M. Michel Billout. Non seulement le Gouvernement et la majorité parlementaire souhaitent faire prévaloir une approche de la pénibilité du travail individualisée et médicalisée, mais en plus ils voudraient, au travers de cet article, exonérer d’une quelconque sanction les entreprises qui se seraient bornées à rédiger un simple plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Or, avec le report de l’âge de départ à la retraite, la réforme pénalise particulièrement, faut-il le rappeler, les salariés ayant commencé à travailler jeunes, ceux qui ont eu des carrières difficiles et incomplètes et qui ont travaillé dans des conditions éprouvantes pour leur santé. Il est évident que les effets de la pénibilité du travail s’aggraveront avec des salariés de plus en plus âgés.

De plus, la précarisation du travail et son incidence sur la santé devraient également être pris en compte dans le débat sur les retraites, ce qui n’est absolument pas le cas avec cette réforme.

Concernant la pénibilité du travail, plus globalement, la véritable urgence est l’amélioration des conditions de travail en France. Il est à noter à ce sujet que notre pays connaît l’un des niveaux de productivité des salariés les plus élevés au monde, ce qui n’est pas sans conséquences sur la santé de ces derniers.

Compte tenu de ce que je viens de dire, vous comprendrez que, par souci d’efficacité, nous proposions de ne laisser subsister, à l’alinéa 4 de l’article 27 ter AA, que la référence aux accords relatifs à la prévention de la pénibilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Pour les raisons que nous avons exposées tout à l’heure, les entreprises ayant mis en œuvre un plan d’action doivent être exonérées de la pénalité.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1050.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 637 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf et Darniche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. L’article 27 ter AA instaure une pénalité d’un montant équivalent à 1 % au maximum des gains et rémunérations des salariés concernés en cas de défaut de plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité au travail.

Pour l’heure, la notion de pénibilité n’est pas définie. Nous considérons donc qu’il est prématuré de prévoir une pénalité, même si elle a valeur d’incitation, dès lors que nous n’avons pas connaissance des décrets d’application. Les amendements suivants prévoient d'ailleurs de porter le taux de la pénalité à 3 %, voire à 10 % ! Je propose donc de reporter l’examen de cette question et de ne pas instaurer de sanction.

Certes, comme il est indiqué dans le rapport, M. le ministre considère cette pénalité comme « un repoussoir qui est fait pour ne pas servir ». Pour autant, je constate une divergence de vues quant à l’affectation du produit éventuel de cette pénalité entre la commission et le Gouvernement. Si cette mesure est destinée à ne pas être appliquée, pourquoi s’interroger sur ce point ?

En tout état de cause, je considère que ce débat est prématuré.

M. le président. L'amendement n° 449, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Remplacer les mots :

1 % au maximum

par le pourcentage :

3 %

II. - Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à fixer à 3 % au maximum des rémunérations et gains des salariés concernés le montant de la pénalité due par les employeurs qui n’auront pas mis en œuvre un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Par d’autres amendements, nous proposerons de fixer également à 3 % le taux de la pénalité en cas de carence de l’employeur en matière d’accords ou de plans d’action relatifs à l’emploi des seniors, d’une part, et à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, d’autre part.

Nous devons en effet indiquer clairement, en tant que législateurs, que nous entendons que nos décisions aient réellement force de loi. Nous ne pouvons donc pas nous contenter d’une pénalité symbolique de 1 % de la masse salariale. Un taux de 3 % nous semble assez élevé pour sonner comme une alerte pour les employeurs. Il est réellement dissuasif, sans pour autant être prohibitif ni mettre en danger l’entreprise.

La pénibilité doit non seulement être prise en compte a posteriori par des mesures de compensation, mais elle doit être combattue, pour des motifs tant de santé que financiers.

Puisque nous parlons d’argent, permettez-moi de faire observer qu’il n’est pas politiquement ni financièrement cohérent de dénoncer le déficit de la sécurité sociale sans agir en amont sur des éléments qui en sont à l’origine. Le déficit de la sécurité sociale appelle aussi des mesures de prévention ; il n’est pas satisfaisant de reporter toute la charge de la réparation sur les salariés. Davantage encore que l’alcool et le tabac, les pathologies dues au travail, en dehors même du drame de l’amiante, ont une incidence croissante sur les finances de l’assurance maladie et de la branche accidents du travail-maladies professionnelles.

Nous proposons donc d’améliorer le financement du Fonds national de soutien relatif à la pénibilité, afin de limiter les besoins ultérieurs de financement liés à la réparation. Gouverner, c’est prévoir ! Je rappelle que la branche AT-MP est, pour la deuxième année consécutive, en déficit. Pourtant, la comptabilité de la branche bénéficie de la sous-déclaration chronique des accidents du travail et de la non-reconnaissance de maladies d’origine professionnelle, particulièrement à effet différé. C’est la preuve irréfutable que les accidents du travail et les maladies professionnelles sont en augmentation, ce qui est aberrant au xxie siècle.

Je rappellerai que, pourtant, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, un montant minimal de cotisations supplémentaires avait été proposé lorsque l’exploitation de l’entreprise présente des risques supplémentaires ou que les mesures de prévention édictées par les caisses ne sont pas respectées. Récemment, nos collègues de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale regrettaient que l’arrêté d’application de cette mesure ne soit toujours pas paru.

M. le président. Veuillez conclure, madame Printz.

Mme Gisèle Printz. Il n’est que temps d’intervenir avec fermeté et d’impliquer les employeurs dans la prévention de la pénibilité et des déficits abyssaux qu’elle contribue largement à creuser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 1051, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

Le montant de cette pénalité est fixé à

remplacer le taux :

1 %

par le taux :

10 %

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement porte sur la pénalisation des entreprises n’adhérant pas à un accord de branche relatif à la prévention de la pénibilité.

Il s’agit en fait de mettre en place un dispositif, de portée somme toute assez symbolique, ne touchant que les entreprises comptant au moins cinquante salariés et n’étant pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Le calcul du montant de la pénalité est assis sur le total des rémunérations des salariés concernés et la sanction peut faire l’objet d’un recours contentieux.

Pour autant, cette pénalité sera-t-elle seulement appliquée ? Nous avons en effet l’impression que cet article se borne à poser un principe, dont la mise en œuvre sera, une fois encore, conditionnée par la promulgation d’un décret.

En ce qui nous concerne, nous souhaitons que la pénalité ait un caractère suffisamment dissuasif pour que, à défaut d’un accord, l’entreprise conçoive un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité en vue de répondre aux exigences de la loi.

Comme le contenu des plans d’action sera, dans ses grandes lignes, défini par décret, rien ne permet de garantir l’absolue pertinence et l’efficacité de la pénalité.

La même remarque vaut d’ailleurs pour les accords, dont on peut craindre qu’ils ne soient de portée fort variable et que la course au moins-disant social ne trouve, dans l’arrêté qui sera signé par le ministre du travail, quelque raison de se poursuivre !

Au demeurant, comme l’article prévoit expressément la mise en place d’un effet de seuil, il suffira sans doute, pour échapper à la pénalité, de procéder à une séparation juridique idoine pour que les salariés en situation de pénibilité soient écartés du champ d’application du dispositif. La sollicitation éventuelle d’un sous-traitant peut d’ailleurs suffire à atteindre cet objectif.

Pour donner une véritable portée à la pénalité, nous proposons donc d’en fixer le taux à 10 % de la masse salariale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 1052, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

l'entreprise n'est pas couverte par l'accord

supprimer les mots :

ou le plan d'action

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. La constitution de l’Organisation mondiale de la santé d’avril 1948 fait de la santé et de sa préservation un droit fondamental. La santé y est définie comme « un état de complet bien-être physique, mental et social ».

La directive européenne 89/391/CEE du 12 juin 1989 fixe des règles obligeant tout employeur à protéger la santé des salariés. Cette obligation porte sur tous les aspects liés au travail, une « planification de la prévention qui doit viser un ensemble cohérent intégrant la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants de travail ». La jurisprudence de la Cour de justice européenne précise qu’il s’agit d’étendre ces concepts à l’environnement de travail et à la sécurité.

La législation française devrait donc, au minimum, apporter cette protection aux salariés. Or force est de constater que tel n’est pas le cas. En effet, la politique du Gouvernement en la matière ignore largement le facteur humain, pour ne prendre en considération que des données comptables.

Alors que l’objectif premier de la médecine du travail et de la prise en compte de la pénibilité au sein de l’entreprise devrait être la protection du salarié, les approches retenues l’excluent. Elles sont soit assurantielles, c’est-à-dire qu’elles établissent une liste de dangers, soit techniques, c’est-à-dire qu’elles évacuent toute la question de l’organisation du travail, soit « exonératoires », avec des critères patronaux permettant l’individualisation et la culpabilisation du salarié, soit encore hiérarchisées, avec un calcul de la probabilité du dommage potentiel et la mise en avant d’un seuil limite d’exposition, certains risques étant considérés comme mineurs.

Les salariés ne sont ni entendus ni sollicités alors que ce sont eux qui connaissent le travail et ses risques, ce qui, d’emblée, limite sérieusement la portée non seulement des résultats, mais encore des suites à leur donner.

L’article 27 ter AA, avec la mention des plans d’action, s’inscrit dans cette logique de mise à l’écart du salarié dans l’évaluation et la prévention de la pénibilité de son travail. En effet, cet article exonère les entreprises de la pénalité censée les inciter à négocier sur ce sujet si elles rédigent un simple plan d’action.

Or, vous le savez, mes chers collègues, de tels plans demeurent, dans la majorité des cas, des vœux pieux. C’est pourquoi nous vous proposons, par notre amendement, de supprimer cette référence.

Ainsi, les entreprises ne seront pas soumises au paiement de ladite pénalité seulement si elles ont engagé des négociations en vue de la conclusion d’un accord sur la prévention de la pénibilité, c'est-à-dire seulement si elles se sont réellement engagées à entendre la voix des représentants des salariés.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 450 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 639 rectifié est présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf, Beaumont et Darniche.

L'amendement n° 1053 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l’amendement n° 450.

M. Jacky Le Menn. L’alinéa 6 de l’article 27 ter AA prévoit que le montant de la pénalité « est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité ». Voilà ce qui s’appelle une rédaction ouverte et sympathique. C’est même de l’humour noir !

Nous parlons ici, et vous le savez, mes chers collègues, de la santé et de la sécurité des travailleurs, c’est-à-dire du mal-être, …

M. Jacques Blanc. Mais enfin, il n’y a pas que du mal-être au travail ! Il y a du bien-être aussi.

M. Jacky Le Menn. … et des accidents qui entraînent des incapacités, des maladies, des souffrances, parfois la mort. Nous ne débattons pas des fonds à consacrer à l’arbre de Noël en fin d’année !

De deux choses l’une : ou bien l’entreprise a signé un accord, qui est entré en application ou qui est en voie d’application, auquel cas les partenaires sociaux sont impliqués par le comité d’entreprise ou les délégués du personnel ; ou bien il y a un plan d’action – le projet de loi prévoit cette alternative –, qui est en application ou en cours de mise en œuvre.

Dans les deux cas, il existe des éléments visibles et aisément vérifiables par l’administration : des documents, des installations et des équipements de protection, des discussions avec les représentants du personnel.

C’est pourquoi nous sommes opposés à la possibilité de moduler le montant de la pénalité, surtout si le taux faible de 1 % au maximum est maintenu.

En effet, le risque est que la pénalité n’ait qu’une portée symbolique. Il est que, en ne faisant que très peu d’efforts, l’employeur obtienne une réduction importante de la pénalité, surtout s’il argue de difficultés financières. Il est que la liberté d’appréciation laissée à l’administration aboutisse à des inégalités territoriales. Ne va-t-on pas voir réapparaître les « réalités locales » – elles excusent tout ! – déjà prises en compte dans les missions des services de santé au travail ?

Le taux de 1 % n’est pas un message suffisamment clair adressé aux chefs d’entreprise. S’il peut être modulé à la baisse, il devient une sorte de trompe-l’œil, qui n’est pas plus utile que les mesures déjà proposées et qui n’ont jamais été appliquées.

C’est à nouveau la règle du « deux poids, deux mesures » qui s’applique.

Pour les salariés, l’âge de départ à la retraite est retardé, la prise en compte de la pénibilité est réduite à la reconnaissance individuelle d’une incapacité. On en appelle à la « responsabilisation », vocable qui recouvre toutes les régressions sociales possibles au détriment des travailleurs.

Mais les représentants du patronat ont su vous convaincre, monsieur le ministre, de ne pas trop les responsabiliser financièrement. Entre la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et la destruction de la médecine du travail, le début du XXIe siècle se caractérise par la dégradation organisée et généralisée des conditions de travail des travailleurs sur leur lieu de travail, ce qui n’est pas acceptable.

C’est en effet tout un édifice qu’il faut reconstruire pour un monde du travail où règne non pas un sentiment d’injustice, mais l’injustice elle-même, car, enfin, parler de la pénibilité, c’est parler du travail. Vous êtes-vous demandé, monsieur le ministre, pourquoi des sociologues, des médecins, des économistes, écrivent aujourd’hui des ouvrages intitulés La société malade de la gestion ou Souffrance en France, et surtout pourquoi ces livres rencontrent un écho aussi fort ?

Nous vous demandons donc, mes chers collègues, de voter cet amendement, qui vise à ne pas permettre aux employeurs d’user de moyens dilatoires pour éviter d’avoir à payer la pénalité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 639 rectifié.

M. Philippe Dominati. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 6, qui prévoit que le montant de la pénalité est fixé par l’autorité administrative. J’ai déjà exposé les trois raisons pour lesquelles je suis réticent sur la mise en place de ce système.

Je trouve en effet que l’aspect incitatif pour les entreprises est très mal défini. En outre, les conditions dans lesquelles sera fixé le montant de la pénalité sont virtuelles pour l’instant puisqu’elles seront définies par la suite. En tout état de cause, je pense que l’autorité administrative ne doit en aucun cas disposer de ce pouvoir décisionnel.

Mme Annie David. Pour une fois, je suis d’accord avec M. Dominati, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour présenter l'amendement n° 1053.

M. Jean-Claude Danglot. L’article 27 ter AA prévoit une mesure que nous aurions pu soutenir si sa portée n’était atténuée par l’alinéa 6, que notre amendement vise à supprimer.

Nous sommes convaincus que rien ne justifie que la santé du salarié soit dégradée du seul fait de son activité professionnelle. Il n’y a pas de fatalité. Le salarié est un producteur de richesses dont profitent l’employeur ou les actionnaires. Ces derniers doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’intégrité du salarié et sa santé au travail, y compris à long terme.

D’ailleurs, la Cour de cassation, se fondant sur l’article L. 4121-1 du code du travail, ne cesse de rappeler que l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés dans l’entreprise. Il doit en assurer l’effectivité.

Il est d’ailleurs convenu que la notion de santé doit recevoir une interprétation large. Elle doit viser tous les facteurs capables d’affecter la santé physique ou mentale et la sécurité du travailleur dans son environnement de travail, ce qui inclut notamment le stress. Cette obligation de résultat, qui excède la simple obligation de moyens, suppose donc que l’employeur agisse par anticipation ou, autrement dit, de manière préventive.

Cette logique d’anticipation suppose que la santé au travail soit une problématique permanente. Elle doit être évaluée régulièrement et, le cas échéant, améliorée. En ce sens, l’accord ou le plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité apparaît être une bonne mesure. De la même manière, l’instauration d’une sanction financière, même symbolique – 1 % de la masse salariale – est un signal fort envoyé aux employeurs comme aux salariés.

En revanche, nous ne vous suivons plus dans la suite de l’article, qui prévoit que le montant de la pénalité est fixé par l’autorité administrative en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.

Cette disposition laisse à penser que la sanction pourrait en réalité être systématiquement réduite, auquel cas elle n’aurait plus alors aucune valeur, notamment pédagogique et incitative, soit ses aspects les plus importants.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer l’alinéa 6 de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’ai eu l’occasion de dire tout à l’heure que nous étions très sensibles à toutes les mesures en faveur de la prise en compte et de la prévention de la pénibilité.

Toutefois, nous sommes évidemment défavorables à l’amendement n° 637 rectifié, qui vise à supprimer l’article 27 ter AA.

L’amendement n° 449 tend à augmenter la pénalité. Or le taux de 1 % représente déjà des sommes importantes et dissuasives. Nous sommes donc défavorables à l’instauration d’un taux de 3 %.

De même, nous sommes défavorables à l’amendement n° 1051, qui vise lui aussi à augmenter ce taux et à le porter à 10 %. C’est irréaliste !

Nous avons déjà dit, à l’occasion de la présentation de l’amendement n° 1050, que nous étions défavorables à l’amendement n° 1052. Les plans d’action ont, bien sûr, toute leur importance.

Enfin, nous sommes également défavorables aux amendements identiques nos 450, 639 rectifié et 1053, qui visent à supprimer l’alinéa 6. Je rappelle que cet alinéa prévoit que le montant de la pénalité est fixé en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité. On nous demande de prendre en compte l’importance de l’effort. C’est totalement irréaliste et contraire à l’esprit du texte.

Mme Annie David. M. Dominati n’a pas été assez convaincant !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Certains de ces amendements visent à augmenter le montant de la pénalité, d’autres à le diminuer. Nous devons donc avoir trouvé un équilibre !

Il me paraît évidemment important de laisser la possibilité à l’autorité administrative de moduler la pénalité, conformément à ce que dit le Conseil d’État sur la proportionnalité des peines.

En effet, si une entreprise fait beaucoup d’efforts, mais qu’il lui arrive quelque chose, il est logique qu’il en soit tenu compte. La proportionnalité devrait rassurer M. Dominati, ainsi que les auteurs des autres amendements. Il faut prendre en compte des cas de figure précis et non pas frapper à l’aveugle à hauteur de 1 % du chiffre d’affaires, ce qui représente un montant très important.

Pour ces raisons, je propose que l’on en reste au texte du projet de loi. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 637 rectifié.

M. Philippe Dominati. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 637 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 449.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 1051.

Mme Annie David. Monsieur le président, pour vous faire plaisir, je ne ferai qu’une seule explication de vote sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune. (Sourires.) Bien qu’ils aient tous des objets différents, ils rassemblent tous les reproches que l’on peut adresser à l’article 27 ter AA.

Ces amendements portent sur la pénalité qui, de notre point de vue, est largement insuffisante. Ils ont également trait à l’autorité administrative. Celle-ci, je l’ai bien compris, monsieur le ministre, pourra éventuellement moduler la pénalité. Elle pourra en diminuer le montant, mais en aucun cas ne pourra l’augmenter – le taux maximum sera de 1 % –, ce qui est pour nous totalement inacceptable.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que, en matière de pénibilité, les entreprises de plus de 300 salariés ont déjà des obligations à respecter. Souvenez-vous que M. Darcos, peu avant la nomination de M. Woerth, nous avait décrit les fameux feux rouges, feux orange et feux verts décernés aux entreprises. Souvenez-vous du tollé que ce dispositif avait suscité au sein du MEDEF. Il avait alors été immédiatement mis fin au classement des entreprises respectant leurs obligations en matière de conclusion d’accord relatif à la prévention de la pénibilité.

Mes chers collègues, cela fait longtemps que de tels accords auraient dû être conclus, mais on n’arrive pas à faire avancer les choses dans ce domaine. En attendant, ce sont les travailleurs qui trinquent parce que rien n’est mis en œuvre dans les entreprises pour lutter véritablement contre la pénibilité et pour protéger la santé des travailleurs. Vous devriez vous en soucier, car le fait que la loi ne soit pas respectée et que les accords ne soient pas signés contribue à affaiblir les ressources de la sécurité sociale.

Pour finir, je rappelle que nous souhaitons la suppression du plan d’action, car il permettra à l’entreprise de se dédouaner bien facilement, et de manière détournée, de ses obligations. Nous connaissons tous ici la valeur d’un plan d’action dans les entreprises. Elle n’est pas la même que celle d’un accord cosigné par les partenaires sociaux.

Mes chers collègues, nous soutiendrons évidemment l’ensemble de ces amendements, y compris l'amendement n° 639 rectifié de M. Dominati, à moins qu’il ne le retire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1051.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1052.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 450, 639 rectifié et 1053.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 451, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le produit de cette pénalité est affecté à la branche accidents du travail - maladies professionnelles de la sécurité sociale.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.