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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Cambodge

Mme la présidente. Mes chers collègues, il m’est agréable de saluer la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de cinq sénateurs du Royaume du Cambodge, conduite par M. Sem Tep Ngorn, deuxième vice-président du Sénat. Ils sont accompagnés par Mme Tasca, présidente du groupe d’amitié et première vice-présidente du Sénat. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Notre assemblée a établi depuis 1999 des liens de coopération interparlementaire extrêmement étroits avec le Sénat cambodgien qui, comme notre assemblée, est l’émanation des collectivités territoriales.

Nous souhaitons à cette délégation un séjour fructueux, et très agréable, dans notre pays. Nous souhaitons au Royaume du Cambodge de poursuivre dans la paix civile sa progression vers la démocratie parlementaire et vers une prospérité économique retrouvée. (Applaudissements.)

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Dépôt de rapports du Gouvernement

Mme la présidente. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :

- le rapport sur la tarification à l’activité des établissements de santé et ses conséquences sur l’activité et l’équilibre financier des établissements publics et privés, établi en application de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, MIGAC, retraçant l’évolution de la dotation nationale et des dotations régionales affectées à ces missions, établi en application de l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur le bilan d’avancement du processus de convergence tarifaire faisant état des réalisations et des travaux menés dans la mise en œuvre de la convergence, établi en application de l’article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 ;

- et, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Les trois premiers ont été transmis à la commission des affaires sociales, le dernier à la commission des finances. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

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Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Dominique Voynet. Mon intervention se fonde sur l’article 36 du règlement du Sénat.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 8 juillet 2009, une intervention policière violente conduisait un manifestant, victime d’un tir de flash-ball en plein visage, à perdre un œil. L’enquête menée par la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui a montré à la fois le non-respect du cadre légal d’utilisation des flash-ball et le non-respect de la doctrine d’emploi technique de cette arme, a débouché sur des sanctions disciplinaires pour le policier en cause.

Le 30 avril 2010, dans ma ville, de nouveau, une voiture de police est intervenue de façon violente au milieu d’une fête de quartier, des femmes et des enfants ayant été menacés d’un flash-ball par un policier.

Ce matin, pour la troisième fois en un an, à neuf heures, alors que des lycéens bloquaient l’entrée de leur lycée avec des poubelles (Exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste) – j’en conviens, ce n’est pas bien –,…

Mme Françoise Henneron. Tout de même !

Mme Dominique Voynet. … une intervention policière a eu lieu. Elle a été conduite non pas par les policiers du commissariat local, qui connaissent bien ces jeunes, mais par une compagnie républicaine de sécurité qui venait d’évacuer un gros squat dans la ville.

Lacrymogènes, fumigènes, puis, de façon incompréhensible, tirs de flash-ball… Une nouvelle fois, un enfant a été blessé, au visage. Rendez-vous compte : un enfant de seize ans a eu trois fractures au visage !

M. Guy Fischer. Scandaleux !

Mme Dominique Voynet. J’ai bien compris que vous cherchiez à faire porter à la gauche la responsabilité de troubles que votre aveuglement et votre surdité seuls expliquent. J’ai bien compris que vous étiez en difficulté face à la rue, et face à la légitimité démocratique des manifestations. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Monsieur le ministre, on pourrait s’entendre sur le fait que c’est d’abord aux adultes de lutter pour leurs retraites ; on pourrait tomber d’accord sur le fait que ce sont là des préoccupations bien lourdes pour de jeunes adolescents.

Mais, je vous pose la question, en vous montrant la balle reçue par ce jeune de seize ans (Mme Dominique Voynet brandit un projectile en caoutchouc) : le pouvoir est-il à ce point fébrile qu’il en soit réduit à ce genre de provocation ? Que vaut donc un pouvoir politique, et quelle est sa légitimité, quand il en est réduit à tirer sur ses enfants ? (Applaudissements nourris sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Vives protestations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Alain Vasselle. Ce ne serait pas arrivé s’ils étaient à l’école !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Premièrement, je ne me permettrai pas de lancer des accusations sans savoir exactement ce qui s’est passé. J’imagine que les services du ministère de l’intérieur auront à cœur de faire toute la lumière sur cet événement.

Deuxièmement, je voudrais saluer la responsabilité, le professionnalisme et le sang-froid des forces de l’ordre en France. (Très bien ! sur les travées de lUMP.) Le maintien de l’ordre public est une mission très complexe que la gendarmerie et la police, en l’occurrence les compagnies républicaines de sécurité, accomplissent avec beaucoup de professionnalisme, précisément pour éviter toute atteinte à l’intégrité physique dans des contextes qui sont souvent extrêmement difficiles.

Enfin, troisièmement, il me semble que tous ceux qui attisent les violences et qui poussent les jeunes à descendre dans la rue devraient commencer par balayer devant leur porte ! (Applaudissements nourris sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Raymonde Le Texier. Imaginez que vous soyez le père de cet enfant, monsieur le ministre !

Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre,…

Mme la présidente. Vous ne pouvez pas reprendre la parole, ma chère collègue.

M. Christian Cambon. Et vous n’avez pas assisté à un seul moment du débat !

Mme Dominique Voynet. … j’ai oublié de vous dire que M. le préfet de la Seine-Saint-Denis,…

M. Nicolas About. Responsables et coupables, ceux qui envoient les gosses manifester !

M. Christian Cambon. Ce n’est que de la provocation !

Mme Dominique Voynet. … préoccupé par cet événement, avait immédiatement saisi l’Inspection générale des services, ce qui laisse à penser que le professionnalisme et le sang-froid n’étaient décidément pas au rendez-vous dans cette action. (Huées sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Philippe Marini. Respectez le règlement, madame Voynet !

Mme Catherine Procaccia. Elle ne le connaît pas, elle ne vient pas assez souvent !

M. Christian Cambon. C’est la première fois qu’elle intervient dans ce débat !

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour un très court rappel au règlement.

M. David Assouline. Ce rappel au règlement, qui se fonde sur l’article invoqué par Mme Voynet, ne prendra que quelques secondes, avant que nous ne reprenions nos débats sur le fond.

Mme Catherine Procaccia. Nous sommes d’accord !

M. David Assouline. Le lien que vous établissez entre notre action et les manifestations est une insulte pour le travail démocratique de l’opposition, monsieur le ministre.

Ce n’est pas parce que, dans notre rôle d’opposition, nous combattons une réforme que nous sommes pour autant responsables des incidents qui peuvent se produire !

Ce n’est pas non plus parce que nous considérons que les manifestations et les grèves, qui sont organisées par des syndicats, et donc tout aussi démocratiques que notre action, sont l’expression de droits prévus dans notre Constitution, que nous portons une quelconque responsabilité dans ces incidents !

M. Nicolas About. Quand vous appelez les jeunes à manifester, si !

M. David Assouline. On peut toujours porter un jugement négatif sur telle ou telle action, notamment en cas de blocage. Mais, depuis deux jours, alors que des milliers de jeunes manifestent, les incidents sont très peu nombreux, ce qui est d’ailleurs une constante dans l’histoire des manifestations et des mouvements de jeunes en général.

M. Christian Cambon. Vous êtes responsables quand vous les envoyez manifester !

M. Philippe Marini. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. David Assouline. Toutes les images montrent des jeunes qui manifestent pacifiquement. Je ne justifie pas les dérapages,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Assouline.

M. David Assouline. … mais vous ne pouvez pas, d’un côté, classer les jeunes dans les populations fragiles et, de l’autre, utiliser n’importe quels moyens, notamment des flash-ball, contre certains d’entre eux qui dressent des poubelles devant l’entrée de leur lycée. Cela ressemble fort à de la provocation, et c’est la seule question que vous a posée Mme Voynet ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Nicolas About. Et qui les envoie manifester ?

M. Christian Cambon. Ils devraient plutôt les encourager à rester au lycée !

Mme la présidente. Je vous donne acte de vos rappels au règlement, chers collègues.

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Article 4 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 4

Réforme des retraites

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l’article 4 (réservés)

Article 4 (suite)

Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 4, au vote sur l’amendement n° 1172.

Je mets aux voix l’amendement n° 1172.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1177.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 832.

Mme Annie David. J’insisterai, dans cette explication de vote, sur la réalité du temps partiel subi par les femmes.

En 2008, le Conseil économique et social a mené une enquête sur le travail à temps partiel dont il ressort que, « en France, le recours au temps partiel s’est développé de manière significative depuis le début des années quatre-vingt-dix. La proportion de l’emploi salarié à temps partiel est ainsi passée de 7 % en 1980 à 12 % en 1990, puis à 17,3 % en 1997, pour atteindre son niveau le plus élevé en 1998 – 18 %. Selon les enquêtes annuelles de recensement de l’INSEE, de 2004 à 2006, il s’établit aujourd’hui à 17,9 %, soit quasiment le pourcentage enregistré en 1998, et concerne donc près de 5 millions d’actifs sur les 28 millions recensés en 2005 en France métropolitaine. »

Cette étude apporte également les précisions suivantes : « Comme ailleurs en Europe, le temps partiel en France est très majoritairement féminin puisque, parmi les quelque 5 millions d’actifs à temps partiel, 83 % sont des femmes. Le temps partiel représente 31 % de leurs emplois. »

Il ressort en outre des enquêtes qualitatives menées par l’INSEE qu’un tiers environ des femmes concernées subissent plus qu’elles ne choisissent ce mode d’activité, le « choix » étant, par ailleurs, souvent contraint du fait de l’inégal partage des tâches dans la famille et l’insuffisance des dispositifs permettant l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale.

La réalité est tenace et nous force à constater que les femmes représentent aujourd’hui en France plus de 82 % des 5 millions d’actifs salariés à temps partiel, la durée moyenne des contrats étant de vingt-trois heures par semaine. Dans les secteurs où elles sont employées, elles occupent le plus souvent des postes faiblement qualifiés ; dans la fonction publique, ce sont 92 % des femmes majoritairement de catégorie C qui occupent ces postes à temps partiel. Dans le secteur privé, ce n’est guère mieux, puisque la moitié des femmes concernées sont employées, vendeuses, caissières, et qu’une ouvrière sur deux à temps partiel travaille dans une entreprise de nettoyage, dont 20 % pour moins de quinze heures par semaine.

Pourtant, dans l’étude précitée, les choses sont claires.

« En ce qui concerne les droits à la retraite, la règle de validation de trimestres dans le régime général permet à tout salarié travaillant un minimum de 200 heures par trimestre, c'est-à-dire seize heures par semaine en moyenne, et percevant une rémunération annuelle au moins égale à 40 % d’un temps plein au SMIC de valider une année complète. En revanche, aucune validation n’est possible en dessous de ce seuil et la pénalisation est donc majeure pour les salariés à temps très partiel faiblement rémunéré.

« Mais, surtout, les années de travail à temps partiel peuvent avoir un impact négatif non négligeable sur le salaire annuel moyen qui sert au calcul de la retraite de base, dès lors qu’elles sont incluses dans les vingt-cinq meilleures années prises en compte. De plus, elles se répercutent intégralement sur le nombre de points acquis dans les régimes complémentaires.

« L’impact du temps partiel est maximal pour les carrières croissantes et lorsque le temps partiel intervient en fin de carrière. Par exemple, dix ans de travail à mi-temps en fin de carrière peuvent faire chuter de 26 % la retraite de base et de 19 % la retraite complémentaire par rapport à un travail à temps complet. Or, ce phénomène concerne beaucoup de femmes puisque 30 % des femmes âgées de 50 à 59 ans dans le secteur privé et 25 % dans le secteur public étaient à temps partiel en 2005, contre 5 % des hommes, tous secteurs confondus. »

Dans le secteur public, les mesures prises dans la loi de 2003 sont aussi illusoires. Public et privé ne tiennent nullement compte des périodes de temps partiel et les retraites s’en trouvent lourdement pénalisées.

Avec votre texte, vous aggravez encore la situation de ces millions de femmes que vous allez contraindre à travailler plus longtemps tout en les payant encore moins.

Sur ce problème du temps partiel, mes chers collègues, je demanderai un scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Mme Raymonde Le Texier. Nous voterons, bien sûr, cet amendement et nous vous incitons tous à faire de même, chers collègues.

Nous le savons tous ici, du moins je l’espère, car ce n’est pas faute de l’avoir dit et répété, ce sont les femmes qui subissent le temps partiel. Le plus souvent, c’est non pas de leur fait mais de celui de l’employeur. Le temps partiel correspond souvent à un emploi précaire : cela signifie des ruptures, des périodes de chômage s’enchaînant et s’intercalant avec des périodes d’emploi.

Ce sont souvent aussi les métiers les plus pénibles et les plus mal payés. Cela veut dire que ces femmes n’arrivent jamais à boucler leurs fins de mois, qu’elles passeront toute une vie professionnelle à compter, à se demander comment elles feront pour vivre, une fois qu’elles auront payé leur loyer, et leur retraite sera pire encore.

On parle de l’allongement de la durée de la vie. Eh bien, ce n’est pas pendant deux ans ou trois ans – on leur souhaite –, mais pendant quinze ans, vingt ans, vingt-cinq ans qu’elles continueront à tirer le diable par la queue !

Je vous invite donc à voter cet amendement d’autant que, si les employeurs étaient amenés à cotiser sur un temps plein, certains d’entre eux seraient peut-être incités à employer ces personnes à temps complet, car ils ne seraient pas tentés de grappiller trois francs six sous sur les charges sociales.

S’agissant de l’accident rapporté par Mme Voynet, je souhaite dire à quel point j’ai été choquée d’entendre nos collègues de la majorité protester parce que l’on abordait un sujet qui n’était pas à l’ordre du jour et que l’on ne reprenait pas immédiatement la discussion du projet de loi, et faire remarquer que les responsables étaient ceux qui avaient mis les jeunes dans la rue.

Je n’ai pas entendu un mot de compassion pour ce jeune, qui a seize ans !

Si l’un de vos enfants ou l’un de vos petits-enfants était victime d’un accident du même type, aucun de nous, me semble-t-il, ne dirait ici : ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes, à droite,…

M. Éric Woerth, ministre. Qui a dit cela ?

Mme Raymonde Le Texier. … puisque c’est eux qui ont voulu ce texte inique. (M. Alain Vasselle s’exclame.) Nous déplorerions avec gravité l’accident arrivé à l’un des vôtres, soyez-en assurés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Christian Cambon. S’ils étaient à l’école, cela n’arriverait pas !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.

M. Nicolas About. Madame la présidente, monsieur le ministre, je ne peux pas ne pas réagir à ces propos.

Je tiens très solennellement à dire combien nous sommes sensibles à tout ce qui peut arriver à un jeune, comme à tout être humain blessé. S’il y a des responsabilités directes, elles doivent être sanctionnées.

En revanche, cela ne permet pas d’occulter la responsabilité indirecte de ceux qui ont poussé les enfants à manifester. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Ils sont hautement responsables et ils seront aussi comptables vis-à-vis de l’ensemble de la population française, parce qu’il y a ceux qui commettent le geste …

M. David Assouline. On va voir qui est responsable !

M. Nicolas About. … et ceux qui ont créé les conditions de l’accident. Malheureusement, ils en font partie et j’aurais honte à leur place ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. David Assouline. C’est très grave !

M. Nicolas About. Oui, c’est très grave !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. About a l’habitude de tendre les situations.

M. Nicolas About. On fait ce qu’on peut !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais, bien entendu, m’associer aux propos de Mme Voynet. D’ailleurs, il y a eu d’autres problèmes hier et avant-hier : des jeunes ont été interpellés et mis en examen.

M. Nicolas About. Vous n’avez pas le monopole du cœur, vous avez celui de la provocation !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit comment vous utilisez la mise en examen et on constate même, depuis un certain temps, que des peines de prison sont prononcées contre ceux qui mènent des actions militantes. De même, vous entretenez la tension ici depuis maintenant huit jours sur la mobilisation des jeunes.

Qu’il soit dit ici, puisque nous sommes dans un lieu de débat public, que les organisations politiques – je parle pour celles que je connais le mieux, mais c’est sans doute vrai pour d’autres – n’ont jamais incité les jeunes, d’une façon ou d’une autre, à aller manifester. (Exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Christian Cambon. Et Mme Royal ? Regardez la télévision !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne peux pas regarder la télévision aussi souvent que vous parce que je passe beaucoup de temps ici, comme vous l’avez remarqué. En tout cas, je n’ai pas eu connaissance de déclaration d’organisations politiques incitant les jeunes à descendre dans la rue !

M. Alain Vasselle. Si, Mme Royal !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous entendons dire ici, et depuis maintenant des années, que les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier, raison pour laquelle sans doute dans la même logique, vous tentez de persuader que l’on est plus jeune aujourd’hui à soixante-deux ans qu’hier à soixante ans. (M. Nicolas About s’exclame.)

Mais pourquoi tenez-vous de tels propos sur les jeunes, sinon pour mieux parvenir à abaisser l’âge de la responsabilité pénale et pouvoir les envoyer en prison à treize ans !

Dans ces conditions, permettez-moi de vous dire que si, comme vous le souhaitez, les jeunes peuvent être envoyés en prison à treize ans quand ils sont délinquants, ils ont le droit d’être responsables et de se préoccuper de leur retraite ! (Nouvelles exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Et pourquoi se préoccupent-ils de leur retraite ? Bien entendu, quand on est jeune, on ne pense pas à sa retraite tous les matins, heureusement !

Mme Bernadette Dupont. Oui, heureusement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais les jeunes qui sortent de l’école, à seize ans ou à dix-huit ans quand ils ne font pas d’études, et beaucoup plus tard quand ils font des études, constatent qu’ils ne peuvent pas entrer dans le monde du travail.

Un peu de jugeote : ces jeunes ne sont pas stupides, et ils se demandent comment ils arriveront à cotiser pour avoir une retraite et à quel âge !

M. Nicolas About. Il faudrait déjà qu’ils finissent leurs études !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez de dire qu’on les pousse à manifester ! Écoutez les jeunes : ils sont responsables et ils disent ce qu’ils ont à dire parce qu’il s’agit d’un problème de société et que la jeunesse comprend les problèmes de société, heureusement, d’ailleurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Nicolas About. Ce n’est pas le débat !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote. (Mme Catherine Procaccia proteste.)

Mme Dominique Voynet. Mon nom a été cité à plusieurs reprises : il s’agit d’une mise en cause personnelle !

M. Christian Cointat. À la fin du débat !

Mme Dominique Voynet. Je vais évidemment expliquer mon vote, mais ce sera aussi une réponse à cette mise en cause personnelle.

Je vous mets au défi les uns et les autres de trouver le moindre mot qui pourrait laisser penser que j’ai incité des jeunes à descendre dans la rue pour affronter des policiers, ces derniers jours ou avant. J’ai des enfants adolescents et ils sont au lycée aujourd’hui !

M. Christian Cambon. C’est bien !

Mme Dominique Voynet. Je discute depuis plusieurs jours avec les jeunes des lycées de ma ville pour les inciter à demander des salles à leurs proviseurs – salles que les proviseurs accordent, d’ailleurs – pour organiser des débats entre eux d’une façon démocratique et les aider à devenir adultes en étant conscients des réalités de ce monde.

Venez me dire en face qu’il a fallu un maître à penser au jeune Nicolas Sarkozy ou au jeune Alain Madelin et qu’il a fallu que quelqu’un leur tienne la main quand ils manifestaient adolescents !

M. Nicolas About. Cela ne légitime pas le fait de les appeler à le faire !

Mme Dominique Voynet. Vous ne savez donc rien de l’adolescence et de la façon dont on se mobilise à cet âge ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est intéressant d’en parler !

Mme Dominique Voynet. Vous ne savez donc pas que, quand un adulte essaie d’aller à l’encontre des jeunes, ils peuvent durcir leur position ? C’est ce qui s’est passé ce matin quand ils se sont trouvés nez à nez avec une demi-compagnie de CRS dont on se demande ce qu’elle faisait dans une petite rue, devant le lycée Jean-Jaurès de Montreuil ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Il faut voter cet amendement…

M. David Assouline. … parce que les femmes sont particulièrement concernées par cette réforme et par l’allongement de la durée de cotisation.

Les jeunes aussi sont concernés. (Exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Christian Cambon. Ce n’est pas une explication de vote !

M. David Assouline. Parce que certains pourraient penser qu’ils ont inventé l’eau chaude quand ils légifèrent,...

M. Nicolas About. L’eau tiède !

M. David Assouline. … je précise, monsieur About, que ce n’est pas la première fois que des jeunes manifestent dans notre pays, ni qu’un responsable de droite – car vous êtes de droite – réagit devant ces manifestations en prononçant exactement les mêmes mots que vous !

M. Nicolas About. Ce n’est pas vrai !

Mme Isabelle Debré. Revenez à l’amendement !

M. David Assouline. Cela fait trente ans que, de façon récurrente, quand les jeunes manifestent – un jour, c’est contre le SMIC jeunes, un autre, contre le CPE, un autre encore, contre une réforme de l’éducation ; la dernière fois, c’était même contre M. Fillon, ministre de l’éducation nationale – les hommes de droite qui gouvernent viennent nous expliquer que ces jeunes sont manipulés et ne représentent rien.

M. Nicolas About. Et ce n’est pas vrai ?

M. David Assouline. Monsieur About, je ne sais pas comment vous considérez les jeunes, mais, moi, je vous prends au sérieux. Il y a une contradiction importante dans votre jugement, dans votre discours : vous ne pouvez pas dire qu’à seize ans on est trop immature pour manifester…

M. Nicolas About. Personne ne dit cela !

M. David Assouline. … et que l’on est manipulé, mais que l’on est suffisamment solide et mature pour recevoir des balles de flash-ball en plein visage !

M. Nicolas About. Lisez ce qu’écrivent les journalistes !

M. Christian Cambon. « Après avoir jeté des pierres sur des policiers », dit la dépêche !

M. David Assouline. C’est votre conception de la jeunesse, on peut lui « mettre des tartes », mais on ne peut pas l’écouter quand elle dit ce qu’elle a dans la tête ! Eh bien, ce n’est pas notre conception.

Nous misons sur la responsabilité du débat.

Hier, Benjamin Lancar, président des Jeunes populaires de l’UMP, diffusait – j’ai ici la photo publiée par l’UMP – des tracs à l’entrée des lycées…

Mme Catherine Procaccia. Et alors ? Il a le droit !

M. David Assouline. … lui qui n’est plus lycéen. Voilà un adulte qui monte les lycéens contre d’autres lycéens qui ne seraient pas de la même sensibilité.

Moi, je n’ai pas envie de le juger, mais ne donnez pas de leçons, parce que l’intoxication et la propagande, vous savez faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Cambon. Et c’est un spécialiste qui parle !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, on voit bien que vous souhaitez parler de tout autre chose que des retraites. (Applaudissements sur les travées de lUMP.) Vous n’êtes pas du tout à l’aise sur le débat des retraites. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Donc, vous le dévoyez, c’est classique, mais nous ne tomberons pas dans le panneau.

Vous êtes les rois de la politique facile : dès que c’est facile, vous y allez à fond !