M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Michel Mercier, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne veux pas vous infliger la lecture de ce texte, qui est le premier grand texte libéral au sens politique du terme. Voté par l’Assemblée nationale après la défaite de 1870, il annonce l’installation définitive, quatre ans plus tard, de la République.

L’article 37 de cette loi, qui fonde tout de même notre organisation administrative, dresse donc une liste d’objets sur lesquels le conseil général statue. Je les citerai brièvement : acquisition, aliénation et échange des propriétés départementales mobilières ou immobilières ; mode de gestion des propriétés départementales ; baux ; changement de destination des propriétés et des édifices départementaux ; acceptation des dons et legs faits au département ; classement et direction des routes départementales.

M. Edmond Hervé. Puis-je vous interrompre, monsieur le ministre ?

M. Michel Mercier, ministre. Puisque c’est aux juristes que je m’adresse, faites-le, je vous en prie !

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, avec l’autorisation de M. le ministre.

M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, je vous remercie infiniment de me permettre de réagir aux propos que vous venez de tenir.

Nous sommes au cœur d’un grand débat et d’une très grande tradition.

M. Bruno Retailleau. Absolument !

M. Edmond Hervé. Vous avez énuméré les compétences attribuées au conseil général dans ce passage de la loi du 10 août 1871, mais je suis persuadé que vous avez aussi, avec vous, la loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale.

M. Michel Mercier, ministre. J’allais y venir !

M. Edmond Hervé. Ce texte, l’un des plus beaux dont nous pourrions nous inspirer sur le plan de la rédaction, procède exactement de la même manière, tout comme les lois de 1982 et 1983.

La méthodologie de cette grande tradition législative de décentralisation peut être résumée en deux points.

D’une part, il s’agit de la référence à la clause de compétence générale. C’est au nom des libertés locales que la commune, le département, la région définissent ce qu’est l’intérêt communal, l’intérêt départemental ou l’intérêt régional. Si, demain, une autorité transcendantale vient définir cet intérêt, la décentralisation n’existe plus.

D’autre part, je suis heureux que vous ayez cité la loi de 1871, monsieur le ministre, car la clause de compétence générale va bien évidemment de pair avec cette énumération de compétences, qui sont obligatoires.

C’est la raison pour laquelle, lorsque j’étais membre de la mission sénatoriale présidée par Claude Belot, je n’ai pas été hostile à l’énumération des compétences obligatoires. En effet, il faut savoir qui fait quoi.

En revanche, je suis fondamentalement opposé à toute liste de compétences exclusives. Ce serait aller contre les principes constitutionnels de libre administration et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

Monsieur le ministre, je vous remercie une nouvelle fois de m’avoir permis de m’exprimer. La séparation des pouvoirs exécutif et législatif permet quelques échanges ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Éliane Assassi et M. Bruno Retailleau applaudissent également.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Je suis d’autant plus heureux de vous avoir laissé la parole, monsieur le sénateur, que vous n’avez rien dit d’autre que ce que je vais dire moi-même sur la clause de compétence générale.

En effet, vous le savez parfaitement, nous ne sommes pas encore parvenus au bout de la réflexion. En outre, vous n’ignorez pas que la clause de compétence générale ne permet pas aux collectivités de se saisir de toute affaire.

Ainsi, plusieurs limites existent.

La première limite tient à la Constitution. La norme fondamentale dispose, toujours dans son article 72 : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ». Il y a là forcément une limite à l’exercice d’une compétence générale absolue. Je crois que nous sommes tout à fait d’accord sur ce point.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Michel Mercier, ministre. Une deuxième limite est naturellement l’existence d’un intérêt communal, départemental ou régional, vérifié par le juge. Les jugements et arrêts démontrant, à l’évidence, qu’il n’y a pas systématiquement intérêt à agir sont nombreux dans la jurisprudence des tribunaux administratifs et du Conseil d’État. Dans ce cas, la clause de compétence générale ne justifie pas l’action de la collectivité territoriale mise en cause, et le juge annule la délibération.

Par conséquent, la clause de compétence générale ne doit pas être présentée comme une sorte de clé magique qui permettrait de tout résoudre.

Par ailleurs, je veux rappeler aux membres du groupe socialiste, qui ont largement alimenté le débat avec toute une série d’amendements portant articles additionnels avant le chapitre Ier et visant précisément la définition du rôle de chaque collectivité, que de telles dispositions contribueraient aussi à réduire la portée de la clause de compétence générale. Je pense, par exemple, à la proposition tendant à confier à tout prix l’action économique à la région, laquelle serait chargée de la coordonner et de l’organiser, tandis que les autres collectivités devraient suivre le canal creusé par la région. Monsieur Hervé, c’est le texte de l’amendement que vous avez non pas défendu, mais soutenu, ce qui est moins ennuyeux…

Je crois que l’organisation prévue par le projet de loi correspond étroitement à la réalité.

Il rappelle les compétences légales obligatoires des collectivités, les communes disposant d’une certaine liberté, puisqu’elles ont beaucoup moins de compétences obligatoires que les départements ou les régions.

Il tend aussi à prévoir que les départements et les régions doivent exclusivement exercer leurs compétences obligatoires et que, si la loi ne les oblige pas à intervenir dans un domaine précis, ils disposent néanmoins d’un droit d’initiative.

Notre projet s’inscrit donc dans le respect absolu de la tradition républicaine française.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 166 rectifié, 299, 572 rectifié, 300, 302, 323 rectifié, 324 rectifié, 301 et 303.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'amendement n° 166 rectifié.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, mon explication de vote vaudra pour l’ensemble des amendements, sauf pour l’amendement n° 303 sur lequel je rejoins l’analyse de M. le ministre et auquel il faut certainement réserver un sort différent.

Comme vient de l’indiquer Edmond Hervé, nous nous trouvons effectivement au cœur du débat.

Il est très désagréable, pour un élu local, de voir comment la clause de compétence générale a été désignée à la vindicte populaire comme l’emblème du privilège que s’octroyaient les élus pour intervenir sur toutes les matières. Ce n’est pas tolérable !

Personne n’a dit, monsieur le ministre, que la clause de compétence générale, telle que nous la connaissons aujourd’hui, était illimitée.

Elle est bien sûr limitée par l’intérêt local – je ne vous ferai pas l’offense de vous rappeler l’arrêt Commune de Villeneuve d’Ascq du Conseil d’État, qui décrit exactement ce que doit être l’intérêt local.

Elle est limitée par les compétences, quand elles sont exclusives, des autres collectivités.

Elle est limitée également pour certaines situations mettant en jeu des acteurs, non plus publics, mais privés, notamment par le droit de la concurrence.

Donc, j’y insiste, personne n’a prétendu que la clause de compétence générale était illimitée et personne, aujourd’hui, ne souhaite qu’elle le soit.

Par ailleurs, autre sentiment désagréable, j’attends toujours la preuve des économies que nous dégagerions en supprimant cette clause de compétence générale, comme le Gouvernement et l’Assemblée nationale souhaitent le faire et comme nous pourrions le faire si le Sénat votait conformes les dispositions prises par l’Assemblée nationale à l’article 35 du projet de loi.

Le comité présidé par Édouard Balladur, déjà, avait indiqué qu’il était impossible de chiffrer la moindre économie. Or ce travail n’a pas été fait.

Permettez-moi de rappeler que la clause de compétence générale n’est pas un privilège : elle est l’essence même de la décentralisation « d’avant la décentralisation ». C’est elle qui a permis à notre système unitaire, jacobin, hypercentralisé de respirer. En effet, on n’administre pas le département des Hauts-de-Seine, où il y a plus de cantons que de communes, comme on administre le département du Cantal, où il y a plus de communes que de cantons.

C’est aussi un principe de démocratie locale et un principe constitutionnel.

Nous avons évoqué tout à l’heure l’effet miroir. La démocratie locale, c’est effectivement le fait d’administrer librement une collectivité et c’est aussi le fait qu’une collectivité soit administrée par des élus constitutionnellement désignés au suffrage universel. Ce n’est pas un hasard si ces deux éléments figurent dans l’article 72 de la Constitution. En effet, quand un problème se pose, il faut que l’élu local – et c’est là que le principe de compétence générale donne tout son corps au principe de la libre administration – dispose de la liberté et de la compétence lui permettant de répondre aux justes sollicitations de ses administrés.

La clause générale de compétence, c’est, enfin, le principe d’efficacité. C’est ce qui permet, par exemple, d’agir dans un désert médical en finançant un cabinet médical, d’intervenir en cas de marée noire ou de tempête – je pense à Xynthia – ou d’installer le très haut débit, que la loi ne pouvait anticiper il y a une vingtaine d’années.

Encore une fois, monsieur le ministre, je demande que vous m’apportiez la preuve que des économies pourront être réalisées si vous supprimez la clause générale de compétence.

Nous y reviendrons à l’article 35, mais cette clause est prise en étau par trois mécanismes. En premier lieu, le principe de spécialité et d’exclusivité ravale les collectivités au simple rang d’établissement public, de syndicat intercommunal à vocation unique ou de syndicat intercommunal à vocation multiple. En deuxième lieu, l’intérêt local sera réduit à ce que la loi dira qu’il est, ce qui n’est pas acceptable. En troisième lieu, enfin, la clause générale de compétence, on la réduit et on la tord. Parce qu’on la dénature, elle va devenir une simple clause de compétence résiduelle.

Les collectivités n’agiront plus que dans le silence de la loi, et peu importe si leurs administrés souhaitent que des problèmes soient résolus.

Mes chers collègues, au lieu de réaliser des économies, de simplifier et d’introduire des éléments de souplesse, nous allons en réalité rigidifier et augmenter l’impuissance publique. C'est la raison pour laquelle je voterai, en mon âme et conscience, les amendements qui vont dans le sens d’une restitution pleine et entière de la clause générale de compétence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Philippe Adnot applaudit également.)

M. Yves Daudigny. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Il aura fallu les trois quarts d’une navette pour que, dans le naufrage des compétences dans cette réforme, soit lancée une vraie bouée de sauvetage, que l’on retrouvera à l’alinéa 14 de l’article 35 sous la forme d’une phrase claire : « Les compétences en matière de tourisme, de culture et de sport sont partagées entre les communes, les départements et les régions. » Ce sauvetage fut hésitant, lâché par petits morceaux, avec, il y a encore quelques semaines, une fin annoncée en 2015.

Si nous nous réjouissons de la possibilité d’intervention de toutes les collectivités dans ces trois domaines, force est de constater que, pour toutes les autres thématiques non obligatoires, la rédaction de votre texte soit ne clarifie rien, soit soumet les collectivités à l’arbitraire d’un protestataire et à l’arbitrage des magistrats ou des préfets le droit ou non d’agir.

Alors je vais vous donner des exemples non philosophiques, comme celui de l’environnement : si nous sommes au clair sur les déchets, les espaces sensibles, le pilotage du schéma d’aménagement, quel sort sera réservé aux rares initiatives du Grenelle qui sont sorties indemnes de la deuxième lecture ?

Les trames vertes et bleues ne peuvent s’imaginer sans les interventions croisées des régions, des départements et des communes. Pris à la lettre, votre texte ne le permet pas et annule tout un paragraphe du Grenelle. (Mme Évelyne Didier et M. Paul Blanc s’exclament.)

Prenons un autre exemple, celui de la coopération décentralisée. Sauvée dans ses contours et juridiquement sécurisée dans ses méthodes par la loi Thiollière, elle se trouve de nouveau menacée en tant que compétence partagée par votre paragraphe bien mal nommé « Clarification ».

Or, quoi de plus efficace que le partenariat dans lequel chaque collectivité intervient sur ses domaines d’excellence ? Cette clause a parfois permis des appuis transitoires. Ainsi, quand le département du Nord a supprimé dans les années quatre-vingt-dix toutes les subventions du planning familial, c’est la région qui a pris le relais, qui a permis que soient maintenues les permanences et que les personnels ne soient pas licenciés et puissent poursuivre leur activité. Non seulement les femmes ont continué à bénéficier de ce service, mais des économies ont été réalisées.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, j’aurais pu aussi évoquer l’Université, mais comme notre temps est compté et votre attention légère, ce serait trop compliqué pour l’heure. Je me contenterai donc des deux exemples que j’ai cités. Ils suffisent à montrer que la clause générale de compétence est techniquement et démocratiquement indispensable.

Et c’est aller à rebours du sens de l’histoire que de vouloir, d’une part, asphyxier les collectivités et, d’autre part, les empêcher de travailler ensemble et de choisir leurs thèmes d’action. Parce que la clause générale de compétence est aux collectivités ce que la liberté de penser est au citoyen, nous voterons l’ensemble de ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Évelyne Didier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, j’ai siégé tous les mercredis avec plusieurs de mes collègues au sein de la commission Belot. Pendant huit mois, chaque semaine, nous avons essayé, avec les rapporteurs ici présents, de réfléchir à la clause générale de compétence.

Alors que nos avis divergeaient au départ, nous avons fini par nous mettre d’accord sur un rapport de propositions, aujourd'hui passé aux oubliettes. M. Belot n’est pas là, mais il y a un autre absent de marque : l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Nous sommes plusieurs à l’avoir entendu affirmer devant la commission qu’il ne fallait pas toucher à la clause générale de compétence…

M. Bruno Retailleau. Absolument !

M. François Patriat. … et – je parle ici devant témoins – qu’il s’opposerait toujours – j’attends qu’il le fasse aujourd’hui – à la suppression de cette clause, comme il avait également dit que la clause de « revoyure » allait sauver les collectivités. Puisqu’un ancien Premier ministre, membre influent de la majorité, a expliqué devant une commission qu’il défendra avec ses amis la clause générale de compétence, je souhaite connaître quelle est aujourd’hui sa position sur ce point.

À titre personnel, j’ai beaucoup réfléchi à cette question. Je me demande ce qu’il serait advenu dans certains cas très simples en l’absence de clause générale de compétence.

Premier exemple, – Bruno Retailleau a évoqué ce sujet voilà quelques l’instant – le haut débit, dont 35 % des Bourguignons sont actuellement privés.

M. Rémy Pointereau. Que fait la région ?

M. François Patriat. Qui consacre aujourd’hui 9 millions d’euros pour assurer la couverture haut débit ? La région, avec un peu d’argent du FEDER, mais sans aucune participation de l’État. Elle a choisi de le faire, même si cela ne relève pas de ses compétences obligatoires.

Deuxième exemple, bien plus criant : l’Alsace, la Franche-Comté et la Bourgogne – demain, l’Aquitaine, Midi-Pyrénées et d’autres régions –, qui ne sont pas compétentes en matière de ligne à grande vitesse.

M. René Beaumont. C’est l’aménagement du territoire !

M. François Patriat. Pas du tout, mon cher collègue !

Bien que ces régions ne soient pas compétentes en la matière, l’État leur a demandé de participer à la construction de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône à hauteur de 570 millions d’euros ; à défaut, il n’engagerait pas l’opération !

Et que dire des déserts médicaux dans les territoires ruraux ? Si l’on habite Clermont-Ferrand, Beaune ou Dijon, on bénéficie d’un scanner. À Châtillon-sur-Seine, à la frontière de la Champagne-Ardenne, chaque petite commune, le département et la région ont dû apporter leur contribution pour payer le scanner.

Dernier exemple : alors que c’est à l’État d’assurer la santé, ce sont les départements et les régions qui financent le transport héliporté des malades.

Monsieur le ministre, sans la clause générale de compétence, comment voulez-vous que les territoires puissent faire face aux difficultés que nous rencontrons chaque jour ? Je cherche non pas à défendre les collectivités, et notamment la région, mais à montrer que, en raison de l’abandon de l’État, ce sont elles qui assurent tous les services à la population. Je vais inaugurer demain, à côté de la région de Bourgogne, l’impasse de l’abandon de l’État. (M. le secrétaire d’État soupire.)

Chaque jour, des maires viennent me voir en disant : « Monsieur le président, comme nous recevons moins d’argent de l’Europe et plus du tout de l’État, la région et le département ne pourraient-ils nous aider à compenser ces manques ? » Nous le faisons avec les moyens limités qui sont les nôtres.

M. René Beaumont. Vous avez des moyens !

M. François Patriat. Non, nous n’avons pas de moyens et, croyez-le bien, nous n’avons pas de train de vie ! Nous essayons de pallier ces carences territoriales, et ce parce qu’il y a la clause générale de compétence.

Voilà pourquoi je me suis rallié à cette position. Même si je ne suis pas dupe et si je sais bien que la raréfaction de l’argent public et, surtout, le blocage des collectivités locales limiteront de facto fortement la clause générale de compétence, je préfère tout de même que nous la conservions, car elle est indispensable pour permettre aux territoires d’agir là où d’autres ne sont plus aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, vous aviez évoqué un débat académique. En ce qui me concerne, je voudrais revenir à des considérations beaucoup plus prosaïques.

M. le rapporteur nous a expliqué que, en adéquation avec la Constitution, les dispositions prévues dans le texte permettraient malgré tout, sous certaines conditions, aux départements et aux régions de continuer à aider les communes, et inversement. Alors, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Sans revenir aux références historiques qui ont été évoquées tout à l’heure, l’aide apportée par les collectivités territoriales, singulièrement celle des départements, a depuis longtemps fait la preuve de son efficacité.

Si je prends l’exemple du département que je connais le mieux, la Haute-Garonne, je peux affirmer – et j’imagine que tous les conseillers généraux qui siègent également dans cet hémicycle pourraient dire la même chose de leur département – qu’il n’existe pas une école, une crèche, une station d’épuration, un gymnase, une salle des fêtes, et j’en passe, qui n’ait été réalisé sans les subventions du conseil général auquel j’ai l’honneur de participer.

Il est clair que si cette clause générale de compétence disparaissait, les communes, notamment les communes rurales, seraient privées de la possibilité d’apporter des aides par le biais d’investissements. Ces communes ne pourraient plus fournir de services publics de proximité, ce qui conduira fatalement à une citoyenneté à deux vitesses : certains auront à leur disposition des services publics de proximité ; d’autres, non. Nous sommes très loin des principes affichés dans le texte, qui prônent l’égalité ou l’équité républicaine non seulement entre tous les citoyens, mais également entre toutes les communes.

Comble du paradoxe, ceux qui brandissent le bâton de gendarme en interdisant aux collectivités locales, notamment aux départements, de jouer leur rôle, d’exercer leur clause générale de compétences sont ceux-là mêmes qui demandent aux collectivités locales en Midi-Pyrénées de participer financièrement à la construction de la LGV, la ligne à grande vitesse. Ainsi, le département doit verser 320 millions d’euros, la région 400 millions d’euros, et la communauté urbaine de Toulouse 200 millions d’euros, alors que la LGV est une compétence exclusive de l’État.

Je pourrais tenir les mêmes propos en ce qui concerne les opérations Campus.

À l’inverse, je pourrais faire allusion à une récente charte culturelle qui a permis à des équipements de centralité – Zénith, théâtres, médiathèques – de voir le jour : au-delà des compétences et de l’implication des collectivités territoriales, l’État avait, lui aussi, mis la main au gousset.

Nous voterons l’ensemble de ces amendements, car ils pérennisent un mode de fonctionnement, qui favorise non seulement l’aménagement du territoire, comme Didier Guillaume l’a dit tout à l’heure, mais également et surtout le respect des principes républicains. Les régions, les départements et les communes méritent mieux que de se voir imposer une fracture territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Je ne suis pas du tout d’accord avec ce que je viens d’entendre.

Ce projet de loi présente deux avantages. D’une part, il apporte une clarification. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Blanc. Il a raison !

M. Gérard Bailly. Admettez que d’autres puissent ne pas penser comme vous, mes chers collègues ! D’autre part, il prévoit une simplification, à condition de ne pas faire ce que vous préconisez.

Je m’explique.

Un territoire aura une femme ou un homme – un seul responsable ! – pour le représenter et pour prendre les décisions. Que quelqu’un vienne me dire que ce ne sera pas plus clair qu’avant !

Dans le domaine scolaire, il y a maintenant quelques années, on a procédé à une clarification des compétences : la maternelle et le primaire à la commune, le collège au département, le lycée à la région et l’enseignement supérieur à l’État. Voilà qui était clair !

Mme Marie-Christine Blandin. Maintenant, c’est fini !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela ne vaut plus rien !

M. Gérard Bailly. Pourquoi ne voulez-vous pas que les choses soient aussi claires dans les autres domaines : la voirie communale à la commune et les routes départementales au département, par exemple ? Voilà ce qu’attendent nos concitoyens, qui ne savent plus qui s’occupe de quoi ou à qui s’adresser !

Lors de sa dernière réunion, vendredi dernier, la commission permanente du conseil général du Jura a eu à examiner un projet dont le coût ne dépassait pas 80 000 euros et pour lequel on a compté pas moins de huit financeurs. Si ce n’est pas de la complication pour les maîtres d’ouvrage, qu’est-ce que c’est ? Dans ces conditions, comment voulez-vous que les collectivités soient prêtes en même temps à cofinancer des projets. Quand il y aura une compétence définie, on saura au moins où l’on va.

La clause générale de compétence est accordée aux communes, ce qui est déjà important. Celles-ci pourront ensuite la déléguer à leur intercommunalité, ce qui est également important.

M. Jacques Blanc. Il a raison, M. Bailly !

M. Gérard Bailly. Les départements, pour leur part, auront leurs compétences propres. Ainsi, on sait qu’ils s’occuperont du social et d’une ou de deux autres compétences. Pour tout projet important, tout ce qui touche aux grandes infrastructures, notamment, l’État demandera à une collectivité de l’aider, ou inversement.

Chercher des financements un peu partout, c’est compliqué, cela coûte cher (M. Pierre Bernard-Reymond opine.) et nos concitoyens ne s’y retrouvent pas. Combien de fois a-t-on entendu appeler « monsieur le conseiller régional » un conseiller général, et vice versa. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Les gens ne les identifient pas. 

Nous voulons de la clarification. C’est pourquoi je ne peux absolument pas voter les amendements qui nous sont proposés. Je ne pense pas que restaurer la clause générale de compétence soit la solution. C’est d’ailleurs ce que je trouve bien dans le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Je n’ai pas besoin de cinq minutes pour expliquer pourquoi je voterai l’ensemble de ces amendements.

Certains territoires sont riches, d’autres le sont moins. Ainsi, parmi les six départements que compte ma région, certains disposent de moins de possibilités et, au sein même de mon département, on rencontre de grandes disparités.

La clause générale de compétence présente cet avantage de faire de la région un lieu de solidarité entre départements et de permettre au département d’assurer la solidarité entre les territoires qui le composent. Elle favorise l’aménagement et la cohésion du territoire. Voilà pourquoi les régions et les départements en ont besoin.

Vous le savez, ce qui est vrai dans la région dans laquelle je suis élu ne l’est pas en Limousin ou dans le Nord-Pas-de-Calais. Laissez donc à chaque collectivité la liberté de choisir dans quel secteur elle doit intervenir pour satisfaire le besoin de solidarité entre les territoires.

Au demeurant, j’aimerais bien que quelqu’un me dise en quoi les collectivités souffrent de la clause générale de compétence.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est tout de même pas une croix à porter !

M. Claude Domeizel. J’entends dire : « On n’y comprend rien ! ». Sachez que les élus, eux, comprennent très bien comment fonctionne la clause générale de compétence.

Telle est la raison pour laquelle je voterai l’ensemble de ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)