Article 32
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Article 32 bis

Article 32 bis A (nouveau)

Le premier alinéa du IV de l’article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et aux libertés des communes, des départements et des régions est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En outre, il y coordonne l’ensemble du dispositif de sécurité intérieure, en particulier l’action des différents services et forces dont dispose l’État en matière de sécurité intérieure. » – (Adopté.)

Article 32 bis A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Article additionnel après l'article 32 bis

Article 32 bis

(Non modifié)

Au premier alinéa des articles L. 2215-6 et L. 2512-14-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « vente à emporter », sont insérés les mots : « de boissons alcoolisées ou ».

Mme la présidente. L'amendement n° 262, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet article traite de la fermeture des établissements vendant notamment des boissons alcoolisées. Nous considérons que la législation actuelle comporte suffisamment de mesures permettant de parvenir au résultat escompté, sans qu’il soit nécessaire d’en ajouter une autre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cette article complète un dispositif certes d’ores et déjà riche et confiera aux préfets un instrument très dissuasif leur permettant d’agir dans une situation où les autres moyens à leur disposition auraient été inefficaces.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 262.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 32 bis.

(L'article 32 bis est adopté.)

Article 32 bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Article 32 ter A (Nouveau)

Article additionnel après l'article 32 bis

Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Nègre, Béteille, Carle, J.P. Fournier, Couderc, Cointat, Brun, J. Gautier, Dufaut, Beaumont, Saugey et Trucy, Mme Henneron, M. Alduy, Mmes Rozier et Sittler et MM. Grignon, Braye, Demuynck, Bécot et Magras, est ainsi libellé :

L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 9° Le soin de réglementer les horaires des activités commerciales situées dans le périmètre déterminé ou à proximité de zone d'habitation, susceptibles ou signalées comme génératrice de lieux de rassemblements et de troubles à la tranquillité publique et au repos des habitants. »

La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Ce sujet me préoccupe autant que le député Lionnel Lucas puisque nous avons tous deux à faire à des épiceries de nuit dans notre commune.

Le commerce nocturne ne pose pas problème en tant que tel. Simplement, ces commerçants vendent également de l’alcool, ce qui cause des attroupements et occasionne des troubles majeurs aux riverains. De telle sorte qu’il y a trois ans, un voisin, qui résidait au-dessus de l’un de ces commerces, pris d’une dépression subite, a pris un fusil et a tiré…

Lorsque l’on en arrive à une telle extrémité et que ces attroupements nocturnes inquiètent toute la population, la traumatisent et l’empêchent de dormir, il faut pouvoir intervenir. C’est là l’objet de cet amendement. Il vise en effet à permettre à la commune de fixer les horaires de ces activités commerciales problématiques qui troublent la tranquillité publique.

Telle est le sens de notre démarche qui, approuvée par bon nombre de collègues, vise à permettre aux riverains de ces établissements de pouvoir enfin dormir en paix, sans être gênés, toute la nuit durant, par les attroupements causés par ces activités !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous comprenons les préoccupations de notre collègue qui propose, par cet amendement, de compléter les possibilités offertes aux pouvoirs publics pour faire cesser les troubles, notamment sonores, à proximité de certains commerces. Il tend ainsi à permettre aux maires de réglementer les horaires de certaines activités commerciales.

Toutefois, l’objet de l’amendement n’est pas assez précisément défini et présente en l’état un risque d’inconstitutionnalité au regard du principe de la liberté du commerce. Il conviendrait de modifier sa rédaction.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Je comprends parfaitement la position de M. Nègre sur ce sujet. Cependant, le droit en vigueur permet de remédier au problème.

M. Brice Hortefeux, ministre. Le maire dispose déjà d’une latitude assez importante en matière de tranquillité publique et de police.

Par ailleurs, comme vous le savez, le Conseil d’État a admis, dans un arrêt du 7 juillet 1993, qu’un maire réglemente les horaires d’ouverture d’une croissanterie afin de lutter contre le bruit provoqué par l’afflux de clients.

Je vous demande donc de retirer votre amendement.

Mme la présidente. Monsieur Nègre, l’amendement n° 14 rectifié est-il maintenu ?

M. Louis Nègre. Monsieur le ministre, vous me dites qu’aujourd’hui le droit positif permet d’intervenir.

M. Louis Nègre. Sous réserve de vérifications, nous n’avons pas obtenu ce type d’information auprès de la préfecture. En effet, le préfet est obligé de prendre une fois par an des arrêtés de fermeture administrative contre ces épiceries de nuit, mais après de multiples contraventions. Je ne suis pas entièrement persuadé que l’on puisse parvenir au résultat que nous recherchons en l’état actuel des choses.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des commerces sont fermés tous les jours à Paris pour tapage nocturne !

M. Brice Hortefeux, ministre. Puis-je vous interrompre, monsieur le sénateur ?

M. Louis Nègre. Je vous en prie, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, avec l’autorisation de l’orateur.

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le sénateur, je suis tout à fait disposé à envoyer aux préfets une circulaire – ces circulaires si chères à M. Chevènement, dont je regrette l’absence aujourd’hui – de manière à récapituler ces dispositions.

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Nègre.

M. Louis Nègre. Dès lors que M. le ministre s’engage publiquement à envoyer aux préfets une circulaire qui nous permettra d’agir de manière concrète et pratique et d’obtenir, en cas de nécessité, la fermeture des épiceries de nuit, je retire l’amendement.

Mme la présidente. L’amendement no 14 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 32 bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Intitulé du chapitre VII bis

Article 32 ter A (nouveau)

I. – Lorsqu’une installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée en vue d’y établir des habitations comporte de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le représentant de l’État dans le département, ou, à Paris, le préfet de police, peut mettre les occupants en demeure de quitter les lieux.

La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain.

Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions prévues au II, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des lieux, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure. Le cas échéant, le préfet saisit le président du tribunal de grande instance d’une demande d’autorisation de procéder à la destruction des constructions illicites édifiées pour permettre l’installation en réunion sur le terrain faisant l’objet de la mesure d’évacuation. Le président du tribunal ou son délégué statue, en la forme des référés, dans un délai de 48 heures.

Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain fait obstacle à l'exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publiques, dans un délai qu’il fixe.

Le fait de ne pas se conformer à l'arrêté pris en application de l'alinéa précédent est puni de 3 750 euros d'amende.

II. – Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au I, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l'exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 57 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 176 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 263 est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement no 57.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous en revenons à la question des Roms, qui occupe le devant de l’actualité.

À une époque où le pouvoir administratif et politique se substitue toujours plus au pouvoir judiciaire indépendant, l’article 32 ter A vient porter une attaque supplémentaire contre les gens du voyage. Il conforte la politique scandaleuse d’évacuation forcée des campements illicites conduite par le Gouvernement.

La loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, modifiée par la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance, prévoit, dans son article 9, une procédure spécifique d’évacuation des campements illicites dans les communes respectant leurs obligations en matière de création d’aires d’accueil pour les gens du voyage.

En d’autres termes, seule une procédure exceptionnelle, décidée par le préfet, peut aujourd’hui s’appliquer dans les communes qui respectent leurs obligations. Il s’agissait d’une contrepartie qui avait pour objectif de motiver les communes à s’investir dans l’aménagement d’aires d’accueil.

Or l’article 32 ter A tend à étendre la procédure d’évacuation à toutes les communes, indépendamment du fait qu’elles respectent ou non les obligations prévues dans la loi de 2000. Cela revient, dans la pratique, à vider de sa substance le dispositif voté en 2000 : désormais, toutes les communes pourront demander l’évacuation forcée de leur terrain.

Cette procédure, je le rappelle, était pourtant supposée inciter les communes à créer des aires d’accueil en subordonnant le concours du préfet au respect de cette obligation. Ce « verrou » incitatif, l’article 32 ter A le fait sauter : d’un coup de plume, vous videz de sa substance la loi de 2000 en proposant une procédure d’évacuation forcée « clé en main ».

Cette disposition, extrêmement grave, cautionne l’inertie, pour ne pas dire qu’elle encourage les communes à ne plus créer d’aires d’accueil pour les gens du voyage : désormais, toutes les communes seront traitées de la même manière.

Monsieur le ministre, avec cette décision, le Gouvernement donne un tour de vis supplémentaire à sa politique de haine et, par une nouvelle stigmatisation, il continue à nourrir la xénophobie et l’exclusion. Au lieu de chercher à inciter les communes à accueillir les gens du voyage, à respecter leurs obligations, le Gouvernement les invite pratiquement à violer la loi. Il construit une politique de rejet, de stigmatisation, d’exclusion honteuse fondée sur la misère de personnes qui, souvent, où qu’elles aillent, sont déjà rejetées comme des parias !

L’article 32 ter A participe à une véritable ségrégation ethnico-territoriale en exonérant totalement les communes de leur obligation de création d’aires d’accueil. Avec cet article, la loi de 2000 devient une coquille vide : c’est un véritable scandale. Les communes qui ont investi dans des aires d’accueil se trouvent désormais sur le même plan que celles qui n’ont rien fait : c’est tout simplement injuste !

Mes chers collègues, nous vous demandons de refuser ce marché de dupes, afin que les gens du voyage ne soient pas, une nouvelle fois, les boucs émissaires d’une politique humaine maintenant très dangereuse.

Je vous invite donc à adopter notre amendement de suppression de l’article 32 ter A et d’en rester aux dispositions de la loi du 5 juillet 2000 qui, si elles sont respectées, offrent une réponse adaptée à l’accueil des gens du voyage.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement no 176.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons déjà dit tout le mal que nous pensions d’une disposition qui permettra au Gouvernement de mettre en œuvre une politique xénophobe de stigmatisation.

Avec l’article 32 ter A, vous vous donnez les moyens de conduire plus aisément une telle politique, alors que, comme l’a rappelé Mme Boumediene-Thiery, la loi du 5 juillet 2000 permet déjà de procéder à l’évacuation de résidences mobiles en stationnement illégal.

Cette loi visait à inciter les communes à aménager des terrains d’accueil pour les populations nomades. Mais il est vrai qu’elle est devenue insuffisante, puisqu’elle ne vous permet pas de conduire la guerre que vous entendez mener contre les campements illicites, conformément aux préconisations du Président de la République dans son discours de Grenoble.

Les recours en annulation se multiplient. L’article 32 ter A, s’il était adopté, permettrait l’évacuation des refuges de fortune créés pour offrir un toit aux plus démunis.

Et je ne parle pas de l’amendement du Gouvernement, qui vise à étendre encore le champ de cet article aux sites bâtis. Il y a vraiment là de quoi être indigné !

Je considère moi aussi qu’il faut en rester à la législation actuelle, sous peine d’aboutir à des mesures aberrantes qui nous vaudront très certainement d’être condamnés notamment par la Cour européenne des droits de l’homme.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement no 263.

M. Alain Anziani. L’article 32 ter A me semble avoir une portée encore plus large que celle qui vient d’être décrite puisque, au-delà des gens du voyage ou des Roms, il pourrait concerner tous les SDF !

Le 9 septembre dernier, le Parlement européen a adressé à la France une forte semonce pour l’action qu’elle a engagée à l’encontre des Roms. L’ONU a de même manifesté sa réprobation et l’Église a dit son incompréhension devant cette politique de fermeture. (Mme Marie-Thérèse Hermange s’exclame.)

C’est dans ce contexte que nous sommes appelés à examiner l’article 32 ter A qui, sur le fond, relève de la même inspiration que la politique engagée : provoquer l’évacuation musclée de personnes sans domicile fixe. Pour ce faire, il suffira que ces personnes s’installent en réunion.

Ce texte appelle de nombreuses observations d’ordre juridique et technique. Ainsi, le fameux recours qui est prévu risque d’être assez illusoire. Compte tenu de l’état de misère morale de ces personnes, on peut craindre qu’elles ne soient pas en état d’exercer un recours et que ce droit reste bien théorique pour des gens qui vivent dans la rue.

On peut également s’étonner que le texte prévoie la destruction des biens de ces personnes.

M. Alain Anziani. Au nom du droit de propriété, leurs biens méritent d’être protégés au même titre que ceux de toutes les autres personnes. Les expulser est une chose ; détruire leurs biens en est une autre. Cela me paraît inacceptable et nous devrions être nombreux dans cette enceinte à refuser une telle disposition.

Au-delà de ces considérations de nature technique et juridique, je tiens avant tout à dresser un état de la réalité humaine.

Dans notre pays, on recense 86 000 SDF, et 548 000 personnes, sans domicile propre, sont hébergées chez des tiers ou vivent dans un camping. Dans le bois de Vincennes, par exemple, des SDF dressent leur campement les uns à côté des autres, ce qui relève de l’installation illicite en réunion, sanctionnée par l’article 32 ter A.

Quel est aujourd’hui le droit applicable ? Aurions-nous tous oublier que nous avons, ensemble, voté la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO, dans laquelle on peut lire que le droit à un logement décent et indépendant est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir ?

La loi DALO s’accompagnait de mesures tendant à augmenter l’offre de logement, notamment d’une incitation à redoubler l’obligation des 20 % de logements sociaux.

Cette loi, je le rappelle, date du 5 mars 2007 : qu’en est-il aujourd’hui ? Le droit opposable que nous avons institué est largement inappliqué. En d’autres termes, il ne sert à rien !

Le scandale, mes chers collègues, c’est que l’État dit en fait aux plus démunis d’entre nous : « Je ne respecte pas mes engagements, mais tant pis, déguerpissez, partez, allez voir ailleurs ! », sans que personne ne sache où se trouve cet ailleurs…

Mes chers collègues, je vous exhorte à faire preuve d’humanité, d’efficacité – les dispositions proposées ne résoudront rien – et, surtout, d’un grand sens de l’équité en refusant une telle mesure. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer la procédure spéciale d’évacuation des camps illicites prévue par le présent texte.

Cette procédure, dont la commission a, je le rappelle, renforcé les garanties, vise à remédier à une lacune de la législation. En effet, cette dernière prévoit une procédure spécifique pour l’évacuation des résidences mobiles en cas de stationnements illégaux, mais sans prévoir un dispositif comparable pour l’évacuation des campements illicites, alors même que ceux-ci peuvent présenter les mêmes atteintes à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il serait bien étrange, dans la période que nous vivons, que cet article passât comme une lettre à la poste devant notre assemblée, et ce sans même que le représentant du Gouvernement apporte la moindre réponse aux orateurs !

Monsieur le ministre, voilà quelque temps, alors que je me trouvais dans un pays très lointain, j’ai pu voir la page d’un quotidien national barrée d’un grand titre sur la politique d’expulsion des Roms conduite par la France. Je n’ai pas eu le sentiment que cela donnait de notre pays l’image en laquelle nous croyons.

Nous avons assisté, durant tout le mois d’août, à des opérations très médiatisées pour les besoins de la cause, opérations que vous avez justifiées, monsieur le ministre. Vous savez cependant les multiples réactions qu’elles ont suscitées chez de nombreuses autorités et personnalités de toutes tendances politiques.

Avec l’article 32 ter A, vous en « rajoutez », alors que les lois existantes permettent déjà de lutter contre les situations illicites. Pourtant, comme l’a rappelé Mme Borvo, vous n’avez pas eu besoin de nouvelles lois pour conduire votre politique durant le mois d’août,…

M. Jean-Pierre Sueur. … politique qui a donné l’image que nous savons de notre pays.

Pourquoi légiférer toujours plus ? Mieux vaudrait d’abord respecter les lois existantes : la loi DALO, que vient d’évoquer M. Alain Anziani, mais aussi la loi Besson, qui oblige les communes à créer des aires d’accueil sur leur territoire. Or nombre d’entre elles en sont malheureusement encore dépourvues. Cela a certes été évoqué, monsieur le ministre, mais avec moins de force que d’autres aspects de votre communication.

Les événements récents nous attristent. Certes, les problèmes existent, et nul ne les nie, ni les maires de droite ni ceux de gauche. Mais l’on ne pourra pas les résoudre en les exploitant. Pour y remédier, il faut les traiter, ce qui suppose beaucoup de travail, en France et avec nos partenaires européens. Or je suis absolument persuadé que la mise en scène de cet été a eu des effets totalement négatifs.

Quel spectacle ne nous a-t-on pas donné à voir, de ces personnes qui repartent avec leurs 300 euros en poche mais qui s’apprêtent à revenir aussitôt, du désarroi d’hommes et de femmes qui sont pourchassés partout, y compris dans leur propre pays !

À cet égard, monsieur le ministre, j’ai passé un bien mauvais moment ce matin en écoutant, sur France Inter, la réaction de votre collègue Pierre Lellouche interrogé au sujet de la résolution adoptée par une grande majorité du Parlement européen.

Il y a eu 337 voix pour, 245 contre, et 51 abstentions. Ce n’est tout de même pas anodin !

Permettez-moi de citer ces 337 voix favorables, émanant de personnalités aux opinions politiques très diverses et de nombreux pays européens : « Le Parlement européen s’inquiète vivement de la rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire qui a marqué le discours politique au cours des opérations de renvoi de Roms, ce qui donne de la crédibilité à des propos racistes et aux agissements de groupes d’extrême droite ».

Cette position a bien été signée par 337 députés européens, de toutes tendances politiques. Eh bien, pour M. Lellouche tout cela, c’était de l’hypocrisie ! Autrement dit, circulez, il n’y a rien à voir !

Mme Catherine Troendle. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Jean-Pierre Sueur. Madame Troendle, vous vous reporterez à ses propos exacts.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Votre temps de parole est écoulé !

M. Jean-Pierre Sueur. Moi, j’ai eu le sentiment que, pour le représentant du Gouvernement que nous avons entendu ce matin – mais peut-être était-il fâché ; peut-être n’était-il pas dans sa forme habituelle (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) – cette déclaration n’était pas plus qu’un tract signé de personnes dont il n’avait pas grand-chose à faire. (Mme Catherine Troendle proteste.)

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Sueur. Puisque vous me le demandez, madame la présidente, je conclus mon propos.

Monsieur le ministre, considérez-vous que cette décision du Parlement européen…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s’agit d’une résolution !

M. Jean-Pierre Sueur. … n’aura aucune influence sur l’action du Gouvernement et que la situation restera inchangée ou, au contraire, tirerez-vous les conséquences de cette déclaration de la majorité des parlementaires représentant les pays de l’Union européenne ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement est soutenu par une très grande majorité de nos concitoyens, et, pour ne pas céder à la facilité, je me garderai d’insister sur le fait qu’il existe chez vous, groupe socialiste et groupe CRC-SPG, des élus qui non seulement approuvent l’évacuation des camps illicites, mais l’ont même demandée.

Mme Catherine Troendle. Tout à fait !

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le sénateur, à vous qui vous appuyez généralement sur des raisonnements juridiques, je répondrai que j’entends faire respecter un droit constitutionnel : le droit de propriété.

Dans notre pays, on ne s’installe pas quand on veut, comme on veut, où l’on veut. Il y a un certain nombre de règles à respecter.

Tout ce qui est fait aujourd’hui, vous le savez, s’inscrit dans le respect des règles, ou, plus exactement, des décisions de justice.

M. Alain Anziani. Et la loi DALO ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Et les aires d’accueil ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Les campements illicites, vous le savez, portent atteinte au droit de propriété. En outre, leur présence entraîne des conditions de vie et une situation sanitaire que vous ne pouvez pas accepter. Vous avez été maire et vous les connaissez.

Sur la proposition du Gouvernement, votre commission des lois a adopté un amendement tendant à insérer un article qui crée une procédure administrative d’évacuation forcée des campements illicites, procédure qui existe déjà pour les campements de gens du voyage. Il s’agit simplement, en réalité, de permettre son application à toute forme de campement.

Il n’y a pas de raison que ce qui s’applique aux uns ne s’applique pas aux autres. Cela me paraît tout simplement une règle d’équité.

De plus, monsieur Sueur, des garanties encadrent strictement ce dispositif, puisque son application est limitée au cas où existent de graves risques ; il n’est pas question d’atteinte ; vous êtes suffisamment attentif pour avoir remarqué cette nuance.

Le délai d’exécution ne peut pas être inférieur à quarante-huit heures, contre vingt-quatre heures dans la procédure actuellement en vigueur pour les gens du voyage.

Je précise tout de même, même si cela va de soi, que l’arrêté de mise en demeure peut bien sûr être contesté devant le juge avec effet suspensif.

Pour le reste, vous avez évoqué certaines autorités morales et religieuses.

D’abord, je n’ai pas observé que vous les évoquiez systématiquement. Que vous fassiez référence – vous et d’autres – avec autant de constance et de force au sentiment des autorités religieuses, ce n’est pas forcément coutumier dans votre famille de pensée. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Notre famille de pensée est très diverse à cet égard !

M. Brice Hortefeux, ministre. Ensuite, toutes les déclarations auxquelles je me suis référé, qu’elles émanent du Pape ou de la Conférence des évêques, depuis 1997, réaffirment les mêmes principes et ne sont en aucun cas liées à l’actualité française. Mais je comprends très bien qu’elles soient mises en avant pour les besoins du débat, dans un contexte de polémique.

J’en viens maintenant à la résolution du Parlement européen.

Vous me demandez quelles conclusions j’en tire. Par définition, je suis très attentif, très respectueux à l’égard des élus que sont les parlementaires européens. Vous vous placez souvent sur le terrain du droit, mais ici, sachez que cela n’a aucune conséquence juridique, puisque ce qui a été voté n’est pas une décision.