M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je voterai contre l’ensemble des amendements présentés à l’article 8.

En effet, mes chers collègues, pour vous la réflexion sur la ressource humaine, l’analyse des tâches et l’évolution de l’organisation de ces tâches, n’existent pas.

Tous les métiers que vous nous avez présentés ont des caractéristiques différentes. Et il est de la responsabilité de l’employeur, en l’occurrence la fonction publique de l’État, de gérer l’évolution de ces carrières qui changent.

Je prendrai l’exemple des enseignants. Les instituteurs étaient recrutés après le primaire supérieur, sans même envisager d’aller jusqu’au baccalauréat. Aujourd’hui, ils sont en réalité à bac + 5.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait longtemps. Vous parlez du temps de nos grand-mères !

Mme Annie David. Vous n’avez pas écouté !

M. Gérard Longuet. Vous avez plaisir à rappeler des règles qui remontent au temps de la machine à vapeur et vous récusez totalement les évolutions de l’organisation du travail qui, heureusement, depuis un siècle et de façon constante, ont amélioré les conditions d’exercice de ces différentes professions.

Dans cet effort de solidarité nationale, chacun doit prendre sa part du fardeau pour assurer l’équilibre des régimes de retraite par répartition. Aussi considérons-nous que l’État employeur a la responsabilité d’ouvrir avec les organisations syndicales un débat permanent sur les conditions d’activité.

On ne peut pas ne pas prendre en compte l’évolution des activités, les conditions de les exercer et l’amélioration de la formation ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. Parlons des enseignants !

M. Gérard Longuet. Justement ! Les effectifs par classe n’ont cessé de baisser et, dans l’enseignement primaire, on est passé des classes uniques comportant plusieurs niveaux – situation complexe ! – à des classes de niveaux différents et, grâce au regroupement pédagogique intercommunal, à un travail collectif qui permet aux maîtres d’école d’aujourd’hui...

Mme Annie David. Aux professeurs des écoles ! Il faut mettre vos fiches à jour...

M. Gérard Longuet. ... de travailler en équipe et de mieux assurer leur métier. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Non seulement vous considérez les métiers comme étant figés, mais vous nous présentez en permanence une vision archaïque de la réalité de ces métiers, méconnaissant une réalité simple : le régime des retraites n’a pas vocation à se substituer au droit du travail ou aux négociations sur l’organisation du travail.

Les entreprises privées, par le biais des négociations d’entreprise, des conventions collectives, comme l’État employeur, avec les négociations d’ensemble, ont l’obligation de faire progresser la condition des travailleurs. Le système de retraite ne peut en aucun cas remplacer à lui seul ces négociations !

Force est de constater que, s’il y a eu des accès à la retraite à des âges différenciés, les métiers eux-mêmes ont évolué et l’État employeur s’est efforcé, comme les entreprises privées, de proposer aux salariés des conditions d’activité plus acceptables pour les uns et pour les autres.

Nous ne pouvons pas, comme vous le faites avec vos dizaines d’amendements, évoquer la situation de chaque branche ! Mais ce serait vraiment méconnaître la réalité du dynamisme syndical, la responsabilité des employeurs qui ont intérêt à faire évoluer les emplois vers la plus forte valeur ajoutée pour rendre les métiers attractifs, et la responsabilité des directions de personnel de la fonction publique que d’oublier qu’ils s’efforcent de faire évoluer ces métiers pour les rendre attractifs et, dans la bataille pour sélectionner les meilleurs éléments, favoriser et améliorer le recrutement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voyez comme à France Télécom leur façon de travailler s’est modernisée !

M. Gérard Longuet. Votre passéisme systématique, votre méconnaissance des efforts des ressources humaines des entreprises publiques, des collectivités locales et, naturellement, du secteur privé, nous découragent, car vous avez une vision totalement figée de la société, comme s’il n’y avait dans ce pays aucune volonté d’améliorer la situation de ceux qui travaillent.

C’est la raison pour laquelle, dans cet effort partagé, nous considérons qu’à l’article 8 les propositions faites à la fonction publique sont tout à fait raisonnables. En revanche, en effet, le dialogue et la négociation doivent continuer pour l’amélioration des conditions de travail en amont des régimes de retraite. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Le discours que nous venons d’entendre me laisse pantois !

M. Jacques Muller. Parler à notre sujet d’une approche passéiste remontant au temps de la machine à vapeur relève tout simplement de la provocation !

M. Jacques Muller. Je vous incite à aller dialoguer sur le terrain avec les infirmières, qui n’en peuvent plus de leurs conditions de travail et qui sont de moins en moins nombreuses pour soigner tout le monde !

Allez discuter aussi avec les gardiens de prison, qui gardent de plus en plus de détenus – politique répressive oblige ! – avec moins de moyens !

Allez voir les policiers, qui souffrent aujourd’hui de sous-effectif !

Allez voir encore les enseignants !

M. Gérard Cornu. À quel âge partent-ils à la retraite ?

M. Jacques Muller. Et je pourrais continuer l’énumération !

Vous êtes frappé d’un autisme sidérant. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Oui, allez sur le terrain, regardez la réalité et arrêtez de nous assommer avec des arguments...

M. Alain Gournac. Passéistes ! Mais la société a évolué…

M. Jacques Muller. ... aussi éculés que ceux que vous venez d’avancer.

Aujourd’hui, la question des retraites est difficile, mais la manière dont vous la posez est rigoureusement inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Mon intervention sera très brève, monsieur le président. Je souhaite seulement répondre à ce que nous venons d’entendre.

Qu’il s’agisse d’une machine à vapeur, que certains peuvent regretter, ou d’un TGV, permettez-moi de dire que, dans les deux cas, encore faut-il savoir conduire la machine !

Lorsque vous évoquez le problème des enseignants, au moins ne parlez plus de formation, puisqu’il n’y en a plus ! C’est très bien d’exiger le niveau bac+5.

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas rien !

Mme Odette Herviaux. Je suis d’accord. Mais à quoi cela sert-il si l’on n’est pas capable de transmettre la matière que l’on a étudiée à fond, ...

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Dans ce cas, il faut faire autre chose !

Mme Odette Herviaux. ... si l’on n’est pas capable de faire prendre conscience aux enfants que l’on a en face de soi de l’importance de cette matière et de ce qu’elle peut apporter. Tout cela s’apprend grâce à la pédagogie et à la didactique.

Si nos formateurs n’ont plus cette formation-là, je crains malheureusement que le fait d’attendre quinze ans pour qu’ils s’en sortent sur le terrain ne constitue un retour en arrière, cette fois non vers la machine à vapeur, mais bien plutôt vers les chars à bœuf ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je serai également très brève, monsieur le président.

Monsieur Longuet, vous nous provoquez sans arrêt ! (Rires et exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Et vous, vous ne nous provoquez pas, peut-être ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce matin, pour décrire la façon dont le débat finirait par s’accélérer, vous nous compariez, nous et nos amendements, à des éviers bouchés qui se déboucheraient tout à coup ! Et encore, vous ne parliez que des éviers ! Cela aurait pu être pire !

Je pense que vous n’êtes pas allé dans un hôpital depuis très longtemps…

M. Gérard Longuet. Malheureusement si !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sauf peut-être au Val-de-Grâce. Tant mieux pour vous !

Vous n’êtes pas non plus allé dans une grande surface. Vous ne faites probablement pas les courses !

M. Gérard Longuet. Plus que vous ne le pensez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas allé voir ce qui se passe sur les plateformes d’appel de France Télécom. C’est normal, vous ne faites qu’appeler !

M. Gérard Longuet. Je les ai créées !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr, vous n’êtes pas allé dans un lycée, un collège, une école primaire, une école maternelle – peut-être n’avez-vous plus d’enfant en âge d’être scolarisé –, voire une crèche, où, Mme Morano oblige, on va augmenter le nombre d’enfants par auxiliaire de puériculture.

Mme Patricia Schillinger. En maternelle, 32 élèves par classe !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous invite à réaliser un tour de France des professions modernes aujourd'hui. Vous comprendrez alors ce que signifie la souffrance au travail dont parlent nombre de médecins et de psychologues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai écouté avec attention : à vos yeux, tout est parfait. Je continuerai cependant à défendre la situation des sapeurs-pompiers et formulerai trois remarques qui seront autant de propositions.

Premièrement, les sapeurs-pompiers bénéficient actuellement d’un système de surcotisation grâce auquel ils peuvent partir à la retraite à 55 ans. Pendant 25 ans en effet, tous les cinq ans, ils paient une surcotisation qui leur permet de racheter chaque fois un an de cotisation. Ils souhaitent continuer à bénéficier de ce système et demandent que celui-ci soit déplafonné de manière à pouvoir racheter plus d’années.

Deuxièmement, les sapeurs-pompiers dénoncent le fait de perdre le bénéfice de ces années de surcotisation lorsque, au cours de leur carrière, ils sont reclassés dans une autre administration que celle des sapeurs-pompiers. Or il n’est pas rare qu’après de nombreuses années de carrière un sapeur-pompier demande à travailler dans une autre administration, en particulier lorsque son état physique ne lui permet plus d’aller au feu. N’est-il pas absurde qu’il perde alors le bénéfice de quinze ans de surcotisation ?

Troisièmement, les sapeurs-pompiers demandent que le système permettant leur classement en catégorie active soit complété de manière à ce que ceux qui ont effectué quinze années d’activité opérationnelle, dont dix au moins de manière continue, bénéficient d’un départ à 55 ans avec un niveau de pension décent.

Monsieur le secrétaire d'État, vos réponses étaient floues, les dispositions prévues sont injustes. Par conséquent, nous ne voterons pas cet article. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Pignard. Madame Borvo, vous semblez dire que vous êtes les seuls à connaître la vie réelle.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’ai pas dit cela !

M. Jean-Jacques Pignard. Je pense être le dernier dans cet hémicycle à avoir exercé un métier puisque, il y a deux ans, j’enseignais encore, à 61 ans.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est très bien !

M. Jean-Jacques Pignard. Je ne me lassais d’ailleurs pas d’avoir des élèves.

On peut tout dire des enseignants et des IUFM : je ne pense pas que la pédagogie s’apprenne véritablement dans les instituts universitaires de formation des maîtres. Qu’on le veuille ou non, elle s’apprend sur le terrain. Croyez mon expérience : j’étais agrégé dans la botte, j’ai enseigné en classe préparatoire avant de faire le choix personnel et volontaire d’intégrer un lycée technique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l’avez déjà dit !

M. Jean-Jacques Pignard. Cela reste mes meilleures années professionnelles.

Tout à l’heure, vous vous êtes émus du départ de certains de nos collègues. Comme Guy Fischer le sait bien, mon autre spécialité, c’est le spectacle vivant. C’est d’ailleurs pour cela que je suis de permanence pour le groupe de l’Union centriste : la nuit m’appartient ! (Sourires.) Aussi, je peux vous dire que, quand la pièce est mauvaise, le public quitte la salle, que ce soit à Avignon ou à Paris. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Vous avez un bon scénario, vos propos ne sont pas dénués d’intérêt, mais, à force de les diluer, vous rendez le spectacle insupportable, comme c’est le cas du Mahâbhârata ou de certaines œuvres de Claudel qui se donnent au théâtre de l’Odéon. Je vous en prie, je sais bien que votre technique, c’est l’obstruction, mais, si vous étiez un peu plus concis, nos collègues resteraient à vous écouter et tout le monde y gagnerait ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas convaincant !

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. Quand on voit l’évolution du monde, on mesure à quel point la France a de la chance de pouvoir se payer un article 8. Croyez-vous que, dans la compétition mondiale que l’on connaît actuellement, beaucoup de pays puissent le faire ?

Mme Christiane Demontès. Mais oui, tirons tout vers le bas !

M. Yves Pozzo di Borgo. Prenez conscience du fait que le monde change !

Mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, j’ai été moi-même fonctionnaire. Vos propos me stupéfient : arrêtez d’infantiliser les fonctionnaires comme vous le faites !

Mme Christiane Demontès. Qu’est-ce que vous racontez ?

M. Yves Pozzo di Borgo. C’est un monde intelligent, plein d’énergie, qui a envie de travailler, de faire bouger les choses.

Pensez-vous vraiment que les salariés du privé ne regardent pas avec envie cet article 8 et toutes les catégories professionnelles qui bénéficient de ces avantages ?

M. Yves Pozzo di Borgo. Sortez un peu de la pesanteur dans laquelle vous mettez notre pays ! Nous parlons d’un problème important. Vous ne vous rendez pas compte qu’en appréhendant le monde et la fonction publique de cette façon, vous infantilisez le pays tout entier ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. Cela fait dix ans que vous êtes au pouvoir !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne nous faites pas la leçon !

M. Yves Pozzo di Borgo. Par conséquent, je voterai cet article. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Monsieur Longuet, j’aurais beaucoup à dire sur les propos scandaleux que vous avez tenus. Vous feriez bien d’aller sur le terrain voir ce qui se passe. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Bernadette Dupont. On a tous vécu !

M. Claude Domeizel. Cet après-midi, j’ai évoqué le cas de l’éboueur qui devra travailler deux ans de plus avant de partir à la retraite. S’il est devenu éboueur-chef, ce sera pire : il perdra le bénéfice de la catégorie active et sera contraint de courir après la benne à ordures ménagères jusqu’à 67 ans. Quelle chance !

Monsieur Longuet, on vous l’a suggéré : allez voir les infirmières ! Nous avons évoqué tout à l’heure les infirmières retraitées de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, ou appelées à le devenir, et, monsieur le secrétaire d'État, vous avez rappelé que leur espérance de vie était quasiment identique à celui des femmes en général. C’est incontestable : les chiffres émanent de cet organisme. Mais on fait dire aux chiffres ce que l’on veut ! Car il ne faut pas omettre de préciser que cela concerne le personnel hospitalier féminin, plus précisément les femmes qui partent à la retraite à jouissance immédiate, c'est-à-dire après quinze ans de carrière et trois enfants. En d’autres termes, cela ne vaut que pour celles qui ont interrompu ou réduit leur carrière. Il faut tout de même le dire. (M. le secrétaire d'État conteste.) Si !

Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai déjà demandé de revoir l’arrêté de 1969, qui est complètement obsolète ; cela fait d’ailleurs des années que je le réclame. Il faut entièrement le reprendre et, s’il est vrai que certains métiers n’y ont plus leur place et doivent être retirés de la liste, d’autres méritent d’y être ajoutés. Car il y aura toujours dans la fonction publique, qu’elle soit territoriale, hospitalière ou de l’État, des métiers pénibles qui justifient que ceux qui les exercent partent à la retraite plus tôt que vous ne le prévoyez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je ne mets absolument aucun esprit polémique dans mes propos.

M. Claude Domeizel. Ce n’est pas sûr !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Si, ça l’est ! J’entends simplement que vous me respectiez dans les fonctions qui sont les miennes – vous le faites, monsieur Domeizel, et je vous en remercie – comme je respecte votre point de vue, même quand il est critique.

Je souhaite que nous soyons bien d’accord sur les faits. Après, nous pouvons avoir des divergences quant à leurs conséquences.

Tout à l’heure, je me suis permis de rappeler ce qu’était le différentiel en taux de cotisation et je remercie d’ailleurs Mme Beaufils de m’avoir donné l’occasion de le faire.

Madame Schillinger, la bonification dont disposent les sapeurs-pompiers n’est pas une surcotisation, c’est une validation gratuite. Ce n’est pas la même chose ! Ce sera d’ailleurs tout l’enjeu du débat que nous aurons à ce sujet : dans la fonction publique active en général, le dispositif des bonifications gratuites est-il modifiable ou non ? Je précise d’emblée que nous ne le mettons pas en cause en tant que tel.

Monsieur Domeizel, je sais tout ce que vous avez fait et tout ce que vous continuez de faire pour la fonction publique en général, et pour la fonction publique hospitalière et territoriale en particulier. Je le dis parce que je le pense du fond du cœur. Les chiffres que nous avons tous deux rappelés – je parle sous votre contrôle – sont clairs et précis. Mais, et je tiens à votre disposition ces données, à peu près 60 % des infirmières qui font jouer le dispositif actuellement en vigueur – quinze ans, trois enfants, deux mois d’interruption – reprennent une activité salariée juste après avoir pris leur retraite de la fonction publique.

Il a par ailleurs été constaté qu’une partie d’entre elles reprenaient une activité libérale ; je ne puis vous communiquer le chiffre exact, mais il est de l’ordre de 10 % à 15 %. En d’autres termes, 70 % à 75 % des infirmières continuent à travailler après avoir quitté la fonction publique.

M. Alain Gournac. Tant mieux d’ailleurs !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Et c’est très bien ainsi.

Les chiffres qui émanent des services de la CNRACL le mettent bien en exergue : en termes d’espérance de vie après 60 ans, les infirmières se trouvent exactement dans la moyenne des Français. Je ne suis pas dans la polémique, je me contente simplement de rappeler ces données qui nuancent pour le moins, sans les contredire, les propos que vous avez tenus sur la pénibilité propre à cette profession. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-France Beaufils. En partant à la retraite, elles abandonnent le travail de nuit !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 898.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 778.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 779.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 780.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 781.

M. Guy Fischer. Vous avez compris que nous souhaitions balayer tous les problèmes.

M. Alain Gournac. C’est pour gagner du temps !

M. Guy Fischer. Non, c’est pour débattre !

M. Gérard Longuet. Pour approfondir ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Exactement !

Le pilier financier est au cœur du débat sur les retraites du secteur public.

Comme la loi organique fait obligation à l’État, aux collectivités territoriales et aux hôpitaux de faire face aux dépenses tant de personnel que de pensions, la seule attitude que puisse avoir un Gouvernement comme celui qui conduit aujourd’hui les affaires du pays, c’est de procéder à la mise en œuvre de toute mesure permettant d’en réduire le poids financier.

Le service des pensions consomme, ce qui semble excessif aux yeux de beaucoup – vous me contredirez, monsieur le secrétaire d'État, si ce n’est pas exact – plus de 50 milliards d’euros tous les ans.

Je n’aurai pas la mauvaise grâce de rappeler à quelques-uns de nos collègues les discours sentencieux et emplis de componction qu’ils ont pu prononcer dans un hémicycle quasiment vide le jour du débat budgétaire sur les crédits du compte spécial.

Mais je me permettrai seulement, avant toute chose, de rappeler l’une de ces évidences qu’il ne faut jamais perdre de vue : au terme d’une simple logique comptable, ce qui est une dépense pour l’État, pour les collectivités territoriales ou pour les hôpitaux, est aussi un revenu pour les bénéficiaires, c’est-à-dire les pensionnés. Le fait de rationner et limiter les pensions consiste, de fait, à réduire le revenu de plus de 2,3 millions de nos compatriotes qui procèdent du régime de retraite des fonctionnaires.

Les 50 milliards d’euros de pensions des agents du service public viennent compléter nettement l’assiette de l’impôt sur le revenu. Et je dois d’ailleurs faire observer, à ce stade de la réflexion, que le niveau moyen des pensions étant plus important que celui des retraites du régime général, les pensionnés de la fonction publique participent plus nettement au produit de l’impôt sur le revenu.

On peut même, sans se tromper de beaucoup, estimer que les pensionnés du secteur public apportent d’ores et déjà à l’État, d’après mes estimations, le dixième du produit de l’impôt sur le revenu perçu chaque année dans notre pays !

Notre assemblée compte suffisamment de retraités –  regardons-nous ! (Sourires.) – pour que nous puissions considérer que retraite et inactivité sont des données de plus en plus distendues, – n‘est-ce pas, madame la présidente ?

Le projet de loi entend donc réaliser des économies. Il s’agit, aujourd’hui, de jouer sur les 3 milliards d’euros consacrés pour l’heure par le budget général afin de tenir l’obligation, fixée par la loi organique, de l’équilibre du compte spécial.

Cette érosion du pouvoir d’achat des pensions se double d’ailleurs d’une érosion du pouvoir d’achat des agents en activité. Car, à la logique de mise en question des pensions, de leurs conditions de versement et de leur quotité, la politique gouvernementale ajoute, en effet, celle du gel des traitements pour les trois années à venir.

C’est une réalité : le Gouvernement a décidé de geler les traitements des fonctionnaires durant les trois années qui viennent ! Cela signifie que les seules espérances de revalorisation des rémunérations des agents du secteur public résideront dans le fameux « glissement vieillesse technicité », dit GVT. Un GVT bien utile pour oublier que le traitement, lui, va végéter en valeur indiciaire là où il est aujourd’hui !

Ainsi donc, les fonctionnaires verront d’une manière insidieuse leur pension remise en cause et la durée de leur carrière s’allonger. Cette ligne, on la sent de plus en plus puisque la liquidation des pensions intervient à présent en moyenne à 61,5 ans.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur Fischer, là encore, je voudrais qu’on soit bien d’accord sur les chiffres. Après quoi, chacun d’entre nous en tire les conclusions qu’il veut.

Mais il ne faut pas donner les chiffres de façon tellement globale qu’on ne soit pas capable, ensuite, de savoir ce qu’ils représentent.

J’illustre mon propos par une question : quel est le montant global des pensions de l’État ? Il s’élève à 45 milliards d’euros stricto sensu, auxquels vous ajoutez 2 milliards d’euros pour la retraite des ouvriers de l’État et 2,5 milliards d’euros pour la pension militaire d’invalidité.

Sur les 45 milliards d’euros, vous calculez qu’à peu près 5 milliards sont affectés au régime particulier de La Poste et que 5 milliards d’euros sont issus directement des 7,85 %, c’est-à-dire des cotisations salariales. Si vous rapportez 5 milliards à 45 milliards, vous obtenez à peu près un neuvième. Vous voyez ce que cela représente : cela fait à peu près 11 % qui sont issus des cotisations.

Le différentiel est issu directement des impôts. Quand vous regardez le compte d’affectation spéciale Pensions, vous vous apercevez très concrètement que le taux de cotisation employeur pour l’État est de 62 %. Je parle sous le contrôle du président Domeizel : il pourra vous dire que, dans la fonction publique territoriale ou hospitalière, on est très loin de ce chiffre de 62 % !

Qu’est-ce que cela signifie ? Tout naturellement que nous ne sommes pas du tout dans la logique que vous évoquiez ! La réalité, c’est que si on l’extrapolait, ce que je ne fais pas, on s’apercevrait que le solde des cotisations est payé par l’impôt de façon générale !

Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est normal !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je ne dis pas que ce n’est pas normal ! Je dis que la façon de les présenter laisse entendre que, par le taux de cotisations, on a un abondement supérieur à ce qu’il devrait être.

Je vous dis très clairement que le taux de cotisation à 7,85 % correspond à un taux de cotisation employeur de 62 %. Il est de 27 % à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, CNRACL, il est de 16 % dans le privé.

Donc, remettons les choses à leur juste place ! Nous ne sommes pas du tout dans la même logique de chiffres ! Les chiffres, il faut être précis quand on les utilise !

Ensuite, vous dites que les rémunérations sont gelées pour trois ans. Mais ce n’est pas du tout le cas ! La négociation que nous avons menée conjointement, Éric Woerth et moi-même, au mois de juillet a abouti à une augmentation du point d’indice de 0,5 sur l’année 2010. Le gel que nous avons annoncé concerne 2011. Il porte donc non sur trois ans, mais sur une année.

M. Guy Fischer. Pouvez-vous confirmer que cela ne se poursuivra pas en 2012 et en 2013 ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je vous ai dit très clairement ce qu’il en a été ! Ce qui est en cause, c’est le point d’indice. La rémunération basée sur le point d’indice est gelée sur 2011, après une augmentation de 0,5 en 2010.

Par ailleurs, il y a l’augmentation catégorielle, dont le retour de plus de 50 % – 73 % en fait – sur l’année précédente issue du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, plus le GVT. Cela veut dire que le pouvoir d’achat, au cours des dix dernières années – y compris dans les années blanches, il y en a eu une seule, en 2003 – a toujours connu une augmentation supérieure à 0,5 %, net de l’inflation.

Donc, vous ne pouvez pas dire que nous sommes dans une logique qui consiste à geler les rémunérations des fonctionnaires sur trois ans ! Vous ne pouvez pas dire davantage qu’il y a en conséquence gel sur le CAS Pensions.