Sommaire

Présidence de M. Roger Romani

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine, M. Jean-Noël Guérini.

1. Procès-verbal

2. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Rappels au règlement

MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Bel, Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Article 25 octies (suite)

Amendement n° 424 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy.

Amendement n° 1024 de Mme Annie David. – Mme Annie David

Amendement n° 1025 de Mme Annie David. – M. Guy Fischer.

Amendement n° 1026 de Mme Annie David. – M. François Autain.

Amendement n° 1027 de Mme Annie David. – Mme Annie David.

Amendement n° 1028 de Mme Annie David. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 1029 de Mme Annie David. – Mme Odette Terrade.

Amendement n° 1030 de Mme Annie David. – M. François Autain.

Amendement n° 1031 de Mme Annie David. – Mme Marie-Agnès Labarre.

Amendement n° 1239 de la commission. – M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Amendement n° 1032 de Mme Annie David. – Mme Annie David.

Amendement n° 1033 de Mme Annie David. – Mme Odette Terrade.

Amendement n° 1240 de la commission. – M. le rapporteur.

MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 424 et 1024 à 1026.

M. François Autain, Mme Marie-Agnès Labarre. – Rejet des amendements nos 1027 à 1031.

Mme Annie David, M. le rapporteur. – Rectification de l’amendement no 1239 ; adoption des amendements nos 1239 rectifié et 1240 ; rejet des amendements nos 1032 et 1033.

MM. Guy Fischer, Jacky Le Menn, Mme Christiane Demontès.

Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.

Article 25 nonies

Amendements identiques nos 265 de M. Jean Desessard et 425 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jean Desessard, Jacky Le Menn, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 25 decies

Amendement n° 426 de M. Jean-Pierre Godefroy et sous-amendement no 1241 de la commission. – Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Godefroy. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Mme Marie-Thérèse Hermange.

Adoption de l'article modifié.

Article 25 undecies

M. Jean-Pierre Godefroy.

Amendement n° 427 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 1217 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.

Amendement n° 428 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy.

Amendement n° 1242 de la commission. – M. le rapporteur.

MM. le secrétaire d'État, Jean-Pierre Godefroy, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet de l’amendement no 428 ; adoption de l’amendement no 1242.

Amendement n° 429 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Christiane Demontès.

Amendement n° 616 rectifié de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati.

Amendement n° 1243 de la commission. – M. le rapporteur.

M. le secrétaire d'État. – Rejet de l’amendement no 429 ; Retrait de l’amendement no 616 rectifié.

M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David. – Adoption de l’amendement no 1243.

Mme Raymonde Le Texier, M. François Autain.

Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.

Article 25 duodecies

M. Guy Fischer.

Amendement n° 1034 de Mme Annie David. – Mme Annie David., MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 1035 de Mme Annie David. – Mme Odette Terrade, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 1036 de Mme Annie David. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 1037 de Mme Annie David. – Mme Odette Terrade, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 1038 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Marie-Christine Blandin. – Rejet.

Amendement n° 1039 de Mme Annie David. – Mme Annie David., MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 1040 de Mme Annie David. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. – Rejet.

Amendement n° 1041 de Mme Annie David. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 1042 de Mme Annie David. – MM. François Autain, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente de la commission.

Rappel au règlement

MM. Michel Billout, le président.

Article 25 duodecies (suite)

Amendement n° 1043 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 1044 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 1045 de Mme Annie David. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 430 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jean-Pierre Godefroy le rapporteur, le ministre, Annie David. – Adoption.

Amendements identiques nos 432 de M. Jean-Pierre Godefroy et 1046 de Mme Annie David. – M. Jacky Le Menn, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Mme Annie David, MM. René-Pierre Signé, Guy Fischer.

Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 25 duodecies (réservé)

Article 25 terdecies

Amendement n° 433 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement no 517 rectifié de M. Rémy Pointereau. – MM. Charles Revet, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Adoption.

Amendement n° 1216 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 25 terdecies (réservé)

Articles 26 et 26 bis (supprimés)

Articles additionnels après l'article 26 bis (réservés)

Articles 26 ter, 26 quater, 27 et 27 bis A (supprimés)

Article 27 bis

Amendement n° 1047 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

M. le président, Mmes Raymonde Le Texier, Annie David, MM. Jean-Pierre Godefroy, David Assouline, Mme la présidente de la commission, MM. François Autain, Gérard Longuet.

Suspension et reprise de la séance

Article additionnel après l’article 27 bis (réservé)

Article 27 ter AA

M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David, M. Michel Teston

Amendement n° 1048 de Mme Annie David. – MM. François Autain, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David, MM. Jean-Jacques Mirassou, Jean-Pierre Godefroy. – Rejet.

Amendement n° 1049 de Mme Annie David. – MM. Jean-Claude Danglot, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Rejet.

Amendement n° 1050 de Mme Annie David. – MM. Michel Billout, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 637 rectifié de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati.

Amendement n° 449 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Gisèle Printz

Amendement n° 1051 de Mme Annie David. – Mme Éliane Assassi.

Amendement n° 1052 de Mme Annie David. – Mme Odette Terrade.

Amendements identiques nos 450 de M. Jean-Pierre Godefroy, 639 rectifié de M. Philippe Dominati et  1053 de Mme Annie David. – MM. Jacky Le Menn, Philippe Dominati, Jean-Claude Danglot.

MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait de l’amendement no 637 rectifié ; rejet de l’amendement no 449.

Mme Annie David. – Rejet des amendements nos 1051, 1052, 450, 639 rectifié et 1053.

Amendement n° 451 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendement n° 1054 de Mme Annie David. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 452 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Yannick Botrel, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 1055 de Mme Annie David. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Mme Raymonde Le Texier, MM. Guy Fischer, Gérard Longuet, le ministre.

Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.

Article 27 ter AB

Mme Annie David.

Amendement n° 877 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. – Rejet.

Amendements identiques nos 510 rectifié de M. Bruno Gilles et 585 de M. Nicolas About. – MM. Charles Revet, Nicolas About, le rapporteur, le ministre, Guy Fischer

Amendement no 1056 rectifié bis de Mme Annie David. – Mme Annie David.

MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption des amendements nos 510 rectifié et 585, l’amendement no 1056 rectifié bis devenant sans objet.

Amendement n° 878 de Mme Annie David. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 1207 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 27 ter AC

MM. Jacky Le Menn, David Assouline, Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer, Mme Annie David, MM. Bernard Vera, Charles Revet, Jean-Jacques Mirassou, Mme Marie-Christine Blandin.

3. Conférence des présidents

4. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

5. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Article 27 ter AC (suite)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

Amendements identiques nos 365 rectifié de M. Yvon Collin, 434 de M. Jean-Pierre Godefroy et 1057 de Mme Annie David. – Mmes Anne-Marie Escoffier, Christiane Demontès, Marie-Agnès Labarre, MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; le ministre. – Rejet, par scrutin public, des trois amendements.

Amendement n° 1058 de Mme Annie David. – Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet par scrutin public.

Amendement n° 1059 de Mme Annie David. – MM. Jean-Claude Danglot, le rapporteur, le ministre. – Rejet par scrutin public.

Amendement n° 1060 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 435 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Bernadette Bourzai, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 1061 de Mme Annie David. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Raymonde Le Texier, Claire-Lise Campion, M. Jean-Jacques Mirassou, Mme Marie-Thérèse Hermange.

Adoption, par scrutin public, de l'article.

Articles additionnels après l'article 27 ter AC (réservés)

Article 27 ter AD

M. Jean-Pierre Godefroy.

Amendements identiques nos 441 de M. Jean-Pierre Godefroy et 1067 de Mme Annie David. – Mme Maryvonne Blondin, MM. Jean-François Voguet, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 367 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Anne-Marie Escoffier

Amendement n° 486 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – M. Jacques Gautier.

MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Gautier, Mme Annie David. – Retrait de l’amendement no 486 rectifié ; rejet de l’amendement no 367 rectifié.

Amendement n° 1068 rectifié bis de Mme Annie David. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. – Adoption.

M. Guy Fischer.

Adoption de l'article modifié.

Article 27 ter AE

M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David.

Adoption de l'article.

Article 27 ter AF

M. Guy Fischer, Mme Françoise Cartron.

Amendement n° 443 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Michel Teston, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement no 1236 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur, Mmes Marie-Christine Blandin, Annie David, M. Jean-Pierre Godefroy. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 27 ter AG

M. Claude Lise.

Amendement n° 444 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 27 ter A

Mmes Raymonde Le Texier, Odette Terrade, M. Ronan Kerdraon.

Amendements identiques nos 445 de M. Jean-Pierre Godefroy et 1069 de Mme Annie David. – M. Roland Courteau, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 1070 de Mme Annie David. – M. Guy Fischer.

Amendement n° 1071 de Mme Annie David. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 1072 de Mme Annie David. – Mme Annie David.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 1070 à 1072.

Amendement n° 1073 de Mme Annie David. – Mme Annie David.

Amendement n° 618 rectifié de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati.

MM. le rapporteur, le ministre, Mme Christiane Demontès. – Rejet de l’amendement no 1073 ; adoption de l’amendement no 618 rectifié.

Amendement n° 1074 de Mme Annie David. – MM. Jean-Claude Danglot, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 446 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme Gisèle Printz.

Amendement n° 1075 de Mme Annie David. – Mme Marie-Agnès Labarre.

Amendements identiques nos 619 rectifié de M. Philippe Dominati et 1076 de Mme Annie David. – MM. Philippe Dominati, Jean-Claude Danglot.

Amendement n° 1077 de Mme Annie David. – Mme Annie David.

Amendement n° 1078 de Mme Annie David. – M. Jean-François Voguet.

Amendement n° 1079 de Mme Annie David. – Mme Michelle Demessine.

Amendement n° 584 rectifié de M. Nicolas About. – M. Jean-Paul Amoudry.

Amendement n° 488 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – M. Jacques Gautier.

Amendement n° 1080 de Mme Annie David. – Mme Annie David.

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

Amendement n° 447 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jacques Mahéas.

Amendement n° 1081 de Mme Annie David. – Mme Marie-Agnès Labarre.

Amendement n° 448 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Marc Todeschini.

Amendement n° 622 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati.

Amendement n° 1082 de Mme Annie David. – M. Jean-François Voguet.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 446 et 1075.

MM. Daniel Raoul, Jacques Mahéas. – Rejet des amendements nos 619 rectifié, 1076 à 1082, 447 et 448 ; adoption des amendements nos 584 rectifié, 488 rectifié et 622.

Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.

Articles 27 ter, 27 quater et 27 quinquies (supprimés)

Article 27 sexies A (réserve)

Demande de réserve de l’article 27 sexies A. – MM. le ministre, Gérard Dériot, vice-président de la commission des affaires sociales ; Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie David. – Adoption.

La réserve est ordonnée.

Articles additionnels après l’article 27 sexies A (réservés)

Articles 27 sexies et 27 septies (supprimés)

Article 27 octies

Amendement n° 1083 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 1167 rectifié de M. Philippe Dominati. – MM. Philippe Dominati, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Adoption de l'article.

Article additionnel avant l'article 28 (réservé)

Article 28

Mme Jacqueline Alquier, MM. Yannick Botrel, Guy Fischer, Mme Christiane Demontès

Amendement n° 267 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 41 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

M. Claude Jeannerot.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 28 (réservés)

Article 28 bis

Mme Jacqueline Alquier, MM. Yannick Botrel, Claude Domeizel.

Amendement n° 42 de M. Guy Fischer. – Mme Michelle Demessine.

Amendement n° 43 de M. Guy Fischer. – Mme Odette Terrade.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 42 et 43.

MM. Jean Desessard, Claude Jeannerot.

Adoption de l'article.

Article 29

Mme Jacqueline Alquier, MM. Yannick Botrel, Claude Domeizel, Jean Desessard.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 29 (réservés)

Article 29 bis

Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Gisèle Printz, Nicole Borvo Cohen-Seat,

Amendement n° 1210 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendement n° 651 de M. Alain Fouché. – MM. Alain Fouché, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 29 bis (réservés)

Article 29 ter (supprimé)

Article 29 quater (Suppression maintenue)

Article 29 quinquies

Amendement n° 945 de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Marie-Agnès Labarre.

Amendement n° 948 de Mme Isabelle Pasquet. – M. Guy Fischer.

Amendement n° 947 de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 1178 de Mme Odette Terrade. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 945 et 947 ; rectification de l’amendement no 1178 ; adoption des amendements nos 948 et 1178 rectifié.

MM. Jean-Marc Todeschini, Jean Desessard.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l’article 29 quinquies (réservés)

Article 29 sexies

M. Jacky Le Menn.

Amendement no 1234 rectifié du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l’article 29 sexies (réservés)

Articles additionnels avant l’article 30 (réservés)

Article 30. – Adoption

Articles additionnels après l’article 30 (réservés)

Article 31

MM. Jean Desessard, Claude Domeizel, Jean-Marc Todeschini, Mmes Odette Terrade, Nicole Borvo Cohen-Seat, Annie David.

Amendement n° 581 de Mme Catherine Morin-Desailly. – MM. Jean-Claude Merceron, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Amendement n° 1085 de Mme Odette Terrade. – Mme Annie David, le rapporteur, le ministre, Gérard Longuet, Jean Desessard, Mme Raymonde Le Texier, M. Claude Domeizel. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Romani

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. Jean-Noël Guérini.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 25 octies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Rappel au règlement (début)

Réforme des retraites

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports nos 721, 727 et 733 (2009-2010)].

Rappels au règlement

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Rappel au règlement (suite)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous tenons à vous faire part de notre effarement (Exclamations sur les travées de lUMP.) devant l’intransigeance irresponsable manifestée par le Premier ministre François Fillon…

M. Charles Revet. Voilà quelqu’un de responsable !

M. Guy Fischer. … à l’occasion de son passage hier soir au journal télévisé de TF1.

M. Nicolas About. Il a été remarquable, le Premier ministre !

M. Guy Fischer. À son intervention aux forts relents de « thatchérisme » (Exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.) – chers collègues de l’opposition, j’ai cité dernièrement le propos que m’avait tenu l’un d’entre vous, pour qui la réforme des retraites était « du Thatcher à la puissance 10 » ! –, les salariés répondent, quelques heures plus tard, par une mobilisation forte et accrue. Cela prouve bien l’inefficacité de l’attitude du Premier ministre qui, jour après jour, entraîne notre peuple dans l’impasse.

M. Charles Revet. C’est plutôt vous qui l’entraînez dans l’impasse !

M. Guy Fischer. L’autoritarisme du chef du Gouvernement, décidément droit dans ses bottes, doit laisser d’urgence la place à une véritable négociation.

Madame la présidente de la commission des affaires sociales, depuis plusieurs jours, nous vous demandons de recevoir les organisations syndicales pour participer à la résolution de cette grave crise sociale.

Il serait bon, en lieu et place de moquer la jeunesse qui se mobilise, de rencontrer aussi les organisations qui la représentent, car vous ne l’avez pas encore fait depuis le début de cette grave crise.

Le dialogue est la voie du bon sens ; c’est d’ailleurs la seule voie possible pour répondre aux attentes de l’immense majorité de notre peuple, dont la colère ne doit plus vous échapper aujourd’hui. Persévérer dans la voie du passage en force est une erreur qui peut se révéler fatale. Pour le bien de notre pays, nous appelons la majorité à la responsabilité.

M. François Autain. Très bien !

M. Guy Fischer. Par ailleurs, je voudrais formuler une demande, compte tenu de la nécessité de prolonger nos travaux en séance publique d’une troisième, voire d’une quatrième, semaine de débat.

Vous aviez prévu de tenir le mardi 17 octobre, à dix-sept heures, en même temps que les débats dans l’hémicycle, une réunion de la commission des affaires sociales pour engager l’étude du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous vous demandons de bien vouloir la reporter, car, de toute évidence, nous serons encore dans l’hémicycle à débattre de la réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 25 octies

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec ce rappel au règlement, je souhaite faire, dès ce matin, le point sur la situation à laquelle nous sommes confrontés. En effet, l’intervention du Premier ministre, hier, amène non seulement les parlementaires que nous sommes mais également les Français à se poser des questions.

On a parlé de « blocage ». Il y a surtout, me semble-t-il, un blocage du dialogue puisque le Premier ministre répond d’une manière presque offensante non seulement aux parlementaires – c’est peut-être l’habitude, me direz-vous –, mais également à tous ceux qui se mobilisent aujourd’hui, et, disant cela, je pense aux organisations syndicales qui représentent des millions de salariés.

Quand le Premier ministre ferme la porte à toute possibilité d’évolution sur ce dossier, il ne rend pas service au pays, me semble-t-il. Lorsqu’il parle d’« escroquerie » à propos des propositions que l’opposition, et notamment le groupe socialiste, a pu faire, là aussi il n’est pas à la hauteur des événements.

M. Nicolas About. Il voit clair !

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le secrétaire d'État, ce week-end, j’ai entendu non pas seulement des responsables de l’opposition, mais aussi des personnalités de la majorité et, bien sûr, les Français. Et lorsque vous nous interrogerez sur la suite des débats, nous vous répondrons que, pour progresser, il faut qu’il y ait du côté du Gouvernement, de la majorité, un geste permettant de penser que vous avez entendu, au moins partiellement, ce qui se dit.

Dans quelques mois, un rendez-vous avec les Français permettra à chacun de s’exprimer sur des dossiers essentiels comme celui-ci. J’entendais ce matin un ancien premier ministre indiquer qu’un temps de réflexion et d’expertise serait justifié, s’agissant du « bornage », c’est-à-dire du recul de l’âge de départ à la retraite sans décote de 65 ans à 67 ans, mesure sur les implications de laquelle nous n’avons que peu d’éléments.

M. Nicolas About. Vous le prendrez comme premier ministre si vous gagnez !

M. Jean-Pierre Bel. Voilà qui nous permettrait non seulement de dégager pour 2012 une position définitive, mais également de recueillir l’avis des Français.

Monsieur le président, mes chers collègues, je crois que nous entrons dans cette nouvelle semaine de débats avec toujours le même esprit aussi constructif. (M. Nicolas About rit.)

Monsieur About, le rire est très positif pour chacun d’entre nous, et vous avez raison de le pratiquer, mais le sujet mérite aussi de la réflexion et du sérieux !

Il est temps de remettre les choses à plat : il faut rouvrir les négociations sur des points essentiels de cette réforme. Je lance un appel au Gouvernement, à la majorité, pour que nous ne poursuivions pas ce dialogue de sourds, mais que, au contraire, nous obtenions des réponses aux questions qui ont été posées samedi et qui le seront de nouveau demain. En tout cas, ne comptez ni sur l’épuisement des Français ni sur la fatigue des parlementaires qui les soutiennent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Acte vous est donné de vos rappels au règlement, mes chers collègues.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président Fischer, vous m’avez interrogée la semaine dernière sur une éventuelle rencontre avec les organisations syndicales ; vous me demandez aujourd'hui de recevoir aussi les organisations des jeunes.

Je vous ai déjà indiqué que nous étions dans un débat parlementaire et que nous avions rencontré les organisations syndicales en leur temps. Il n’est donc aucunement question que je reçoive quelque organisation que ce soit.

Par ailleurs, vous évoquez un passage en force. Je n’en vois aucun ! Est-il vraiment nécessaire que je vous fasse remarquer que le Parlement prend tout le temps nécessaire pour examiner le texte ?

Enfin, en ce qui concerne les auditions de la commission, nous les avions prévues à un moment où, d’après le calendrier parlementaire, la discussion du projet de loi sur les retraites devait être terminée. Il est évident que nous n’allons pas les maintenir alors que nous devrions être à la fois en commission et en séance. Nous les avons annulées, sans les reporter, ce qui impliquera sans doute que nous aurons à nous réunir un lundi, un jeudi ou un vendredi pour rencontrer les personnes qui doivent être auditionnées sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, Éric Woerth et moi-même abordons cette troisième semaine de débat dans le même esprit constructif que précédemment, et nous sommes heureux de pouvoir continuer à dialoguer avec vous. J’ai d’ailleurs noté que nous avions pu avancer ces derniers jours grâce à un dialogue tout à fait courtois et enrichissant. Comme les semaines précédentes, nous sommes absolument convaincus que c’est par notre réflexion commune que pourra encore être enrichi ce texte, et c’est tout à l’honneur du Parlement.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Nous poursuivons l’examen de l’article 25 octies, dont je rappelle les termes.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 25 nonies

Article 25 octies (suite)

Après l’article L. 4625-1 du même code, dans sa rédaction issue de la présente loi, il est inséré un article L. 4625-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 4625-2. – Un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs dès lors que ces dérogations n’ont pas pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le présent code.

« Ces dérogations concernent les catégories de travailleurs suivantes :

« 1° Artistes et techniciens intermittents du spectacle ;

« 2° Mannequins ;

« 3° Salariés du particulier employeur ;

« 4° Voyageurs, représentants et placiers.

« L’accord collectif de branche étendu après avis du Conseil national de l’ordre des médecins peut prévoir que le suivi médical des salariés du particulier employeur et des mannequins mineurs soit effectué par des médecins non spécialisés en médecine du travail qui signent une convention avec un service de santé au travail interentreprises. Ces conventions prévoient les garanties en termes de formation des médecins non spécialistes, les modalités de leur exercice au sein du service de santé au travail ainsi que l’incompatibilité entre la fonction de médecin de soin du travailleur ou de l’employeur et le suivi médical du travailleur prévu par la convention. Ces dispositions ne font pas obstacle à l’application de l’article L. 1133-3 relatif aux différences de traitement autorisées en raison de l’état de santé.

« En cas de difficulté ou de désaccord avec les avis délivrés par les médecins mentionnés au septième alinéa du présent article, l’employeur ou le travailleur peut solliciter un examen médical auprès d’un médecin du travail appartenant au service de santé au travail interentreprises ayant signé la convention.

« En l’absence d’accord étendu, un décret en Conseil d’État pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins détermine les règles applicables à ces catégories de travailleurs. »

M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 424, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Pour les professions ne disposant pas d'un service de médecine du travail, ce service est mis en place trois mois après l'entrée en vigueur de la présente loi.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Plusieurs professions n’ont pas de service de médecine du travail. L’article L. 771-8 du code du travail définit de façon précise la médecine du travail des employés de maison. Mais il ne s’applique qu’à ceux qui travaillent à temps complet pour un même employeur, alors que la grande majorité travaille à temps partiel pour plusieurs employeurs. Cette carence engendre des difficultés pour les salariés, s’agissant notamment de la reconnaissance des maladies professionnelles : il est donc nécessaire d’y remédier.

En revanche, le dispositif proposé par l’article 25 octies du projet de loi pour plusieurs professions n’est pas satisfaisant. Il prévoit que des accords pourront déroger à l’organisation et au choix du service, ce qui implique l’absence de service de santé au travail spécifique obligatoire pour chacune de ces professions, alors que leur exercice peut entraîner des stress et des troubles spécifiques.

Les professionnels du spectacle travaillent souvent dans des conditions difficiles avec des horaires décalés. Les VRP subissent des déplacements incessants particulièrement usants et déstabilisants. Aux termes de l’article 25 octies, le suivi médical pourrait être assuré par des médecins de ville. Il faut en effet prévoir expressément une telle disposition, car ce texte est une dérogation à l’article L. 4623-1 du code du travail, qui dispose qu’un diplôme spécial est obligatoire pour l’exercice des fonctions de médecin du travail.

Le risque avéré est que ces professions ne disposent pas d’une médecine du travail de plein exercice. Le texte n’indique pas expressément que les médecins de ville qui signeront une convention avec un service de santé au travail interentreprises devront avoir suivi une formation spécifique. Cela devrait pourtant être le cas puisqu’ils n’auront ni fait l’internat ni obtenu de diplôme de médecine du travail.

Nous ne pourrons, en toute hypothèse, former assez de médecins du travail avant au moins une dizaine d’années pour pallier leur nombre insuffisant. Quelle formation en médecine du travail pourront donc suivre ces médecins qui auront signé une convention ? Avez-vous l’intention de mettre en place pour eux une formation en alternance ou des sessions de formation continue, comme pour les médecins du travail, afin d’actualiser leurs connaissances ?

Ce point est absolument fondamental, monsieur le secrétaire d’État, dans la mesure où ces médecins ne seront pas instantanément aptes, quelles que soient leurs compétences de généraliste, à déceler des pathologies causées, par exemple, par l’exposition à de nouvelles substances CMR inconnues d’eux. Sans ces précautions, vous préparez une déqualification de l’exercice de la médecine du travail, alors que ces professions requièrent au contraire une attention particulière.

Nous proposons donc la mise en place, sans tarder, de services spécifiques de médecine du travail. C’est le sens de notre amendement n° 424.

M. le président. L'amendement n° 1024, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet article 25 octies, ajouté par l’Assemblée nationale, prévoit des possibilités de dérogation en matière d’organisation et de suivi de la santé au travail pour un certain nombre de professions, allant des salariés relevant des particuliers employeurs aux mannequins.

Sous prétexte d’une mobilité accrue de ces professions ou des difficultés inhérentes à leurs spécificités, de nouvelles dérogations sont prévues en matière de médecine du travail. Cet article en particulier permet, grâce à une négociation de branche, de recourir à des médecins non spécialistes en médecine du travail pour ces salariés.

Nous considérons qu’il s’agit là d’un recul inacceptable. La médecine du travail est essentielle, y compris dans ces professions où les conditions d’exercice sont source de grand stress, justement causé par la mobilité. Détruire un tronc commun ne permettra pas de garantir un égal accès de tous les salariés à la médecine du travail.

Nous ne sommes pas opposés à l’existence de dispositions spécifiques pour certaines professions, à condition toutefois qu’elles ne pervertissent pas l’essence même de la médecine du travail, médecine professionnelle exercée par des professionnels sensibilisés.

Ainsi, en France, la médecine du travail, d’abord mise en place dans les établissements privés de l’industrie et du commerce, a peu à peu été étendue aux autres secteurs d’activité, de sorte qu’elle s’applique actuellement à presque tous les salariés. Le médecin du travail est un docteur en médecine spécialisé, c’est-à-dire titulaire du certificat d’études spéciales de médecine du travail ou du diplôme d’études spécialisées de médecine du travail, puisqu’il s’agit d’un domaine spécifique.

À ce titre, nous sommes forcés de constater que la souffrance au travail est de plus en plus patente chez nombre de salariés, sans être pour autant reconnue comme maladie professionnelle. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous sommes opposés à cet article et vous proposons de le supprimer, alinéa après alinéa. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 1025, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous voyons dans l’alinéa 2 de l’article 25 octies la volonté de modifier et de redéfinir l’organisation même de la médecine du travail. C’est ce qui fonde notre opposition à cet article. En effet, vous nous soumettez ici des possibilités de dérogation en matière d’organisation et de suivi de la santé au travail pour un certain nombre de professions.

Sont visés ici les artistes et techniciens intermittents du spectacle, qui exercent des professions très dures, aux revenus très aléatoires, les mannequins, l’ensemble des salariés relevant des particuliers employeurs, ainsi que les voyageurs, représentants et placiers.

Cet article vise donc à donner une base légale aux éventuelles dérogations au code du travail auxquelles ces professions pourraient être confrontées. Or, nous le savons, ces dérogations se font toujours dans le sens d’un nivellement par le bas de la médecine du travail offerte à certaines catégories de travailleurs, comme les artistes et techniciens intermittents du spectacle ou les mannequins.

Déjà peu couvertes par le système actuel de santé au travail en raison de leurs spécificités, ces professions seront en droit de recourir à des médecins de ville et non plus aux médecins du travail. Avoir recours aux médecins généralistes ne peut constituer une solution acceptable quand on sait que la France en manque.

Par ailleurs, les médecins généralistes ne connaissent pas suffisamment, voire nullement, le contexte dans lequel travaillent les salariés de ces différentes professions. On doute également qu’ils aient le temps de prendre connaissance de la réalité de la situation professionnelle de chacun.

Ces possibilités de dérogation admettent donc la spécificité de certaines professions qui feront l’objet d’une prestation et d’une surveillance « à part », et nous comprenons que cette dernière se nivellera par le bas. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet alinéa.

M. le président. L'amendement n° 1026, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 3 de cet article. En effet, le Gouvernement nous explique ce qu’est une loi sur la médecine du travail. Une telle loi rend obligatoire la surveillance de l’ensemble des salariés quels que soient leurs contrats de travail ou leurs catégories. Comme le Gouvernement considère que cette loi n’est actuellement pas respectée, il nous propose de procéder à des dérogations, ce qu’introduit cet alinéa 3.

Parmi les catégories qui seraient concernées, nous retrouvons sans surprise toutes les catégories de salariés sous statut précaire. Ainsi, ces travailleurs se retrouveront ipso facto éjectés du service de santé au travail. Nous savons tous que ces dérogations auront pour effet de porter atteinte à la qualité du service rendu.

Objectivement, cet alinéa est loin d’être de nature à nous rassurer sur le risque présenté par cet article qui crée un système dérogatoire. Son adoption ferait des salariés, qui sont déjà les victimes permanentes de la précarité, les victimes d’une médecine du travail au rabais.

Mettre en place des régimes dérogatoires reviendrait donc à inventer un nouveau dispositif en lieu et place de celui qui est prévu par la loi. Nous sommes contre les régimes dérogatoires, et il est donc nécessaire de supprimer cet alinéa. C’est ce à quoi vise cet amendement que je vous invite, mes chers collègues, à voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 1027, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Avec cet amendement n° 1027, c’est l’alinéa 4 de cet article que nous vous proposons de supprimer. En effet, cet article 25 octies, pour des raisons techniques qui nous échappent en partie – en partie seulement –, place plusieurs catégories de salariés en position dérogatoire, s’agissant de l’exercice des missions de santé au travail. Sont ainsi visés, par exemple, les artistes et intermittents du spectacle, entre autres catégories.

Il faut donc s’attendre à ce que les intermittents du spectacle deviennent assez vite des intermittents de la santé et que les conditions de leur suivi médical s’apparentent rapidement à la seule sollicitation, fort épisodique, du médecin de famille référent.

Il est vrai que la situation des salariés relevant des particuliers employeurs – environ 1,1 million de personnes – est différente, la pluralité des missions et des employeurs étant le principal obstacle au suivi par la médecine du travail de droit commun. Est-ce à dire que les particuliers employeurs n’ont pas le loisir de prendre en charge l’organisation d’un tel service de santé du travail pour leurs salariés ? Nous ne pouvons accepter un tel désengagement de leur part.

Le rapport de M. Leclerc nous apprend que, pour l’ensemble de ces professions, des négociations de branche sont actuellement en cours, notamment sur le thème de la santé au travail. Cet article vise donc à donner une base légale aux éventuelles dérogations au code du travail auxquelles elles pourraient parvenir.

Ces dérogations ne peuvent cependant porter sur la périodicité des examens médicaux, fort heureusement, ou sur le recours aux médecins du travail, à l’exception des mannequins et des salariés relevant du particulier employeur. Pour ces deux catégories, l’article permet à la négociation de branche de prévoir le recours à des médecins non spécialistes en médecine du travail, sous deux réserves.

Si j’ai bien compris, vous cherchez pour le moment à donner une base légale à la dérogation, un peu comme si, d’une certaine manière, on forçait la main des partenaires sociaux en leur disant que la spécificité de leur secteur d’activité est suffisante pour justifier qu’ils ne soient pas logés à la même enseigne que les autres.

Cet article tendant à donner une base légale au moins-disant social, nous ne pouvons évidemment que vous proposer l’adoption de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 1028, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme mes collègues, je pense que l’article 25 octies est une drôle de façon d’améliorer la médecine du travail qui, si j’ai bien compris, ne dispose déjà pas des moyens nécessaires à la réalisation de l’ensemble de ses missions. Que faites-vous ? Vous prévoyez une dérogation pour un certain nombre de professions, précisément pour celles qui, aujourd’hui, du fait de leurs particularités, éprouvent déjà quelques difficultés à être suivies comme il le faudrait !

Je voudrais aborder le cas particulier des mannequins, profession qui ne se résume pas aux top-modèles des magazines people. Il y en a en effet beaucoup d’autres, que l’on ne voit jamais dans les magazines mais qui exercent cependant un travail loin d’être facile, en particulier sur le plan physique. Il est par conséquent indispensable que les contrôles médicaux soient assurés par des services compétents, et donc par la médecine du travail.

Aujourd’hui, en vertu de l’article R. 7123-5 du code du travail, « […] l’examen médical d’embauche demeure valable un an pour les contrats conclus par le mannequin auprès de la même agence de mannequins ou six mois pour les contrats conclus avec plusieurs agences de mannequins lorsque les conditions suivantes sont réunies :

« 1° Le mannequin est appelé à occuper un emploi identique ;

« 2° Le médecin du travail, chargé de la surveillance médicale des mannequins de chaque agence de mannequins, est en possession de la fiche médicale d’aptitude établi en application de l’article D. 4624-47 ;

« 3° Aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours des douze mois précédents. »

Par ailleurs, l’article R. 7123-7 du même code dispose : « Chaque mannequin bénéficie d’au moins un examen médical par période de douze mois en vue de s’assurer du maintien de son aptitude à exercer l’emploi considéré. »

Vouloir aujourd’hui de façon dérogatoire extraire cette profession des obligations que la loi a su lui reconnaître me semble vouloir l’exposer plus encore aux seules volontés des agences, avec tous les risques que cela comporte. Cela vous a déjà été dit. De même, vous n’ignorez pas que des agences contraignent les mannequins à certaines pratiques, comme les régimes alimentaires, conduisant parfois à l’anorexie, ou la chirurgie esthétique.

C’est là une très mauvaise façon de réagir à ces problèmes connus de tous que de supprimer l’intervention de la médecine du travail. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de supprimer cet alinéa.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 1029, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Le nombre de médecins du travail en exercice est actuellement évalué à 6 000 pour une population de 23 millions de salariés, soit un médecin du travail pour 3 800 personnes. Un constat s’impose donc rapidement : il manque actuellement en France plusieurs centaines de médecins du travail.

Or, combler ce déficit n’est pas chose aisée car le métier de médecin du travail est bien spécifique. Les médecins qui se destinent à cette profession suivent d’abord un cursus de deux ans dans des services cliniques, puis de deux ans dans des services de médecine du travail. Certains médecins développent en plus une compétence spécifique, le plus souvent en ergonomie ou en toxicologie, et assurent un rôle de conseil auprès de leurs collègues.

Une autre spécificité des médecins du travail est de travailler au sein de services médicaux regroupant plusieurs médecins, ayant chacun en charge les entreprises de leur secteur géographique. Ils acquièrent ainsi une expérience supplémentaire du fait d’un travail collectif de partage d’informations et de connaissances.

Qui plus est, l’activité des médecins du travail ne se borne pas à des examens cliniques. Un tiers du temps du médecin du travail doit être consacré à l’action sur les lieux de travail, en vue d’identifier les risques pour la santé et d’adapter sa surveillance médicale, mais également pour agir sur les risques et proposer des mesures de correction. Dans ce cadre, il est de plus en plus aidé par d’autres professionnels de santé au travail – infirmières, hygiénistes, ergonomes –, qu’il doit pouvoir coordonner.

Le médecin du travail possède ainsi une expertise particulière, fruit de sa formation et de son expérience, qui se révèle indispensable pour garantir de bonnes conditions de santé au travail. Il remplit donc des missions qu’un autre médecin ne saurait pas exercer. Chacun sa spécialité et sa spécificité : un médecin du travail a les siennes, un médecin hospitalier ou un médecin de ville en a d’autres.

Créer un régime dérogatoire en autorisant des médecins non spécialisés en médecine du travail à assurer le suivi médical des salariés au lieu d’augmenter le nombre de « vrais » médecins du travail relève de l’absurdité la plus totale.

En suivant aveuglément sa logique comptable, qui consiste à réduire toute dépense publique dès que cela est possible, le Gouvernement ne va créer en réalité que des coûts indirects : en ne permettant pas aux salariés de bénéficier d’un réel suivi médical dans les meilleures conditions, on augmente le risque de voir se développer des pathologies et de créer des accidents ; de fait, on augmente les dépenses de l’assurance santé.

Au final, le Gouvernement nous impose une fois de plus sa logique à court terme incohérente, irresponsable et destructrice. Nous la refusons ! C’est pourquoi notre groupe propose cet amendement de suppression de l’alinéa 6. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 1030, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Victimes de pressions liées très souvent aux secteurs extrêmement concurrentiels dans lesquels ils évoluent, les voyageurs, représentants, placiers sont soumis à des risques de souffrance au travail importants et bien spécifiques qui ne peuvent être négligés. Ces motifs de souffrances sont nombreux. Ainsi, de façon évidente, le poids des déplacements d’un lieu à l’autre – inhérent à ce type de profession – comporte un certain nombre d’aléas.

Mais, au-delà des risques physiques, il existe un certain nombre de risques psychologiques. En effet, la complexité croissante des tâches à effectuer pour atteindre des objectifs de vente toujours plus élevés est également responsable de la dégradation de la santé d’un grand nombre de ces professionnels. À cela s’ajoute un système d’évaluation des résultats très standardisé qui ne tient pas compte de la diversité des secteurs. De plus, la prégnance de la relation interindividuelle entre le vendeur et son patron peut engendrer de la part de ce dernier le recours à différents moyens de pression pouvant aller jusqu’au harcèlement. Enfin, certaines caractéristiques de l’évolution de la profession, comme le développement de l’informatique ou encore le sentiment de la dévalorisation du métier, participe au mal-être des VRP.

Face à ce mal-être, l’écoute du médecin du travail est primordiale. Ce médecin, en principe indépendant de l’employeur, connaît l’entreprise. Il va pouvoir conseiller individuellement et tenter de mettre en place une reconnaissance de ce stress au travail dans l’entreprise pour que puisse s’instaurer un dialogue. À cet effet, il va mettre en œuvre une prévention permettant d’offrir à chacun la possibilité de s’exprimer, donner son avis, encourager une réorganisation du travail et régler les problèmes de communication.

Or ce que propose ce texte, c’est de déroger au recours aux médecins du travail pour cette catégorie professionnelle en les renvoyant vers des médecins de ville, qui ne sont absolument pas habitués à régler ce type de problèmes, ignorant le stress et les pressions auxquels sont soumis les VRP.

Il convient donc de supprimer cet alinéa. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d’adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 1031, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Au lieu de remédier à la pénurie de médecins du travail – près de 80 % d’entre eux auront atteint ou dépassé l’âge de la retraite d’ici à dix ans –, vous organisez le nivellement par le bas. Ainsi, certains secteurs – les artistes et intermittents du spectacle, les mannequins mineurs, les employés de particuliers, les représentants – devront recourir à des médecins de ville.

Or, comme le rappellent de nombreux professionnels, « les médecins de ville ne sont absolument pas compétents pour cette mission. Ils ne connaissent pas l’entreprise, ni le contexte dans lequel travaillent les salariés. De plus, ils n’auront jamais le temps de prendre connaissance de la situation professionnelle de chacun ». La commission des affaires sociales a d’ailleurs ressenti la nécessité d’encadrer le recours aux médecins généralistes.

Une authentique médecine du travail, de prévention, en adéquation avec les constats sur le terrain, ne peut tirer sa pertinence que de l’entretien clinique régulier des salariés. Il faut donc que la médecine du travail reste spécifique, un véritable service public indépendant. Or vous optez pour la facilité, alors qu’une véritable médecine du travail progressive, dans l’intérêt des salariés, repose sur un volontarisme politique en termes de formation et d’effectifs.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons de voter notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 529, présenté par M. Dériot, est ainsi libellé :

Alinéa 8

1° Première et deuxième phrases

Remplacer le mot :

convention

par le mot :

protocole

2° Deuxième phrase

Remplacer le mot :

conventions

par le mot :

protocoles

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. J’en reprends le texte au nom de la commission des affaires sociales, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1239, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 529.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 1032, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Dans la suite logique de nos amendements précédents, nous proposons la suppression de l’alinéa 9 de cet article 25 octies que nous contestons dans son ensemble.

La santé de certaines catégories de salariés pourrait ne plus être contrôlée par un médecin du travail. Certes, la commission des affaires sociales du Sénat a ajouté l’exigence de formation des médecins intervenant à sa place. Mais cela n’en fait pas des spécialistes de la médecine du travail, lesquels ont des missions précises et la connaissance des métiers.

Nous considérons que cette dérogation crée une inégalité de traitement entre les salariés.

En outre, pour les salariés concernés, la visite médicale du travail représente parfois la seule consultation médicale de l’année, comme l’a rappelé Guy Fischer il y a un instant, notamment pour les intermittents du spectacle, dont les revenus sont des plus aléatoires.

Nous n’acceptons pas d’ouvrir une brèche dans laquelle n’hésiterait pas à s’engouffrer le patronat. Déjà, lors des négociations de 2009, le MEDEF avait souhaité que les médecins de ville assurent les visites d’embauche des salariés. Mais il avait dû retirer sa proposition devant les protestations des partenaires sociaux.

Tout cela participe d’un affaiblissement choisi de la médecine du travail, dont vous cherchez à externaliser en quelque sorte une partie des missions vers les médecins généralistes ou les médecins de ville, alors que nous manquons cruellement de médecins de ville, notamment dans nos territoires ruraux. Ce problème a d’ailleurs fait l’objet d’un rapport très intéressant de notre commission. C’est donc une mauvaise réponse que vous apportez à la pénurie de médecins du travail.

On ne peut affirmer, d’un côté, vouloir améliorer la connaissance et la prévention des risques professionnels et, de l’autre, remettre en cause l’existence même du médecin du travail en rendant son intervention facultative. Lutter contre la pénibilité ne peut pas passer par la disparition des médecins du travail.

Nous refusons donc toute dérogation à l’intervention du médecin du travail, a fortiori dans le cadre d’un ensemble de dispositions qui participent du démantèlement de la médecine du travail.

M. le président. L'amendement n° 1033, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Aux termes de l’alinéa 10 de l’article 25 octies, en l’absence d’accord étendu concernant l’accès des mannequins mineurs ou des salariés du particulier employeur aux services de la santé au travail, il reviendra au pouvoir exécutif de définir par décret, pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins, les règles applicables à ces catégories de travailleurs.

Cette situation n’est naturellement pas acceptable, puisqu’elle a pour effet de retarder l’accès d’une certaine catégorie de la population aux services de la santé au travail.

Nous vous avons pourtant répété – et nous en sommes convaincus – que ces services étaient ou devraient être un service dédié à garantir la santé des salariés, notamment au regard des incidences du travail sur celle-ci.

Le développement de ce qu’il est convenu d’appeler « les services à la personne », dans lesquels une personne est salariée, au choix, par un employeur ou par plusieurs employeurs, n’est certes pas sans poser quelques difficultés pour l’organisation d’un service de santé au travail. Mais, là encore, tout est question de volonté politique.

En lieu et place de cette dérogation et de l’éventuel transfert des missions de santé au travail vers les médecins généralistes, le Gouvernement aurait pu imaginer un rattachement à un autre service de santé au travail, en raison soit de la nature de l’activité, soit du lieu géographique de la réalisation de cette activité professionnelle.

Vous le savez, les salariés dont il est question, et qui sont principalement des femmes, connaissent des conditions de travail très difficiles : ports de charges, postures douloureuses, horaires décalés, expositions à des vapeurs de produits nocifs et grandes amplitudes horaires sont le quotidien des salariés qui réalisent des travaux ménagers et aident les personnes dépendantes ou en situation de handicap.

Pour ces salariés, qui sont souvent en grande situation de précarité tant les emplois sont peu rémunérateurs, l’accès à la médecine du travail pourrait être le seul suivi médical dont il pourrait disposer. Ne perdons pas de vue le fait que plus les inégalités sociales en matière de santé s’accroissent, plus le Gouvernement renforce les mesures qui éloignent l’accès à la santé. Aujourd’hui, 36 % de nos concitoyens renonceraient aux soins, y compris primaires, faute de moyens financiers. Et ne doutez pas que, parmi ces 36 %, il y a beaucoup de ces salariés intervenant dans les services d’aide à la personne !

Voilà pourquoi nous proposons la suppression de l’alinéa 10.

M. le président. L'amendement n° 654 rectifié, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les alinéas précédents ne s'appliquent pas aux catégories de travailleurs dont les employeurs sont mentionnés à l'article L. 717-1 du code rural et de la pêche maritime.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 528 rectifié, présenté par M. Dériot, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'évaluation du recours à des médecins non spécialisés en médecine du travail prévu au huitième alinéa de l'article L. 4625-2, dans un délai de cinq ans après l'entrée en vigueur de la présente loi.

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’en reprends le texte au nom de la commission des affaires sociales, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1240, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 528 rectifié.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement vise à inviter le Gouvernement à remettre un rapport évaluant le recours à des médecins non spécialisés en médecine du travail pour le suivi médical de certaines catégories de travailleurs. Celui-ci dressera, au bout de cinq ans, un bilan de ce dispositif, indiquant quelle est l'utilisation qui en est faite, les catégories de travailleurs visées et précisant si cette modalité paraît ou non efficace en termes de protection des travailleurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’article 25 octies traite également de l’organisation et des modalités de la médecine du travail. À ce propos, je voudrais poser une question au Gouvernement. Samedi, nous avons beaucoup parlé de la médecine du travail pour les salariés du secteur privé. Or j’aimerais savoir s’il existe des négociations et, si oui, où elles en sont par rapport à la médecine du travail dans le cadre des métiers de la fonction publique.

J’en viens aux avis de la commission.

S’agissant de l’amendement n° 424, la commission a émis un avis défavorable, car toutes les dérogations prévues par cet article sont nécessaires et encadrées. De plus, comme l’a dit l’un de nos collègues, la commission a renforcé cet encadrement.

La commission a également émis un avis défavorable sur les amendements nos 1024, 1025, 1026, 1027, 1028, 1029, 1030, 1031, 1032 et 1033, qui visent tous à supprimer l’un des alinéas de l’article 25 octies.

Cela étant, je voudrais apporter deux précisions.

Tout d’abord, la santé des mannequins, catégorie professionnelle visée à l’alinéa 5, est une question très sensible. C’est pourquoi la commission a limité les possibilités de recours aux non-spécialistes. Dans la pratique, les mannequins mineurs pourront être suivis par des pédiatres, ce qui n’est pas sans justification.

Ensuite, l’alinéa 8 a été réécrit de façon très précise : l’accord collectif, après avis du Conseil national de l’ordre des médecins, est un préalable, puis une convention prévoyant toutes les garanties en termes de formation des médecins non spécialistes doit être signée.

Je ne comprends donc pas que certains veuillent supprimer cet alinéa.

Compte tenu des arguments qui ont été avancés pour soutenir la suppression de l’alinéa 8, la remise d’un rapport sur l’évaluation de cette disposition me paraît bienvenue. C'est la raison pour laquelle la commission a repris l'amendement n° 528 rectifié présenté par M. Dériot.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je voudrais au préalable, monsieur le président, avec votre autorisation, livrer quelques informations à M. le rapporteur, concernant la médecine de prévention dans le secteur public.

Je tiens en particulier à souligner devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’un accord général sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a été signé le 20 novembre 2009 par sept des huit organisations syndicales. Cet accord tout à fait singulier illustre le nouveau mode d’organisation dans la fonction publique que j’évoquais ici même la semaine dernière, en grande partie gagé sur des accords plutôt que sur des textes qui seraient écrits unilatéralement par le Gouvernement. J’aurais également pu parler, à cet égard, de l’accord de Bercy sur le dialogue social.

Les problèmes liés à la médecine de prévention ont évidemment été évoqués dans le cadre de cet accord, et le Gouvernement a souhaité que soient recherchées toutes les mesures permettant à la fois d’accroître le nombre de médecins préventifs, d’améliorer leurs conditions d’emploi et de renforcer leurs compétences.

Plusieurs dispositions ont été proposées dans ce domaine ; je vous les rappelle brièvement.

En premier lieu, en termes de recrutement et de conditions d’emploi, la disparition des obstacles au recrutement et l’infléchissement de la réglementation ont été préconisés, afin que soit mieux autorisé le cumul d’activités entre le secteur public et le secteur privé, ce qui constitue pour les médecins préventifs un gain de flexibilité.

En deuxième lieu, il s’agit de la possibilité juridique d’être recruté comme contractuel, ce qui donne des marges de manœuvre supplémentaires en matière de rémunération. À ce titre, un modèle de contrat sera proposé – il est actuellement en cours d’examen par les organisations syndicales –, par déclinaison de celui qui existe d’ores et déjà dans la fonction publique hospitalière.

En troisième lieu, la possibilité sera donnée aux employeurs publics de mutualiser les services de médecine du travail. Les centres de gestion seront sans doute les mieux à même d’opérer cette mutualisation.

Pour répondre directement à votre question, monsieur le rapporteur, ces propositions sont actuellement l’objet de discussions approfondies avec les organisations syndicales. Des groupes de travail ont été organisés à cette fin. En principe, sans vouloir préjuger le résultat des discussions en cours, je puis vous indiquer que ces groupes de travail devraient rendre leurs conclusions au premier trimestre 2011.

J’en viens maintenant aux amendements en discussion commune, monsieur le président.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 424 pour les mêmes raisons que M. le rapporteur, à savoir que les dérogations qu’il s’agirait de supprimer sont nécessaires et encadrées ; par ailleurs, le délai de trois mois paraît trop court.

Le Gouvernement est également défavorable aux amendements de suppression nos 1024 à 1031, pour les raisons que M. le rapporteur a fort bien explicitées.

Il est en revanche favorable à l’amendement rédactionnel n° 1239.

Les amendements nos 1032 et 1033 visent à supprimer des alinéas qu’il nous paraît important de maintenir ; nous y sommes donc défavorables.

Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1240 prévoyant le bilan du recours à des médecins non spécialisés en médecine du travail, notamment pour les salariés du particulier employeur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 424.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1024.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1025.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1026.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 1027.

M. François Autain. En proposant, par cet amendement, la suppression de l’alinéa 4 de l’article 25 octies, nous souhaitons dénoncer la non-prise en compte des salariés précaires, intérimaires, saisonniers, salariés des TPE, mais également une définition beaucoup trop vague de l’ « inaptitude » et l’espacement de la visite médicale obligatoire à trois ans.

De l’avis des partenaires sociaux, vous le savez bien, il est impossible de détecter les risques émergents le plus en amont possible s’il n’y a plus de visite médicale régulière et rapprochée. Or cet article prévoit de déroger aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail, déjà réduit à une peau de chagrin pour les salariés ayant un emploi dit « normal », ce qui a pour effet de réduire encore les droits des salariés les plus précaires, souvent les plus exposés car exerçant des métiers atypiques.

Il en est ainsi, précisément, des artistes et techniciens intermittents du spectacle, mais nous pourrions parler également des mannequins, des salariés des particuliers employeurs, des voyageurs, représentants et placiers, etc.

Si vous me permettez de faire une parenthèse, mes chers collègues, nos propres assistants parlementaires, qui ont eux aussi un statut précaire, ne bénéficient plus, depuis des années, des visites médicales du travail annuelles auprès de la Mutualité sociale agricole, tradition très ancienne de notre assemblée. Ils sont à présent convoqués tous les deux ou trois ans, et il conviendrait sans doute de prévoir des améliorations sur ce point.

Pour en revenir aux salariés les plus précaires, je voudrais vous dire mon désaccord avec votre projet de leur consentir une médecine du travail a minima. Au nom de quoi seraient-ils vus par des médecins non spécialisés en médecine du travail, sauf à avouer que vous avez vous-même organisé la pénurie de ces spécialistes ? Car ce n’est pas mépriser les médecins généralistes que de dire que la spécialité en médecine du travail peut seule garantir aux salariés une réelle prise en compte des éventuelles difficultés liées à leur poste de travail.

Certes, ces salariés pourraient, « en cas de difficulté ou de désaccord », solliciter un examen médical auprès d’un médecin appartenant au service de santé au travail interentreprises ayant signé la convention. Mais quel mépris pour tous les métiers aussi atypiques que magnifiques, pour les « petits boulots » aussi qui deviennent légion dans la société que vous organisez, dans les rangs desquels figurent justement des personnes à faibles revenus, soumises à des aléas de l’existence pouvant avoir des conséquences dramatiques sur leur santé tant physique que psychique !

Encore une fois, c’est l’abaissement de la qualité du suivi de ces salariés que vous organisez.

Avez-vous lu, mes chers collègues, le magnifique roman de Claudie Gallay, sans doute l’un des plus marquants de la rentrée littéraire, intitulé L’Amour est une île ?

M. Gérard Longuet. C’est un archipel !

M. Pierre Fauchon. Un volcan ! (Sourires.)

M. François Autain. Ce très beau livre donne à voir, dans l’atmosphère surréaliste du festival d’Avignon, rendue plus étrange encore par sa façon de mettre en scène le mouvement de grève des intermittents, la tragique condition de ces artistes, écorchés de la vie, ancrés dans un jeu théâtral qui redonne au théâtre sa grande noblesse, et à la fois des personnes ordinaires, hors de la scène, qui se débattent dans les difficultés de la vie quotidienne. Cela doit nous donner à réfléchir, car la médecine du travail concerne aussi tous ces gens, dans leur diversité.

Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons accepter que, par un accord de branche ou un simple décret, il puisse être dérogé au droit commun en matière d’organisation des services de surveillance de l’état de santé des travailleurs atypiques, qui ont leurs souffrances particulières, aussi vives que celles des autres personnes en situation de travail, et pour lesquelles la visite médicale représente parfois la seule consultation médicale de l’année.

Le point commun de ces gens est le statut précaire. Ne les privez pas de la médecine du travail, car ce serait une honte. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter le présent amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote.

Mme Marie-Agnès Labarre. Permettez-moi de revenir à mon tour sur les intermittents du spectacle.

À vous écouter, on ne pourrait pas mettre sur pied un service de santé au travail destiné aux intermittents du spectacle, alors que l’on a très bien su, dans un autre ordre d’idées, ouvrir dans la capitale une agence de Pôle emploi réservée exclusivement aux offres du secteur d’activité concerné.

On ne pourrait donc pas demander aux employeurs de ces intermittents de mettre un peu d’argent au pot pour financer le fonctionnement d’un tel service ? Mais de qui se moque-t-on, alors même que certains de ces intermittents sont directement employés par de grandes agences de publicité, par certains réseaux de télévision privés disposant d’une forte audience et de grandes capacités financières ?

C’est donc tout naturellement que nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement supprimant une disposition illustrant le moins-disant social que l’on entend mettre en place avec ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1027.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1028.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1029.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1030.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1031.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 1239.

Mme Annie David. Monsieur le président, sur le fond, nous sommes défavorables à l’article 25 octies, mais je tenais néanmoins à vous faire remarquer une erreur rédactionnelle : vous remplacez le mot « convention », féminin, par le mot « protocole », masculin ; il convient par conséquent de modifier également l’article qui y est associé.

Vous voyez que nous pouvons être constructifs, bien que nous soyons dans l’opposition : plutôt que de laisser passer une maladresse rédactionnelle, nous vous proposons de la rectifier !

M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier votre amendement en ce sens ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur le président, nous prenons bien évidemment en compte la remarque de notre collègue Annie David : la commission rectifie volontiers son amendement en accordant les genres.

M. le président. Je suis donc saisi de l'amendement n° 1239 rectifié, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :

Alinéa 8

1° Première phrase

Remplacer les mots :

une convention

par les mots :

un protocole

2° Deuxième phrase

Remplacer le mot :

conventions

par le mot :

protocoles

et les mots :

la convention

par les mots:

le protocole

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1032.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1033.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1240.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article.

M. Guy Fischer. Comme vous le voyez, nous sommes très attentifs : Annie David rectifie même les erreurs dans vos amendements, des erreurs que seuls de très fins spécialistes peuvent déceler ! (Rires.) Notre collègue nous a manqué ce week-end. Nous sommes donc heureux qu’elle soit de nouveau parmi nous, qui plus est d’une manière si marquante ! (Sourires.)

M. Nicolas About. Quel bonheur pour nous tous ! (Nouveaux sourires.)

M. Guy Fischer. Il faut bien se donner des occasions de sourire !

Plus sérieusement, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous réaffirmons ici notre opposition de principe à l’article 25 octies. Nous avons longuement discuté de la médecine du travail ce week-end et, comme nous l’avons déjà dit, nous n’acceptons pas que l’on substitue des médecins généralistes aux médecins du travail.

Vous le savez fort bien – notre assemblée compte de nombreux médecins –, les généralistes effectuent en général entre vingt-cinq et trente-cinq consultations par jour.

M. Charles Revet. Si ce n’est plus !

M. Guy Fischer. Or les consultations de médecine du travail ne peuvent pas durer dix ou quinze minutes, elles doivent être bien plus longues, compte tenu de leur spécificité. Une consultation de ce type demanderait plutôt une heure.

Ensuite, on voit bien qu’il y a une volonté de remettre en cause, en autorisant des dérogations, le corps des médecins du travail. Remplacer des spécialistes par des généralistes, c’est démanteler de manière insidieuse …

M. Guy Fischer. … le corps des médecins du travail.

En outre, vous souhaitez placer ce corps spécialisé sous l’autorité…

M. Guy Fischer. … du MEDEF, donc du patronat. Nous avons longuement argumenté sur ce sujet, je n’y reviens pas.

En fait, vous souhaitez toujours faire passer le « moins pire » pour une avancée sociale. Nous ne l’acceptons pas. Le « moins pire » reste pour nous le pire, c’est évident ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.

M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, ce chapitre est un point « dur » du projet de loi.

La médecine du travail – cela a déjà été dit sur les travées de la gauche de l’hémicycle – est trop sérieuse pour que nous nous contentions d’à-peu-près.

Face aux difficultés rencontrées, la proposition que vous nous faites, monsieur le secrétaire d’État, est un pis-aller, je le comprends bien. Cependant, si d’autres réponses ne sont pas apportées, ce pis-aller deviendra structurant dans le temps, nous le savons, et nous assisterons à un accroissement de cette misère de la médecine du travail dont j’ai déjà eu l’occasion de parler ici.

Vous nous dites que la médecine du travail pourra être prise en charge par des médecins non spécialistes. Concrètement, nous pensons que ce seront des médecins généralistes, car nous n’imaginons pas des médecins exerçant en secteur II ou dans le secteur optionnel, des spécialistes, accepter en nombre de faire de la médecine du travail pour le salaire qu’on leur offrira !

Or nous manquons de médecins généralistes. Ce corps est, lui aussi, globalement vieillissant, et de surcroît très féminisé. Dans les grandes villes, certains quartiers, vous le savez, n’ont plus de médecins généralistes. Certaines parties de l’Hexagone sont d’ores et déjà, c’est patent, de véritables déserts médicaux. Nous le déplorons.

Les généralistes ont de très longues journées, je ne vois donc pas comment ils pourraient en plus s’occuper de médecine du travail ! J’ai passé une partie de ma vie à tenter d’organiser des enseignements postuniversitaires pour les médecins généralistes afin de leur permettre de suivre au mieux l’évolution de la technicité et les avancées médicales dans leur spécialité ou dans des spécialités voisines. Où trouveront-ils donc le temps, sauf en sacrifiant leur vie familiale, sur laquelle ils empiètent déjà au maximum, de faire de la médecine du travail ?

En fait, il y a un problème de fond. Nous savons que le corps des médecins du travail compte environ 6 000 médecins et qu’il est vieillissant. Il faut prendre le problème à bras-le-corps et essayer de rendre plus attractif un métier très spécialisé, très complexe, qui demande de grandes compétences, dans un champ qui, scientifiquement, est très vaste.

Revenons sur le cas des mannequins, que nous évoquions tout à l’heure. Il faut savoir que les jeunes femmes, ou les jeunes hommes, d’ailleurs, qui exercent cette profession, risquent un ensemble de pathologies liées à l’anorexie et des décompensations qui peuvent être dépressives, du fait des canons de beauté et des normes strictes qui leur sont imposés. Si les médecins n’ont pas de très sûres connaissances en matière d’hygiène alimentaire, ils risquent de passer à côté de catastrophes potentielles. Je donne cet exemple, mais on pourrait en citer d’autres.

Je le répète : il faut prendre ce problème à bras-le-corps et rendre financièrement plus attractive cette filière professionnelle, ne serait-ce que pour modifier la perception qu’en ont les membres du corps médical eux-mêmes, qui voient souvent dans la médecine du travail la spécialité des derniers de la classe qui ne l’exerceraient que faute d’avoir pu faire autre chose.

Se pose également un problème d’organisation globale. Dans la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, on l’a vu, le volet « santé » a été escamoté. On nous a renvoyés à une loi de santé publique qui viendra peut-être un jour, du moins je l’espère. Mais quid des agences régionales de santé mises en place par la loi ? Peut-être pourraient-elles tenir compte de cette dimension du problème dans la réorganisation territoriale des politiques de santé ?

Et puisque, dans les rapports qui lui sont consacrés, on lit que le Service de santé des armées, qui emploie beaucoup de monde, coûterait très cher pour un service, en fin de compte, assez modeste, pourquoi ne pas intégrer dans la médecine du travail les médecins extrêmement pointus qu’il compte ?

Il faut repenser l’ensemble de cette question et non pas proposer un simple pis-aller, cette petite formation que les généralistes n’auront de toute façon pas le temps de suivre. Pourquoi ne pas saisir la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat ou de l’Assemblée nationale afin qu’elle nous remette un rapport sur cette question et nous soumette des propositions ? Car des solutions sont possibles.

Peut-être faudra-t-il investir un peu d’argent, je le concède (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame), mais les retours sur investissements seront considérables. Les entreprises et les employeurs de ce pays, je le répète, ont intérêt à avoir des salariés en bonne santé.

La proposition que vous nous faites, monsieur le secrétaire d’État, n’est pas satisfaisante. Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre cet article. Il faut forcer la main, dans cette affaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. Très bien ! Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 25 octies illustre bien ce qui nous sépare !

Cet article prévoit la possibilité de déroger, par accord collectif de branche étendu, aux règles normales régissant le suivi médical au travail, et ce pour quatre professions – les artistes et techniciens intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés des particuliers employeurs et les VRP –, au motif que, aujourd’hui, ces salariés n’ont pas accès à la médecine du travail lorsqu’ils travaillent de manière fractionnée.

Dans les faits, c’est vrai. Des dérogations sont-elles pour autant justifiées ? Pour notre part, nous considérons que ces salariés doivent avoir accès à la médecine du travail de droit commun.

Si j’ai bien compris, des négociations de branche sont actuellement en cours pour les quatre professions visées par cet article. Elles portent notamment sur le thème de la santé au travail. C’est très bien.

L’adoption de cet article viserait donc à donner une base légale aux éventuelles dérogations par rapport au code du travail auxquelles les négociateurs pourraient parvenir. Au contraire, monsieur le secrétaire d’État : au lieu d’anticiper les résultats de cette négociation et d’encourager les négociateurs dans ce sens, nous devrions les inciter à s’insérer dans le dispositif normal.

Nous nous inquiétons parce que, en général, les dérogations vont toujours dans le sens d’un nivellement par le bas de la protection offerte à ces catégories de travailleurs, souvent précaires, je le rappelle.

Pour ces raisons, mais aussi pour celles que vient d’évoquer notre collègue Jacky Le Menn, nous nous opposerons à l’article 25 octies. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'article 25 octies, modifié.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 56 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 182
Contre 153

Le Sénat a adopté.

Article 25 octies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 25 decies

Article 25 nonies

La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complétée par un article L. 4622-13 ainsi rédigé :

« Art. L. 4622-13. – Toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre le service de santé au travail et son président, son directeur général, l’un de ses directeurs généraux délégués ou l’un de ses administrateurs doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration.

« Il en est de même des conventions auxquelles une des personnes visées à l’alinéa précédent est indirectement intéressée.

« Sont également soumises à autorisation préalable les conventions intervenant entre le service de santé au travail et une entreprise, si le président, le directeur général, l’un des directeurs généraux délégués ou l’un des administrateurs du service de santé au travail est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise.

« Toutefois, lorsque les conventions portent sur des opérations courantes ou conclues à des conditions usuelles, elles font uniquement l’objet d’une communication au président et aux membres du conseil d’administration. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 265 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

L'amendement n° 425 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 265.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, oui, cet amendement vise à supprimer l’article 25 nonies.

Comme nous l’avons évoqué samedi, le cœur du problème de la médecine du travail est la dépendance du médecin du travail vis-à-vis de l’employeur, qui limite considérablement son rôle de protection de la santé des salariés.

Bien que vous vous en défendiez, ces articles, qui portent bel et bien réforme de notre système de santé au travail, s’inscrivent dans une tendance qui existe depuis plusieurs années. En effet, alors qu’il y a de moins en moins de prévention des risques professionnels et de prise en compte de la santé du salarié dans sa globalité, on constate une tendance croissante à la médecine utilitariste chargée de remettre le salarié au boulot à moindre coût !

Cela se traduit par une diminution du nombre de médecins, qui sont remplacés par des infirmières, des infirmiers ou des ergonomes, dans les services de santé au travail.

Évidemment, cette préconisation n’est pas innocente ; lorsqu’il y a moins de médecins, il y a moins de « paperasse embarrassante », comme des déclarations de maladies professionnelles, et moins d’études sur les conditions générales de travail.

Depuis des années, on assiste à la casse d’un service de santé au travail efficace, dont la mission exclusive est – je le rappelle – d’éviter « toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».

Cet article 25 nonies prévoit que toute convention passée entre un service de santé au travail et un autre organisme est soumise à l’autorisation préalable du président du conseil d’administration. C’est-à-dire que cette autorisation préalable doit être soumise à l’employeur...

Une fois de plus, on renforce le pouvoir et le contrôle des dirigeants d’entreprise sur les services de santé au travail et on menace l’indépendance des médecins du travail. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l'amendement n° 425.

M. Jacky Le Menn. L’article 25 nonies serait de portée juridique courante et habituelle en matière commerciale. Il aurait donc tout à fait sa place dans un texte relatif aux relations commerciales. Mais nous sommes ici dans la gestion des services de santé au travail.

On aurait pu supposer que des services de santé n’avaient pas besoin de faire l’objet de telles précisions, normalement réservées aux relations entre des entreprises échangeant des prestations de services.

Cet article est, me semble-t-il, la conséquence logique et indispensable de votre conception de ce que doit être désormais la médecine du travail : un service d’aide aux employeurs pour mettre en place des dispositifs de prévention et de protection, dans le cadre de conventions de type commercial. Le tout sera réalisé en fonction de contrats d’objectifs et de moyens, sans oublier les réalités locales.

Cet article met en place le cadre juridique nécessaire pour que les services de santé fonctionnent de manière habituelle avec des entreprises auxquelles sont sous-traitées des prestations de prévention et de protection.

Ce n’est pas être médisant que de constater à quel point les ambitions des rédacteurs de ce texte, et du gouvernement qui les porte, sont réduites.

Avec cet article de droit commercial, nous entrons de la manière la plus explicite dans un système totalement différent de ce qui existait jusqu’à présent. Ce n’est plus la médecine du travail ; c’est le marché de la protection et de la prévention qui est ainsi organisé.

Ce texte sert, en réalité, à déterminer la place des services de santé dans ce marché.

Les services de santé au travail ne seront plus structurés autour du médecin du travail. La pluridisciplinarité, qui aurait pu être une avancée, servira à noyer, littéralement, le médecin au milieu d’une équipe elle-même soumise à des impératifs de gestion fort éloignés de la santé des travailleurs.

L’alinéa 4 de cet article, qui prévoit l’autorisation préalable du conseil d’administration – c’est bien le moins que l’on puisse demander – pour les conventions entre le service de santé au travail et une entreprise dont l’un des administrateurs est propriétaire, est d’ailleurs révélateur de cette nouvelle perspective.

Encore que cette autorisation ne sera pas exigée pour des opérations courantes ou – c’est une autre notion – « conclues à des conditions usuelles ».

Nous sommes ouvertement dans l’ère de la marchandisation de la santé, comme nous avons d’ailleurs déjà pu le constater dans cet hémicycle à propos d’un certain nombre d’aspects de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, notamment s’agissant de la mission de service public. Mais je ne m’attarde pas sur ce point, car j’aurai sans doute l’occasion d’y revenir par ailleurs.

Il est simplement effrayant de voir l’idéologie ultralibérale s’emparer ainsi de la prévention et de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Nous ne pouvons pas vous suivre sur ce chemin, monsieur le secrétaire d’État.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, et nous voterons contre si nos amendements de suppression ne sont pas adoptés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je pensais que la rédaction issue de travaux de la commission était allée au-devant de vos appréhensions et des questions que vous vous posez, mes chers collègues.

En effet, les conventions concernées seront soumises au conseil d’administration et nous avons, notamment, prévu une présidence alternée.

Je ne comprends donc pas que vous vouliez supprimer cet article.

M. Jacky Le Menn. Je peux vous réexpliquer, si vous y tenez !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je ne crois pas qu’il faille ici parler d’ultralibéralisme ou de dogmatisme.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, en effet, ce n’est pas du tout votre genre… (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Georges Tron, secrétaire d'État. En fait, cet article transpose une disposition qui existe effectivement dans le code de commerce. Il s’agit d’assurer une certaine transparence aux conventions conclues entre le service et les présidents, en les soumettant au vote préalable du conseil d’administration. Ce n’est donc pas de l’« ultralibéralisme » !

Cela dit, je me permets de relever une inexactitude dans les propos de MM. Desessard et Le Menn. En effet, les conventions sont soumises à l’autorisation préalable non pas du président du conseil d’administration, mais du conseil d’administration lui-même.

M. Jean Desessard. Avec voix prépondérante du président !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Et, en vertu du nouveau texte, élaboré par la commission, le conseil d’administration devient paritaire.

Ces éléments me paraissent de nature à lever les inquiétudes que vous avez exprimées.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour notre part, nous soutenons les amendements présentés par nos collègues Jean Desessard et Jacky Le Menn, et nous voterons contre l’article 25 nonies si les amendements de suppression n’étaient pas adoptés.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes mal placé pour nous renvoyer en permanence des accusations de dogmatisme !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je ne vous les ai pas renvoyées ; je m’en suis défendu !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous incarnez le dogmatisme dans toute sa splendeur !

En réalité, vous êtes en mission, et nous voyons bien dans ce débat comment vous la menez. Vous êtes, certes, habile, mais cela ne nous empêche pas de déceler la réalité, qui perce de toute manière quand on examine votre dispositif.

Cela rejoint le processus que vous avez mis en place sur les durées de cotisation. Vous vous posez en défenseur de la retraite par répartition, mais la retraite par capitalisation apparaît en creux, comme le souhaite le patronat. En 2018, certains constateront que le système ne permet évidemment pas de financer les retraites, et la retraite par capitalisation reviendra à grands pas !

Nous le savons, la médecine du travail gêne le patronat, qui insiste d’ailleurs sur la nécessité de la réformer. Comment compte-t-il s’y prendre ? En s’en remettant à l’actuelle majorité, puisque les organisations professionnelles ne veulent pas de sa réforme !

Et vous, que faites-vous ? Vous ne déclarez évidemment pas explicitement que vous voulez supprimer la médecine du travail, non, vous n’attaquez pas de front, mais vous la mettez petit à petit en morceaux ! Nous avons vu les dérogations. Nous avons vu la mainmise du patronat sur les médecins du travail. Nous voyons à présent que la santé en général est un marché.

En clair, non seulement le patronat décidera, mais en plus d’autres feront de l’argent avec la médecine du travail !

Tout cela est bien orchestré. Et même si vous vous défendez de tout dogmatisme, nous savons bien que vous avez un projet global, et vos professions de foi de pragmatisme ne sauraient nous en dissimuler l’ambition : il est limpide et, s’il était nécessaire, nous serions là pour le révéler !

D’ailleurs, nos concitoyens qui manifestent comprennent bien que cette réforme recouvre beaucoup d’enjeux et qu’elle va à l’encontre des intérêts des salariés.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. M. le secrétaire d’État m’a fait remarquer que le conseil d’administration était désormais paritaire et que les conventions lui seraient soumises. Mais l’alinéa 6 de l’article 25 sexies prévoit que le président dispose d’une voix prépondérante en cas de partage des voix.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Comme partout !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 265 et 425.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25 nonies.

(L'article 25 nonies est adopté.)

Article 25 nonies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 25 undecies

Article 25 decies

L’article L. 4623-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au précédent alinéa, un décret fixe les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter, après délivrance d’une licence de remplacement et autorisation par les conseils départementaux compétents de l’ordre des médecins, à titre temporaire un interne de la spécialité. »

M. le président. L'amendement n° 426, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

qui travaillera sous l'autorité d'un médecin du travail du service de santé au travail possédant une expérience minimale de dix années.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet article 25 decies prévoit que les services de santé au travail pourront recruter à titre temporaire un interne de la spécialité pour remplacer des médecins du travail en exercice.

Cet article valide une dérogation, puisque l’article L. 4623-1 du code du travail impose un diplôme spécial pour exercer les fonctions de médecin du travail.

A priori, nous sommes devant une situation analogue à celle qui prévaut en cas de remplacements effectués par les internes dans d’autres spécialités, dont la médecine générale.

En fait, c’est une nouvelle fois le mode de gestion de la pénurie qui est appliqué ici.

La France ne compte que 6 915 médecins du travail représentant 5 772 équivalents temps plein, dont les trois quarts ont plus de 50 ans, pour suivre la santé de près de 16 millions de salariés du privé…

Aujourd’hui, un médecin en équivalent temps plein dans un service interentreprises suit en moyenne 3 050 salariés, et ce chiffre est en augmentation constante.

Si l’on s’en tient à l’âge légal de la retraite à 60 ans, 4 000 médecins auront atteint ou dépassé cet âge d’ici à cinq ans. Bien entendu, le chiffre serait moindre si l’âge légal devait passer à 62 ans, mais cela ne résoudra pas le problème pour autant.

Des mesures de régulation ont été prises, mais elles n’ont fait que stabiliser temporairement les choses.

Plusieurs problèmes se posent, et votre texte n’y apporte aucun embryon de solution.

Ainsi, en matière de formation, plusieurs chaires de spécialité en faculté ne sont pas pourvues et les enseignements sont parfois assurés – quand ils le sont ! – par des professeurs qui ne sont pas eux-mêmes médecins du travail. Aujourd’hui, c’est le cas de 55 des 70 professeurs de médecine du travail.

Le cursus de formation n’est pas non plus des plus attractifs.

À cet égard, le remplacement dans le cadre de l’internat est une solution intéressante, mais les conditions dans lesquelles il se déroulera ne sont pas satisfaisantes. En effet, en raison de la pénurie organisée, l’interne se trouvera isolé dans son service sans bénéficier de l’expérience d’un médecin expérimenté qui assurerait une fonction de tutorat.

Nonobstant l’intérêt pour l’interne d’une telle expérience in situ, cette situation n’est pas responsable. C’est pourquoi nous proposons que le recrutement d’internes dans les services de santé au travail soit non pas un simple remplacement, mais une étape de la formation bénéficiant d’un encadrement par un médecin expérimenté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission estime que cet amendement est intéressant. Cependant, s’il est en effet souhaitable que l’interne travaille sous l’autorité du médecin du travail du service, le terme, plus générique, d’« expérimenté » nous semble préférable à l’expression « possédant une expérience minimale de dix années ».

La commission avait déjà proposé que les modalités de remplacement d’un médecin du travail par un interne soient calquées sur celles des autres spécialités médicales : ainsi, il faut que l’interne dispose d’une licence de remplacement et que le conseil départemental de l’ordre des médecins ait rendu un avis favorable. La rédaction était beaucoup plus complète.

Je répète donc que l’avis de la commission sur l’amendement n° 426 est favorable, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement prévoyant que le tuteur de l’interne est un médecin « expérimenté » et non plus « possédant une expérience minimale de dix années ».

M. le président. Monsieur Godefroy, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Qu’elle prenne la forme d’une rectification ou d’un sous-amendement, je n’ai rien contre une telle modification. Notre rédaction présentait l’inconvénient de créer un effet de seuil ; celle que propose la commission me semble tout à fait acceptable.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 1241, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

possédant une expérience minimale de dix années

par le mot :

expérimenté

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l'amendement comme au sous-amendement, pour les raisons qui ont été données par M. le rapporteur et par M. Godefroy.

Le sous-amendement de la commission permet d’éviter un effet de seuil et d’assouplir le dispositif tout en maintenant le principe.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1241.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 426, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote sur l'article.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je souhaiterais simplement obtenir du Gouvernement une précision.

L’article 25 decies va-t-il régler la question des internes, qui ont un statut intermédiaire entre celui de l’étudiant et celui du salarié ?

L’an dernier, la commission des affaires sociales a été confrontée à la problématique du mi-temps thérapeutique, impossible pour les internes malades.

On peut donc aujourd’hui se demander si l’article 25 decies permet de comptabiliser les années d’internat dans la retraite des anciens internes.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, ma réponse à votre question est incontestablement positive. J’irai même plus loin en disant que cette problématique est à l’origine même de l’article 25 decies.

Nous avons tout fait pour que les années d’internat soient comptabilisées.

M. le président. Je mets aux voix l'article 25 decies, modifié.

(L'article 25 decies est adopté.)

Article 25 decies
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Article 25 duodecies

Article 25 undecies

Après l’article L. 4622-12 du même code, dans sa rédaction issue de la présente loi, il est inséré un article L. 4622-13 ainsi rédigé :

« Art. L. 4622-13. – Le directeur du service de santé au travail interentreprises organise, sous l’autorité du président, les actions approuvées par le conseil d’administration dans le cadre du projet de service pluriannuel. Le directeur est garant de l’indépendance du médecin du travail. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

M. Jean-Pierre Godefroy. L’article 25 undecies est certes court, mais il suscite de nombreuses réactions passionnées. Le directeur du SST interentreprises y est en effet désigné comme le garant de l’indépendance du médecin du travail.

M. Jean-Pierre Godefroy. Comme chacun sait, cette mention soulève l’ire des médecins du travail. Au mieux, elle est inutile, puisque l’indépendance des médecins du travail, comme celle de tous les autres médecins, est garantie par l’article 95 du code de déontologie.

Par ailleurs, n'oublions pas que le médecin du travail est un salarié protégé. On nous dit que cette mention doit être vue comme une manifestation explicite du fait que le directeur n’entravera pas les actions de santé au travail décidées par l'équipe en fonction de l’évolution des réalités de terrain, même si elles ne correspondent pas au programme d'action pluriannuel. Doit-on comprendre qu’il pourrait avoir des tentations contraires ?

À mon avis, cette polémique montre surtout à quel point la réforme de la médecine du travail est en elle-même mal conçue, ce qui nous renvoie au débat que nous avons eu sur l’article 25 quater.

Avec une telle réforme, l’organisation de la médecine du travail et les missions de prévention sont confiées directement non plus aux médecins du travail mais aux directeurs des organismes de santé au travail désignés par le président du conseil d'administration et investis d'importantes prérogatives, notamment quant à l’élaboration du projet de service et la définition des priorités d'action.

En fait, les médecins du travail sont dépossédés de leurs missions et de leurs attributions, pour n’avoir plus que des fonctions d'exécution. C’est pourquoi ils craignent pour leur indépendance.

Plutôt que d’inventer de prétendues nouvelles garanties, il vaudrait mieux appliquer correctement les règles actuellement prévues par le code du travail pour garantir effectivement l’indépendance des médecins du travail. Aujourd’hui, ce n'est malheureusement pas toujours le cas.

N’oublions pas que les médecins du travail subissent des pressions importantes de la part des employeurs. Je me souviens de témoignages de certains praticiens qui reconnaissaient, à l’époque des auditions de la mission d’information du Sénat sur l'amiante, que la médecine du travail avait largement failli en n’alertant pas suffisamment les autorités. Ils racontaient aussi que ceux qui s’étaient risqués à le faire avaient subi des pressions et rencontré de graves difficultés dans leur exercice quotidien et pour la suite de leur carrière.

Encore récemment, à l’occasion cette fois-ci des auditions de la mission d'information du Sénat sur le mal-être au travail, plusieurs de nos interlocuteurs ont expliqué comment un employeur mécontent des rapports d’un médecin du travail peut demander au service interentreprises que ce médecin soit remplacé par un autre et à quel point, quand le médecin est salarié de l'entreprise, il peut être l’objet de diverses manœuvres d'intimidation.

C’est pourquoi la mission d’information sur le mal-être au travail insistait sur la nécessité absolue de conforter l’indépendance des médecins du travail et sur l’urgence de revaloriser leur profession, notamment en mettant en place une gestion paritaire des SST, mais également en renforçant les prérogatives des médecins du travail, en valorisant leurs pratiques professionnelles grâce à des recommandations de bonnes pratiques, en améliorant la coordination des soins entre professionnels de santé, en améliorant la protection accordée aux membres de l’équipe pluridisciplinaire, ou encore en sensibilisant les employeurs et les salariés à la santé au travail.

Si, grâce au travail en commission, l’article sur le paritarisme a été voté à l’unanimité, on est bien loin du compte en ce qui concerne les prérogatives et le statut des médecins du travail. Voilà pourquoi l’article 25 undecies nous pose problème et voilà surtout pourquoi nous pensons qu’il faudrait absolument éviter de faire du directeur du service de santé au travail le garant de l’indépendance du médecin du travail. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 427, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. C'est un fait connu dans l’histoire de la littérature : Stendhal lisait le code civil, dont il trouvait la langue particulièrement fluide, claire et concise. Il y voyait une leçon de style, ce qui nous prouve une nouvelle fois la modestie des plus grands.

Dans les derniers jours précédant sa mort, Schubert prenait des leçons de contrepoint, autre exemple qui doit nous inciter à la méditation.

Pour notre part, dans une perspective moins artistique mais non dénuée d’importance, nous nous contentons du code du travail !

Que disent aujourd'hui les articles consacrés aux services de santé au travail ?

L'article L. 4622-2 dispose que « les services de santé au travail sont assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de médecins du travail ». Mais, parallèlement, l’article L. 4622-1 précise que « les employeurs organisent les services de santé au travail ». En outre, l'article L. 4622-6 indique que « les dépenses afférentes aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs ».

Les éléments sont donc bien en place depuis la transformation des services de médecine du travail pour opérer le glissement que met en œuvre ce projet de loi. L'article 25 undecies est la pierre de touche de ce glissement : il met en place un système absolument impraticable, mais c’est précisément son unique finalité.

Nous considérons cet article comme une feinte. On y feint en effet de ne pas faire de choix, de garantir à la fois l’organisation des actions du SST, le respect du projet pluriannuel et l’indépendance des médecins.

En fait, sa rédaction conduit à ne garantir que l’autorité des conseils d’administration, au sein desquels les financeurs auront une place prépondérante.

Le lien entre les deux phrases du second alinéa de l’article est intéressant : d’une part, le directeur du service devra organiser les actions approuvées par le conseil d’administration dans le cadre du projet de service pluriannuel ; d’autre part, il devra garantir l’indépendance du médecin du travail.

Mes chers collègues, il arrivera fatalement un moment où cet édifice ne tiendra plus. Et les rédacteurs de ce texte le savent ! Il arrivera forcément un moment où le projet de service pluriannuel sera contredit par la réalité et où le médecin devra agir en tant que médecin indépendant et non en tant que salarié.

Que pourra alors faire le directeur du service ? Aller contre le conseil d'administration, ou mettre en œuvre une procédure de licenciement ? Mais le pourra-t-il seulement, sans mettre en jeu sa responsabilité de garant devant les prud’hommes ?

On voit bien que la volonté des rédacteurs de ce texte - des rédacteurs patronaux - est d’exonérer le président du conseil d'administration à l’origine exclusivement patronal de sa responsabilité, et de reporter celle-ci – avec les ennuis qui peuvent en découler – sur un salarié.

Voilà pourquoi nous demandons que l’article 25 undecies soit supprimé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc. Avis défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Avis défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 427.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1217, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

Rédiger comme suit cet alinéa :

La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complétée par un article L. 4622-14 ainsi rédigé :

II. - Alinéa 2

Remplacer la référence :

L. 4622-13

par la référence :

L. 4622-14

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit simplement d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Avis favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1217.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 428, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Les services de santé au travail interentreprises auront, si le texte est voté, non plus un directeur gestionnaire, mais un directeur organisateur, recruté par le président et agissant sous son autorité.

M. le rapporteur, dans un amendement bienvenu adopté en commission, a voulu rétablir une vraie parité et les conditions de la transparence dans la composition et le fonctionnement des conseils d’administration.

Toutefois, cela ne change rien au fait que ce sont les employeurs qui financent les SST.

De fait, le directeur leur devra sa rémunération et, contrairement aux médecins, il ne sera pas couvert par un dispositif de protection spécifique, que ce soit sur le plan déontologique ou sur le plan administratif.

On peut, d’ailleurs, se demander si, compte tenu du caractère particulier des missions des SST, il ne serait pas souhaitable d’assurer d’abord au directeur une protection contre le licenciement abusif. Après tout, celui-ci pourrait également entrer en conflit avec ses employeurs.

Et c’est précisément le directeur du service qui devrait être garant de l’indépendance du médecin ?

Outre l’absurdité juridique que cela représente, des questions simples se posent : comment le directeur fera-t-il pour garantir l’indépendance des médecins puisque sa propre indépendance n’est pas assurée ? Comment fera-t-il en cas de conflit entre le médecin et des membres du conseil d’administration ? Le directeur peut lui-même être sanctionné et licencié à tout moment selon les règles du droit commun. Voilà de quoi freiner sérieusement ses propres velléités d’indépendance !

Comment peut-on charger un salarié de garantir l’indépendance d’un autre salarié ? La réponse à cette question demeure mystérieuse. Seule la loi garantit l’indépendance. Or le code du travail assure déjà l’indépendance du médecin du travail. C'est la raison pour laquelle l’alinéa 2 nous semble véritablement superfétatoire.

Dans le cas spécifique des services de médecine du travail, ce qui est une évidence ailleurs cesse de l’être : vous remettez cette indépendance entre les mains d’un salarié qui, par définition, ne peut être lui-même indépendant puisqu’il est lié au président du conseil d’administration par un contrat de travail. Il est donc lui-même dans un lien de subordination juridique.

Au bout du compte, l’objectif est que plus personne ne soit indépendant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 525, présenté par M. Dériot, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase 

Remplacer le mot :

organise,

par les mots :

met en œuvre, en lien avec l'équipe pluridisciplinaire de santé au travail et

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’en reprends le texte au nom de la commission des affaires sociales, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1242, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 525.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement est tout d’abord d’ordre rédactionnel : « met en œuvre » paraît ici plus approprié qu’« organise ».

Il vise ensuite à marquer que l’action du directeur du service de santé au travail est exercée de manière cohérente et partagée, et qu’elle associe non seulement le président du service, mais aussi toute l’équipe pluridisciplinaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 428 ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 428 pour des raisons qu’Éric Woerth a exposées plusieurs fois dans cet hémicycle.

Vous souhaitez, monsieur le sénateur, ajouter une clause supplémentaire pour garantir l’indépendance des médecins du travail. Je peux comprendre vos inquiétudes, mais le texte ne contient aucune remise en cause des articles qui ont trait à l’indépendance de ces derniers. Au contraire, il introduit un article visant à garantir un peu plus cette indépendance.

Quelle que soit l’argumentation développée, même si l’on conteste le dispositif dans son ensemble, on ne peut pas nier que cet article n’a d’autre finalité que d’ajouter des garanties supplémentaires.

Le Gouvernement est en revanche favorable à l’amendement n° 1242 de la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 428.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je crois décidément que nous n’arriverons pas à nous comprendre.

Le code du travail est clair.

M. Jean-Pierre Godefroy. M. le ministre nous l’a encore rappelé dans la nuit de samedi à dimanche : le code du travail se suffit à lui-même.

Prévoir que le directeur du service de santé au travail est le garant de l’indépendance du médecin du travail posera un certain nombre de problèmes, et il est à craindre que, du fait de cette complexité nouvelle, l’affaire ne se termine devant les tribunaux.

Cet article permettra au président du conseil d’administration de s’exonérer de ses responsabilités - et je ne vise personne puisque, aux termes d’un article précédemment voté, il y aura alternance au fauteuil de la présidence -, car il existera désormais un « feutre » entre lui et le médecin du travail, à savoir le directeur du service de santé au travail, c'est-à-dire un salarié.

Devant les prud’hommes, ce salarié sera pris en sandwich entre le médecin du travail et le président du conseil d’administration puisque c’est à lui qu’aura été transférée l’obligation de garantir l’indépendance du médecin du travail alors qu’il n’en aura peut-être pas les moyens.

Maintenir la phrase que vise à supprimer l’amendement n° 428 est extrêmement périlleux, mais vous vous obstinez, ce qui m’inquiète d’autant plus.

Il est évident que vous voulez mettre un écran entre le président du conseil d’administration et le médecin du travail. Je suis persuadé que les juridictions auront à se prononcer, car le dispositif sera impossible à faire fonctionner.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiendrai les amendements de nos collègues socialistes.

Nous avons déjà eu ce débat à l’article 25 quater. Vous usez de votre talent de prestidigitateur pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes !

Nous savons très bien que les organisations professionnelles ne veulent pas de la réforme de la médecine du travail désirée par le patronat. On la fait donc passer ici en voulant nous faire croire que rendre le directeur du service de santé au travail garant de l’indépendance du médecin du travail suffira à garantir l’indépendance de la médecine du travail. Eh bien, pas du tout !

J’ai fait un parallèle à l’article 25 quater avec les magistrats : c’est comme si vous vouliez que l’indépendance des magistrats du parquet soit garantie par le ministre de la justice. Non, précisément, c’est tout le contraire !

C’est pourtant exactement ce que vous faites ici, de façon subreptice, avec la médecine du travail. Et vous ne manquez pas de talent, mais vos tours de magie ne nous empêchent pas de voir clair dans votre dispositif, qui est totalement contraire à l’indépendance des médecins du travail.

Il est ici nécessaire de supprimer cette phrase de l’article, mais, plus généralement, n’essayez pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes !

M. Guy Fischer. Ils n’y arriveront pas !

Mme Isabelle Debré. Tout à fait !

M. Charles Revet. Nous n’essayerons même pas ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 428.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1242.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 429, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement précédent. Il vise à supprimer la seconde phrase de l’alinéa 2 : « Le directeur est garant de l’indépendance du médecin du travail. »

Permettez-nous de vous rappeler les termes d’un communiqué du 25 juin 2010 du Conseil de l’ordre des médecins : « Il ne peut appartenir au directeur du service de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service. Le directeur doit se centrer sur un rôle de coordination et d’organisation du travail, indispensable au bon fonctionnement du service et doit être le facilitateur des missions que la loi confie au médecin du travail.

« Les objectifs locaux et les orientations doivent être mis en cohérence avec des objectifs nationaux. Ils doivent être élaborés et validés en commission médico-technique et ne peuvent porter atteinte à l’indépendance médicale. »

Voilà, fort bien exprimé, ce que nous ne cessons de répéter.

Le directeur du service a bon dos. À travers lui, ce sont bien les financeurs qui entendent prendre totalement la main. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 616 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf, Beaumont et Darniche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

indépendance

insérer le mot :

technique

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Il s’agit d’un amendement de précision. L’indépendance est médicale et technique, mais il existe toujours un lien contractuel avec l’employeur. Voilà pourquoi je propose d’insérer dans la rédaction le mot « technique ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement que M. Dominati est là pour mettre les choses au point !

M. le président. L'amendement n° 521, présenté par M. Dériot, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et des autres membres de l'équipe pluridisciplinaire

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’en reprends le texte au nom de la commission des affaires sociales, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1243, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et des membres de l'équipe pluridisciplinaire mentionnés à l'article L. 4622-8

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement vise à reprendre l’une des conclusions du rapport de la mission d'information sur le mal-être au travail.

Il paraîtrait anormal que les membres de l'équipe pluridisciplinaire qui ne sont pas médecins ne bénéficient, de fait, d'aucune garantie d'indépendance. Sans cette garantie d’indépendance, leur crédibilité par rapport aux salariés s’en trouverait affaiblie.

Cet amendement tend à pallier cette lacune.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 429 et 616 rectifié ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 429.

La commission est également défavorable à l’amendement n° 616 rectifié, la précision ne paraissant pas nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 429, pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 616 rectifié. Comme l’a souligné M. le rapporteur, une telle précision ne s’impose pas.

Quant à l’amendement n° 1243, le Gouvernement y est favorable. Il est cohérent de ne pas limiter la garantie d’indépendance à un seul membre de l’équipe – le directeur –, et de l’étendre à tous.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 429.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 616 rectifié.

M. Philippe Dominati. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 616 rectifié est retiré.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il était trop explicite !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 1243.

M. Jean-Pierre Godefroy. L’amendement de notre collègue Dériot partait d’une bonne intention, car il est tout à fait normal de vouloir protéger les membres de l’équipe pluridisciplinaire au même titre que le médecin du travail.

Cependant, la commission et le Gouvernement ont refusé, lors du débat que nous avons eu dans la nuit de samedi à dimanche, tous les amendements que nous avons déposés en ce sens.

Par conséquent, je me pose la question : lorsque vous inscrivez dans le texte que le directeur du service de santé au travail est garant de l’indépendance du médecin et des membres de l’équipe pluridisciplinaire, ne cherchez-vous pas à assimiler le médecin du travail à des personnels qui, pour l’instant, n’ont aucune garantie d’indépendance ?

Il existe pour moi une véritable ambiguïté dans cette rédaction.

Certes, il faut que l’indépendance des membres de l’équipe pluridisciplinaire soit garantie, mais il s’agit là de tout autre chose. Malgré la bonne volonté manifestée par Gérard Dériot, le texte de son amendement n’est pas une avancée. Il constitue même un recul pour le médecin du travail.

M. Jean-Pierre Godefroy. Inscrire simplement dans le texte que le directeur du service de santé au travail est garant de l’indépendance de l’équipe pluridisciplinaire pourrait à la limite être acceptable ; mais il ne faut pas associer l’indépendance du médecin du travail et celle de l’équipe pluridisciplinaire.

Il conviendrait soit de bien les distinguer, soit d’accepter de donner à l’équipe pluridisciplinaire la même indépendance que celle accordée au médecin du travail et, pour ce faire, il aurait fallu accepter nos amendements il y a quelques jours au lieu de les rejeter. Bien Évidemment, si vous le souhaitez, nous sommes tout à fait disposés à reprendre le débat sur l’indépendance de l’équipe pluridisciplinaire et à redéposer des amendements ou des sous-amendements dans ce sens !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. J’interviens pour compléter ce qui vient d’être dit par M. Godefroy.

Au cours des débats qui ont eu lieu en fin de semaine, nous avions demandé au Gouvernement de garantir aux personnels de cette équipe pluridisciplinaire une véritable indépendance, la même indépendance juridique que celle qui est accordée aux médecins.

Faire garantir cette indépendance par le directeur de service, au même titre que l’indépendance du médecin du travail, risque de constituer, en effet, une régression pour les médecins. De toute manière, la rédaction de cet amendement n’assurera en aucun cas l’indépendance juridique dont auront besoin les personnels de cette équipe pluridisciplinaire.

En ce sens, je voudrais remercier notre collègue Philippe Dominati : son intervention a au moins eu le mérite de nous éclairer tout à fait sur la nature de l’indépendance dont il est question ! Elle se situe exclusivement sur le plan technique et sur le plan médical. Il ne s’agit absolument pas de garantir aux médecins du travail l’indépendance telle qu’ils l’entendent, celle qui est la leur aujourd’hui, et qui s’apprécie sous l’angle juridique.

On le voit bien, les médecins du travail sont en danger.

Nous regrettons qu‘au cours du débat qui a eu lieu samedi vous n’ayez pas accepté les propositions que nous formulions visant à assurer l’indépendance juridique des personnels de cette équipe pluridisciplinaire. Mais qu’à cela ne tienne ! Peut-être pourrions-nous, monsieur le secrétaire d’État, saisir l’occasion de la seconde délibération qui aura bientôt lieu pour revenir sur la question ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1243.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'article.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, s’agissant de cet article 25 undecies, de toute évidence, vos propositions ne sont guère influencées par les pistes de réflexion élaborées par la mission d’information sur le mal-être au travail, qui a rendu son rapport le 7 juillet dernier.

M. Guy Fischer. Ils l’ont mis au placard !

Mme Raymonde Le Texier. Cette mission a fait des propositions et des recommandations précisément en ce qui concerne les acteurs de la prévention des risques professionnels.

Je cite le rapport : « Il convient surtout de renforcer la médecine du travail et les CHSCT. »

La mission défend, en effet, deux principes essentiels : d’abord, la nécessité de revaloriser la profession de médecin du travail ; ensuite, la réaffirmation de l’indépendance des services de santé au travail, ce qui pourrait être obtenu par leur rattachement à une structure paritaire.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, à quoi ont servi ces entretiens, ces déplacements, ces déclarations et ce rapport ? Visiblement, à rien ! Les mesures contenues dans votre projet de loi ne tiennent absolument pas compte de ces propositions !

Encore un paradoxe : la médecine du travail connaît une forte pénurie contre laquelle il faut activement lutter, alors qu’elle présente pourtant un fondement d’avant-garde, dans la mesure où elle est une spécialité de la prévention axée sur une valeur fondamentale dans notre société, le travail !

Malgré cela, c’est le démantèlement de la médecine du travail que vous êtes en train de mettre en œuvre ! Et cet article 25 undecies lui porte le coup de grâce.

L’indépendance du médecin du travail sera garantie par le directeur du service de santé au travail, lui-même désigné par les employeurs !

Alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi ces quelques questions : en quoi ce texte pallie-t-il la pénurie de médecins ? En quoi améliore-t-il la prévention des risques ? Comment pouvez-vous prétendre renforcer la prévention de la santé au travail en laissant s’éteindre la spécialité médicale de médecine du travail et en affaiblissant l’indépendance des médecins ?

L’essence même de la fonction de médecin du travail – la protection et la préservation de la santé des salariés – est en train de disparaître, et vous participez à la mise à mort !

L’indépendance du médecin du travail doit être attachée à sa fonction ; elle ne doit certainement pas dépendre de garanties données par un directeur, lui-même salarié !

Selon le rapporteur, « la mention de la garantie d’indépendance des médecins s’ajoute aux protections prévues aux articles L. 4623-4 à L. 4623-7 du code du travail et aux obligations déontologiques des médecins. » Eh bien, non ! Non seulement, les articles en question du code du travail ne font aucunement mention de l’indépendance des médecins du travail, laissant au code de déontologie médicale et à ses maigres articles 4 , 5 et 7 le soin d’en définir les contours, sans pour autant apporter de garanties solides, mais, en plus, cet article 25 undecies ne rajoute en rien une protection. Bien au contraire, il organise un véritable conflit d’intérêt.

Le médecin du travail voit son statut écorné, puisqu’il devient dépendant de l’employeur par le biais du directeur du service de santé au travail, alors qu’auparavant il était salarié protégé par l’inspecteur du travail.

Je reviens au rapport de la mission précitée : « La mention de la garantie d’indépendance des médecins doit être vue comme une manifestation explicite du fait que le directeur n’entravera pas les actions de santé au travail décidées par l’équipe en fonction de l’évolution des réalités de terrain, même si elles ne correspondent pas au programme d’action pluriannuel. »

Monsieur le ministre, l’indépendance des médecins du travail ne doit pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des SST.

Avant que vous nous renvoyiez dans nos buts comme vous l’avez fait samedi, je tiens juste à vous rappeler ces éléments concernant la prétendue indépendance des services de santé au travail.

Une enquête de novembre 2007 fait apparaître que, dans 66 départements, les services de santé au travail avaient la même adresse que le MEDEF ! La bonne connaissance de ces circuits a montré qu’il y avait souvent des arrangements en matière de location, de prêts de matériel et de personnels.

En réalité, voici ce que vous nous proposez : au lieu d’un système de protection, c’est à un système d’influence que nous devrons faire face, et ce, bien sûr, au détriment du salarié et de sa santé.

Grâce à vous, quand on parlera de médecine du travail, de santé au travail, on aura immédiatement des doutes quant aux questions de confiance, d’indépendance, de confidentialité !

Nous voterons contre cet article ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet lors de mon explication de vote sur l’article 25 quater, mais il n’est pas inutile d’y revenir à l’occasion de l’explication de vote sur cet article.

Il est patent que ce texte met fin à l’indépendance du médecin du travail à l’égard de son employeur. Cette dernière ne peut être garantie que par la loi et non par un directeur du service de santé dont on sait qu’il sera directement sous l’autorité du chef d’entreprise.

En outre, la référence à l’autonomie du médecin du travail, qui figurait dans le contrat liant ce dernier à l’entreprise dans laquelle il travaillait, disparaîtra.

C’est un élément de plus qui prouve bien que ce texte va changer radicalement le statut de la médecine du travail. Ce changement se fera au détriment des salariés, qui auront en face d’eux non plus un interlocuteur indépendant mais une personne liée au chef d’entreprise. Par conséquent, le médecin du travail ne pourra plus accomplir sa mission dans des conditions normales.

C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25 undecies, modifié.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés en faveur de l’adoption de cet article.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 57 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 182
Contre 153

Le Sénat a adopté.

Article 25 undecies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Rappel au règlement

Article 25 duodecies

(Non modifié)

Le chapitre V du même titre II est ainsi modifié :

1° Après le mot : « médicale », la fin de l’intitulé est ainsi rédigée : « de catégories particulières de travailleurs » ;

2° Il est inséré un article L. 4625-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4625-1. – Un décret détermine les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs applicables aux catégories de travailleurs suivantes :

« 1° Salariés temporaires ;

« 2° Stagiaires de la formation professionnelle ;

« 3° Travailleurs des associations intermédiaires ;

« 4° Travailleurs exécutant habituellement leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de leur employeur ;

« 5° Travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l’établissement qui les emploie ;

« 6° Travailleurs détachés temporairement par une entreprise non établie en France ;

« 7° Travailleurs saisonniers.

« Pour tenir compte de spécificités locales en matière de recours à des travailleurs saisonniers, l’autorité administrative peut approuver des accords adaptant les modalités définies par décret sous réserve que ces adaptations garantissent un niveau au moins équivalent de protection de la santé aux travailleurs concernés. »

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous continuons l’examen des dispositifs dérogatoires applicables, en matière de santé au travail, à des catégories particulières de travailleurs, parmi lesquelles les salariés temporaires, les stagiaires de la formation professionnelle et les travailleurs des associations intermédiaires.

Nous réaffirmons que c’est d’une médecine du travail au petit pied qu’il est question avec cet article 25 duodecies.

Et la discussion vient de montrer, abondamment, précisément, que la loi se refusait à créer les conditions du nécessaire dialogue social quant à la mise en place de services de santé au travail performants et utiles. Voici, en effet, que plusieurs millions de salariés vont être privés d’une véritable médecine du travail. Il est là, le problème.

À qui va-t-on faire croire, dans les faits, qu’on ne peut mettre en œuvre quelques principes généraux dans la loi, permettant de répondre aux prétendues difficultés techniques qui imposeraient le recours au décret ?

Pour ne prendre qu’un exemple, l’agriculture – un des sujets que je connais très bien - est un secteur d’activité fortement utilisateur de main-d’œuvre saisonnière. Que ce soit pour les moissons, pour les vendanges ou encore pour la cueillette des pommes dans le Finistère sud ou celle des olives en basse Provence, ce secteur embauche des saisonniers de manière régulière.

Certains de nos collègues, issus du monde rural, nous ont rappelé que la Mutualité sociale agricole disposait de services de santé au travail qui, par leur nature, suffisaient à dispenser le secteur de l’application des dispositions générales dont nous débattons.

Eh bien, si ces services sont opérationnels pour traiter de la situation sanitaire des salariés permanents du secteur agricole, ils le sont aussi, de notre point de vue, pour assurer le suivi des saisonniers.

Simplement, dans ce cas-là, il faut demander aux professionnels de mettre un peu plus d’argent au pot pour financer le service de santé au travail et de bien vouloir attendre, pour embaucher tel ou tel saisonnier, d’avoir eu le feu vert de ce même service. À moins, justement, que le décret ne vise à se dispenser de cette visite médicale d’embauche. La même remarque vaut pour les saisonniers du tourisme, soit dit en passant.

À compter du moment où les agences de Pôle emploi des stations touristiques recueillent la plus grande partie des offres d’emploi du secteur, rien n’empêche de concevoir que l’ensemble des employeurs de la même station soient mis à contribution, de manière citoyenne mais restant modique, pour faire face au coût de fonctionnement d’un service de santé au travail qui pourrait presque partager les locaux administratifs du service public de Pôle emploi. Et non pas ceux du MEDEF !

M. Guy Fischer. Le problème du recours au décret, nous le voyons bien, c’est que le Gouvernement ne souhaite aucunement ouvrir un round de négociations entre partenaires sociaux dans des secteurs où le patronat est souvent rétif à l’ouverture du dialogue social. Il suffit de voir ce qu’il en est pour l’intérim pour s’en rendre compte.

Le Gouvernement se trouve aussi dans une sorte d’obligation de gérer la pénurie de médecins du travail qui explique, de fait, que l’on sacrifie dans la loi la situation de plusieurs centaines de milliers de salariés, et singulièrement de jeunes, au « principe de réalité ». C’est d’ailleurs l’un des problèmes majeurs ici.

Mais ce principe de réalité est inspiré par le MEDEF et la CGPME, qui veulent bien de la médecine du travail, mais à condition qu’elle ne leur coûte pas plus cher qu’avant et qu’elle serve au mieux les contraintes de la production, c’est-à-dire la constitution du profit.

Nous ne voterons évidemment pas cet inventaire d’exceptions qu’est l’article 25 duodecies. Il augure mal de la lutte pour l’amélioration de la situation sanitaire des salariés et vient remettre en cause tous les travaux et recommandations de la mission d’information sur le mal-être au travail. C’est pour cela que nous sommes fermement opposés à cet article 25 duodecies. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 1034, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Madame David, pourriez-vous présenter en même temps les amendements déposés par votre groupe qui tendent à supprimer un à un les alinéas de l’article ?

Mme Annie David. Monsieur le président, je laisse à mes collègues le soin de défendre leurs amendements. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. C’est un sujet très important !

M. le président. Veuillez donc présenter l’amendement n° 1034, ma chère collègue.

Mme Annie David. En principe, les médecins du travail sont chargés de prévenir les risques liés aux conditions de travail et à l’emploi occupé afin d’éviter, je vous le rappelle, l’altération de la santé physique et mentale du salarié.

Pour près de 15 millions de salariés du secteur privé, il y a, en France, 6 00 médecins du travail, soit un médecin pour 2 300 salariés. Leur nombre est donc très largement insuffisant. À cela il faut ajouter que 75 % d’entre eux ont plus de 50 ans. Leur remplacement ne sera plus assuré dans quelques années.

Pour pallier ce manque, l’un des amendements déposés à l’Assemblée nationale et intégrés dans ce texte préconise le recours aux médecins de ville pour certaines professions comme les salariés à domicile, les artistes intermittents du spectacle, les VRP ou encore les mannequins. Rien que cela ! C’était l’objet de l’article 25 octies.

Guy Fischer vous a rappelé les catégories de salariés ici concernés : les salariés intérimaires, les stagiaires de la formation professionnelle, les saisonniers, les salariés détachés à l’étranger ou dans d’autres départements.

Une telle proposition pourrait - à l’extrême rigueur - avoir un sens si elle était temporaire, le temps de pallier la pénurie et de mettre en place un système de promotion des carrières de médecin du travail afin de permettre au contingent actuel de grossir et de retrouver une taille qui conduirait à un ratio médecin du travail-salarié plus élevé qu’aujourd’hui.

En inscrivant dans la loi de façon définitive cette dérogation, le Gouvernement ne fait qu’entériner cette pénurie en lui donnant une valeur normative.

On imagine assez facilement ce qui anime la majorité dans cette politique insensée : ne surtout pas générer de dépenses publiques supplémentaires en augmentant le contingent de médecins du travail. Nul besoin d’être particulièrement fin analyste pour le comprendre, puisque c’est le mot d’ordre du Gouvernement depuis deux ans.

Force est de constater que cette volonté de résorber les dépenses publiques frise la névrose obsessionnelle et, comme toute pathologie mentale, elle pousse le malade à commettre des actes incohérents et irrationnels.

Vous êtes-vous demandé combien coûtera à l’État le recours à des médecins de ville pour assurer ces missions en lieu et place des médecins du travail ? Nul ne le sait, puisque le Gouvernement ne voit que les postes qu’il ne crée pas.

En revanche, le Gouvernement semble ignorer les transferts de charge vers la médecine de ville, les effets différés d’un mauvais suivi médical sur les salariés et ses conséquences sur leur santé, et donc sur l’assurance maladie. Je regrette d’ailleurs que notre collègue Alain Vasselle n’ait pas plus posé de questions sur ce sujet à M. le ministre.

Nous nous opposons donc à cette politique incohérente, car nous jugeons que le seul moyen de garantir la santé des travailleurs, c’est d’augmenter le contingent et les moyens de la médecine du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Avis défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1034.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1035, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’application de la règle du moins-disant social semble bel et bien le cœur de cet article 25 duodecies, qui procède à une sorte d’inventaire à la Prévert des statuts de salariés ouvrant droit, pour les employeurs, à la mise en œuvre de dérogations au droit commun.

Il s’agit en effet de permettre que des dérogations soient appliquées au principe de participation des entreprises au financement des services de santé au travail pour un nombre relativement important de salariés.

Je ne vais pas ici dresser la liste de ceux de ces salariés qui peuvent, de manière tout à fait objective, être traités à l’égal des autres salariés, mais prenons quelques exemples.

Dans le cas du travail saisonnier, notamment en station touristique d’été ou d’hiver, n’est-il pas possible de demander aux entreprises commerciales ou hôtelières, pour ne donner que deux exemples, de verser leur écot pour financer le fonctionnement d’un service de santé implanté dans la station et destiné à recevoir et à traiter les saisonniers, dont le cas est spécifique ?

De même, pour ce qui concerne les travailleurs éloignés du site principal de leur entreprise, pourquoi ne pas prévoir, notamment si l’entreprise est couverte par un accord de branche, qu’elle participe, même sous forme de financement proratisé, au fonctionnement du service de santé de sa branche d’activité implanté dans le département où travaille le salarié éloigné ?

La loi doit-elle systématiquement parer au plus pressé ? Doit-on adapter la loi aux modes de fonctionnement d’une partie de l’entreprise, alors même que, dans d’autres cas, ce mode de fonctionnement n’interfère aucunement sur le traitement de l’entreprise ?

Ainsi, une entreprise du bâtiment qui dispose d’un dépôt de matériel géré par quelques salariés à plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres de son siège social est soumise à l’impôt local autant pour son siège social que pour la valeur de son établissement secondaire.

Ce sont donc de fausses raisons, présentées comme pratiques, qui sont à la base de ce qu’il faut bien appréhender comme une nouvelle illustration du moins-disant social.

Quand on sait que le travail de saison ou le contrat d’intérim représentent bien souvent les premières expériences professionnelles pour nombre de jeunes salariés, on mesure aisément les conséquences que peut avoir ce moins-disant social sur leurs conditions de travail et sur leur santé.

Nous ne pouvons donc, mes chers collègues, que vous inviter à adopter notre amendement pour réduire cet écart dans le traitement des salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Avis défavorable !

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Je suis désolée que cet amendement recueille des avis défavorables.

Selon une stratégie désormais bien connue, sous couvert d’humanisme et de souci du bien-être individuel des travailleurs, vous nous proposez un certain nombre de régimes dérogatoires. On l’a vu depuis le début de cette discussion.

Encore une fois, vous habillez votre article des meilleures intentions mais, lorsque l’on y regarde de plus près, les dispositifs semblent beaucoup plus favorables aux employeurs qu’aux salariés qui produisent leur richesse.

Nous l’avons dit, nous ne souhaitons pas discuter de la question éminemment importante de la médecine du travail. L’article 25 duodecies, à mesure que nous en discutons, témoigne de la complexité du problème posé. La médecine du travail mérite mieux que ces approximations. Elle nécessite par la concertation, par le débat, une véritable loi qui ne viserait pas uniquement à donner plus de pouvoir et de marges de manœuvre aux seules directions d’entreprises.

Il s’agit en effet pour le MEDEF de contrôler la santé au travail. Cet objectif est préparé dans la loi que vous défendez aujourd’hui qui prévoit, de surcroît, son application par décrets. Le nouvel article L.4625-1 stipule clairement en effet qu’« un décret détermine les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ». Il détermine ensuite les catégories de travailleurs concernés.

Votre but réel, avec ce chapitre, consiste en fait à éviter que certaines dispositions réglementaires prévues par le protocole d’accord sur la modernisation de la médecine du travail, proposé par le patronat, ne soient refusées au motif qu’elles introduisent une inégalité de traitement entre salariés. Ce chapitre, qui énumère une série de catégories particulières de salariés, ne vise en effet qu’à donner une valeur légale aux revendications du MEDEF telles qu’elles sont exposées dans ce protocole d’accord.

Notre amendement vise donc à supprimer cet alinéa et nous vous demandons une nouvelle fois de le voter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1035.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1036, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet article, ajouté par l’Assemblée nationale, prévoit la possibilité de dérogations réglementaires.

Nous nous y opposons, comme nous l’avons précisé précédemment. Ici, nous proposons la suppression de cet alinéa 2 dans le but d’empêcher ce que nous supposons inévitable.

Il paraît clair que les dérogations à la surveillance médicale des salariés se font toujours dans le sens d’un nivellement par le bas des prestations et de la surveillance offertes à ces salariés.

Les auteurs de cet article estiment qu’il pose les bases d’un régime de santé dont sont aujourd’hui dépourvues ces professions. Seulement, nous n’estimons pas cet argument suffisant, ni même valable quant à la légitimation d’éventuelles dérogations spécifiques propres à une catégorie de travailleurs. Accepter une telle différence de traitement c’est se justifier des inégalités que vous créez vous-mêmes.

Il faudrait, en effet, offrir un régime de santé et une médecine du travail similaires pour tous les salariés quel que soit leur statut. Il est techniquement, économiquement et socialement nécessaire de rendre possible cette volonté. La volonté suffit, nous l’avons, essayons de tous l’avoir pour point de départ !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Avis défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1036.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1037, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Nous vous l’avons déjà maintes fois expliqué, nous sommes opposés aux dérogations à la surveillance médicale des travailleurs, car nous savons bien qu’elles offrent toujours l’occasion d’un nivellement par le bas de la qualité de la médecine du travail due à ces salariés.

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, vous souhaitez déterminer par décret des règles qui, à l’évidence, vont à nouveau déroger au droit commun en matière d’organisation et de financement des services de santé au travail, ainsi que de suivi de l’état de santé des salariés qui, compte tenu des spécificités de leur contrat de travail, sont eux-mêmes placés en marge du droit commun du salariat.

Nous avons donc des raisons objectives d’être inquiets.

Nos approches de la médecine du travail sont diamétralement opposées : selon vous, votre projet de loi apporte un léger mieux, sous la forme d’un début d’ouverture de la médecine du travail aux catégories de travailleurs qui en étaient exclus ; selon nous, la même médecine du travail doit profiter à tous les travailleurs, quel que soit leur statut.

Nous défendons le développement et la consolidation des missions de la médecine du travail contre la dégradation et, encore une fois, la mise à mal d’un acquis social.

Nous sommes contre les régimes dérogatoires et il est donc nécessaire de supprimer cet alinéa.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1037.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1038, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous avançons dans un tunnel désespérant : les réponses…

Mme Annie David. Lapidaires !

M. Guy Fischer. … de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d’État sont inexistantes, mais cela nous permet de nous ressourcer !

M. David Assouline. Cela fait des jours et des jours que nous subissons cela !

M. Guy Fischer. Comme l’indique M. Leclerc dans son rapport, cet article 25 duodecies a été ajouté par l’Assemblée nationale. L’affaire s’est faite, on ne le répétera jamais assez, dans la précipitation, …

Mme Catherine Procaccia. Pas au Sénat !

M. Guy Fischer. … ce qui ne permettait pas un débat approfondi, du moins à l’Assemblée nationale, chère collègue. En effet, le Gouvernement a déposé ces amendements en séance et les députés ont été, en quelque sorte, mis devant le fait accompli.

Mme Odette Terrade. C’est la tactique !

M. Guy Fischer. L’alinéa 4 de cet article 25 duodecies précise qu’un décret détermine « les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail, ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de sécurité des travailleurs » applicables à certaines catégories de travailleurs, déterminées par cet article.

Tout au long de la discussion de cet article, nous dénoncerons l’effet d’annonce qu’il comporte. L’alinéa 4 conforte cette critique, car il renvoie à un décret, qu’il reste donc à élaborer et à publier, pour la mise en œuvre de l’organisation et, surtout, le financement de la médecine du travail pour ces nouvelles catégories de salariés.

Monsieur le secrétaire d’État, nous ne sommes pas dupes, ni sur la forme ni sur le fond : sur la forme, car moins de la moitié des décrets d’application sont pris après le vote d’une loi ; sur le fond, car la question cruciale du financement n’est pas réglée. Qui finance ? La sécurité sociale ou le patronat ?

M. Guy Fischer. Obligera-t-on le patronat, et avec quels moyens de contrainte, à créer des postes de médecin du travail ou transférera-t-on cette responsabilité à la médecine de ville, par exemple ? Nous connaissons la réponse, nous avons eu une longue discussion à ce sujet.

Le renvoi au décret d’application souligne donc le flou de ces dispositions et l’absence d’engagement législatif sur ce point. D’où la pertinence de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc. Défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est également défavorable, mais je m’en voudrais que M. le président Fischer ait le sentiment que, parce que nous avons émis des avis défavorables sans argumenter, nous n’avons pas d’arguments.

D’ailleurs, si le mot « défavorable » revient de manière répétitive dans notre bouche, il ne me semble pas que les arguments que j’entends en défense des amendements révèlent une originalité ou une inventivité particulières ! Vous me permettrez donc de vous objecter que nous respectons en quelque sorte le parallélisme des formes. (Sourires.)

Cela dit, monsieur le président Fischer, je vais vous donner deux ou trois informations générales valables pour toute cette série d’amendements.

S’agissant tout d’abord de la précipitation avec laquelle auraient été adoptées ces dispositions, je vous rappelle que les rapports rendus sur ces sujets datent d’avant 2008 et que les négociations se sont étendues sur 2008 et 2009 : vingt-quatre réunions de concertation ont été organisées pour la seule année 2009 et deux réunions du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, en 2009 et 2010. Si vous voyez de la précipitation dans cette procédure, j’y perds mon latin !

S’agissant ensuite des argumentaires eux-mêmes, disons les choses clairement : ce n’est pas parce que tout le monde passe sous la même toise que l’on peut considérer que la santé ou la sécurité au travail sont bien ou mieux protégées. Par exemple, l’accord du 26 septembre 2002 sur l’intérim a été signé par quatre organisations syndicales sur cinq : il prévoit des modalités de suivi adaptées pour les intérimaires, en leur permettant d’être suivis par le service médical de l’entreprise donneur d’ordre. Vous dénoncez des dérogations, mais on peut considérer qu’il s’agit d’aménagements ou d’ajustements à des situations particulières, et ils ne méritent pas un tel procès.

Au demeurant, soyons concrets – si nous ne le faisions pas, nous resterions dans un procès d’intention – : les amendements du Gouvernement permettent une adaptation des modes de suivi de la santé au travail en faveur de certaines catégories de salariés dont nous souhaitons précisément améliorer le suivi.

Permettez-moi de citer quelques exemples : pourquoi s’offusquer de permettre aux salariés des sous-traitants d’être suivis dans certaines conditions particulières par le service médical du donneur d’ordre, comme je viens de l’évoquer au sujet de l’accord de 2002 ? Pourquoi ne pas permettre, dans certains cas, aux salariés itinérants d’être suivis en un lieu géographiquement proche de leur lieu d’activité professionnelle ? Pourquoi ne pas valider des réponses intéressantes en termes de suivi des saisonniers et des intérimaires qui ont été mises en place par des accords ?

Pour conclure, vous dénoncez des dérogations, en donnant le sentiment que nous serions pleins d’arrière-pensées. Or nous répondons simplement au souci d’introduire des ajustements, compte tenu de situations professionnelles particulières, afin de permettre un meilleur suivi et un meilleur développement de la médecine au travail.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur tous ceux de cette série.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je souhaite soutenir cet amendement et relever la pertinence des arguments de nos collègues du groupe CRC quant à la méthode.

Je rappellerai tout d’abord que la pratique consistant, pour le Gouvernement ou sa majorité à l’Assemblée nationale, à déposer des amendements en séance, fait que le Sénat n’est pas saisi au fond de modifications législatives qui ne vont jamais dans le bon sens. C’est par cette méthode qu’ont été adoptées la suppression des droits d’auteur des journalistes, pour peu que le même patron de presse reprenne l’article dans un autre titre lui appartenant ; la suppression de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, ou plutôt sa fusion avec l’AFSSA, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, nettement plus complaisante ; aujourd’hui, la remise à plat de la médecine du travail.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait allusion à de nombreux rapports. Mais il faut, une fois de plus, rappeler ici que le Sénat a discuté en janvier 2008 une proposition de loi de Michelle Demessine. La majorité sénatoriale est largement intervenue par la voix de Mme Desmarescaux et le point de vue du Gouvernement était défendu par Mme Létard. Tout le monde était arrivé à des positions convergentes sur l’indépendance, le financement et la protection de la médecine du travail, positions que nous ne retrouvons absolument pas dans votre texte.

Ensuite, sur le fond, vous nous dites que soumettre tous les salariés au même régime n’est pas forcément une garantie de sécurité et que votre texte ne mérite pas un tel procès, nous citant quelques exemples d’ajustement qui peuvent paraître pertinents. Mais justement, s’ils sont pertinents, pourquoi ne pas l’écrire noir sur blanc dans la loi…

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Parce que cela relève du pouvoir réglementaire !

Mme Marie-Christine Blandin. … afin que nous puissions les évaluer et relever, avec notre connaissance du terrain, ce qui ne va pas ?

Je soutiendrai donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Il est certain que nous ne pourrons jamais nous rapprocher de la position du Gouvernement sur ces questions.

Dans le cas présent, nous avons insisté, parce qu’il s’agit de la situation faite aux plus précaires, c’est-à-dire les travailleurs temporaires, les stagiaires, les saisonniers, les ouvriers prêtés par leur entreprise à une autre, ou détachés temporairement.

Nous considérons que vous consacrez, en fait, une intolérable inégalité de traitement entre les salariés.

Je ne veux pas revenir sur les fondements de la loi de 1946 créant la médecine du travail qui, à notre sens, conserve dans ses principes une valeur que je n’oserais qualifier de « révolutionnaire » (Exclamations ironiques sur les travées de lUMP), parce que je sais que je susciterai toujours les rires, même si je le pense profondément. Nous voyons bien que le rapport de force avec un MEDEF et une CGPME ultracombatifs devient de plus en plus dur et qu’il est de plus en plus difficile de leur faire prendre en compte la réalité des besoins des salariés.

Je rappellerai que le collectif « Sauvons la médecine du travail » n’hésite pas à dénoncer une pénurie organisée. On ne forme que 50 médecins du travail par an. Ils sont 6 000 aujourd’hui et ne seront plus que 1 000 dans cinq ou six ans, car cette population est vieillissante et non renouvelée. On peut en cela faire le parallèle avec la médecine scolaire, complètement sacrifiée.

M. Guy Fischer. Ce collectif, que nous avons reçu, nous a donné des exemples de pratiques qui démontrent qu’une réforme pas encore adoptée a commencé à être mise en application : ici ou là, des visites périodiques sont confiées à des infirmières, dont ce n’est pas le travail ; des budgets sont gelés en attendant la réforme, car certains espèrent que les visites périodiques disparaîtront bientôt et qu’ils pourront confier cette mission à des prestataires extérieurs privés !

Les employeurs demandent de plus en plus aux médecins de traiter des sujets non gênants pour eux, comme la lutte contre l’alcoolisme, ou de mener des campagnes sur le port du casque ! Cette altération de la médecine du travail est consternante, au moment où l’on assiste à la montée en flèche des risques psychosociaux et des maladies professionnelles.

Aujourd’hui, disent encore ces praticiens, fiers de leur métier, le médecin du travail ne se contente pas de déclarer un salarié « apte » ou « inapte », car il peut prononcer la déclaration d’aptitude sous réserve d’une adaptation ou d’un aménagement du poste de travail, ce que les employeurs n’apprécient guère. Ces praticiens craignent de ne plus pouvoir obliger l’employeur à adapter, demain, le poste à l’état de santé du salarié.

J’en conclus, mes chers collègues, qu’il ne faut à aucun prix donner le pouvoir aux employeurs en la matière. Demander à un employeur de s’occuper de la médecine du travail équivaudrait à demander aux fabricants de tabac d’organiser les campagnes anti-tabac,…

Mme Marie-Christine Blandin. Nous n’en sommes pas loin !

M. Guy Fischer. … nous n’en sommes pas loin, en effet (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste), ou encore, à « donner au renard les clés du poulailler » (Protestations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste),…

M. René Garrec. Il n’y a pas de clé !

M. Nicolas About. Ou à confier le capital au parti communiste !

M. Guy Fischer. … comme l’ont dénoncé la FNATH, l’association des accidentés de la vie, et l’ANDEVA, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante.

Il faut absolument que le contre-pouvoir soit maintenu et il faut, surtout, que le médecin du travail puisse continuer à s’entretenir seul avec le salarié. Pour ce faire, il ne faut pas, à mon sens, renforcer les visites sur place ou sur poste, car la présence de l’employeur et des autres salariés contrevient au secret médical. En outre, ces visites pourraient contribuer à faire du médecin du travail un simple gestionnaire du risque... ce à quoi vise précisément cette réforme !

Avec Annie David, François Autain, Marie-Agnès Labarre et Odette Terrade, nous avons entretenu un dialogue fructueux avec ces praticiens pour préparer l’examen de ce projet de loi. Vous voyez que nous avons poussé très loin ce dialogue afin de pouvoir vous en restituer les éléments à l’occasion de la défense de cet amendement et d’une explication de vote.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1038.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1039, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous avons bien entendu, monsieur le secrétaire d’État, vos propos sur le parallélisme des formes et sur le fait que nous ne nous renouvelons pas forcément dans nos explications. Mais, tout de même, cet article 25 duodecies concerne plusieurs millions de salariés et leur santé au travail. Nous donnons peut-être l’impression de répéter certaines choses,…

M. Nicolas About. C’est vrai !

Mme Annie David. … mais nous intervenons, à chaque fois, sur des catégories différentes de salariés.

En l’occurrence, je veux évoquer ici les salariés intérimaires, qui – c’est l’un des principes de base de notre droit du travail – ont les mêmes droits que les autres travailleurs. Ce principe, évidemment, ne vous convient pas et vous voulez mettre en place des mesures dérogatoires, non pas pour améliorer leur situation, mais bien pour la dégrader.

En effet, pendant les missions temporaires, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail. Le salarié temporaire est rattaché, quant à lui, au régime général de la sécurité sociale. Les cotisations patronales sont à la charge de l’entreprise de travail temporaire.

S’agissant de l’examen d’embauche, c’est le médecin de l’entreprise de travail temporaire qui en a la charge et, si le poste de travail nécessite un examen médical spécial, l’avis du médecin de l’entreprise utilisatrice est requis selon la nature du poste, exposition au plomb, au bruit ou à des produits dangereux. Le médecin de l’entreprise utilisatrice émet alors les avis d’aptitude ou d’inaptitude au poste.

Les examens annuels ou de reprise sont effectués par le médecin de l’entreprise utilisatrice tant que le salarié occupe le poste. Dans le cas contraire, le suivi médical est effectué par la médecine du travail de l’entreprise de travail temporaire.

C’est la règle aujourd’hui, et c’est une règle qui fonctionne !

Mais qu’en sera-t-il, demain, avec cet article 25 duodecies, qui tendrait à faire des salariés intérimaires des salariés à part ?

Pour éviter une succession de visites à chaque nouvelle mission, l’examen médical comporte la vérification d’une aptitude à plusieurs emplois dans la limite de trois. Cette vérification sera-t-elle maintenue ? J’en doute !

Il en va de même pour la visite d’embauche, qui est effectuée par le médecin du travail de l’entreprise de travail temporaire. L’entreprise utilisatrice sera-t-elle toujours en mesure d’informer l’entreprise de travail temporaire des particularités du poste à pouvoir ?

À ce jour, lors de la signature du contrat de mise à disposition, les informations sur le poste de travail doivent être communiquées à l’entreprise de travail temporaire, aux médecins du travail de l’entreprise de travail temporaire et de l’entreprise utilisatrice. Qu’en sera-t-il demain si cet article est adopté et fait des intérimaires des salariés à part ?

Il faut savoir que la médecine du travail n’a pas seulement la charge du contrôle individuel du salarié. Son action comporte également une dimension collective.

Les salariés affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité, ainsi que d’un accueil adapté dans l’entreprise au sein de laquelle ils sont occupés. En effet, vous devriez le savoir, monsieur le secrétaire d’État, le risque principal pour eux est celui d’une accidentologie plus importante que la moyenne pour les postes d’ouvrier.

Voilà ce que je voulais ajouter à propos des conditions de travail des salariés intérimaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. En fait, quelque chose m’échappe… Comme M. le secrétaire d’État vient de nous le dire, les salariés temporaires sont maintenant couverts par un accord datant de 2002. L’alinéa 5 de l’article 25 duodecies permet en fait de préserver cet accord entre les différents partenaires sociaux. Il apparaît donc impensable de le supprimer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Il est également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1039.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1040, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez fait référence aux accords de 2002, monsieur le rapporteur. Dans les faits, le principe est précisément de moins en moins respecté, tant le recours au travail précaire s’est développé. Ainsi, certaines catégories de salariés, tels que les stagiaires, les saisonniers, les intérimaires, ne restent pas assez longtemps en poste ou sont trop physiquement éloignés de leur employeur pour bénéficier de ce suivi.

Voilà la réalité !

La situation est inquiétante, puisqu’une proportion de plus en plus considérable de travailleurs ne peut bénéficier d’un suivi médical approprié, d’un suivi par la médecine du travail.

Il y a donc besoin d’une réforme, mais celle que vous proposez est, une fois encore, refusée par les organisations professionnelles. Or vous essayez de la faire entrer au chausse-pied dans la réforme des retraites. Cela ne convient absolument pas !

Vous multipliez les dérogations, ce qui conduira à une diminution du nombre des personnes soumises à la médecine du travail et les autres passeront alors par la médecine de ville. En outre, vous prétendez vouloir proposer un suivi par la médecine du travail à des personnes qui en étaient auparavant exclues, et ce à budget constant. Convenez qu’il y a un problème…

En fait, vous ne dites pas la vérité !

La vérité, c’est que vous voulez supprimer, à terme, la médecine du travail telle qu’elle existe aujourd’hui, c’est-à-dire une médecine du travail réellement indépendante des employeurs.

Si nous parlions de la réalité, on comprendrait peut-être pourquoi nous critiquons et continuerons de critiquer votre projet, que cela vous plaise ou non, projet sur lequel nous sommes en total désaccord.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La disposition sur laquelle porte cet amendement n° 1040 permet, enfin, de prévoir une médecine du travail pour les stagiaires de la formation professionnelle. Je n’ai jamais entendu dire, je n’ai jamais lu, qu’elle prévoirait un passage par la médecine de ville.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1040.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1041, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Trop souvent, la réponse apportée à de nombreux médecins du travail qui mettent en évidence des risques professionnels importants et les moyens de les prévenir est la même : trop cher, trop coûteux.

Les échafaudages ? Trop cher !

Les aspirations pour les poussières de bois ? Trop cher!

Diminuer les cadences et adapter les postes de travail des ouvriers ? Trop cher !

Laisser prendre des pauses ? Trop cher !

Réparer la machine qui sort des pièces non conformes ? Trop cher ! On préfère faire porter la responsabilité sur ceux qui contrôlent les pièces : ils font trop de « non-conformités » ou laissent passer trop de défauts… Ça, c’est moins cher !

Faire du désamiantage dans les normes ? Trop cher !

Évacuer les fumées de soudage ? Trop cher !

Prévoir de meilleurs délais pour les chantiers, afin de faire face aux aléas ? Trop cher !

Oui, monsieur le ministre, la prévention a un coût. Mais un mort sur un chantier a aussi un coût et les 150 000 morts de l’amiante ont aussi un coût. Et ce n’est ni en remplaçant les médecins du travail par des médecins de ville, qui n’ont pas les mêmes capacités pour analyser les risques liés au travail, ni en mettant les médecins du travail sous tutelle des employeurs, que l’on va changer quoi que ce soit !

L’indépendance des médecins du travail, souvent prônée pour défendre le métier, leur sert à pouvoir mettre le doigt là où la prévention sera la plus efficace : poussières de bois, travail en hauteur, risque chimique, etc. Les projets transversaux ont un intérêt, mais les médecins de ville n’ont pas les mêmes capacités ni les mêmes connaissances que des médecins du travail expérimentés.

À l’heure de la hausse du nombre des accidents, des maladies professionnelles et des suicides au travail – comme cela a été révélé à France Télécom –, à l’heure de la hausse des accidents cardiaques et vasculaires liés au stress et à la souffrance au travail, à l’heure où dérivent les méthodes de management et leurs exigences dévorantes de productivité, faut-il affaiblir ou renforcer la médecine du travail ?

Vous connaissez notre réponse et c’est pour cela que nous demandons la suppression de ces dérogations, qui n’apporteront qu’un nivellement par le bas de la prise en charge de la santé des travailleurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il est défavorable, car les dispositions relatives aux travailleurs des associations intermédiaires, prévues au septième alinéa de l’article 25 duodecies, sont applicables par voie réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1041.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1042, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Cet alinéa vise les travailleurs exécutant leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de leur employeur.

On peut craindre pour ces salariés, comme pour les autres travailleurs concernés par les régimes dérogatoires prévus par cet article 25 duodecies, qu’ils ne soient soumis à une médecine du travail au rabais.

En gravant dans le marbre le principe du régime dérogatoire, le Gouvernement se refuse à imposer à l’ensemble des travailleurs une réelle égalité de traitement. C’est un choix politique, avec lequel nous ne sommes évidemment pas en accord.

Le rôle du médecin sera, par ailleurs, biaisé par l’exclusion de ces salariés du régime de droit commun de la médecine du travail, qui vaudra pourtant pour les autres salariés de leur entreprise d’origine.

Dans son rôle de prévention des risques d’atteinte à la santé des travailleurs, le médecin du travail doit pouvoir suivre tous les salariés d’une même entreprise pour être véritablement efficace dans ses démarches et dans ses propositions.

Les problèmes de ceux qui accomplissent leur contrat de travail dans une autre entreprise que celle qui les emploie ne seront pris en compte ni dans cette entreprise ni dans celle où ils travaillent réellement. Ils vont rester au milieu du gué !

Or, monsieur le ministre, plutôt que de faire face au problème, vous préférez créer des exceptions parce que l’on connaît une pénurie de médecins du travail, le nombre de professionnels de santé par salarié ne cessant de diminuer.

À l’heure des suicides au travail, à l’heure de la hausse du nombre d’accidents cardiaques et vasculaires liés au stress, à l’heure où dérivent les méthodes de management et leur exigence inhumaine de productivité, oui, est-il opportun d’affaiblir la médecine du travail ?

Nous vous répondons par la négative. En effet, nous revendiquons la même médecine du travail pour tous les travailleurs, quel que soit leur statut, et nous nous opposons à votre méthode qui abaisse une médecine du travail déjà insuffisante et incapable d’accomplir correctement sa mission.

La santé de ces salariés qui exercent dans une entreprise différente de celle qui les emploie n’est pas plus négociable que celle des autres travailleurs.

Tel est le sens de cet amendement. (Mme Odette Terrade applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur Autain, les travailleurs concernés par l’alinéa 8, comme ceux qui le sont par l’alinéa 7, bénéficient des dispositions spécifiques inscrites dans la partie réglementaire du code du travail.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis !

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1042.

M. François Autain. Monsieur le président, je demande la parole pour explication de vote. (Exclamations sur certaines travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Charles Revet. Soyez raisonnable, monsieur Autain !

M. René Garrec. On a tout compris !

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 1042.

M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous l’avons déjà indiqué, l’article 25 duodecies est, pour nous, inacceptable.

En effet, on l’aura bien compris, l’architecture globale du projet de loi vise à modifier profondément la fonction de médecin du travail pour l’adapter aux objectifs du Gouvernement en matière de retraite et, plus particulièrement, de gestion de la pénibilité.

Ce sera au médecin du travail de déterminer, au moins pour une partie, si la situation du salarié peut entrer dans le cadre de la pénibilité individualisée – cette pénibilité étant, je le rappelle, fondée sur le handicap.

D’ailleurs, nous ne dirons jamais assez notre hostilité fondamentale à ce détournement profond du sens du mot « pénibilité ».

L’idée de pénibilité du travail doit être collective. C’est un corps de métier dans son ensemble qui est exposé à la dureté, à la violence du travail et à ses conséquences, visibles dans l’immédiat ou non, sur l’organisme humain.

L’article 25 duodecies offre l’apparence d’un « plus » pour les salariés non couverts actuellement par la santé au travail, alors qu’en réalité il s’agit d’une diminution constante des moyens dont dispose la santé au travail.

Cet article relève de l’effet d’annonce, monsieur le ministre, et nous aimerions que vous expliquiez comment vous comptez, concrètement, permettre aux travailleurs concernés par l’alinéa 8, que vise notre amendement, c’est-à-dire aux travailleurs exécutant habituellement leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de leur employeur, de bénéficier des prestations d’un médecin du travail ?

Compte tenu de l’heure, je comprendrais, monsieur le ministre, que vous ne nous répondiez pas immédiatement…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1042.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais indiquer aux membres de la commission que nous avons quatre amendements du Gouvernement à examiner. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Encore !

Mme Annie David. Voilà de nouveaux mauvais coups du Gouvernement !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je propose que nous nous réunissions ce soir, immédiatement après la suspension de la séance.

Mme Annie David. Ne peut-on pas en avoir connaissance ?

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Ils sont en ligne depuis trois jours !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour un rappel au règlement.

Article 25 duodecies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 25 duodecies

M. Michel Billout. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.

Je souhaite vous informer, monsieur le président, que s’il se confirme que le Gouvernement tente de remettre en cause l’exercice du droit de grève, inscrit dans la Constitution, nous demanderons la suspension de nos travaux.

En effet, alors que la majorité de la population s’oppose à la réforme des retraites, qu’elle le fait savoir à travers des manifestations d’ampleur historique et qui ne faiblissent pas, ainsi que par des mouvements de grève importants et prolongés, certains préfets organisent de véritables tentatives d’intimidation à l’égard des salariés grévistes.

Ainsi, dans le département dont je suis l’élu, la Seine-et-Marne, la raffinerie Total de Grandpuits est en grève, comme toutes les autres du pays. Or, hier matin, le préfet a pris un arrêté de réquisition des personnels de cet établissement pour « procéder au chargement et à la livraison des clients de la raffinerie ».

Si l’on peut accepter le principe de réquisition du personnel pour assurer la sécurité d’une installation industrielle classée ou pour permettre la fourniture de carburants aux véhicules chargés de la sécurité des personnes, la motivation de l’arrêté préfectoral est clairement en contradiction avec la réglementation du droit de grève, garanti par notre Constitution.

En effet, nous sommes loin des conditions d’urgence, d’atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique requises par l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales.

La remise en cause du droit de grève et la pression policière actuellement exercée à l’encontre des salariés de la raffinerie de Grandpuits sont donc injustifiables. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Rendez-vous sur place, chers collègues !

M. Gérard Longuet. Pour faire le plein ?

M. Michel Billout. L’attitude du préfet de la Seine-et-Marne est inqualifiable. Son arrêté doit être rapporté. Je suis bien conscient des grandes difficultés rencontrées par nos concitoyens en raison de la pénurie de carburant. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Mme Catherine Dumas. C’est vous qui les empêchez de travailler !

M. Charles Revet. C’est vous qui suscitez ces difficultés !

M. Michel Billout. Mais il faut voir clairement les causes de la montée du conflit social. Avec son autisme et, maintenant, le recours à la force, le Gouvernement est responsable de cette situation !

M. Charles Pasqua. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Michel Billout. Le Gouvernement doit donc aujourd’hui retirer son projet de loi portant réforme des retraites, ouvrir de véritables négociations avec les partenaires sociaux et saisir le peuple de cette question importante que représente l’avenir de notre système de retraites.

M. le président. Monsieur Billout, votre intervention n’est pas un rappel au règlement !

M. Michel Billout. Le droit de grève, monsieur le président, est reconnu par la Constitution ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article additionnel après l'article 25 duodecies (réservé)

Article 25 duodecies (suite)

M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 25 duodecies.

L'amendement n° 1043, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L’alinéa 9 de cet article vise des salariés exécutant leur contrat de travail dans un autre département que celui où se trouve l’établissement qui les emploie. Il peut aussi concerner ceux, de plus en plus nombreux, qui exercent leur activité selon la formule du télétravail.

Vous allez donc exclure tous ces salariés du régime de droit commun de la médecine du travail, monsieur le ministre. Alors que les syndicats œuvrent depuis plusieurs décennies au rapprochement des divers régimes de prise en charge des questions de santé au travail pour créer un service de médecine du travail harmonisé avec les multiples particularités des systèmes de prévention, vous rompez, au travers de cet alinéa, avec le principe de l’unicité de la médecine du travail au sein d’une même entreprise.

Tous les travailleurs, quel que soit leur statut, doivent disposer des mêmes droits à la prévention en matière de santé au travail tout au long de leur parcours professionnel. Or certains salariés seront laissés pour compte par rapport à d’autres au sein même des entreprises, ce qui constitue une inégalité de traitement des plus flagrantes. Je ne rappelle pas seulement ici un principe : cette réforme peut avoir des effets concrets désastreux – je pense à toutes les conséquences de la pression au travail et aux problèmes psychosociaux qui, aujourd'hui, se révèlent de manière tout à fait dramatique dans les entreprises. Lorsque les salariés sont isolés, ils n’ont absolument plus aucune possibilité d’être suivis médicalement.

Il est donc nécessaire que le travailleur détaché de l’entreprise soit soumis au même service de santé que les autres salariés de celle-ci. Si tel n’est pas le cas, par exemple, son médecin du travail ne sera pas au courant de la situation des autres salariés, alors qu’il devrait l’être pour pouvoir faire face, dans sa mission de surveillance, à des problèmes collectifs affectant la santé des travailleurs, comme le harcèlement moral ou les risques psychosociaux.

Au lieu de faire respecter la loi afin d’imposer une même médecine du travail pour tous, quelles que soient les difficultés d’application des textes, vous créez une sorte de pis-aller pour les salariés visés par cet alinéa, comme pour tous ceux qui sont concernés par l’ensemble de l’article.

Monsieur le ministre, j’ai évoqué, lors de précédents débats, les drames de l’amiante. Il ne faudrait pas que les problèmes psychosociaux, que l’on voit de plus en plus souvent survenir dans nos entreprises, ou l’exposition aux produits cancérogènes, mutagènes et reproductibles deviennent les prochains drames du monde du travail. Il faut être très attentif à la santé des travailleurs dans l’emploi, quels que soient le statut de ces derniers, leur lieu de travail et les dépenses que peut entraîner, pour l’État, le fonctionnement des services de santé au travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ma chère collègue, si nous vous suivions et supprimions cet alinéa, nous ôterions toute base légale aux dispositions réglementaires qui concernent ces travailleurs éloignés. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1043.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1044, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. L’article 25 duodecies, issu de l’adoption d’un amendement déposé en séance publique à l’Assemblée nationale, donne un fondement légal aux dérogations réglementaires existantes ou pallie l’absence de dispositions relatives à la santé au travail pour plusieurs professions ne disposant pas de représentation spécifique à l’échelon des branches.

Nous rappelons notre opposition aux régimes dérogatoires. En effet, nous savons bien que les dérogations au régime de la surveillance médicale des travailleurs entraînent toujours un abaissement des protections offertes par le droit existant. Plus particulièrement, monsieur le ministre, votre réforme va dans le sens d’un renforcement de la dépendance de la médecine du travail à l’égard de l’entreprise, afin de conforter juridiquement la position des employeurs et de prévenir des recours éventuels.

Avec votre réforme, la médecine du travail deviendra aussi, dans le schéma qui est le vôtre, la cheville ouvrière du démantèlement de la reconnaissance collective de la pénibilité par l’affirmation de l’incapacité individuelle.

En ce qui concerne le présent article, nous pourrions considérer qu’il apporte un très léger mieux. Toutefois, nous ne pouvons nous contenter de si peu.

Par cet amendement, nous réaffirmons notre volonté de renforcer l’indépendance de la médecine du travail à l’égard des employeurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Si nous suivions notre collègue, que deviendraient toutes les dispositions réglementaires qui concernent les travailleurs visés ? La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1044.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1045, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. À en croire M. le ministre, ce texte marquerait « une avancée considérable pour la médecine du travail ».

On peut s’étonner que l’on nous propose, avec cet article 25 duodecies, de donner un fondement légal à des dérogations réglementaires existantes, donc de contrevenir de nouveau, en matière d’organisation, de financement des services de santé au travail et de suivi de l’état de santé des salariés, à des règles que le contrat de travail place déjà à la marge du droit commun du salariat. Objectivement, nous avons toutes les raisons d’être inquiets, d’autant que tout se fera par un décret dont nous ne savons rien, comme d’habitude.

Pour ce qui concerne les travailleurs saisonniers, le code du travail prévoit pourtant bien une prise en charge par la médecine du travail. Nous ne sommes donc pas face à un vide juridique. Ces travailleurs sont assujettis aux mêmes risques, donc aux mêmes réglementations, que les salariés permanents, et les entreprises ont les mêmes obligations légales à leur égard. S'agissant de la médecine du travail, les obligations de visites d’embauche et de reprise sont donc les mêmes que pour les salariés permanents, avec les mêmes délais.

Dans les faits, compte tenu de la mobilité des saisonniers, leur suivi est plus compliqué à assurer : certains ne répondent pas aux convocations, car celles-ci leur sont envoyées en fin de saison ; d’autres n’ont pas été convoqués, faute de temps et de personnel pour assurer les consultations, dont les horaires sont très souvent en décalage avec les horaires de travail des saisonniers.

Il faut donc réfléchir aux moyens, pour la médecine du travail, d’entrer en contact avec les travailleurs saisonniers. Pourquoi ne pas mettre en place des antennes mobiles ? Il faut faire plus et mieux en matière de médecine du travail, mais ce n’est pas le chemin que vous prenez avec votre réforme !

En l’absence de garanties quant au contenu de ce décret qui déterminera tout de même, je le rappelle, l’organisation, le choix, le financement – les employeurs continueront-ils à l’assurer ? – du service de santé au travail et les modalités de surveillance de l’état de santé de ces travailleurs, nous craignons que ne se mette en place une sous-médecine du travail, cette fois consacrée par la loi. Sinon, monsieur le ministre, pourquoi prévoir un décret spécifique et ne pas donner à la médecine du travail, tout simplement, les moyens de prendre en charge de manière satisfaisante les travailleurs saisonniers ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Si l’on vous suivait, ma chère collègue, il serait impossible de mettre en place un service de médecine du travail pour les travailleurs saisonniers. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1045.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 430, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 12

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Ces travailleurs bénéficient d'une protection égale à celle des autres travailleurs.

« Des règles et modalités de surveillance adaptées ne peuvent avoir pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le présent code. »

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous sommes évidemment réservés sur cet article relatif aux modalités d’organisation et de financement du service de la médecine du travail et de surveillance de l’état de santé des travailleurs de certaines catégories.

Cela étant, chacun voit bien les difficultés pratiques de mise en œuvre d’une surveillance médicale de certains travailleurs. Elles peuvent résulter de l’éloignement géographique de salariés détachés par une entreprise installée dans un autre pays ou de l’éloignement de l’entreprise elle-même. Il faut reconnaître cette situation, sans toutefois être naïf.

Nous proposons donc d’insérer deux précisions dans l’article : l’une de principe, indiquant que ces travailleurs bénéficient d’une protection égale à celle des autres travailleurs ; l’autre de portée pratique, prévoyant que ces règles et modalités de surveillance adaptées ne peuvent avoir pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux.

Nous sommes en accord, sur ces deux points, avec le plan santé au travail 2010-2014, qui préconise de cibler la prévention sur certaines branches particulièrement exposées, mais aussi sur certains publics, au nombre desquels figurent ceux qui sont mentionnés à l’article 25 duodecies. Cette priorité est-elle compatible, monsieur le ministre, avec des dispositions dérogatoires ?

Le plan santé au travail 2010-2014 préconise aussi une meilleure intégration des problématiques liées à la co-activité et à la sous-traitance. Je ne sais pas si ces préconisations seront suivies d’effet, mais il est certain qu’il est plus que temps de se préoccuper de ces travailleurs précarisés et itinérants.

Dans les branches où la pénibilité est la plus élevée, l’externalisation des activités à risques s’est considérablement développée. Il en résulte une sous-traitance en cascade, qui externalise aussi la hausse des cotisations à la branche accidents du travail-maladies professionnelles. C’est une véritable armée de réserve de travailleurs voués à la précarité, à la sous-rémunération, aux mauvaises conditions de travail et à une flexibilité effarante de l’emploi qui s’est constituée.

Les conditions de vie et de travail de ces salariés migrants et temporaires, qui relèvent précisément des catégories énumérées dans l’article, sont souvent indignes. Beaucoup vont d’un chantier à l’autre à travers toute l’Europe, se voient imposer des horaires de travail sans limitation, vivent dans des locaux de fortune, ne voient plus leur famille dans des conditions décentes et subissent toutes les crises qui peuvent en résulter.

Sur le plan de la santé et de la sécurité, ils sont évidemment les plus exposés aux risques d’accidents ou au déclenchement de maladies liées à l’usure prématurée du corps ou à l’exposition à des substances dangereuses. En ce cas, ils subissent alors une double peine : il leur est quasiment impossible de retrouver un emploi et leur vie est ruinée sur bien des plans. Pour cette raison, ils doivent bénéficier de la même protection, en matière de santé au travail, que tous les autres salariés.

Il est absolument nécessaire que cette situation soit rapidement prise en considération et que notre législation prévoie dans quelles conditions ces salariés bénéficieront d’une surveillance médicale renforcée. Cet amendement devrait vous agréer, car il est tout à fait compatible avec le plan santé au travail 2010-2014.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’ai écouté avec attention M. Godefroy. Dans un premier temps, la commission avait émis un avis défavorable sur son amendement, au motif que le premier alinéa n’était pas assez précis.

Cela étant, la finalité de l’amendement étant intéressante, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. L’avis est partagé, mais plutôt favorable. Nous craignons qu’une telle mesure n’introduise trop de rigidité dans le dispositif, en établissant dès à présent le nombre exact de visites médicales, et ne permette pas d’améliorer la situation actuelle. Or nous souhaitons ouvrir l’accès à la médecine du travail à des salariés qui, de fait, n’en bénéficient pas aujourd’hui.

Il paraît toutefois difficile d’afficher un objectif plus modeste que celui qui est prévu dans cet amendement. Dans ces conditions, j’émets un avis plutôt favorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. M. le ministre nous dit que l’article 25 duodecies a pour objet de permettre à certains salariés d’accéder au service de la médecine du travail, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Tous les salariés doivent avoir droit à la médecine du travail, y compris les saisonniers ou les intérimaires. Il existe effectivement des dysfonctionnements à l’heure actuelle, mais ce n’est pas en excluant ces travailleurs du bénéfice de la protection de la santé au travail que vous répondrez à leurs besoins spécifiques en la matière.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous nous dire froidement, en séance publique, que des centaines de milliers de travailleurs n’ont pas accès à la médecine du travail ? Il est très grave que le ministre du travail puisse tenir de tels propos ! Vous dites vouloir pallier cette carence, mais, en réalité, vous allez créer une catégorie de travailleurs à statut particulier. On ne sait même pas de quel dispositif de prévention et de santé au travail ils pourront bénéficier !

M. Charles Revet. Vous n’avez rien fait avant ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Madame David, je dis les choses non pas froidement ou chaudement, mais telles qu’elles sont. Nous pouvons tous constater que quelque 2 millions de salariés n’ont pas réellement accès à la médecine du travail. C’est un fait ! Je ne vais pas me boucher les yeux et prétendre que tout est parfait. Nous prenons en compte cette réalité et tentons d’organiser les choses de façon pragmatique afin d’y remédier.

Vous avez le droit de contester nos propositions, mais elles permettront à ces salariés, je le crois, d’accéder à la médecine du travail, qui est un service fondamental.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 430.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 432 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 1046 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l’amendement n° 432.

M. Jacky Le Menn. Nous proposons la suppression de l’alinéa 12 de l’article 25 duodecies pour deux raisons.

Nous estimons, tout d’abord, qu’il n’est pas nécessaire que les travailleurs saisonniers soient considérés comme une catégorie à part. En effet, les travailleurs saisonniers sont souvent réembauchés par le même employeur au moins trois ans de suite, en application de la priorité qui leur est accordée par la loi. Ils réalisent souvent leur saison dans les mêmes localités et dans les mêmes secteurs d’activité, qu’il s’agisse de l’agriculture ou du tourisme. C’est la une première raison qui justifie qu’ils soient pris en charge par le même service de santé au travail, selon des modalités de financement stabilisées.

Par ailleurs, les travailleurs saisonniers doivent accomplir les tâches qui leur sont confiées selon un rythme très intense. En quelques semaines, ils doivent permettre à leur employeur de réaliser une grande partie de son chiffre d’affaires de l’année. Les horaires qui leur sont imposés sont totalement dérogatoires au droit commun… quand il y a des horaires !

Trop souvent, ils sont logés dans des conditions à peine correctes, voire totalement inacceptables et insalubres. Dans une région touristique comme la mienne, celle de la Côte d’Émeraude, des organisations syndicales, telles la CGT ou la CFDT, ou des associations, par exemple Femmes solidaires ou les Amis de la Jeunesse ouvrière chrétienne, dénoncent chaque année avec force ces conditions de travail et d’hébergement.

Cette catégorie ne doit donc pas faire l’objet d’accords dérogatoires d’adaptation. Elle doit, au contraire, bénéficier d’une attention toute particulière, eu égard à des conditions de vie et de travail extrêmement pénibles.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 1046.

Mme Annie David. Je fais miens les propos tenus par mon collègue Jacky Le Menn.

J’ajoute que l’alinéa 12, dont je vais rappeler les termes, nous paraît particulièrement provocateur :

« Pour tenir compte des spécificités locales en matière de recours à des travailleurs saisonniers, l’autorité administrative peut approuver des accords adaptant les modalités définies par décret sous réserve que ces adaptations garantissent un niveau au moins équivalent de protection de la santé aux travailleurs concernés. »

Il semble vraiment surprenant que le renvoi au décret, que nous avions déjà critiqué à l’occasion de l’examen de l’alinéa 4 de l’article 25 duodecies, soit doublé d’une possibilité d’adaptation à la spécificité du statut de travailleur saisonnier.

La principale spécificité du travail saisonnier est, bien entendu, sa précarité. Au travers de cet alinéa, vous entendez ajouter à la précarité du statut celle de la médecine du travail dans ce secteur. Rien n’a été fait, monsieur le ministre, pour améliorer réellement le statut de ces salariés. Cet alinéa confirme, d’une certaine manière, le maintien de la précarité de leurs emplois.

Oui, monsieur le ministre, il faut faire bénéficier les saisonniers du droit à la protection de la santé au travail. Fréquemment dépourvus de formation technique ou professionnelle, ils sont encore plus exposés aux risques que les autres salariés, mais encore faudrait-il que le statut du travailleur saisonnier soit reconnu, ce qui n’est pas le cas !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. On déplore souvent, précisément, qu’un cadre unique ne permette pas d’adaptations à des spécificités locales. Or ce sera possible en l’occurrence, sous réserve que ces adaptations garantissent un niveau de protection équivalent au moins à celui des dispositions qui seront définies par décret. En outre, les accords visés seront négociés par les partenaires sociaux.

J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. C’est le même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 432 et 1046.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’article.

Mme Annie David. Cet article prévoit de nouvelles dérogations en matière de santé au travail pour les salariés visés. Cela nous inspire les plus grands doutes sur la réelle volonté du Gouvernement, et bien entendu du patronat, de couvrir médicalement ces millions de salariés.

Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, qu’il y a en France seulement 6 500 médecins du travail pour 15 millions de salariés, soit moins d’un médecin pour 20 000 salariés ? Savez-vous que 75 % de ces médecins sont âgés de plus de 50 ans et que tous les observateurs soulignent le risque de disparition progressive de cette profession ?

Le projet de loi évoque le recours au médecin de ville pour pallier cette insuffisance numérique. N’allez-vous pas exonérer, par là même, le patronat de sa responsabilité financière exclusive en la matière ? On en revient toujours à la même question : que gagneront les travailleurs à ce transfert vers la médecine de ville de la médecine du travail, qui devrait normalement être un outil à leur service ? Le recours aux internes et, pour certaines tâches, aux infirmières aura inévitablement pour conséquence de vider de son contenu le concept même de santé au travail.

Ne faut-il pas voir là la volonté de transférer le coût de la médecine du travail vers la sécurité sociale ? Je regrette une nouvelle fois que notre collègue Alain Vasselle n’ait pas davantage interrogé le Gouvernement sur le coût d’une telle mesure pour la sécurité sociale. Peut-être aurons-nous l’occasion d’en reparler bientôt lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et d’obtenir alors des informations chiffrées.

Cela étant, monsieur le ministre, nous savons que lorsque Mme Parisot fronce les sourcils, vous lui donnez rapidement satisfaction. Nous ne sommes pas dupes : en transférant à la médecine de ville une part importante de la responsabilité de la sécurité au travail, vous porterez un coup fatal à cette dernière au lieu de la réformer dans un sens positif, comme nous le souhaitions.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.

M. René-Pierre Signé. Le débat sur les modalités de départ à la retraite a remis au premier plan la notion de pénibilité du travail et l’importance de sa prise en compte dans les négociations actuelles sur les retraites.

Éliminons tout de suite la confusion, qui n’est pas innocente, entre incapacité et pénibilité : ces deux notions n’ont rien de commun. Certaines conditions de travail génératrices d’astreintes tout au long de la vie active étant susceptibles de comporter des risques différés pour la santé, la question de la prise en compte de cette pénibilité par des compensations ou des dispositifs de cessation anticipée d’activité pour les travailleurs soumis durablement à ces expositions professionnelles se pose légitimement, avec de plus en plus d’acuité.

Un certain nombre d’études ont démontré que l’état de santé des travailleurs en fin de vie active et au-delà dépend des conditions de travail et, plus globalement, de la « pénibilité de leur travail passé », susceptibles d’entraîner des effets à long terme. Il en est ainsi de certains travaux ou encore des expositions professionnelles à des agents toxiques, qui ne sont pas toujours déclencheurs de maladie professionnelle dans l’immédiat mais qui en comportent le risque. Quant aux maladies professionnelles, si elles n’induisent pas toujours des atteintes à la santé entraînant la mort, elles handicapent, pour le moins, la vieillesse.

À l’instar de Mme David, je ne suis pas sûr que les médecins du travail seront les plus aptes à constater les dégâts causés par les expositions professionnelles…

M. Jacques Blanc. Pourquoi ?

M. René-Pierre Signé. … sur des malades qu’ils ne suivent plus et qui échappent à leur surveillance.

Les conséquences sur la santé sont mesurables. Cette pénibilité objective mériterait que toute période de travail pénible – travail de nuit, travail à la chaîne, etc. – ouvre le bénéfice d’une majoration des annuités permettant de partir plus tôt à la retraite.

Cependant, le Gouvernement a choisi de préconiser la voie individuelle et médicale. Les salariés touchés par une maladie professionnelle ayant entraîné une incapacité physique d’au moins 10 % devraient pouvoir partir à la retraite à 60 ans, sous réserve de l’accord d’une commission spéciale. Aux yeux du Gouvernement, cette solution présente plusieurs avantages : elle est simple d’application et devrait concerner peu de monde – environ 30 000 personnes –, et, par conséquent, coûter peu cher.

À la notion de pénibilité, le Gouvernement a substitué celles d’invalidité et d’incapacité constatées, ce qui est profondément injuste. Nul ne peut croire que les contraintes physiques et un environnement agressif n’entraînent aucune conséquence sur la santé, mais la prise en compte de la pénibilité suppose des coûts et des modalités de financement que l’État et le patronat ne veulent pas assumer.

Pourtant, toutes les études le prouvent, la prise en compte de la pénibilité relève d’une exigence d’équité. Lorsque l’on sait qu’il y a dix ans d’écart entre l’espérance de vie à 35 ans d’un cadre et celle d’un ouvrier, on ne peut nier que la pénibilité constitue un handicap.

La première réponse à apporter est la prévention. Or la remise en cause de la médecine du travail et le renforcement des liens de dépendance des médecins du travail envers les employeurs ne feront qu’affaiblir plus encore la prévention, déjà insuffisante au sein des entreprises. Celle-ci nécessite des moyens que l’État n’a pas la volonté d’apporter.

Nous devons prendre en considération les ouvriers et les employés qui sont soumis à des risques, de façon à leur donner des bonifications en fonction des années d’exposition, c’est-à-dire une majoration des annuités leur permettant de partir plus tôt à la retraite.

La façon dont le Gouvernement aborde la question de la pénibilité du travail, dans le dessein de mieux refuser sa prise en compte réelle, constitue l’une des injustices les plus flagrantes de ce projet de loi, par ailleurs dénué de toute ambition en matière de progrès social.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Dans cette réforme hâtive – oserais-je dire bâclée ? – des règles du suivi médical au travail que vous avez introduite à la hussarde dans ce projet de loi, la constitution d’équipes pluridisciplinaires permettrait, selon vous, de mieux couvrir les travailleurs intérimaires ou saisonniers. Pour notre part, nous en doutons fortement dans la mesure où, aujourd’hui déjà, pour 28 % des salariés, la visite médicale du travail est le seul contact avec un médecin dans l’année. Nous le savons bien, les parcours atypiques, dont le travail saisonnier fait partie, se caractérisent par un déclassement social, des épisodes de chômage réguliers, des changements d’emploi fréquents, des conditions de travail difficiles, de plus en plus souvent associés à un état de santé dégradé.

Pour avoir suivi les travaux de la mission d’information sur le mal-être au travail, je sais combien de souffrances s’expriment dans tous les milieux professionnels. Je sais aussi combien, dans le domaine du travail saisonnier, sévissent la non-déclaration et le non-respect du code du travail. D’ailleurs, la presse n’est pas avare de révélations en la matière.

Alors que le droit prévoit, pour ces salariés, une visite médicale d’embauche obligatoire, au plus tard avant la fin de la période d’essai et avant l’embauche si le salarié a moins de 18 ans, combien d’employeurs s’exonèrent de leurs obligations, recrutent des sans-papiers et les emploient au noir, s’approvisionnent sans vergogne en salariés corvéables à merci sur un marché international de la main-d’œuvre qui fait fi des codes du travail nationaux ?

M. Guy Fischer. Nous sommes ici bien éloignés du droit à la médecine du travail ; qu’en sera-t-il demain après votre réforme ?

Devant un tel déni des droits des travailleurs, notamment de ceux des plus fragiles d’entre eux, comment ne pas rappeler les avancées que nous avions suggérées dans notre proposition de loi visant à améliorer la santé au travail des salariés et à prévenir les risques professionnels auxquels ils sont exposés, texte hélas ! rejeté dans cet hémicycle au mois de janvier 2008 ?

Nous avions proposé de créer une agence nationale de santé au travail qui, du fait de sa mission de service public, aurait été de nature à garantir l’indépendance des professionnels de santé et des acteurs de la prévention à l’égard des employeurs. Cette agence aurait pu être chargée d’organiser et de coordonner les services de santé au travail dans un strict objectif de prévention de tous les risques professionnels et de préservation de la santé des salariés, au sens retenu par l’Organisation mondiale de la santé.

Cette agence, nous voulions lui donner les moyens de participer au développement de la recherche fondamentale et appliquée, cruellement insuffisante en matière de santé au travail, en sollicitant tous les organismes compétents.

Nous inscrivions par ailleurs l’activité spécifique de la médecine du travail dans le champ de la prévention. Nous généralisions également la consultation médicale professionnelle en rendant sa fréquence annuelle. Contrairement à ce que vous êtes en train de faire à l’instigation du patronat (M. le rapporteur s’exclame), nous souhaitions renforcer la présence et l’effectif des médecins du travail, en privilégiant la consultation individuelle comme moyen particulier de connaissance et de prévention.

Nous ne pouvons que voter contre cet article 25 duodecies, dont l’importance nous amène à demander qu’il soit mis aux voix par scrutin public.

M. le président. Je mets aux voix l'article 25 duodecies, modifié.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 58 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 183
Contre 153

Le Sénat a adopté.

Article 25 duodecies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 25 terdecies (Nouveau)

Article additionnel après l'article 25 duodecies (réservé)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Article additionnel après l'article 25 duodecies (réservé)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article additionnel après l'article 25 terdecies (réservé)

Article 25 terdecies (nouveau)

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

I. – La première phrase du premier alinéa de l’article L. 717-2 est remplacée par les dispositions suivantes :

« Des décrets déterminent, en application de l’article L. 4622-8 du code du travail et du présent titre, les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des services de santé au travail en agriculture ainsi que les conditions d’application de l’article L. 4625-1 du code du travail.

« Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail en agriculture et les conditions d’application des articles L. 4624-1 et L. 4622-13 du code du travail.

« Pour la mise en œuvre de la pluridisciplinarité en agriculture, les modalités d’application du chapitre IV du titre IV du livre VI de la quatrième partie du code du travail sont déterminées par décret. »

II. – Après l’article L. 717-3, il est inséré un article L. 717-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 717-3. – Le service de santé au travail en agriculture élabore un projet de service pluriannuel qui définit les priorités d’action du service coordonnées avec celles du service de prévention des risques professionnels et qui s’inscrit dans le cadre du contrat d’objectifs conclu avec l’autorité administrative compétente prévu à l’article L. 4622-10 du code du travail. »

III. – L’intitulé de la section II du chapitre VII du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé : « Institutions et organismes concourant à la prévention et à la pluridisciplinarité ».

M. le président. Mes chers collègues, il me semble que c’est la première fois dans cet hémicycle que l’on examine un article 25 terdecies. Cela mérite d’être salué !

L'amendement n° 433, présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 433.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 517 rectifié, présenté par MM. Pointereau, César, Cornu, Doublet, Laurent et Revet, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Les dispositions de l'article L. 4622-9 du code du travail ne s'appliquent pas aux catégories de travailleurs dont les employeurs sont mentionnés à l'article L. 717-1 du code rural et de la pêche maritime. »

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Les dispositions de l'article L. 4622-9 du code du travail n'ont pas lieu de s'appliquer aux salariés du particulier employeur et aux voyageurs, représentants et placiers lorsqu'ils relèvent des professions agricoles, car ils bénéficient déjà de la surveillance médicale du travail assurée par les services de santé au travail des caisses de la Mutualité sociale agricole.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat. Il s’agit d’une mesure de bon sens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Vous mentionnez les salariés du secteur agricole, monsieur Revet, qui vont donc continuer à bénéficier du système de santé au travail existant. Cela est fort bien, mais on organise, au travers de ce projet de loi, l’exclusion du dispositif de santé au travail actuel des salariés travaillant dans d’autres secteurs, ce qui me semble profondément regrettable.

Avec cet amendement, vous allez introduire une discrimination de fait entre les travailleurs des différents secteurs.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Actuellement, les services de santé au travail existent dans le cadre de la MSA.

Mme Annie David. Mais ils existent déjà pour tous les travailleurs !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Madame David, les salariés dont il est question ici ont accès à la médecine du travail au sein de la MSA. Il s’agit simplement d’un transfert juridique, qu’il est nécessaire de confirmer pour éviter une lacune.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 517 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1216, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3

Remplacer la référence :

L. 4622-8

par la référence :

L. 4622-15

II. - Alinéa 4

Remplacer la référence :

L. 4622-13

par la référence :

L. 4622-14

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1216.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25 terdecies, modifié.

(L'article 25 terdecies est adopté.)

Article 25 terdecies (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles 26 et 26 bis

Article additionnel après l'article 25 terdecies (réservé)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Article additionnel après l'article 25 terdecies (réservé)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l'article 26 bis (réservés)

Articles 26 et 26 bis

(Supprimés)

Articles 26 et 26 bis
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles 26 ter, 26 quater, 27 et 27 bis A

Articles additionnels après l'article 26 bis (réservés)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Articles additionnels après l'article 26 bis (réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 bis

Articles 26 ter, 26 quater, 27 et 27 bis A

(Supprimés)

Articles 26 ter, 26 quater, 27 et 27 bis A
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article additionnel après l’article 27 bis (réservé)

Article 27 bis

(Non modifié)

L’article L. 3153-1 du code du travail est complété par les mots : « ou pour cesser, de manière progressive, son activité ».

M. le président. L'amendement n° 1047, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L’article 27 bis, introduit par l’Assemblée nationale, vise à ouvrir à tout salarié la possibilité d’utiliser les droits affectés sur son compte épargne-temps pour cesser progressivement son activité.

Actuellement, le principe du compte épargne-temps est de permettre au salarié d’épargner des temps de repos – congés, jours de repos, etc. – et des sommes d’argent en vue d’une utilisation ultérieure.

L’article 25 de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a modifié l’article L. 3153-1 du code du travail et permis, nonobstant les stipulations de la convention ou de l’accord collectif, à tout salarié, sur sa demande et en accord avec son employeur, d’utiliser les droits affectés sur son compte épargne-temps pour compléter sa rémunération.

Le présent article vise à compléter cette disposition en ouvrant également la possibilité à tout salarié, en accord avec son employeur et malgré les stipulations de la convention ou de l’accord collectif ayant institué le compte épargne-temps, d’utiliser les droits affectés sur ce compte pour cesser de manière progressive son activité.

En d’autres termes, même si la convention ou l’accord collectif ne prévoit pas que les droits accumulés sur le compte épargne-temps peuvent être utilisés pour cesser de manière progressive son activité, la possibilité d’effectuer une telle opération est néanmoins ouverte à tout salarié.

Par ailleurs, l’article 27 bis est glissé entre deux articles relatifs à la médecine du travail et au départ anticipé pour cause d’incapacité. Il n’a pourtant rien à faire à cet endroit du texte. Il aurait été plus cohérent de le faire figurer au titre V ter, qui concerne l’épargne retraite.

Pour notre part, nous sommes opposés à ce que les salariés soient autorisés et même incités à se servir de leur compte épargne-temps pour cesser de manière progressive leur activité.

En effet, nous considérons que cet article encourage les salariés à se tourner vers une certaine forme de retraite par capitalisation individuelle, c’est-à-dire à préparer leur retraite en dehors du système par répartition. À cet égard, cet article est parfaitement cohérent avec l’esprit de la réforme, puisqu’il vise à faire reposer l’effort sur les salariés !

De plus, une telle logique va à l’encontre du principe du temps de repos dû au salarié, qui, comme un écureuil, peut capitaliser son repos, le faire fructifier. Nous considérons pour notre part que ce repos est nécessaire au salarié et qu’il est une condition de sa bonne santé et, accessoirement, de sa productivité. Il semble cependant très difficile de faire comprendre aux employeurs qu’un salarié reposé produit mieux qu’un salarié usé et dont les capacités sont surexploitées. (Murmures sur les travées de lUMP.)

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’utilisation du compte épargne-temps pour aménager une fin de carrière est bien sûr tout à fait compatible avec l’esprit du projet de loi.

M. Charles Revet. Bien sûr ! C’est même étonnant que les communistes soient contre !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1047.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27 bis.

(L'article 27 bis est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents se réunira à seize heures. Souhaitez-vous que nous poursuivions les débats ou préférez-vous que nous suspendions la séance ? (On continue !  sur les travées de lUMP.)

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Je comprends bien que nos collègues de la majorité ne veuillent pas d’une suspension de séance ; mais nous qui présentons des amendements et des argumentations la souhaitons, afin que chacun d’entre nous puisse participer au débat comme il l’avait prévu.

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cette conférence des présidents aura sans doute des conséquences sur la suite de nos travaux.

M. Charles Pasqua. On verra !

M. Charles Revet. Nous le saurons bien assez tôt !

Mme Annie David. Il est important que nous puissions savoir dans quelles conditions le débat va se poursuivre.

Par ailleurs, nous souhaitons que l’ensemble des présidents puissent participer à cette conférence,…

Un sénateur de l’UMP. M. Bel n’est pas là !

Mme Annie David. … notamment M. Fischer, qui est très impliqué dans ce débat.

M. Charles Revet. Il n’est plus là !

Mme Annie David. Nous souhaitons donc nous aussi une suspension de séance, pour que M. Fischer puisse participer à la conférence des présidents sans devoir manquer la suite de la discussion.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais indiquer à nos collègues de la majorité qu’une suspension de séance nous permettrait d’examiner les quatre amendements du Gouvernement dont le dépôt nous a été annoncé tout à l’heure avant la réunion de ce soir de la commission des affaires sociales.

Mme Annie David. Très bien !

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Sur une telle question, il ne devrait pas y avoir de clivage aussi net entre la gauche et la droite.

Quel est l’enjeu ? Certains sénateurs effectuent leur « tour de garde » dans l’hémicycle, en quelque sorte, et ne veulent pas le passer en suspension de séance. Mais, pour notre part, nous essayons de participer activement au débat, et nous apprécierions une suspension de séance étant donné le rythme de travail que nous devrons encore soutenir cette semaine, y compris la nuit, d’autant que nous avons à étudier de nouveaux amendements du Gouvernement. MM. Fischer et Bel, en particulier, sont concernés par la conférence des présidents.

M. Adrien Gouteyron. Où sont-ils ?

M. David Assouline. Une suspension de séance ne serait donc vraiment pas superflue ! Je m’étonne que ceux que nous n’avons pas encore entendus durant ce débat la refusent avec tant de véhémence ! Un consensus devrait pouvoir se dégager sur une demande aussi simple.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais d’abord souligner que les amendements du Gouvernement sont en ligne depuis samedi…

Monsieur le président, il serait raisonnable, à mon sens, de suspendre la séance.

M. le président. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Je voudrais attirer l’attention de notre assemblée sur le fait qu’il s’agit d’une circonstance exceptionnelle. À ma connaissance, jamais auparavant une conférence des présidents n’avait été organisée pendant la séance publique.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Si, c’est déjà arrivé !

M. François Autain. En tout cas, je n’en ai pas le souvenir, bien que j’aie tout de même derrière moi un certain nombre d’années de mandat.

Je considère que, à circonstance exceptionnelle, il faut mesure exceptionnelle. Il serait justifié, me semble-t-il, que nous suspendions la séance.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Samedi soir, nous en étions à quatre-vingt-douze heures et dix-neuf minutes de débat sur ce projet de loi. Nous avons consacré six heures et neuf minutes à la discussion générale et quatre-vingt-une heures et quarante-six minutes à l’examen des articles.

La majorité, très respectueuse du droit de s’exprimer de l’opposition,…

M. Gérard Longuet. … a fait en sorte, par une autodiscipline largement acceptée (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), que 44,8 % du temps de parole soit utilisé par le groupe CRC-SPG et 36,9 % par le groupe socialiste, contre 3,7 % par le groupe UMP.

M. Jean-Marc Todeschini. Vous êtes des « godillots » !

M. Gérard Longuet. Je comprends parfaitement que le président du Sénat convoque une conférence des présidents à cet instant et, dans un esprit d’apaisement, je propose que nous interrompions nos travaux pour une quinzaine de minutes, avant que vous continuiez à parler, et nous à vous écouter sans répondre, sauf quand notre exaspération est à son comble ! (Sourires et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, la conférence des présidents est encore réunie, mais elle a souhaité que nous reprenions nos travaux.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Article 27 bis
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 ter AA (Nouveau)

Article additionnel après l’article 27 bis (réservé)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Article additionnel après l’article 27 bis (réservé)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 ter AB (Nouveau)

Article 27 ter AA (nouveau)

I. – Au chapitre VIII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Accords en faveur de la prévention de la pénibilité

« Art. L. 138-29. – Pour les salariés exposés aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail, les entreprises employant une proportion minimale fixée par décret de ces salariés, y compris les établissements publics, mentionnées aux articles L. 2211-1 et L. 2233-1 du même code employant au moins cinquante salariés, ou appartenant à un groupe au sens de l’article L. 2331-1 du même code dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés, sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

« Le montant de cette pénalité est fixé à 1 % au maximum des rémunérations ou gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du présent code et du deuxième alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés concernés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au précédent alinéa.

« Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.

« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds national de soutien relatif à la pénibilité.

« Les articles L. 137-3 et L. 137-4 du présent code sont applicables à cette pénalité.

« Art. L. 138-30. – L’accord d’entreprise ou de groupe portant sur la prévention de la pénibilité mentionné à l’article L. 138-29 est conclu pour une durée maximale de trois ans. Une liste de thèmes obligatoires devant figurer dans ces accords est fixée par décret.

« Art. L. 138-31. – Les entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L. 138-29 ne sont pas soumises à la pénalité lorsque, en l’absence d’accord d’entreprise ou de groupe, elles ont élaboré, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, un plan d’action établi au niveau de l’entreprise ou du groupe relatif à la prévention de la pénibilité dont le contenu est conforme à celui mentionné à l’article L. 138-30. La durée maximale de ce plan d’action est de trois ans. Il fait l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative.

« En outre, les entreprises dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés et est inférieur à trois cents salariés ou appartenant à un groupe dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés et est inférieur à trois cents salariés ne sont pas soumises à cette pénalité lorsqu’elles sont couvertes par un accord de branche étendu dont le contenu est conforme au décret mentionné à l’article L. 138-30. »

II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 241-3 du même code, les mots : « par la pénalité prévue à l’article L. 138-24 » sont remplacés par les mots : « par les pénalités prévues aux articles L. 138-24 et L. 138-29 ».

III. – Les I et II sont applicables à compter du 1er janvier 2012.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet article vise à inciter les entreprises à développer une politique de prévention de la pénibilité du travail, sous peine d’être soumises à une pénalité financière. Ce dispositif n’est pas inintéressant, bien au contraire, mais je m’interroge sur son efficacité réelle.

D’abord, son champ d’application me semble limité. En effet, il ne concerne que les entreprises de plus de cinquante salariés alors que, dans notre pays, la majorité des salariés travaillent dans des PME d’une taille inférieure. Qui plus est, il faut que ces entreprises emploient une proportion minimale, qui sera fixée par décret, de salariés exposés à des facteurs de risques professionnels. Cette condition restreint la portée de la disposition.

Ensuite, le montant de la pénalité – 1 % au maximum des rémunérations ou gains versés aux salariés pour lesquels l’entreprise n’est pas couverte pas un accord – me semble bien faible pour être réellement dissuasif. De plus, ce montant pourra être modulé en fonction des efforts faits par l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité. Autant dire que la sanction risque d’être plus symbolique que réellement pénalisante !

Je regrette également que l’article fixe une obligation de moyens, mais pas de résultat. En effet, une entreprise peut très bien instituer un plan de prévention de la pénibilité ou signer un accord de réduction de la pénibilité, mais l’important est de savoir si ce plan ou cet accord est appliqué, selon quelles modalités et s’il conduit effectivement à une réduction de la pénibilité. De plus, ce document pourra être signé à l’échelon soit de l’entreprise, soit de la branche : dans ce dernier cas, le contrôle sera encore plus restreint.

Enfin, on nous dit que cet article s’inspire du dispositif similaire mis en place en 2009 pour encourager le maintien des seniors dans l’emploi, lequel serait un succès puisque, nous dit-on, la grande majorité des entreprises concernées ont conclu un accord ou développé un plan d’action en faveur de l’emploi des seniors, seules 250 d’entre elles ayant préféré s’acquitter d’une pénalité. Si mes informations sont exactes, 80 accords de branche et 10 000 accords d’entreprise pour l’emploi des seniors ont ainsi été élaborés et près de 3,3 millions de salariés seraient désormais couverts par de tels accords.

Monsieur le ministre, un tel résultat est a priori formidable ! On pourrait espérer en trouver la traduction dans les chiffres du chômage. Le nombre de seniors demandeurs d’emploi ne devrait-il pas s’être réduit ou, au moins, stabilisé ? Eh bien non ! Si l’on se réfère aux chiffres publiés par l’UNEDIC le 24 septembre dernier, entre août 2009 et août 2010, le nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans s’est accru de 16,6 %. Votre collègue Laurent Wauquiez déclarait sans rire, il y a quelques mois, que « l’emploi des seniors n’a jamais autant progressé »… Qu’est-ce que cela serait sinon, si le Gouvernement n’avait pas mis en place un plan en faveur des seniors ! Selon vous, « le premier bilan de la pénalité “seniors” montre que cet outil est efficacement dissuasif » ! J’imagine que vous escomptez le même succès s’agissant de la pénibilité. Il y a donc de quoi être dubitatif quant à l’intérêt réel du dispositif, surtout si l’on en attend des effets concrets.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Mon collègue Guy Fischer ne pourra s’exprimer sur cet article, comme il le souhaitait, car la conférence des présidents se poursuit, malheureusement, alors que nos travaux ont repris. Je tenais à le souligner, car M. Fischer participe très activement à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Sans doute interviendra-t-il sur cet article lors des explications de vote.

M. le président. Madame David, rassurez-vous, je lui accorderai un petit temps de parole supplémentaire !

Mme Annie David. Je partage l’opinion de M. Godefroy sur le dispositif de l’article 27 ter AA, qui vise à « mettre en musique » l’article 25, relatif à la pénibilité, en instaurant une pénalité financière en cas de non-respect par l’employeur de ses obligations.

Or l’article 25 est injuste, car il est exclusivement fondé sur la notion d’incapacité physique de travail, ce qui écarte du champ du dispositif les salariés qui ont été exposés à des produits cancérigènes et dont l’espérance de vie est de fait réduite, sans qu’ils portent aucune marque physique visible de cette atteinte.

Monsieur le ministre, vous ne prenez pas en compte la pénibilité différée, comme vous le demandaient pourtant les partenaires sociaux, hormis bien entendu le MEDEF.

Le dispositif est également injuste en ce qu’il exclut une majorité de victimes du travail pour lesquelles il n’existe pas de tableau de maladie professionnelle ou qui ne seront pas parvenus à obtenir une reconnaissance de maladie professionnelle. Ainsi, les troubles psychosociaux, pourtant en grande augmentation, ne seront pas reconnus au titre de la pénibilité.

Enfin, le dispositif est injuste en ce qu’il ne s’appliquera que de manière individualisée, en excluant l’établissement de listes de métiers ou de classifications professionnelles réputés pénibles.

Quant à l’article 27 ter AA lui-même, nous ne pouvons que constater la faiblesse de son contenu. En effet, il exclut au moins les 4 millions de salariés des TPE et PME, que vous aviez déjà placés hors du champ du dialogue social, monsieur le ministre. Le Gouvernement les considère manifestement comme des salariés de seconde zone, puisque !es accords sur la prévention de la pénibilité ne concerneront que les entreprises de cinquante salariés au moins.

En outre, vous entendez mettre en place une pénalité équivalente à 1 % au maximum des rémunérations ou gains versés aux salariés, pénalité qui pourra d’ailleurs être modulée en fonction des efforts consentis par l’entreprise pour prévenir la pénibilité. Il est en effet prévu que « le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité ». Ainsi, même si aucun accord n’a été réellement conclu ni aucun plan d’action défini, le simple constat d’« efforts » suffira peut-être pour que l’entreprise échappe à la pénalité.

Par ailleurs, vous prévoyez de permettre aux entreprises de préférer un plan d’action à un accord sur la prévention de la pénibilité. Or, dans une entreprise, c’est très souvent lorsque les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord que la direction décide, de façon arbitraire, un plan d’action. Vous le savez pertinemment ! En l’occurrence, ce plan d’action ne sera d’ailleurs assorti d’aucune obligation de résultat. Il suffira à l’entreprise de faire des efforts pour être exonérée de la pénalité.

Enfin, les salariés qui ont été exposés à l’amiante sont très en colère. En effet, une exposition à l’amiante engendre un taux d’invalidité inférieur à 10 %. Si vous laissez les choses en l’état, l’ensemble des salariés aujourd’hui confrontés à l’amiante seront donc exclus du champ de tout accord sur la pénibilité.

M. Éric Woerth, ministre. Vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Annie David. Peut-être reviendrez-vous sur ce point, monsieur le ministre, mais, pour l’heure, le taux d’invalidité lié à une exposition à l’amiante serait inférieur à 10 %, seuil retenu pour l’entrée dans le champ d’un accord sur la prévention de la pénibilité.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons résolument à cet article 27 ter AA. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.

M. Michel Teston. Selon le Petit Robert, est pénible ce qui donne de la peine, de la fatigue, ce qui se fait avec difficulté ou encore ce qui est difficile moralement. Toujours d’après ce dictionnaire, est invalide celui qui n’est plus en état de mener une vie active, de travailler, du fait de sa mauvaise santé ou de ses blessures. Ces définitions marquent clairement la différence entre la pénibilité et l’invalidité.

Résumer la définition d’un travail pénible à un taux d’invalidité constaté, comme le fait le projet de loi, est très loin de permettre de prendre en compte la pénibilité du travail. Les partenaires sociaux, pour leur part, proposent la définition suivante de celle-ci : « La pénibilité au travail résulte de sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d’activité professionnelle qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés et qui sont susceptibles d’influer sur l’espérance de vie. »

L’Institut national des études démographiques, l’INED, a consacré le numéro de janvier 2008 de sa publication Population et société au thème suivant : « La double peine des ouvriers : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte ». Ce titre même est éloquent. Selon l’INED, à 35 ans, un cadre supérieur peut espérer vivre encore quarante-sept années, dont trente-quatre années indemnes de toute incapacité, même très mineure, contre quarante et une années pour un ouvrier, dont seulement vingt-quatre années sans incapacité. Au total, l’espérance de vie des ouvriers est plus faible que celle des cadres supérieurs et comporte des périodes plus longues au cours desquelles ils devront affronter des difficultés dans leur vie quotidienne, pouvant aller jusqu’à l’incapacité totale d’effectuer certains actes ou gestes essentiels de la vie quotidienne. Il existe donc une réelle inégalité entre catégories socioprofessionnelles, qui doit être prise en compte.

Or, que prévoit le texte du Gouvernement ? Il comporte un dispositif fondé sur l’invalidité, avec un taux minimal fixé à 10 %, c’est-à-dire précisément le niveau d’incapacité permanente qui ouvre droit à une rente viagère à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Le texte du Gouvernement propose donc d’indemniser un dommage, comme cela est déjà le cas. En l’occurrence, il ne s’agit absolument pas de prendre en compte le vécu de la personne concernée pour lui permettre de faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée.

En 2003, l’enquête SUMER de surveillance médicale des risques professionnels faisait apparaître que 56 % des salariés, en France, étaient exposés à au moins une source de pénibilité. Cela signifie qu’un grand nombre de personnes subissent de difficiles conditions de travail susceptibles d’influer sur leur état de santé physique et moral, sans pour autant créer d’invalidité.

Il est donc faux de prétendre, comme le fait le Gouvernement, que ce texte prend en compte la réalité des métiers pénibles. Pour notre part, nous sommes convaincus qu’il est absolument nécessaire d’avoir une action beaucoup plus volontariste en la matière, en proposant notamment aux salariés concernés des majorations d’annuités calculées en fonction de critères comme le travail de nuit, le travail posté ou encore le port régulier de charges lourdes.

C’est la raison pour laquelle nous proposons depuis le début de l’examen du titre IV un certain nombre d’amendements de nature à assurer la prise en compte correcte des situations des personnes soumises à des conditions de travail pénibles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 1048, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

du même code employant au moins

remplacer les mots :

cinquante salariés

par les mots :

onze salariés

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Lors de l’assemblée plénière de 2005 du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, les représentants de la CGT ont rappelé que 80 % du personnel des établissements comptant moins de dix salariés – qui représentent 64 % du total des entreprises – est exposé aux risques professionnels.

Devant ce constat, les pouvoirs publics ne semblent guère mobilisés pour garantir l’efficacité de la prévention dans les PME et les TPE. Cette question est pourtant essentielle. D’ailleurs, une mission d’information sur la pénibilité du travail dans les petites entreprises a été créée à l’Assemblée nationale. Ses travaux ne sont pas achevés. Par conséquent, ses conclusions ne sont pas encore disponibles, ce qui est bien dommage.

Cependant, il suffit de consulter le rapport d’information relatif à la pénibilité au travail du 27 mai 2008 rédigé par le député Poisson pour constater que la prévention de la pénibilité dans les PME et les TPE n’est pas suffisamment prise en compte.

Ce rapport souligne la spécificité de ces structures en la matière : « Les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises posent un problème particulier : sauf rares exceptions, la prévention et le traitement de la pénibilité y sont insuffisamment pris en compte, le plus souvent faute d’interlocuteurs, de moyens et d’information, donc de prise de conscience des enjeux du problème. »

En outre, le rapport relève que les petites entreprises interviennent souvent dans des secteurs d’activité où les conditions de travail sont très difficiles.

Par ailleurs, d’après le rapport, « il ressort des auditions que si des progrès certains ont été réalisés depuis de nombreuses années dans le BTP, la réduction de la pénibilité n’a avant tout été très significative que dans les grandes entreprises. Or, les petites entreprises sont très nombreuses dans le bâtiment (90 % des effectifs sont employés dans des entreprises de moins de dix salariés), contrairement à l’activité de travaux publics. »

Par notre amendement, sans qu’il soit besoin d’attendre des confirmations qui ne manqueront pas de venir, nous proposons que les petites et moyennes entreprises employant entre onze et quarante-neuf salariés soient également soumises à l’obligation de négocier et de conclure un accord en faveur de la prévention de la pénibilité.

Aux termes du code du travail, le seuil légal pour la désignation d’un représentant du personnel et la création d’une section syndicale se situe à onze salariés. À partir de ce seuil, un accord en faveur de la prévention de la pénibilité devrait donc pouvoir être négocié et conclu entre l’employeur et le représentant des salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je voudrais tout d’abord rappeler tout l’intérêt que la commission porte à cette démarche de prévention des situations de travail pénibles, visant en particulier à inciter les entreprises à négocier sur ce sujet. La prévention de la pénibilité passe en effet par une réflexion sur les conditions de travail et surtout sur l’organisation de celui-ci.

Certaines entreprises ont déjà pris des initiatives dans ce domaine, mais d’autres sont encore à la traîne. La procédure prévue à l’article 27 ter AA devrait inciter ces dernières à agir.

Le contenu de cet article peut être rapproché du dispositif destiné à encourager le maintien des seniors dans l’emploi. Dans ce cas, l’instauration d’une pénalité s’est révélée efficace et dissuasive. La grande majorité des entreprises ont en effet conclu un accord ou un plan d’action en faveur de l’emploi des seniors. Un très petit nombre d’entre elles seulement ont préféré s’acquitter d’une pénalité.

La commission insiste fortement sur la nécessité de veiller au contenu et à la bonne application des futurs accords en faveur de la prévention de la pénibilité.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 1048, qui vise à étendre le dispositif de la pénalité en cas d’absence d’un accord relatif à la prévention de la pénibilité aux entreprises comptant entre onze et quarante-neuf salariés.

La commission est convaincue qu’une telle mesure n’est pas du tout réaliste. C’est pourquoi elle a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je regrette que vous soyez si laconique, monsieur le ministre, alors qu’il s’agit tout de même de 4 millions de salariés travaillant dans les TPE et les PME ! Voilà quelques semaines, vous vous étiez déjà opposé, lors de l’examen du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social, à l’adoption de mesures qui auraient permis la mise en place dans les TPE et les PME de commissions paritaires à même d’élaborer et de conclure des accords concernant la pénibilité. Ces propositions ont été balayées d’un revers de main ! Que représentent, finalement, 4 millions de salariés…

Les salariés de ces entreprises artisanales sont souvent ceux qui ont les conditions de travail les plus dures, mais ils ne pourront donc pas bénéficier d’un accord en faveur de la prévention de la pénibilité. Je ne comprends pas votre position, monsieur le ministre ! Vous prétendez vouloir faire de la santé au travail une priorité, réduire la pénibilité et favoriser la prévention en la matière, mais quand nous vous demandons de prendre en considération la situation de 4 millions de salariés –excusez du peu ! –, vous ne prenez même pas la peine de nous répondre !

Il est vrai que nous avons déjà pu constater, à l’occasion de l’examen de précédents articles, que cela ne vous dérange pas qu’un maçon soit amené à travailler deux ans de plus, jusqu’à 62 ans s’il justifie à cet âge du nombre de trimestres de cotisation requis ou jusqu’à 67 ans sinon ! En tout cas, moi, cela me dérange !

Ici, s’agissant d’accords en faveur de la prévention de la pénibilité, ce sont encore une fois les plus fragiles d’entre les salariés, ceux qui n’ont pas de représentants syndicaux ni de délégué du personnel pour défendre leurs droits, que vous excluez.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne donnez pas une belle image du Parlement. Que l’on puisse tenir ainsi 4 millions de salariés pour quantité négligeable me met très en colère ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Ne vous mettez pas en colère, madame la sénatrice. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.) J’ai bien compris votre point de vue, mais telle n’est pas la réalité des choses.

Il est assez rare qu’un maçon prenne sa retraite à 65 ans aujourd’hui. En général, ceux qui exercent ce métier ont commencé jeunes et justifient donc de tous les trimestres de cotisation requis une fois parvenus à l’âge légal de départ à la retraite. Ce ne sont pas ces salariés qui prendront demain leur retraite à 67 ans, d’autant qu’ils sont souvent concernés par le dispositif des carrières longues.

Mme Annie David. C’est ce que vous pensez !

M. Éric Woerth, ministre. Ce n’est pas moi qui le pense, c’est la CNAVTS qui l’indique. Vous êtes d’ailleurs suffisamment renseignée pour le savoir. Il ne faut donc pas susciter des craintes infondées : un maçon prendra demain sa retraite à 62 ans au plus tard en général, voire plus tôt grâce au dispositif des carrières longues. Telle est la réalité ! Ce sont les salariés qui n’auront pas un nombre suffisant de trimestres de cotisation qui prendront leur retraite à 67 ans s’ils veulent bénéficier du taux plein. C’est la retraite à la carte.

Mme Annie David. Dans ces métiers-là, beaucoup de travailleurs sont étrangers et n’ont pas toujours travaillé en France !

M. Éric Woerth, ministre. Par ailleurs, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, il n’y a pas de délégué du personnel. La culture des accords d’entreprise y est moins développée. Commençons donc par les entreprises de plus de cinquante salariés, et nous verrons ensuite pour les autres. Dans les toutes petites entreprises, la situation est un peu différente. Nous l’avons bien vu lors de l’examen du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social : un dispositif adapté aux TPE a été mis en place. Voilà pourquoi nous maintenons ce seuil de cinquante salariés dans le présent texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, j’admire avec quelle aisance vous nous exposez qu’un maçon prendra demain sa retraite à 62 ans, soit deux ans plus tard qu’aujourd’hui, même s’il a toutes les annuités de cotisation requises ! Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux, en vous référant tantôt à l’âge de 60 ans, tantôt à celui de 62 ans, comme cela vous arrange.

Mme Raymonde Le Texier. C’est ce qu’il fait !

M. Jean-Jacques Mirassou. Par ailleurs, contrairement à la commission, je trouve que l’amendement n° 1048 est tout à fait réaliste. En effet, tout le monde le sait, dans les très petites entreprises, l’application du code du travail est parfois approximative, surtout quand il s’agit des dispositions concernant les conditions de travail et la prévention de la pénibilité.

Par conséquent, ne nous proposez pas de commencer par nous intéresser à ceux qui sont a priori déjà les mieux protégés par le droit du travail, en renvoyant à plus tard l’examen de la situation des salariés les plus fragiles, car ce sont précisément ceux-ci qui ont le plus besoin que la loi prévoie en leur faveur des mesures de prévention de la pénibilité du travail.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Il est tout de même très dommage que vous refusiez d’abaisser le seuil à onze salariés, monsieur le ministre, car dans certains secteurs où les salariés sont souvent exposés à des conditions de travail ou à des matières dangereuses, par exemple la construction navale ou le nucléaire, on fait désormais largement appel à des entreprises sous-traitantes qui comptent en général moins de cinquante salariés. Nombre de ces travailleurs vont donc se trouver exclus du champ du dispositif.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Je rappelle que les accords de branche s’appliquent aussi aux petites entreprises, et nous incitons à la signature de tels accords.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. François Autain. Ne vous méprenez pas, mes chers collègues ! Je voulais simplement indiquer que je renonce à mon temps de parole, afin de ne pas ralentir le débat. (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1048.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1049, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

dont l'effectif comprend au moins

remplacer les mots :

cinquante salariés

par les mots :

onze salariés

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Notre amendement précédent visait à élargir aux petites et moyennes entreprises employant entre onze et quarante-neuf salariés l’obligation de négocier et de conclure un accord ou un plan d’action en faveur de la prévention de la pénibilité. Par cohérence, nous proposons de retenir le même seuil pour les groupes d’entreprises.

Les facteurs de risques professionnels n’ont pas de lien avec le nombre de salariés de l’entreprise ou du groupe d’entreprises. Ils peuvent exister dans tous les cas de figure.

Dans mon département, par exemple, un sous-traitant de Metaleurop, entreprise bien connue, a exposé ses vingt-sept salariés à un taux de dioxine considérable pendant de nombreuses années. En conséquence, les éminents professeurs du centre hospitalier régional universitaire de Lille ont recensé une concentration de nombreux cancers de la thyroïde dans la zone où cette entreprise exerçait son activité. Une PME peut donc aussi menacer la santé de la population environnante.

Dans ces conditions, nous ne voyons pas pourquoi certaines entreprises ou groupes d’entreprises pourraient s’exonérer d’une part de leurs obligations en matière de prévention.

Par ailleurs, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peuvent être constitués que dans les établissements employant au moins cinquante salariés. Les personnels des entreprises ou des groupes de taille moindre ne bénéficient donc pas de leur intervention en matière de protection de la santé et de la sécurité ainsi que d’amélioration des conditions de travail. En outre, nous savons que des entreprises demeurent délibérément sous le seuil de cinquante salariés précisément pour échapper à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise et un CHSCT, au détriment des salariés. La prévention de la pénibilité doit être une priorité partout.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis là aussi un avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que les accords devaient être conclus entre partenaires sociaux, ce qui est difficile à l’échelon d’une petite entreprise. Certes, mais je ne vous apprendrai rien en vous disant que des personnes peuvent être désignées pour mener les négociations. Ainsi, il existe des « conseillers des salariés », qui se rendent à cette fin dans les entreprises dépourvues de délégué du personnel. Je tiens d’ailleurs à leur rendre hommage, car ils accomplissent un travail remarquable auprès des salariés, notamment ceux des TPE et des PME, qui sont les plus malmenés. À cet instant, que l’on me permette d’adresser un hommage particulier à mon mari, qui est conseiller des salariés ! (Exclamations amusées et applaudissements.)

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, je tenais à souligner que la présence de représentants élus des salariés n’était pas nécessaire pour conclure des accords ; des personnes peuvent être désignées uniquement pour les négocier.

M. Éric Woerth, ministre. C’est vrai !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1049.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1050, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

couvertes par un accord

supprimer les mots :

ou un plan d'action

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Non seulement le Gouvernement et la majorité parlementaire souhaitent faire prévaloir une approche de la pénibilité du travail individualisée et médicalisée, mais en plus ils voudraient, au travers de cet article, exonérer d’une quelconque sanction les entreprises qui se seraient bornées à rédiger un simple plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Or, avec le report de l’âge de départ à la retraite, la réforme pénalise particulièrement, faut-il le rappeler, les salariés ayant commencé à travailler jeunes, ceux qui ont eu des carrières difficiles et incomplètes et qui ont travaillé dans des conditions éprouvantes pour leur santé. Il est évident que les effets de la pénibilité du travail s’aggraveront avec des salariés de plus en plus âgés.

De plus, la précarisation du travail et son incidence sur la santé devraient également être pris en compte dans le débat sur les retraites, ce qui n’est absolument pas le cas avec cette réforme.

Concernant la pénibilité du travail, plus globalement, la véritable urgence est l’amélioration des conditions de travail en France. Il est à noter à ce sujet que notre pays connaît l’un des niveaux de productivité des salariés les plus élevés au monde, ce qui n’est pas sans conséquences sur la santé de ces derniers.

Compte tenu de ce que je viens de dire, vous comprendrez que, par souci d’efficacité, nous proposions de ne laisser subsister, à l’alinéa 4 de l’article 27 ter AA, que la référence aux accords relatifs à la prévention de la pénibilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Pour les raisons que nous avons exposées tout à l’heure, les entreprises ayant mis en œuvre un plan d’action doivent être exonérées de la pénalité.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1050.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 637 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf et Darniche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. L’article 27 ter AA instaure une pénalité d’un montant équivalent à 1 % au maximum des gains et rémunérations des salariés concernés en cas de défaut de plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité au travail.

Pour l’heure, la notion de pénibilité n’est pas définie. Nous considérons donc qu’il est prématuré de prévoir une pénalité, même si elle a valeur d’incitation, dès lors que nous n’avons pas connaissance des décrets d’application. Les amendements suivants prévoient d'ailleurs de porter le taux de la pénalité à 3 %, voire à 10 % ! Je propose donc de reporter l’examen de cette question et de ne pas instaurer de sanction.

Certes, comme il est indiqué dans le rapport, M. le ministre considère cette pénalité comme « un repoussoir qui est fait pour ne pas servir ». Pour autant, je constate une divergence de vues quant à l’affectation du produit éventuel de cette pénalité entre la commission et le Gouvernement. Si cette mesure est destinée à ne pas être appliquée, pourquoi s’interroger sur ce point ?

En tout état de cause, je considère que ce débat est prématuré.

M. le président. L'amendement n° 449, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Remplacer les mots :

1 % au maximum

par le pourcentage :

3 %

II. - Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à fixer à 3 % au maximum des rémunérations et gains des salariés concernés le montant de la pénalité due par les employeurs qui n’auront pas mis en œuvre un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Par d’autres amendements, nous proposerons de fixer également à 3 % le taux de la pénalité en cas de carence de l’employeur en matière d’accords ou de plans d’action relatifs à l’emploi des seniors, d’une part, et à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, d’autre part.

Nous devons en effet indiquer clairement, en tant que législateurs, que nous entendons que nos décisions aient réellement force de loi. Nous ne pouvons donc pas nous contenter d’une pénalité symbolique de 1 % de la masse salariale. Un taux de 3 % nous semble assez élevé pour sonner comme une alerte pour les employeurs. Il est réellement dissuasif, sans pour autant être prohibitif ni mettre en danger l’entreprise.

La pénibilité doit non seulement être prise en compte a posteriori par des mesures de compensation, mais elle doit être combattue, pour des motifs tant de santé que financiers.

Puisque nous parlons d’argent, permettez-moi de faire observer qu’il n’est pas politiquement ni financièrement cohérent de dénoncer le déficit de la sécurité sociale sans agir en amont sur des éléments qui en sont à l’origine. Le déficit de la sécurité sociale appelle aussi des mesures de prévention ; il n’est pas satisfaisant de reporter toute la charge de la réparation sur les salariés. Davantage encore que l’alcool et le tabac, les pathologies dues au travail, en dehors même du drame de l’amiante, ont une incidence croissante sur les finances de l’assurance maladie et de la branche accidents du travail-maladies professionnelles.

Nous proposons donc d’améliorer le financement du Fonds national de soutien relatif à la pénibilité, afin de limiter les besoins ultérieurs de financement liés à la réparation. Gouverner, c’est prévoir ! Je rappelle que la branche AT-MP est, pour la deuxième année consécutive, en déficit. Pourtant, la comptabilité de la branche bénéficie de la sous-déclaration chronique des accidents du travail et de la non-reconnaissance de maladies d’origine professionnelle, particulièrement à effet différé. C’est la preuve irréfutable que les accidents du travail et les maladies professionnelles sont en augmentation, ce qui est aberrant au xxie siècle.

Je rappellerai que, pourtant, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, un montant minimal de cotisations supplémentaires avait été proposé lorsque l’exploitation de l’entreprise présente des risques supplémentaires ou que les mesures de prévention édictées par les caisses ne sont pas respectées. Récemment, nos collègues de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale regrettaient que l’arrêté d’application de cette mesure ne soit toujours pas paru.

M. le président. Veuillez conclure, madame Printz.

Mme Gisèle Printz. Il n’est que temps d’intervenir avec fermeté et d’impliquer les employeurs dans la prévention de la pénibilité et des déficits abyssaux qu’elle contribue largement à creuser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 1051, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

Le montant de cette pénalité est fixé à

remplacer le taux :

1 %

par le taux :

10 %

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement porte sur la pénalisation des entreprises n’adhérant pas à un accord de branche relatif à la prévention de la pénibilité.

Il s’agit en fait de mettre en place un dispositif, de portée somme toute assez symbolique, ne touchant que les entreprises comptant au moins cinquante salariés et n’étant pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Le calcul du montant de la pénalité est assis sur le total des rémunérations des salariés concernés et la sanction peut faire l’objet d’un recours contentieux.

Pour autant, cette pénalité sera-t-elle seulement appliquée ? Nous avons en effet l’impression que cet article se borne à poser un principe, dont la mise en œuvre sera, une fois encore, conditionnée par la promulgation d’un décret.

En ce qui nous concerne, nous souhaitons que la pénalité ait un caractère suffisamment dissuasif pour que, à défaut d’un accord, l’entreprise conçoive un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité en vue de répondre aux exigences de la loi.

Comme le contenu des plans d’action sera, dans ses grandes lignes, défini par décret, rien ne permet de garantir l’absolue pertinence et l’efficacité de la pénalité.

La même remarque vaut d’ailleurs pour les accords, dont on peut craindre qu’ils ne soient de portée fort variable et que la course au moins-disant social ne trouve, dans l’arrêté qui sera signé par le ministre du travail, quelque raison de se poursuivre !

Au demeurant, comme l’article prévoit expressément la mise en place d’un effet de seuil, il suffira sans doute, pour échapper à la pénalité, de procéder à une séparation juridique idoine pour que les salariés en situation de pénibilité soient écartés du champ d’application du dispositif. La sollicitation éventuelle d’un sous-traitant peut d’ailleurs suffire à atteindre cet objectif.

Pour donner une véritable portée à la pénalité, nous proposons donc d’en fixer le taux à 10 % de la masse salariale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 1052, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

l'entreprise n'est pas couverte par l'accord

supprimer les mots :

ou le plan d'action

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. La constitution de l’Organisation mondiale de la santé d’avril 1948 fait de la santé et de sa préservation un droit fondamental. La santé y est définie comme « un état de complet bien-être physique, mental et social ».

La directive européenne 89/391/CEE du 12 juin 1989 fixe des règles obligeant tout employeur à protéger la santé des salariés. Cette obligation porte sur tous les aspects liés au travail, une « planification de la prévention qui doit viser un ensemble cohérent intégrant la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants de travail ». La jurisprudence de la Cour de justice européenne précise qu’il s’agit d’étendre ces concepts à l’environnement de travail et à la sécurité.

La législation française devrait donc, au minimum, apporter cette protection aux salariés. Or force est de constater que tel n’est pas le cas. En effet, la politique du Gouvernement en la matière ignore largement le facteur humain, pour ne prendre en considération que des données comptables.

Alors que l’objectif premier de la médecine du travail et de la prise en compte de la pénibilité au sein de l’entreprise devrait être la protection du salarié, les approches retenues l’excluent. Elles sont soit assurantielles, c’est-à-dire qu’elles établissent une liste de dangers, soit techniques, c’est-à-dire qu’elles évacuent toute la question de l’organisation du travail, soit « exonératoires », avec des critères patronaux permettant l’individualisation et la culpabilisation du salarié, soit encore hiérarchisées, avec un calcul de la probabilité du dommage potentiel et la mise en avant d’un seuil limite d’exposition, certains risques étant considérés comme mineurs.

Les salariés ne sont ni entendus ni sollicités alors que ce sont eux qui connaissent le travail et ses risques, ce qui, d’emblée, limite sérieusement la portée non seulement des résultats, mais encore des suites à leur donner.

L’article 27 ter AA, avec la mention des plans d’action, s’inscrit dans cette logique de mise à l’écart du salarié dans l’évaluation et la prévention de la pénibilité de son travail. En effet, cet article exonère les entreprises de la pénalité censée les inciter à négocier sur ce sujet si elles rédigent un simple plan d’action.

Or, vous le savez, mes chers collègues, de tels plans demeurent, dans la majorité des cas, des vœux pieux. C’est pourquoi nous vous proposons, par notre amendement, de supprimer cette référence.

Ainsi, les entreprises ne seront pas soumises au paiement de ladite pénalité seulement si elles ont engagé des négociations en vue de la conclusion d’un accord sur la prévention de la pénibilité, c'est-à-dire seulement si elles se sont réellement engagées à entendre la voix des représentants des salariés.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 450 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 639 rectifié est présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf, Beaumont et Darniche.

L'amendement n° 1053 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l’amendement n° 450.

M. Jacky Le Menn. L’alinéa 6 de l’article 27 ter AA prévoit que le montant de la pénalité « est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité ». Voilà ce qui s’appelle une rédaction ouverte et sympathique. C’est même de l’humour noir !

Nous parlons ici, et vous le savez, mes chers collègues, de la santé et de la sécurité des travailleurs, c’est-à-dire du mal-être, …

M. Jacques Blanc. Mais enfin, il n’y a pas que du mal-être au travail ! Il y a du bien-être aussi.

M. Jacky Le Menn. … et des accidents qui entraînent des incapacités, des maladies, des souffrances, parfois la mort. Nous ne débattons pas des fonds à consacrer à l’arbre de Noël en fin d’année !

De deux choses l’une : ou bien l’entreprise a signé un accord, qui est entré en application ou qui est en voie d’application, auquel cas les partenaires sociaux sont impliqués par le comité d’entreprise ou les délégués du personnel ; ou bien il y a un plan d’action – le projet de loi prévoit cette alternative –, qui est en application ou en cours de mise en œuvre.

Dans les deux cas, il existe des éléments visibles et aisément vérifiables par l’administration : des documents, des installations et des équipements de protection, des discussions avec les représentants du personnel.

C’est pourquoi nous sommes opposés à la possibilité de moduler le montant de la pénalité, surtout si le taux faible de 1 % au maximum est maintenu.

En effet, le risque est que la pénalité n’ait qu’une portée symbolique. Il est que, en ne faisant que très peu d’efforts, l’employeur obtienne une réduction importante de la pénalité, surtout s’il argue de difficultés financières. Il est que la liberté d’appréciation laissée à l’administration aboutisse à des inégalités territoriales. Ne va-t-on pas voir réapparaître les « réalités locales » – elles excusent tout ! – déjà prises en compte dans les missions des services de santé au travail ?

Le taux de 1 % n’est pas un message suffisamment clair adressé aux chefs d’entreprise. S’il peut être modulé à la baisse, il devient une sorte de trompe-l’œil, qui n’est pas plus utile que les mesures déjà proposées et qui n’ont jamais été appliquées.

C’est à nouveau la règle du « deux poids, deux mesures » qui s’applique.

Pour les salariés, l’âge de départ à la retraite est retardé, la prise en compte de la pénibilité est réduite à la reconnaissance individuelle d’une incapacité. On en appelle à la « responsabilisation », vocable qui recouvre toutes les régressions sociales possibles au détriment des travailleurs.

Mais les représentants du patronat ont su vous convaincre, monsieur le ministre, de ne pas trop les responsabiliser financièrement. Entre la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et la destruction de la médecine du travail, le début du XXIe siècle se caractérise par la dégradation organisée et généralisée des conditions de travail des travailleurs sur leur lieu de travail, ce qui n’est pas acceptable.

C’est en effet tout un édifice qu’il faut reconstruire pour un monde du travail où règne non pas un sentiment d’injustice, mais l’injustice elle-même, car, enfin, parler de la pénibilité, c’est parler du travail. Vous êtes-vous demandé, monsieur le ministre, pourquoi des sociologues, des médecins, des économistes, écrivent aujourd’hui des ouvrages intitulés La société malade de la gestion ou Souffrance en France, et surtout pourquoi ces livres rencontrent un écho aussi fort ?

Nous vous demandons donc, mes chers collègues, de voter cet amendement, qui vise à ne pas permettre aux employeurs d’user de moyens dilatoires pour éviter d’avoir à payer la pénalité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 639 rectifié.

M. Philippe Dominati. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 6, qui prévoit que le montant de la pénalité est fixé par l’autorité administrative. J’ai déjà exposé les trois raisons pour lesquelles je suis réticent sur la mise en place de ce système.

Je trouve en effet que l’aspect incitatif pour les entreprises est très mal défini. En outre, les conditions dans lesquelles sera fixé le montant de la pénalité sont virtuelles pour l’instant puisqu’elles seront définies par la suite. En tout état de cause, je pense que l’autorité administrative ne doit en aucun cas disposer de ce pouvoir décisionnel.

Mme Annie David. Pour une fois, je suis d’accord avec M. Dominati, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour présenter l'amendement n° 1053.

M. Jean-Claude Danglot. L’article 27 ter AA prévoit une mesure que nous aurions pu soutenir si sa portée n’était atténuée par l’alinéa 6, que notre amendement vise à supprimer.

Nous sommes convaincus que rien ne justifie que la santé du salarié soit dégradée du seul fait de son activité professionnelle. Il n’y a pas de fatalité. Le salarié est un producteur de richesses dont profitent l’employeur ou les actionnaires. Ces derniers doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’intégrité du salarié et sa santé au travail, y compris à long terme.

D’ailleurs, la Cour de cassation, se fondant sur l’article L. 4121-1 du code du travail, ne cesse de rappeler que l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés dans l’entreprise. Il doit en assurer l’effectivité.

Il est d’ailleurs convenu que la notion de santé doit recevoir une interprétation large. Elle doit viser tous les facteurs capables d’affecter la santé physique ou mentale et la sécurité du travailleur dans son environnement de travail, ce qui inclut notamment le stress. Cette obligation de résultat, qui excède la simple obligation de moyens, suppose donc que l’employeur agisse par anticipation ou, autrement dit, de manière préventive.

Cette logique d’anticipation suppose que la santé au travail soit une problématique permanente. Elle doit être évaluée régulièrement et, le cas échéant, améliorée. En ce sens, l’accord ou le plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité apparaît être une bonne mesure. De la même manière, l’instauration d’une sanction financière, même symbolique – 1 % de la masse salariale – est un signal fort envoyé aux employeurs comme aux salariés.

En revanche, nous ne vous suivons plus dans la suite de l’article, qui prévoit que le montant de la pénalité est fixé par l’autorité administrative en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.

Cette disposition laisse à penser que la sanction pourrait en réalité être systématiquement réduite, auquel cas elle n’aurait plus alors aucune valeur, notamment pédagogique et incitative, soit ses aspects les plus importants.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer l’alinéa 6 de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’ai eu l’occasion de dire tout à l’heure que nous étions très sensibles à toutes les mesures en faveur de la prise en compte et de la prévention de la pénibilité.

Toutefois, nous sommes évidemment défavorables à l’amendement n° 637 rectifié, qui vise à supprimer l’article 27 ter AA.

L’amendement n° 449 tend à augmenter la pénalité. Or le taux de 1 % représente déjà des sommes importantes et dissuasives. Nous sommes donc défavorables à l’instauration d’un taux de 3 %.

De même, nous sommes défavorables à l’amendement n° 1051, qui vise lui aussi à augmenter ce taux et à le porter à 10 %. C’est irréaliste !

Nous avons déjà dit, à l’occasion de la présentation de l’amendement n° 1050, que nous étions défavorables à l’amendement n° 1052. Les plans d’action ont, bien sûr, toute leur importance.

Enfin, nous sommes également défavorables aux amendements identiques nos 450, 639 rectifié et 1053, qui visent à supprimer l’alinéa 6. Je rappelle que cet alinéa prévoit que le montant de la pénalité est fixé en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité. On nous demande de prendre en compte l’importance de l’effort. C’est totalement irréaliste et contraire à l’esprit du texte.

Mme Annie David. M. Dominati n’a pas été assez convaincant !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Certains de ces amendements visent à augmenter le montant de la pénalité, d’autres à le diminuer. Nous devons donc avoir trouvé un équilibre !

Il me paraît évidemment important de laisser la possibilité à l’autorité administrative de moduler la pénalité, conformément à ce que dit le Conseil d’État sur la proportionnalité des peines.

En effet, si une entreprise fait beaucoup d’efforts, mais qu’il lui arrive quelque chose, il est logique qu’il en soit tenu compte. La proportionnalité devrait rassurer M. Dominati, ainsi que les auteurs des autres amendements. Il faut prendre en compte des cas de figure précis et non pas frapper à l’aveugle à hauteur de 1 % du chiffre d’affaires, ce qui représente un montant très important.

Pour ces raisons, je propose que l’on en reste au texte du projet de loi. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 637 rectifié.

M. Philippe Dominati. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 637 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 449.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 1051.

Mme Annie David. Monsieur le président, pour vous faire plaisir, je ne ferai qu’une seule explication de vote sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune. (Sourires.) Bien qu’ils aient tous des objets différents, ils rassemblent tous les reproches que l’on peut adresser à l’article 27 ter AA.

Ces amendements portent sur la pénalité qui, de notre point de vue, est largement insuffisante. Ils ont également trait à l’autorité administrative. Celle-ci, je l’ai bien compris, monsieur le ministre, pourra éventuellement moduler la pénalité. Elle pourra en diminuer le montant, mais en aucun cas ne pourra l’augmenter – le taux maximum sera de 1 % –, ce qui est pour nous totalement inacceptable.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que, en matière de pénibilité, les entreprises de plus de 300 salariés ont déjà des obligations à respecter. Souvenez-vous que M. Darcos, peu avant la nomination de M. Woerth, nous avait décrit les fameux feux rouges, feux orange et feux verts décernés aux entreprises. Souvenez-vous du tollé que ce dispositif avait suscité au sein du MEDEF. Il avait alors été immédiatement mis fin au classement des entreprises respectant leurs obligations en matière de conclusion d’accord relatif à la prévention de la pénibilité.

Mes chers collègues, cela fait longtemps que de tels accords auraient dû être conclus, mais on n’arrive pas à faire avancer les choses dans ce domaine. En attendant, ce sont les travailleurs qui trinquent parce que rien n’est mis en œuvre dans les entreprises pour lutter véritablement contre la pénibilité et pour protéger la santé des travailleurs. Vous devriez vous en soucier, car le fait que la loi ne soit pas respectée et que les accords ne soient pas signés contribue à affaiblir les ressources de la sécurité sociale.

Pour finir, je rappelle que nous souhaitons la suppression du plan d’action, car il permettra à l’entreprise de se dédouaner bien facilement, et de manière détournée, de ses obligations. Nous connaissons tous ici la valeur d’un plan d’action dans les entreprises. Elle n’est pas la même que celle d’un accord cosigné par les partenaires sociaux.

Mes chers collègues, nous soutiendrons évidemment l’ensemble de ces amendements, y compris l'amendement n° 639 rectifié de M. Dominati, à moins qu’il ne le retire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1051.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1052.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 450, 639 rectifié et 1053.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 451, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le produit de cette pénalité est affecté à la branche accidents du travail - maladies professionnelles de la sécurité sociale.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement, qui concerne la rédaction de l’alinéa 7 de l’article 27 ter AA, a pour objet de faire en sorte que le montant de la pénalité soit affecté non pas à un fonds national de soutien relatif à la pénibilité, mais à la branche accidents du travail - maladies professionnelles, ou branche AT-MP, de la sécurité sociale.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pourquoi créer un fonds ex nihilo, alors que la branche AT-MP paraît a priori tout indiquée pour recevoir le montant de ces pénalités ?

Et pourquoi nommer ce fonds non pas « fonds de prévention de la pénibilité » mais fonds national de soutien relatif à la pénibilité ? Autant de questions que nous nous posons.

Qui s’agit-il de soutenir ? Les travailleurs victimes de la pénibilité ? Une nouvelle fois, j’en doute. Les employeurs, qui courent un vrai risque, celui de ne pas pouvoir échapper à une pénalité, celui de voir leur responsabilité mise en cause ? Certainement bien plus !

Mes chers collègues, il nous faut anticiper sur le déroulement de notre discussion et nous reporter à l’alinéa 12 de l’article 27 ter A.

On y apprend que le fonds national de soutien relatif à la pénibilité sera destiné à « contribuer aux actions mises en œuvre » par les entreprises couvertes par un accord d’entreprise, mais aussi celles qui sont couvertes par un accord collectif de branche. Il s’agit des entreprises de cinquante salariés et plus qui, en application de la loi, devraient être dotées d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, un CHSCT, mais qui n’en ont pas.

Mais il y a mieux : les recettes du fonds seront constituées par une dotation de l’État, par une dotation de la branche AT-MP et par le produit de la pénalité.

Bien entendu, les proportions respectives de ces dotations ne sont pas précisées, mais on peut aisément présumer, par expérience, que les dotations de l’État et de la sécurité sociale seront très largement majoritaires.

Cette ingénieuse mécanique a été inventée par notre collègue député Pierre Méhaignerie, à qui – nous n’en doutons pas – les organisations patronales ne manqueront pas de rendre hommage.

Il en résulte que les actions de prévention des entreprises, y compris celles qui sont décidées seulement au niveau de la branche, seront en réalité financées par les contribuables,…

M. Jean-Pierre Godefroy.via la dotation de l’État, et par la sécurité sociale, via la branche AT-MP, qui est déjà déficitaire.

On demeure admiratif devant une telle ingéniosité. Mais cela ne nous empêche pas de demander que le produit de la pénalité soit affecté en toute transparence à la branche AT-MP de la sécurité sociale.

Mme Annie David. Oui, ce serait une bonne solution !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Dans le cadre des travaux de la commission, j’avais proposé que le produit de la pénalité de 1 % aille vers le fonds national de soutien relatif à la pénibilité plutôt qu’à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV.

Toutefois, mon cher collègue, après vous avoir écouté, je pense que votre proposition est très pertinente, car le fonds est transitoire, créé pour une durée allant jusqu’au mois de décembre 2013. Il me paraît donc intéressant d’affecter directement ce produit à la branche AT-MP.

Par conséquent, la commission a émis un avis de sagesse très favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Il est logique que le produit de cette pénalité soit affecté à la branche AT-MP. Certes, cette proposition peut être débattue dans la mesure où le fonds est lui-même financé par cette branche. Mais je suis d'accord pour que nous allions à la source.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 451.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 1054, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Comme cela a déjà été indiqué, l’article 27 ter AA, qui reprend l’article 26 sexies adopté par l’Assemblée nationale, relève plus de l’esbroufe et, pour le moins, de l’effet d’annonce que de la véritable avancée sociale.

Au-delà du fait que, comme nous l’avons plusieurs fois souligné, la conception de la pénibilité retenue par cette réforme relève de la régression sociale, une telle mesure n’aura que peu ou pas de conséquences sur l’amélioration de la prise en compte de la pénibilité par le patronat.

Selon M. le rapporteur, cet article additionnel « a pour objet de mettre en place une pénalité de 1 % de la masse salariale applicable aux entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité. »

Monsieur le ministre, cet article ne concerne que les entreprises de plus de cinquante salariés, ce qui en limite objectivement la portée. De plus, il renvoie à un décret la définition du seuil d’emplois pénibles dans chaque entreprise déclenchant de très éventuelles sanctions.

Ce point est important, car il autorisera que la loi en matière de pénibilité ne soit pas appliquée à des entreprises comprenant aujourd’hui un nombre d’emplois pénibles indéterminés.

Pourquoi fixer un seuil d’emplois pénibles pour la mise en œuvre de sanctions ? Le non-respect vis-à-vis d’un seul salarié ne le justifie-t-il pas ?

L’alinéa 10, que nous vous proposons de supprimer par cet amendement n° 1054, confirme tout le mal que nous pensons de cet article 27 ter AA.

En effet, cet alinéa prévoit que, en l’absence d’accord d’entreprise – ce qui sera fréquent car l’on peut aisément prévoir l’attitude du patronat en la matière –, un simple plan d’action pourra exempter de sanctions les entreprises concernées par l’article.

Une condition est donc rajoutée à celle de l’effectif de salariés exposés à la pénibilité, qui sera – qui peut en douter ? –élevé pour empêcher la mise en œuvre de toute prévention de la pénibilité.

Les pressions du patronat de ces dernières semaines ont donc été efficaces. Chacun le comprendra, sans sanctions réelles, un tel dispositif n’est qu’un vœu pieux.

Il s’agit d’encourager les entreprises, de les orienter, mais certainement pas de les contraindre, sans doute au nom de la compétitivité ou d’autres arguties libérales.

Nous vous proposons donc de supprimer cette disposition, soulignant ainsi que l’article 27 ter AA ne constitue certainement pas un progrès, mais relève plutôt de la mesure d’accompagnement du formidable recul de civilisation que constitue ce projet de casse du droit à la retraite.

M. François Autain. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. À défaut d'accord, nous tenons tout de même au plan d’action. Nous sommes donc défavorables à la suppression de l’alinéa 10.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1054.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 452, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. L’alinéa 11, que nous proposons de supprimer, dispose que les entreprises dont l’effectif est égal ou supérieur à 50 salariés et inférieur à 300 salariés ne sont pas soumises à la pénalité lorsqu’elles sont couvertes par un accord de branche étendu.

Il existe plusieurs domaines du droit du travail où l’accord de branche étendu est d’application tout à fait opportune. Tel peut être le cas, par exemple, pour des classifications ou des durées du travail.

Cette commodité de procédure est particulièrement adaptée pour les entreprises de moins de cinquante ou de vingt salariés, qui ne disposent pas, en général, des moyens pour mener à bien des négociations complexes.

Dans le cas présent, cette disposition est au contraire tout à fait inadaptée. Si nous nous référons au code du travail, dans ses articles L. 4611-1 et suivants, non seulement les entreprises, mais les établissements de cinquante salariés et plus doivent avoir un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en leur sein.

Dans les établissements de moins de cinquante salariés, l’inspecteur du travail peut même imposer la création d’un CHSCT lorsqu’il estime cette mesure nécessaire en raison de la nature particulière des travaux ou des locaux. Un autre article du code du travail prévoit aussi que des entreprises de moins de cinquante salariés peuvent se regrouper pour créer un tel comité.

Je vous ferai grâce de la lecture détaillée de tous les articles du code consacrés aux missions du CHSCT. Je vous rappellerai néanmoins que celui-ci a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux qui sont mis à disposition par une entreprise extérieure.

Selon un autre article, le CHSCT procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs de l’établissement, ainsi qu’à celle des conditions de travail.

Nous nous demandons si les inspirateurs du projet de loi veulent une nouvelle fois contourner le code du travail. Aujourd’hui, 17 % des entreprises de plus de cinquante salariés sont dotées d’un CHSCT, ce qui constitue donc une violation de la loi. Quelles mesures sont prises par le Gouvernement et l’administration du travail, qui est sous sa responsabilité, pour les inciter à en créer ? Aucune, apparemment.

Le Gouvernement semble se satisfaire de cette situation. En l’espèce, il donne le signal qu’il laissera faire, puisque des accords de branche suffiront pour être dispensés de cette pénalité, d’ailleurs symbolique.

En revanche, nous voyons fleurir une nouvelle fois des dispositions de contournement des seuils d’effectifs qui, comme chacun le sait, sont un obstacle au développement économique et une source de problèmes et de perte de temps pour les employeurs.

Du point de vue de la santé et de la sécurité des salariés, une telle attitude est purement et simplement inacceptable. Elle est aussi dangereuse.

Rien ne justifie que les salariés des établissements de cinquante salariés et plus ne négocient pas eux-mêmes des accords de prévention de la pénibilité.

Le risque est que les spécificités des établissements ne soient ni analysées ni prises en compte, et que l’on se contente une nouvelle fois d’appliquer des préconisations de portée générale.

Notre position est au contraire de demander la généralisation effective des CHSCT et des accords de prévention de pénibilité par établissement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Dès l’instant où les entreprises sont couvertes par un accord de branche, il est logique qu’elles ne soient pas soumises à la pénalité. L’objectif est bien d’inciter les entreprises, à leur niveau ou à celui de l’accord de branche, à prendre des dispositions en termes de prévention de la pénibilité.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 452.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1055, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer la date :

1er janvier 2012

par la date :

30 juin 2011

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Par cet amendement, nous vous proposons d’avancer la date d’application du présent article au 30 juin 2011, et non pas au 1er janvier 2012, comme le texte le prévoit.

Tout au long de l’examen du dispositif de sanctions envisagées à l’encontre des entreprises n’engageant pas de politique de prévention de la pénibilité, nous avons exprimé des doutes importants quant à vos intentions réelles.

En effet, les conditions d’effectifs des entreprises, cinquante salariés au minimum, le renvoi à un décret hypothétique de la fixation d’un seuil d’emplois pénibles à partir duquel l’entreprise sera soumise à sanction et, enfin, la possibilité de se contenter d’un plan d’action aux contours bien vagues en l’absence d’accord d’entreprise limitent considérablement le champ d’application du présent article.

Monsieur le rapporteur, vous évoquez les récentes mesures législatives concernant la pénibilité dont sont victimes les seniors. Vous affichez d’ailleurs une belle satisfaction, alors que vous affirmez vous-même que déjà 250 entreprises ont préféré opter pour des sanctions financières.

Quel pourcentage cela représente-t-il, monsieur le ministre ?

De notre point de vue, et malgré les critiques importantes que nous émettons, quel que soit le nombre d’entreprises s’engageant à établir des plans de prévention de la pénibilité, il est important que leur mise en œuvre soit la plus rapide possible et que, parallèlement, les sanctions susceptibles d’être prises le soient également le plus rapidement possible.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les auteurs de cet amendement nous demandent de raccourcir le délai prévu à l’alinéa 13, en avançant la date d’entrée en application au 30 juin 2011 – c’est demain ! –, alors que nous proposons le 1er janvier 2012. Laissons tout de même le temps aux partenaires sociaux de négocier !

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1055.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l’article.

Mme Raymonde Le Texier. L’article 27 ter AA prévoit une pénalité pour les entreprises de 50 salariés et plus, employant une proportion minimale de salariés exposés aux facteurs de risques professionnels, et qui n'auraient pas signé de plan de prévention de la pénibilité.

Il imite en cela les dispositifs existants pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes ainsi que pour l’emploi des seniors.

Ces dispositifs n’ont guère fait la preuve de leur efficacité. L’écart de salaire de 27 % entre les hommes et les femmes reste inchangé depuis plusieurs années. Quant aux dispositifs en faveur de l’emploi des seniors, vous conviendrez que leurs effets tardent aussi à se concrétiser. Gageons que le présent article n’échappera pas à la règle. Il n’a pas été conçu pour affronter un problème mais pour faire croire que le Gouvernement s’en préoccupe.

Le flou sur le montant de la pénalité – égale au maximum à 1 % des gains et rémunérations de ces salariés – entretient le doute : le montant sera-t-il réellement incitatif, ou le principe sera-t-il appliqué avec tant de tact et de mesure qu'il sera inopérant ?

C’est déjà le cas pour la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU : l’obligation de construire des logements sociaux n’est pas respectée par certaines villes, qui préfèrent s’acquitter d'une amende plutôt que de respecter ce que la loi impose.

Enfin, si l’on ne peut pas se plaindre que des plans ou des accords soient conclus, on peut regretter qu’ils le soient souvent a minima, sans que soit engagée une véritable réflexion sur la santé au travail, les conditions de travail, l’ergonomie des postes ou les rythmes de travail. De telles « signatures » servent de brevet de bonne conduite mais n’engagent jamais vraiment les entreprises à changer leur organisation, voire à mettre en place des objectifs précis en la matière.

Alors que la prévention de la pénibilité devrait faire l’objet d'une véritable politique de santé publique, elle est traitée a minima, sous forme de mesures incitatives, dans un cadre dont les articles précédents ont supprimé tout risque coercitif.

Les médecins du travail étant passés sous la tutelle des patrons et ceux-ci remplissant eux-mêmes les fiches des travailleurs exposés à des risques, il y a fort à parier que la sous-estimation des risques, la neutralisation de la médecine du travail et la mise en place de plans de prévention non coercitifs n’amélioreront pas les conditions de travail des salariés.

On ne saurait s’étonner d’un tel constat, le but du projet de loi n’étant pas de reconnaître la pénibilité mais d'anticiper les désagréments qui peuvent en résulter pour l’employeur. L’article 27 ter AA n'a pas d'autre vocation que celle-là et c’est pourquoi le groupe socialiste votera contre.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. L’article 27 ter AA prévoit que soit mis en place un dispositif expérimental de compensation de la pénibilité.

Ce dispositif conduira, sous certaines conditions, à ce que les entreprises soient pénalisées en cas de non-conclusion, de non-application ou de non-respect de tels accords.

Bien entendu, je pourrais me contenter de dire que nous refusons que les entreprises pénalisées puissent faire valoir quelque argument que ce soit pour échapper à la pénalité.

Au demeurant, avec l’amendement de M. Dominati et le remplissage des fiches d’exposition prévues par l'article 25, il est fort probable que le recours au contentieux de recouvrement soit plus facile que pénible !

Je me permettrai une observation à ce stade. La pénalité ne sera applicable qu’aux entreprises de plus de 50 salariés ou, quand elles en comptent moins, faisant partie d'une entité économique regroupant au moins 50 salariés. De telles dispositions devraient apaiser nos collègues qui ont tenté de nous apitoyer sur le sort des chefs d’entreprises soumis à la « pénibilité administrative » découlant de l’application des dispositions de l’article 25 !

En France, pour qu’une exploitation agricole emploie plus de 50 salariés, il faut être l’un des bénéficiaires principaux des subventions communautaires ! Ce n’est pas le petit fruiticulteur du Lot-et-Garonne qui est concerné, mais bien plutôt le céréalier beauceron ou le betteravier picard !

Cependant, le champ des obligations étant limité aux entreprises de plus de 50 salariés, comment ne pas relever que ce sont des millions de salariés, travaillant dans de petites ou très petites entreprises, notamment dans le secteur de la sous-traitance – sans parler, bien entendu, du nombre croissant de salariés déguisés en auto-entrepreneurs –, qui ne seront pas concernés par les mesures prétendant luttant la pénibilité ?

C'est donc une ergonomie « au petit pied » qui va peut-être se mettre en place.

Réflexion faite, la pénibilité n’étant pas véritablement combattue, il est probable que, plutôt que d’agir sur l’âge du départ à la retraite, on ne se serve bientôt de ce débat pour servir un autre objectif.

Cet objectif, c'est tout bonnement de donner au patronat des armes nouvelles pour que les contentieux juridiques nés de la pénibilité, du harcèlement moral, des accidents du travail ou plus généralement des conditions de travail puissent être éteints. Toutes ces réalités sont plus que jamais présentes dans le monde du travail actuel.

Ainsi, la « lutte contre la pénibilité » ne constituerait pas une avancée sociale mais bel et bien un recul imposé à l’ensemble des salariés.

C’est pourquoi, sans dramatiser la situation, nous invitons nos collègues à ne pas adopter l’article 27 ter AA. C’est aussi pourquoi nous nous y opposerons par scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, le groupe UMP soutient naturellement l’article 27 ter AA, mais il souhaite que puisse être introduite, lors de sa mise en œuvre, parmi les critères d’analyse et d’étude, une comparaison internationale ou au moins européenne.

Celle-ci viserait à faire en sorte que, métier par métier et secteur par secteur, nous puissions éclairer le jugement de nos compatriotes, employeurs ou salariés, quant à la situation à l’échelle européenne, afin que nos orientations soient les plus justes possible mais qu’elles tiennent aussi compte des réalités vécues chez nos partenaires.

Un certain nombre d’entre nous se souviennent, par exemple, du débat sur les règles relatives au pilotage des avions Airbus. Notre pays a été l’un des derniers à accepter – au prix de très lourds conflits sociaux – que le nombre légal de pilotes passe de trois, comme il était d’usage en France, à deux, comme c’était le cas pour toutes les autres compagnies aériennes d’Europe et du monde.

Je crois par conséquent qu’il serait utile d’introduire d’emblée une comparaison de la France avec les autres pays développés de l’Union au cœur de l’analyse des situations, catégorie par catégorie, pouvant aboutir à des accords de branche. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président du groupe UMP, j’ai bien noté votre proposition.

Bien sûr, je la juge tout à fait pertinente. Il faut évidemment éviter de mettre à la charge des entreprises, notamment des TPE, des obligations pouvant nuire à leur compétitivité ; il est vrai aussi que de bonnes conditions de travail et la réduction de la pénibilité sont absolument nécessaires aux salariés sans être, tant s’en faut, antiéconomiques pour l’entreprise.

Il est donc vrai que nous devons progressivement réaliser des comparatifs européens.

M. le président. Je mets aux voix l'article 27 ter AA, modifié.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 59 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 183
Contre 153

Le Sénat a adopté.

Article 27 ter AA (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 ter AC (Nouveau) (début)

Article 27 ter AB (nouveau)

Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, placé auprès du ministre chargé du travail, participe à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, ainsi que d’amélioration des conditions de travail.

Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail comprend un comité permanent, une commission générale et des commissions spécialisées.

Son comité permanent est assisté d’un observatoire de la pénibilité chargé d’apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé, et en particulier celles ayant une incidence sur l’espérance de vie. Cet observatoire propose au comité permanent toute mesure de nature à améliorer les conditions de travail des salariés exposés à ces activités.

Un comité scientifique a pour mission d’évaluer les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité sur l’espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs. La composition de ce comité scientifique est fixée par décret.

La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Monsieur le président, il n’y aura qu’une seule intervention pour le groupe CRC-SPG.

M. Jean Bizet. C’est bien !

Mme Annie David. L’article 27 ter AB vise à créer un comité scientifique œuvrant auprès de l’observatoire de la pénibilité, qui lui-même assiste le comité permanent, lequel siège au sein du Conseil d’orientation sur les conditions de travail.

Ce comité scientifique aura pour mission d’évaluer les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité sur l’espérance de vie avec ou sans incapacité des travailleurs.

Nous nous opposons pourtant au Gouvernement quant à la composition du comité scientifique, fixée par décret.

L'observatoire de la pénibilité identifiera – peut-être – une activité comme pénible et ayant des conséquences sur la santé des travailleurs. Alors, le comité scientifique pourra – peut-être – travailler pour déterminer s’il s’agit effectivement d’une activité ayant des conséquences, même différées, sur la santé !

Nous sommes pour notre part très choqués par cette attitude qui consiste à toujours remettre à plus tard des mesures qu’il faudrait prendre aujourd'hui.

Mettre en place un énième comité scientifique pour prouver ce que chacun sait déjà, c’est presque faire preuve de mépris à l’égard des travailleurs qui, eux, n’ignorent pas que tel travail a des effets très néfastes sur leur santé.

A-t-on besoin d’une nouvelle étude pour prouver que la terre est ronde ? Non, elle l’est ! Il en va de même en matière de pénibilité. Il a déjà été prouvé qu’un travail dur et pénible écourtait la durée de vie, et que la pénibilité avait des effets différés.

En matière de pénibilité et de souffrance au travail, que de temps passé, mes chers collègues, à observer, mais surtout à ne rien faire pour que les choses changent ! Les accords en faveur de la prévention de la pénibilité que vous venez d’adopter ne changeront pas grand-chose pour les salariés des TPE et des PME. On crée des comités, des observatoires, des missions d’évaluation, on édite des rapports et encore des rapports.

Savez-vous que la France est actuellement un des pays au monde où les travaux relatifs aux conséquences de toutes les formes de pénibilité sur la santé des travailleurs – physique et morale – sont les plus nombreux, les plus fiables et les plus diversifiés ?

Oser prétendre que les études scientifiques n’ont pas encore établi qu’un travail pénible peut avoir des conséquences différées sur la santé et qu’elles ne permettent pas de mesurer le seuil à partir duquel la soumission à ces facteurs de risques et de souffrance influe sur l’espérance de vie n’est pas digne, mes chers collègues, de notre société.

Depuis longtemps, nous savons mesurer l’incidence de la pénibilité des conditions de travail sur la santé. C’est d’ailleurs ce qui figure dans les conclusions du rapport de la mission d’information sur le mal-être au travail, présidé par M. Dériot et auquel j’ai participé avec M. Godefroy et d’autres de mes collègues. Personne ne pourra dire qu’on ne le savait pas.

Le seul problème, c’est que vous ne voulez pas agir, car les effets différés de la pénibilité comme les risques psychosociaux sont des épouvantails pour le MEDEF. À l’heure actuelle, il est hors de question que vous avanciez d’un pouce sur ces sujets.

Cela rappelle les affirmations des fabricants de tabac ou d’amiante qui, jusqu’au bout, ont nié que les produits qu’ils fabriquaient et qu’ils faisaient respirer à leurs salariés pouvaient avoir la moindre conséquence néfaste pour la santé.

Il est donc urgent d’attendre, et pour enterrer le problème, vous créez une commission, en l’occurrence, ici, un comité scientifique ! Pis encore, vous prévoyez de laisser passer plusieurs années avant que celui-ci ne puisse intervenir !

Nous espérons que certains scientifiques auront le courage de vous dire que ce comité est un faux-fuyant.

Face à votre proposition, nous avons failli déposer un amendement de suppression. Puis, de manière plus pragmatique, nous avons décidé d’essayer de modifier la composition de ce comité pour le cas où il pourrait avoir une véritable utilité.

Nous interviendrons donc sur la composition de ce comité que vous souhaitez définir par décret, et nous vous proposerons un mode de désignation qui ne sera pas soumis à l’influence politique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 877, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

en bonne santé

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, créé par décret du 27 novembre 2008, est censé participer, selon les termes mêmes dudit décret, « à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, ainsi que d’amélioration des conditions de travail ». Il a un rôle consultatif et peut formuler des recommandations et des propositions en la matière.

Il se compose d’un comité permanent assisté d’un observatoire de la pénibilité, d’une commission générale et de six commissions spécialisées.

L’observatoire de la pénibilité est chargé d’apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé, en particulier celles qui ont une incidence sur l’espérance de vie. C’est lui qui propose au comité permanent toute mesure de nature à améliorer les conditions de travail des salariés exposés à ces activités pénibles.

À l’Assemblée nationale, comme aujourd’hui au Sénat, la commission saisie au fond a proposé de reconnaître l’existence de cet organisme et de son observatoire de la pénibilité au niveau législatif.

La formule peut paraître étrange, sauf si l’on se penche sur le fonctionnement du COCT. Que constate-t-on ? C’est le ministre du travail qui a la main, c’est lui qui préside à la fois le COCT, le comité permanent et l’observatoire de la pénibilité. Cet observatoire devait être réuni au plus tard au début de l’année 2010. L’a-t-il été ? Nous ne trouvons aucune trace de ses travaux sur le site du ministère du travail ou du COCT, qui ne font qu’un en réalité.

Rien donc sur l’observatoire de la pénibilité alors qu’il est censé « apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé ».

Dois-je rappeler que, lors de l’installation du COCT en 2009, Brice Hortefeux l’avait présenté comme « l’un des aboutissements concrets de la politique du Président de la République : rénover la démocratie sociale et revaloriser le travail » !

Aujourd’hui, vous créez au sein du COCT un nouveau comité, cette fois scientifique. Mais encore devra-t-il être réuni lui aussi un jour…

J’avoue que la création, sur proposition du Gouvernement, d’un comité scientifique chargé « d’évaluer les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité sur l’espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs » donne finalement raison à notre amendement.

Comme nous le disons depuis le début de ce débat, la notion « d’espérance de vie » n’est pas le bon curseur. En effet, ce critère cache des disparités bien trop grandes. C’est la raison pour laquelle nous préférons lui substituer la notion « d’espérance de vie en bonne santé », c'est-à-dire une espérance de vie sans limitation d’activité ou sans incapacité majeure liée à des maladies chroniques, aux séquelles d’affections aiguës ou de traumatismes, ce second critère évoluant moins vite que le premier.

Voilà pourquoi nous souhaitons que ce texte prenne en compte tous les types de pénibilité, y compris ceux dont les effets sur la santé sont différés. C’est le cas des métiers exercés dans un environnement agressif et des métiers concernés par des rythmes de travail pénibles. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Madame David, je ne comprends pas votre impatience. Nous ne pouvons plus nous contenter de discours incantatoires.

Aujourd'hui, monsieur Fischer, la démocratie sociale est ce qu’elle est ! Elle a ses limites. Nous avons besoin d’un comité scientifique pour évaluer la relation possible entre les facteurs retenus en termes de pénibilité et les risques d’altération de la vie et de l’état de santé des salariés. La création de ce comité scientifique, selon moi, est un point de passage obligé pour prendre en compte la pénibilité différée.

L’adoption de l’amendement n° 877 restreindrait le champ d’étude de l’observatoire de la pénibilité aux seules activités pénibles ayant des conséquences sur l’espérance de vie en bonne santé. La commission ne peut qu’être défavorable à une telle proposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le rapporteur, vous dites ne pas comprendre mon impatience. Selon vous, le comité scientifique doit être créé et doit pouvoir travailler sur les conséquences de l’exposition aux activités pénibles. Mais enfin, mes chers collègues, des scientifiques ont déjà démontré la nocivité de certaines tâches pénibles ou de certains produits !

N’avez-vous pas été alertés par ce qui s’est passé avec l’amiante ? Allez-vous laisser se reproduire de tels drames ?

Aujourd’hui, nous savons qu’il existe des travaux pénibles dans les entreprises et que l’espérance de vie en bonne santé est fonction de la catégorie socioprofessionnelle à laquelle on appartient. Et vous nous dites qu’il va falloir attendre qu’un comité scientifique étudie les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité du COCT, qui proposera ensuite des mesures !

Monsieur le ministre, combien de fois le fameux observatoire de la pénibilité du COCT s’est-il réuni? Il me semble qu’il ne s’est pas réuni souvent, pour ne pas dire jamais !

Si le comité scientifique se réunit aussi souvent que l’observatoire de la pénibilité, nous ne sommes pas près d’avoir des résultats, je vous le garantis ! En attendant, les salariés continueront à être exposés à des travaux pénibles, dangereux, à inhaler des produits nocifs qui leur provoqueront des cancers à peine arrivés à l’âge de la retraite. Je pense, dans mon département, aux salariés de la plate-forme chimique de Jarrie qui ont été atteints par l’amiante et par les produits classés CMR, cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques. Le nombre de salariés atteints de cancer et morts avant l’âge de 60 ans, monsieur le ministre, devrait vous faire réfléchir.

Mme Annie David. Vous venez de dire à M. Longuet qu’il était important pour la productivité des entreprises que les salariés soient en bonne santé. Vous devriez envisager cette question sous cet angle…

Mme Raymonde Le Texier. Ils peuvent entendre cet argument !

Mme Annie David. Tout à fait ! Puisque vous êtes sensible à l’argument de la rentabilité, sachez que la bonne santé des travailleurs participe, évidemment, à la productivité et à la rentabilité des entreprises.

Nous ne sommes pas opposés à la création du comité scientifique, mais, d’une part, nous n’en connaissons pas la composition – elle sera fixée par décret – et, d’autre part, nous ne savons pas quand il se réunira puisque l’observatoire de la pénibilité du COCT ne se réunit jamais. Sur quelles bases ce comité se réunira-t-il ? Quels problèmes étudiera-t-il ? Quelles propositions avancera-t-il ?

Nous connaissons déjà les facteurs de pénibilité. Même le MEDEF est d’accord sur certains d’entre eux, notamment pour les travaux physiques qui nécessitent le maniement de poids et de charges lourdes. Les problèmes liés à l’inhalation de certains produits sont admis, même si le MEDEF a encore du mal à les reconnaître. Le MEDEF est également à peu près d’accord sur les horaires atypiques et décalés. Dans de nombreuses entreprises, il existait des accords que toutes vos mesures vont mettre à bas. Je pense, par exemple, aux accords concernant les salariés, dans la chimie, la papeterie ou l’aluminium, qui font les trois-huit, sept jours sur sept, trois cent soixante-cinq jours par an, jours fériés compris, pour ne pas arrêter l’outil de production. C’est aussi cela la rentabilité !

Nous savons que de telles pratiques nuisent gravement à la santé des travailleurs. Quel besoin y-a-t-il encore de donner du grain à moudre à un comité de scientifiques ?

Toutes ces questions, mes chers collègues, sont réelles et légitimes. C’est pourquoi nous ne sommes pas opposés, sur le principe, à la création d’un comité scientifique. Mais à quoi servira celui-ci par rapport à tous ceux qui existent déjà, sinon à repousser encore un peu plus les mesures nécessaires pour répondre aux besoins urgents des employés en matière de prévention de la pénibilité au travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Madame la sénatrice, la bonne santé des personnes au travail n’est pas uniquement importante pour les entreprises. Elle est surtout importante pour les travailleurs eux-mêmes. (Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG s’esclaffent.)

Mme Annie David. Je suis d’accord avec vous !

M. Éric Woerth, ministre. Vous avez tendance à penser que nous sommes uniquement intéressés par la productivité des entreprises : non, ce qui nous intéresse, c’est que les Françaises et les Français soient en bonne santé !

Mme Annie David. Passez aux actes !

M. Éric Woerth, ministre. C’est justement pour cette raison que nous créons un droit nouveau : la compensation de la pénibilité.

Le comité scientifique est différent de l’observatoire de la pénibilité. Il a pour mission opérationnelle très précise de réaliser des études épidémiologiques afin de rapprocher un facteur de risque de la population qui y est soumise et d’étudier dans quelles conditions cette population est effectivement affectée par ce risque.

Il existe, bien sûr, des études sur le travail de nuit, mais elles sont extrêmement parcellaires. Il suffit d’en discuter avec M. Lasfargues ou avec des spécialistes sur le plan international pour s’en convaincre. Le comité scientifique aura donc pour mission de guider le Gouvernement ou les gouvernements à venir dans l’élaboration des politiques visant à améliorer la prise en compte de la pénibilité,…

Mme Annie David. Ce n’est pas ce qui est écrit !

M. Éric Woerth, ministre. … notamment de la pénibilité différée.

Faute de prendre en compte ces aspects, d’établir réellement le lien entre la pénibilité et la santé ou de clarifier le facteur d’exposition, une énorme injustice se créera entre le salarié qui pourra partir plus tôt à la retraite parce qu’il aura été soumis à de la pénibilité, dans des conditions qui restent à préciser, et celui qui ne le pourra pas.

Tel est le rôle du comité scientifique. C’est un rôle très opérationnel. Évidemment, ce comité se réunira puisqu’un rendez-vous est pris en 2013 pour la remise des travaux.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous espérons véritablement, monsieur le ministre, que ce comité scientifique ne suivra pas les traces de l’observatoire de la pénibilité. Nous insistons sur ce point, parce que nous souhaiterions savoir quand cet observatoire a été réuni et quels ont été les résultats de ses travaux. Par ailleurs, le fait que la composition de ce nouveau comité relève d’un décret nous inquiète particulièrement.

Nous disons, quant à nous, que tous les types de pénibilité, immédiate comme différée, doivent être pris en compte dans ce texte. En la matière, la littérature scientifique ne manque d’ailleurs pas et de nombreuses études ont démontré l’existence de la pénibilité à effet différé. C’est donc tout de suite qu’il faut prendre la responsabilité de la traiter et non la renvoyer vers un énième comité, sous peine de voir cette question tomber aux oubliettes !

Le choix du critère de l’espérance de vie ne permet pas d’assurer aux salariés concernés par les métiers pénibles, notamment lorsque leurs effets sont différés, la capacité de vivre une retraite en pleine santé comme les autres salariés. Je rappelle que les femmes ont théoriquement une espérance de vie de 84 ans, mais on retombe à 64 ans pour l’espérance de vie en bonne santé ; pour les hommes, on passe de 77 ans à 63 ans ! Et vous voulez les faire travailler jusqu’à 67 ans !

Au final, vous proposez bien de renoncer au principe le plus fondamental du droit à la retraite : permettre l’épanouissement de chacun après une vie de travail. Cette exigence, nous comptons la défendre avec nos amendements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 877.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 510 rectifié est présenté par M. Gilles, Mlle Joissains, Mme Desmarescaux et MM. P. Dominati, Cambon, Trillard, Revet et Milon.

L’amendement n° 585 est présenté par MM. About et A. Giraud, Mme Payet, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

L’observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail est composé de représentants de l’État, de représentants des organisations d’employeurs les plus représentatives au plan national, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national interprofessionnel et de personnalités qualifiées.

La parole est à M. Charles Revet, pour défendre l’amendement n° 510 rectifié.

M. Charles Revet. Cet amendement vise à préciser la composition de l’observatoire de la pénibilité, afin de s’assurer de la représentativité de tous les employeurs et syndicats de salariés. Il tend donc à reprendre les critères de composition du Conseil d’orientation sur les conditions de travail pour définir ceux qui détermineront la composition de l’observatoire de la pénibilité créé en son sein.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l’amendement n° 585.

M. Nicolas About. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 493, présenté par M. Milon, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L’observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail est composé de représentants de l’État, de représentants des organisations d’employeurs les plus représentatives au plan national, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national interprofessionnel et de personnalités qualifiées. Le décret mentionné à l’alinéa précédent précise la composition et les modalités d’organisation de ce comité.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les amendements nos 510 rectifié et 585 tendent à préciser la composition de l’observatoire de la pénibilité. Ces dispositions relèvent a priori du domaine réglementaire. La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Je souhaite simplement préciser que nous avions rectifié, avant la séance, notre amendement n° 1056 rectifié, afin qu’il porte sur l’alinéa 3 de l’article 27 ter AB actuellement en discussion.

M. le président. Effectivement, mon cher collègue, il convient de rattacher cet amendement à la discussion commune.

J’appelle donc en discussion l’amendement n° 1056 rectifié bis, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La composition de cet observatoire de la pénibilité devra se faire selon une procédure qui garantit l’objectivité scientifique de ses travaux, la pluralité de ses membres et l’indépendance de cette structure vis-à-vis du politique. Les règles de désignation de ses membres, fixées par décret, s’inspirent de celles du Conseil d’orientation sur les conditions de travail.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement visait initialement l’alinéa 4, mais, comme M. le rapporteur a déposé un amendement pour supprimer cet alinéa, notre amendement risquait de subir un sort dramatique à nos yeux, en devenant sans objet. Nous l’avons donc rectifié avant la séance pour le rattacher à l’alinéa 3, afin qu’il soit présenté dans la discussion commune.

Cet amendement s’inspire de la même philosophie que les deux amendements identiques précédents : nous demandons, nous aussi, une clarification de la composition de l’observatoire de la pénibilité. J’ai entendu M. le ministre émettre un avis favorable sur ces deux amendements ; le nôtre ne connaîtra vraisemblablement pas le même sort, puisque nous allons un peu plus loin que nos collègues.

Nous souhaitons en effet que la composition de cet observatoire garantisse « l’objectivité scientifique de ses travaux, la pluralité de ses membres et l’indépendance de cette structure vis-à-vis du politique ».

Le mode de nomination des membres de l’observatoire devrait donc s’inspirer – pourquoi pas ? – de celui des membres du COCT. Au moins, nous pourrions être ainsi assurés du pluralisme de sa composition. Si, en plus, des scientifiques indépendants y siègent, les travailleurs dans leur ensemble ne pourront qu’être rassurés quant aux conclusions de ses travaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1056 rectifié bis ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’adoption des amendements nos 510 rectifiés et 585 devrait donner satisfaction aux auteurs de cet amendement. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 510 rectifié et 585.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 1056 rectifié bis n’a plus d’objet.

L’amendement n° 878, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les conclusions de l’Observatoire de la pénibilité sont rendues publiques.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article énumère les dispositifs prévus par le texte en matière d’évaluation de la pénibilité du travail selon les secteurs. Ainsi, messieurs les ministres, vous prévoyez que le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, dont le rôle sera de participer à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, sera épaulé, dans sa mission, par un observatoire de la pénibilité, chargé d’apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé, en particulier lorsqu’elles ont une incidence sur l’espérance de vie.

L’observatoire aura alors pour rôle de proposer au comité de pilotage des régimes de retraite toute disposition visant à prendre en compte la pénibilité au regard de l’âge de départ à la retraite.

L’enjeu lié à la prise en compte de la pénibilité est considérable. Année après année, des centaines de milliers d’hommes et de femmes usent leur santé au travail, vieillissent prématurément et ne bénéficient, de ce fait, que d’une retraite écourtée. Une des priorités d’une réforme juste devrait être l’éradication de ces situations. Or la France est en retard dans ce domaine, parce que l’on a refusé de mettre en place un système de réparation digne de ce nom.

Malheureusement, les mesures que vous proposez ne feront qu’empirer la situation. En faisant de la constatation d’un handicap la condition d’accès au dispositif, le projet gouvernemental actuel ne répond donc pas au problème posé.

En effet, les salariés qui ont dû supporter des dizaines d’années de travaux pénibles ne sont pas, dans la majorité des cas, des malades ou des handicapés, mais des personnes dont l’espérance de vie est écourtée du fait des contraintes de travail subies.

Si le dispositif prévu par cet article met en place un système d’évaluation de la pénibilité par secteur, il semble toutefois trop faible pour répondre au problème de politique publique posé.

D’une part, la composition du comité scientifique de cet organisme sera fixée par décret, ce qui relativise grandement sa nécessaire neutralité ainsi que sa représentativité. D’autre part, et c’est là l’objet de notre amendement, les conclusions et recommandations de l’observatoire de la pénibilité ne sont soumises à aucune condition de publicité et donc, de fait, très peu contraignantes. Il nous paraît donc essentiel de modifier cet article afin de rendre obligatoire la publicité des travaux de l’observatoire de la pénibilité, si l’on veut qu’elles aient une utilité réelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Rendre publiques les conclusions de l’observatoire de la pénibilité me semble être une précision utile. La commission a donc rendu un avis de sagesse favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable… avec sagesse ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 878.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L’amendement n° 1207, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je propose une suppression de l’alinéa 4. En effet, la commission a réécrit le titre  IV en le divisant en trois chapitres respectivement relatifs à la prévention de la pénibilité, à la compensation de celle-ci et aux dispositions communes. La suppression de cette disposition précède sa réinsertion à un autre niveau du texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1207.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 662, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé:

Sur la base des travaux du comité scientifique chargé d’évaluer les conséquences de l’exposition aux facteurs de pénibilité, le conseil d’orientation sur les conditions de travail présente au Gouvernement, avant la fin du deuxième semestre 2013, des recommandations sur les situations de pénibilité à effets différés à prendre en considération et pour lesquelles il préconise l’extension du dispositif de compensation prévu par l’article L. 4121-3-1 du code du travail.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 27 ter AB, modifié.

(L’article 27 ter AB est adopté.)

Chapitre II

Compensation de la pénibilité

[Division et intitulé nouveaux]

Article 27 ter AB (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 ter AC (Nouveau) (interruption de la discussion)

Article 27 ter AC (nouveau)

La section 1 du chapitre Ier du titre V du livre III du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 351-1-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 351-1-4. – I. – La condition d’âge prévue au premier alinéa de l’article L. 351-1 est abaissée, dans des conditions fixées par décret, pour les assurés qui justifient d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 434-2 au moins égale à un taux déterminé par décret, lorsque cette incapacité est reconnue au titre d’une maladie professionnelle mentionnée à l’article L. 461-1 ou au titre d’un accident de travail mentionné à l’article L. 411-1 et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.

« II. – La pension de retraite liquidée en application du présent article est calculée au taux plein même si l’assuré ne justifie pas de la durée requise d’assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires.

« III. – Les I et II sont également applicables à l’assuré justifiant d’une incapacité permanente d’un taux inférieur à celui mentionné au I, sous réserve :

« a) Que le taux d’incapacité permanente de l’assuré soit au moins égal à un taux déterminé par décret ;

« b) Que l’assuré ait été exposé, pendant un nombre d’années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail ;

« c) Qu’il puisse être établi que l’incapacité permanente dont est atteint l’assuré soit directement liée à l’exposition à ces facteurs de risques professionnels.

« Une commission pluridisciplinaire dont l’avis s’impose à l’organisme débiteur de la pension de retraite est chargée de valider les modes de preuve apportés par l’assuré et d’apprécier l’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de cette commission ainsi que les éléments du dossier au vu desquels elle rend son avis sont fixés par décret. »

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l’article.

M. Jacky Le Menn. Cet article soulève des difficultés de compréhension et d’application dans les domaines d’ouverture de droits concernés. Il présente aussi une intrication avec un dispositif déjà existant : cela aura pour conséquence une inégalité de traitement des assurés sociaux et des coûts pour l’ensemble du système de retraite par répartition.

S’agissant des difficultés de compréhension et d’application dans les domaines d’ouverture de droits concernés, le dispositif de cet article vise les incapacités reconnues « au titre d’une maladie professionnelle mentionnée à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ou au titre d’un accident du travail mentionné à l’article L. 411-1 et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle. »

Dans le cadre des maladies professionnelles listées, certaines peuvent faire référence à des lésions que l’on peut voir reconnaître au titre d’un accident de travail et non d’une maladie professionnelle selon le contexte de survenue.

Cependant, il est à noter que la reconnaissance en maladie professionnelle ne vise pas que les maladies listées. Certaines affections ou lésions peuvent être reconnues en maladies professionnelles, dès lors qu’elles sont stabilisées et que le taux d’incapacité est supérieur à 25 %, comme le prévoit l’alinéa 3 de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.

Ce dernier dispositif de reconnaissance est dynamique, sans cesse en voie de construction et d’extension au gré des demandes de reconnaissance instruites par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles. Dans ce contexte élargi, tous les types de lésions peuvent faire l’objet de reconnaissance, ce qui soulèvera des difficultés lors de l’application du texte sur la réforme des retraites.

J’en viens à l’intrication avec un dispositif déjà en place. En effet, l’article L. 351-7 du code de la sécurité sociale ouvre déjà la possibilité de bénéficier d’une retraite dès 60 ans avec application du taux plein, malgré l’absence du nombre requis de trimestres ; l’avis sur inaptitude alors relève du médecin conseil. L’appréciation s’effectue en tenant compte de l’ensemble des incapacités lésionnelles, quelle que soit leur origine légale : droit commun, accident de travail, maladies professionnelles, maladies, etc.

Le fait de laisser subsister deux dispositifs visant des taux d’incapacité différents et des critères de reconnaissance différents pour une même finalité, celle de l’inaptitude au travail, posera donc un problème de cohérence.

Tout cela n’est pas sans conséquence en termes d’iniquité de traitement des assurés sociaux.

La coexistence de deux systèmes de reconnaissance d’une même prestation selon des critères différents sera source d’iniquité.

Le maintien d’un seul système visant à reconnaître le droit à la retraite par inaptitude dès lors que des lésions atteignant un taux d’incapacité seraient obtenues uniquement dans le cadre d’une maladie professionnelle serait également inéquitable pour les assurés porteurs de ces mêmes lésions mais apparues dans un cadre différent, accident de droit commun ou simple maladie.

Il paraît également inéquitable d’exclure du dispositif des lésions de tous types n’entrant pas dans le cadre des maladies professionnelles mais relevant de celui des accidents du travail et atteignant des incapacités de même niveau.

L’ensemble de ce constat pourrait faire l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel.

En conclusion – je vous prie de m’excuser pour la technicité de mon intervention –, le nouveau dispositif de retraite par inaptitude que vous nous proposez, monsieur le ministre, nous paraît inachevé, redondant, inéquitable et coûteux.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.

M. David Assouline. Cet article peut être considéré comme un nouveau tour de passe-passe de la part du Gouvernement.

La prise en considération de la pénibilité aurait dû permettre de déboucher sur une possibilité de départ en retraite anticipée. Vous avez décidé que cela ne se ferait pas. Et vous avez bricolé à cette fin un dispositif de prise en compte de l’incapacité permanente individuelle qui n’apporte rien de nouveau et aucun progrès pour tous ceux qui ont eu à subir un travail pénible.

L’astuce consiste à ne pas prendre en compte l’exposition à un travail pénible, mais seulement les séquelles éventuelles à l’instant T.

De plus, cette procédure de reconnaissance individualisée vous permet de ne pas considérer les maladies à effet différé. Vous savez parfaitement que la majorité des cancers dus à l’exposition et à la manipulation de produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, CMR, se déclenche plusieurs années après la fin d’activité professionnelle.

On reste donc dans le dispositif préexistant, sans rien de nouveau. Vous gagnez ainsi sur les deux tableaux.

D’abord, vous ne reconnaissez pas la pénibilité. Vous contournez la notion, tout en l’inscrivant dans la loi.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. David Assouline. Comme nous l’avons déjà dit, vous n’expliquez surtout pas en quoi elle consiste, car cela vous entraînerait à reconnaître qu’elle pourrait avoir des conséquences sur tous ceux qui y sont exposés.

M. David Assouline. Ensuite, et grâce à cela, vous mettez en place une procédure individualisée.

Des esprits malintentionnés pourraient dire que cette procédure ressemble à celle que proposait le MEDEF lors des dix-huit séances de négociation inabouties avec les syndicats sur le sujet. Mais c’est inexact. Elle ne lui ressemble pas. C’est la même. Mot pour mot.

M. Roland Courteau. Tiens donc ! C’est bizarre !

M. David Assouline. C’est une procédure qui ne reconnaît pas la pénibilité du travail, qui oblige chaque salarié abîmé à passer devant une commission qui déterminera son taux d’incapacité.

Vous vous prévalez du taux de 10 % d’invalidité, que vous auriez concédé comme un cadeau, alors qu’il ne concernera que 5 % des salariés tout au plus, soit environ 30 000 personnes. Pourtant, le nombre de salariés exposés aux substances CMR, aux horaires de nuit et décalés, au bruit, au port de charges lourdes est bien plus important.

Aujourd'hui, 3 700 000 salariés travaillent de nuit, régulièrement ou non ; 1 700 000 personnes sont exposées aux produits toxiques. II n’est pas honnête de prétendre que l’on fait une réforme sociale avec des chiffres pareils.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. David Assouline. Et surtout – puisque vous n’arrêtez pas de dire qu’il y a une prise en compte, un progrès par rapport à l’existant – quel progrès cette réforme représente-t-elle ? Absolument aucun, monsieur le ministre.

Qu’accorderez-vous aux victimes de la pénibilité ? Je dis bien « victimes » puisqu’un taux d’incapacité partielle permanente leur sera reconnu.

Vous leur accorderez royalement, au mieux, le droit de partir en retraite à 60 ans. Vous leur accorderez ce qu’ils ont déjà aujourd’hui sans incapacité. Le progrès aurait été, et c’est ce que vous aviez promis en signant les accords de 2003 qui maintenaient l’âge légal de départ à 60 ans, d’avoir une possibilité de partir avant 60 ans.

En résumé, il faudra être reconnu invalide pour partir à 60 ans. En fait, une fois de plus, votre réforme est une régression, fondée sur la compassion des puissants envers ceux qui n’ont pour patrimoine que l’espoir de leur retraite.

Ce qui est encore un droit pour tous aujourd’hui, parce que la gauche l’a voulu, devient un avantage qu’il faudra demander et pour lequel il faudra en somme passer un examen. Je ne vous dis pas, pour ceux qui ont fait une carrière longue, qui ont trimé toute leur vie, l’humiliation que cela représentera !

Ce procédé et la publicité mensongère qui l’accompagne sont intolérables au regard de ce que vivent aujourd’hui les travailleurs, au regard de l’usure et des souffrances des plus exposés. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l’article.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disons-le d’emblée, si d’aucuns se font violence pour abandonner un travail gratifiant, nombre de salariés attendent plutôt leur retraite comme une libération, a fortiori dans les secteurs pénibles.

Même après les maigres concessions consenties en septembre par le Président de la République, le volet « pénibilité » de cette réforme des retraites est totalement insuffisant.

Il est insuffisant parce que ne pourront partir en retraite anticipée que les personnes ayant un taux d’incapacité permanente supérieur à 20 % ou supérieur à 10 % à condition de prouver que « l’incapacité est directement liée à l’exposition à des facteurs de risques professionnels ». N’oublions pas d’ailleurs que le projet de loi initial prévoyait une condition d’IP de 20 %. Le Gouvernement a concédé la diminution du taux de 20 % à 10 % contre l’insertion dans le texte de conditions de preuve, de lien direct et l’aval d’une commission dont on ignore la composition.

Mais ce volet est aussi et surtout inacceptable parce qu’il exclut des personnes qui, à 60 ans, n’ont pas de séquelles physiques mais dont l’espérance de vie est pourtant réduite, en raison même de leurs conditions de travail.

M. Roland Courteau. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Godefroy. Tel est évidemment le cas des personnes exposées à des produits cancérigènes, comme l’amiante, mais comme aussi de nombreux autres produits largement présents en milieu de travail. Le Gouvernement ne peut pas feindre d’ignorer que les deux tiers des cancers d’origine professionnelle se déclarent après l’âge de 60 ans.

Seront également exclues de ce dispositif les personnes travaillant de nuit ou portant des charges lourdes, dont il est pourtant démontré l’impact en termes d’espérance de vie et encore plus en termes d’espérance de vie en bonne santé.

Je ne comprends pas pourquoi vous refusez d’entendre, monsieur le ministre, que le travail posté, le travail de nuit ou l’exposition quotidienne à des substances toxiques ont des conséquences sur la santé et sur la durée de vie.

Ils sont pourtant de plus en plus nombreux ces quinquas usés par des carrières longues aux conditions de travail difficiles pour qui la retraite ne sera qu’un bref moment de répit avant de fermer les yeux.

Vous vous entêtez à ne pas vouloir entendre. Ainsi, pour vous, il faut être invalide ou handicapé pour partir plus tôt à la retraite.

M. Roland Courteau. Il n’écoute pas !

M. Jean-Pierre Godefroy. Mais que signifie pouvoir partir plus tôt : est-ce que cela correspond à 50 ans ou à 55 ans ? Non ! Lorsque le Gouvernement annonce dans tous les médias que les salariés concernés pourront partir plus tôt, cela signifie qu’il faudra attendre 60 ans, c’est-à-dire à peine quelques mois avant les autres ! Mais 60 ans, c’est déjà l’âge auquel ils partent aujourd’hui !

M. Jean-Pierre Godefroy. On cherche donc désespérément où se cache le progrès dans ce prétendu nouvel acquis social !

Le Gouvernement a cherché à leurrer nos compatriotes sur un sujet aussi sensible que la santé de chacune et chacun en tentant de leur vendre l’invalidité et l’inaptitude comme étant une prise en compte de la pénibilité du travail. Cela fait sans conteste de cet article l’un des plus cyniques de votre projet de loi.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. A contrario, ce que nous proposons, c’est une approche plus globale, qui ne définisse pas des métiers pénibles mais des facteurs de pénibilité et ouvre à tous les salariés concernés le droit à une juste compensation. Ils bénéficieraient ainsi, en fonction des années d’exposition, de majoration de cotisations ou de bonification de trimestres pour pouvoir partir plus tôt en retraite, avec l’ensemble des trimestres exigés par le droit commun.

Franchement, ce débat est surréaliste parce que, nous, nous parlons de pénibilité quand, vous, vous n’en parlez pas. Il est surréaliste parce que nous privilégions une logique juste et collective, ce qui n’exclut pas l’accès individuel, quand, vous, vous faites le choix d’une logique purement individualiste et médicalisée. Certes, c’est plus simple, ça ne coûte pas cher, mais ça ne règle pas le problème.

Permettez-moi un dernier mot concernant l’application de l’article 40 de la Constitution.

Quatre amendements que nous avions prévu de déposer sur cet article 27 ter AC ont été déclarés financièrement irrecevables. Ils prévoyaient d’assouplir les conditions pour bénéficier du dispositif de départ anticipé à la retraite pour cause de pénibilité. Le président de la commission des finances a alors considéré qu’ils étaient irrecevables parce qu’ils aggravaient une charge publique, ce que je n’admets pas.

La charge publique en question n’existe pas encore puisque c’est justement l’objet de l’article que nous allons étudier et il revient normalement au Parlement d’en définir le périmètre. Mais en fait nous n’avons pas vraiment le choix : soit nous prenons le dispositif tel qu’il est, soit nous sommes plus restrictifs encore, mais il est impossible de l’amender ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.

M. Guy Fischer. De manière assez intéressante, si la discussion de l’article précédent sur la composition d’un comité à caractère consultatif a provoqué, du côté droit de cet hémicycle, la production d’un certain nombre d’amendements, il n’en est pas de même de l’article 27 ter AC qui établit une confusion entre retraite anticipée et invalidité. Seuls en effet les parlementaires de gauche ont jugé utile de déposer un amendement sur un article qui s’inscrit tout de même en recul sensible par rapport à l’existant.

Mettons-le en effet en perspective pour bien comprendre comment fonctionne le système.

Il est inscrit, dans les articles 4,5 et 6 du projet de loi que l’on va procéder à l’accroissement du nombre des annuités, ensuite, au recul de l’âge de départ en retraite et, enfin, au recul du départ en retraite sans décote.

On met ensuite les partenaires sociaux, dans le cadre des accords de branche, en demeure d’adapter le contenu de leurs accords collectifs à cette nouvelle donne, singulièrement pour le dispositif carrières longues pour lequel un décret prochain va consacrer le recul à 60 ans de l’âge d’ouverture du droit au départ anticipé.

On s’attaque ensuite à la médecine du travail, qu’on décide de réformer pour l’instrumentaliser au profit des contraintes de production, c’est-à-dire de la gestion de la main-d’œuvre en donnant bien sûr la primauté aux entreprises.

Alors, dans ce schéma, cet article se présente comme un nouveau recul social exemplaire. Plus de préretraite progressive ou de départ anticipé ! La seule possibilité existante sera de prouver par A + B qu’on n’en peut plus et que le corps ne suit plus.

Que va-t-on y gagner ? On ne sait pas trop puisque c’est un décret qui va fixer les conditions de prise en compte.

On pourrait presque poser ironiquement la question suivante : pour trois doigts coupés, un trimestre ?

On va donc cantonner le droit au départ anticipé soit à des carrières longues qui vont encore s’allonger, soit à l’invalidité de travail empêchant de continuer à travailler.

Ce n’est plus la retraite par répartition, c’est la retraite par réparation ! Et ce n’est plus la mise en retraite des salariés âgés, c’est la mise à la réforme des salariés âgés devenus incapables de produire suffisamment. Nous savons que cette technique est employée depuis des décennies.

D’ailleurs, on peut presque se demander pourquoi, au titre IV, le chapitre Ier est intitulé « prévention de la pénibilité », puisque la procédure suivie par cet article 27 ter AC est l’exemple même de l’absence de prévention !

À la vérité, le sort fait au monde du travail est peu satisfaisant. Le recul social imposé à tous sur la retraite s’accompagne d’une forme de commisération hypocrite sur les victimes de l’exploitation qui réduit le droit au repos à ce que j’oserai presque qualifier de forme de charité. En tout état de cause, on peut s’interroger sur cette question.

En réalité, il ne s’agit que de complaire au patronat – nous ne cesserons de le répéter – en lui permettant de se débarrasser de salariés trop âgés qui pourraient s’avérer aussi coûteux.

Autrement, pour les salariés âgés en bonne santé dont on voudrait se débarrasser, il restera toujours la rupture conventionnelle, cette énormité juridique, créée il y a peu et qui, sans surprise, frappe singulièrement les plus de 55 ans. Et cela fonctionne… puisque des centaines de milliers de travailleurs souscrivent à la rupture conventionnelle ! M. le ministre pourrait d’ailleurs nous indiquer à combien de ruptures conventionnelles nous en sommes parvenus.

Quand les seniors s’inscrivent à Pôle Emploi, une fois sur cinq, c’est à la suite de ce divorce à l’amiable, ce qui n’est pas, chacun s’en doute, la vérité d’un tel dispositif !

Voilà ce que je me permets de rappeler à l’occasion de la discussion de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Cet article, malgré les modifications qu’il a connues lors de son débat devant l’Assemblée nationale, malgré les travaux de notre commission et son changement de position dans le texte, apporte une bien mauvaise réponse à la nécessaire prise en compte de la pénibilité comme devant créer le droit à départ anticipé à la retraite pour certains salariés.

Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, l’espérance de vie des ouvriers reste très nettement inférieure à celle des cadres. Pour les hommes, par exemple, elle est de 74 ans contre 81 ans – Guy Fischer le rappelait à l’instant.

En outre, cet écart aurait augmenté d’un an en dix ans. S’agissant de l’espérance de vie en bonne santé, les études établissent qu’au sein d’une vie déjà plus courte, les ouvriers passent moins de temps en vie sans incapacité ou handicap que les cadres.

Les personnes ayant effectué des travaux pénibles jouissent moins longtemps que les autres salariés d’un temps de vie à la retraite en bonne santé et perçoivent donc leur pension de retraite pendant une durée plus courte.

Pour compenser cette injustice flagrante, le Gouvernement a fait le mauvais choix. Vous nous parlez d’équité, monsieur le ministre, mais quand il s’agit d’une équité en faveur des salariés, vous n’arrivez pas à aller jusqu’au bout.

Vous n’en voulez pas, surtout ! En effet, si vous aviez vraiment voulu parler d’équité et pratiquer l’équité, vous auriez dû opter pour un dispositif collectif, reconnaissant le droit aux salariés concernés par ces conditions de travail pénibles et usantes pour la santé de partir de façon anticipée à la retraite.

M. Roland Courteau. Évidemment !

Mme Annie David. Ce mécanisme, cette progressivité de l’âge de départ à la retraite en fonction du degré de pénibilité de l’emploi occupé aurait eu l’avantage de rétablir une certaine forme d’égalité des travailleurs face à l’espérance de vie en bonne santé. Il existe bien – vous allez me dire, mes chers collègues, que je ramène toujours tout au libéralisme et à l’argent – une progressivité de l’impôt sur le revenu, qui contrebalance la disparité des salaires pour obtenir une égalité concrète devant l’impôt.

Or, monsieur le ministre, vous avez retenu un dispositif d’une tout autre logique, individualisé, médicalisé et fondé uniquement sur l’usure avérée. Ce mécanisme ne tient pas compte de la pénibilité de certains emplois, mais s’appuie sur les règles concernant l’invalidité. C’est sciemment que vous mélangez ces notions pour, au final, ne faire jouer aucun effet propre à la pénibilité.

De plus, le mécanisme retenu exclut les salariés pour lesquels il n’existe pas de tableau de maladies professionnelles ou qui n’auront pas réussi à franchir la barrière des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, qui sont très restrictifs. Il exclut nombre de salariés victimes du travail, mais ne pouvant pas forcément justifier d’un taux d’incapacité permanent au moment de leur fin de carrière, l’atteinte à la santé due au travail pénible ayant un déclenchement différé.

Par ailleurs, les ajouts effectués devant l’Assemblée nationale sont loin d’améliorer le texte. En effet, ils remettent en question la présomption d’imputabilité qui régit la reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Le salarié devra prouver de nouveau, au moment de son départ à la retraite, que son incapacité est bien due au travail, alors qu’il est déjà reconnu en incapacité permanente pour cette raison.

Il devra encore prouver que, pendant un nombre d’années – d’ailleurs déterminé par décret –, il aura été exposé à un ou plusieurs risques professionnels.

Enfin, il devra passer devant une commission pluridisciplinaire, dont la composition, là encore, sera fixée par décret et qui sera peut-être constituée de médecins n’appartenant pas à la médecine du travail – rien ne nous dit le contraire. Cette commission jugera, sans appel, s’il apporte bien toutes les preuves.

En l’état, cet article doit être entièrement réécrit car la solution que le Gouvernement a retenue est humainement, médicalement et juridiquement inacceptable. Il ne s’agit pas de pénibilité, mais uniquement d’incapacité permanente !

Ce n’est donc en rien une avancée. C’est peut-être même un recul si c’est une brèche dans la présomption d’imputabilité des accidents du travail et des maladies professionnelles, ou dans les accords existant dans de nombreuses entreprises, qui, aujourd’hui encore, reconnaissent ce droit au départ anticipé à la retraite en cas de conditions pénibles de travail. Je pense notamment aux entreprises fonctionnant sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Cette mesure fait donc l’unanimité contre elle, et tous les spécialistes, médecins comme juristes, se demandent comment elle a même pu être proposée. (M. Roland Courteau acquiesce.)

Mes chers collègues, il est temps de se reprendre : vous pouvez encore rejeter cet article ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.

M. Bernard Vera. Cet article, qui contient une des dispositions phare du projet de loi, est l’un de ceux qui suscitent le plus de réactions négatives. Comme vient de le dire ma collègue Annie David, cette disposition fait l’unanimité contre elle, à l’exception, bien entendu, du MEDEF et de ses ramifications. Et encore, car ces organisations possèdent des juristes qui, eux aussi, sont perplexes !

Cet article 27 ter AC est le premier du chapitre intitulé « compensation de la pénibilité ». Or, et c’est particulièrement grave, il ne traite pas du tout de pénibilité.

Avec ces dispositions, monsieur le ministre, vous prévoyez que l’âge du départ à la retraite sera « abaissé » pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente, au sens de l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, au moins égale à un taux déterminé par décret. Depuis, nous avons appris que ce taux serait de 20 %.

Que nous dit cet article L.434-2 du code de la sécurité sociale ? « Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité. »

Donc, explicitement, cet article parle d’incapacité permanente partielle, et non de pénibilité. Non seulement vous retenez une conception strictement individuelle de la pénibilité, mais, en plus, en ne la plaçant que sur le terrain médical, vous confondez des notions ou prétendez les confondre.

Au cours des débats, vous nous avez mis au défi de vous apporter des éléments précis pour justifier notre affirmation quant à la soumission des médecins du travail aux chefs d’entreprise. Nous vous avons prouvé que cette soumission existait, même si elle est indirecte, les médecins du travail étant soumis au directeur du service de santé au travail, lui-même soumis au chef d’entreprise.

À notre tour de vous mettre au défi : essayez de trouver un seul médecin, du travail ou non, ou un seul juriste qui affirmera que votre article 27 ter AC traite de la pénibilité, et non de l’incapacité ou de l’invalidité !

À ce stade de la discussion, peut-être faut-il effectivement se référer au dictionnaire et au dictionnaire juridique.

L’incapacité est l’état d’une personne qui, à la suite d’une blessure ou d’une maladie, est incapable de travailler ou d’accomplir certains actes. Au-delà d’un certain nombre d’années d’arrêts de maladie indemnisés ou en cas de stabilisation de l’état de santé, la sécurité sociale déclenche, sous certaines conditions, un état d’invalidité.

L’invalidité est l’état d’une personne ayant subi, d’une manière durable, une réduction des deux tiers de sa capacité de travail ou de gain. Il s’agit là d’une notion de sécurité sociale, sans lien direct avec le droit du travail au sens strict et sans conséquence directe sur le contrat de travail.

L’inaptitude est l’état d’une personne dans l’impossibilité physique ou psychique de réaliser toutes les tâches liées à son emploi. C’est le médecin du travail de l’entreprise qui décide si la personne est considérée apte ou inapte.

La pénibilité, quant à elle, est plus complexe à définir, du moins la pénibilité au travail.

Plusieurs études ont été menées pour tenter d’évaluer cette dernière. Ainsi, comme cela a été plusieurs fois expliqué au cours de notre débat, il a été établi qu’un ouvrier a une espérance de vie de sept ans inférieure à celle d’un cadre.

Des facteurs ont également été retenus pour définir la pénibilité : par exemple, le travail de nuit – une des premières causes de vieillissement prématuré –, le travail à la chaîne et le déplacement de charges lourdes provoquent des troubles physiques aux conséquences irréversibles et l’exposition à des produits toxiques est à l’origine de nombreuses maladies.

Avec cet article, vous ne tenez pas compte de la pénibilité en tant que telle. Vous prévoyez simplement que des personnes déjà accidentées au travail, malades du travail ou mutilées au travail pourront partir un peu plus tôt à la retraite. Un point, c’est tout !

De plus, en fixant des conditions supplémentaires au droit au départ anticipé à la retraite quand l’incapacité n’est que de 10 %, vous remettez en cause un droit de plus.

Il existe en droit une présomption selon laquelle un accident survenu sur le lieu du travail est un accident du travail. Pour les maladies professionnelles, c’est le même mécanisme. Si, dans votre système, vous obligez le salarié au stade de la retraite à prouver de nouveau que son atteinte provient bien du travail, vous remettez alors en cause cette présomption. (M. Roland Courteau acquiesce.)

Avec cet article, monsieur le ministre, vous faites donc d’une pierre deux coups. Vous ne tenez aucun compte de la pénibilité et la présomption d’imputabilité évoquée plus haut est supprimée.

Décidément, avec cette réforme, nous sommes face à des dispositions qui constituent un très grave recul social ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, sur l'article. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Ils se décident ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez donc des choses à dire !

M. Charles Revet. Merci de ces exclamations, mes chers collègues ! Je sens bien que mon intervention est attendue, notamment par vous, madame la présidente de la commission des affaires sociales. (Nouvelles exclamations.)

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Charles Revet. Nous sommes tous d’accord pour admettre qu’il existe des professions dont la nature même les rend plus pénibles pour celles et ceux qui les exercent. Elles ressortissent pour l’essentiel aux métiers manuels.

Cela ne veut pas dire, dans mon esprit, que toutes celles et ceux qui exercent un métier manuel sont automatiquement concernés par la pénibilité ou que, dans une même profession, toutes celles et ceux qui l’exercent doivent bénéficier des dispositions mises en place au titre de la pénibilité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est contradictoire !

M. Charles Revet. Il est certain que, dans de nombreux métiers, des personnes pourront justifier d’un examen particulier de leur situation. Je pense aux salariés de certains secteurs des métiers du bâtiment, de la mer, de l’agriculture, des transports, et je pourrai en citer bien d’autres !

Dans le cadre de la préparation de mon rapport concernant la réforme portuaire, je me suis rendu sur les sites. Manifestement, certains types d’emplois pourraient justifier d’une prise en compte au titre de la pénibilité.

En disant cela, vous avez compris, mes chers collègues, que je différencie bien entendu la démarche de blocage de nos ports, qui peut être suicidaire pour notre avenir portuaire, de l’interrogation de certains travailleurs portuaires quant à la prise en compte de leur situation au niveau de la pénibilité.

Un sénateur de l’UMP. Très bien !

M. Charles Revet. Mon souhait, monsieur le ministre, serait, non pas que vous listiez les métiers ressortissant à la pénibilité, mais que vous nous indiquiez par qui et comment vont être déterminées les professions pouvant être concernées et les conditions, pour les personnes, de leur éligibilité. (Applaudissements sur diverses travées.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l'article.

M. Jean-Jacques Mirassou. Les manifestants ont été nombreux à évoquer la pénibilité au travail et les futurs manifestants le seront également.

Or, comme cela a été dit à de multiples reprises, monsieur le ministre, en contradiction avec l’intitulé du chapitre que cet article 27 ter AC inaugure – « Compensation de la pénibilité » –, vous sautez à pieds joints par-dessus cette considération pour ne parler que de l’incapacité permanente. Pour ce faire, vous entretenez une confusion entre la pénibilité et les pathologies inhérentes à la pénibilité qu’ont subie les travailleurs pendant de longues années.

C’est un choix délibéré que vous avez fait ! En insistant sur l’incapacité permanente, évoquée comme une fatalité, vous mettez « hors jeu » l’article précédent, qui évoquait à toute force la prévention des pathologies liées à la pratique d’un certain nombre de professions.

Vous persistez à confondre pénibilité et incapacité permanente. Ce faisant, vous ignorez délibérément le fait que nous sommes aujourd’hui capables d’évaluer, profession par profession, l’espérance de vie de chaque travailleur dans chacune des professions concernées, et de vérifier le différentiel qui existe, en termes d’espérance de vie, entre ouvriers et cadres.

Il était possible d’introduire dans ce texte la notion de pénibilité, afin d’épargner à ceux qui sont les plus exposés, autant que faire se peut, des années supplémentaires de travail, et de mettre en place un dispositif leur permettant d’accéder à la retraite anticipée.

Au lieu de cela, on dira à celui qui a respiré des produits polytoxiques pendant toute sa carrière, à celui qui a répandu du goudron, à celui qui a respiré de l’amiante : « tant qu’aucune pathologie n’est déclarée, vous n’avez pas exercé de métier pénalisant ou pénible ».

M. Jean-Jacques Mirassou. Un tel constat, à l’aube du XXIe siècle, est proprement scandaleux ! Cela revient à dire que ce projet de loi est pertinent parce qu’il entraîne, rétrospectivement, la reconnaissance d’une pénibilité subie pendant de nombreuses années de travail.

Il est encore temps, monsieur le ministre, de mettre fin à cette supercherie, ou tout au moins de faire un geste pour compenser réellement la pénibilité, sujet qui préoccupe l’ensemble de nos concitoyens. Mais vous n’en manifestez aucune volonté !

Je vous reproche surtout de confondre, au travers de votre démarche, sophisme et dialectique.

Vous faites preuve de sophisme lorsque vous développez un raisonnement en apparence rigoureux pour parvenir à une conclusion qui vous arrange. Or les sénatrices et sénateurs de mon groupe attendaient de votre part un raisonnement dialectique, qui seul aurait pu nous persuader du bien-fondé de votre texte.

Cet article organise, à l’instar de toute cette loi, une régression sociale. Nous y sommes fortement opposés ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l’article.

Mme Marie-Christine Blandin. Dans cet article 27 ter AC, l’omission que fait le Gouvernement de la notion d’espérance de vie altérée ne peut que renforcer notre motivation. Mon intervention portera plus particulièrement sur l’alinéa 7.

Je pense sincèrement, en tant que scientifique, que le fait d’exiger l’établissement d’un lien direct entre l’incapacité et l’exposition professionnelle relève du cynisme.

Même dans le cas très singulier de l’amiante, l’une des seules contaminations liée à une pathologie particulière, l’asbestose, et au cancer de la plèvre, et qui se caractérise par la présence de fibres visibles dans les cellules du poumon, on a vu les avocats des entreprises nier, devant les tribunaux, le lien de causalité entre la maladie et les conditions de travail, faire état d’antécédents familiaux, du fait que la personne atteinte fumait ou qu’il y avait peut-être chez elle une couverture de table à repasser en amiante...

M. Roland Courteau. Scandaleux !

Mme Marie-Christine Blandin. J’ai assisté à de tels procès, et je puis vous assurer que ces exemples sont réels !

De plus, les effets de l’asbestose étant parfois différés de vingt ans, il arrive que l’on ne constate aucune incapacité en fin de carrière. Au passage, je vous signale que les veuves de victimes de l’amiante se retrouveront demain, à l’Assemblée nationale, pour réclamer justice.

Pourtant, cette pathologie est l’une des mieux prises en compte ! Qu’en sera-t-il des autres contaminations ou manifestations physiques de la fatigue squelettique ou musculaire ?

La grande étude épidémiologique sur les incinérateurs menée par l’Institut de veille sanitaire est, à cet égard, très instructive.

Les chercheurs chargés de cette étude nous ont longuement exposé le protocole suivi. Après avoir dressé l’inventaire de la population, puis l’avoir sélectionnée après extraction des données concernant les fumeurs, les habitants ayant résidé dans d’autres lieux de vie, ceux dont un membre de la famille avait eu un cancer, ils ont comparé l’incidence des cancers d’une population témoin et celle de la population riveraine des incinérateurs. Les chiffres ainsi obtenus ont montré qu’il existait une incidence nettement supérieure aux environs d’un incinérateur du Centre-est.

Or, si l’on en croit les conclusions de cette étude, rien ne prouve le lien direct entre les retombées des fumées et le nombre accru de pathologies. Alors que je m’étonnais de ce résultat, un des chercheurs m’expliqua que sa mission d’épidémiologiste consistait à « compter », et qu’il était dans l’incapacité d’établir un lien certain et de prouver la causalité entre le vécu des personnes concernées et la pathologie développée.

Que dira-t-on aux caissières handicapées par des troubles musculo-squelettiques du bras ? Faute de pouvoir prouver que les lourds packs d’eau qu’elles sont obligées de passer en caisse sont la cause de leurs problèmes, elles s’entendront dire qu’elles ont trop porté leurs enfants ou leurs cabas. On dira aux insuffisants respiratoires qui ont été exposés aux fibres céramiques que celles-ci ne sont pas encore classées dans le tableau des contaminants, et à ceux qui sont devenus sourds à force de manier le marteau-piqueur qu’ils sont allés trop souvent au concert ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Peut-être pensez-vous, monsieur le ministre, que je caricature !

Mme Marie-Christine Blandin. Je peux vous assurer, car j’assiste à de nombreux procès, que les avocats des employeurs qui veulent se défausser de leurs responsabilités avancent ce type d’arguments !

L’alinéa 7 de cet article va tout à fait dans ce sens en imposant la charge de la preuve aux salariés, car ces derniers seront dans l’incapacité de faire valoir leurs droits. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Article 27 ter AC (Nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Discussion générale

3

Conférence des présidents

M. le président. Mes chers collègues, lors de sa réunion du lundi 18 octobre, la conférence des présidents a décidé de reporter au jeudi 21 octobre après-midi le scrutin solennel sur l’ensemble du projet de loi, avec deux explications de vote par groupe et une pour les sénateurs non-inscrits.

Elle a également décidé de reporter à une date ultérieure la séance des questions orales prévue le mardi 19 octobre au matin.

Dans le cas où le débat sur ce projet de loi ne serait pas terminé dans le courant de l’après-midi du jeudi 21 octobre, elle a décidé de le poursuivre durant le soir et la nuit du jeudi et de siéger, éventuellement, sur ce même projet de loi le vendredi 22, le samedi 23 et le dimanche 24 octobre, le matin, l’après-midi, le soir et la nuit. Dans cette hypothèse, le scrutin solennel prévu jeudi 21 octobre serait organisé lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire.

Le vote sur l’ensemble du projet de loi en première lecture sera suivi de l’examen du projet de loi organique relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire et de celui des deux projets de loi relatifs au département de Mayotte selon les modalités prévues antérieurement.

Le programme de la semaine d’initiative du lundi 25 octobre au jeudi 28 octobre demeure sans changement.

Rappel des conclusions de la conférence des présidents du mercredi 29 septembre 2010

SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE

Lundi 25 octobre 2010

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :

- Suite de la proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, présentée par M. Paul Blanc et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 531, 2009 2010) (demande du groupe UMP).

Mardi 26 octobre 2010

À 14 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

1°) Débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010 (demande de la commission des affaires européennes) ;

(La conférence des présidents a décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement de dix minutes, un temps d’intervention de dix minutes au président de la commission des affaires européennes, au président de la commission des affaires étrangères, ainsi qu’à chaque groupe (cinq minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe) ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 25 octobre 2010).

À la suite de la réponse du Gouvernement, les sénateurs pourront, pendant une heure, prendre la parole (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes) ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

2°) Questions cribles thématiques sur la rentrée scolaire ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant douze heures trente) ;

À 18 heures :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Proposition de loi relative au prix du livre numérique, présentée par Mme Catherine Dumas et M. Jacques Legendre (n° 695, 2009-2010) (demande de la commission de la culture) ;

(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 20 octobre 2010, le matin.

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 25 octobre 2010) ;

- au lundi 25 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le mardi 26 octobre 2010, à douze heures).

Mercredi 27 octobre 2010

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

À 14 heures 30 :

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle (texte de la commission, n° 39, 2010-2011) et proposition de loi relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, présentée par Mmes Nicole Bricq, Michèle André et M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 291, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 26 octobre 2010) ;

- a fixé au jeudi 21 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 27 octobre 2010, le matin).

Jeudi 28 octobre 2010

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

1°) Proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale, présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 697, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 27 octobre 2010) ;

- au jeudi 21 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 27 octobre 2010, le matin) ;

2°) Proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle, présentée par Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Pierre Bel, Serge Lagauche, Mmes Françoise Cartron, Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 441, 2009-2010) ;

(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 20 octobre 2010, le matin.

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la Séance, avant dix-sept heures, le mercredi 27 octobre 2010) ;

- au mercredi 27 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le jeudi 28 octobre 2010, le matin) ;

De 15 heures à 19 heures :

Ordre du jour réservé au groupe CRC-SPG :

3°) Proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Mireille Schurch, Isabelle Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche (n° 612, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

- a fixé les explications de vote à cinq minutes par groupe (trois minutes pour les non-inscrits).

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 27 octobre 2010) ;

4°) Proposition de loi visant à garantir l’indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique, présentée par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi et Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche (n° 603, 2009 2010) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 27 octobre 2010) ;

- au jeudi 21 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 27 octobre 2010, le matin).

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

4

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du lundi 18 octobre 2010, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2010-55, 2010-56, 2010-57 et 2010-58 QPC).

Acte est donné de ces communications.

5

Article 27 ter AC (Nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 ter AC (Nouveau)

Réforme des retraites

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 27 ter AC.

Discussion générale
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Articles additionnels après l'article 27 ter AC (réservés)

Article 27 ter AC (suite)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Le débat que nous avons sur cet article 27 ter AC a déjà eu lieu à l’occasion de l’examen d’autres articles.

Le Gouvernement ne confond en rien incapacité, invalidité et inaptitude. C’est vous qui confondez volontairement ces termes, pour mieux nous taxer de confusion...

Il y a deux sortes d’inaptitude : tout d’abord, l’inaptitude au poste, déclarée par le médecin du travail, et qui n’a aucun rapport avec la retraite ; ensuite, la retraite pour inaptitude, ou pour cause d’invalidité, constatée lorsque le handicap est supérieur à 50 %, et qui n’a pas grand-chose à voir non plus avec le monde du travail.

L’incapacité, en revanche, a un rapport avec le monde du travail, dans la mesure où elle est en lien avec la branche AT-MP.

Jusqu’à présent, l’incapacité donnait droit à une rente. Avec ce texte, nous allons plus loin, puisque nous accordons, dans ce cas, une retraite anticipée par rapport au droit commun.

Mme Annie David. Cessez de dire cela !

M. Éric Woerth, ministre. En d’autres termes, tout salarié qui aura été exposé à des facteurs de pénibilité conservera le droit de partir à la retraite à 60 ans, comme c’est le cas aujourd'hui, et ne sera pas concerné par les dispositions relatives au report d’âge. Pour cela, c’est la condition que nous avions fixée, il devait initialement justifier d’une incapacité permanente de 20 %. Ce taux a été ramené à 10 % lors de l’examen de ce texte à l'Assemblée nationale.

Mme Annie David. Pas tout le monde : il faut passer devant la commission !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a une véritable contradiction dans cette affaire !

M. Éric Woerth, ministre. Si, tout le monde !

La logique qui prévaut est humaine et juste. Si la pénibilité n’est pas mesurée, si on ne lui trouve pas une traduction, comment un salarié peut-il revendiquer le droit à partir à la retraite plus tôt par rapport à un autre salarié ? Si la pénibilité ne laisse aucune séquelle – au fond, c’est ce qui peut arriver de mieux, c’est la preuve que le salarié ne souffre pas – cela signifie que, durant l’ensemble de la vie au travail, les conditions de travail auront été satisfaisantes et qu’il aura été tenu compte de ces risques. Dans ce cas, le salarié n’a pas de raison particulière de partir à la retraite plus tôt.

Lorsque l’incapacité permanente atteint 20 %, on considère que le lien entre celle-ci et l’exposition à des facteurs de pénibilité existe et est direct. En revanche, lorsque le taux est de 10 %, l’avis de la commission pluridisciplinaire est nécessaire, car, souvent, la traçabilité est difficile à établir et il faut, par conséquent, examiner le parcours professionnel du salarié. Cette commission est locale, nous verrons comment elle sera organisée : elle permettra à un salarié d’apporter les éléments de traçabilité dont on ne dispose pas nécessairement, car, il y a dix ans, quinze ans, vingt ans, les services de santé au travail n’étaient pas organisés comme aujourd'hui.

C’est cela, l’incapacité permanente de 10 %, ce n’est pas autre chose.

Madame Blandin, avec ce taux de 10 %, on inclut ceux qui souffrent de troubles musculo-squelettiques. Je pense à la caissière à laquelle vous avez fait allusion, car son état est probablement dû aux packs d’eau qu’elle a déplacés sur le tapis de sa caisse et probablement pas au cabas qu’elle a porté en tant que consommatrice. Si elle a exercé ce métier depuis assez longtemps, si le trouble qu’elle invoque est la conséquence de postures pénibles et est partagé par les personnes qui occupent les mêmes fonctions, très sincèrement, le lien entre incapacité permanente et conditions de travail sera assez vite prouvé et elle bénéficiera du taux de 10 %. En revanche, elle n’entrait pas dans le taux de 20 %.

Nous faisons donc preuve d’une logique forte.

Je n’ai pas dit qu’il ne faudra pas prendre en compte les effets différés. Madame Blandin, la question que vous soulevez a tout son sens. Nous y répondons par la création d’un comité scientifique. Ce n’est pas une façon de reporter à plus tard ou à jamais la prise en compte de ce problème.

Mme Annie David. Bien sûr que si !

M. Éric Woerth, ministre. Pour l’instant, nous considérons que nous ne disposons pas d’études épidémiologiques suffisantes permettant d’établir un lien solide entre un risque et une population.

Si une grande partie d’une population est exposée à un risque, même si elle n’en souffre pas de manière visible, nous savons que cela concerne un grand nombre d’individus et nous faisons entrer l’ensemble de la population dans le dispositif, sans mesure objective individuelle. C’est ce qui se passe aujourd'hui avec l’amiante, dont nous aurons l’occasion de reparler. Mais il s’agit là d’un autre cas de figure, que nous ne pouvons étendre à tous les risques dans n’importe quelle condition.

Monsieur Revet, vous avez évoqué les manutentionnaires. Nous n’avons pas eu de logique de métier, car celle-ci enferme. Nous lui avons préféré une logique transversale, qui est l’exposition à des facteurs de pénibilité. Les personnes que vous avez évoquées font partie des populations fortement soumises à ce facteur : il y a des ports de charges qui entraînent lombalgies, dorsalgies. De nombreuses pathologies liées à ces métiers rentrent très naturellement dans la mesure des 10 % de taux d’incapacité permanente. C’est au travers de cela que ces professions pourront continuer de bénéficier d’un départ à la retraite à 60 ans.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen de l’article 27 ter AC.

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 365 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 434 est présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 1057 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour défendre l’amendement n° 365 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, je vous ai écouté tout à l’heure avec la plus grande attention. J’ai été sensible à vos arguments. J’ai bien entendu la différence que vous faisiez entre incapacité, inaptitude et invalidité. Je regrette néanmoins que cette distinction ne se retrouve pas dans l’article 27 ter AC, en tout cas de manière suffisamment précise et claire pour nous dissuader de présenter cet amendement.

Les membres de mon groupe et moi-même proposons la suppression de cet article, car il prive de la possibilité de partir à la retraite à 60 ans un nombre important de travailleurs handicapés, ceux dont le taux d’incapacité permanente n’est pas égal ou supérieur à 10 %. Ils ne peuvent bénéficier d’une retraite anticipée, alors même que les lésions dont ils souffrent ont pour origine leurs activités professionnelles.

L’inconvénient de ce dispositif tient au fait qu’il ne prend pas en compte ceux qui subissent des lésions différées, notamment les cancers.

Sans revenir sur le flou de la formulation, je voudrais vous poser une question, monsieur le ministre.

Elle porte sur la grille d’incapacité, qui est renvoyée à un décret. Ma question fait, en quelque sorte, écho à l’observation de M. Revet tout à l’heure. Parmi les grilles qui existent aujourd’hui, la grille des anciens combattants, celle de la COTOREP, la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel, et celle des assurances, laquelle retiendrez-vous pour servir de référence ? C’est un point qui n’est pas négligeable et qui éclairerait le débat sur cet article.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 434.

Mme Christiane Demontès. L’article 27 ter AC ne répond pas au préjudice en termes d'espérance de vie dont sont victimes les salariés ayant été exposés à la pénibilité. Au lieu de mettre en place un dispositif général reconnaissant le droit pour ces salariés à faire valoir leur droit à la retraite de manière anticipée afin de bénéficier plus longtemps de cette période et en bonne santé, le Gouvernement fait le choix d'un dispositif fondé sur la reconnaissance d'un taux d'invalidité.

À l'inverse, ce dispositif à visée restrictive présente de nombreuses carences au regard des objectifs affichés. La principale lacune, c’est qu’il ne tient pas compte de la survenue de maladies graves à effet différé dont le nombre ne cesse de croître.

Il ne prend pas non plus en compte une majorité de victimes de pathologies liées au travail pour lesquelles il n'existe pas de tableau de maladies professionnelles

Enfin, il devrait être possible, dans des conditions à définir par décret, d'établir un lien de causalité entre l'exposition à la pénibilité et aux risques professionnels et le droit à une retraite anticipée. Cela devrait conduire à reconnaître à ces personnes un droit à partir à la retraite à 60 ans, ce qui n'est que l'application du droit existant.

Cet article n'apporte donc aucune amélioration à la situation des travailleurs exposés à la pénibilité et aux risques professionnels.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 1057.

Mme Marie-Agnès Labarre. Par cet amendement, nous proposons la suppression de l’article 27 ter AC, qui est l’une des dispositions phare de votre projet de loi, mais aussi l’une de celle qui suscite le plus de réactions négatives. Elle fait l’unanimité contre elle, à l’exception, bien entendu, du MEDEF et de ses épigones.

Cet article est pourtant le premier du chapitre II intitulé « Compensation de la pénibilité ». Et, paradoxalement, il ne traite pas du tout de la pénibilité. C’est particulièrement grave et inacceptable !

Comme nous l’avons déjà dit, vous prévoyez l’ « abaissement » de l’âge du départ à la retraite pour les assurés qui justifient d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, au moins égale à un taux déterminé par décret. Depuis, nous avons appris que ce taux serait de 20 %.

Si l’article mentionne explicitement à plusieurs reprises la notion d’incapacité permanente, il ne fait nullement référence à la pénibilité. C’est donc un mensonge de plus que de dire que vous créez un droit nouveau à partir de la reconnaissance de la pénibilité !

Cet article ouvre simplement aux personnes déjà accidentées au travail, victimes de maladies professionnelles ou mutilées du travail, la possibilité de partir un peu plus tôt à la retraite.

Cet article ne constitue donc pas une reconnaissance de la pénibilité, laquelle est dépourvue de tout effet. Vous vous contentez d’ouvrir un droit à partir à la retraite moins tard pour cause de mutilation ou de maladie déjà acquise.

Ensuite, dans les alinéas 4 et suivants de votre article, vous avez voulu diminuer de 20 % à 10  % le taux d’incapacité nécessaire pour déclencher le droit à bénéficier de l’abaissement de la condition d’âge. Vous vouliez diminuer le côté scandaleux du système proposé, qui avait provoqué un tollé. Mais en faisant cela, vous avez créé un risque tout aussi grave puisque la présomption d’imputabilité des accidents du travail et des maladies professionnelles est remise en cause.

Si, dans votre système, vous obligez le salarié qui souhaite partir plus tôt en retraite à prouver de nouveau que son atteinte provient bien du travail, alors, vous remettez aussi en cause la présomption d’imputabilité des accidents du travail et des maladies professionnelles. C’est une grave régression qui traduit bien vos véritables intentions en la matière !

Concrètement, avec cet article, – et malgré vos affirmations répétées sur la création d’un droit nouveau grâce à la prise en compte de la pénibilité –, vous faites d’une pierre deux coups : la pénibilité est escamotée et la présomption d’imputabilité évoquée plus haut est supprimée !

C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de voter notre amendement de suppression de l’article 27 ter AC. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je voudrais, en préambule, rappeler tout ce qui a été dit lors de la discussion générale sur l’article 27 ter AC de façon claire et synthétique.

Cet article instaure, pour la première fois en France, un dispositif de prise en compte de la pénibilité à effets immédiats, c’est-à-dire de la pénibilité dont les effets sur l’état de santé du travailleur sont observables au moment où celui-ci décide de liquider sa retraite.

La mesure créée est à « double étage ».

Le premier permet aux assurés qui justifient d’une incapacité permanente d’au moins 20 % au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail de partir à la retraite à soixante ans et de liquider leur pension au taux plein.

Le second ouvre la possibilité aux assurés qui justifient d’une incapacité permanente d’au moins 10 % au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail de bénéficier de ces mêmes droits, à condition que leur dossier soit validé par une commission pluridisciplinaire territoriale.

La commission, qui salue cette avancée importante, a donc émis un avis défavorable sur tous les amendements de suppression totale ou partielle de cet article.

Elle insiste néanmoins sur l’importance du décret d’application. Celui-ci – je m’adresse plus particulièrement à Mme Escoffier – devra préciser les modalités de mise en œuvre du second étage du dispositif et veiller notamment à définir une grille de lecture identique à l’ensemble des commissions pluridisciplinaires, afin d’éviter les différences de traitement d’un territoire à l’autre.

Par ailleurs, nous sommes bien conscients qu’un tel dispositif ne peut constituer la seule réponse au problème de la pénibilité du travail. On le sait, il faudra aller beaucoup plus loin dans les années à venir.

M. Roland Courteau. Ah ça oui !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. C’est pourquoi, afin d’ouvrir dès à présent la réflexion sur la pénibilité à effets différés, la commission a chargé le comité scientifique d’évaluer les conséquences de l’exposition à des activités pénibles sur l’espérance de vie, avec ou sans incapacité des travailleurs. En outre, elle a prévu que le rapport sur l’application des dispositions relatives à la pénibilité formule des propositions en vue de prendre en compte la pénibilité à effets différés.

Tels sont les éléments qu’il était, me semble-t-il, utile de rappeler à ce stade de la discussion.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Madame Escoffier, je vous précise que la grille de référence sera la grille « AT-MP ». Comme vous l’avez rappelé avec raison, plusieurs grilles existent, notamment les grilles « handicap » et « pension d’invalidité ».

Les travailleurs handicapés peuvent prendre leur retraite à 55 ans, à la condition qu’ils aient été reconnus comme tels pendant vingt-cinq ans. C’est là que réside la différence : d’un côté, le handicap permanent, de l’autre, la constatation, à un moment donné, d’une incapacité.

Peut-être faudra-t-il un jour essayer de rapprocher les différentes grilles. C’est l’objet, me semble-t-il, d’un amendement à venir. En l’espèce, nous sommes bien dans le cadre des accidents du travail et maladies professionnelles.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 365 rectifié, 434 et 1057.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 60 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 152
Contre 183

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 1058, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Par cet amendement, nous vous proposons de supprimer l’alinéa 1 de l’article 27 ter AC.

Cet article entend modifier la section 1 du chapitre Ier du titre V du livre III du code de la sécurité sociale, section qui traite de la condition d’âge pour l’ouverture du droit à la retraite.

Monsieur le ministre, vous avez donc décidé de compléter le code de la sécurité sociale en y intégrant le nouveau mécanisme de compensation de la pénibilité.

Puisque vous prétendez créer un droit, vous feriez mieux de cesser de dire que vous apportez une compensation à la pénibilité subie, alors que, nous en convenons tous, il s’agit d’incapacité.

Nous l’avons déjà souligné, votre mécanisme est mauvais. Il retient une vision purement médicale et individuelle de la pénibilité. Nous ne pouvons que souhaiter qu’il n’entre pas dans le code de la sécurité sociale !

C’est un faux droit que vous affirmez créer.

C’est, de plus, le résultat soit d’une pirouette, soit d’une véritable erreur juridique et médicale, ce qui serait encore plus grave.

Votre mesure restera dans les annales comme un vrai rendez-vous manqué ; un de plus...

Au lieu de refuser directement toute prise en compte de la pénibilité, vous donnez l’apparence de la prendre en compte, ce qui est pire.

Pour pouvoir ne rien faire de concret, vous bottez en touche, en ne vous appuyant que sur l’incapacité et en créant un comité scientifique afin de prouver, une énième fois, que le travail pénible peut nuire à la santé, ce que nous savons tous.

C’est pourquoi nous réaffirmons, une nouvelle fois, notre opposition ferme à une telle approche de la pénibilité. Cet article confond totalement pénibilité et incapacité permanente de travail déjà avérée. Nous demandons donc la suppression de son alinéa 1.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1058.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 61 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 153
Contre 183

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 1059, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Par cet amendement, nous vous proposons de supprimer l’alinéa 2 de l’article 27 ter AC.

Cet alinéa prévoit qu’un assuré pourra éventuellement partir plus tôt à la retraite, si, au moment où il souhaite la prendre, il est déjà atteint d’une incapacité permanente partielle de 20 %.

Comme nous l’avons déjà expliqué, nous rejetons l’approche individuelle et médicale du Gouvernement en matière de pénibilité. Cet article confond totalement pénibilité et incapacité permanente de travail déjà avérée.

Le taux d’incapacité permanente, déterminé par décret, ne prend pas du tout en compte la pénibilité et ses effets différés.

De plus, prévoir que le salarié devra être atteint d’une incapacité permanente partielle de 20 %, cela revient à limiter considérablement le dispositif, qui laissera de côté des milliers de salariés subissant pourtant un travail pénible.

Un taux d’IPP de 20 %, c’est, par exemple, un bras en moins ou un œil en moins : à ce stade, la personne est donc déjà mutilée ! Or c’est à elle, gravement marquée dans sa chair, que le Gouvernement consent de pouvoir partir plus tôt. Quel cynisme !

En permettant à cette personne de continuer de partir à 60 ans, vous lui faites prétendument un cadeau, alors qu’elle n’est plus assez productive. En d’autres termes, elle est cassée.

Mes chers collègues, nous sommes contre cette logique indécente. Nous vous demandons de voter pour notre amendement de suppression de l’alinéa 1.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1059.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 62 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 153
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 1060, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Par cet amendement, je voudrais rappeler que des formes nouvelles de pénibilité apparaissent, dues à la pression psychique sur les salariés ou au harcèlement moral, et dont les effets ne sont perceptibles qu’après coup, parfois longtemps après, comme pour l’amiante.

C’est pourquoi nous refusons votre approche individuelle et médicale en matière de pénibilité. Vous confondez totalement pénibilité et incapacité permanente de travail déjà avérée.

Vos explications, monsieur le ministre, ne m’ont pas convaincue.

La pénibilité au travail se traduit par l’usure anormale de l’organisme, du fait de l’exposition à un risque professionnel particulier.

Cette pénibilité justifie une cessation anticipée de l’activité pour permettre une restauration de l’état de santé du salarié, éviter la survenue de maladies et lui redonner les mêmes chances d’espérance de vie qu’à ses concitoyens.

Il s’agit de permettre aux salariés d’éviter de devenir malades avant l’heure. En effet, de nombreuses études sur le travail de nuit montrent, par exemple, une altération de l’espérance de vie sans incapacité.

L’incapacité, quant à elle, c’est l’évaluation de séquelles liées à la survenue de la maladie ou de l’accident professionnels. Cette incapacité permet de calculer la réparation financière donnée au salarié dont l’état de santé est définitivement altéré.

La différence est de taille !

Pour tenter de vous convaincre un peu plus, voici quelques chiffres.

Parmi les salariés, 42,8 % sont astreints à une manutention manuelle de charges, selon la définition européenne, soit 7,49 millions de travailleurs ; 7,7 % des salariés, soit 1,35 million de travailleurs, sont astreints à une manutention manuelle de charges au moins vingt heures par semaine ; 71,8 % d’entre eux sont soumis à des contraintes posturales et articulaires, soit 12,57 millions de travailleurs.

L’enquête de surveillance médicale des risques, dite enquête SUMER, de 2003 indique que 16,9 % des salariés doivent répéter dans le travail le même geste ou la même série de gestes à une cadence élevée, soit 2,95 millions de travailleurs. Ce sont encore 6,6 % des salariés, soit 1,15 million de travailleurs, qui sont astreints à ces gestes répétitifs au moins vingt heures par semaine.

Ce sont également 20 % des travailleurs qui sont astreints à un rythme atypique de travail ; plus de trois millions, soit 14,1 % des salariés français travaillent la nuit ; 31,9 % d’entre eux sont exposés à des nuisances sonores, soit 5,58 millions de travailleurs ; 12 % des salariés travaillent en contact avec des machines et des outils vibrants ; 20,7 % des salariés sont exposés à des nuisances thermiques, soit 3,61 millions de travailleurs.

Vous le voyez, monsieur le ministre, il existe déjà beaucoup d’enquêtes. Par respect pour toutes ces personnes et pour que cette réforme ne soit pas une vaste escroquerie, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter notre amendement. (M. Guy Fischer applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1060.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 435, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Cet amendement a pour objet la suppression des alinéas 4 à 8 de l’article 27 ter AC.

Le dispositif d’incapacité partielle permanente que vous proposez à la place d’un dispositif de prise en charge de la pénibilité est à la fois insuffisant et inadapté.

Il est inadapté parce qu’il ne prend pas en compte les pathologies à effet différé.

Les derniers chiffres connus diffusés par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, donc par les services de votre ministère, monsieur le ministre, font état de deux pathologies majeures en nombre : les troubles musculosquelettiques, qui constituent 78 % des maladies professionnelles, et les affections causées par l’amiante, qui en représentent 15 %.

Parmi les maladies professionnelles reconnues aujourd’hui, 4 % sont des cancers. Ce pourcentage est en croissance constante. Ces affections ont pour caractéristique d’être diagnostiquées après un long délai de latence. Cela signifie qu’elles surviennent bien longtemps après le départ en retraite.

Le défaut majeur de cet article est qu’il ne prend pas en compte ces maladies dont beaucoup sont émergentes. L’examen des maladies professionnelles hors tableau, très peu nombreuses encore – seulement 112 en 2007 –, peut permettre de repérer ces risques professionnels émergents.

En effet, leur reconnaissance repose sur une expertise médicale montrant que ces maladies, assez graves pour avoir infligé à la victime un taux d’incapacité permanente allant jusqu’à 25 %, ou provoqué son décès, sont causées par le travail.

Un quart de ces nouvelles maladies professionnelles hors tableau correspondent à un cancer. Un autre quart est attribuable à des maladies du système ostéo-articulaire et des muscles, principalement des aggravations de troubles musculo-squelettiques.

La véritable prévention de la pénibilité consisterait non seulement à permettre un départ anticipé des salariés exposés, mais aussi à améliorer les conditions de travail. Il conviendrait aussi de réviser le tableau des maladies professionnelles en fonction de l’explosion de ces pathologies.

C’est une double action qu’il faudrait mener. Mais nous n’en voyons rien. Vous êtes beaucoup plus limités et beaucoup plus économes quand il s’agit des deniers des employeurs !

Mme Bernadette Bourzai. Que prévoyez-vous si ce n’est une sorte de système secondaire d’invalidité, fonctionnant à la condition que le travailleur atteint puisse prouver avoir été exposé pendant un certain nombre d’années à des facteurs de risques professionnels ?

De surcroît, il faudra que l’incapacité éventuellement constatée soit en lien direct avec ces facteurs de risques professionnels.

Cela appelle deux observations.

D’une part, vous n’employez jamais le mot « pénibilité », mais les mots « risques professionnels », ce qui prouve bien que vous vous situez dans le champ des accidents du travail et des maladies professionnelles, ainsi que du financement par la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dite branche ATMP.

Il n’y a donc aucune reconnaissance de la pénibilité.

D’autre part, il faut vraiment faire semblant de ne pas connaître les conditions d’emploi, la précarité des personnes le plus souvent atteintes par ces problèmes de santé, pour croire qu’il leur sera facile de démontrer le lien entre les emplois occupés et les lésions survenues.

Mme Bernadette Bourzai. Intituler cette mesure « compensation de la pénibilité » relève donc d’un véritable marché de dupes.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de ces alinéas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean Desessard. Pourquoi ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. La France est le pays qui reconnaît le mieux les cancers parmi les maladies professionnelles.

M. Éric Woerth, ministre. Notre système a cette caractéristique, tant mieux, d’ailleurs ! Dans d’autres pays, on reconnaît moins les maladies professionnelles, notamment les cancers d’origine professionnelle, dont la plupart sont d’ailleurs liés à l’amiante.

M. Gérard Longuet. Oui, nous pouvons en être fiers !

M. Éric Woerth, ministre. Notre système va déjà bien au-delà de celui d’autres pays.

Je souhaitais le préciser, parce que, bien souvent, on ne fait pas cette comparaison.

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 435.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1061, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous avons eu l’occasion de le dire, mais nous continuons à le réaffirmer, nous sommes, pour notre part, partisans d’une appréciation collective de la santé au travail et de la pénibilité.

Cette approche, nous la voulons inscrite en opposition à l’ensemble de votre politique sociale que vous ne voyez plus qu’au travers du prisme de l’individualisme.

Afin de satisfaire les exigences du MEDEF, qui vous demande toujours plus de liberté pour les patrons – exigences qui sont autant de contraintes pour la masse des salariés –, vous avez fait le choix de diviser les salariés, de les opposer entre eux et de supprimer progressivement mais sûrement l’ensemble des protections, des garanties et des droits collectifs.

Vous ne connaissez que trop la force du collectif et avez très bien mesuré combien les convergences de solidarités étaient la seule force des salariés. La force des salariés, qui sont chaque jour soumis au poids des contraintes économiques et sociales qui pèsent sur eux et qui subissent les conséquences du lien de subordination qui caractérise le salariat, ne réside au final que dans le collectif.

C’est la raison pour laquelle vous avez progressivement, mais avec minutie, sans en oublier aucune, supprimé les règles collectives. Et vous continuez ! Ainsi avez-vous tenté de substituer à celles-ci une fausse liberté individuelle : en réalité, le salarié, en tant qu’individu isolé, est bien moins protégé que par un droit social que vous ne cessez de réduire.

Ainsi avez-vous supprimé les horaires collectifs de travail pour les remplacer par le libre choix du salarié, comme si celui-ci était en mesure de s’opposer aux directives du patronat. Vous avez réduit la part fixe des salaires et accru les éléments individuels de rémunération, qui présentent l’avantage d’être variables et opposables aux comportements des salariés eux-mêmes.

M. Roland Courteau. Oui, c’est clair !

M. Guy Fischer. Avec cet article, vous allez encore plus loin avec l’individualisation du droit à la retraite en bonne santé. Or la santé du travailleur, évaluée notamment au regard de la pénibilité, n’est pas, contrairement à ce que vous voudriez faire croire, qu’une question individuelle. Elle est d’abord et avant tout une question de justice sociale et de santé publique.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Guy Fischer. Le drame de l’amiante devrait pourtant éclairer notre réflexion. S’il n’y avait pas eu, à l’étranger, notamment aux États-Unis, des scientifiques pour élaborer des séries statistiques de morbidité des salariés travaillant dans les mines d’amiante, personne n’aurait jamais fait de lien entre le mésothéliome pulmonaire et l’exposition prolongée à l’amiante.

Pendant que nous débattions dans cette assemblée, certains de vos amis ont clairement dit qu’ils ne voulaient pas que ces dispositions soient l’occasion d’instaurer de nouveaux régimes spéciaux. Je l’ai entendu de mes propres oreilles !

Je vois derrière cette déclaration la double volonté de limiter les dépenses sociales, mais surtout de déboucher sur un nouveau mécanisme de protection collective, notion que le Gouvernement comme le patronat exècrent.

Je ne développerai pas plus, mais voudrais citer le sociologue Pierre Bourdieu, qui a décrit mieux que moi, en 1998 déjà, les mécanismes que votre majorité ne cesse de mettre en œuvre. « Je pense », disait-il, « à ce que l’on a appelé "le retour de l’individualisme", sorte de prophétie auto-réalisatrice qui tend à détruire les fondements philosophiques du welfare state et en particulier la notion de responsabilité collective – dans l’accident de travail, la maladie ou la misère – cette conquête fondamentale de la pensée sociale – et sociologique.

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Le temps de parole est largement dépassé !

M. Guy Fischer. « Le retour à l’individu, c’est aussi ce qui permet de "blâmer la victime", seule responsable de son malheur, et de lui prêcher le self-help, tout cela sous le couvert de la nécessité inlassablement répétée de diminuer les charges de l’entreprise. » (Manifestations d’impatience de plus en plus vives sur les travées de l’UMP.)

Et vous ne me ferez pas taire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Sur l’amendement n° 1061, qui propose encore une suppression, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1061.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l’avez bien compris, nous voterons contre cet article.

Je crois qu’il faut que les choses soient très claires. Dans le débat, au cas où certains ne l’auraient pas bien entendu, nous avons eu tous les éléments de votre conception de la pénibilité.

En effet, M. Revet, a reconnu qu’il existe des métiers pénibles. Dont acte ! C’est bien ce que nous disons : il y a des métiers qui sont pénibles pour tous ceux qui les exercent, pris collectivement. Cependant, après avoir donné un petit signe à certains salariés qu’il connaît…

M. Charles Revet. Je n’ai rien donné à personne !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … M. Revet est pour ainsi dire rentré dans le rang en ajoutant que cela ne signifiait pas que tous les salariés qui les exercent en sont pénalisés ou malades. Je ne me rappelle plus quelle formule il a employée,…

M. Charles Revet. Je peux vous la donner, la formule !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … mais je n’entrerai pas dans ses propres contradictions !

Il affirmait en outre qu’on ne peut pas évaluer la pénibilité pour chaque salarié. Justement ! On peut l’évaluer collectivement. Pourquoi ? D’abord parce que, comme chacun sait, il se trouve qu’il y a une certaine corrélation entre l’exercice d’un métier collectivement pénible et l’amoindrissement de l’espérance de vie.

Ensuite, parce que, comme vous en conviendrez, il faut prendre un autre facteur en considération : quand les salariés qui ont un métier pénible arrivent à 50 ans et ont le malheur d’être au chômage, ce qui se produit assez souvent, les patrons ne les embauchent pas – ce qui signifie qu’ils considèrent que ces salariés ont de grandes difficultés à exercer leur métier passé un certain âge. Je pourrais également citer les études dont nous avons parlé.

Par ailleurs, vous avez beaucoup parlé de l’avancée que constituerait une évaluation personnelle de la pénibilité. Disons tout de suite qu’il ne s’agit plus de pénibilité, mais d’invalidité ! À ce sujet, l’explication que vous nous avez donnée est tout de même extraordinaire. À propos des 20 %, ou maintenant 10 %, puisque vous avez opportunément décidé – ou, du moins, annoncé – l’abaissement de ce seuil avant le débat au Sénat, sous réserve de passer devant une commission, nous avons entendu le ministre, il me semble, nous dire la chose suivante : « Certes, les caissières ont des troubles musculo-squelettiques ; mais quelle est la part qui tient au métier de caissière ? Ces troubles peuvent aussi être dus aux paquets qu’elles portent pour elles-mêmes, lorsqu’elles font leurs courses ! »

Vu que ce sont souvent les femmes qui font la plupart des courses et qu’elles portent aussi très souvent les enfants, cela signifie que toutes les femmes ont des troubles musculo-squelettiques : les pauvres caissières des grandes surfaces auront du mal à prouver qu’elles subissent une invalidité de 10 % !

On voit bien là toute la subtilité de votre passage de la pénibilité à l’invalidité. C’est à peu près du même genre que ce que nous avons entendu ici il y a quelque temps : les accidents du travail sont de la faute des salariés, parce qu’ils ne font pas attention, ils font exprès de se mettre en danger, ils tombent de l’échelle exprès, ou je ne sais quoi encore !

Il faut qu’une chose soit claire : vous avez substitué l’invalidité à la pénibilité, et vous entendez bien, au travers de votre système, priver nombre de salariés qui exercent des métiers pénibles de la possibilité de partir à la retraite avant 62 ans, ou 67 ans à taux plein. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Mme Raymonde Le Texier. Cet article constitue le centre de votre dispositif consacré à la pénibilité puisqu’il s’agit de l’autorisation d’un départ anticipé en cas d’invalidité permanente de 10 %.

Cet article est censé être l’illustration de la flexibilité du Gouvernement, la preuve que des concessions ont été faites sur ce projet de réforme afin de l’humaniser. Dans sa grande mansuétude, le président Sarkozy, conscient des affres rencontrées par le peuple qui se lève tôt, a concédé cette mesure. (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Grâce à sa bienveillante générosité, les travailleurs cassés par quarante années de labeur, voire plus, pourront partir à 60 ans à la retraite... Où plutôt, ils pourront continuer de partir à 60 ans ! Mais encore faudra-t-il qu’ils fassent la preuve qu’ils sont vraiment cassés.

À la suite d’une communication savamment orchestrée, on voudrait nous faire croire qu’il s’agit là d’une avancée. Mais il n’en est rien. C’est seulement le maintien pour une poignée de nos concitoyens, une fraction des plus abîmés, de ce qui était jusqu’à aujourd’hui la règle pour tous !

On tente de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, une régression pour une avancée, une misérable aumône pour un enrichissement. On fait de la règle l’exception, on passe du collectif à l’individuel, et l’on voudrait nous voir applaudir au progrès social : ne comptez pas sur nous !

Monsieur le ministre, en inscrivant dans la loi la notion de pénibilité, vous avez eu le cran qui a fait défaut à vos prédécesseurs. Mais, à peine après l’avoir énoncée, vous sapez la notion de pénibilité, vous l’amalgamez, vous la remplacez par l’invalidité.

Au risque de répéter ce que nous n’avons cessé de vous dire, la pénibilité n’est pas l’invalidité. La pénibilité ne saurait être réduite à l’invalidité, quel que soit le seuil que vous fixez. La pénibilité et ses désastreuses conséquences sur la santé des salariés ne peuvent être mesurées uniquement sur le critère d’invalidité.

Si vous aviez écouté les spécialistes, ces médecins du travail que votre projet de loi vise à affaiblir un peu plus, vous sauriez que nombre des pathologies liées au travail ne se révèlent que des années après la fin de l’activité. Vous sauriez aussi que nombre de ces pathologies ne sont pas quantifiables par des critères d’invalidité.

Enfin, au nom du groupe socialiste, permettez que je vous dise toute notre indignation. Votre texte entretient la logique de la marchandisation des corps et des vies ! (Protestations sur les travées de lUMP.) Je savais que ça allait vous plaire ! (Rires sur les mêmes travées.)

Ce qu’entérine votre texte, c’est l’achat de la dégradation des corps. Combien pour ne plus être capable d’enfiler sa veste tout seul ? Combien pour cracher ses poumons jusqu’à la fin de ses jours ? Combien pour sept ans d’espérance de vie en moins ?

Et, pour aller au bout de l’humiliation, il faudrait que, pour obtenir ce qui leur est dû, nos concitoyens aillent exposer leurs corps blessés aux yeux d’une commission ; qu’ils aillent se soumettre au verdict ; qu’ils aillent s’abaisser à la pesée ? Certainement pas !

Pour reprendre les mots de Noëlle Lasne, médecin du travail, avec cet article en particulier, vous distribuez « une prime à la casse et non à la prévention ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) En dernière analyse, cet article fixe le prix : le prix à payer pour avoir droit à ce qui est dû. Ce prix ? Dix pour cent. Pour 10% de votre corps, vous aurez droit à la retraite à 60 ans. Cela nous est inacceptable.

Les sénateurs socialistes, Verts et apparentés voteront contre cet article.

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.

Mme Claire-Lise Campion. De nombreuses études scientifiques montrent les effets à long terme de la pénibilité du travail sur la santé et devraient être prises en compte dans le cadre du projet de loi que nous sommes en train de discuter.

C’est en tout cas ce pour quoi militent un certain nombre de chercheurs, de médecins du travail et d’enseignants, regroupés au sein de l’ADERESTE – association pour le développement des études et des recherches épidémiologiques sur la santé et sur le travail.

Sur la question de la pénibilité et de ses conséquences sur la santé, des synthèses ont été élaborées ces dernières années et diffusées par un certain nombre d’organismes tels l’INSERM, institut national de la santé et des recherches médicales ; l’INVS, institut de veille sanitaire ; le centre d’études de l’emploi ; ou encore l’agence nationale de sécurité sanitaire

Comme nous le savons, le rôle néfaste pour l’espérance de vie en bonne santé de l’exposition à des toxiques cancérogènes, du travail de nuit et des efforts physiques importants est parfaitement démontré sur un plan scientifique. Ces effets se manifestent après la fin de la vie professionnelle ; leur évaluation ne peut donc pas relever d’un examen médical au moment de la retraite.

Aussi, mes chers collègues, ne croyez-vous pas qu’il serait légitime et juste que toutes ces connaissances scientifiques, qui sont largement validées, soient, enfin, prises en compte dans les travaux législatifs que nous sommes en train de mener ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Au cours de l’examen de cet article, malgré les multiples amendements que nous avons défendus, vous n’avez pas su apporter des réponses crédibles au problème fondamental que nous soulevions à travers ce texte, qui est emblématique, au sens le plus péjoratif du terme, de votre projet de loi.

Vous n’avez pas cherché, parce que vous ne vouliez pas le faire, à lever l’ambigüité, dénoncée par nombre de mes collègues, entre la pénibilité et une incapacité permanente liée à une pathologie professionnelle, que vous tendez à assimiler l’une à l’autre. Par conséquent, une fois passé le titre de ce chapitre, vous entretenez la confusion.

Or ce projet de loi aurait pu vous permettre, avec une approche de santé publique, avec une rédaction plus ambitieuse, de franchir un palier, de sortir du carcan existant et d’appréhender les nouvelles pathologies du travail, qui sont elles-mêmes liées à de nouvelles pratiques professionnelles.

Vous ne l’avez pas voulu ainsi : au lieu de nous présenter un texte ambitieux pour ce qui concerne les pathologies auxquelles sont exposés les travailleurs salariés, vous vous contentez de favoriser une approche que je qualifierai à la fois d’individuelle et de minimaliste. En effet, la démarche de chaque salarié s’apparentera à un parcours du combattant. Le travailleur sera assujetti en quelque sorte à une double peine, d'une part, parce qu’il sera malade, et, d'autre part, parce qu’il faudra qu’il le prouve ou même qu’il le revendique !

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, cet article est donc une sorte d’acte manqué : vous n’avez pas su, ou pas voulu, vous donner les moyens de franchir une étape importante dans la prise en charge d’un problème qui est très préoccupant et que nous avons évoqué à plusieurs reprises, à savoir l’émergence des nouvelles formes de multiples pathologies. Vous passez à côté de cette réalité, et c’est dommage. En toute logique, nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Nous voterons bien évidemment cet article, parce que nous considérons que la pénibilité, si elle n’est pas l’invalidité, peut néanmoins engendrer cette dernière, et parce que vous introduisez à cet égard un droit nouveau, monsieur le ministre.

Nous ne sommes nullement indignés de voir la pénibilité enfin prise en compte aujourd’hui. En outre, je le répète, un droit nouveau est institué, y compris à l'échelle individuelle. Or, pour nous, ce niveau permet un meilleur accompagnement de la personne, afin de prendre en compte une altération éventuelle de la santé de celle-ci ou de limiter une future pathologie. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27 ter AC.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 63 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 334
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 182
Contre 152

Le Sénat a adopté.

Article 27 ter AC (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 ter AD (Nouveau)

Articles additionnels après l'article 27 ter AC (réservés)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Articles additionnels après l'article 27 ter AC (réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 ter AE (Nouveau)

Article 27 ter AD (nouveau)

I. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, après la référence : « L. 135-2, », sont insérés les mots : « par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge fixé en application de l’article L. 351-1-4, ».

II. – L’article L. 242-5 du même code est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de la contribution mentionnée à l’article L. 241-3 couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge fixé en application de l’article L. 351-1-4 est pris en compte dans les éléments de calcul de la cotisation qui peuvent être modulés par secteur d’activité. Un décret détermine les conditions d’application du présent alinéa. » ;

2° À l’avant-dernier alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l’article.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet article fixe les modalités de financement des mesures d’abaissement de l’âge légal d’ouverture des droits à pension et du bénéfice du taux plein pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente d’au moins 10 % au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail.

Le financement de cette mesure pèsera non pas sur la branche vieillesse, mais sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles. Selon l’étude d’impact, les dépenses de prestations supplémentaires pour la branche vieillesse représenteraient de l’ordre de 40 millions d’euros en 2012 et de 100 millions d’euros en 2015. Après 2018, l’année de fin de montée en charge du dispositif, elles atteindraient 200 millions d’euros par an.

L’étude d’impact précise également que la retraite complémentaire AGIRC-ARCCO suivra cette tendance, moyennant une modification de l’accord de gestion. Qu’en sera-t-il, monsieur le ministre, pour les surcomplémentaires et les assurances privées ?

La nouvelle contribution sera financée par une majoration des cotisations des employeurs de 0,05 %. Elle sera prise en compte dans le calcul de la cotisation, qui peut être modulée selon les secteurs d’activité, dans des conditions déterminées par décret.

Cette disposition est la conséquence de la discussion entre les représentants des branches très génératrices d’accidents du travail et de maladies professionnelles, comme le BTP et la chimie, notamment, et ceux des autres branches telles que le secteur bancaire. Ces échanges ont été un facteur très important de l’échec de la négociation sur la pénibilité.

Monsieur le ministre, lors du débat à l’Assemblée nationale, vous avez indiqué que le taux de contribution de chaque comité technique national, c'est-à-dire de chaque branche, serait calculé en fonction du nombre total de personnes entrées dans le dispositif.

Si l’on se réfère à l’article 25 du projet de loi, il pourrait donc clairement être de l’intérêt des employeurs des branches les plus pathogènes, qui rempliront les fiches d’exposition au risque, de remplir celles-ci a minima, et même – pourquoi pas ? – d’oublier de le faire. Si, dans les grandes entreprises, il y a un CHSCT, un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, il n’en va pas de même dans les nombreuses PME et TPE – nous en avons discuté longuement cet après-midi. Monsieur le ministre, comment seront alors traités les salariés des sous-traitants ?

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 441 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 1067 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour présenter l’amendement n° 441.

Mme Maryvonne Blondin. Cet amendement tend à supprimer l’article 27 ter AD, qui est relatif aux modalités de financement du dispositif retenu par le Gouvernement.

Fondé sur la notion d’incapacité partielle permanente, cet article met à la charge de la branche accidents du travail-maladies professionnelles les dépenses engendrées par cette mesure. En outre, il prévoit que le montant de la contribution des entreprises versées à la branche AT-MP pour financer ce dispositif pourra être modulé par secteur d’activité.

Monsieur le ministre, deux logiques se juxtaposent pour expliquer vos choix.

Premièrement, le financement par la branche AT-MP est cohérent avec le choix de la reconnaissance individuelle d’une incapacité partielle permanente. En quelque sorte, nous sommes dans une branche nouvelle de la législation sur l’invalidité. Ce choix, s’il se justifie d’une certaine façon au regard de la responsabilité des employeurs n’ayant pas pris les mesures de prévention et de protection indispensables, est la conséquence d’une mesure individualisée que nous désapprouvons.

Deuxièmement, vous prévoyez la modulation de la contribution supplémentaire pour financer votre système selon les secteurs d’activité. Ce choix aussi montre que vous êtes à l’opposé de la prise en charge d’un problème qui touche des millions de personnes.

À l’évidence, cette question est traitée au sein du patronat, entre les branches principales qui, malheureusement, abîment des salariés et celles qui ne les abîment pas. Le principe est celui du pollueur-payeur : ne paient que ceux qui polluent.

Pourtant, la pénibilité doit être prise en charge par la société dans son ensemble. Elle ne doit pas faire l’objet de telles tractations, d’autant plus que la pénibilité du travail n’est pas nouvelle et qu’elle n’est pas réservée aux tâches physiquement les plus dures, comme mes collègues l’ont montré à plusieurs reprises.

Nous le répétons, monsieur le ministre : c’est l’origine de la pénibilité que vous ne voulez pas reconnaître et sur laquelle les patronats des branches mégotent. En effet, c’est toute la condition faite au monde du travail – salariés et prestataires de services – qui est dénoncée par ce mot de pénibilité.

M. Roland Courteau. Bonne question. Je ne sais pas si elle recevra une réponse !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l'amendement n° 1067.

M. Jean-François Voguet. À travers cet amendement, nous vous proposons de supprimer l’article 27 ter AD.

En effet, cet article est relatif au financement du dispositif de départ en retraite avant l’âge légal pour les salariés reconnus atteints d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ayant entraîné un taux d’incapacité permanente partielle d’au moins 20 %, ou 10 % à certaines conditions.

Cet article vise à mettre à la charge de la seule branche accidents du travail et maladies professionnelles les dépenses causées par cette nouvelle mesure.

Les auteurs de cet amendement entendent supprimer cet article, car cette prise en charge financière par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale constitue une nouvelle preuve que, pour le Gouvernement, la seule considération de la pénibilité se fait sur le terrain de la maladie ou de l’accident du travail avec séquelles.

Pour notre part, nous estimons que, dans un système qui aurait été réfléchi en amont et qui aurait permis une véritable prise en compte de la pénibilité, un vrai débat aurait dû s’ouvrir sur le mode de financement de ce mécanisme.

Or, monsieur le ministre, ce débat n’a pas eu lieu et, de toute façon, votre système ne prend pas en compte la pénibilité.

En ce qui concerne les mesures financières de votre texte, vous avez préféré remettre cette discussion à plus tard, preuve que votre projet n’est pas aujourd'hui financièrement équilibré.

Avec votre mécanisme de prise en compte de la pénibilité – en fait de l’incapacité au moment du départ à la retraite –, vous prétendez apporter une solution et la faire peser sur la branche AT-MP, mais, en réalité, la question n’est pas réglée. Nous verrons qu’elle sera rouverte bientôt lors des débats sur le PLFSS.

Pour ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposons de supprimer cet article, donc de voter notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Chers collègues de l’opposition, comme vous êtes hostiles au dispositif de prise en compte de la pénibilité, vous en refusez le financement !

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Ce serait assez curieux de faire porter sur la branche vieillesse les conséquences de la pénibilité liée au travail. Il est plus logique que ce soit la branche AT-MP, donc les entreprises, qui les supportent.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 441 et 1067.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 367 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

I. - Supprimer les mots :

couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l'âge fixé en application de l'article L. 351-1-4

II. - Supprimer les mots :

qui peuvent être modulés par secteur d'activité

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement vise à supprimer à l’intérieur de l’alinéa 4 de cet article deux éléments de phrase qui pourraient prêter à confusion, et notamment laisser entendre que l’on aurait une catégorie particulière de travailleurs.

Il a également pour objet de mieux encadrer le financement de cette mesure.

Je rappelle qu’un traitement identique a été appliqué aux employés victimes de l’amiante sur les chantiers navals. En effet, l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2001 dispose : « Le fonds [d’indemnisation des victimes de l’amiante] est financé par une contribution de l’État, dans les conditions fixées par la loi de finances, et par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale, sur la base d’un rapport d’activité du fonds établi par son conseil d’administration et transmis au Parlement et au Gouvernement[…]. »

La grande majorité des bénéficiaires du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante étaient employés dans les chantiers navals et aucune modulation du taux AT-MP par secteur d’activité ne figure dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

C’est donc le même traitement que nous demandons s’agissant de ce nouveau dispositif.

M. le président. L'amendement n° 486 rectifié, présenté par Mmes Procaccia et Rozier et MM. J. Gautier et Cambon, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer les mots :

qui peuvent être modulés par secteur d'activité

La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Je considère que cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Par cet amendement, vous nous proposez de supprimer la modulation par secteur d’activité des éléments de calcul de la cotisation AT-MP, alors qu’il est logique que cette nouvelle majoration soit plus importante pour les secteurs d’activité plus particulièrement concernés pas la pénibilité, et a contrario moins élevée dans les secteurs moins touchés.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 367 rectifié et 486 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Gautier, l'amendement n° 486 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Gautier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 486 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 367 rectifié.

Mme Annie David. Je souhaite simplement réagir aux propos de M. le rapporteur, qui affirme que certains secteurs d’activité sont plus concernés que d’autre part la pénibilité.

C’est en effet ce que nous essayons de vous dire, de vous faire entendre et de vous faire comprendre depuis le début de ce débat ! Alors que vous refusiez de nous écouter, à présent vous reprenez cet argument à votre compte pour justifier les modulations des taux de cotisation AT-MP !

Monsieur le rapporteur, il me semble que la réponse que vous avez donnée à notre collègue était illogique.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Je ne suis pas le porte-parole du rapporteur ; permettez-moi néanmoins d’intervenir sur ce point.

La réponse de M. le rapporteur n’est pas contradictoire. Que certains secteurs soient, plus que d’autres, exposés à la pénibilité ne signifie pas automatiquement qu’en travaillant dans de tels secteurs chaque salarié pris individuellement supporte la pénibilité. C’est pourquoi, même s’il existe des facteurs d’exposition qui touchent plus certains secteurs d’activité que d’autres, la reconnaissance de la pénibilité doit être d’abord individuelle. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une pirouette !

M. Guy Fischer. C’est machiavélique !

Mme Annie David. C’est une girouette permanente !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel prestidigitateur !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 367 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1068 rectifié, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de la contribution mentionnée à l'alinéa précédent est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale. Une commission présidée par un magistrat à la Cour des comptes remet tous les trois ans, au Parlement et au Gouvernement, un rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale évaluant le coût réel des dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l'âge prévu à l'article L. 351-1-4 pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. La composition de la commission est fixée par voie réglementaire. »

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Je ne reprendrai pas les arguments du groupe CRC-SPG contre votre conception de la pénibilité, qui, en fait, n’est rien de plus que la prise en compte d’une incapacité.

C’est tellement vrai que l’article dont nous débattons prévoit une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles pour compenser les dépenses engendrées par les départs à la retraite à 60 ans des salariés souffrant d’une invalidité.

Il est même prévu, à l’alinéa 4 de cet article, que la contribution devienne un élément du calcul de la cotisation par secteur d’activité.

Aussi, compte tenu de notre désaccord sur le fond de cette réforme et, surtout, de votre refus de prendre en compte la pénibilité au travail, vous comprendrez que l’amendement que je soutiens est pour nous un amendement de repli.

En effet, nous ne saurions accepter que le montant de la contribution soit fixé par un simple décret pris par un cabinet ministériel. S’agissant d’une contribution sociale, il serait naturel que son montant soit déterminé, chaque année, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, pour renforcer la visibilité de cette mesure et sa lisibilité, nous proposons qu’un rapport d’évaluation soit remis tous les trois ans au Parlement. Ce document permettrait aux parlementaires non seulement de faire régulièrement le point sur les conséquences financières de cette mesure, mais aussi de prendre la mesure, au plus près des réalités, du niveau des incapacités, branche par branche.

Ce rapport mettrait alors au cœur de nos réflexions un enjeu d’humanité, un enjeu social et économique qui ne manquerait pas de nous alerter régulièrement sur l’état des maladies professionnelles ainsi que sur l’évolution des accidents du travail, et représenterait alors, pour nous tous, un instrument de veille très utile.

Tous ces arguments justifient, à nos yeux, cet amendement de repli, qui tend à insérer un nouvel alinéa après l’alinéa 4.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je commencerai tout d’abord par faire une petite précision concernant les deux amendements précédents. Actuellement, la règle est déjà de moduler le taux de cotisation dans la branche AT-MP en fonction des risques supposés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais bien sûr ! C’est certain !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 1068 rectifié, ses auteurs nous proposent d’établir un rapport périodiquement. La commission n’est pas contre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas contre non plus.

Cependant, nous souhaiterions que ce rapport soit rédigé comme celui du FSV, lequel prend en charge des dépenses non contributives, rapport qui est fourni au Parlement sur le sujet.

Nous souhaiterions donc que soient remplacés les mots « une commission présidée par un magistrat à la Cour des comptes remet tous les trois ans, au Parlement et au Gouvernement, un rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale évaluant » par les mots « un rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale évalue ». Si vous en êtes d’accord, un rapport très précis sur le sujet sera publié chaque année au moment du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais sans que soit créée une nouvelle commission, car cette procédure pourrait s’avérer très lourde.

M. le président. Monsieur Vera, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre ?

M. Bernard Vera. Je l’accepte, et je rectifie l’amendement en ce sens.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1068 rectifié bis, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, et ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de la contribution mentionnée à l'alinéa précédent est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale. Un rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale évalue le coût réel des dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l'âge prévu à l'article L. 351-1-4 pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. »

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

Mme Annie David. À l’unanimité ! Chers collègues, comment avez-vous fait ?

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l’article.

M. Guy Fischer. Le fait est que l’article dont nous venons de débattre propose de siphonner les ressources de la branche accidents du travail pour prendre en charge les éventuels départs anticipés.

Cela nous ramène, de manière assez inévitable, au problème posé par la modulation des cotisations AT-MP en fonction du risque, et donc des entreprises.

Le principe de la modulation des cotisations est à la base du fonctionnement de la branche AT-MP et, historiquement, ce sont les secteurs les plus marqués par la fréquence et la gravité des accidents du travail qui sont les contributeurs les plus importants.

Ce principe constitue un appel à la responsabilité puisque chaque entreprise qui manifeste quelque effort dans la prévention et obtient quelques résultats voit sa contribution réduite.

Au demeurant, contrairement à ce que Mme Procaccia affirmait, si le bâtiment a accompli d’incontestables progrès en ce qui concerne les accidents mortels, c’est un secteur qui est frappé par l’accroissement de la durée et du nombre des incapacités temporaires de travail et une hausse importante des maladies déclarées professionnelles.

Il y a donc de fortes probabilités pour qu’il soit le secteur le plus sollicité, même dans le dispositif prévu par le projet de loi, pour consentir quelques retraites anticipées par reconnaissance d’incapacités à continuer de travailler.

Le secteur du travail intérimaire, source de main-d’œuvre essentielle dans le bâtiment, n’est pas tout à fait à la pointe de la lutte contre l’insécurité professionnelle. Cela étant, la participation des entreprises sera limitée puisque l’État mettra au pot pour financer, en grande partie, les accords expérimentaux d’allégement de la pénibilité, qui vont réduire à la portion congrue les départs en retraite pour cause d’incapacité.

L’argent public va financer le maintien en activité de salariés âgés, sous réserve de certains aménagements des postes de travail, et le mode principal de cessation d’activité des plus de 55 ans sera la rupture conventionnelle du contrat de travail, disposition que, d’ailleurs, vous avez votée, chers collègues.

Le paysage futur du monde du travail est connu : moins de préretraites, un recours de plus en plus réduit au dispositif « carrières longues », plus de ruptures conventionnelles et une retraite anticipée limitée à la prise en compte de l’évidente incapacité physique du salarié à travailler.

Dans ce contexte, l’amendement de Mme Catherine Procaccia était une démonstration intéressante des exigences redoublées du patronat – car c’est de cela qu’il s’agit en réalité – pour se libérer du financement des conséquences de ses propres décisions de gestion.

Monsieur le ministre, nous arrivons à la fin de cette discussion sur la pénibilité. Vous avez encore une raison de revoir votre position.

M. Bruno Le Maire, hier, dans une émission diffusée sur Europe 1, affirmait : « La réforme est entre les mains du Sénat » ; s’il « veut ajouter un point ou un autre, une concession ou une autre dans les jours à venir, c’est aux sénateurs de le décider. »

M. Guy Fischer. Cependant, pour le moment, nous ne voyons rien venir ! Vous êtes droits dans vos bottes, et finalement vous faites une loi qui va à l’encontre des intérêts des travailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27 ter AD, modifié.

(L'article 27 ter AD est adopté.)

Article 27 ter AD (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 ter AF (Nouveau)

Article 27 ter AE (nouveau)

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 30 juin 2011, un rapport sur les modalités selon lesquelles le dispositif prévu à l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale peut être adapté pour s’appliquer aux travailleurs non salariés non agricoles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet article prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur la possibilité d'étendre le nouveau dispositif de prise en compte de la pénibilité aux travailleurs non salariés.

Nonobstant le fait que nous ne sommes pas d’accord avec ce dispositif il nous semble important de faire en sorte que les ressortissants du RSI puissent y avoir droit.

Pourquoi un rapport ? Parce que l'application de l'article 40 empêche les parlementaires d'aller au-delà en rendant applicables dès aujourd'hui aux artisans, industriels et commerçants ressortissant du RSI, les dispositions du titre IV du présent projet de loi.

Les secteurs d’activité des professions artisanales, industrielles et commerciales constituent aujourd’hui en France une force économique importante. Les travailleurs indépendants exerçant dans ces secteurs sont, au même titre que les salariés, exposés à des facteurs de pénibilité. Ils doivent donc pouvoir bénéficier, eux aussi, d’un dispositif adapté à la réalité de leur exercice professionnel qui prenne en compte l’exposition à des facteurs de pénibilité et qui leur ouvre droit à un départ à la retraite de manière anticipée. Selon les estimations qui nous ont été fournies par le RSI, 700 à 800 personnes pourraient être concernées chaque année.

C’est pourquoi j’insiste, monsieur le ministre, sur l’absolue nécessité de travailler dès aujourd’hui avec les responsables du RSI pour qu’un dispositif adapté puisse être rapidement élaboré en faveur des travailleurs non salariés qui, aujourd'hui, n’en bénéficient pas.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Cet article ajouté par la commission porte sur le problème de la cessation anticipée d’activité pour les non salariés non agricoles, notamment les personnes ressortissant aux professions libérales ou au régime des commerçants et artisans.

Il a tout d’abord été décidé, prudemment, de demander la rédaction d’un rapport sur le sujet. Avec mon groupe, nous ne contesterons pas cette méthode puisque c’est souvent de cette manière que nous essayons d’introduire des propositions nouvelles dans un texte.

Cet article montre au moins que les non salariés, dans ce pays, sont bien plus écoutés que les salariés. Plutôt que de leur proposer de travailler plus longtemps, seront examinées, avec leurs organisations professionnelles, les modalités de la mise en place d’un dispositif de cessation anticipée d’activité lié à la présence d’un handicap ne permettant plus de travailler avec suffisamment d’efficacité.

Ainsi, dans ce cas précis, il y aura confrontation des idées, écoute réciproque, formulation de propositions passant en revue tous les aspects, y compris financiers, et clause de rendez-vous pour que, après la publication du rapport, la loi soit le plus possible écrite avec l’encre du consensus.

Je ne sais pas si l’espérance de vie des professions libérales ou des commerçants et artisans est plus ou moins faible que celle des ouvriers et des employés, mais le fait est patent : si l’on refuse d’écouter les organisations syndicales de salariés, on s’apprête à écrire la loi sous la dictée des syndicats professionnels concernés.

Nous refusons cette logique du dialogue asymétrique qui prive les salariés d’un débat démocratique.

M. le président. Je mets aux voix l'article 27 ter AE.

(L'article 27 ter AE est adopté.)

Article 27 ter AE (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 ter AG (Nouveau)

Article 27 ter AF (nouveau)

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 732-18-2, il est inséré un article L. 732-18-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 732-18-3. – I. – La condition d’âge prévue à l’article L. 732-18 est abaissée, dans les conditions fixées par décret, pour les assurés qui justifient d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 752-6 au moins égale à un taux déterminé par décret, lorsque cette incapacité est reconnue au titre d’une maladie professionnelle mentionnée au second alinéa de l’article L. 752-2 ou d’un accident du travail mentionné au premier alinéa du même article et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.

« II. – La pension de vieillesse liquidée en application du présent article est calculée au taux plein même si l’assuré ne justifie pas de la durée requise d’assurance ou de périodes équivalentes dans le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et un ou plusieurs autres régimes obligatoires. » ;

2° Après le 7° de l’article L. 731-3, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :

« 7° bis Une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge prévu à l’article L. 732-18-3 ; »

3° L’article L. 752-17 est ainsi modifié :

a) Après le 3°, il est ajouté un 4° ainsi rédigé :

« 4° Contribution mentionnée au 7° bis de l’article L. 731-3. » ;

b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de la contribution mentionnée au 7° bis de l’article L. 731-3 est pris en compte dans les éléments de calcul de la cotisation qui peuvent être modulés par secteur d’activité dans des conditions déterminées par décret. »

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. J’interviens sur l’article et je donnerai, en même temps, mon avis sur l’amendement de M. Jean-Pierre Godefroy.

S’il fallait seulement une preuve de l’évidente impréparation de cette loi, ou des circonstances dans lesquelles elle a été écrite, elle pourrait fort bien figurer dans cette série d’articles de circonstance qui n’obéissent qu’à un principe de parallélisme des formes, de symétrie ou de je ne sais quoi encore.

En l’espèce, il s’agit de consacrer la possibilité, pour les agriculteurs exploitants, de faire valoir leur droit à la retraite anticipée en fonction des mêmes attendus et des mêmes principes que ceux qui ont été retenus pour les salariés. J’interviens sur ce point, car, comme je l’ai déjà indiqué, je suis très attaché au monde agricole.

Comme nous sommes dans le régime agricole, il faut commencer par procéder à l’analyse des effets de la prolongation éventuelle de la période d’activité.

Les mesures d’âge, dans ce régime, sont en effet le moyen le plus sûr de freiner le mouvement structurel de dégradation du ratio entre les cotisants et les bénéficiaires, en faisant en quelque sorte payer la facture aux exploitants eux-mêmes.

Je ne sais pas si les syndicats agricoles sont forcément d’accord avec cette idée d’allongement des durées de carrière et de recul de l’âge d’ouverture des droits, mais on aurait sans doute pu les solliciter et les auditionner plutôt que de passer par la présentation, à la va-vite, d’un article dans le cadre du débat parlementaire.

Le recul de l’âge de départ en retraite aura forcément des conséquences sur la situation du régime agricole : il peut conduire à une légère amélioration du solde global qui permettra, par exemple, à l’État de se dégager du financement du déficit chronique du FFIPSA.

Quant au fait que la procédure de retraite anticipée appliquée aux salariés vienne à s’appliquer aussi aux agriculteurs exploitants, qu’en dire de plus sinon qu’elle procédera, comme pour les salariés, de la même conception étroite de l’incapacité à travailler que nous avons combattue tout au long de nos débats sur la médecine du travail.

Nous voterons évidemment en faveur de l’amendement de suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, sur l'article.

Mme Françoise Cartron. La pénibilité est, nous le savons tous, l’une des caractéristiques des conditions de travail dans l’agriculture. Si elle apparaît inhérente à cette activité, elle s’est considérablement aggravée ces dernières années, ce dont nous devons tenir compte. En effet, depuis les années 1970, les exploitants agricoles, comme les salariés du secteur, se sont de plus en plus retrouvés isolés sur leurs exploitations, leurs enfants s’étant souvent exilés en milieu urbain.

La prise en compte de la pénibilité est à la base de l’accord portant sur les conditions de travail en agriculture signé le 23 décembre 2008 par une majorité de partenaires sociaux de ce secteur.

Nous pouvons tous observer l’essor d’une réelle prise en compte de cette caractéristique au sein du monde agricole. Dès la loi d’orientation agricole de 1999 et avec l’accord étendu de 2001, les signataires s’étaient engagés à renforcer les commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. C’est ainsi qu’a été développée l’information des salariés et des employeurs sur les bonnes pratiques en la matière. Je pense notamment au travail remarquable effectué par la MSA, la Mutualité sociale agricole.

Ainsi, dans le cadre de l’accord européen conclu sur le thème de la pénibilité le 21 novembre 2005, les entreprises ont été invitées à informer leur personnel des risques de troubles musculosquelettiques en s’appuyant sur un guide élaboré par les partenaires sociaux avec l’aide de la MSA.

À ce titre, la MSA est, de très longue date, impliquée dans le champ de la santé au travail. Cet engagement présente une triple originalité faite d’une approche pluridisciplinaire associant plus de 600 médecins du travail et conseillers en prévention. Il s’inscrit dans le cadre plus général des politiques de santé au travail menées pour tous les actifs et prenant en compte les spécificités du monde agricole, comme l’utilisation de produits chimiques.

Enfin, les grandes orientations de la MSA sont définies par les représentants élus des salariés et exploitants qui siègent au sein des comités de protection sociale des caisses MSA. Un plan pluriannuel sur la sécurité au travail a vu le jour dès 2006. Un nouveau plan pour la période 2011-2015 a été défini avec six priorités liées : au risque chimique, aux TMS, aux risques psycho-sociaux, aux risques liés aux animaux, aux risques liés aux équipements de travail agricole et aux spécificités des petites entreprises

Cette politique a été qualifiée de particulièrement intéressante par le rapport du Conseil économique et social sur l’avenir de la médecine du travail de 2008. On aurait pu penser que le Gouvernement l’aurait pris en compte dans le cadre de la réforme de la médecine du travail qu’il impose sans aucune concertation. Malheureusement, tel n’a pas été le cas et la MSA est, à ce sujet, extrêmement inquiète.

Nous voyons à travers cet exemple que la prévention est une donnée essentielle de la prise en compte de la pénibilité. La reconnaissance de la pénibilité suppose une permanence certaine de sollicitations physiques et psychiques, identifiables, irréversibles et qui laissent des traces durables sur la santé des salariés. En agriculture, elle repose sur des critères tels que des efforts importants et répétés, une présence continue dans un « environnement agressif ». Or, avec cette disposition, le Gouvernement confond sciemment pénibilité et invalidité. En effet, les conditions d’éligibilité renvoient à la maladie professionnelle, à l’accident du travail ayant entraîné des lésions, in fine au taux d’incapacité permanente.

Une telle mesure n’est pas acceptable, d’autant qu’elle tourne le dos au dispositif d’aménagement du contrat de travail en fin de carrière, mis en place par l’accord du 11 mars 2008, récemment étendu, qui permet aux seniors de diminuer leur temps de travail dès 57 ans, lorsqu’ils sont « reconnus comme ayant été soumis à des emplois pénibles ».

Elle est également contraire à la logique qui sous-tend les contrats de prévention des petites entreprises qui, dans ce cas, peuvent bénéficier d’aides financières afin d’améliorer la prévention des risques professionnels.

Nous percevons une fois encore que, pour le Gouvernement, la prise en compte de la pénibilité est non pas une affaire de santé publique, mais bien de considérations budgétaires.

Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous opposer à cette disposition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 443, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Cet amendement a été parfaitement défendu par Françoise Cartron à l’instant même. Je ne vais pas reprendre l’argumentation qu’elle a développée ; je me contenterai simplement de dire que nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 443.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1236, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

« III. - Les I et II sont également applicables à l'assuré justifiant d'une incapacité permanente d'un taux inférieur à celui mentionné au I, sous réserve :

« a) Que le taux d'incapacité permanente de l'assuré soit au moins égal à un taux déterminé par décret ;

« b) Que l'assuré ait été exposé, pendant un nombre d'années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l'article L. 4121-3-1 du code du travail ;

« c) Qu'il puisse être établi que l'incapacité permanente dont est atteint l'assuré soit directement liée à l'exposition à ces facteurs de risques professionnels.

« Une commission pluridisciplinaire dont l'avis s'impose à l'organisme débiteur de la pension de retraite est chargée de valider les modes de preuve apportés par l'assuré et d'apprécier l'effectivité du lien entre l'incapacité permanente et l'exposition aux facteurs de risques professionnels. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de cette commission ainsi que les éléments du dossier au vu desquels elle rend son avis sont fixés par décret. »

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit d’étendre le dispositif aux non salariés agricoles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cette extension est bienvenue. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, j’avais attiré votre attention sur l’alinéa 7 de l’article 27 ter AC pour vous montrer les risques d’injustice, voire d’impossibilité, engendrés par la phrase : « qu’il puisse être établi que l’incapacité permanente dont est atteint l’assuré est directement liée à l’exposition à ces facteurs de risque professionnels ».

Dans l’article 27 ter AF, qui est relatif au code rural, vous apportez, par votre amendement, une rédaction encore plus claire : une commission est chargée de valider « les modes de preuve apportés par l’assuré ». Ce n’est plus qu’il puisse être établi un lien de causalité entre le travail et la pathologie, cette fois-ci vous montrez carrément la couleur, vous voulez des preuves !

L’assuré agriculteur ou salarié agricole aura bien de la peine à apporter des preuves scientifiques des dégâts qu’il a subis. Françoise Cartron a brillamment exposé de nombreux cas dans son intervention. J’en ajouterai un beaucoup plus confidentiel et intimes, qu’il n’est plus possible d’ignorer et dont la cause s’explique par l’utilisation des phtalates, des perturbateurs endocriniens et des pesticides : il s’agit de l’accroissement des cas d’infertilité, féminine et masculine, et de pathologies touchant les enfants d’agriculteurs qui naissent avec des malformations de l’appareil urogénital, voire avec un sexe indéterminé. (Mouvements divers sur les travées de lUMP.)

Cela vous fait rire ? Je peux vous dire qu’au CHR de Lille, la fréquentation de la consultation du Pr. Besson, chirurgien pédiatre endocrinien, a doublé, principalement du fait des paysans, très affectés, qui y viennent en famille. Ces choses-là existent, même si elles ne sont pas toujours dicibles !

Pour en revenir au problème d’infertilité que j’ai soulevé, j’attire votre attention sur les difficultés qu’auront ces gens à prouver que ce sont les phtalates et les pesticides qu’ils ont utilisés qui les ont mis dans cet état-là ? Cela ne sera pas facile.

Par ailleurs, le code rural dispose que les salariés des collectivités chargés de l’épandage des produits phytosanitaires (Protestations sur les travées de lUMP.) dans les espaces verts peuvent être concernés, pour peu qu’ils cotisent à la mutualité sociale agricole. Ils relèveraient alors de cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Mon explication, qui porte sur l’article 27 ter AF relatif aux non-salariés agricoles, vaudra également pour l’article 27 ter AG, qui concerne les salariés agricoles. Ces deux articles sont le signe que le Gouvernement essaie de donner satisfaction aux agriculteurs pour faire passer l’incapacité de sa politique à proposer un véritable revenu agricole et des prix rémunérateurs. Vous essayez de masquer l’absence de revalorisation des retraites agricoles, les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes, entre les petites productions et les grandes exploitations.

Nicolas Sarkozy s’était engagé, dès le 8 septembre 2010, à ce que toute personne présentant un taux d’incapacité de 10 % puisse faire valoir ses droits devant une commission pluridisciplinaire. Sur la base des éléments que lui présentera le salarié, cette commission pourra décider de lui accorder le bénéfice d’un départ à la retraite à 60 ans. La FNSEA commentait ces propos en déclarant qu’il semblait « très paradoxal que les agriculteurs en soient exclus alors même qu’ils sont exposés à des conditions de travail notoirement pénibles et à leurs conséquences handicapantes ».

M. le ministre vient d’y remédier en faisant adopter un amendement qui propose, à l’article 27 ter AF, de réparer ce « paradoxe », pour reprendre les propos de la FNSEA. Le Gouvernement oublie toutefois, pour des raisons inconnues, de l’appliquer aux salariés agricoles concernés par l’article suivant. Mais peut-être pourrez-vous nous éclairer sur cette distinction de traitement entre non salariés agricoles et salariés agricoles, monsieur le ministre ?

Comme vous savez, les métiers agricoles sont difficiles et usants. La pénibilité ici touche directement le corps : travail en extérieur, par tous les temps, ports de charges, etc. De plus, les maladies professionnelles qui touchent les agriculteurs sont graves et en augmentation, comme vient de le souligner Mme Blandin, notamment du fait de l’utilisation de produits chimiques.

Gérard Lasfargues, que vous évoquiez tout à l’heure, professeur de médecine et santé au travail au CHU de Tours, expliquait, lors d’un colloque devant la MSA de Beauce : « Quand on parle de travaux pénibles, on peut schématiquement distinguer deux situations. Certains facteurs de risque professionnels sont susceptibles, à long terme, de provoquer des effets irréversibles et sévères sur l’état de santé. Mais le temps de latence est parfois long et les expositions responsables ne sont pas toujours vécues comme pénibles. Les agents cancérogènes en sont l’exemple typique. En fait, trois types de conditions de travail peuvent entraîner, après de longues durées d’exposition, un risque élevé de problèmes de santé différés : les efforts physiques (c’est-à-dire manutention, port de charges, postures pénibles), les conditions d’environnement « agressif » (chaleur, intempéries, bruits, exposition aux toxiques...) et les contraintes de rythme de travail et d’horaire atypique (travail de nuit, horaires alternants, travail à la chaîne, travail sous cadence...). »

Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, les activités agricoles, dans leur grande majorité, entrent dans ces conditions de travail difficiles. De plus, les travailleurs peuvent avoir été confrontés durablement à des conditions de travail ressenties comme pénibles sans qu’objectivement les conséquences sur la santé à long terme ne soient démontrées. Cette pénibilité « vécue » est néanmoins souvent à l’origine de symptômes d’usure physique ou psychique.

Enfin, certaines maladies directement liées aux mauvaises conditions de travail peuvent être développées alors que le professionnel a déjà cessé son activité. De telles situations méritent d’être prévenues en protégeant le travailleur tout au long de son activité. Leur risque de survenance doit de toute façon être pris en compte dans la carrière de celui-ci.

La pénibilité ne peut être réduite à l’incapacité permanente résultant d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, mais doit être prise en compte en tant que telle. C’est pourquoi les mesures proposées aux articles 27 ter AF et 27 ter AG du projet de loi sont plus qu’insuffisantes au regard du rouleau compresseur de votre projet de réforme, comme au regard de la situation du monde agricole. C’est pourquoi nous ne pourrons les voter.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Je souhaitais indiquer à Mme David que les salariés agricoles bénéficient des mêmes prestations que les salariés du régime général. Ce régime aligné garantit les mêmes prestations, qui figurent dans les dispositions relatives au régime général. Par ailleurs, l’article 27 ter AG vise à prendre en compte les modalités de financement du dispositif pour les salariés agricoles, qui relèvent de la MSA. Le financement n’étant pas le même que celui du régime général, il fait l’objet d’un article spécifique. Mais les prestations sont alignées sur celles du régime général.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je serai très bref. Nous avons fait part de notre désaccord sur l’ensemble de ces dispositions. Il est bien évident que, ces dispositions existant, il serait tout à fait anormal que les non salariés agricoles ne soient pas assimilés comme les autres.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1236.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27 ter AF, modifié.

(L'article 27 ter AF est adopté.)

Article 27 ter AF (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 ter A

Article 27 ter AG (nouveau)

Le même code est ainsi modifié :

1° Le II de l’article L. 741-9 est ainsi rédigé :

« II. – Pour l’assurance vieillesse et veuvage :

« 1° Par une cotisation assise :

« a) Sur les rémunérations ou gains perçus par les assurés dans la limite du plafond défini à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, à la charge des employeurs et des assurés ;

« b) Sur la totalité des rémunérations ou gains perçus par les assurés, à la charge des employeurs et des salariés ;

« 2° Par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge prévu à l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale. » ;

2° Le 1° de l’article L. 742-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour l’application de l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale, la référence : « à l’article L. 411-1 » est remplacée par la référence : « au premier alinéa de l’article L. 751-6 du code rural et de la pêche maritime » ;

3° À l’article L. 751-12, il est ajouté un 6° ainsi rédigé :

« 6° Le montant de la contribution mentionnée au 2° du II de l’article L. 741-9. » ;

4° Après l’article L. 751-13, il est inséré un article L. 751-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 751-13-1. – Le montant de la contribution mentionnée au 2° du II de l’article L. 741-9 est pris en compte dans les éléments de calcul de la cotisation qui peuvent être modulés par secteur d’activité dans des conditions déterminées par décret. »

La parole est à M. Claude Lise, sur l'article.

M. Claude Lise. Je veux saisir l’occasion de l’examen de cet article pour attirer l’attention sur un problème concernant les travailleurs agricoles du secteur de la banane aux Antilles. Ces travailleurs ont été pour la plupart exposés pendant de nombreuses années aux effets toxiques de pesticides, tout particulièrement le chlordécone, pesticide largement utilisé pour le traitement des bananiers contre le charançon.

Dès 1968, la Commission d’étude de la toxicité des produits pharmaceutiques, des matières fertilisantes et des supports de culture, avait préconisé l’interdiction de ce polluant organique extrêmement rémanent et particulièrement toxique. Au milieu des années soixante-dix, des employés d’une usine de production aux États-Unis avaient été victimes de graves troubles neurologiques. En 1979, le Centre international de recherche sur le cancer avait déclaré le chlordécone cancérigène pour l’homme.

Cependant, par des homologations ministérielles et des moyens détournés, le chlordécone a continué à être utilisé à la Martinique et à la Guadeloupe jusqu’en 1993, alors même qu’il était interdit dans l’Hexagone depuis 1990 ! Mal informés, dotés – quand ils l’étaient – d’équipements de protection impossibles à porter sous la chaleur tropicale, les salariés, tout comme les petits producteurs, ont souvent utilisé cet insecticide dans les pires conditions : sans gants, sans combinaison, sans masque.

Or, on observe de plus en plus une fréquence particulière d’affections cancéreuses chez ces personnes. Un rapport, paru l’année dernière, de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les impacts de l’utilisation du chlordécone relève une surincidence de myélomes multiples chez l’homme dans la zone bananière du Nord Atlantique de la Martinique. Il évoque l’hypothèse d’une relation entre ces cancers et une exposition prolongée au chlordécone.

Une étude de l’INSERM sur le risque de fertilité masculine avait déjà montré, en 2004, que l’exposition professionnelle et l’ancienneté à ce produit favorisaient la présence de chlordécone dans le sang. En réalité, nous ne connaissons pas encore toute l’étendue des conséquences sanitaires de cette exposition professionnelle, dont les effets sont d’ailleurs difficilement séparables d’usage d’autres pesticides, passés et présents.

Certains scientifiques considèrent que le chlordécone pourrait être un facteur causal du cancer de la prostate, cancer dont la fréquence est particulièrement élevée aux Antilles. Il s’agit là d’un problème d’autant plus aigu que ces travailleurs agricoles percevront pour la plupart une retraite très faible, inférieure au minimum vieillesse et, en conséquence, risquent de ne pas être à même de suivre les parcours de soins adéquats.

Pourtant, ils ont souvent commencé à travailler très jeunes. Mais ils risquent d’avoir des retraites modestes, du fait de l’absence d’affiliation obligatoire à un régime de retraite complémentaire pour les salariés agricoles, de l’inexistence d’un tel régime pour les exploitants agricoles, de l’absence de mutualité sociale agricole, de la faiblesse ou de l’absence de cotisations versées au régime général.

C’est pourquoi il me semble nécessaire que le Gouvernement puisse présenter un rapport sur ce problème. Ce rapport aurait pour objet de faire le point sur l’état de la recherche médicale et de prévoir la mise en place, pour les travailleurs ayant été exposés au chlordécone, d’un système adapté à leur situation particulière.

Celui-ci pourrait s’inspirer des travailleurs de l’amiante, en prévoyant, par exemple, une allocation anticipée de retraite. Il paraît souhaitable qu’un tel rapport soit présenté avant la fin de juin 2011. Car, il faut en avoir bien conscience, il s’agit là de milliers de travailleurs antillais, mais aussi de petits exploitants agricoles, qui, après avoir été longuement exposés à une substance dont on connaissait pourtant la haute toxicité et que l’État a autorisée chez nous pendant plusieurs années, qui ne voudraient pas être les oubliés de l’actuel débat sur les retraites.

M. le président. L'amendement n° 444, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Cet article s’inscrit dans la droite ligne de la disposition précédente et s’adresse aux personnes salariées agricoles, en étendant le champ d’application de l’article 26. Selon les statistiques de la MSA, et dans l’attente du résultat du recensement agricole débuté en septembre dernier, nous pouvons estimer que les salariés agricoles représentent 1,4 million de personnes, soit l’équivalent de 578 000 emplois à temps plein.

L’enquête SUMER menée par la DARES en 2003 est, du point de vue de la pénibilité, révélatrice. Cette enquête a été menée sur l’ensemble du territoire national, par 1 792 médecins du travail, soit plus de 20 % des médecins du travail en exercice, qui ont tiré au sort 56 345 salariés dont 49 984 ont répondu. Le taux de réponse est donc impressionnant.

Ainsi, il apparaît que la proportion des salariés exposés à une mauvaise organisation du travail est de 20 %. La part des salariés qui connaissent une mauvaise prévention des contraintes physiques est de 34 %, de 38 % pour les risques biologiques et de 47 % pour les risques chimiques. Concernant les contraintes physiques par exemple, il ressort que 80 % des salariés sont exposés à au moins une contrainte posturale ou articulaire.

Pour la minorité des salariés qui utilisent de façon délibérée des micro-organismes généralement naturels, ce type d’exposition se rencontre plus fréquemment dans le secteur de la culture et de l’élevage. Les micro-organismes manipulés présentent un risque infectieux ou immuno-allergique et toxinique dans respectivement 57,8 % et 31,6 % des cas.

L’exposition à au moins un produit concerne 16,8 % des salariés agricoles, contre une moyenne de 13,5 % des salariés du champ général, et 21,9 % de l’agriculture. Parmi les salariés agricoles exposés à des produits cancérogènes, 28,8 % le sont à deux produits, et 8,5 % à au moins trois produits chimiques. Quant aux moyens de protection collective et individuelle, ils sont le plus souvent inexistants. Aucune protection collective n’existe pour 85 % des expositions et une protection individuelle fait également défaut dans 84 % des cas.

La conclusion de cette enquête est sans appel : « Les salariés du régime agricole sont globalement plus exposés aux nuisances que l’ensemble des salariés. Les expositions aux pénibilités physiques – vibration, port de charges,… – ainsi qu’aux agents biologiques et chimiques sont les plus importantes chez les salariés de la production et de la coopération agricole ».

Cette enquête induit que la reconnaissance de la pénibilité doit à la fois conjuguer prévention en amont et bonification de cotisations ou départ à la retraite anticipée en aval. En effet, comme nous l’avons déclaré à plusieurs reprises, l’enjeu que pose la pénibilité réside dans l’inégalité de l’espérance de vie qu’elle occasionne.

Nous l’avons également dit précédemment, des efforts importants sont effectués. La MSA, principal acteur dans ce secteur, a par exemple mis en œuvre une surveillance médicale des salariés.

Reste que nous ne pouvons nous satisfaire de la réponse que vous proposez, à savoir faire coïncider la prise en compte de la pénibilité avec la reconnaissance des possibles conséquences de cette pénibilité, à savoir l’invalidité. Nous nous opposons à votre logique. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression de l’article 27 ter AG.

Mme Gisèle Printz. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Par cet amendement, ma chère collègue, vous refusez l’extension aux salariés agricoles du dispositif de prise en compte de la pénibilité prévue pour les salariés du privé.

La commission a bien évidemment émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 444.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27 ter AG.

(L'article 27 ter AG est adopté.)

Article 27 ter AG (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles 27 ter, 27 quater et 27 quinquies

Article 27 ter A

I. – À titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2013, un accord collectif de branche peut créer un dispositif d’allègement ou de compensation de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles.

Les salariés peuvent bénéficier de ce dispositif s’ils ont été exposés pendant une durée minimale définie par l’accord à un des facteurs de pénibilité définis à l’article L. 4121-3-1 du code du travail et ont cumulé pendant une durée définie par le même accord deux de ces facteurs. Ils doivent ne pas remplir les conditions pour liquider leur retraite à taux plein.

L’allègement de la charge de travail peut prendre la forme :

– d’un passage à temps partiel pour toute la durée restant à courir jusqu’à ce que le salarié puisse faire valoir ses droits à retraite, durée pendant laquelle le salarié bénéficie d’une indemnité complémentaire fixée par l’accord ;

– de l’exercice d’une mission de tutorat au sein de l’entreprise du salarié, mission au titre de laquelle le salarié bénéficie d’une indemnité complémentaire fixée par l’accord.

La compensation de la charge de travail peut prendre la forme :

– du versement d’une prime ;

– de l’attribution de journées supplémentaires de repos ou de congés.

Les droits attribués au titre de la compensation de la charge de travail peuvent être versés sous la forme d’un abondement au compte épargne-temps du salarié, dans les conditions prévues à l’article L. 3152-2 du code du travail.

L’accord définit les conditions dans lesquelles il est créé, au sein de la branche concernée, un fonds dédié à la prise en charge des dispositifs d’allègement ou de compensation de la pénibilité. Il fixe aussi les modalités de l’institution, au profit de ce fonds, d’une contribution à la charge des entreprises de la branche et les modalités de la mutualisation du montant de la collecte ainsi réalisée entre les entreprises de la branche. L’accord prévoit, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, une exonération de la contribution à ce fonds pour les entreprises de la branche couvertes par un accord collectif d’entreprise mentionné au II.

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 septembre 2013, un rapport procédant à l’évaluation de ce dispositif.

II. – Il est créé jusqu’au 31 décembre 2013 auprès de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés un fonds national de soutien relatif à la pénibilité, destiné à contribuer aux actions mises en œuvre par les entreprises couvertes par un accord collectif de branche mentionné au I. Peuvent également bénéficier de l’intervention de ce fonds les entreprises couvertes par un accord collectif d’entreprise créant un dispositif d’allégement ou de compensation de la charge de travail pour les salariés occupés à des travaux pénibles mentionné au I. Les recettes de ce fonds sont constituées par une dotation de l’État, une dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles et par le produit de la pénalité définie à l’article L. 138-29 du code de la sécurité sociale.

Les modalités d’application du présent II sont fixées par décret en Conseil d’État.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.

Mme Raymonde Le Texier. Créer un dispositif d’allégement ou de compensation de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles et le faire en instaurant un fonds au sein des branches concernées, c’est reconnaître implicitement que la pénibilité pose la question des conditions de travail et impacte donc directement la responsabilité de l’employeur, une responsabilité dont celui-ci peut se tirer à bon compte.

Le dispositif d’allégement permet au salarié un passage à temps partiel ou l’exercice d’un tutorat, assorti d’une indemnité complémentaire définie par l’accord. Or rien ne dit que cette indemnité couvrira la différence avec le salaire à temps plein.

Le fait que le salarié doive être volontaire afin que l’accord puisse être passé n’offre pas de garantie suffisante. Il est probable que l’état d’usure du salarié le rendra tributaire de la seule proposition du patron.

Ce type de situation, que nous avons dénoncé à de nombreuses reprises, n’est jamais une avancée pour le salarié. Dans le cadre profondément inégalitaire qui définit les rapports entre patron et employé, l’accord de gré à gré entérine le déséquilibre relationnel et permet le plus souvent de résoudre les problèmes de l’employeur, pas celui du salarié.

Le mécanisme de compensation n’est pas plus convaincant. Il peut se traduire, soit par le versement d’une prime, soit par l’attribution de journées supplémentaires de repos ou de congés, qui pourront être placées sur un compte épargne-temps.

Le risque est grand de voir ces salariés, souvent mal payés, faire le choix de la prime au détriment de leur santé ou stocker des jours de repos pour permettre un départ anticipé, alors que le risque auquel ils sont exposés nécessiterait plutôt que les temps de récupération soient pris tout au long de l’année.

Le fonds dédié à la prise en charge de ces dispositifs expérimentaux a fait l’objet d’une rude bataille entre les branches « accidentogènes », comme le bâtiment ou la chimie, et les autres branches, telles que les banques, par exemple. Celles qui sont accusées de casser les salariés auraient souhaité mutualiser les risques entre les différentes branches, ce qui aurait été un bon moyen de ne rien changer à leurs pratiques tout en diluant leurs responsabilités.

Ce n’est pas ce qui a été prévu, au grand dam de la fédération du bâtiment. Reste que, pour certains, le Gouvernement sait offrir une deuxième chance. La puissante fédération du bâtiment a donc su récupérer d’une main ce qu’elle abandonnait de l’autre.

Le Gouvernement a en effet ajouté à cet article, tiré d’un amendement introduit à l’Assemblée nationale par Pierre Méhaignerie, une rédaction de son cru. Il a ainsi créé auprès de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés un fonds national de soutien relatif à la pénibilité, destiné à contribuer aux actions mises en œuvre par les entreprises couvertes par un accord collectif de branche créant un dispositif d’allégement ou de compensation.

Quelles recettes pour un tel fonds ? On imagine que, pour inciter les entreprises à prendre en considération la santé de leurs salariés, celles-ci devraient assumer la charge des dégâts qu’elles créeraient. Eh bien non, l’État versera une subvention pour alimenter ce fonds, et ce sont les recettes de la branche accidents du travail et maladies professionnelles qui serviront de complément !

Pour les employeurs des branches « accidentogènes », c’est réussir à faire payer par l’ensemble des salariés la casse physique de leurs employés, et ce avec la complicité de l’État. Mieux encore, ils récupéreront une partie de l’argent versé à la branche AT-MP sous forme de subvention afin que le coût de la pénibilité leur soit le plus léger possible.

Le principe pollueur-payeur, dont on a critiqué la tendance à se transformer en droit à polluer, n’est même pas appliqué ici. Non seulement le droit de casser les salariés est reconnu, mais tout est fait pour que la responsabilité de l’employeur soit diluée et que l’addition soit édulcorée.

Voilà pourquoi le groupe socialiste ne votera pas un tel article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. Monsieur le ministre, le travail à en perdre la vie, voilà ce que vous nous proposez avec cet article.

Permettre à tous de travailler et de vivre mieux est un choix de société. Cependant, votre projet n’accroît pas les libertés ; au contraire, il les asphyxie.

La prise en compte de la pénibilité devrait entrer dans le cadre d’un choix d’avenir et de progrès et non dans un projet comme celui que vous nous proposez qui consiste à soumettre les conditions de vie des travailleurs aux diktats des marchés financiers. Ce n’est pas acceptable !

La bonne nouvelle est que l’on est en passe de reconnaître qu’avoir peiné au travail a des effets sur la qualité et la longueur de la retraite. La mauvaise nouvelle est que votre article limitera cette reconnaissance par le biais d’une définition médicale restrictive de la santé au travail.

C’est une réalité : certaines professions et certaines formes d’organisation du travail rendent de plus en plus malades.

Le travail ne s’est pas allégé ces dernières années et la dureté est restée imposée avec force. Quand il ne salit pas ou n’use pas les mains, bien que les troubles musculo-squelettiques aient fortement augmenté, le travail n’en contraint pas moins les salariés à des atteintes répétées, parfois peu visibles ou identifiables par les autres, mais fortement ressenties par les intéressés.

Dans le travail d’aujourd’hui, on a l’impression de se donner, de se vider, d’y épuiser son énergie sans que rien ni personne vienne y opposer de limites.

L’occasion vous était donnée avec cet article de définir une solidarité collective de la pénibilité au travail et non, comme vous le faites, une définition individuelle. Pour vous, le mot « pénibilité » est un terme qui sert à contenir le risque de débordement budgétaire d’une compensation qui concernerait trop de salariés qui souffrent quotidiennement dans leurs professions.

Les salariés souffrent, et l’objectif principal de cet article devrait être de répondre à cette souffrance par le retour au centre de l’entreprise du facteur humain, comme un contrat social.

Il faut en finir avec les pénibilités au travail, qui transforment le monde professionnel en épreuve quotidienne. Néanmoins, pour y arriver, il faut d’abord en finir avec la pénibilité du travail, qui empêche la discussion sur la façon dont les entreprises exploitent les travailleurs de nos jours et des limites à imposer au patronat pour la sollicitation des corps et des esprits. En résumé, redéfinissons les conditions de travail !

Préserver la retraite et consolider la notion collective de la prise en compte de la pénibilité sont des nécessités, non seulement pour donner aux retraités un revenu satisfaisant, mais aussi pour aller vers une organisation collective du temps de travail qui permettrait à tous de travailler et de vivre mieux.

Comme il n’y a pas de solution individuelle à la retraite, il n’y a pas de solution individuelle à la pénibilité.

Avec cet article, vous transformez la prise en compte de la pénibilité en un supermarché de l’usure au travail au cas par cas. La santé et le droit à la retraite feraient l’objet d’un sordide marchandage contingenté avec un nombre maximum à ne pas dépasser. Tant pis pour ceux qui n’ont pas eu la chance de pouvoir partir à la retraire avant d’être complètement usés !

Il y a une certaine honte à aborder ainsi la santé et l’ordre public social. Cette honte est inscrite dans cet article et notre groupe refuse de la partager.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.

M. Ronan Kerdraon. Le dispositif institué par l’article 27 ter A, qui vise à inciter à la conclusion d’accords sur la pénibilité, a été introduit à l’Assemblée nationale par notre collègue – breton ! (Sourires) – Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Le débat sur cette disposition s’est déroulé de façon indigne d’une démocratie parlementaire, l’opposition n’ayant pas eu le droit de contester de façon argumentée les modifications apportées par le Gouvernement sur cet article. Ainsi va la vie en « Sarkozie » !

J’aimerais rappeler la philosophie initiale de ce dispositif, tel que M. Méhaignerie l’avait présenté.

Pour tous les salariés qui ont commencé à travailler tôt, à 18 ans, dans des secteurs pénibles, tels que le bâtiment, et qui ne relèvent donc pas du dispositif « carrière longue », et qui ne souffriraient pas d’une incapacité, il faudrait laisser la possibilité aux entreprises de conclure des accords prenant en compte la pénibilité. L’amendement prévoyait donc que, à titre exceptionnel, l’allégement de la charge de travail pourrait prendre la forme d’une cessation d’activité ou d’une compensation sous forme de prime ou d’une attribution de journées supplémentaires de repos ou de congés. Le texte précisait même que ces droits pourraient être versés sur un compte épargne-temps permettant un départ anticipé.

Or le Gouvernement a refusé toute compensation. Je rappelle pourtant que ce dispositif, dans sa rédaction initiale, était facultatif et expérimental. Ce petit coin dans la porte du monde merveilleux des entreprises a dû faire figure de menace insupportable pour le Gouvernement et d’une forme de jurisprudence inacceptable pour le MEDEF, qui s’est empressé de supprimer la possibilité de cessation anticipée, sous prétexte qu’il ne faudrait pas créer de nouveaux régimes spéciaux. Pourtant, avec cette réforme, vous créez un régime très spécial, dont vous ne vous vantez pas, celui des salariés à espérance de vie réduite devant cotiser 44 ans !

Vous avez dit, monsieur le ministre, qu’il était contradictoire de vouloir favoriser le travail des seniors et de mettre en place la possibilité facultative, expérimentale et négociée de cessation anticipée. Vous faites là un amalgame scandaleux : ce n’est pas la même chose que d’empêcher les entreprises de se défaire de leurs salariés ayant passé la cinquantaine que de permettre à ceux ayant commencé tôt et ayant travaillé dur de pouvoir partir à la retraite en bonne santé ! La question des seniors est une chose, celle de la pénibilité en est une autre.

Au final, ce dispositif se contente d’aménager les conditions de travail de fin de carrière des salariés à titre expérimental et facultatif. Faut-il rappeler que beaucoup d’entreprises se sont engagées dans cette voie ?

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 445 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 1069 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 445.

M. Roland Courteau. La conclusion d’accords en vue d’alléger ou de compenser la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles devrait être considérée comme une chose positive. Des accords en ce sens ont d’ailleurs déjà été conclus, dont les plus connus concernent Rhodia et Arkema, EADS, IEG ou encore la SNCF.

Il ne vous aura pas échappé que les noms d’entreprises que je viens de citer sont ceux de groupes de taille internationale. Ceux-ci ont la possibilité de mettre les moyens pour parvenir à signer un accord avec les syndicats présents dans leur entreprise. D’ailleurs, il y a des syndicats, ce qui n’est évidemment pas le cas dans les petites entreprises. Est-ce à dire que les travailleurs présents dans les petites entreprises ne sont pas soumis à des travaux pénibles ?

Est-ce à dire que les sous-traitants des grands groupes ne sont pas soumis à la pénibilité ? Non, bien entendu ! C’est là que sont souvent externalisés les travaux pénibles et dangereux. Aujourd'hui déjà, ils ne sont pas concernés par des accords de prévention et de compensation.

Votre texte propose des accords de branche. C’est une possibilité d’extension des accords d’entreprise, sur lesquels il est calqué et dont il reprend les principes, mais ce n’est toujours que partiel.

Surtout, quelles branches signeront des accords ? Nous savons tous que certaines branches usent les salariés à tel point que des accords de compensation seront très difficiles à obtenir. Ils le seront d’autant plus que les entreprises de ces branches sont essentiellement des PME et des TPE.

La question est la suivante : que contiendront ces accords de branche ? Si l’on prend la peine de lire les accords d’entreprise existants, on constate que les conditions posées pour accéder à une cessation anticipée d’activité financée par l’entreprise sont drastiques. Elles sont en tout cas plus dures que les conditions d’accès aux cessations anticipées d’activité des travailleurs salariés – les CATS – qui existaient auparavant pour les mêmes publics.

Par exemple, aujourd’hui, ces accords proposent qu’un salarié de 58 ans qui a été pendant vingt-deux ans en travail posté bénéficie de six mois de préretraite.

L’accord SNECMA, d’une grande complexité, prévoit un système par points, avec des catégories de pénibilité, qui peuvent permettre d’obtenir jusqu’à cinq ans de préretraite à partir de 55 ans dans les pires cas.

On voit bien qu’il existe de grandes disparités entre ces textes en fonction des types de travaux, des pyramides des âges, des moyens disponibles et aussi de la force des syndicats et de la qualité du dialogue social dans l’entreprise.

Ces inégalités vont donc se répandre, se systématiser selon les branches. Le mode de financement proposé l’entérine d’ailleurs puisque chaque branche aura son propre fonds de financement. C’est un premier point qui nous amène à être opposés à votre méthode, monsieur le ministre.

Cet article est en réalité la conséquence de votre refus d’une prise en considération générale de la pénibilité, d’une vraie négociation sur le sujet qui aboutisse à des résultats cohérents et applicables sans discrimination pour toutes les professions et sur l’ensemble du territoire.

Par ailleurs, nous avons un désaccord de fond avec vous sur les modes de compensation que vous proposez. Ce sera l’objet de nos prochains amendements.

Comme pour le reste de ce texte, il faut revenir autour de la table des négociations pour aboutir à un texte juste et efficace ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 1069.

Mme Annie David. Je vais ajouter quelques arguments à ceux qui ont été développés par notre collègue Courteau afin de vous inciter à supprimer l’article 27 ter A.

Cet article est issu d’un amendement parlementaire et entend compléter le volet « compensation » de la pénibilité. Le rapport nous apprend qu’il s’inspire d’un dispositif mis en œuvre par le groupe Rhodia à la suite de la signature de l’accord du 30 juin 2010 sur la pénibilité du travail des salariés postés.

Première remarque : c’est une étrange façon de procéder que de nous dire que cet accord est celui de Rhodia. Mais soit, ce n’est pas la première fois que des accords d’entreprise propres à un groupe deviennent un standard qui est ensuite étendu aux autres salariés. Toutefois, c’était du temps de l’acquisition de nouveaux droits. Ici, rien de tel ; c’est juste une marche à suivre qui nous est donnée et aucun droit nouveau n’est créé.

Deuxième remarque : cette origine interne explique son caractère, celui d’un véritable inventaire à la Prévert ! Dans le texte que vous nous proposez, la pénibilité peut donner lieu à toute une série de « compensations » ou « d’allègement de la charge de travail », qu’il s’agisse de passages à temps partiel, de l’exercice d’une mission de tutorat au sein de l’entreprise, du versement de primes ou de l’attribution de journées supplémentaires de congé, mais aussi de l’abondement d’un compte épargne-temps.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’éventail est vaste, mais nulle part il n’est écrit que la pénibilité pourrait donner droit à l’acquisition de trimestres pour permettre un départ anticipé.

Troisième remarque : ces accords pourraient être mis en place « à titre expérimental », jusqu’au 31 décembre 2013. On s’interroge encore aujourd'hui sur cette date butoir.

Au final, cet article paraît bien confus et nous estimons qu’il apporte une mauvaise et dangereuse réponse à la question de la prise en compte de la pénibilité. Ce dispositif serait générateur de nombreuses inégalités entre les salariés. En effet, selon les branches professionnelles, selon l’état de leurs finances et le rapport de forces qui y existe, ces accords seront ou non mis en place.

Vous pourrez me rétorquer que des accords professionnels existent déjà dans des branches et que, par définition, ils sont sectoriels et inégalitaires. Oui, mais pour un ministre qui se targue de créer un droit nouveau et unifié dans la loi, renvoyer ainsi à nouveau aux accords de branche procède d’une logique que nous avons du mal à saisir.

Enfin, un dernier point, et non des moindres, nous rend très circonspects face à cet article : ne risque-t-il pas de remettre en cause les accords de branche déjà conclus en matière de prise en compte de la pénibilité ? Même si, juridiquement, la réponse semble négative, nous savons qu’un nouvel environnement juridique a de grands effets sur les accords de branche existants.

C’est un appel d’air et un signal fort envoyé en direction des branches. Certaines organisations patronales pourraient profiter de cet article pour tenter de tout remettre à plat et de revenir sur des acquis.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet article est important. Le dispositif qu’il prévoit, comme l’a dit Annie David, est expérimental jusqu’au 31 décembre 2013. Il s’inspire des bonnes pratiques déjà à l’œuvre dans certains groupes comme Rhodia. J’ai d’ailleurs reçu le directeur des ressources humaines de cette entreprise afin de recueillir certaines informations concernant l’accord signé le 30 juin 2010 entre la direction et quatre organisations syndicales sur la pénibilité des salariés postés.

L’objectif est donc bien d’encourager les partenaires sociaux à négocier des accords collectifs permettant, d’une part, d’aménager les fins de carrière des travailleurs exposés à des facteurs de pénibilité et, d’autre part, de mettre en œuvre des mesures de compensation sous la forme d’attribution de primes ou de journées de congé supplémentaires.

La commission ne peut que soutenir cette démarche. Elle est donc défavorable aux amendements nos 445 et 1069 visant à supprimer cet article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est très attaché à cet article. L’accord de branche n’est pas exclusif, il vient s’ajouter aux dispositifs relatifs à la pénibilité. Les possibilités de partir à la retraite plus tôt sont élargies. En amont, il sera éventuellement possible de bénéficier d’un dispositif de prise en compte de la pénibilité au sein des entreprises. Les fins de carrière des salariés qui ont été exposés à des facteurs de pénibilité, hors cessation totale d’activité, pourront être aménagées. S’il y avait cessation totale d’activité, on recréerait d’une certaine façon les préretraites, que l’on a eu tendance à supprimer.

L’accord collectif de branche est donc tout à fait complémentaire du départ à la retraite à 60 ans au titre de la pénibilité en cas d’incapacité de 10 %. De surcroît, il s’agit d’une expérimentation. Nous pourrons ainsi étudier, jusqu’au 31 décembre 2013, combien de branches passent un tel accord et dans quelles conditions.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 445 et 1069.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1070, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet amendement prévoit la suppression de l’alinéa 1 de l’article 27 ter A.

En effet, les auteurs de cet amendement estiment que cet article apporte une mauvaise et dangereuse réponse à la question de la prise en compte de la pénibilité et que cet alinéa 1 porte en lui-même l’étrangeté de votre démarche.

Aux termes de cet alinéa, des accords pourraient être mis en place à titre expérimental, et ce jusqu’au 31 décembre 2013. Pourquoi avez-vous choisi cette date couperet ? Nous ne le savons pas !

Nous estimons que c’est une bien étrange rédaction pour un article de loi. Pourquoi « à titre expérimental » ? Est-ce une manière de nous dire qu’en matière de pénibilité nous explorons une terra incognita ? Vous sous-entendez par là que la pénibilité est une notion nouvelle et tout, dans votre texte, va dans ce sens.

Vous voulez mettre en place un nouveau comité scientifique pour qu’il nous dise une nouvelle fois ce que nous savons déjà. La pénibilité a des conséquences sur la santé ; elle a des effets différés sur celle-ci. Ce ne sont pas des supputations.

Alors, nous refusons cet article 27 ter A qui traite non plus des retraites mais de tout et de rien et qui s’apparente à un inventaire hétéroclite de mesures diverses. Il s’agit plutôt de conditions de travail à compenser ou à alléger. Nous considérons que c’est un autre débat ; ce n’est plus celui de la pénibilité.

Au final, cet article paraît bien confus. Préciser que des accords de branche pourront éventuellement prévoir des compensations, c’est, à notre sens, ne rien prévoir ! C’est juste une pétition de principe.

Ce dispositif serait générateur de nouvelles et nombreuses inégalités entre les salariés. En effet, selon les branches professionnelles, selon l’état de leurs finances et le rapport de forces qui y existe, ces accords seront ou non mis en place. Pour un ministre qui se targue de créer un droit nouveau et unifié dans la loi, renvoyer ainsi à nouveau aux accords de branche procède d’une étrange logique.

C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet alinéa.

M. le président. L'amendement n° 1071, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement s’inscrit dans la même lignée que le précédent, vous l’avez bien compris. (Exclamations sur les travées de lUMP.) Je sais que les débats sont longs. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Vous devriez demander l’inscription dans le texte d’une clause de pénibilité pour les sénateurs de la majorité !

Avec cet article, on est dans la confusion et le flou. On nous renvoie à un accord, mais il n’est indiqué nulle part que la pénibilité pourrait donner droit à l’acquisition de trimestres pour permettre un départ anticipé.

Alors, monsieur le ministre, vous nous dites que l’on a supprimé les retraites anticipées, mais il faudrait aller plus loin et ajouter que vous allez fabriquer des chômeurs. Les choses seraient plus claires ! Avec votre façon de traiter de la pénibilité, c’est soit l’invalidité, soit le chômage !

M. le président. L'amendement n° 1072, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 1070 prévoyant la suppression de l’alinéa 1. Elle est également défavorable à l’amendement n° 1071 tendant à supprimer l’alinéa 2, comme à l'amendement n° 1072, visant à supprimer l’alinéa 3.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis identique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1070.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1071.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1072.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 1073, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il est défendu.

M. le président. L'amendement n° 618 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps, MM. Lecerf et Beaumont, Mme Hermange et M. Darniche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'organisation de ce temps partiel ne peut prendre la forme d'une cessation anticipée d'activité.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Cet article additionnel, introduit à l’Assemblée nationale, propose à titre expérimental, comme cela a été souligné, que des accords de branche puissent mettre en place les dispositifs d’aménagement de fin de carrière, notamment en ayant recours au temps partiel.

Cet amendement envisage d’encadrer cette possibilité. En effet, la commission précise dans son rapport qu’il n’est pas souhaitable que cette compensation se traduise par une possibilité de cessation anticipée d’activité, laquelle risquerait de créer un nouveau mécanisme de préretraite, dont les effets désastreux sur le taux d’emploi des seniors sont bien connus.

D’un point de vue strictement normatif, un tel dispositif relève toutefois davantage de la négociation entre les partenaires sociaux que de la loi. C’est pour cela qu’avec un certain nombre de collègues, dont Marie-Thérèse Hermange, nous proposons, par cet amendement, de répondre au souhait de la commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 1073 tendant à supprimer l’alinéa 4 de l’article, la commission émet un avis défavorable.

S'agissant de l’amendement n° 618 rectifié, la commission considère que cette précision n’est pas nécessaire et émet un avis également défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh ! Pas de chance !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1073 puisqu’il vise la suppression d’un alinéa.

En ce qui concerne l’amendement n° 618 rectifié, le Gouvernement est plutôt favorable, malgré l’avis de la commission. En effet, il s’agit d’organiser la fin de carrière. Si l’on travaille à temps partiel, ce ne peut pas être pour cumuler le temps de travail et cesser son activité de façon anticipée. Si ce temps partiel constitue véritablement un aménagement de fin de carrière, alors il doit être respecté. C’est le sens des propos de M. Dominati et c’est exactement ce que le Gouvernement souhaite. Les dispositifs d’aménagement de fin de carrière ne peuvent conduire à la cessation anticipée de l’activité, auquel cas il s’agirait d’une forme de préretraite.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1073.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur l'amendement n° 618 rectifié.

Mme Christiane Demontès. Ah, ah ! Que de suspense…

M. Gérard Longuet. C’est insoutenable !

Mme Christiane Demontès. L’amendement de M. Dominati est le reflet d’un conflit interne au patronat, qui fait suite aux accords Rhodia et Arkema. D'ailleurs, l’article 27 ter A a été surnommé « article Rhodia ». II faut lire certains articles de ces accords pour saisir les motifs d’inquiétude du MEDEF. En effet, ces accords ont prévu des départs anticipés, qui sont en fait des préretraites pour certains salariés.

L'article 3 de l’accord Rhodia crée un dispositif de cessation anticipée d’activité visant à la prise en compte du travail en horaire continu ou semi-continu, dans l’attente des mesures législatives qui devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2011. Ce dispositif fondé sur le volontariat permet au personnel posté ou ancien posté, d’arrêter son activité professionnelle avec une anticipation maximale de deux ans par rapport à l’obtention de son droit à la retraite sécurité sociale à taux plein, tout en percevant dans l’attente un revenu de cessation d’activité de fin de carrière.

Ainsi, pour les salariés concernés, l'entreprise permet, sous conditions, le maintien de la retraite à 60 ans. Il faut tout de même souligner que, pour bénéficier de ces deux ans d’écart sur le futur âge légal, il faut avoir trente ans d’ancienneté dans un travail posté. Il est donc difficile de parler d’un cadeau fait aux salariés.

Toutefois, c'est encore trop pour certains représentants patronaux ! La question qui fâche est bien évidemment : qui paie ? Il faut dire qu’à l'article 3.2.3 de cet accord figurent le montant et les modalités de versement du revenu de cessation anticipée d'activité.

On peut ainsi lire en toutes lettres : « Pendant cette période de cessation d’activité, qui peut varier de six mois à deux ans, Rhodia verse mensuellement au salarié bénéficiaire un revenu de cessation d'activité égal à 75 % de la rémunération brute de référence. Le salarié bénéficie aussi du maintien de la couverture prévoyance. »

Même si cet accord est de durée transitoire, il n’est pas impossible que les salariés de Rhodia en demandent la prolongation. C’est d'ailleurs ce que l’article 27 ter A leur accorde. On mesure donc aisément la frayeur des représentants du patronat à la perspective d'une généralisation de ce dispositif.

Fort heureusement, l’amendement du député Pierre Méhaignerie permet que le fonds de soutien aux employeurs en matière de pénibilité, abondé notamment par l’État et la branche accidents du travail - maladies professionnelles contribue à l’effort financier des employeurs.

L’amendement de notre collègue Dominati, dans ces conditions, est surtout un amendement de précaution, afin d’éviter une extension intempestive des dispositions de l’accord Rhodia, que l’État et la sécurité sociale ne parviendraient plus à financer, ce qui renverrait le financement aux entreprises.

Le groupe socialiste votera donc bien évidemment contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 618 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1074, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Le dispositif mis en place par l’alinéa 5 est complètement inefficace, à l'image de l’ensemble du projet de loi.

En effet, il dispose que les entreprises – y compris les entreprises publiques – employant au moins quarante salariés sont soumises à une pénalité qui est – à la bonne heure ! – à la charge de l'employeur, dès lors qu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

Une telle disposition reflète en premier lieu l’idée du Gouvernement selon laquelle tout se monnaye, même la pénibilité.

Nous avons déjà eu l’occasion de le constater lors de l’examen du projet de loi sur le dialogue social dans la fonction publique : lui aussi monnayait le départ à la retraite des infirmières, au moyen d’une revalorisation salariale fictive et fondée sur des hypothèses aussi hasardeuses que celles sur lesquelles s’appuient les fameux scénarios du COR.

En outre, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer ce que cet accord a de plus que les conventions collectives ?

Chaque métier a des contraintes propres. Même dans les pays dotés d’un cadre législatif important quant au travail, ce cadre ne saurait prétendre couvrir tous les cas particuliers ! De tout temps, les conventions collectives ont permis d’ajuster l’application des lois selon le contexte.

Néanmoins, vous sous-entendez aujourd'hui que l’argent pourrait convaincre le patronat de prendre en compte la pénibilité : cela n'est pas sérieux !

Il n'y a qu'à constater, par exemple, les résultats de la loi SRU. Aujourd'hui, quatre communes sur dix seulement s’y conforment, et l’on sait que de nombreuses villes, notamment celles administrées par des représentants de l’UMP et situées dans les Hauts-de-Seine (Exclamations sur les travées de lUMP.),…

M. Roland Courteau. Il a raison !

M. Jean-Claude Danglot.… préfèrent payer des amendes plutôt que d’appliquer une obligation légale.

On peut s’inquiéter du dysfonctionnement de cette loi. Le système de sanctions prévues prévoit l’acquittement d’une taxe – doublée en cas de « constat de carence » – par les communes qui ne remplissent pas l’objectif. Mais ce système est mal appliqué, et on le sait !

Et voilà que, au mépris d’acquis sociaux obtenus au prix de nombreuses luttes, vous annoncez vouloir pénaliser les employeurs à hauteur de 1 % au maximum des rémunérations ou gains versés aux salariés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’a pas été couverte par un plan d'action et au prorata « des efforts » fournis par l'entreprise.

Il suffira donc que cette dernière propose un plan d’action à ses salariés, même dépourvu de tout effet juridique réel, pour que l’entreprise soit lavée de tout soupçon quant à son action contre la pénibilité.

Vous ne parlez pas des négociations syndicales qui ont de tout temps agi en faveur des salariés, et nous sommes désolés de constater que vous le faites à dessein.

Pourtant, vous prétendez constamment être en faveur d’une « rénovation » de la démocratie sociale, que vous construisez en fait hors de toute négociation avec les syndicats.

Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous demandons de voter l’amendement n° 1074.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable car, au travers de cet amendement, on récuse toutes les formes que peuvent prendre les allégements de charges de travail.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1074.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 446, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 13

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Notre amendement propose la suppression des dispositions de monétisation de la pénibilité qui reviennent à faire financer par le salarié usé sa propre cessation anticipée d’activité, avec l’utilisation d’un compte épargne-temps transformé en dispositif d’épargne retraite.

Le système est désormais bien rôdé. Au fil des lois défendues pas MM. Fillon, Bertrand, et maintenant par vous-même, monsieur le ministre, le compte épargne-temps est devenu le réceptacle de tous les jours de congés que le salarié est empêché de récupérer, de toutes les primes qui ne lui sont pas versées.

Le compte épargne-temps, faut-il le rappeler, a été initié par Martine Aubry dans les lois de réduction du temps de travail, pour assurer la souplesse nécessaire dans la prise des jours de RTT. Initialement, ces jours de congés épargnés devaient être pris par le salarié dans un court délai, afin de le faire bénéficier d’un temps de repos dans le cadre de la réduction du temps de travail.

La perspective du compte épargne-temps était sociale et même sanitaire. La droite en a fait un instrument d’épargne retraite pour le plus grand profit des gestionnaires.

En résumé, le Gouvernement propose de verser aux salariés usés une prime et de monétariser des jours de congés auxquels ils ont droit contre la seule promesse d’un départ à la retraite dans le meilleur des cas à 60 ans.

Le projet de loi prévoit que la compensation de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles – périphrase pour ne pas écrire « pénibilité » – pourra être compensée par une prime. Peut-on compenser la charge de travail excessive, l’usure et la menace de maladies futures par une aumône ?

Peut-on mettre sur le même plan la santé des travailleurs et une prime qui viendra compenser non pas la pénibilité, mais le niveau de salaire trop bas de ceux qui sont contraints d’exercer les métiers les plus pénibles ?

Cet article met en place, dans ses alinéas 6 à 13, un système de non-compensation de la pénibilité. Il n’est en fait que le faux nez d’une nouvelle disposition en faveur de l’épargne retraite.

M. le président. L'amendement n° 1075, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement est en cohérence avec les différents amendements que nous avons déposés sur l’article 27 ter A.

En effet, nous sommes complètement opposés à cet article dont l’objet est de fixer un système d’expérimentation qui, éventuellement, pourrait créer un dispositif d’allégement ou de compensation de la charge de travail des salariés dont le travail est pénible.

Non seulement cet article ne crée qu’un système expérimental et n’accorde pas de garantie pérenne aux travailleurs dont le métier est éprouvant et reconnu comme tel, mais, en outre, il ajoute un certain nombre de conditions à une reconnaissance potentielle, à savoir une exposition d’une durée qui sera définie par décret – elle est donc très incertaine – à un facteur de pénibilité dont on ne connaît pas l’ampleur, ou bien pendant une autre durée, toujours inconnue, à deux de ces facteurs, énumérés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail.

Il ne suffit donc pas d’avoir effectué un travail pénible, encore faut-il l’avoir exercé suffisamment longtemps pour être brisé et cassé par celui-ci. Ensuite, quelques grâces seront peut-être accordées, et encore, il faut étudier ces « avancées », si on peut les appeler ainsi.

Uniquement dans ces cas, très restreints – on est très loin de la reconnaissance que l’on pourrait souhaiter –, on peut, par un accord de branche – pas systématiquement –, bénéficier éventuellement d’un passage à temps partiel ou d’une mission de tutorat.

Notre amendement vise à supprimer l’alinéa 6, qui prévoit, outre le dispositif d’allègement de la charge de travail, que, en compensation de la charge de travail, le salarié pourra recevoir une prime ou se voir attribuer des journées supplémentaires de repos.

Comme si la pénibilité pouvait s’acheter ! Elle ne se monnaye pas, monsieur le ministre, ou alors elle ne s’achète que pour ceux qui sont suffisamment miséreux pour considérer que leur vie et leur santé ne comptent plus face à la nécessité. Elle ne se vend donc que pour ceux qui n’ont pas d’autres choix, car qui, raisonnablement, sacrifierait sa vie pour un travail pénible ?

Nous vous demandons donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement de suppression de l’alinéa 6, en cohérence avec les positions que nous avons défendues précédemment. Nous n’approuvons pas le cas par cas et l’expérimentation, qui sont sources d’inégalité et d’injustice.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 619 rectifié est présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps, MM. Lecerf et Beaumont, Mme Hermange et M. Darniche.

L'amendement n° 1076 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 619 rectifié.

M. Philippe Dominati. L’article 27 ter A permet, lorsqu'un accord de branche le prévoit, que les entreprises puissent verser des primes à leurs salariés en vue de compenser la pénibilité.

Je suis inquiet, comme un certain nombre de mes collègues, des effets pervers que ce dispositif pourrait engendrer. Le versement de la prime dédouanerait les branches et les entreprises de tout effort de prévention et d'amélioration des conditions de travail visant à ne pas laisser durablement les salariés dans des situations de pénibilité. Quant aux salariés, ils seraient incités à ne pas changer de poste ou de conditions de travail pour ne pas perdre le bénéfice de la prime.

Le présent amendement vise donc à supprimer la possibilité de verser de telles primes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour présenter l'amendement n° 1076.

M. Jean-Claude Danglot. Votre approche de la pénibilité, monsieur le ministre, est à milles lieues de l’idée que nous nous en faisons. Les solutions que vous proposez sont très éloignées de celles des organisations syndicales.

La définition de la pénibilité, qui a fait l’objet d’un long débat entre les organisations syndicales et patronales, a permis de mettre en exergue trois types de pénibilité au travail. On sait aujourd’hui, grâce au travail réalisé par les organisations syndicales, quels sont les critères de pénibilité. Les divergences importantes résident en fait dans les réponses à y apporter.

Nous considérons que l’homme ne doit pas perdre ou dégrader sa vie à la gagner. Pour nous, il n’y a en fait que deux protections contre la pénibilité : l’amélioration urgente des conditions de travail des salariés et le droit, pour celles et ceux qui souffrent de leur travail, à un départ anticipé.

Votre proposition de monétisation de la souffrance des salariés n’est donc pas acceptable, monsieur le ministre. Comment pourrions-nous accepter une telle mesure ? Comment pouvez-vous la proposer ?

Ce départ anticipé n’est pas sans rappeler ce qui existe déjà avec le droit de retrait. Comme vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, le salarié qui estime que son état de santé est gravement menacé ou que l’employeur l’expose à un danger grave, imminent et inévitable, peut faire cesser la situation. Êtes-vous prêt à considérer que, dans de tels cas, le salarié, en lieu et place de son droit de retrait, pourrait négocier une prime ? Dans l’intérêt des salariés, j’espère, monsieur le ministre, que vous répondrez par la négative !

L’idée que nous nous faisons de la reconnaissance de la prise en charge de la pénibilité s’inscrit dans cette logique.

Les réponses apportées par l’employeur ne doivent avoir qu’une finalité : faire cesser les causes de la pénibilité. Proposer une prime, en lieu et place d’un départ anticipé, c’est considérer que tout est à acheter et à vendre, y compris l’espérance de vie en bonne santé des salariés !

M. le président. L'amendement n° 1077, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1078, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Cet amendement porte sur les modalités de compensation de la pénibilité pour les travailleurs âgés.

Si l’on veut faire en sorte que les seniors, notamment les salariés âgés de 56 ans à 60 ans, puissent continuer à être exploités, il va bien falloir que l’on trouve le moyen de leur permettre de rester dans l’entreprise !

À l’époque de Robert Boulin, de Lionel Stoléru ou encore lorsque François Perigot menait les affaires du CNPF, le Conseil national du patronat français, on ne se posait pas tant de questions, vous vous en souvenez sûrement. On mettait l’argent qu’il fallait ! En général, on demandait à l’État – c'est-à-dire à l’impôt – de mettre au pot, et l’on organisait un plan massif de départs en préretraite des salariés âgés ayant la durée de cotisation nécessaire avant l’âge officiel autorisant la liquidation de la retraite. L’État satisfaisait les desiderata du monde patronal en consacrant l’éjection la plus efficace possible des salariés les plus âgés, en fait les plus coûteux au regard de la production.

Désormais, il va falloir organiser la présence de ces salariés au-delà du raisonnable. On cherche donc à adoucir la pilule de la prolongation de la vie professionnelle.

Nous avons déjà pointé que le texte recélait plusieurs moyens d’atteindre ces objectifs, mais l’article 27 ter A en offre de nouveaux. Ainsi, il propose une palette diversifiée de solutions aux employeurs imaginatifs pour conserver en activité leurs salariés les plus âgés.

L’article reproduit même, en tant que de besoin, le schéma de la cessation progressive d’activité, avec possibilité de mi-temps, ce qui aura un double avantage : premièrement, ne pas être victime de la moindre pénalisation du point de vue de l’emploi des seniors ; deuxièmement, geler au dernier salaire accompli à plein-temps le montant de l’indemnité de fin de contrat précédant le départ en retraite.

Par ailleurs, on peut fort bien demander à un salarié âgé et expérimenté d’accomplir à mi-temps l’essentiel de ce qu’il faisait précédemment à temps plein ou lui confier des missions spécifiques – conseils en sécurité, formation des nouveaux embauchés –, fondées sur cette expérience.

Ce que prévoit le huitième alinéa de cet article, c’est d’instrumentaliser le souhait légitime du salarié d’être dégagé de la pénibilité du travail en lui permettant de cumuler des heures sur son compte épargne-temps, en espérant, évidemment, qu’il liquidera ce compte non pas peu à peu en se ménageant des jours de repos dans ses dernières années d’activité, mais tout d’un coup, en prenant des congés dans les derniers mois précédant son départ en retraite. L’idée est que, à force d’individualisation des situations, le salarié accepte de travailler jusqu’au bout, ou presque, comme les autres.

À dire vrai, c’est là une étrange conception de la lutte contre la pénibilité du travail !

Cela étant, si vous voulez notre sentiment profond sur ce sujet, nous inclinons à penser que, dans nombre de cas, les employeurs préféreront passer par les services de santé au travail pour que joue pleinement la clause de la mise en invalidité.

En attendant, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à voter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 1079, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 10. Il s’agit d’un amendement de conséquence avec ceux que nous avons déposés. Il est pour nous l’occasion de revenir sur une question fondamentale, celle du financement des mécanismes de prise en compte de la pénibilité.

En effet, monsieur le ministre, vous proposez l’instauration d’un fonds dont le financement reposerait sur une contribution à la charge des employeurs, ce que nous saluons. Mais, comme vous proposez une expérimentation par branche, vous souhaitez naturellement que le financement soit également inscrit dans cette logique de branche, logique dans laquelle nous refusons d’entrer. Nous aurions préféré qu’une loi spécifique fixe les critères de la pénibilité, appréciés par métier, et apporte une réponse en termes de droit à la retraite anticipée.

Si nous voulons une loi, c’est que nous sommes convaincus que seul un texte législatif est de nature à apporter toutes les garanties dont les salariés ont besoin. Les accords de branche sont par nature volatiles. Ils peuvent être dénoncés ou non reconduits, alors que la loi a force obligatoire et s’impose à tous.

Enfin et surtout, la loi repose sur un principe simple : l’universalité de son application. Ce principe aurait pu permettre d’imaginer un mécanisme qui, au lieu d’être fondé sur le niveau de fortune des branches, aurait reposé sur une solidarité nationale. Celle-ci aurait pu prendre la forme d’une majoration de cotisations sociales fléchée vers la sécurité sociale.

Cette solidarité entre les employeurs présente l’avantage d’éviter le cloisonnement artificiel entre les branches. La multiplication des règles dérogatoires au droit, la sous-traitance, la mise à disposition de personnels rendent en effet la référence aux branches tout à fait obsolète.

Responsabiliser les employeurs est une priorité, mais il ne faut pas oublier ceux qui, en raison des chaînes de commandement, sont des donneurs d’ordres et participent indirectement, du fait de leurs exigences particulières, à la dégradation des conditions de travail et à l’explosion de la pénibilité.

Pour conclure, nous regrettons que ce fonds n’ait pas pour objectif de participer financièrement à l’amélioration des conditions de travail des salariés. Si l’urgence est effectivement de faire cesser la pénibilité dont souffre le salarié, il apparaît également nécessaire de prendre les mesures pour supprimer les causes de celle-ci.

Ce fonds est loin de répondre aux attentes de nos citoyens et nous le regrettons.

M. le président. L'amendement n° 584 rectifié, présenté par M. About, Mme Dini, M. A. Giraud, Mme Payet, MM. Vanlerenberghe, Maurey et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les entreprises ainsi exonérées ne peuvent bénéficier de la prise en charge des dispositifs d'allègement ou de compensation de la pénibilité par le fonds dédié de la branche.

La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. L'objet de cet amendement est de préciser que les entreprises exonérées de la contribution au fonds dédié à la prise en charge des dispositifs d'allègement ou de compensation de la pénibilité au sein de la branche ne pourront naturellement pas bénéficier des prestations de ce fonds.

M. le président. L'amendement n° 488 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Gournac et J. Gautier, Mme Rozier et M. Cambon, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

L’accord prévoit également les conditions d’application du dispositif d’allègement ou de compensation de la charge de travail des salariés temporaires occupés à des travaux pénibles.

La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. L’accord collectif applicable à l’entreprise utilisatrice de salariés temporaires doit organiser les conditions d’application à ces salariés occupés à des travaux pénibles des mesures d’allègement ou de compensation de la charge de travail mises en place par cette entreprise pour ses propres salariés.

À défaut d’une prise en compte des salariés temporaires lors de la négociation de l’accord dans l’entreprise utilisatrice, il sera très difficile pour l’entreprise de travail temporaire d’organiser a posteriori les conditions d’un allègement ou d’une compensation de leur charge de travail.

M. le président. L'amendement n° 1080, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Aux termes de l’alinéa 11 de l’article 27 ter A, le Gouvernement remet au Parlement un rapport procédant à l’évaluation du dispositif.

Comme nous vous l’avons dit, nous ne sommes pas favorables à l’article tel qu’il est rédigé. Même si vous affirmez qu’il s’appuie sur l’accord Rhodia, il n’en est finalement qu’un lointain cousin, ne serait-ce que par le flou de l’ensemble de ses alinéas. Ainsi, on évoque la possibilité de créer un dispositif ; on parle également d’une durée minimale qui serait fixée par l’accord, d’une durée définie, mais dont on ne sait pas grand-chose…

De plus, il est question de versement d’une prime ou d’un basculement dans le compte épargne temps toute possibilité de prime accordée à la pénibilité. Or, pour nous, la pénibilité ne se monnaye pas ; elle se combat ! L’objectif, c’est d’arriver, au bout du compte, à résorber la pénibilité dans les entreprises.

(M. Gérard Larcher remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. L'amendement n° 447, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 12 à 13

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Nous entrons dans des complications.

Cet article crée, in fine, un fonds national de soutien relatif à la pénibilité, destiné à contribuer au financement des accords de branche.

L’article était cohérent jusqu’à l’intervention de M. Dominati. (Exclamations sur les travées de lUMP.) Eh oui, mes chers collègues ! Du coup, j’en viens à me demander si je dois prôner la suppression de ces dispositions ou me rallier à leur ancienne version, qui était tout de même moins mauvaise que ce qui est présenté par M. Dominati.

En l’occurrence, vous vous êtes montrés prudents, en tout cas plus que sur l’article 21 A, qui prévoit la création d’une caisse des fonctionnaires de l’État, mesure rejetée par les organisations syndicales.

M. Dominati nous dit qu’il y aura une concertation. Ah ça, oui, il y aura une concertation… Mais, comme nous le verrons tout à l’heure, il n’y aura pas de participation financière de ceux qui ne veulent faire aucun effort !

Pourtant, le texte était prudent. On nous a dit qu’il s’agirait d’une « expérience », que le dispositif s’appliquerait « par branche », pour favoriser ceux qui pourraient faire « quelque chose pour les métiers pénibles ». Nous avons abouti à une indication : le fonds serait alimenté à partir des pénalités dues par les entreprises dépourvues d’accord ou de plan d’action contre la pénibilité. Bon ! Même si nous jugeons un tel dispositif insuffisant, il comporte une cohérence interne. Il est normal que les entreprises concluant des accords ou mettant en œuvre des plans d’action ne soient pas pénalisées et qu’elles bénéficient des contributions financières de la part des autres entreprises.

Toutefois, votre frilosité en la matière vous a conduits à fixer un taux de pénalité maximal de 1 % – il est de 0 % pour M. Dominati – qui pourra donc être bien inférieur et ne rien rapporter ! Mais cela est secondaire…

Afin de donner quelque crédibilité à ce fonds national de soutien, à l’Assemblée nationale, le président Méhaignerie a trouvé une solution, sans doute la plus facile : le faire abonder par les contribuables ! Ces derniers ne sont pourtant pas responsables des conditions de travail déplorables dans les entreprises ; ils en sont même bien souvent les victimes !

L’autre contributeur est la branche accidents du travail et maladies professionnelles, ce qui est logique dans votre conception puisque vous avez créé un système d’incapacité permanente partielle.

Surtout, ce dispositif, qui fait porter la charge de la compensation de la pénibilité sur les finances publiques et sociales, conduit à exonérer de toute sanction les employeurs les plus négligents, les plus indifférents.

Non seulement vous ne compensez pas vraiment la pénibilité, mais vous ne prenez en compte que l’invalidité au moment de la demande ! Non seulement vous créez un dispositif par branche, qui sera, par définition, variable et inégalitaire, mais, au final, vous bricolez cette « tuyauterie » pour permettre aux employeurs de bénéficier d’une aide financière de la collectivité nationale ! Et « territoriale », ajoute M. Dominati !

C’est une aide non pas pour permettre le départ en retraite anticipé des salariés usés en leur versant une allocation complémentaire, mais pour alimenter un système d’épargne retraite via la monétarisation du compte épargne temps. C’est une véritable architecture ! Formidable ! (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Concluez ! Votre temps de parole est dépassé !

M. Jacques Mahéas. Je conclus, monsieur le président.

Voilà qui n’est pas sans rappeler, pour ceux qui en sont victimes,…

M. le président. Concluez !

M. Jacques Mahéas. …les magnifiques gravures de…

M. le président. C’est terminé ! (M. Jacques Mahéas proteste.)

L'amendement n° 1081, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement de notre groupe porte sur la proposition, formulée au sein de cet article 27 ter A, d’alimenter, sur les fonds de la branche AT-MP, les actions de lutte contre la pénibilité prévues par les accords de branche expérimentaux.

À la vérité, pour au moins une raison, cette disposition n’a pas lieu d’être : tout simplement, parce que le fondement de la cotisation accidents du travail et maladies professionnelles de chaque entreprise est directement lié à la réduction du nombre tant des accidents du travail que des maladies professionnelles avérées constatées dans l’entreprise.

En effet, le code de la sécurité sociale est clair sur ce sujet, notamment son article L. 242-7.

Il faut d’ailleurs remarquer que la dernière modification de ces dispositions date de l’ordonnance du 23 février 2010 de coordination avec la loi HPST, dont nous avons débattu l’an dernier.

En clair, ce que l’on nous propose va faire double emploi avec ce qui existe déjà.

C’est donc un dispositif superfétatoire qui va être mis en place, alors même que les ressources de la branche AT-MP sont d’ores et déjà bridées puisqu’une part importante des missions qui devraient lui incomber, à raison de la reconnaissance des maladies professionnelles, est aujourd’hui assumée par le déficit de la branche maladie.

En outre, le patronat entend utiliser l’apparente meilleure situation financière de la branche AT-MP pour la siphonner un peu plus et opérer un retour sur cotisations.

C’est bien parce que les dispositions dont nous discutons participent de ce hold-up sur l’argent dû au monde du travail qu’est le présent projet de loi de réforme des retraites que nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 448, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les recettes de ce fonds sont constituées par le produit de la pénalité définie à l'article L. 138-29 du code de la sécurité sociale.

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Nous avons expliqué que l’article 27 ter A proposait des dispositions sur le plan financier n’étant pas de nature à améliorer la situation des salariés affectés à des travaux pénibles.

Il nous semble, comme cela a déjà été dit, que la mesure d’aide financière couvrant les primes et indemnités complémentaires à verser aux salariés, aide constituée d’argent public, est un choix étrange : étrange, en cette période de déficit, de proposer de l’argent public pour compenser la pénibilité, donc la santé des salariés, souvent de catégorie modeste, sans que la responsabilisation des employeurs soit considérée ; étrange aussi d’alimenter ce fonds national par une dotation provenant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles !

C’est pourquoi cet amendement vise simplement à préciser que les recettes du fonds doivent être exclusivement composées du produit de la pénalité acquittée par les entreprises dépourvues d’accord ou de plan d’action pour la prévention de la pénibilité et la protection des salariés.

Dans l’hypothèse que vous privilégiez, où il est fait appel à des fonds publics et sociaux, l’effet incitatif sur l’employeur pour prendre les mesures nécessaires est réduit à néant.

De plus, on aboutira à ce que les actions et les équipements mis en place dans les entreprises pour réduire la pénibilité soient financés sur fonds publics et sociaux, ce qui n’est pas l’objectif annoncé.

M. le président. L'amendement n° 622, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps, MM. Lecerf et Beaumont, Mme Hermange et M. Darniche, est ainsi libellé :

Alinéa 12, dernière phrase

Après les mots :

maladies professionnelles

insérer les mots :

, qui ne peut être supérieure à celle de l'État,

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Par cet amendement, il s’agit de tirer la leçon des fonds amiante et de la constante sous-dotation de l'État que de nombreux rapports du Sénat avaient pointée.

Cet amendement a donc pour objet de prévoir un cofinancement équilibré entre l'État et la branche AT-MP, afin de ne pas aggraver le solde déjà déficitaire de cette branche.

M. le président. L'amendement n° 1082, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. L’alinéa 13 de cet article prévoit que les modalités d’application de celui-ci sont définies par décret en Conseil d’État.

Compte tenu de l’absence de concertation avec les organisations syndicales sur l’ensemble des dispositions relatives à la santé au travail, nous ne pouvons que regretter que ces organisations ne soient pas associées dans la phase de rédaction des décrets.

Pour notre part, nous aurions préféré que ces décrets soient pris par le Conseil d’État après avis des organisations syndicales ; une précision qui dépasse le symbole puisque, si l’on veut faire des salariés, comme vous le prétendez, des acteurs de leur santé au travail, le minimum serait d’associer leurs représentants à l’application concrète de la loi.

Une telle disposition faisant défaut, nous vous proposons la suppression de l’alinéa 13.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 446 vise à supprimer les alinéas 6 à 13. Avis défavorable. Idem pour l’amendement n° 1075, qui tend à supprimer l’alinéa 6.

Les amendements identiques nos 619 rectifié et 1076 visent à supprimer l’alinéa 7. Avis défavorable. On peut s’interroger sur la possibilité, pour les entreprises, de verser une prime aux salariés en vue de compenser la pénibilité de leur travail.

Les amendements nos 1077, 1078 et 1079 ont tous reçu un avis défavorable, car ils ont pour objet de supprimer des alinéas.

L’amendement n° 584 rectifié prévoit que les entreprises exonérées de la contribution au fonds de branche ne pourront pas bénéficier des prestations de ce fonds. C’est justifié. La commission émet donc un avis favorable.

L’amendement n° 488 rectifié propose de prendre en compte, pour le dispositif d’allégement de compensation de la charge de travail, la situation particulière des salariés temporaires occupés à des travaux pénibles. Nous y sommes favorables, car il s’agit aussi d’une mesure justifiée.

Avis défavorable sur les amendements nos 1080, 447 et 1081, qui sont des amendements de suppression d’alinéas.

L’amendement n° 448 propose que le fonds de soutien soit uniquement abondé par le produit de la pénalité de 1 %. Les recettes issues de cette pénalité risquent évidemment de ne pas être très importantes, étant donné le caractère a priori dissuasif de la mesure. Il est donc indispensable de prévoir par la suite d’autres sources de financement. Avis défavorable.

Les auteurs de l’amendement n° 622 proposent que la dotation de la branche AT-MP au fonds national de soutien ne soit pas supérieure à celle de l’État. Avis favorable, car il nous semble en effet important de ne pas aggraver le déficit de la branche.

Enfin, avis défavorable sur l’amendement n° 1082, qui est un amendement de suppression d’alinéa.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, avec votre permission, je centrerai mon propos sur les amendements faisant l’objet d’un avis favorable du Gouvernement.

Nous sommes favorables aux amendements identiques nos 619 rectifié et 1076, déposés respectivement par M. Dominati et Mme David. (Exclamations ironiques.) Quel rapprochement ! (Même mouvement.) C’est la suppression de la prime. Il est logique de considérer qu’on ne peut pas réparer la pénibilité à partir d’une somme d’argent. La pénibilité, c’est précisément ce que nous voulons éviter ! Alors, il serait tout de même un peu curieux d’inciter les entreprises à se contenter de mobiliser un peu d’argent sans s’attaquer au problème de la pénibilité à la racine.

Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 584 rectifié, qui tend à écarter du bénéfice du fonds les entreprises qui n’y contribueraient pas.

Il est également favorable à l’amendement n° 488 rectifié de Mme Procaccia, relatif au travail temporaire.

En ce qui concerne l’amendement n° 447 de M. Godefroy, j’observe qu’il n’est pas en cohérence avec un précédent amendement que nous avions accepté et qui tendait à orienter les fonds non vers la CNAV, mais vers la branche AT-MP. Or cet amendement tend à rebasculer ces fonds vers la sécurité sociale. Le Gouvernement souhaite donc s’en tenir à la première option et rend un avis défavorable. (M. Jean-Pierre Godefroy opine.)

Enfin, l’amendement n° 622 de M. Dominati me pose un problème, je le dis franchement. Au départ, ce fonds ne devait pas être financé par de l’argent public : il devait être abondé uniquement par les entreprises. Au cours du débat à l’Assemblée nationale, la position du Gouvernement a évolué : nous avons admis qu’il était difficile de ne pas prévoir un « amorçage » avec de l’argent public. Pour autant, mettre au même niveau argent public et contribution à l’AT-MP, il me semble que c’est aller trop loin. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Tous les autres amendements recueillent un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 446.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1075.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 619 rectifié et 1076.

M. Daniel Raoul. Je vous avouerai que j’ai beaucoup de mal à suivre les raisonnements de M. le ministre et de M. le rapporteur. J’ai l’impression que, avec ce texte, vous atteignez l’acmé de l’hypocrisie…

M. Jean-Claude Gaudin. Des « sépulcres blanchis », il y en a partout ! (Sourires.)

M. Daniel Raoul. Sans doute ! Mais, par les temps qui courent, je ne sais pas s’ils sont si blancs que cela à Marseille ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Claude Gaudin. Ils sont plus blancs que blancs ! (Nouveaux sourires.)

M. Daniel Raoul. Quoi qu'il en soit, je ne comprends pas non plus la logique de mes collèges du groupe CRC-SPG : j’ai du mal à admettre que l’on supprime une prime qui était une petite « carotte » pour éviter que les gens continuent à subir la pénibilité. Avec cette suppression, ils vont garder la pénibilité et ils ne toucheront rien !

Ce texte comporte des distorsions énormes ! Nous voyons apparaître des amendements qui, sous la signature de certains collègues, sont en fait des amendements du MEDEF ou de la FNSEA. Quand va-t-on enfin prendre en compte l’intérêt général des salariés ?

Cela étant, je ne vois pas pourquoi il devrait ici être question de primes, alors que nous parlons des retraites et d’un fonds destiné, sans doute, à alimenter la prise en charge de la portion de handicap reconnu à 10 %, obtenue péniblement parce que le Gouvernement s’est senti obligé de faire cette concession.

Voilà pourquoi je voterai contre ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. J’ai interrogé M. le ministre pour savoir comment il allait se « dépatouiller » entre ces différents alinéas : par exemple, l’amendement n° 622 de M. Dominati portant sur le II de cet article modifie la répartition des charges entre l’État, la branche AT-MP et les collectivités territoriales.

Eh oui, bien sûr, les collectivités locales sont suffisamment riches ! Et elles ne sont pas suffisamment ponctionnées par l’État en ce moment ! Cela ne pose aucun problème : les départements, ça roule ! L’État ne leur doit absolument rien... Et allons-y, n’hésitons pas un seul instant, créons une participation territoriale !

Ensuite, il y aura une concertation entre l’État et les collectivités territoriales, mais rien n’est précisé à ce sujet dans le texte qui nous est présenté. Qui plus est, la participation de ces entreprises qui ne font aucun effort est réduite à zéro !

Je le répète, il faudra trancher. En seconde lecture (Murmures sur les travées de lUMP.), dans quel sens ira le Gouvernement ? Il serait quand même intéressant de le savoir, de façon que ce fonds de soutien serve éventuellement à quelque chose.

Tout à l’heure, je voulais conclure mon intervention, mais M. le président m’a dit que le temps qui m’était imparti était dépassé. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jacques Mahéas. Cela me permet maintenant de prendre cinq minutes pour une explication de vote : c’est du temps perdu pour vous, messieurs, mais pas pour nous ! Nous avons discuté ce projet de loi pas à pas : vous, vous avez été là en spectateurs, quelquefois assez nombreux, et quelquefois très peu ! Écoutez donc ceux qui ont quelque chose à dire.

Je voulais vous inviter, d’une façon un peu poétique, à envisager sous un angle nouveau ce projet de loi, qui n’est pas sans rappeler – pour ceux qui en sont victimes – les magnifiques gravures des Prisons de Piranèse. Cet artiste du XVIIIe siècle a réalisé de magnifiques eaux-fortes. Regardez-les et vous me direz ce que vous en pensez…

Quant à moi, je me prends à regretter que les brillants créateurs de ce texte n’utilisent pas leurs ressources intellectuelles pour venir en aide à ceux qui en ont besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 619 rectifié et 1076.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1077.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1078.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1079.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 584 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 488 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1080.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 447.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1081.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 448.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 622.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1082.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 27 ter A, modifié.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 64 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 334
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 182
Contre 152

Le Sénat a adopté.

Article 27 ter A
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 sexies A (Nouveau) (réservé)

Articles 27 ter, 27 quater et 27 quinquies

(Supprimés)

Articles 27 ter, 27 quater et 27 quinquies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l’article 27 sexies A (réservés)

Article 27 sexies A (nouveau) (réserve)

Après le I de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Le calcul de l’âge mentionné aux 2° du I s’effectue à compter de 2016 à partir de l’âge mentionné au premier alinéa de l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale. Cet âge est fixé par décret de manière croissante à raison de quatre mois par année pour les années 2011 à 2016. »

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, le Gouvernement souhaite que la discussion de cet article soit réservée jusqu’à mercredi.

En effet, la commission a avancé sur le sujet extraordinairement sensible de l’amiante et le Gouvernement est prêt à suivre cette avancée, mais il a besoin de temps pour faire en sorte que la rédaction du texte soit la plus claire possible.

M. Daniel Raoul. Ça nous changera !

M. Éric Woerth, ministre. Car nous considérons que tel n’est pas encore le cas et nous souhaitons pouvoir discuter en nous appuyant sur un texte qui soit vraiment solide. C’est pourquoi il me semble raisonnable de remettre cette discussion à la séance de mercredi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?

M. Gérard Dériot, vice-président de la commission des affaires sociales. Si j’ai bien compris, M. le ministre approuve sur le fond les amendements identiques qui ont été déposés sur l’article 27 sexies A – je suis, à titre personnel, l’auteur de l’un d’entre eux –, mais il souhaite que nous parvenions à la rédaction la plus sûre possible.

Pour la commission, il est évident que les victimes de l’amiante doivent pouvoir continuer à bénéficier des limites d’âge actuelles pour entrer dans le dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, ou CAATA.

Au nom de la commission, j’émets donc un avis favorable sur cette demande de réserve, de manière que nous puissions examiner cet article et les amendements qui s’y rapportent au cours de la journée de mercredi.

M. le président. Je vais également demander à M. Jean-Pierre Godefroy de nous dire ce qu’il en pense, car il est l’auteur d’un des amendements identiques.

M. Jean-Pierre Godefroy. Bien sûr, je n’ai pas d’avis à donner, mais, dans la mesure où M. le ministre vient de nous dire que sa demande répondait au souhait d’obtenir une rédaction du texte qui offre toutes garanties de sécurité, je suis tout à fait d’accord pour que la discussion de cet article soit renvoyée à mercredi.

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. J’espère que la commission pourra se réunir à nouveau avant la discussion de cet article, afin de définir clairement sa position avant d’arriver en séance.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Gérard Dériot, vice-président de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, il m’a semblé comprendre que nous serions saisis d’un amendement du Gouvernement : la commission devra donc nécessairement se réunir pour en prendre connaissance.

M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...

La réserve est ordonnée.

Article 27 sexies A (Nouveau) (réservé)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles 27 sexies et 27 septies

Articles additionnels après l’article 27 sexies A (réservés)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Articles additionnels après l’article 27 sexies A (réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 octies (Nouveau)

Articles 27 sexies et 27 septies

(Supprimés)

Chapitre III

Dispositions communes

[Division et intitulé nouveaux]

Articles 27 sexies et 27 septies
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article additionnel avant l'article 28 (réservé)

Article 27 octies (nouveau)

Avant le 1er janvier 2014, le Gouvernement présente au Parlement un rapport établissant un bilan de l’application des dispositions du présent titre.

Sur la base des travaux du comité scientifique, ce rapport formule des propositions en vue de prendre en compte la pénibilité à effets différés.

M. le président. L'amendement n° 1083, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer l'année :

2014

par l'année :

2012

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Dans le texte qui nous est présenté, on repousse à 2014 la date d’échéance pour la présentation au Parlement du rapport. Or, il nous semble important d’en disposer avant. Nous préférons donc que cette date soit fixée au 1er janvier 2012.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission juge nécessaire de maintenir l’échéance de 2014, afin que le comité ait le temps de mener ses études. L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1083.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1167 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf et Darniche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Nous proposons de supprimer l’alinéa 2, afin de ne pas présumer des conclusions du rapport que le Gouvernement devra remettre pour évaluer le dispositif de compensation de la pénibilité. C’est, là aussi, une question d’ordonnancement. Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer à plusieurs reprises cet après-midi au sujet du mécanisme, je considère qu’on va trop vite. C’est pourquoi cette suppression est nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons déjà évoqué cette pénibilité à effets différés. La commission souhaite que la réflexion sur la prise en compte de ce type de pénibilité soit lancée dès à présent. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Également défavorable.

M. Philippe Dominati. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1167 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 27 octies.

(L'article 27 octies est adopté.)

TITRE V

MESURES DE SOLIDARITÉ

Chapitre Ier

Dispositions applicables au régime des exploitants agricoles

Article 27 octies (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 28 (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel avant l'article 28 (réservé)

Article additionnel avant l'article 28 (réservé)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 28

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Article 28 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l'article 28 (réservés)

Article 28

(Non modifié)

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L’article L. 732-56 est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Sont affiliées au régime de l’assurance vieillesse complémentaire obligatoire les personnes ayant, à compter du 1er janvier 2011 ou postérieurement à cette date, la qualité d’aide familial telle que définie au 2° de l’article L. 722-10 ou la qualité de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole telle que définie à l’article L. 321-5. » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article L. 732-58 est ainsi rédigé :

« – par le produit des cotisations dues, au titre de ce régime, par les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole pour leurs propres droits et, le cas échéant, pour les droits des bénéficiaires mentionnés au IV de l’article L. 732-56 ; »

3° Après le deuxième alinéa de l’article L. 732-59, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les personnes mentionnées au IV de l’article L. 732-56, l’assiette des cotisations est égale à un montant forfaitaire fixé par décret. » ;

4° Le premier alinéa de l’article L. 732-60 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « personnes affiliées » sont remplacés par les mots : « chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole affiliés » ;

b) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Les aides familiaux et les collaborateurs d’exploitation ou d’entreprise agricole affiliés au présent régime bénéficient, à compter de la date d’effet de leur retraite mentionnée aux articles L. 732-34 et L. 732-35, et au plus tôt au 1er janvier 2011, d’une retraite exprimée en points de retraite complémentaire. » ;

5° L’article L. 732-62 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de décès d’un aide familial ou d’un collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole après le 31 décembre 2010, son conjoint survivant a droit au plus tôt au 1er janvier 2011 à une pension de réversion du régime complémentaire s’il remplit les conditions personnelles prévues au premier alinéa. Cette pension de réversion est d’un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficiait ou aurait bénéficié l’assuré. Toutefois, lorsque la pension de retraite n’a pas été liquidée au jour du décès de l’assuré, cette pension de réversion est versée sans condition d’âge si le conjoint survivant est invalide au moment du décès ou ultérieurement, ou s’il a au moins deux enfants à charge au moment du décès de l’assuré. »

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, sur l'article.

Mme Jacqueline Alquier. L’article 28 vise à étendre la retraite complémentaire obligatoire – la RCO – du régime des exploitants agricoles aux aides familiaux et aux collaborateurs de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole.

Cette extension était réclamée depuis longtemps. C’est une avancée que nous saluons, même si nous considérons que cette demande aurait pu être satisfaite plus tôt puisqu’une proposition de loi du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, portant sur le même objet, a été rejetée en janvier dernier. Cette proposition de loi allait d’ailleurs plus loin : elle prévoyait une contribution de l’État pour la mise en place de cette extension, comme lors de la mise en place de la RCO par le gouvernement Jospin. Les chefs d’exploitation avaient alors bénéficié de droits gratuits.

Dans le présent texte, nous aurions apprécié une telle mesure d’accompagnement. Ce serait digne et respectueux du travail fourni par les agriculteurs pour le bien commun : ils nous nourrissent, offrent un poumon vert à nos villes, entretiennent les espaces ruraux...

Cet article vient donc normaliser une situation dont vous reconnaissez vous-mêmes, fût-ce avec retard, qu’elle était anormale, mais nous en prenons acte !

Néanmoins, en permettant l’affiliation à la RCO des aides familiaux et collaborateurs d’exploitation à compter du 1er janvier 2011, vous excluez un grand nombre de personnes du bénéfice de la loi.

Il faut donc, pour être complètement juste, élargir le champ d’application très restreint de ce projet de loi, qui remet à un avenir lointain une avancée dont les aides et conjoints ont besoin maintenant, alors qu’ils se trouvent aujourd’hui trop souvent dans une situation de précarité inacceptable du fait de l’indigence des retraites agricoles versées.

L’examen de cet article me donne l’occasion d’insister à nouveau sur la baisse constante du pouvoir d’achat des agriculteurs et de leurs ayants droit.

La dernière revalorisation, de l’ordre de 25 euros mensuels, n’a concerné que les personnes ayant eu une carrière complète. Elle est loin de leur permettre de percevoir les 85 % du SMIC attendus puisque le montant minimum atteint aujourd’hui péniblement 645 euros pour une carrière complète de chef d’exploitation et 512 euros pour un conjoint ayant également effectué une carrière complète.

Il paraît alors nécessaire de revenir sur une demande légitime, soutenue par notre groupe lors des débats à l’Assemblée nationale : il faut que le montant d’une pension de retraite agricole ne puisse pas être inférieur à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, qui remplace le minimum vieillesse et assure un revenu minimal de 709 euros.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l'article.

M. Yannick Botrel. Cet article apporte une avancée, dans la mesure où il tend à permettre l’extension du bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire aux aides familiaux et aux conjoints collaborateurs, qui en étaient exclus jusqu’à présent.

Toutefois, cette amélioration ne change pas le fond du problème : la faiblesse des retraites agricoles.

Les conditions de ressources des retraités agricoles sont inacceptables. Qu’on en juge : ces ressources s’élèvent, en moyenne mensuelle, à 645 euros pour un chef d’exploitation et 512 euros pour son conjoint, et ce pour une carrière complète.

M. Roland Courteau. Une honte !

M. Yannick Botrel. Il s’agit des retraites les plus basses en France. Elles n’atteignent même pas 75 % du SMIC. D’ailleurs, 90 % des mono-pensionnés du secteur agricole vivent en dessous du seuil de pauvreté, qui est de 817 euros par mois.

Injustice supplémentaire, les pensions agricoles se calculent sur toute la carrière, soit 162 trimestres à ce jour, alors que celles du régime général se calculent sur les vingt-cinq meilleures années. (M. Roland Courteau acquiesce.)

Ce mode de calcul est désavantageux en raison de l’incertitude des recettes. Les années d’exercice déficitaire, sur 41,5 années, seront hautement préjudiciables au calcul de la retraite, alors qu’un calcul sur les vingt-cinq meilleures années mettrait les exploitants dans une situation moins défavorable.

Dès lors, l’extension du bénéfice de la RCO aux aides familiaux et aux conjoints collaborateurs ne peut être qu’accueillie avec satisfaction, une satisfaction toutefois relative. En effet, il s’agit simplement de la réparation d’une injustice flagrante.

Il y a fort à parier que cette avancée se traduira par une augmentation des cotisations sociales, qui pèsent déjà lourdement dans les comptes des exploitations. De plus, nous ne pouvons que déplorer la date d’application du 1er janvier 2011, dans la mesure où elle prive ceux qui prennent actuellement leur retraite ou qui sont déjà en retraite du bénéfice de ces mesures.

Bien entendu, le groupe socialiste du Sénat a déposé un amendement visant à étendre le champ d’application du bénéfice de la RCO dans ce cadre, mais il doit se contenter de demander un rapport pour ne pas tomber sous le coup de l’article 40.

Cette situation n’est en effet pas acceptable pour les personnes qui sont actuellement retraitées, qui remplissent les critères et dont les conditions sociales sont plus que précaires. Il s’agit d’un manque de cohérence avec les autres systèmes de retraite. De plus, le système mis en place supprime les points gratuits, qui existaient avant le 1er janvier 2009.

Ce projet de loi portant réforme des retraites aurait mérité une vraie réflexion sur la situation des retraités agricoles et de leurs conditions de vie. Les articles 28 et 29 effleurent seulement la question, ne proposant que des palliatifs à une situation méritant une refonte globale.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Yannick Botrel. D’ailleurs, nous l’avons dit, envisager le départ en retraite à 62 ans ne semble pas réaliste. On ne tient compte ni des travaux pénibles effectués, ni de la charge de travail, par tous les temps et avec des horaires extrêmes, ni des vacances réduites et souvent inexistantes, ni des débuts de carrière précoces, ni des difficultés en fin de carrière, ni des tâches lourdes.

Au-delà, c’est un manque de prise en compte de la paupérisation grandissante des agriculteurs et des retraités de l’agriculture.

Globalement, le pouvoir d’achat des agriculteurs baisse. La revalorisation des pensions ne concerne que des personnes ayant effectué une carrière complète. Ainsi, la revalorisation prévue dans la loi de finances pour 2009 n’a touché que 10 % des retraités agricoles.

Nous ne pouvons donc pas être défavorables aux mesures proposées à cet article, mais il faut régler, de toute urgence, la question des retraites agricoles, dans un esprit de justice sociale et de refus de la précarisation des agriculteurs retraités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. Avec ce titre V, nous entamons l’examen des mesures de solidarité et, avec le chapitre Ier, les dispositions applicables au régime des exploitants agricoles.

Le secteur agricole est symptomatique de ce fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres comme du désespoir qui gagne les travailleurs. Ces travailleurs, on voudrait les faire travailler plus sans pour autant leur proposer un travail et sans prendre en considération la pénibilité de leurs métiers.

Les agriculteurs, toutes filières confondues, sont en colère et inquiets.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, comme sa « grande sœur », la loi de modernisation de l’économie, ne prend pas en considération les rapports commerciaux déséquilibrés entre les différents acteurs de la filière agricole. Elle ne garantit absolument pas des prix rémunérateurs aux agriculteurs. Alors que des milliers de travailleurs agricoles arrivent à peine à vivre, on leur demande de travailler plus longtemps pour avoir le droit de prendre leur retraite.

L’extension de la retraite complémentaire obligatoire aux conjoints collaborateurs et aides familiaux, prévue à l’article 28 du projet de loi, est donc une bonne chose en soi.

Il s’agit là d’une mesure d’équité, dont bénéficient directement les personnes les plus démunies dans le cadre du régime agricole, en particulier les femmes ayant contribué sans reconnaissance économique ni sociale à la vie des exploitations tout au long de leur vie.

Mme Annie David. Eh oui, toujours les femmes !

M. Guy Fischer. Il était grand temps d’accorder, à celles dont l’activité, du fait d’une division sexuelle du travail, était spécifique et reconnue de tous – je pense notamment aux tâches quotidiennes de suivi et de gestion de l’exploitation, effectuées en sus des tâches plus spécifiquement familiales –, une juste rétribution de leurs efforts, trop longtemps passés sous silence.

Cependant, contrairement à ce qui s’était passé en 2003, le Gouvernement ne veut pas attribuer des droits gratuits aux nouveaux bénéficiaires. En clair, cela signifie que, si la RCO n’est perçue que sur les années cotisées, la retraite complémentaire sera insignifiante pendant longtemps.

Par ailleurs, selon le projet de loi, l’assiette des cotisations sera forfaitaire, dans des conditions fixées par décret. Comme le notent certains syndicats d’agriculteurs, l’assiette minimum de cotisation actuellement en vigueur pour la RCO des chefs d’exploitation agricole est supérieure à l’assiette sociale déclarée par 70 % d’entre eux. C’est donc la grande majorité des agriculteurs qui surcotisent pour leur retraite complémentaire.

Cette assiette minimum devrait être ramenée à des niveaux plus proches de la réalité des revenus des agriculteurs. Peut-être M. le ministre nous donnera-t-il des indications sur ce décret pour que nous sachions quelles seront les modalités retenues ?

Enfin, une attention particulière doit être portée à la situation des conjoints d’exploitation.

En effet, les mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 remontent le niveau de retraite des conjoints participant aux travaux à la pension annuelle majorée de référence de deuxième niveau – la PMR2 –, soit 508 euros par mois, et le niveau de retraite des conjoints collaborateurs à la pension annuelle majorée de référence de premier niveau – la PMR1 –, soit 639 euros par mois entre 1999 et 2008.

Rappelons que les conjoints collaborateurs, en choisissant ce statut lors de sa création en 1999, ont dû cotiser davantage pour acquérir plus de droits à la retraite.

Les pensions restent très faibles et leur statut incomplet.

Ainsi, nous avions proposé, pour tenir compte des réalités sociales, que soit prise en compte la conclusion d’un pacte civil de solidarité. Nous pensons qu’il est temps d’étendre le bénéfice de la pension de réversion aux couples pacsés dont le contrat excède deux ans, comme le préconise d’ailleurs le Médiateur de la République.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, sur l’article.

Mme Christiane Demontès. La retraite des agriculteurs n’est certainement pas une problématique nouvelle. Elle concerne très directement 4 millions de nos concitoyens, soit, à parts égales, 2 millions de salariés et 2 millions de non-salariés.

Dire que les agriculteurs sont très inquiets est une lapalissade. Comment ne le seraient-ils pas quand les pensions des anciens exploitants figurent parmi les retraites françaises les plus faibles ? Nombreux sont les retraités agricoles à ne pas atteindre le minimum vieillesse alors qu’ils justifient d’une carrière complète.

Les chiffres sont sans appel : 645 euros de retraite de base par mois en moyenne pour les chefs d’exploitation, selon la FNSEA, et 745 euros par mois en moyenne si l’on compte la retraite complémentaire, contre environ 1 200 euros par mois pour l’ensemble des retraités français, retraite complémentaire comprise.

La raison fondamentale de ces faibles montants réside dans la faiblesse du revenu des agriculteurs. Comment en serait-il autrement lorsque la prestation dépend de la cotisation versée, elle-même assise sur le revenu ? Or plus de 65 % des exploitants déclarent moins de 16 000 euros de revenu annuel.

La part la plus importante de la retraite étant proportionnelle au revenu, il n’est pas étonnant que la retraite totale soit faible. Un élément majeur tire les retraites paysannes vers le bas : les périodes de crise sanitaire d’élevage, de crise de commercialisation des fruits et légumes ou de cours bas pour les céréales « plombent » le revenu et font mécaniquement chuter le nombre de points de retraite.

De plus, les pensions des agriculteurs, à la différence de celles de la plupart des salariés, ne sont pas assises sur les vingt-cinq meilleures années, mais adossées au revenu moyen de toute leur carrière.

Ces montants sont aussi la conséquence de l’état dans lequel se trouve notre monde agricole. Depuis de trop nombreuses années, il est soumis à la déréglementation, à la constante pression à la baisse des prix de vente et à l’augmentation des coûts de production. Prise en tenaille, notre agriculture connaît une crise sans précédent. Celle-ci n’épargne aucun territoire, aucune filière. Partout, les femmes et les hommes qui travaillent dans ce secteur essentiel à notre société enregistrent des baisses de revenu impressionnantes, qui avoisinent les 34 % en moyenne.

M. Roland Courteau. Et il y a des baisses bien plus fortes !

Mme Christiane Demontès. Dans ce contexte fait d’urgence et de nécessaire mise en perspective, nous espérions que la loi de modernisation de l’agriculture apporterait enfin des réponses : mais rien, ou si peu d’avancées ; en tout cas, pas de réglementation, pas de prix plancher. Ainsi, l’objectif de stabilisation des revenus agricoles n’est pas atteint, et le rapport de force déséquilibré en faveur des industriels et distributeurs, qui pénalise tant le monde agricole, est toujours aussi prégnant. Certains évoquent même le risque de voir 200 000 à 300 000 emplois menacés à court terme dans ce secteur.

Un plan quinquennal destiné à relever les retraites de base des agriculteurs avait vu le jour sous le gouvernement de Lionel Jospin, qui s’était engagé budgétairement au nom de la solidarité nationale. Les retraites des chefs d’exploitation avaient été relevées de 29 %, celles des veuves de 49 %, et celles des conjoints ou aides familiaux de 80 %. L’effort budgétaire était allé croissant, et était passé de 1,1 milliard à 2,2 milliards de francs de 1999 à 2002.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Christiane Demontès. Conjointement, un régime complémentaire obligatoire avait vu le jour. Compte tenu du régime démographique, l’État avait pris à sa charge le tiers du montant à verser aux 475 000 chefs d’exploitations.

Récemment, une proposition de loi émanant de notre collègue député Germinal Peiro a été débattue à l’Assemblée nationale. Elle visait à étendre ce dispositif de retraite obligatoire aux conjoints et aides familiaux... L’UMP l’a rejetée !

Le 11 septembre 2007, le Président de la République déclarait, à Rennes : « Ces inégalités, on les retrouve pour vos anciens. Et là aussi j’ai envie de dire la vérité. Les retraites moyennes agricoles sont de moins de 400 euros par mois. Et ce n’est pas parce que les agriculteurs manifestent moins, en tout cas les retraités, que cette injustice est plus acceptable. Qui peut dire que c’est une situation digne et équitable, alors que le métier est par ailleurs si rude ? Et je pense aussi aux veuves. (...] Je vais changer cette situation parce qu’elle est indigne ». On retrouve bien là la tonalité des propos du Président de la République !

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Christiane Demontès. Dans les faits, ce texte ne propose rien ou presque rien. Certes, il y a bien la mesure consistant à étendre le bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire agricole à partir du 1er janvier 2011, ou postérieurement à cette date, mais elle ne s’adresse pas aux retraités.

Nous le savons tous, les agriculteurs n’ont jamais demandé une aumône, ils ne demandent que leurs droits.

Bref, si cet article constitue une timide avancée, il reste bien en deçà des attentes du monde agricole, et notamment des agriculteurs âgés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L’amendement n° 267, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :

I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

6° À l'article 4 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, après le mot : « salarié », sont insérés les mots : « ou un non-salarié ».

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à garantir aux paysans, ici les chefs d’exploitation agricole et leurs conjoints, une retraite décente, correspondant à 85 % du SMIC.

La baisse des revenus agricoles touche l’ensemble des pays européens. Cette situation dramatique n’est que la conséquence logique d’une politique agricole calamiteuse, abandonnée aux seules lois du marché.

En 2009, le revenu des agriculteurs français a chuté de plus d’un tiers, pour se situer à 1 200 euros par mois en moyenne. Le revenu d’un producteur de lait, chef d’une exploitation moyenne, s’élève environ à 700 euros par mois.

La situation n’est guère plus enviable pour les retraités agricoles. En effet, pour des raisons historiques qui n’ont plus lieu d’être aujourd’hui, le régime dont dépendent les non-salariés agricoles, la MSA, ne leur garantit pas des pensions similaires à celles du régime général.

Les exploitants agricoles perçoivent parfois une pension inférieure à 85 % du SMIC, même quand ils ont effectué une carrière complète. En 2007, près de 80 % des non-salariés agricoles, comme les chefs d’exploitation et leurs conjoints, percevaient moins de 750 euros par mois. Cela concerne près de 330 000 personnes, qui vivent donc en dessous du seuil de pauvreté. Les femmes, en tant que conjointes, dépassent rarement 498 euros par mois.

Trop souvent, les retraites des agriculteurs sont des plus modestes. Sur les 400 000 agriculteurs à la retraite mono-pensionnés, 40 % touchent moins de 500 euros mensuels, et 40 % touchent entre 500 et 750 euros.

Par ailleurs, nombreux sont ceux qui ont commencé à travailler dès 14 ou 16 ans et ceux qui continuent à travailler la terre bien au-delà de l’âge de 60 ans.

Les revalorisations annoncées par le Gouvernement en 2009 n’ont pas été à la hauteur des attentes du monde agricole. Sur plus de 1,7 million de non-salariés agricoles retraités, seules 190 000 des plus petites retraites ont bénéficié d’une revalorisation, d’environ 11 %. Précisons que 80 % des revalorisations ont été d’un montant inférieur à 50 euros par mois, et 40 % d’un montant inférieur à 10 euros par mois.

Je vous invite à voter cet amendement, qui vise à répondre aux attentes du monde paysan en garantissant aux exploitants agricoles et à leurs conjoints une pension décente à hauteur de 85 % du SMIC.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’objectif de votre amendement est louable, mon cher collègue, puisqu’il vise à étendre aux non-salariés agricoles le principe posé par la loi de 2003, aux termes duquel une pension à taux plein doit être au moins égale à 85 % du SMIC. Cependant, vous avez oublié d’inscrire dans votre amendement les mots « lorsque l’assuré a cotisé sur la base du SMIC ».

Par ailleurs, dans le régime agricole, les cotisations peuvent être calculées sur une base nettement inférieure au SMIC.

Toutes ces incohérences ne peuvent que me conduire à émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit d’un sujet important. Les cotisations dans le cadre d’un régime complémentaire ne sont pas les mêmes que dans le régime général : le rapport est de un à trois. Il est donc logique que les prestations servies ne soient pas les mêmes.

Par ailleurs, le régime complémentaire agricole est très récent par rapport à celui de l’AGIRC.

Pour ces deux raisons, il est difficile d’obtenir le même taux de retour.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je ne peux pas être d’accord avec le ministre et le rapporteur puisque mon amendement tend à accorder aux agriculteurs une retraite décente correspondant à 85 % du SMIC.

Le rapporteur a parlé d’incohérence : ce mot me choque, car nous parlons de gens qui ont travaillé toute leur vie...

Je maintiens cet amendement, que vous êtes en droit de ne pas voter. Mais le mot « incohérence » était de trop !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Soyez logique, mon cher collègue ! Ce mot ne s’appliquait en aucun cas au problème de fond des retraites du monde agricole, mais à la rédaction de vos propositions...

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 267.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 41, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le Gouvernement remet au plus tard, dans les six mois qui suivent la promulgation de cette loi, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport étudiant l'opportunité de la suppression de la référence de la durée minimale de cotisation dans le cadre de la majoration des retraites des non-salariés agricoles.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L’article L. 732-25-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit la possibilité de bénéficier d’une majoration de pension. Or elle est assortie d’une condition difficile à remplir : la durée minimale de cotisation prévue à l’article L. 732-25 du code de la sécurité sociale. Cela revient à exiger des non-salariés agricoles qu’ils disposent, tous régimes confondus, d’une carrière complète.

Sont ainsi écartés de ce dispositif de majoration celles et ceux des non-salariés agricoles dont les carrières sont incomplètes, alors même que leurs pensions, parmi les plus faibles, mériteraient d’être majorées. Là encore, les femmes sont particulièrement touchées par cette mesure.

L’application de l’article 40 interdisant aux parlementaires de supprimer cette référence, nous proposons qu’un rapport étudie cette possibilité, afin de garantir une retraite décente à tous les non-salariés agricoles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je ne vois pas comment on peut parler de majoration de surcote s’il n’y a pas de durée minimale ! Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. J’ai sous les yeux un courrier du ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, M. Bruno Le Maire, rappelant combien il est attentif, avec MM. Fillon et Woerth, aux problèmes du monde agricole et au niveau des pensions des agriculteurs.

Or, malgré toute cette attention, monsieur le ministre, je constate que vous refusez de saisir cette opportunité d’étudier au moins la revalorisation des petites pensions agricoles, celles que touchent notamment des femmes. C’est d’autant plus dommage que cette mesure n’aurait rien coûté.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l'article.

M. Claude Jeannerot. Dans ce projet de loi sur la « réforme » des retraites, texte globalement régressif, l’article 28 constitue une exception, même si elle est quelque peu timide.

Il s’agit d’étendre le bénéfice de la retraite agricole complémentaire obligatoire aux aides familiaux et aux collaborateurs de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole.

La retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles, mise en place par la loi du 4 mars 2002 « tendant à la création d’un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles », était inscrite dans un mouvement de fond en faveur de la justice sociale, que le gouvernement de gauche issu des élections législatives de 1997 avait accéléré très fortement.

Malheureusement, les deux catégories essentielles, mais insuffisamment reconnues, des aides familiaux et des conjoints collaborateurs, sur lesquelles a reposé une grande part de la capacité de développement de notre agriculture, notamment durant la seconde moitié du XXe siècle, n’avaient pu être intégrées initialement dans la loi.

La volonté de les inclure, dans le prolongement de l’extension alors mise en œuvre en faveur des non-salariés agricoles, avait tout de même été affichée, à travers l’article 5 de la loi du 4 mars 2002, qui précisait que le Conseil supérieur des prestations sociales agricoles était chargé de faire « des propositions sur son extension aux conjoints et aux aides familiaux ».

Depuis lors, aucune évolution n’est venue de la majorité gouvernementale, ni pendant les discussions sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ni lors de l’examen d’une proposition de loi déposée par notre collègue député Germinal Peiro.

Aujourd’hui, enfin, le Gouvernement souhaite apparemment revenir sur ce point, en allant malheureusement moins loin que notre proposition initiale. En effet, la rédaction de l’article 28 pose une restriction forte à cette extension de retraite complémentaire obligatoire : celle-ci ne concernera que les personnes qui obtiendront le statut d’aide familial ou celui de conjoint collaborateur à partir du 1er janvier 2011.

Cela écarte donc du bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire les personnes cotisantes, soit, selon les données de 2008, environ 56 000 personnes, c'est-à-dire 10 % des assujettis au régime de retraite de base du régime des non-salariés agricoles qui ont déjà ces statuts du bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire, de même que celles qui sont d’ores et déjà retraitées et qui souffrent du caractère faible, voire indécent, du montant des retraites agricoles versées.

Cette restriction ne nous convient pas. C’est pourquoi nous défendrons ultérieurement l’amendement n° 218, afin que soit, à tout le moins, étudiée postérieurement la possibilité d’élargir le champ d’application de l’article 28.

Cependant, nous voterons cet article, qui, après huit années d’attentisme, pendant lesquelles les agriculteurs n’ont presque rien obtenu, apporte néanmoins un élément positif, bien que tardif et insuffisant.

M. le président. Je mets aux voix l'article 28.

(L'article 28 est adopté.)

Article 28
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 28 bis (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l'article 28 (réservés)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l'article 33.

Articles additionnels après l'article 28 (réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 29

Article 28 bis

(Non modifié)

Un rapport gouvernemental publié dans les douze mois suivant la publication de la présente loi examine les conditions dans lesquelles pourrait être mise en œuvre une modification du mode de calcul de la pension de retraite de base des non-salariés agricoles basée sur l’application des vingt-cinq meilleures années. Il étudie les conséquences d’un tel changement sur les prestations ainsi que sur les cotisations et émet des propositions relatives aux modifications à apporter à la structuration du régime de base des non-salariés agricoles.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, sur l'article.

Mme Jacqueline Alquier. Cet article concerne la création d’un rapport gouvernemental – un de plus ! – consacré aux conditions de modification du mode de calcul de la pension de retraite de base des non-salariés agricoles, en vue de la baser sur les vingt-cinq meilleures années d’activité.

Il semble effectivement nécessaire de réparer au plus vite une injustice manifeste puisque le mode de calcul actuel, sur 162 trimestres pour une carrière dite « complète », défavorise évidemment les agriculteurs, qui ont déjà un niveau de pension faible.

Les socialistes avaient présenté un amendement en ce sens lors des débats à l’Assemblée nationale, amendement repris par le groupe UMP. Que penser du fait que celui qu’a présenté la majorité a été retenu, alors que le nôtre a été rejeté ? Il faut y voir sans doute une manifestation de plus de votre mépris pour l’opposition, qui confine ici à l’absurde et qui témoigne surtout d’un manque de respect à un moment où nous pourrions être d’accord sur un sujet aussi important que celui de la retraite des agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l'article.

M. Yannick Botrel. Cet article étend le bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire aux aides familiaux et aux conjoints collaborateurs.

M. Gérard Longuet. C’est une bonne idée !

M. Yannick Botrel. Si cette disposition nous paraît souhaitable, il nous semble cependant nécessaire de préciser certaines dispositions de l’article 28 bis. Celui-ci prévoit la remise d’un rapport dans les douze mois sur les conditions de modification de calcul de la pension de retraite des non-salariés agricoles basé sur les vingt-cinq meilleures années.

Je l’ai dit tout à l'heure, il est illogique que le régime des non-salariés agricoles soit basé sur la carrière complète, alors que le régime général pour tous les autres salariés est basé sur les vingt-cinq meilleures années. Rien ne justifie une telle discrimination, qui lèse gravement les retraités de la profession agricole.

Baser le calcul de la retraite sur les vingt-cinq meilleures années serait une mesure d’équité puisque le calcul actuel est largement défavorable aux agriculteurs en raison de l’incertitude de leurs recettes. En effet, ainsi que je l’ai souligné précédemment, les résultats d’exploitation peuvent être extrêmement variables d’une année sur l’autre, fluctuant en fonction des crises affectant les filières ou des aléas climatiques. Pour les agriculteurs, les années de pertes sur les 41,5 années de cotisation seront hautement préjudiciables au calcul de leur retraite, alors qu’un calcul sur les vingt-cinq meilleures années de cotisation les mettrait dans une situation moins pénalisante.

Du fait de la menace de l’article 40 – personne n’a oublié la mise au point du président Arthuis, la semaine dernière –, seul un rapport est envisageable pour faire avancer les choses. Mais ce n’est qu’un lot de consolation, car, au même titre que les groupes de travail, ces documents sont trop rarement suivis d’effets positifs.

Mes chers collègues, il s’agit d’une question fondamentale. Des avancées sont attendues par les non-salariés agricoles qui comptent sur notre action pour faire progresser ce dossier crucial. Sur ce point, il faut donc l’assurance du ministre pour que cette demande ne reste pas lettre morte, au même titre que de nombreuses initiatives de circonstance, toutes sans lendemain.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.

M. Claude Domeizel. Cette disposition a été introduite à l'Assemblée nationale. Elle concerne le mode de calcul des pensions des agriculteurs, qui n’est pas cohérent avec l’ensemble des divers régimes de retraite existants.

En effet, comment accepter que, pour des millions de nos concitoyens, le calcul de la pension se fasse sur la base de 162 trimestres, soit sur une carrière complète, et non pas sur les vingt-cinq meilleures années ? Rien ne justifie une telle différence. Bien au contraire, le montant des retraites agricoles est tel que nous devons tout faire pour corriger cette inégalité insupportable.

Bien plus, il s’agit de faire œuvre de justice sociale, ce qui constituerait une exception dans ce texte.

J’observe que, malgré des demandes répétées du monde agricole, notamment de ses retraités, la demande d’annulation de la décote à 65 ans n’a nullement été prise en considération. Dans les faits, le report de 65 ans à 67 ans de l’âge permettant la liquidation de la pension sans minoration pour les personnes ne justifiant pas d’une carrière complète constitue une mesure d’une extrême injustice. Elle pénalisera notamment les conjoints d’exploitants, essentiellement les femmes, qui ont déjà par ailleurs les plus faibles retraites.

Autre dimension du problème : le montant de la pension globale. En 2002, à l’occasion de la création de la retraite complémentaire obligatoire, le gouvernement de Lionel Jospin s’était engagé, par le biais d’une loi, à porter progressivement la pension des agriculteurs à 75 % du SMIC.

Depuis, la majorité a changé et, huit ans après, l’engagement n’a malheureusement pas été tenu. Il manque aujourd’hui 350 euros par an à la retraite complémentaire à taux plein pour atteindre cet objectif, et le Gouvernement ne semble pas vouloir effectuer le nécessaire pour rattraper le manque à gagner subis par les agriculteurs retraités et, en même temps, pour abonder les caisses de retraite complémentaire, afin que nos concitoyens bénéficient des 350 euros qui leur permettraient d’atteindre 75 % du SMIC.

Comment ne pas être scandalisé quand, conjointement, cette majorité multiplie les cadeaux fiscaux aux plus aisés et les niches fiscales ? (M. le rapporteur proteste.)

M. Claude Domeizel. N’est-ce pas une nouvelle illustration du double langage de l’UMP et du Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui avait pourtant promis au début de son mandat de « réduire les poches de pauvreté » dans le monde agricole et qui reconnaissait lui-même la faiblesse des pensions de retraites ?

Une fois de plus, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité prouvent à quel point il leur est difficile de passer de la parole aux actes !

M. Claude Domeizel. L’article 40 de la Constitution interdit malheureusement au Parlement d’amender cette disposition afin de procéder à une harmonisation des modes de calcul entre régimes. C’est pourquoi prévoir un rapport du Gouvernement portant sur la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul de la pension des non-salariés agricoles nous semble une disposition essentielle.

Même si nous connaissons d’ores et déjà une partie des conclusions de ce rapport, notamment l’avancée que constituerait pour le monde agricole la mise en œuvre de cette harmonisation sur le régime général, nous espérons surtout qu’il ne restera pas lettre morte.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 42, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le Gouvernement remet, dans les douze mois qui suivent l'adoption de la présente loi, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport évaluant les différents mécanismes à mettre en place pour garantir, dans un souci d'alignement avec le régime général, aux non-salariés agricoles une retraite au moins égale à 85 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance. À ce titre il étudie notamment la possibilité de n'appliquer les coefficients d'adaptation qu'aux pensions atteignant 85 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance net.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. L’article 28 bis prévoit que le Gouvernement remettra un rapport afin d’envisager la prise en compte des vingt-cinq meilleures années dans le calcul de la pension des non-salariés agricoles.

Nous sommes favorables à toute mesure, ou même commencement de mesure, visant à remédier à la situation financière dramatique de bon nombre de travailleurs du secteur agricole.

Cependant, ce que vous proposez ici n’est absolument pas satisfaisant.

D’abord, comme nous l’avons souligné à maintes reprises, la référence aux vingt-cinq meilleures années a eu pour conséquence de faire baisser le montant des pensions. Ce n’est pas une bonne mesure et nous sommes plus favorables à la prise en compte des dix meilleures années.

De plus, et c’est particulièrement vrai pour le monde agricole et pour les non-salariés agricoles, un certain nombre de facteurs – la baisse des revenus agricoles, les carrières morcelées, en particulier pour les femmes – font que les montants des pensions sont parmi les plus faibles.

Je rappelle que les écarts de revenu entre agriculteurs se sont creusés, nécessitant plus de solidarité au bénéfice des exploitants familiaux qui, tout en travaillant de plus en plus, dégagent des revenus inférieurs au SMIC. C’est le cas pour plus d’un agriculteur sur deux.

Depuis la réforme de la PAC, en 1992, les prix agricoles ont baissé en moyenne de 30 %, sans que cela soit répercuté sur les prix à la consommation. Ainsi, l’agroalimentaire et la grande distribution détournent environ 15 milliards d’euros par an.

La crise de 2008 a démontré le rôle néfaste des fonds financiers spéculatifs sur les marchés à terme des matières premières agricoles.

Dans ce contexte délétère pour les exploitants agricoles, l’enjeu n’est pas tant d’intervenir sur un nombre d’années que de garantir un minimum du montant de la pension, afin que celle-ci permette aux retraités de vivre décemment.

On sait que la loi de 2003 portant réforme des retraites a inscrit pour les salariés, sous certaines conditions, l’objectif d’une pension de retraite au moins égal à 85 % du SMIC net en 2008.

Dans un souci d’équité entre les retraités, le même objectif devrait être inscrit pour les non-salariés agricoles : près de 90 % des mono-pensionnés n’atteignaient pas 85 % du SMIC net en 2007.

Dans cette logique, les coefficients d’adaptation ne doivent pas, selon nous, s’appliquer tant que la retraite n’atteint pas 85 % du SMIC net.

M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur les évolutions législatives et réglementaires permettant d'augmenter de 25 % d'ici à 2012 les pensions majorées de référence pour les non-salariés agricoles.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Vous l’aurez compris, nous souhaiterions plus qu’un rapport en la matière. Cependant, l’article 40 nous interdit de déposer une mesure prévoyant la mise en œuvre de la majoration.

Comme vous le savez, les niveaux de majoration des pensions de retraite des non-salariés agricoles avaient pour but, depuis 1998 et jusqu’au 1er janvier 2009, d’atteindre le minimum vieillesse. Le Président de la République a annoncé une augmentation de 25 % d’ici à 2012 de cette prestation. Or, en 2009, seul le minimum vieillesse pour une personne seule a bénéficié d’une augmentation de 6,95 %.

Rappelons que les retraités non-salariés de l’agriculture sont actuellement en France parmi les personnes qui présentent les plus bas niveaux de retraite. Les chiffres ont été cités, mais ils sont tellement bas qu’on peut les répéter : 40 % des mono-pensionnés, qui n’ont donc pas d’autre retraite, perçoivent moins de 500 euros par mois et 90 % d’entre eux n’atteignent pas le seuil de pauvreté, qui est de 817 euros par mois.

Les mesures de revalorisation prises par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur des enjeux : sur plus de 1,7 million de retraités non-salariés agricoles, seuls 190 000 des plus petites retraites ont bénéficié d’une revalorisation, soit 11 % de l’ensemble des retraités. Et 80 % des revalorisations ont été d’un montant inférieur à 50 euros par mois. De plus, 40 % des revalorisations ont été d’un montant inférieur à 10 euros par mois !

Nous considérons que les non-salariés agricoles doivent disposer de niveaux de retraite décents et que, par conséquent, les pensions majorées de référence pour les non-salariés agricoles doivent bénéficier d’une augmentation. Cela amènerait la pension majorée des chefs d’exploitation à 791 euros par mois et celle des conjoints à 628 euros par mois en 2012 : on ne peut pas dire qu’on est riche avec de telles sommes !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission souhaite s’en tenir à la rédaction actuelle de l’article, qui prévoit que le rapport du Gouvernement étudiera la mise en œuvre d’un calcul basé sur les vingt-cinq meilleures années.

L’avis est donc défavorable sur les amendements nos 42 et 43, qui constituent en outre une façon de contourner l’article 40 de la Constitution.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'article.

M. Jean Desessard. Cet article illustre la frilosité du Gouvernement et les incohérences du rapporteur.

Pas de frilosité du Gouvernement lorsqu’il s’agit de reculer l’âge de la retraite de 60 à 62 ans ! Pas de frilosité non plus lorsqu’il s’agit de reculer l’âge pour le taux plein !

Le rapporteur se vante d’être cohérent lorsqu’il augmente le taux des cotisations des fonctionnaires au nom de la convergence.

M. Philippe Dominati. Il a raison !

M. Jean Desessard. Mais, lorsqu’il s’agit d’améliorer la situation des poly-pensionnés, on se contente d’un rapport ! Lorsqu’il s’agit d’améliorer les retraites des non-salariés agricoles et de mettre en place un système convergent sur les vingt-cinq meilleures années, encore une fois, on se contente d’un rapport ! Où est la loi juste ? Où sont les mesures de justice ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

M. Claude Jeannerot. L’ambition affichée avec ce projet de loi est de « renforcer l’équité de notre système de retraites. »

Mme Annie David. C’est raté !

M. Claude Jeannerot. Si votre ambition est celle-là, pourquoi votre projet initial, avant l’insertion de cet article 28 bis par l’Assemblée nationale, ne comportait-il aucune mesure d’alignement sur le régime général des modalités de calcul de la retraite des exploitants agricoles ?

En effet, il me semble inacceptable que le calcul des pensions agricoles se fasse sur une carrière complète, alors que, pour le régime général, le calcul se fait sur les vingt-cinq meilleures années.

Cela constitue une injustice au détriment des agriculteurs, qui font déjà, reconnaissez-le, un métier particulièrement difficile, souvent peu rémunéré, en butte à des crises successives, et dont les retraites sont ensuite parmi les plus faibles.

Au-delà de ces remarques, nous espérons que cet article, que nous ne voterons pas, aura au moins le mérite de permettre ultérieurement une relance du débat sur les modalités de calcul et le montant indigne des pensions versées actuellement aux non-salariés agricoles.

M. le président. Je mets aux voix l'article 28 bis.

(L'article 28 bis est adopté.)

Article 28 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l'article 29 (réservés)

Article 29

I. – Le troisième alinéa de l’article L. 815-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Lorsque la succession du bénéficiaire, en tout ou en partie, comprend un capital d’exploitation agricole, ce dernier ainsi que les bâtiments qui en sont indissociables ne sont pas pris en compte pour l’application du deuxième alinéa. La liste des éléments constitutifs de ce capital et de ces bâtiments est fixée par décret. »

II. – Le I est applicable aux personnes visées à l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, sur l'article.

Mme Jacqueline Alquier. L’article 29 exclut le capital d’exploitation de l’assiette du recouvrement sur succession des prestations de minimum vieillesse des exploitants agricoles.

Cette mesure facilitera l’accès au minimum vieillesse pour cette catégorie de retraités, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Les propriétaires exploitants ne peuvent renoncer aisément à faire bénéficier leurs héritiers du peu de biens qu’ils ont acquis ! Ils souhaitent évidemment pouvoir leur transmettre leur domaine à leurs descendants afin que ceux-ci poursuivent l’activité agricole.

Cependant, la revalorisation du minimum vieillesse, lequel ne s’élève, rappelons-le une fois de plus, qu’à 709 euros, est encore réservée aux personnes seules, allocataires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées. En sont exclus ceux dont le montant de l’allocation est calculé pour un couple : je veux parler des personnes mariées, pacsées ou en concubinage.

Nous demandons donc que le Gouvernement évalue les conditions de l’extension de la revalorisation du minimum vieillesse aux conjoints, concubins et aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

Pour ne pas perdre encore de temps et laisser toute une population dans une précarité inacceptable, nous demandons que ses conclusions soient déposées sous la forme d’un rapport au Parlement avant le 31 décembre 2010.

J’insiste sur le fait que c’est bien l’application stricte de l’article 40 qui nous oblige à déposer des amendements de ce type, visant à demander des évaluations de faisabilité et des rapports devant le Parlement. C’est le seul moyen dont nous disposons pour infléchir des dispositions si restrictives qu’elles en deviennent injustes, même si l’expérience montre que les rapports demandés restent souvent sans lendemain.

Nous serons sans doute encore amenés à revenir sur ces sujets pour qu’enfin le sort des plus faibles, des oubliés ou plutôt des méprisés d’une réforme bâclée soit réellement amélioré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l’article.

M. Yannick Botrel. Cet article présente une avancée sur le fond puisqu’il ouvre le droit pour un agriculteur de voir porter ses revenus à 708,95 euros par mois s’il est seul et à 1 157,46 euros s’il est marié. Si ces sommes sont largement insuffisantes, sachant qu’un SMIC représente environ 1 055 euros par mois, elles constituent malgré tout une légère avancée par rapport aux 645 euros mensuels en moyenne pour un chef d’exploitation. Quand on touche aussi peu, 64 euros de plus, c’est toujours bon à prendre !

La disposition louable de cet article est de faciliter l’accès des agriculteurs au minimum vieillesse. En effet, actuellement, de nombreux agriculteurs qui perçoivent une retraite très modeste doivent y renoncer en raison du risque de recours sur succession.

Cet article 29 vise à exclure de la succession du bénéficiaire le capital d’exploitation agricole et les bâtiments qui en sont indissociables. Mais, sur le fond, le problème fondamental des retraites dérisoires des agriculteurs n’est nullement réglé. Cette avancée mineure ne change rien à la situation dramatique du niveau de vie des agriculteurs une fois qu’ils sont retraités.

Le Gouvernement ne va pas assez loin pour les retraités agricoles. Les revalorisations prévues dans la loi de finances pour 2009 n’ont concerné que 10 % des bénéficiaires. D’ailleurs, l’article 3 de la loi de 2003 sur les retraites dispose que les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quelles que soient leurs activités professionnelles passées ou les régimes dont ils relèvent. Nous sommes obligés de constater que tel n’est pas le cas en agriculture.

Quant aux conjoints qui sont actuellement à la retraite, ils ne bénéficient pas de la complémentaire obligatoire. Le taux de retraite de réversion des veuves est d’à peine 54 %, ce qui est parfaitement scandaleux. Les revenus du secteur ont chuté au cours des deux dernières années. La situation du secteur agricole nécessite de compléter les cotisations par la solidarité nationale.

Il faut également évoquer la problématique des poly-pensionnés, qui représentent 38 % des retraités agricoles et qui sont les grands perdants. Ce sont 97 % des salariés agricoles de la production qui ont cotisé au moins à deux régimes au cours de leur vie. Ils subissent donc les effets de seuil néfastes au niveau des prestations.

M. le rapporteur lui-même a déclaré : « Le niveau de certaines retraites agricoles reste indigne. Il sera nécessaire d’assurer un minimum viable pour les pensionnés. » Nous nous attendons naturellement que la commission accueille favorablement toute mesure visant à améliorer la situation indigne des retraités de l’agriculture.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.

M. Claude Domeizel. Ce projet de loi s’inscrit dans la même logique que celle qui présida aux réformes de 1993 et 2003 : l’injustice et le renforcement des inégalités entre les femmes et les hommes. Cela est particulièrement vrai pour les agriculteurs de notre pays, qui perçoivent en moyenne les pensions les plus modestes.

Selon les statistiques de la MSA, un exploitant agricole ayant eu une carrière complète touche, en moyenne, une retraite de base de 700 euros – 450 pour son conjoint –, contre 980 euros pour un nouveau retraité du régime général.

La problématique centrale est bien le montant des retraites de nos aînés agriculteurs. La première revendication des anciens exploitants concerne le montant des retraites agricoles, car, pour une carrière complète, ces dernières ne représentent que 70 % du SMIC, contre 75 % en 2003.

Le montant des retraites servies diminue, ce qui occasionne une perte de pouvoir d’achat importante. Aussi le fait de souhaiter obtenir des retraites équivalentes à celles des autres catégories socioprofessionnelles et des retraites minimum égales à 85 % du SMIC est-il l’expression d’une demande de justice sociale parfaitement légitime.

Face à cette situation, le Gouvernement n’a fait preuve d’aucune détermination. À travers ce texte, il avait la possibilité de faire bénéficier les femmes retraitées de la retraite complémentaire obligatoire. Il s’en est bien gardé ! Il laisse nombre de nos concitoyennes qui ont eu une vie de dur labeur dans une situation trop souvent précaire.

Dans notre pays, nombre de conjoints d’exploitants se trouvent dans le dénuement le plus total. On estime à près de 15 000 le nombre de femmes d’exploitants qui ne perçoivent rien. Est-ce acceptable ? Pour nous, certainement pas !

Dans ce contexte de paupérisation de nos aînés, nombre d’exploitants agricoles renoncent au bénéfice du minimum vieillesse, qui s’élève à 709 euros pour un célibataire. La raison en est simple : ils craignent le recours sur succession. En effet, la prise en compte de leur outil de travail et de leur capital foncier au sein de l’actif successoral joue un rôle de frein incontestable. De fait, nombre de nos aînés se retrouvent avec une pension de 300 à 400 euros, ce qui est parfaitement indigne. Je rappelle que le seuil de pauvreté est fixé à 910 euros mensuels.

Comme le note M. le rapporteur, dans les faits, ce mécanisme est dissuasif, notamment dans le monde agricole. C’est ce qui a conduit le législateur à exonérer, depuis 2000, une partie du capital agricole de l’assiette de recouvrement, la portant à 30 % de sa valeur.

Il nous est donc proposé d’exclure de l’assiette du recouvrement sur les successions du minimum vieillesse le capital d’exploitation et des bâtiments qui en sont indissociables. Les plus modestes de nos aînés vont ainsi pouvoir accéder au revenu minimum vieillesse.

Du point de vue budgétaire, nous sommes en droit de nous interroger sur les conséquences de cette mesure. Selon le rapporteur, le recours sur succession s’est élevé en 2009 à 47,2 millions d’euros pour les non-salariés et à 5,6 millions d’euros pour les salariés.

Quelle sera donc l’incidence de l’évolution de ces sommes sur le Fonds de solidarité vieillesse ? Nous l’ignorons puisque nous ne disposons d’aucune étude d’impact, ce qui est fort dommageable !

Nous voterons donc cette mesure, qui constitue certes une avancée pour le monde agricole, mais n’en demeure pas moins éloignée de la réponse générale en termes de justice sociale que nos concitoyens sont en droit de recevoir. Il nous faudra donc remettre le travail sur métier avec l’ensemble des acteurs de ce secteur.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.

M. Jean Desessard. J’irai au-delà de la question du montant des pensions des non-salariés agricoles pour considérer le problème dans son ensemble.

Les retraités agricoles touchent des pensions très faibles, voire indécentes. Pour compléter leurs revenus, ils sont tentés de vendre leurs fermes à un prix élevé. Cela rend d’autant plus compliqué l’installation de jeunes agriculteurs, qui n’ont pas les moyens de racheter des fermes à un tel prix.

Le modèle de transmission du foncier agricole en vigueur dans les années soixante a été remis en cause, et rien n’a été fait pour faciliter l’accès au foncier pour les paysans qui souhaitent s’installer.

Le niveau de pension des retraités agricoles pose donc de graves problèmes pour la démographie agricole en général.

Du point de vue écologique, il est aberrant de freiner ainsi l’installation de jeunes agriculteurs. Empêcher les jeunes agriculteurs de s’implanter, c’est se contraindre à sans cesse importer des produits frais ou laisser l’ensemble de la production à de gigantesques groupes agro-industriels, qui n’ont que faire de la qualité des produits.

Permettre à chaque non-salarié agricole d’obtenir le niveau de pension minimal nécessaire à une vie décente lors de son départ à la retraite, c’est permettre à ces paysans de céder leur ferme à un jeune agriculteur souhaitant s’installer.

M. le président. Je mets aux voix l'article 29.

(L'article 29 est adopté.)

Article 29
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 29 bis

Articles additionnels après l'article 29 (réservés)

M. le président. Je rappelle que l'ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l'article 33.

Chapitre Ier bis

Dispositions relatives à l’assurance veuvage

Articles additionnels après l'article 29 (réservés)
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Articles additionnels après l'article 29 bis (réservés)

Article 29 bis

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au III de l’article L. 136-2, il est rétabli un 6° ainsi rédigé :

« 6° L’allocation de veuvage visée à l’article L. 356-1 du présent code et à l’article L. 722-16 du code rural et de la pêche maritime ; »

2° Au chapitre III du titre VII du livre Ier, il est rétabli une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Coordination en matière d’assurance veuvage

« Art. L. 173-8. – Dans le cas où l’assuré décédé relevait simultanément de plusieurs régimes de protection sociale, le régime auquel incombe la charge du versement de l’allocation de veuvage est déterminé par décret.

« Art. L. 173-9. – Un décret détermine l’ordre de priorité dans lequel sont versées l’allocation de veuvage et les autres prestations sociales subordonnées à des conditions de ressources. » ;

3° Au 1° de l’article L. 222-1, après le mot : « retraite », sont insérés les mots : « et d’assurance veuvage » ; 

4° Après l’article L. 222-1-1, il est rétabli un article L. 222-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 222-2. – La Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés assure la gestion de l’assurance veuvage.

« Les prestations de l’assurance veuvage sont versées par les organismes qui assurent le service des pensions de vieillesse. » ;

5° À la première phrase du premier alinéa et à la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 241-3, après les mots : « de l’assurance vieillesse », sont insérés les mots : « et de l’assurance veuvage » ; 

6° Le chapitre VI du titre V du livre III est ainsi rétabli :

« Chapitre VI

« Assurance veuvage

« Art. L. 356-1. – L’assurance veuvage garantit au conjoint survivant de l’assuré qui a été affilié, à titre obligatoire ou volontaire, à l’assurance vieillesse du régime général, au cours d’une période de référence et pendant une durée fixées par décret en Conseil d’État ou qui bénéficiait, en application de l’article L. 311-5, des prestations en nature de l’assurance maladie du régime général, une allocation de veuvage lorsque, résidant en France, il satisfait à des conditions d’âge fixées par décret en Conseil d’État. L’allocation de veuvage n’est due que si le total de cette allocation et des ressources personnelles du conjoint survivant n’excède pas un plafond fixé par décret ; lorsque le total de l’allocation et des ressources personnelles du conjoint survivant dépasse ce plafond, l’allocation est réduite à due concurrence.

« Un décret détermine les revenus et autres avantages pris en compte pour l’appréciation des ressources du conjoint survivant ainsi que les modalités selon lesquelles les rémunérations tirées d’activités professionnelles ou de stages de formation qui ont commencé au cours de la période de versement de l’allocation peuvent être exclues, en tout ou en partie, du montant des ressources servant au calcul de l’allocation.

« Ce décret détermine aussi le délai dans lequel le conjoint survivant demande l’attribution de cette prestation postérieurement à la date du décès de l’assuré.

« Le conjoint survivant de nationalité étrangère résidant en France doit justifier de la régularité de son séjour par la production d’un titre ou document figurant sur une liste fixée par décret.

« L’allocation de veuvage est également servie, qu’il réside ou non en France, au conjoint survivant de l’assuré qui relevait du régime de l’assurance volontaire vieillesse institué par le chapitre II du titre IV du livre VII, sous réserve qu’il remplisse les conditions d’âge et de ressources mentionnées au premier alinéa.

« Bénéficient également de l’allocation de veuvage les conjoints survivants des adultes handicapés qui percevaient à la date de leur décès l’allocation aux adultes handicapés.

« Art. L. 356-2. – L’allocation de veuvage a un caractère temporaire ; son montant, révisé dans les mêmes conditions que les prestations servies en application des chapitres I à IV du titre V du présent livre, est unique. Les modalités et la durée de son versement sont déterminées par un décret en Conseil d’État.

« Toutefois, des modalités particulières sont appliquées aux conjoints survivants ayant atteint, au moment du décès du conjoint, un âge déterminé.

« Art. L. 356-3. – L’allocation de veuvage n’est pas due ou cesse d’être due lorsque le conjoint survivant :

« 1° Se remarie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage ;

« 2° Ne satisfait plus aux conditions prévues par l’article L. 356-1.

« Art. L. 356-4. – L’organisme débiteur de l’allocation de veuvage reçoit, sur sa demande, communication des informations détenues par les administrations financières, les associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, les organismes de sécurité sociale et les organismes de retraites complémentaires concernant les ressources dont disposent les bénéficiaires de l’allocation de veuvage et les prestations sociales qui leur sont versées. Les personnels assermentés de cet organisme sont tenus au secret quant aux informations qui leur sont communiquées. »

II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le 3° de l’article L. 722-8 est ainsi rédigé :

« 3° L’assurance vieillesse et veuvage ; »

2° L’intitulé du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre VII est ainsi rédigé : « Assurance vieillesse et assurance veuvage » ;

3° Le même paragraphe 3 est complété par un article L. 722-16 ainsi rétabli :

« Art. L. 722-16. – En cas de décès d’un assuré relevant de l’assurance vieillesse mentionnée à l’article L. 722-15, le conjoint survivant résidant en France bénéficie d’une assurance veuvage dans les conditions définies à l’article L. 732-54-5. » ;

4° Le 3° de l’article L. 723-3 est ainsi rédigé :

« 3° Assurance vieillesse et assurance veuvage des non salariés ; »

5° Au premier alinéa de l’article L. 725-18, après le mot : « vieillesse », sont insérés les mots : « et à l’assurance veuvage » ;

6° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 731-10, les mots : « maternité et vieillesse » sont remplacés par les mots : « maternité, vieillesse et veuvage » ;

7° L’intitulé du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VII est ainsi rédigé : « Assurance vieillesse et assurance veuvage » ;

8° Au premier alinéa de l’article L. 731-42, après le mot : « vieillesse », sont insérés les mots : « et de l’assurance veuvage » ;

9° L’intitulé de la section 3 du chapitre II du titre III du livre VII est ainsi rédigé : « Assurance vieillesse et assurance veuvage » ;

10° Après la sous-section 1 de la même section 3, il est inséré une sous-section 1 bis ainsi rédigée :

« Sous-section 1 bis

« Assurance veuvage

« Art. L. 732-54-5. – Les dispositions relatives à l’assurance veuvage prévues aux articles L. 356-1 à L. 356-4 du code de la sécurité sociale sont applicables au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles.

« Les prestations de cette assurance sont servies par les caisses de mutualité sociale agricole. » ;

11° (Supprimé)

12° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 742-3, après le mot : « vieillesse », sont insérés les mots : «, de veuvage » ;

13° L’intitulé de la section 4 du chapitre II du titre VI du livre VII est ainsi rédigé : « Assurance vieillesse et assurance veuvage » ;

14° Au premier alinéa de l’article L. 762-26, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 722-16, ».

III. – Avant le 31 décembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la prise en charge du veuvage précoce, considérant les voies d’amélioration des conditions d’attribution et de financement de l’allocation de veuvage.

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l'article.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. L’assurance veuvage garantit aux conjoints de salariés disparus prématurément de bénéficier d’une allocation temporaire jusqu’à l’âge nécessaire pour pouvoir prétendre à la réversion.

Cette disposition, vous l’avez abrogée dans la loi sur les retraites de 2003, avec une suppression progressive jusqu’en janvier 2011. En contrepartie de cette disparition, vous vous étiez engagés, d'abord, à abaisser l’âge d’accès à la pension de réversion à 50 ans à compter du 1er juillet 2009, puis, à supprimer toute condition d’âge à compter du 1er janvier 2011.

Mais, dans le PLFSS pour 2009, vous revenez sur vos promesses. Vous décidez, tout à coup, de relever l’âge d’accès à la réversion, et ainsi, par la même occasion, celui de l’allocation veuvage à 55 ans, et cela sans réintégrer, pour autant, les dispositions de l’allocation veuvage dans le code de la sécurité sociale.

Surprenant ! D’autant que, sur le site du ministère de la santé, à propos de la définition de cette allocation, on peut lire ceci : « Les conditions ultérieures de prise en charge du veuvage précoce seront revues d’ici à cette échéance dans le cadre d’une concertation associant l'ensemble des acteurs concernés. »

Cela démontre que les dispositions de cette réforme des retraites étaient déjà pensées à la fin de 2008, mais avec les restrictions que nous découvrons, notamment l’absence de toute concertation.

Dans cet article 29 bis, vous prévoyez donc le rétablissement de l’assurance veuvage. On pourrait s’en féliciter, si, dans sa rédaction, il n’était pas fait référence à la notion de conjoint survivant, qui semble exclure tous les couples pacsés.

Or, comme le note la HALDE, « avec le développement des unions par PACS, dont 95 % concernent des couples hétérosexuels, et au regard de la diminution des unions par mariage, si les pensions d’assurance veuvage restent subordonnées à une condition exclusive de mariage, les écarts entre les femmes et les hommes ne peuvent que se creuser ».

De plus, cette condition exclusive de mariage constitue une discrimination directe sur la base de l’orientation sexuelle, le mariage n’étant pas accessible aux couples homosexuels.

Si l’on peut noter une volonté de votre part d’aider les conjoints de salariés décédés, votre réflexion n’a pas été jusqu’à étendre un tel droit à l’ensemble des couples reconnus par la loi française, et nous le déplorons.

Un sénateur de l’UMP. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l'article.

Mme Gisèle Printz. L’article 29 bis rétablit l’assurance veuvage, abrogée en 2003, au bénéfice des veuves et des veufs précoces. Dans les faits, sont principalement concernées des femmes confrontées au décès de leur conjoint alors qu’elles n’ont pas encore atteint l’âge de 55 ans, à partir duquel elles peuvent bénéficier d’une pension de réversion.

Cependant, nous regrettons qu’on n’ait pas étendu le champ des bénéficiaires de ce dispositif. En effet, qu’il s’agisse de l’assurance veuvage ou de la pension de réversion, il existe une iniquité envers les nouvelles formes d’union familiale ; je pense notamment aux couples liés par un PACS, qui sont exclus du dispositif. Pourtant, comme vous le savez, le nombre de PACS ne cesse d’augmenter et les personnes qui adoptent ce mode d’engagement seront sans doute plus nombreuses encore dans les années à venir.

Alors que, le 6 avril dernier, la HALDE faisait paraître un communiqué pour que la pension de réversion actuellement servie au conjoint d’un assuré social décédé soit non plus seulement réservée au cas où les personnes étaient liées par mariage, mais également servie aux personnes pacsées. Il y avait ici l’occasion d’accorder, au nom du principe d’égalité et de l’équité, un droit conforme à cette évolution de notre société et de donner ainsi au PACS la place qui lui est due.

Cette extension des bénéficiaires était d’autant plus justifiée que, pendant la campagne présidentielle, en 2007, Nicolas Sarkozy avait plaidé en faveur d’une égalité des droits allant « jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel ». Aurait-il, là encore, oublié ses engagements de campagne ?

La question a fait, en outre, l’objet de nombreux avis de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale en 2007, du COR et de la Cour de justice des Communautés européennes en 2008. Toutes ces institutions disent la même chose : il faut aligner les droits des couples pacsés sur ceux des couples mariés. Tous les avis convergent pour estimer qu’il y a discrimination.

En matière d’égalité des droits entre couples mariés et couples pacsés, nous avons connu plusieurs avancées, sur l’imposition, par exemple. La réversion est le seul domaine dans lequel une différence subsiste ; il est donc temps d’y remédier.

Il est étonnant de constater que, à l’âge de la retraite, l’allocation de veuvage cesse d’être due si le conjoint survivant conclut un PACS. Pourquoi cela fonctionne-t-il dans un sens, mais pas dans l’autre ?

Nous souhaitons connaître la position du Gouvernement sur cette question qui fait l’unanimité.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage, bien entendu, les arguments avancés par nos collègues. Je tiens en effet beaucoup à l’ouverture du droit à pension de réversion aux couples pacsés.

J’ai eu l’occasion d’aborder cette question depuis le début du débat, et je ne l’aurais fait si j’avais eu un début d’explication. Je l’ai rappelé, le Sénat a débattu d’une proposition de loi que notre groupe avait déposée dans l’optique, justement, d’instaurer la réversion entre pacsés.

Les premiers retours sur cette initiative avaient été négatifs, ce qui n’était pas pour nous étonner. En revanche, lors de son examen en séance, il m’avait été à diverses reprises répondu que la question mériterait d’être réétudiée. J’ai encore en mémoire les propos en ce sens de certains membres de la majorité sénatoriale, notamment Mme Panis, qui était rapportrice, et Mme Dini, présidente de la commission des affaires sociales, mais aussi ceux du représentant du Gouvernement. Peut-être même que la commission des lois avait exprimé un avis, je ne sais plus.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien possible. Pourtant, il devait bien y avoir un avis de la commission des lois. Mais passons…

En tout cas, pour ce qui est du Gouvernement et de la majorité, cela s’était passé ainsi. Or, monsieur le ministre, lorsque j’ai évoqué ce sujet devant vous, je n’ai eu aucune réponse.

Vous allez peut-être me dire tout simplement que, faute d’argent, il n’est pas possible de créer un droit nouveau. Ce ne serait tout de manière pas satisfaisant. En l’occurrence, nous sommes face à une situation qui n’est ni juste ni normale. Elle nous est d’ailleurs reprochée au niveau européen.

Aujourd'hui, nombreuses sont les personnes qui préfèrent se pacser plutôt que de se marier. En termes de coût, cela a un effet évident puisque, par définition, celles qui se pacsent ne se marient pas. On doit donc à peu près arriver à un équilibre entre les uns et les autres. Et ce n’est pas l’ouverture du droit à pension de réversion aux couples homosexuels qui pèserait le plus lourd sur le plan financier. Vous en avez bien conscience, au vu du nombre de personnes concernées.

Nous sommes donc là dans un autre domaine, qui sans doute vous préoccupe tout autant et qui vous conduit à refuser la réversion pour les pacsés. Monsieur le ministre, c’est peut-être l’occasion de nous donner quelques éclaircissements sur la façon dont vous comptez, un jour, éventuellement, aborder la question ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 1210, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 17, première phrase

Supprimer (deux fois) les mots :

en Conseil d'État

II. - Alinéa 23, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III. - Après l'alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 356-5. - Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de simplification.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1210.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 651, présenté par M. Fouché, est ainsi libellé :

Alinéa 51

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Le projet de loi rétablit de manière définitive l'allocation de veuvage à compter du 1er janvier 2011, qui garantira la prise en charge du veuvage précoce.

Toutefois, de nombreux rapports sur les droits des conjoints survivants ont été produits ces dernières années. Je citerai notamment le rapport d'information de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales du Sénat relatif aux pensions de réversion, remis en mai 2007, ou le sixième rapport du Conseil d'orientation des retraites consacré aux droits familiaux et conjugaux de retraite, publié en décembre 2008.

La rédaction d'un nouveau rapport ne semble donc pas nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 651.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 29 bis, modifié.

(L'article 29 bis est adopté.)

Article 29 bis
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 29 ter

Articles additionnels après l'article 29 bis (réservés)

M. le président. Je rappelle que l'ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l'article 33.

Chapitre Ier TER

Autres mesures de solidarité

Articles additionnels après l'article 29 bis (réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 29 quater

Article 29 ter

(Supprimé)

Article 29 ter
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 29 quinquies (Texte non modifé par la commission)

Article 29 quater

(Suppression maintenue)

Article 29 quater
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l’article 29 quinquies (réservés)

Article 29 quinquies

(Non modifié)

Un rapport du Gouvernement est déposé au Parlement, avant le 30 juin 2011, sur les conditions d’introduction dans l’assiette des cotisations sociales, éventuellement sur la base d’un forfait, de la gratification dont font l’objet les stages en entreprise mentionnés à l’article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, et sur les conditions de prise en compte de ces périodes de stage comme périodes assimilées pour la détermination du droit à pension ou rente lorsqu’elles ont donné lieu au versement d’un minimum de cotisations en application de l’article L. 351-2 du code de la sécurité sociale.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 945, présenté par Mme Pasquet, M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article.

Après l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 242-1-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 242-1-1 A. - Les gratifications résultant de la réalisation d'un stage visé à l'article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances sont assujetties aux cotisations visées à l'article L. 241-13. Un décret précise les modalités d'application du présent alinéa.

« Un décret précise la part de la gratification qui est soumise à la part salariale des contributions visées à l'article L. 242-1 ainsi que les modalités de recouvrement et de validation des droits acquis. »

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Par cet amendement, nous souhaitons que, au lieu et place de l’actuel objet de l’article 29 quinquies, à savoir la rédaction d’un rapport gouvernemental sur les conditions de prise en compte des stages dans la détermination du montant de la pension de retraite, soient introduites de véritables garanties pour les stagiaires.

Nous sommes très attachés à la reconnaissance de ces années de stage dans les calculs des droits à la retraite.

En effet, dans ce domaine, un rapport ne suffit pas, car la situation de précarité dans laquelle se trouvent les stagiaires est déjà bien connue, alors que leur nombre est extrêmement important et qu’il ne cesse d’augmenter.

En France, le recours aux stagiaires est en effet de plus en plus fréquent. On ne dénombre ainsi pas moins de 1,2 million de stagiaires en France, selon le collectif Génération précaire.

Le passage par des stages tout au long des études est désormais un parcours quasi obligatoire pour accéder à un premier emploi. Les entreprises exigent une expérience professionnelle qu’elles se refusent pourtant à accorder par le biais d’un véritable emploi, puisque 25 % des jeunes de moins de 25 ans en âge de travailler se trouvent au chômage.

Il est alors bien plus simple et surtout moins coûteux pour elles de recourir à des stagiaires. Ces derniers, s’ils occupent souvent des emplois réels, exigeant une véritable qualification, ont l’avantage de pouvoir être exploités pour des indemnités de misère qui ne sont obligatoires que pour les stages de plus de trois mois et dont le montant n’est même pas égal au seuil de pauvreté !

Les stages peuvent néanmoins durer plusieurs années. Ils permettent ainsi de pourvoir de véritables postes et apportent une réelle valeur ajoutée à l’entreprise.

S’ils contribuent ainsi au dynamisme de l’économie française, les stagiaires ne peuvent pourtant cotiser ni au chômage ni à la retraite. C’est une véritable injustice, caractérisée par le mépris de la valeur travail.

C’est pourquoi nous proposons qu’en lieu et place d’une étude gouvernementale soient ici apportés de véritables progrès dans la reconnaissance des droits des stagiaires. Nous estimons indispensable qu’à cette fin aucune période d’activité en entreprise ne soit exonérée de l’obligation de financement de notre régime de protection sociale.

Les gratifications résultant de la réalisation d’un stage seront ainsi assujetties aux cotisations à la charge de l’employeur, au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles et des allocations familiales. Les modalités seront fixées ultérieurement par décret.

Je vous demande d’adopter cet amendement qui reconnaît l’ouverture d’un droit à la retraite lors des stages.

M. le président. L'amendement n° 948, présenté par Mme Pasquet, M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

éventuellement sur la base d'un forfait,

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. L’article 29 quinquies s’inscrit au sein d’un chapitre intitulé « Autres mesures de solidarité ». Dès lors, nous serions en droit d’attendre des mesures concrètes conformes à l’objectif annoncé. Malheureusement, ce n’est pas le cas !

Une nouvelle fois, le Gouvernement repousse à plus tard la prise en compte des réalités qui font que de nombreux salariés auront du mal à atteindre le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein.

Chacun ici sait très bien que notre jeunesse subit un véritable « bizutage social » qui la contraint à accepter de nombreuses et très longues périodes de stages, rémunérés ou non, avant d’obtenir un contrat en bonne et due forme – à 27 ans, en moyenne. Et encore cet emploi sera-t-il, le plus souvent, en contrat à durée déterminée !

Ainsi durant de très nombreuses années, les jeunes ne cotisent pas à la caisse d’assurance vieillesse et encore moins à une quelconque caisse de retraite complémentaire. Ce problème est au cœur de cette réforme des retraites.

C’est une question largement débattue chez les étudiants. C’est un thème récurrent de revendication et un motif de mobilisation pour diverses organisations syndicales et associations de jeunesse.

Or cet article prévoit seulement qu’un rapport gouvernemental devra nous être remis avant le 30 juin 2011 sur cette question. Nous ne saurions nous satisfaire d’un énième rapport dont rien n’assure qu’il contiendra des propositions prenant réellement en compte ce problème.

Notre amendement est un amendement de repli puisqu’il ne remet pas en cause ce renvoi en touche, mais nous souhaiterions que le contenu de ce futur rapport ne soit pas d’ores et déjà inscrit dans cet article. Sinon, à quoi servira-t-il ? Si l’on dit ce que le rapport devra préconiser, autant inscrire directement la mesure dans la loi !

En effet, il est indiqué dans l’article que ce rapport étudiera les conditions d’introduction des cotisations de retraite dans les gratifications octroyées à l’occasion d’un stage et que cela pourrait se faire « éventuellement sur la base d’un forfait ». Ainsi, la solution est annoncée…

Sans revenir sur notre dénonciation d’un travail non rémunéré, camouflé derrière ces stages, nous ne saurions accepter que les conclusions du rapport soient indiquées dès son annonce, fermant alors la porte à toute autre solution à venir. D’où notre proposition de supprimer le membre de phrase en question.

M. le président. L'amendement n° 947, présenté par Mme Pasquet, M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

II. - La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans ou en dehors des établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un contrat de travail entre l'administration pénitentiaire, l'employeur et le détenu. Ce contrat prend en compte les conditions spécifiques inhérentes à la détention.

Il énonce les conditions de travail et de rémunération du détenu et précise ses droits et obligations professionnelles qu'il doit respecter ainsi que la protection sociale dont il bénéficie.

Il stipule en particulier les indemnités perçues en cas d'accident de travail et de perte d'emploi.

Il précise notamment les modalités selon lesquelles le détenu, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant les dérogations du contrat de travail au droit commun, bénéficie des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n’avons pas eu de chance avec le Gouvernement sur les amendements concernant la pension de réversion pour les pacsés.

Je défendrai maintenant une autre proposition, portant sur une question à propos de laquelle je suis déjà souvent intervenue. Je regrette d’ailleurs que M. Lecerf ne soit pas présent dans cet hémicycle, car nous avions déjà abordé ce sujet au moment de l’examen de la loi pénitentiaire et que des points de vue quelquefois intéressants avaient été formulés de part et d’autre de l’hémicycle. Malheureusement, rien ne s’est fait, et c’est pourquoi je soulève à nouveau cette question aujourd’hui.

Il s’agit du travail des détenus et donc, en corollaire, de leur retraite.

Nous souhaitons, pour notre part, introduire un véritable contrat de travail entre les détenus, l’employeur et l’administration pénitentiaire. Ce contrat de travail aurait pour principal intérêt d’établir de véritables conditions de travail réglementées et contractuelles, de fixer la rémunération ainsi que les droits et obligations du travailleur-détenu, notamment en ce qui concerne la protection sociale.

L’Observatoire international des prisons, l’OIP, a attiré l’attention sur la situation dramatique des détenus qui exercent une activité professionnelle en détention.

Le travail des détenus évolue dans une zone de non-droit inadmissible, qui explicitement consacrée à l’article 717-3 du code de procédure pénale, où l’on peut lire : « Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail. »

C’est ce que nous entendons remettre en cause pour ouvrir droit au SMIC, aux assurances chômage, aux arrêts maladie et à une indemnisation en cas d’accident.

Les détenus sont exclus du bénéfice de la protection du droit du travail. Ils ne gagnent ainsi, en théorie, que 44 % du SMIC. Et je précise bien « en théorie » : ce montant n’étant pas obligatoire, il reste peu respecté.

Cela rend très difficile la validation de trimestres pour les retraites, étant donné cette très faible rémunération. La validation d’un seul trimestre en une année est déjà extrêmement complexe. Même en partant des 44 % du SMIC horaire, il faut, pour obtenir un trimestre, atteindre une somme égale à deux cents fois ce SMIC horaire ! Cela n’empêche pas que les barèmes de cotisations restent les mêmes que pour un SMIC normal !

Selon l’administration pénitentiaire, en 2009, le salaire moyen des détenus ayant travaillé au service général a été de 233 euros mensuels, soit une validation de deux trimestres dans les cas rares de salaires fixes et réguliers.

La situation est encore pire avec les entreprises extérieures, qui considèrent le travail en prison comme de la délocalisation en milieu national. C’est bien pratique : comme ça, on n’a pas besoin de déménager !

Je citerai un exemple évoqué par l’OIP, tant il est parlant. Il s’agit d’un homme qui, après avoir travaillé au service général de l’administration pénitentiaire pendant vingt et un ans, s’est vu proposer à sa sortie de prison, lorsqu’il a atteint l’âge de 60 ans, une retraite de 22,40 euros mensuels brut, ou de 129,47 euros s’il attendait l’année de ses 65 ans pour bénéficier d’un taux plus favorable…

Comme vous le savez, il est assez facile de trouver du travail quand on sort de prison et qu’on a 55 ans…

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous souhaitons donc, par cet amendement, ramener le droit commun dans la législation du travail en prison, puisqu’il s’agit bien d’un travail, effectué par des personnes détenues. (M. Guy Fischer applaudit.)

M. le président. L'amendement n° 1178, présenté par Mmes Terrade et Schurch, M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet, au plus tard le 31 décembre 2010, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport portant sur l'assimilation des périodes de travail en détention comme des périodes de cotisations à part entière.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Puisque vous semblez, monsieur le ministre, avoir des difficultés à vous pencher sur ces questions, nous vous demandons, par le biais de cet amendement, d’établir un rapport détaillé sur le travail en prison et les questions de protection sociale et de retraite des personnes détenues.

M. Guy Fischer. Oui, c’est un vrai problème !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 945 concerne l’assujettissement des gratifications reçues par les stagiaires aux cotisations sociales. Il s’agit d’un sujet dont on parle beaucoup, mais on peut penser qu’une telle mesure aurait des conséquences sur les stagiaires. Avis défavorable.

La suppression proposée dans l’amendement n° 948 ne va pas à l’encontre de l’établissement d’un rapport. Il n’est en effet pas nécessaire d’alourdir le texte. Avis favorable.

L’amendement n° 947 ne concerne pas le sujet des retraites et encore moins l’article 29 quinquies. Avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 1178, il s’assimile plus à une prescription qu’à une demande d’étude. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Sur la question de l’assujettissement des gratifications versées à l’occasion des stages, le Gouvernement émet un avis défavorable, car il souhaite que soit d’abord établi un rapport, dont nous tirerons ensuite les conclusions.

Concernant le travail en prison, je serais tenté d’accepter l’amendement n° 1178, dans lequel est proposé l’établissement d’un rapport sur l’assimilation des périodes de travail en détention comme des périodes de cotisation à part entière. Ce rapport permettrait d’examiner plus précisément la question du travail en prison et des cotisations. Ce sujet n’est pas tabou et il doit être examiné.

En revanche je préférerais que ce rapport soit remis en juillet 2011, plutôt que le 31 décembre 2010. Cela nous laisserait un peu plus de temps. Sous cette réserve, le Gouvernement serait favorable à cet amendement.

M. le président. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, si vous acceptez de rectifier l’amendement n° 1178 dans le sens proposé par M. le ministre, vous pourriez remplacer la date du 31 décembre 2010 par celle du 30 juin 2011. Qu’en pensez-vous ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D’accord, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1178 rectifié, présenté par Mmes Terrade et Schurch, M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet, au plus tard le 30 juin 2011, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport portant sur l'assimilation des périodes de travail en détention comme des périodes de cotisations à part entière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. À titre personnel, j’émets un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 945.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 948.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 947.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1178 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 29 quinquies, modifié.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, vous allez bien vite, or j’aurais souhaité expliquer mon vote sur cet article !

M. Jean Desessard. Moi aussi !

M. le président. Vous vous y prenez un peu tard, mes chers collègues, mais je vais, bien sûr, vous laisser expliquer votre vote.

M. Gérard Longuet. Pour la postérité ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. le président. Et je ne voudrais pas que M. Todeschini fasse un coup de sang ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Marc Todeschini. Vous êtes un peu provocateur, monsieur le président ! Ne vous inquiétez pas : je ne ferai pas de « coup de sang » !

M. le président. C’était un propos de vétérinaire ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Todeschini. Moi, je ne suis pas vétérinaire, mais nous voulons une école vétérinaire à Metz ! (Nouveaux sourires.)

Quel est le principal objectif des jeunes ? Devenir autonomes, pouvoir faire des études, avoir un logement et un travail. Ce sont des aspirations plutôt banales. Or, aujourd’hui, le système est pervers. Les jeunes font des études pour pouvoir avoir un travail et des stages pour faciliter leur insertion. Une fois sur le marché du travail, ils se retrouvent en concurrence avec des stagiaires plus jeunes qu’eux.

Arrêtons l’hypocrisie ! Les stages permettent aux jeunes d’acquérir une expérience professionnelle mais ils sont sous-payés et ne permettent pas aux stagiaires de cotiser pour leur retraite.

Je souhaite, par ailleurs, attirer votre attention sur le recul incompréhensible du Gouvernement au sujet de l’interdiction des stages hors cursus.

Monsieur le ministre, votre Gouvernement vient de publier le décret, après de longs mois d’attente, prétendant interdire les stages hors cursus. La publication du décret témoigne, une fois de plus, du double langage du Gouvernement quand il s’agit de protéger vraiment ceux qui travaillent.

Loin de faire respecter une stricte interdiction des stages hors cursus pour mettre fin au contournement du droit du travail, le décret multiplie les exceptions, rendant inopérant ce principe pourtant nécessaire pour éviter une explosion de la précarité. Les années de césure dans le cursus sont permises, tout comme les stages de réorientation ou les stages complémentaires de fin de formation.

Pour de nombreux jeunes, l’avenir se résumera en un choix entre le chômage ou le statut d’éternel stagiaire.

Le risque est grand, en effet, de voir certains professeurs ou établissements d’enseignement supérieur continuer à ne pas refuser à un étudiant la possibilité de multiplier les stages ou les inscriptions de complaisance à l’université dont le seul but serait d’obtenir une convention de stage. Il en coûte entre 450 et 850 euros pour pouvoir ajouter une expérience professionnelle à son CV. Certains, qui espèrent augmenter ainsi leurs chances de trouver un emploi dans un marché hypertendu, n’hésitent pas à payer. Encore faut-il en avoir les moyens !

Nous, sénateurs socialistes, nous réaffirmons avec fermeté notre attachement à une stricte interdiction des stages hors cursus. C’est en autorisant les seuls stages liés à une formation, faisant l’objet d’une évaluation et comptant pour l’obtention d’un diplôme que ce principe sera effectif et que le droit du travail cessera enfin d’être contourné.

C’est une jeunesse désenchantée qui est aujourd’hui en première ligne sur le front de l’emploi. II serait grand temps de la soutenir, si l’on veut éviter que la fracture générationnelle ne devienne irréductible.

C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur cet article 29 quinquies. Vraiment, se limiter à un simple rapport au Parlement sur la validation des stages en entreprise pour la détermination du droit à pension ne témoigne pas d’une grande considération pour ces jeunes gens.

M. Claude Domeizel. Il fallait que cela fût dit !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Nous savons que beaucoup de jeunes gens peinent à trouver un emploi et enchaînent les stages. Prendre effectivement en considération ces périodes, ce serait tenir compte des difficultés d’insertion dans la vie professionnelle.

Lorsqu’il s’agit de repousser l’âge de départ à la retraite et celui du taux plein, le Gouvernement ne fait pas preuve de frilosité ! Lorsque le rapporteur parle d’augmenter les cotisations des fonctionnaires, c'est-à-dire de faire, comme d’habitude, payer les salariés, il invoque la cohérence ! Mais, lorsqu’il s’agit de commencer à mettre un terme à des situations injustes, le Gouvernement est toujours frileux et M. le rapporteur cesse de parler de cohérence ! Pour les poly-pensionnés, un rapport ! Pour les non-salariés agricoles, un rapport ! Et là, pour les stagiaires, encore un rapport !

Où est la justice dans cette loi ? Les mesures justes, ce sont celles qu’il faudrait prendre dès maintenant pour les poly-pensionnés, pour les non-salariés agricoles et pour les stagiaires.

Et s’il y avait un rapport à faire, ce serait pour améliorer la première embauche des jeunes et faire en sorte qu’ils ne soient pas obligés d’enchaîner les stages.

M. le président. Je mets aux voix l'article 29 quinquies, modifié.

(L'article 29 quinquies est adopté.)

Article 29 quinquies (Texte non modifé par la commission)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 29 sexies (Nouveau)

Articles additionnels après l’article 29 quinquies (réservés)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’examen de l’article 33.

Articles additionnels après l’article 29 quinquies (réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l’article 29 sexies (réservés)

Article 29 sexies (nouveau)

À l’article L. 351-1-3 du code de la sécurité sociale, après les mots : « alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret », sont insérés les mots : « ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-1 du code du travail ».

La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l'article.

M. Jacky Le Menn. Cet article est issu d’un amendement du rapporteur adopté en commission des affaires sociales. Il a été présenté successivement par notre rapporteur, puis par le ministre en séance, comme un article susceptible d’améliorer le dispositif de la retraite anticipée des personnes handicapées.

Compte tenu des nombreux obstacles limitant l’effectivité du droit à la retraite anticipée des personnes en situation de handicap, on ne peut qu’accueillir favorablement un dispositif qui permettrait d’élargir le bénéfice d’un régime injustement restrictif.

En effet, aujourd’hui, pour bénéficier de la retraite anticipée, trois conditions relatives au taux d’incapacité, à la durée d’assurance et à la durée de cotisation doivent être remplies. II est notoire que ces conditions cumulativement posées limitent drastiquement cette possibilité. Dès lors, chaque année, peu de personnes – environ 1000 personnes en situation de handicap – peuvent en bénéficier. C’est bien loin des 10 000 demandes par an qui étaient escomptées en 2003 !

Que prévoit exactement cet article ? Est-il réellement à même de répondre à la question de la retraite anticipée ? Peut-il vraiment permettre à un million de travailleurs handicapés d’en bénéficier, comme vous l’avez affirmé, monsieur le ministre, dans la discussion générale ?

Avec ce nouvel article, une personne handicapée pourra désormais prétendre à la retraite anticipée si elle atteint le taux de 80 % ou si elle est reconnue comme travailleur handicapé, c’est-à-dire si elle a fait une demande de RQTH – reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

À première vue, l’article ouvre donc une nouvelle possibilité pour les personnes qui n’atteindraient pas le taux de 80%, mais son champ reste néanmoins très limité, puisque les autres conditions demeurent cumulatives. Ainsi, un certain nombre d’obstacles, que nous évoquons d’ailleurs dans nos nombreux amendements sur le sujet, ne seront pas levés. Tel est le cas de la règle des vingt-cinq meilleures années, de la problématique des personnes handicapées ayant commencé à travailler tôt ou de celle des personnes dont le handicap est survenu en cours de carrière.

Il apparaît ainsi clairement que tous les bénéficiaires de la RQTH ne pourront effectivement se voir offrir ce nouvel avantage en termes de retraite anticipée, puisqu’il sera toujours nécessaire d’avoir une antériorité de trente ans dans le handicap.

En définitive, vu que nombre de reconnaissances arrivent tard dans la carrière professionnelle des personnes – souvent en deuxième partie de carrière – et que 72 % des bénéficiaires de RQTH sont âgés de 40 ans et plus, s’il faut cumuler trente années passées en situation de handicap reconnu, il est bien évident que le million de travailleurs handicapés dont M. le ministre faisait état ne pourra pas être atteint.

En outre, se posera le problème des conditions d’obtentions de la RQTH, sachant que, dans les faits, les critères d’application sont souvent divergents d’une MDPH – maison départementale des personnes handicapées – à l’autre.

Toujours sur le plan des principes, on peut regretter qu’il soit encore demandé aux personnes handicapées de faire une nouvelle démarche pour obtenir ce qui devrait leur être reconnu pleinement et entièrement, c’est-à-dire une retraite anticipée du fait de leur situation de personne handicapée.

Enfin, sauf erreur de ma part, cet article n’est valable que pour les personnes relevant du secteur privé ; il ne concerne pas les fonctionnaires, me semble-t-il. Je crois qu’il serait bon d’examiner ce point dans la suite de nos travaux.

M. le président. L'amendement n° 1234 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Faire précéder cet article de la référence :

I

II. - Après les mots :

code de la sécurité sociale,

insérer les mots :

au III des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du même code et à l'article L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime,

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit d’étendre au régime des travailleurs non salariés le dispositif prévu par la commission des affaires sociales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1234 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 29 sexies, modifié.

(L'article 29 sexies est adopté.)

Article 29 sexies (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels avant l’article 30 (réservés)

Articles additionnels après l’article 29 sexies (réservés)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Titre V bis A

MESURES RELATIVES À L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Articles additionnels après l’article 29 sexies (réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 30

Articles additionnels avant l’article 30 (réservés)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Articles additionnels avant l’article 30 (réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l’article 30 (réservés)

Article 30

(Non modifié)

I. – L’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le 9°, il est inséré un 10° ainsi rédigé :

« 10° Les sommes représentatives de la prise en compte par les régimes d’assurance vieillesse de base, dans le salaire de base mentionné à l’article L. 351-1, des indemnités journalières mentionnées au même article. » ;

2° À l’avant-dernier alinéa, la référence : « et au 7° » est remplacée par les références : «, au 7° et au 10° ».

II. – Le quatrième alinéa de l’article L. 351-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les indemnités journalières mentionnées au 2° de l’article L. 330-1 sont incluses dans le salaire de base pour l’application du présent article. » – (Adopté.)

Article 30
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 31 (début)

Articles additionnels après l’article 30 (réservés)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Articles additionnels après l’article 30 (réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 31 (interruption de la discussion)

Article 31

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 2242-5, il est inséré un article L. 2242-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-5-1. – Les entreprises d’au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle mentionné à l’article L. 2242-5 ou, à défaut d’accord, par les objectifs et les mesures constituant le plan d’action défini dans les rapports prévus aux articles L. 2323-47 et L. 2323-57. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l’accord et du plan d’action sont fixées par décret.

« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au même premier alinéa. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au premier alinéa.

« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. » ;

1° bis (nouveau) Après le 10° de l’article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 11° ainsi rédigé :

« 11° Les sommes versées par les employeurs au titre de l’article L. 2242-5-1 du code du travail. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article L. 2323-47, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le rapport établit un plan d’action en recensant les objectifs et les mesures prises au cours de l’année écoulée en vue d’assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les objectifs de progression prévus pour l’année à venir et la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre ainsi que l’évaluation de leur coût.

« Une synthèse de ce plan d’action, comprenant au minimum des indicateurs et objectifs de progression définis par décret, est portée à la connaissance des salariés par l’employeur, par voie d’affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité de l’entreprise. Elle est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande et publiée sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un. » ;

3° (Supprimé)

4° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 2323-57 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Il établit un plan d’action en recensant les objectifs et les mesures prises au cours de l’année écoulée en vue d’assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les objectifs de progression prévus pour l’année à venir et la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre ainsi que l’évaluation de leur coût.

« Une synthèse de ce plan d’action, comprenant au minimum des indicateurs et objectifs de progression définis par décret, est portée à la connaissance des salariés par l’employeur, par voie d’affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité de l’entreprise. Elle est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande et publiée sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un. » ;

4° bis (nouveau) L’article L. 2323-59 du code du travail est abrogé ;

5° (Supprimé)

bis. – À la fin de l’article L. 2241-9 et à la fin du premier alinéa de l’article L. 2242-7, les mots : « avant le 31 décembre 2010 » sont supprimés.

II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2012. Pour les entreprises couvertes par un accord ou, à défaut, par un plan d’action tel que défini à l’article L. 2242-5-1 du code du travail, à la date de publication de la présente loi, le I entre en vigueur à l’échéance de l’accord ou, à défaut d’accord, à l’échéance du plan d’action.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.

M. Jean Desessard. L’article 31 propose d’infliger une pénalité financière pouvant atteindre 1 % de la masse salariale aux entreprises de plus de 50 salariés qui n’ont signé aucun accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’ont mis sur pied aucun plan d’action contre les écarts salariaux.

Pourquoi prévoir une obligation d’objectif et non une obligation de résultat ? Quelle hypocrisie ! C’est l’absence de résultat qui doit être sanctionnée si l’on vise vraiment à l’efficacité.

Depuis près de trente ans, on en est toujours au même point : plus d’une dizaine de lois et décrets existent pour atteindre l’égalité salariale, mais on n’enregistre plus aucun progrès à cet égard. Les diagnostics sont obligatoires depuis 1983, de même que des plans d’action dans les entreprises. Et le projet va prévoir une sanction, non pas pour absence de résultat ou de plan d’action, mais simplement pour absence de diagnostic ! La question des inégalités de retraite entre les hommes et les femmes reste donc entière et non traitée.

Monsieur le ministre, on vous entend répéter en boucle que la vraie question n’est pas « celle de la durée de cotisation ou de l’âge de départ, mais celle de la différence de salaires ». Or les inégalités de salaires ne sont qu’une des causes des inégalités de pension, les autres causes principales étant liées à l’emploi à temps partiel et aux carrières plus courtes des femmes… Sans oublier le fait que les inégalités dans la retraite ne se manifestent pas simplement par des pensions plus faibles pour les femmes, mais aussi par un âge de départ plus tardif, puisque de nombreuses femmes sont obligées d’attendre leur retraite jusqu’à 65 ans, et plus désormais, pour ne pas subir la décote !

Alors, arrêtons d’aborder cette question avec des œillères et acceptons nos responsabilités : il faut sanctionner les entreprises qui continuent à traiter différemment les salariés et les salariées.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.

M. Claude Domeizel. C’est un fait établi, il existe des écarts significatifs entre les femmes et les hommes en matière de retraite. Le Conseil d’orientation des retraites a calculé en 2004 que les femmes retraitées de 60 ans et plus percevaient en moyenne une retraite égale à 62 % de celle que perçoivent les hommes, et ce en comptant les droits propres comme les droits dérivés, tels que les pensions de réversion et retraite complémentaire, qui représentent 15 % du montant des pensions de retraite.

Ces fortes disparités résultent pour beaucoup des inégalités professionnelles et des discriminations que les femmes subissent en amont, tout au long de leur carrière.

Une étude publiée en juillet 2010 par la revue de l’Observatoire français des conjonctures économiques montre notamment que les femmes qui n’ont jamais interrompu leur activité professionnelle sont pénalisées et gagnent en moyenne 17 % de moins que les hommes à travail égal. Pourtant, elles sont en moyenne un peu plus diplômées que les hommes.

Une part de cet écart vient du fait, déjà mentionné, que les femmes travaillent plus souvent à temps partiel, qu’elles évoluent dans des métiers moins rémunérateurs et qu’elles font moins d’heures supplémentaires ; mais l’essentiel, soit 70 % de cette différence, n’est pas explicable par des éléments objectifs et reste « inexpliqué ».

Depuis 1983, les entreprises de plus de 50 salariés doivent produire un rapport sur la situation comparée de leurs employés hommes et femmes en matière de rémunération, conditions de travail, avancement et formation. S’y sont ajoutées, en 2001, une obligation de négociation sur l’égalité professionnelle et, en 2006, une obligation de négocier avant le 31 décembre 2010 pour réduire les écarts salariaux, obligations qui s’appliquent aux branches et aux entreprises. Une pénalité était prévue pour le cas où les résultats à mi-parcours ne seraient pas concluants.

Or, à quelques mois de l’échéance, force est de constater que le bilan est plus que décevant : 35 accords sur l’égalité salariale ont été signés en 2009, 6 % des accords de branche abordent le thème de l’égalité en moyenne depuis 2007, et 69 branches, soit 43 % du total, n’avaient pas entamé de négociations sur ce sujet en 2008. Comme vous le voyez, ce bilan n’est passablement éloigné des ambitions énoncées.

Nous adhérons donc parfaitement à l’objectif de cet article 31, qui vise à renforcer l’efficacité des dispositifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, en prévoyant notamment d’infliger une pénalité financière aux entreprises de plus de 50 salariés qui ne jouent pas le jeu et qui n’ont signé aucun accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’ont mis sur pied aucun plan d’action contre les écarts salariaux.

Le texte initial proposait de limiter la procédure aux entreprises de 300 salariés au moins ; il a été modifié en commission à l’unanimité pour fixer le seuil à 50 salariés, avec l’accord, lui aussi unanime, de la délégation aux droits des femmes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, sur l’article.

M. Jean-Marc Todeschini. Cet article vise à instituer une pénalité financière pouvant atteindre 1 % de la masse salariale pour les entreprises de plus de 50 salariés qui n’ont signé aucun accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’ont mis sur pied aucun plan d’action de lutte contre les écarts salariaux.

Par l’adjonction d’une obligation d’accord visant à faire appliquer l’égalité professionnelle, sous peine de sanction financière, ce dispositif semble bien aller dans le bon sens. Toutefois, le risque est grand de voir cet article se résumer à une simple déclaration d’intention, sans aucun effet réel sur l’égalité entre les femmes et les hommes au sein des entreprises.

En effet, et contrairement à ce que le Gouvernement feint de croire, le montant de la pénalité ne sera pas automatiquement de 1 % de la masse salariale. En cas d’absence d’accord ou de plan d’action, il reviendra à l’autorité administrative de fixer le montant de la pénalité, sans aucune garantie que le seuil de 1 % soit atteint puisqu’il est précisé que cette fixation devra s’effectuer « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise ainsi que des motifs de sa défaillance ».

Il serait donc nécessaire de compléter ce dispositif par la création d’une grille d’appréciation de ces efforts afin de préserver l’égalité professionnelle entre les entreprises et de faire en sorte que ce texte ne tombe pas très rapidement en désuétude faute de référence.

Enfin, il serait également utile de réfléchir à la pertinence du choix consistant à limiter l’application de cette disposition aux seules entreprises de plus de 50 salariés. Même s’il s’agit déjà d’une avancée par rapport au projet initial du Gouvernement, qui plaçait le seuil à 300 salariés, l’exclusion des plus petites entreprises de ce dispositif pose néanmoins question, notamment si l’on considère l’égalité salariale comme un principe universel !

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. La question de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes complète, si l’on peut dire, les enjeux des rapports de classes existant dans le monde du travail.

Que ce projet de loi permette d’en discuter est positif, mais il aurait mieux valu qu’une véritable loi sur l’égalité professionnelle soit débattue au Parlement et que cette question ne disparaisse pas au détour d’une discussion dont les articles phares sont ailleurs.

Une fois encore, c’est en quelque sorte dans l’ombre que nous allons aborder cette question importante. Le Gouvernement a décidément des difficultés avec l’égalité entre les hommes et les femmes !

Nous le savons, la discrimination de genre qui se mène dans le monde du travail complète les rapports de classes et les amplifie. On peut presque dire que le sort fait aux femmes salariées, dans l’ensemble, participe des inégalités et de l’exploitation.

Le travail féminin est pourtant une composante essentielle des sociétés humaines, et, sans remonter au Moyen-âge, époque à laquelle les femmes partageaient avec les hommes les travaux agricoles, nous avons connu au XXe siècle une poussée continue de l’emploi féminin.

Dès la fin des années soixante, le taux d’activité féminin s’est établi au-dessus de 50 %, et il n’a cessé de progresser depuis lors, jusqu’à atteindre aujourd’hui 80 % pour les femmes âgées de 15 à 59 ans.

Pour autant, la situation du travail féminin a connu des évolutions plus que contrastées.

Le développement de l’emploi féminin a notamment touché largement la fonction publique, où, dans certains corps de métier, les femmes disposent même d’un quasi-monopole ou se révèlent très majoritaires au sein des effectifs.

C’est évidemment le cas pour les professeurs des écoles, singulièrement dans les écoles maternelles, comme pour le personnel aide soignant hospitalier ou encore les agents des crèches.

Toutefois, les femmes ont aussi largement investi les autres secteurs de la fonction publique et les plus grandes administrations de l’État. Elles forment aujourd’hui très majoritairement les effectifs de la fonction publique, les trois branches de celle-ci confondues.

Si l’égalité salariale est un principe intangible de la fonction publique – à tel grade et indice, quel que soit son genre, le fonctionnaire bénéficie du même traitement –, il est en revanche établi que nous sommes encore loin d’une absolue parité dès lors que l’on examine la question des cadres dirigeants, qui sont plus souvent des hommes que des femmes.

Dans le secteur privé, la situation est beaucoup plus contrastée encore.

Outre que les femmes sont souvent les victimes désignées des organisations horaires atypiques – temps partiel imposé, amplitude pour le moins élastique des activités, notamment dans le secteur du nettoyage, de la grande distribution ou encore des services à la personne –, elles sont aussi, à tous les niveaux hiérarchiques, la cible d’inégalités de rémunération totalement inacceptables du point de vue de la simple justice sociale.

Ces inégalités de rémunération se doublent, bien souvent, d’obstacles mis à la promotion des femmes dans des qualifications et classifications nouvelles, d’entraves posées à leur accès à la formation continue, et j’en passe.

Les accords collectifs de branche ou d’entreprise sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes sont de création relativement récente, et leur extension est pour le moment assez limitée.

Au demeurant, même si les auteurs du présent texte entendent aller plus loin dans ce domaine, ils se contentent de viser les entreprises de plus de 50 salariés où les problématiques de l’égalité professionnelle sont d’ores et déjà au cœur de l’action des organisations syndicales. Même si cette prise en compte est souvent inégale, voilà un certain temps déjà que le mouvement ouvrier et syndical a intégré dans sa démarche revendicative l’égalité entre les hommes et les femmes.

Pour notre part, nous refusons de voir cette égalité se traduire en exploitation renforcée et en généralisation, aux hommes comme aux femmes, des horaires atypiques, de la flexibilité et des contraintes horaires nouvelles pesant sur la vie de famille des uns comme des autres.

Notre sentiment est que, en créant un effet de seuil, les auteurs du présent texte s’arrêtent en chemin, de peur d’aller plus loin dans la pénalisation des comportements discriminatoires.

Combien de femmes surexploitées voient leur travail ou leur identité méprisés dans les entreprises de moins de 50 salariés ? Elles sont en tout cas bien plus nombreuses que celles qui pourront s’appuyer sur des accords dont le contenu, relativement variable d’une entreprise à l’autre, demeure fondé plus sur des intentions et des perspectives que sur des décisions claires.

Les chefs d’entreprise pourront ainsi battre leur coulpe d’avoir si longtemps méprisé le rôle des femmes. Ils pourront annoncer quelques-uns des efforts qu’ils vont accomplir pour remédier aux désordres constatés et se féliciter ensuite, année après année, de se trouver sur la bonne voie, sans que de réels progrès soient constatés.

Au contraire, il aurait fallu repenser de manière globale l'ensemble de l'organisation du travail et la place que ce dernier occupe dans la vie quotidienne. Nous regrettons que cette voie n’ait pas été explorée.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans les discours du Gouvernement et de la majorité, les annonces concernant les femmes n’ont pas manqué, c’est le moins que l’on puisse dire.

Il est vrai que le constat de la pénalisation aggravée de la retraite des femmes par votre réforme apparaissait tout à fait clairement, monsieur le ministre, y compris d'ailleurs dans votre propre camp puisque, dès la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi, plusieurs députés, hommes et femmes, n’ont pas manqué de soulever ce problème. De plus, les délégations aux droits des femmes des deux assemblées se sont également inquiétées, comme on l’a déjà souligné.

Bien entendu, vous vous êtes fait fort de montrer que vous faisiez de très grandes concessions concernant les femmes. On l’a vu pour les femmes ayant élevé des enfants : vos annonces se soldent par une mesure pour les seules femmes ayant élevé trois enfants au moins et nées entre 1951 et 1955, c'est-à-dire au grand maximum, d’après vos propres estimations, 130 000 femmes ! Ce dispositif est tout à fait significatif du peu de cas que vous faites de l’ensemble des femmes ; surtout, il est très pénalisant pour celles qui, nées en 1956, auront élevé trois enfants et n’auront pas suffisamment de trimestres pour jouir d’une retraite à 65 ans.

L’article 30 du projet de loi comporte une mesure permettant de prendre enfin en compte les indemnités journalières de maternité, conformément à une revendication ancienne. Cette disposition est bien entendu absolument nécessaire, mais elle ne sera applicable qu’aux indemnités journalières versées dans le cadre de congés de maternité débutant à compter du 1er janvier 2012.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ainsi, on diffère la mise en œuvre de cette mesure au motif que, bien entendu, on ne peut pas le faire tout de suite… Ce délai serait justifié par le besoin d’améliorer les échanges d’informations entre la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et la CNAM, la Caisse nationale d’assurance maladie, qui assure le versement des indemnités journalières. Je ne mets pas en cause cette affirmation, mais je constate que, une fois encore, on s’empresse de différer un droit que l’on vient d’accorder, alors que, quand il s'agit de supprimer un avantage ou un acquis social, on le fait immédiatement !

Pour illustrer mon propos, monsieur le ministre, je vous ferai observer que, au détour de l’article 31, il est prévu de supprimer une mesure contraignante qui devait entrer en vigueur au 31 décembre 2010.

En effet, la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes – j’évoque ce point, monsieur le ministre, car vous avez très vite obliqué des retraites à l’égalité salariale, en affirmant que là était le problème essentiel – a prévu que les négociations de branche relatives aux salaires et aux classifications professionnelles, ainsi que celles que mènent annuellement les entreprises sur les salaires effectifs, visent également à définir et à programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010.

Nous découvrons dans le rapport de la commission que la création de la future pénalité financière devrait être plus efficace que l’actuelle échéance du 31 décembre 2010. Ainsi, on reporte ce dispositif !

On veut donc supprimer une règle qui allait entrer en vigueur demain au prétexte qu’une nouvelle obligation restant à créer serait plus efficace, mais à partir du 1er janvier 2012, donc plus tard. Cela ressemble à une course en avant pour finalement ne rien faire, car nous en sommes à la sixième loi, me semble-t-il, sur l’égalité salariale.

Lâcher la proie pour l’ombre est, encore une fois, adresser un très mauvais message aux femmes, malgré toutes les annonces que vous avez pu faire sur le sujet, monsieur le ministre.

Ensuite, à l’article 31, vous prévoyez que les entreprises pourront être sanctionnées si elles ne mettent pas en place un dispositif d’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Voilà la mesure phare !

Il s’agirait de verser au Fonds de solidarité vieillesse un montant égal au maximum – j’insiste sur ce terme – à 1 % des rémunérations et des gains pour les entreprises contrevenantes. Laissez-moi vous dire que les employeurs ont de beaux jours devant eux dans l’inégalité salariale, puisqu’ils préféreront verser ces pénalités plutôt que de s’engager dans la voie de l’égalité salariale.

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons de porter à 10 % de la masse salariale cette pénalité, qui ne pourrait plus être modulée – et encore, uniquement à la baisse – par l’inspection du travail. Nous suggérons aussi qu’elle s’applique aux entreprises de plus de 11 salariés.

Enfin, nous proposerons qu’elle concerne les entreprises qui, au 1er janvier 2012, n’auront pas mis en place un accord relatif à l’égalité salariale.

Concrètement, nous estimons que ces mesures sont très insuffisantes et qu’elles ne permettront pas de contrebalancer efficacement les inégalités existantes en défaveur des femmes.

Ces inégalités qui, rappelons-le, existent à la fois pour les embauches, les types de contrats, les carrières et les rémunérations offertes aux femmes,…

M. le président. Veuillez conclure, madame Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … ne diminuent pas comme elles devraient le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Cet article 31 est important pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, me semble-t-il. Je sais qu’il est bientôt trois heures du matin, mais il ne tient qu’à vous, monsieur le président, de lever la séance et de renvoyer nos travaux à une heure plus correcte.

M. Gérard Longuet. Mais nous vous écoutons, madame !

Mme Annie David. En effet, à trois heures, quand on a commencé à dix heures du matin, on éprouve peut-être un peu de fatigue.

M. le président. Présentez vos positions sur l’article, madame David. Je gère l’horaire.

M. Claude Domeizel. Laissez-la s’exprimer !

Mme Annie David. Bien entendu, l’accélération se fait, comme par hasard, au moment où l’on aborde l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. (Marques d’approbation sur les travées du CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de lUMP.)

M. Gérard Longuet. Bien sûr, c’est fait exprès !

Mme Annie David. Je trouve cette coïncidence quelque peu étrange.

Plus nombreuses que les hommes à connaître le chômage, les petits boulots, les bas salaires et les temps partiels forcés, les femmes bénéficient d’un droit à la retraite infiniment plus faible et plus fragile que les hommes. Ce sont elles qui s’arrêtent le plus souvent de travailler pour élever leurs enfants. C’est leur vie professionnelle qui est marquée par une série d’inégalités en termes d’emploi, de salaires et donc de pensions. En outre, les réformes menées depuis 1993 sont loin de compenser les écarts, en particulier à cause du calcul des retraites sur les vingt-cinq meilleures années de salaire, contre dix auparavant.

Les inégalités qui existent déjà dans la vie active vont donc se répercuter au moment de la retraite et se traduire par des taux de pension inférieurs. Les inégalités salariales n’ont pas reculé malgré toutes les lois sur l’égalité professionnelle – mes collègues viennent d’évoquer ce point.

Comme le soulignait Claude Domeizel, à travail et diplôme équivalents, voire supérieurs, les femmes perçoivent un salaire inférieur de 27 % à celui des hommes. Elles représentent 85 % des salariés à temps partiel et 80 % des salariés payés en dessous du SMIC.

Les conséquences sont lourdes à l’arrivée à la retraite : les pensions des femmes sont 40 % inférieures à celles des hommes. Parmi les retraités pauvres, huit sur dix sont des femmes. Je pense tout de même que cela mériterait un peu de temps de débat !

De plus, parmi les retraités actuels du régime général, 39 % des femmes ont validé une carrière complète, contre 85 % des hommes. Quelque 30 % des femmes partent à la retraite à 65 ans pour ne pas subir de décote, contre 5 % des hommes.

Je citerai d’autres chiffres significatifs : 40 %, c’est l’écart entre les retraites des femmes et celles des hommes ; 30 %, c’est la part des femmes salariées qui partent à la retraite à 65 ans ; huit sur dix, c’est la proportion des femmes parmi les retraités pauvres ; 27 %, c’est l’écart de salaires entre les femmes et les hommes ; 677 euros, c’est le montant du minimum vieillesse perçu par de nombreuses femmes.

Monsieur le ministre, que proposez-vous pour répondre à tous ces chiffres ?

Tout d'abord, vous présentez un article au sein d’un projet de loi sur les retraites, alors que des lois sur l’égalité professionnelle existent déjà et qu’il faudrait plutôt vous attacher à les faire davantage respecter que faire adopter de nouvelles dispositions.

Vous prétendez créer ici une pénalité financière de 1 % de la masse salariale, alors que les mesures qui viennent d’être exposées n’ont absolument pas réduit les écarts. Pourtant, il existe déjà une disposition dans le code du travail – l’article L. 2243-2 – qui prévoit une pénalité de 3 750 euros d’amende et un an d’emprisonnement en cas de non-accord dans la négociation collective.

Je me demande d'ailleurs ce que deviendra cet article une fois que la disposition que nous examinons à présent sera adoptée. La contredira-t-il ? Sera-t-il absorbé par elle ? S’ajoutera-t-il à elle ? Je me pose vraiment la question.

Par ailleurs, une fois encore, vous vous adressez seulement aux entreprises de plus de 50 salariés. D’un coup, une fois de plus, vous balayez les femmes embauchées dans les TPE et les PME. Nous en revenons là à notre discussion de tout à l'heure.

En outre, une fois encore, l’amende pourra varier en fonction des efforts accomplis par l’employeur, cette modulation s’effectuant bien entendu uniquement à la baisse, car le taux de 1 % ne peut être dépassé.

Cerise sur le gâteau : les lois précédentes imposaient à l’ensemble des entreprises de mettre en place un accord avant le 31 décembre 2010. Évidemment, monsieur le ministre, avec ce nouvel article, vous reportez le délai d’un an, vous accordez une année supplémentaire aux entreprises pour se pencher sur ce que vous avez vous-mêmes appelé, lors de votre audition, un des scandales de notre République.

Face à un tel scandale, il me semblait que des mesures plus importantes auraient pu être mises en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 581, présenté par Mmes Morin-Desailly, Dini, Payet, Férat, N. Goulet et Gourault, MM. About, A. Giraud, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 2242-5 du code du travail, après les mots : « porte notamment » sont insérés les mots : « sur l'égalité salariale, ».

La parole est à M. Jean-Claude Merceron.

M. Jean-Claude Merceron. Cet amendement vise à préciser que l’accord relatif à l’égalité professionnelle mentionné à l’article L.2242-5 du code du travail porte en particulier sur l’égalité salariale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cette mesure étant déjà inscrite dans le code, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Merceron, l'amendement n° 581 est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Merceron. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 581 est retiré.

L'amendement n° 1085, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 2242-5-1. - Les entreprises d'au moins onze salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité professionnelle mentionné à l'article L. 2242-5. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l'accord sont fixées par décret.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Le titre V bis A du projet de loi prévoit la mise en place de mesures relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes. Cependant, ainsi que je le soulignais à l’instant, celles-ci sont largement insuffisantes.

Elles ne permettront absolument pas de contrebalancer efficacement les inégalités professionnelles dont sont victimes les femmes, sur le plan tant des embauches et des types de contrat que des carrières et des rémunérations proposées.

Je ne répéterai pas les propos de mon intervention précédente. Mes chers collègues, par cet amendement, nous vous proposons la suppression de l’article 31, car il me semble sincèrement que c’est ce que nous avons de mieux à faire. Dès lors, nous pourrons ensuite débattre de ce sujet dans le cadre d’une loi ad hoc, laquelle pourrait notamment inclure une mesure visant à instaurer une pénalité de 1 % de la masse salariale, qui représenterait sans doute plus que les 3 750 euros d’amende aujourd’hui prévus par la loi.

Parce que les dispositions présentées dans cet article sont véritablement inacceptables et insuffisantes, nous vous proposons de supprimer ce dernier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. À cet instant, je voudrais expliquer la raison pour laquelle je soutiens le projet gouvernemental et je combats votre amendement, madame David.

J’interviendrai non pour disposer qu’un quelconque alibi que pourrait m’assurer en toutes circonstances la publication de mes propos au Journal officiel (Sourires.), mais simplement pour rappeler des évidences manifestes.

Madame David, à de nombreuses reprises tout au long de ce débat concernant la situation des femmes, vous avez affirmé que ces dernières subissaient le travail à temps partiel. Sur le plan mathématique, il est vrai que les femmes salariées sont plus nombreuses que les hommes à occuper des activités à temps partiel.

À ce sujet, vous avez à votre disposition un rapport très intéressant de l’Assemblée des communautés de France, l’AdcF, qui, à l’occasion de son congrès sur l’action sociale intercommunale, traite des raisons pour lesquelles les femmes choisissent le travail à temps partiel. Or, d’après cette étude de l’INED et de l’INSEE de 2005, 61 % des femmes qui travaillent à temps partiel le font pour convenance personnelle et familiale. Il s’agit donc pour ces dernières d’un choix volontaire, parfaitement assumé et responsable.

Par ailleurs, 13 % des femmes travaillant à temps partiel choisissent ce type de contrat parce que ce sont des métiers qui ne peuvent s’exercer qu’à temps partiel. Je prendrai un exemple simple : le transport scolaire dans nos départements est souvent assumé par des transporteurs qui travaillent le matin et le soir, donc à temps partiel, et ce sont aujourd’hui, dans la majorité des cas, des femmes. Elles apportent d’ailleurs une sécurité et un sérieux qui rassurent et les parents et les élèves.

Enfin, 17 % des femmes exercent une activité à temps partiel parce qu’elles n’ont pas trouvé autre chose lors de leur recherche d’un travail.

Mme Annie David. Comment se fait-il que les hommes trouvent des activités à temps plein et pas les femmes ?

M. Gérard Longuet. Environ 16 % des salariés français travaillent à temps partiel. Ce cas de figure est donc très largement accepté par la population ; il est voulu.

Au lieu de se lamenter sur une telle modalité de travail, il me semblerait plus opportun de réfléchir à la façon dont le travail à temps partiel pourrait être utilisé pour mieux organiser l’activité des hommes et des femmes aux différents âges de la vie et pour permettre un épanouissement personnel et familial.

Tels sont les chiffres dont je voulais vous faire part. Quitte à rester en séance, autant apporter des contributions utiles ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sur quoi porte cette étude ? Sur les collectivités locales ?

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le président, je me dois de réagir aux propos de M. Longuet en apportant une vision différente de la sienne.

Monsieur Longuet, vous nous dites que les temps partiels seraient choisis, par exemple pour convenance personnelle et familiale.

Mme Lucienne Malovry. Cela arrive !

Mme Annie David. Évidemment, cela arrive ! Bien sûr !

M. Gérard Longuet. Dans les deux tiers des cas !

Mme Annie David. Et nous nous réjouissons que des femmes puissent le faire ! Mais pourquoi les hommes ne prennent-ils pas une activité à temps partiel pour convenance personnelle et familiale ?

M. Gérard Longuet. Ils le font dans les mêmes proportions : 16 % !

Mme Annie David. Vous nous rapportez ensuite que 17 % des femmes occupant une activité à temps partiel n’ont pas trouvé de travail à temps plein. Mais comment se fait-il que les hommes trouvent du travail à temps plein et pas les femmes ? Il faudra quand même que vous m’expliquiez plus précisément ce point.

En outre, vous nous assurez que 13 % des femmes travaillent à temps partiel parce que c’est le métier qui l’exige. Bien sûr, mais pourquoi dans ces métiers-là retrouve-t-on principalement des femmes ? Justement parce que les hommes ne travaillent pas à temps partiel !

M. Gérard Longuet. Parce que ce sont des métiers de service !

Mme Annie David. Monsieur Longuet, le temps partiel peut être choisi,…

M. Gérard Longuet. Rappelez-le !

Mme Annie David. … mais il est choisi lorsque l’on a les moyens financiers de le faire, ou lorsque l’on est contraint de rester à la maison parce qu’il faut s’occuper des enfants pour « convenance personnelle et familiale », ainsi que vous l’avez dit.

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas désagréable !

Mme Annie David. Malgré tous les grands discours du Gouvernement, les crèches, les moyens de garde sont en effet insuffisamment développés en certains endroits du territoire pour permettre aux femmes d’aller travailler. Voilà un élément sur lequel on peut également méditer.

Le temps partiel peut être choisi. À cet égard, le projet de loi dont nous discutons prévoit d’apporter des informations sur les possibilités de capitalisation des assurés, ce qui est très important pour ces derniers. Cependant, les femmes ayant l’intention d’exercer une activité à temps partiel auront-elles à supporter les conséquences de ce prétendu choix sur le niveau de leur pension ?

M. Gérard Longuet. Elles auront un soutien familial, grâce à leurs enfants reconnaissants.

Mme Annie David. Il me semble que, sur ce point également, l’information doit être transparente. Quand on fait un choix, on doit pouvoir le faire de manière éclairée.

Monsieur Longuet, je suis persuadée que, parmi les 61 % de femmes qui affirment travailler à temps partiel pour convenance personnelle et familiale, la moitié n’ont pas la possibilité de faire garder leurs enfants.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur Longuet, votre raisonnement n’est pas tout à fait en accord avec la position de M. le ministre. Ce dernier a en effet affirmé, lors de la présentation de ce projet de loi, qu’il y avait un problème d’inégalités entre les retraites des femmes et celles des hommes, mais que cela correspondait à une différence de salaires au cours de la carrière.

M. Gérard Longuet. Il y a aussi des choix !

M. Jean Desessard. Le travail à temps partiel choisi peut s’entendre lorsqu’il y a complémentarité avec le niveau de vie du conjoint. Mais beaucoup de couples éprouvent des difficultés à maintenir une vie conjugale stable. Dès lors, vous devriez en conclure qu’il faut agir en faveur des retraites des femmes ayant choisi le temps partiel pour convenance personnelle.

Alors que M. le ministre affirme que la disparité entre les hommes et les femmes se résorbera grâce à l’accès à l’emploi et à la formation pour tous, vous soutenez au contraire qu’il y aura toujours un certain nombre de femmes qui choisiront le temps partiel pour convenance personnelle. Vous pensez donc que ces inégalités de fait perdureront et que les hommes et les femmes toucheront toujours des retraites d’un montant inégal, même si les conditions dans lesquelles les choix initiaux auront été faits changent au cours des années.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Mme Raymonde Le Texier. Notre collègue M. Longuet s’est lancé sur un terrain délicat. Monsieur Longuet, vous avez de la chance que l’heure soit si tardive !

M. Gérard Longuet. Je n’ai fait que rapporter des statistiques !

Mme Raymonde Le Texier. Tout d’abord, cette enquête n’est pas très claire pour nous : est-ce une enquête effectuée auprès d’employées des communes, des villes ?

M. Gérard Longuet. Il s’agit d’une enquête de l’INED et de l’INSEE de 2005 publiée dans les documents de l’Assemblée des communautés de France à l’occasion de leur congrès sur les services intercommunaux de l’action sociale. (Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela concerne donc les collectivités !

M. Gérard Longuet. Non ! Cela concerne toutes les Françaises !

Mme Raymonde Le Texier. Je ferai deux commentaires, monsieur Longuet.

M. Gérard Longuet. Cela a l’air de vous gêner !

Mme Raymonde Le Texier. Non, cela ne nous gêne pas du tout ! C’est toutefois une situation que nous connaissons un peu, et qui appelle quelques précisions.

Vous affirmez que l’essentiel des femmes travaillant à temps partiel le font pour convenance personnelle, et qu’il s’agit pour elles d’un choix parfaitement assumé.

Certaines de ces femmes auraient sans doute préféré rester chez elles pour élever leurs enfants, mais elles sont obligées de prendre un temps partiel parce qu’elles ont absolument besoin d’un appoint financier pour « boucler » leurs fins de mois.

À l’inverse, d’autres femmes sont obligées d’accepter un emploi à temps partiel alors qu’elles préfèreraient une activité à plein-temps, parce que les modes de garde à leur disposition ne sont pas satisfaisants de leur point de vue ou même inexistants. Certaines d’entre elles, par exemple, ne travaillent pas le mercredi et font un gros effort financier parce qu’elles ne veulent pas que leurs enfants soient livrés à eux-mêmes.

Enfin, lorsque ma collègue vous a demandé quel serait le niveau de retraite des femmes travaillant à temps partiel, vous avez répondu – je ne sais si tout le monde l’a entendu – que ces dernières pourraient compter sur le soutien familial de leurs enfants reconnaissants.

M. Gérard Longuet. Cela existe aussi, c’est la solidarité intergénérationnelle !

Mme Raymonde Le Texier. Oui, cela existe aussi !

M. Gérard Longuet. Il y a des grands-parents qui aident leurs petits-enfants, des enfants qui aident leurs parents, et réciproquement !

M. Gérard Longuet. Nous ne sommes pas dans une société d’égoïstes !

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur Longuet, laissez-moi terminer, s’il vous plaît ! Je peux vous parler de ce problème : ma vieille mère, qui a 95 ans, continue de faire des économies alors que ses enfants n’ont besoin de rien – nous ne cessons de le lui dire – parce que sa crainte est de devoir être aidée par ses enfants si, un jour, elle devait être placée en établissement. Pour ma part, je suis mère de famille et, ayant une conception opposée à la vôtre, j’espère n’avoir jamais besoin de l’aide de mes enfants.

Il faudrait donc que vous réfléchissiez quelque peu à ce problème. Je ne comprends pas que des parents puissent penser qu’ils peuvent ne pas travailler parce que leurs enfants subviendront à leurs besoins si c’est nécessaire. Il me semble au contraire que la démarche des parents consiste à penser que l’on pourra aider ses enfants s’ils en ont besoin jusqu’au bout.

M. le président. Mes chers collègues, je vois que, malgré l’heure tardive, vous êtes en pleine forme ! (Sourires.)

La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Je ne comptais pas intervenir en explication de vote, mais je voudrais réagir au propos de M. Longuet, s’agissant de savoir si le travail à temps partiel des femmes est subi ou choisi.

M. Gérard Longuet. Je livrais seulement les résultats d’une étude de l’INSEE ! C’est tout de même extraordinaire !

M. Claude Domeizel. Je ne vous ai pas interrompu,…

M. Gérard Longuet. Vous faites du travail de commission en séance publique !

M. Claude Domeizel. … alors, si vous souhaitez intervenir, vous demanderez de nouveau la parole. Pour le moment, c’est moi qui parle !

Manifestement, nous ne rencontrons pas le même type de personnes. Je reçois dans ma permanence – de maire autrefois, de sénateur aujourd'hui – des femmes qui me demandent d’intervenir pour les aider à trouver un emploi à temps complet, parce qu’elles n’ont trouvé qu’un travail à temps partiel.

Mon cher collègue, le temps partiel revient aussi quelquefois à devoir faire des horaires éclatés, que personne ne souhaiterait avoir : il faut, par exemple, travailler de 8 heures à 9 heures 30, puis de midi à 13 heures 30 et, enfin, le soir, de 17 heures à 18 heures 30.

Vous avez cité un rapport qui semble avoir un lien avec la fonction publique territoriale, que je connais assez bien. Je peux vous dire que le temps partiel y existe bel et bien, et que les femmes y ont beaucoup recours, pendant un temps donné.

En effet, dans les collectivités locales, nous offrons souvent des emplois à temps partiel. Ils sont, c’est vrai, souvent occupés par des femmes. Mais ces dernières revendiquent ensuite rapidement un travail à temps complet qu’elles pourront exercer après quelques années de temps partiel.

Monsieur Longuet, vous nous dites que le temps partiel est choisi. Eh bien, pour ma part, je n’ai pas besoin de statistiques pour affirmer que, dans le secteur privé, le temps partiel des femmes est subi !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1085.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 31 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Discussion générale

6

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 19 octobre 2010, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).

Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 19 octobre 2010, à trois heures quinze.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART