs territoires et c’est l’une des conséquences de la politique qui a été menée.

Évidemment, il n’y aura jamais partout le même prix de revient, mais on sait à peu près quel est le prix de revient du lait, des fruits, de la viande…

Monsieur le ministre, nous ne voulons pas nous opposer à propos des consommateurs. Nous aussi, nous sommes capables de tenir compte de la demande.

La difficulté est double : jamais les agriculteurs n’ont vendu leurs produits à des prix aussi bas, alors que jamais les produits agricoles, sur le marché, n’ont atteint un prix aussi élevé. La réalité, c’est cela !

Ce que nous voulons est donc simple : qu’il soit fait en sorte que les agriculteurs puissent vendre leurs produits à un meilleur prix, mais aussi – c’est d’ailleurs l’objet de l’article 3 – qu’il soit expliqué aux distributeurs, au maillon intermédiaire, qu’ils ne pourront peut-être plus prendre une marge aussi élevée que jusqu’à présent.

Si nous sommes d’accord sur ce point, monsieur le ministre, pourquoi ne voulez-vous pas l’inscrire dans la loi ? Cela donnerait un signe aux agriculteurs, un signe dont vous savez tous autant que moi – vous aussi en rencontrez souvent – qu’ils en auraient besoin : s’il faut des actes d’amour, il faut aussi des paroles d’amour !

M. Alain Fauconnier. Des écrits d’amour ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. On ne sera pas surpris que mon intervention s’inscrive dans la logique qu’ont développée à l’instant Martial Bourquin et Didier Guillaume.

Monsieur le ministre, nous sommes véritablement au cœur du débat, et tous ceux qui penseraient pouvoir créer un clivage artificiel entre le titre Ier, qui concerne l’alimentation et ses divers aspects, et ce titre II, qui vise les producteurs, se tromperaient de débat. Pour notre part, nous avons la prétention de penser qu’il est possible de trouver des modalités de fixation des prix permettant véritablement de concilier l’intérêt des consommateurs et celui des producteurs.

On nous dit que la France est le pays le plus normatif en matière d’encadrement des rapports avec les consommateurs. Encore faut-il ne pas faire l’impasse sur la qualité du produit vendu et ne pas se contenter de rechercher, dans les conditions que l’on connaît, les prix les plus accessibles ! Ce serait même là une justification a posteriori de notre abstention sur le titre Ier, dont nous estimions que, du point de vue du consommateur, il n’allait pas assez loin.

Pour autant, et c’est le débat, le constat est désormais établi que, dans le secteur de l’agriculture, les intermédiaires font des bénéfices et gagnent de l’argent. Personne, du bout de la chaîne à l’autre, ne perd de l’argent.

Puisque vous manifestez votre désir de faire en sorte que les prix obtenus par les agriculteurs soient tirés vers le haut, monsieur le ministre, je réitère la demande formulée par mes deux collègues. Pourquoi ne pas inscrire dans la loi ce qui est empreint du plus grand bon sens : que dorénavant ce soit la demande qui induise l’offre, compte tenu, je le répète encore, des enjeux que vous avez vous-même rappelés ? Le corollaire, bien entendu, est la fixation de prix planchers ; il n’est en effet pas indécent d’imaginer qu’un producteur puisse vendre ses produits sans perdre d’argent, donc à un prix qui soit au moins égal au prix de revient.

Nous reformulerons cette demande avec insistance lors de la présentation d’autres amendements ; il y va en effet de la crédibilité de la loi, qui doit aller dans le sens de la survie des agriculteurs, et, disant cela, je pense notamment aux petits exploitants.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. L’alinéa 11 de l’article 3, dont nous sommes en train de débattre, ne fait pas mention des prix : y est simplement introduite et définie la notion de contrat.

Or, se contenter d’indiquer dans la loi que « la conclusion de contrats de vente écrits […] peut être rendue obligatoire », c’est en rester à des considérations très générales, à une évocation sans caractère normatif. Qui plus est, il n’est surtout pas question d’inscrire que ce mécanisme doit permettre de rémunérer correctement les agriculteurs !

L’ambiguïté de l’expression « peut être rendue obligatoire », ajoutée au refus de mentionner que le but de la conclusion de contrats est, à terme, de permettre à l’agriculteur d’avoir un revenu décent – je n’ai toujours pas parlé de prix ! –, laisse penser que l’on se contente, au mieux, de bonnes intentions consensuelles, au pire, d’un effet d’affichage.

Je ne comprends pas que l’on puisse ne pas accepter cet amendement, dont le seul objet est de fixer un cap : que les agriculteurs puissent vivre d’un revenu décent.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Cet amendement est un parfait exemple de déclaration d’intention et illustre tout l’enjeu de ce titre II : alors que celui-ci est consacré à la compétitivité, il y est question de la filière, du contrat et de l’assurance, sans qu’à aucun moment, comme l’a souligné tout à l’heure M. Raffarin, soient mentionnés les coûts de production. Comment pourrions-nous préparer notre agriculture à être compétitive sans aborder la problématique des coûts de production ? C’est une vraie question !

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous affirmez que, grâce aux circuits courts, grâce au mieux-disant que représenteront les produits de proximité dans les appels d’offres, la transparence sera plus grande et, en fin de compte, l’intervention du consommateur plus facile. Très bien ! Il n’empêche que nous n’avons aucun moyen d’agir sur la constitution de la marge dans les différentes filières, en particulier à l’échelon des centrales d’achat, puisque l’Observatoire des prix et des marges, dont cela aurait pu être la fonction, n’est guère plus aujourd’hui qu’une « boîte noire ». Et la situation ne s’améliorera pas si nous ne revoyons pas le système actuel des amendes, qui conduit les centrales à préférer s’acquitter de 2 250 euros plutôt que de fournir les informations demandées !

Si pourtant, dans les hypermarchés et les supermarchés, on affichait clairement, par exemple devant les caisses, que la centrale d’achat alimentant le magasin accepte ou non de jouer le jeu de la transparence sur ses marges, le consommateur pourrait alors davantage tenir un rôle d’arbitre dans la répartition des marges dans la filière.

Pour autant, cela ne nous exonère pas d’un vrai débat sur les coûts de production. Mes chers collègues, méfions-nous ! Si demain les contrats se révèlent trop contraignants, rien n’empêchera le cocontractant d’aller signer avec le producteur espagnol, allemand, belge…, dont les coûts de production sont bien moins élevés : en voulant régler le problème, finalement, vous l’aurez amplifié.

M. Gérard César, rapporteur. Très juste !

M. Daniel Dubois. Au contraire, il nous faut considérer les problèmes globalement.

Mes collègues du groupe de l’Union centriste et moi-même considérons que le titre II ne va pas assez loin sur ces questions de la compétitivité…

M. Daniel Dubois. … et de la position d’arbitre que peut occuper le consommateur dans le processus de la constitution des marges.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage, pour explication de vote.

M. Daniel Soulage. Notre ami M. Guillaume ayant évoqué ce qui s’est passé en Lot-et-Garonne, l’honnêteté m’oblige, puisque j’étais présent, de rapporter ce que j’ai vu et entendu.

M. Gérard Bailly. Très bien !

M. Daniel Soulage. D’abord, la visite d’un président de la République, c’est en soi un événement. Quand il est de surcroît accompagné de son ministre de l’agriculture, c’est encore plus remarquable ! Cela faisait plus de vingt ans que mon département n’avait pas reçu de ministre de l’agriculture – et encore, le dernier en date, M. Rocard, avait survolé l’aérodrome, n’avait pas osé se poser, et était reparti. C’est dire s’il y a longtemps que nous n’avions pas vu de ministre de l’agriculture ! (Rires.) Aussi, monsieur le ministre, je vous félicite, vous qui avez eu le courage de vous arrêter sur cette aire.

Se tenait donc une réunion plénière portant essentiellement sur les fruits et légumes. Autour de la table – je vous décris le décor, parce que cela me paraît important – étaient bien sûr rassemblés tous les responsables professionnels, des représentants de tout le panel syndical que vous connaissez et peut-être même d’autres, y compris les plus virulents. Tout le monde était là !

M. Daniel Soulage. Oui, la FNSEA, mais aussi le MODEF, la Confédération paysanne, la Coordination rurale. Bref, tout l’éventail était présent.

Occupaient également un petit coin de table les représentants de toutes les grandes enseignes, et j’avais le plaisir d’avoir à mes côtés nos collègues le président de la commission, M. Emorine, et le rapporteur, M. César. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Marc Daunis. Que du beau monde ! (Sourires.)

M. Daniel Soulage. Si je comprends bien, mon cher collègue, vous estimez que c’était du beau monde dès lors qu’étaient au premier rang ceux qui, ici, sont au premier banc, à savoir le banc de la commission ! (Nouveaux sourires.)

Après les présentations mutuelles, le Président de la République a fait le point sur ses rencontres à l’Élysée, et la discussion s’est engagée. Je dois à l’honnêteté de souligner qu’elle a été d’un calme exemplaire et que le sentiment qui s’en dégageait était la confiance. Ce n’est sans doute pas exactement ce à quoi, en des temps aussi difficiles, je m’attendais !

Réflexion faite, je crois, monsieur le ministre, que cela s’explique par le fait que le dossier a été très bien présenté. Tout le monde ne connaissait peut-être pas les mesures qui ont été annoncées, en tout cas pas dans le détail, mais il est clair que tous font confiance pour les mettre en œuvre.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas gagné !

M. Daniel Soulage. Ce n’est pas forcément gagné, mais c’est important !

Monsieur le ministre, je tenais à souligner cette confiance, cet espoir que tous ont placé en vous, tous ceux qui étaient présents, mais aussi, à travers eux, les agriculteurs de mon département et, au-delà, de toute la France, puisque participaient également à cette réunion des responsables nationaux. Et cette confiance à votre égard n’a d’égal que les attentes envers cette loi. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.

M. Yannick Botrel. Si le débat s’est animé depuis qu’est évoquée la question des contrats, c’est bien parce que nous touchons là un point essentiel !

Le fond du problème, c’est exact, ce sont les prix payés aux producteurs, et c’est vrai quelle que soit la production concernée. Depuis un certain temps, ces prix sont constamment tirés vers le bas, et la crise qui sévit plus particulièrement depuis un an et, bien qu’inégalement, touche toutes les productions, en est l’illustration. Les producteurs sont la variable d’ajustement de l’économie agricole et de l’agroalimentaire : ils sont le maillon de la chaîne où les entreprises viennent retrouver de la marge ; aussi, c’est là que les choses se passent.

La question de la compétitivité a été abordée. Or celle-ci peut varier très fortement non seulement d’une région à l’autre, mais même, sur un territoire restreint, d’une exploitation à l’autre. Elle est liée à l’histoire de chacune, aux investissements qu’il a fallu réaliser, aux mises aux normes auxquelles il a fallu procéder… Bref, elle est complexe à définir. Je pourrais citer bien des exemples de résultats très différents, en termes techniques, entre des exploitations éloignées d’à peine vingt kilomètres !

La compétitivité est donc liée pour une part à des situations proprement françaises, parfois même régionales. Mais elle se mesure aussi par rapport à nos voisins. En la matière, il y a peut-être lieu de s’interroger sur le rôle de l’État plus que sur celui des agriculteurs eux-mêmes ; en effet, il est des stratégies que ceux-ci ne sont pas en mesure de développer à titre personnel.

Monsieur le ministre, j’observe que, depuis le début de l’après-midi, vous vous êtes à plusieurs reprises tourné vers plusieurs de nos collègues siégeant à gauche de cet hémicycle pour les assurer du caractère fondé des idées qu’ils exposaient ou des amendements qu’ils défendaient. Pourtant, chaque fois, aussi bien le rapporteur que vous-même avez émis un avis défavorable. Alors, je m’interroge ! Vous nous approuvez, mais vous refusez de prendre nos propositions en considération : serait-ce que, par-dessus tout, c’est un chèque en blanc que vous souhaitez obtenir ?

Enfin, monsieur le ministre, vous nous parlez sans cesse de compétitivité. Mais il faudra bien, à un moment ou à un autre, aborder aussi la question du prix, puisqu’il figurera dans le contrat ! Nous, nous demandons un prix qui rémunère le travail de l’agriculteur et sa production ; quelle est votre position ? Si un prix doit être défini, qu’au moins l’on sache de quelle manière vous entendez qu’il soit fixé !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je souhaiterais définitivement clore le débat sur ce point-là, bien que la discussion me paraisse particulièrement riche et constructive.

Premièrement, il y a à mon avis un rêve qu’il nous faut absolument tous oublier sur ces travées, parce qu’il ne me paraît pas réalisable : c’est celui qu’a évoqué tout à l’heure M. Jean-Pierre Raffarin à propos des prix couvrant les coûts de production et des prix compétitifs.

Derrière tout cela se cache la vieille idée selon laquelle, l’agriculture étant un secteur tout à fait singulier par rapport à tous les autres secteurs de production en France, nous pourrions fixer un prix administratif qui couvrirait les coûts de production, filière par filière. Cela n’est pas possible, et cela n’est pas souhaitable !

En la matière, je suis décidé à ne laisser subsister aucune espèce d’ambiguïté. Nous sommes dans un espace européen : nous avons construit tous ensemble un marché unique où les produits circulent librement et où les industriels s’alimentent là où ils peuvent trouver le plus bas prix possible.

Dans le secteur du lait, notamment, nous constatons bien que, lorsque notre prix n’est pas compétitif, les industriels vont chercher du lait ailleurs, par exemple en Allemagne. Ainsi, les importations de lait frais en provenance d’Allemagne ont augmenté de 70 % depuis janvier dernier !

Ma responsabilité de ministre n’est pas de fixer un prix couvrant les coûts de production des agriculteurs. Elle est de dire ceci aux agriculteurs : « Vous allez être suffisamment compétitifs pour que les prix couvrent vos coûts de production, et pour que vous soyez meilleurs que nos voisins allemands ! » (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

Deuxièmement, nous ne laissons pas les choses totalement ouvertes – je tiens à le souligner – puisque nous prévoyons dans le texte la capacité pour les interprofessions de fixer des indicateurs de tendance de prix. L’objectif est bien que les interprofessions puissent fixer une référence, qui servira ensuite dans l’établissement des contrats, de telle sorte que les producteurs ne soient pas livrés à eux-mêmes dans les négociations avec les industriels ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Entre ce que nous offrons aux interprofessions – la capacité de définir des indicateurs de tendance de marché – et ce que nous faisons à l’échelle européenne – modifier les règles du droit de la concurrence pour que les producteurs puissent être non pas quatre cents mais deux ou trois mille à négocier avec les industriels –, nous rééquilibrons le rapport de force entre les industriels et les producteurs au bénéfice de ces derniers, pour qu’ils puissent négocier à leur avantage les prix avec les industriels.

Je crois que c’est cette voie-là – celle du renforcement du pouvoir des producteurs, plutôt que celle du prix administré – qui permettra aux producteurs de lait comme à ceux des autres filières d’obtenir un prix à la fois compétitif et rémunérateur.

Troisièmement, au-delà de la nécessité de couvrir le prix de production, la question fondamentale est celle du lissage. En effet, à ma connaissance, le prix du lait s’est effondré en 2009. Nous avons réagi et obtenu 300 millions d’euros d’aides européennes sur le marché du lait, à la demande de la France, en novembre dernier. Ce sont des actes, et pas des paroles !

Le cours du lait a remonté. À quel niveau se situe-il aujourd’hui en France ? Il est passé en quelques mois de 230 euros à 300 euros la tonne. Quelle est donc la vraie difficulté ? C’est non pas que le prix du lait soit tombé à 230 euros la tonne l’année dernière, mais qu’il varie de 230 à 400 euros la tonne en l’espace de six mois, et que les producteurs n’aient aucun instrument économique à leur disposition pour pouvoir lisser leur revenu alors que les prix sont aussi variables.

Ce que nous faisons avec cette loi, par les contrats et les dispositifs assuranciels, revient à lisser sur plusieurs années un prix qui est, quant à lui, incroyablement volatil d’une année sur l’autre, et qui le restera. Vous ne m’avez jamais entendu prétendre que nous pourrions maîtriser la volatilité des prix, filière par filière, que ce soit pour le lait, le blé ou les fruits et légumes ! La volatilité des prix est une donnée. Elle est le résultat de la mondialisation des échanges agricoles. Notre responsabilité, c’est de fournir de la stabilité grâce à de nouveaux instruments économiques.

Enfin, j’évoquerai un dernier point qui me paraît important : je veux parler de la question, déjà soulevée tout à l’heure, des coûts de production. Là encore, il n’appartient à mon avis pas au législateur de les définir, de dire qu’ils doivent être composés de tel ou tel élément, et de considérer que nous allons pouvoir les orienter. Nous n’en sommes pas capables, et cela ne me paraît d’ailleurs pas souhaitable dans une économie de marché.

Nous sommes dans une économie de marché, que nous souhaitons réguler et encadrer par des interventions de l’État ; mais nous ne souhaitons pas une économie administrée. Les coûts de production, c’est au producteur de les tirer vers le bas ; c’est à nous de faire en sorte qu’ils puissent être abaissés ; c’est à nous, comme le disait très bien Jean-Pierre Raffarin tout à l’heure, de réduire les charges sur les producteurs, pour que les coûts puissent être diminués. C’est plutôt cela qu’il faut faire, et cela ne relève pas du domaine législatif.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 138.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 505 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, J. Blanc et Carle, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La liste de produits pour lesquels la proposition de contrat est obligatoire sera arrêtée avant le 1er janvier 2013.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Mes collègues MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, Carle et moi-même souhaitons que soit précisée dans la loi la date à partir de laquelle devra être arrêtée la liste des produits pour lesquels la proposition de contrat est obligatoire.

En effet, dans la mesure où l’on souhaite que les agriculteurs puissent préparer l’avenir, s’engager et exercer leurs responsabilités, il nous paraît préférable qu’une échéance soit fixée pour la publication de cette liste. Pourquoi 2013 ? Parce qu’il nous paraît cohérent de choisir l’année de mise en application de la nouvelle réforme de la PAC.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. L’amendement n° 505 rectifié prévoit une date butoir au 1er janvier 2013 pour établir la liste des produits soumis aux contrats obligatoires.

Il n’est pas souhaitable de fixer cette liste. Laissons plutôt les interprofessions s’en saisir elles-mêmes ! J’aimerais donc dire à M. Blanc que, comme M. le ministre l’a rappelé longuement tout à l’heure, il faut laisser vivre ces interprofessions ; et ce n’est pas en disant aujourd’hui qu’il faut fixer la liste avant le 1er janvier 2013 qu’on avancera sur ce problème difficile !

La commission demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable : d’une part, nous avons décidé de laisser la main aux interprofessions pour définir cette liste ; d’autre part, le Gouvernement – je le dis très solennellement – n’attendra pas le 1er janvier 2013 pour reprendre la main si les interprofessions ne font pas le travail.

Le Président de la République a déjà indiqué que, dans le secteur du lait et dans celui des fruits et légumes, tout cela devra être conclu avant la fin de l’année 2010.

Mme la présidente. Monsieur Blanc, l’amendement n° 505 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Blanc. Madame la présidente, je suis prêt à le retirer, dans la mesure où le Gouvernement s’engage à rester vigilant. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Paul Raoult. C’est allé vite… (Sourires.)

M. Jacques Blanc. Ce que nous ne voudrions pas, c’est que les interprofessions traînent. Nous faisons confiance aux interprofessions, au Gouvernement, ainsi qu’au rapporteur et au président de la commission, puisque nous aurons une responsabilité dans le suivi de l’application de la loi… N’est-ce pas, monsieur le rapporteur ?

M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait ! C’est le rôle du Parlement.

M. Jacques Blanc. Par conséquent, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je vous fais confiance, ainsi qu’au Gouvernement, pour pousser un peu les interprofessions et éviter de donner le sentiment que l’on renvoie cette liste aux calendes grecques.

Mme la présidente. L'amendement n° 505 rectifié est retiré.

L'amendement n° 134, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12, première phrase

Après les mots :

clauses relatives

insérer les mots :

à la durée minimale du contrat,

La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. À la suite de mon collègue Claude Bérit-Débat, mais avant d’aborder la longue série d’amendements déposés sur cet article par lesquels nous allons entrer dans le cœur du sujet et apporter des précisions qui nous paraissent très importantes, je souhaiterais rappeler brièvement quelques éléments

Il est vrai, monsieur le ministre, que, depuis votre arrivée au ministère de l’agriculture, vous avez été à la pointe du combat pour une certaine forme de régulation. Cependant, on ne peut à mon avis pas, au niveau européen, se contenter de considérer la position des États. L’Europe existe aussi à travers son Parlement, et c’est surtout là que se trouvent nos différences de fond.

Pour avoir suivi depuis très longtemps, avec mes collègues du PSE, les travaux du Parlement européen sur l’agriculture, je pense que nos divergences sont beaucoup plus importantes entre les États qu’au sein d’un parti du Parlement européen.

J’ai constaté, au sein de mon parti, beaucoup de rapprochements entre les vingt-sept États ; beaucoup plus, certainement, que ceux qui peuvent avoir lieu dans les conseils des ministres ! Les divergences nationales en matière d’agriculture me paraissent beaucoup moins sensibles au sein d’un même groupe politique que lors des discussions intergouvernementales. Il faut à mon avis le rappeler de temps en temps !

Je dirai la même chose de votre position sur la volatilité des prix. Hélas, il est vrai qu’on constate, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, qu’une toute petite partie de la production – notamment dans le cas du lait – fait varier le prix mondial, ce qui nous montre bien qu’on ne peut accepter ni le libéralisme à outrance ni la mondialisation totale des prix agricoles. Je crois qu’il y a, là aussi, un désaccord fondamental entre nous.