Mme Nicole Bricq. C’est tout à fait vrai !

M. Jean-Jacques Jégou. Au final, la loi TEPA, que d’ailleurs je n’avais pas votée, aura eu pour principal effet de creuser le déficit public.

Cette refonte de la fiscalité ne saurait se limiter à la suppression pure et simple du bouclier fiscal et de l’ISF. Elle doit toucher tous les aspects de notre fiscalité : modernisation de l’imposition foncière, des droits de mutation, de l’impôt sur le revenu, de la fiscalité des revenus du patrimoine, des droits de succession… Nous devons nous fixer comme objectif de doter notre pays d’une fiscalité moderne, juste et efficace.

C’est pour cette raison que l’idée de régler cette question au détour d’une loi de finances rectificative, à six mois d’une échéance politique majeure, où la réforme fiscale sera au centre du débat public, me laisse sceptique. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul ne peut ignorer aujourd’hui que nos finances publiques sont dans un état calamiteux, illustré par le présent projet de loi de finances. L’effet d’étouffoir de la dette accumulée depuis plusieurs années va peser de plus en plus lourdement sur la croissance, et l’on nous annonce que la charge de la dette passerait d’environ 40 milliards d’euros actuellement à 55 milliards d’euros en 2013.

Le creusement des déficits induits par la coupable politique des recettes conduite en France depuis 2002 est tel que notre pays se trouve aujourd’hui démuni de véritables leviers pour réamorcer un cycle vertueux de croissance.

Au travers de ce projet de budget, monsieur le ministre, vous privilégiez clairement la rigueur, aux dépens de la croissance ! Il ne semble plus être question, comme c’était le cas voilà trois ans, d’aller chercher le point de croissance supplémentaire avec les dents…

Mme Nicole Bricq. Il n’y a plus de dents ! (Sourires.)

M. François Marc. Soyons lucides, mes chers collègues : la crise est loin d’être finie. Malgré les 5 000 milliards de dollars d’aides publiques injectés dans le système financier mondial, la situation reste très tendue. La réunion de Séoul du G 20 l’a encore souligné.

De nombreux économistes considèrent que les mesures exagérément drastiques d’austérité vont mener à une croissance anémiée et surtout très pauvre en créations d’emplois.

Si l’on en croit l’édition 2010 de France, portrait social, qui a été publiée hier par l’INSEE, la pauvreté fait tache d’huile dans notre pays. Dans ces conditions, ces choix budgétaires nous apparaissent contestables, car porteurs de risques pour nos concitoyens.

Aux États-Unis, on s’efforce en ce moment d’accompagner la reprise d’une manière très active. À l’inverse, vous supprimez le plan de relance, vous amputez les grands budgets d’intervention de l’État et vous imposez un plan de rigueur aux collectivités locales. Croyez-vous réellement qu’une économie française léthargique permettra d’assainir durablement nos finances publiques ? On a le sentiment que la croissance est laissée pour compte !

Vous me répondrez sans doute que tout cela est bien beau, mais que l’argent public est rare aujourd’hui et que l’on ne peut pas tout faire ! Mais, monsieur le ministre, comment en êtes-vous arrivés là ? Pourquoi êtes-vous contraints à des choix budgétaires aussi douloureux ? La dette publique a doublé en une décennie. Devant ce « mur de la dette », vous invoquez des choix budgétaires inéluctables. Mais à qui la faute ? Depuis 2002, la droite n’a pratiquement jamais respecté les règles budgétaires des traités européens. Pendant le cycle de croissance d’avant-crise, la France a été la seule nation – avec la Grèce – à ne pas réduire son déficit. En diminuant sciemment les recettes, vous avez laissé filer les déficits. Tous les cadeaux fiscaux ont été financés à crédit, au détriment des générations futures ! (Mme Nicole Bricq acquiesce.)

Chacun a en tête le rapport de la Cour des comptes, qui nous rappelle que le déficit public est foncièrement d’ordre structurel puisque, sur 120 milliards d’euros de déficit hors opérations d’investissement de 2010, 80 milliards d’euros correspondent au manque à gagner résultant des cadeaux fiscaux accordés depuis 2002.

Êtes-vous capables d’assumer devant les Français les conséquences d’une telle politique financière et fiscale ? Certes, vous en venez à reconnaître du bout des lèvres l’erreur politique majeure commise par la droite depuis 2002 en matière de recettes, et vous parlez par euphémisme de la nécessaire « reconstitution des recettes » ou de la possible remise en cause du bouclier fiscal, considéré comme un « symbole d’injustice » ! Néanmoins, cette amorce de conversion vous contraint à agir dans l’urgence, à l’aveugle, à partir d’hypothèses de croissance très peu réalistes et dans une transparence toute relative. Deux poids, deux mesures : voilà ce que comprennent nombre de nos concitoyens en voyant la teneur de vos arbitrages budgétaires.

En définitive, ce projet de loi de finances confirme l’échec de la stratégie financière et fiscale conduite depuis 2002 en France. Vous avez voulu imprégner le pays de l’idée maîtresse du libéralisme, selon laquelle, en déversant des cadeaux fiscaux sur les plus riches, l’abondance finirait par ruisseler jusqu’au plus bas de l’échelle des revenus… Force est de constater, monsieur le ministre, mes chers collègues, que rien de tel ne s’est passé depuis 2002. Alors que l’on nous annonçait une corne d’abondance, les déficits publics se sont creusés massivement, la dette s’est envolée et les inégalités se sont accentuées. On nous parlait, à propos du paquet fiscal, d’un « cocktail gagnant », formule qui avait fait florès à l’époque ! Eh bien ce fameux cocktail gagnant s’est révélé en définitive être un breuvage empoisonné.

Comment réagir, comment faire pour relancer efficacement la machine anti-chômage ?

J’estime, pour ma part, qu’obtenir un taux élevé de croissance doit constituer une priorité immédiate. Une croissance régulière de 2,5 % à 3 % par an est indispensable pour stopper la fuite en avant dans l’endettement, relancer l’emploi et répondre aux attentes en matière d’investissements d’avenir. Le développement économique doit, à cet égard, pouvoir s’appuyer sur l’efficacité des secteurs qui échappent en tout ou partie aux marchés : je veux parler de l’éducation, de la santé, des infrastructures ou de la recherche.

L’attractivité et la compétitivité de notre pays nécessitent des infrastructures et une main-d’œuvre de qualité. À cet égard, le sondage dont les résultats ont été publiés le 11 octobre dernier par le quotidien La Tribune sous le titre « Les entreprises de croissance veulent plus d’État » ne dit rien d’autre. Cela suppose, mes chers collègues, des investissements publics importants, qu’il faut financer. De ce point de vue, vos choix budgétaires paraissent bien timorés.

La généralisation du très haut débit, par exemple, exige des sources nouvelles de financement. Les conclusions du récent rapport de notre collègue Hervé Maurey sur le financement des infrastructures à très haut débit ne trouvent hélas, dans ce projet de budget, aucun écho. Quant au schéma national des infrastructures de transports, le SNIT, d’un coût prévisionnel de 170 milliards d’euros d’ici à 2025, aucun fonds n’est pour l’heure annoncé pour le financer, alors qu’il s’agit d’un indispensable investissement d’avenir.

Sur quels acteurs s’appuyer pour mettre en œuvre cette dynamique de croissance que nous appelons de nos vœux ? Pour ma part, j’estime qu’il faut davantage faire confiance aux initiatives locales et traiter les collectivités territoriales en partenaires actifs et reconnus.

Vous savez très bien que l’autonomie fiscale n’est pas contradictoire avec l’équilibre des finances publiques de la nation. Je rappelle, à cet égard, que les collectivités territoriales n’ont contribué que très marginalement à la dégradation des équilibres financiers du secteur public, en termes tant de déficit que de dette. Dans ces conditions, pourquoi stigmatiser comme vous le faites la dépense publique locale ? L’État a pris le parti de se défausser sur les collectivités territoriales et de les installer dans la précarité financière.

Pourquoi affaiblir ainsi l’action publique locale ? L’édition d’aujourd’hui du journal Les Échos nous apprend que les investissements des collectivités territoriales ont régressé de plus de 2 % dès 2010. Qu’en sera-t-il dans les années à venir ? On peut craindre un renforcement de ce taux de décroissance, ce qui serait très inquiétant.

L’objectif commun n’est-il pas de promouvoir dans notre société un développement durable réel et porteur d’avenir ? La mise en œuvre d’un plan de soutien à l’investissement local en faveur des transports collectifs, des économies d’énergie ou de l’habitat de haute qualité environnementale pourrait concourir à la réalisation de cet objectif. Au lieu de cela, ce projet de budget entérine un recul avéré, et largement dénoncé, de la décentralisation.

Mon analyse est par conséquent que la croissance exige une politique économique et budgétaire plus ambitieuse, et d’abord la confiance ; or celle-ci est, à ce jour, loin d’être au rendez-vous.

La croissance passe en outre par un effort réel de solidarité ; or votre bouclier fiscal en exonère au contraire totalement les plus riches. Vous avez ainsi créé, dans notre pays, un sentiment d’injustice très démobilisateur. Admettez-le, l’existence du bouclier fiscal est un véritable scandale au cœur de notre République.

La croissance exige, par ailleurs, une ambition européenne renouvelée, car c’est de l’Europe unie que peut venir une véritable dynamique d’investissement et les nouveaux moyens financiers nécessaires. La France reste-t-elle porteuse d’une réelle ambition européenne ? Nous aimerions en être certains.

Enfin, la croissance doit s’appuyer sur un discours de vérité et de transparence quant à l’état financier du pays. Vous devez reconnaître objectivement devant les Français les erreurs stratégiques commises depuis 2002.

En conclusion, je voudrais affirmer ma conviction que seule une autre politique budgétaire, fondée sur la justice fiscale, l’efficacité de la dépense publique et une réforme en profondeur des prélèvements obligatoires, permettra un redressement durable et équilibré de notre pays.

La situation appelle, en effet, un véritable sursaut : de la fin des années quatre-vingt-dix à aujourd’hui, la production industrielle française a reculé de 10 % et l’emploi industriel de 20 % ; la part de marché de la France dans le commerce mondial est passée de 6,5 % à 3,7 % ; le nombre d’entreprises exportatrices a baissé de 110 000 à 91 000, contre 245 000 en Allemagne et 200 000 en Italie ; enfin, la balance commerciale de la France est passée d’un excédent équivalent à 1 % du PIB à un déficit s’élevant à 3 % du PIB.

Les multiples causes probables de cette situation ont toutes une racine commune, à savoir l’incapacité à s’investir efficacement dans des projets d’avenir et à promouvoir un nouveau modèle de croissance. Le projet de budget pour 2011 n’apporte pas, hélas ! les réponses appropriées que l’on était en droit d’attendre. Nous ne pourrons donc le voter en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orientations du projet de loi de finances pour 2011 se situent dans le droit fil de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, adoptée il y a quelques jours, mais que notre groupe a clairement rejetée.

À ce stade du débat, je souhaite définir les contours d’une autre orientation des politiques publiques, fondée sur une conception de la conduite des affaires et de la politique budgétaire de la nation à la mesure des enjeux de notre temps.

La persistance de la crise économique, avec ses désastreuses conséquences sociales, est une dure réalité. Depuis de nombreuses années, le budget de l’État est gravement déficitaire et la situation n’a cessé de se dégrader au fil des lois de finances successives. Ces dernières ont consacré l’abandon de fonctions essentielles de l’État et la mise en œuvre d’une baisse tendancielle des impôts prélevés sur les entreprises et sur les ménages les plus aisés.

Les systèmes fiscaux des pays développés ont un point commun : ils sont marqués par un processus de réduction des impôts sur la production, le capital, le patrimoine et les revenus en découlant. Ainsi, notre système de prélèvements obligatoires frappe lourdement les plus modestes, notamment par le biais des droits indirects, et touche de plus en plus légèrement les plus fortunés.

Sous prétexte de favoriser l’emploi et l’investissement dans les entreprises, ces politiques fiscales ont favorisé la mise en place de dispositifs de réduction de l’impôt dû par les titulaires des plus hauts revenus.

La baisse de l’impôt sur les sociétés ou la réduction de la taxe professionnelle, jusqu’à sa récente suppression, justifiées par une harmonisation fiscale européenne que personne n’exigeait,…

Mme Nicole Bricq. C’est exact !

M. Bernard Vera. … visaient prétendument à accroître la compétitivité de nos entreprises et à empêcher les délocalisations. Force est de constater que l’ensemble de ces dispositifs ont échoué : aucun des objectifs affichés n’a été atteint.

Le nombre de chômeurs, désormais supérieur à 3 millions, est particulièrement élevé. Avec la perte de 680 000 emplois dans les dix-huit derniers mois, celui des emplois salariés a connu une baisse qui n’avait jamais été observée auparavant. Enfin, les comptes publics, comme les comptes sociaux, sont dans le rouge.

Il faut donc clairement changer de cap et passer à une autre conception de la politique fiscale et budgétaire dans ce pays, en mettant en œuvre une réforme fiscale qui permette une meilleure redistribution des revenus, fondée sur une conception juste et équilibrée des impositions.

Cependant, si la justice fiscale est nécessaire, l’efficacité des mesures fiscales et l’économie générale de notre système fiscal sont tout aussi importantes.

Taxer plus fortement les plus-values sur cessions d’actifs vise non seulement à améliorer dans l’immédiat les comptes publics, mais aussi à progresser vers une taxation identique de tous les revenus au titre de l’impôt sur le revenu, seule source d’égalité de traitement et unique moyen de désintoxiquer l’économie des pratiques purement financières qui ont créé de profondes inégalités de patrimoine dans notre pays.

Les entreprises sont confrontées aux mêmes scandaleuses inégalités de traitement. Comment mettre sur le même plan les artisans, soumis au barème de l’impôt sur le revenu, et les grandes entreprises capitalistiques qui usent et abusent du régime des groupes, en parvenant, dans certains cas, à quasiment annuler leur contribution aux dépenses publiques ?

Là encore, comment ne pas pointer que la dépense fiscale, qui rend « neutres » les choix de gestion des grands groupes, coûte plusieurs dizaines de milliards d’euros au budget de l’État, soit bien plus que les quelques centaines de millions que l’on fait mine de concéder aux artisans, aux commerçants et aux PME ?

Une véritable revue de détail de notre fiscalité s’impose donc pour redonner tout son sens à la loi de finances. Celle-ci, loin de se borner à être « présentable » aux autorités européennes, doit avant tout répondre aux exigences et aux finalités d’un budget public, c’est-à-dire servir la population, l’économie de notre pays et la société française dans son ensemble.

Selon nous, nous ne pourrons retrouver le chemin de la croissance que grâce à une dépense publique faisant une juste place à la satisfaction des besoins collectifs des populations.

Si l’on examine la situation de développement des différents pays du monde en prenant en compte non pas le produit intérieur brut, mais des indices de développement humain tels que la prévention de l’exclusion sociale, le niveau d’éducation ou l’état sanitaire, il apparaît que les pays arrivant en tête du classement sont ceux qui ont un niveau élevé de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques. Ce sont des pays comme la Suède, la Finlande, la Norvège et le Danemark qui présentent ces caractéristiques : leurs choix de financement, en adéquation avec une large socialisation des besoins, ont permis d’atteindre un niveau supérieur de développement de la société.

Nous sommes donc clairement en faveur de la réhabilitation de la dépense publique, source de réduction des inégalités sociales et d’accroissement des possibilités de développement et de croissance de l’ensemble de l’économie et de la société.

Réfléchissons, mes chers collègues, à cette économie nord-américaine dont le handicap de croissance tient manifestement au mauvais état sanitaire d’une grande partie de la population et à la faiblesse de la formation initiale d’une large part de la jeunesse.

De même, les longues années de thatchérisme et de blairisme, en Grande-Bretagne, ont tellement maltraité le secteur de la santé publique et le système scolaire que la récession de 2008-2009 a été plus forte encore dans ce pays que chez nous. La raison en est simple : les inégalités sociales, lorsqu’elles ne sont pas corrigées par les politiques publiques, sont autant d’obstacles à la relance d’une véritable activité productive.

Réduire la dépense publique, en 2010, en 2011 et au-delà, comme vous nous y avez invités par la loi de programmation des finances publiques, c’est prendre le risque de handicaper la progression de l’ensemble de la société française.

Réformer l’impôt pour changer les comportements des agents économiques et relancer la dépense publique utile : voilà les deux orientations qui, à notre sens, peuvent faire à nouveau avancer notre pays et engendrer une croissance responsable, à même de réduire les difficultés du pays et les déficits accumulés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que vient faire un néophyte dans la discussion de ce projet de loi de finances ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pas de modestie excessive !

M. Jean-Paul Virapoullé. Si nous nous accordons, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, sur les conséquences de la crise mondiale pour l’économie, nous n’avons pas la même analyse des causes qui l’ont provoquée. La crise de 1929 était une dépression séculaire ; celle de 2008 ne le sera pas, car nous vivons désormais dans un climat de crise, et il est à peu près certain que d’autres crises surviendront.

On peut certes instruire le procès du Gouvernement, mais, comme l’a souligné le Premier ministre, cela fait vingt-cinq ans que nous votons des budgets en déséquilibre ! M. Marc vient de le souligner, le produit intérieur brut industriel a baissé de 10 % entre 1990 et 2007, et le nombre d’emplois industriels de 30 %, alors que nous avons connu, durant cette période, une alternance politique. S’agissant d’un problème aussi complexe, faire le procès des gouvernements successifs, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne me paraît pas être la bonne piste ; il convient de faire preuve d’humilité et d’objectivité.

Si nous ne procédons pas à notre examen de conscience, nous continuerons pendant des années encore à analyser des budgets en déficit et à faire des procès d’intention. La véritable cause de la crise, c’est que nous avons manqué la construction européenne.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est clair !

M. Jean-Paul Virapoullé. Nous avons cru au dogme idéologique du libre-échange, du marché autorégulé, dont nous avons fait un dieu parmi les dieux !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !

M. Jean-Paul Virapoullé. Au lieu de construire l’Europe politique, l’Europe puissance, démocratiquement gouvernée, on l’a confiée au marché. Aujourd'hui, ce grand marché passoire se trouve confronté à des puissances économiques organisées, en Asie et en Amérique latine.

Plus grave encore, nous avons construit un monde financier dérégulé. Les produits dérivés, la titrisation débridée, le surendettement né d’une libéralisation financière à outrance ont contribué à substituer progressivement une économie virtuelle à l’économie réelle. Aujourd’hui, des bulles spéculatives, des masses d’argent virtuel, sous forme notamment de bad debts, ne cessent d’apparaître et de provoquer des ravages.

Un président du NASDAQ s’est révélé être un escroc international ; il a été condamné par la justice américaine à cent cinquante années de prison. Si j’avais annoncé une telle chose voilà cinquante ans, on m’aurait envoyé à l’asile !

Vouloir imputer à ce gouvernement et à des causes nationales tous les maux qui nous accablent, c’est donc faire une grave erreur de diagnostic ! C’est la raison pour laquelle je présenterai modestement trois idées, à l’heure où la France assure la présidence du G 20.

J’ai lu le rapport Stiglitz et le rapport moral sur l’argent dans le monde de la Caisse des dépôts et consignations.

Je suggère tout d’abord que les Nations unies, auxquelles on accorderait, comme aux autres institutions internationales, des pouvoirs économiques, mettent en place un « code de la route » de la mondialisation, à l’instar de ce qui existe pour lutter contre les accidents mortels sur nos routes.

Je propose ensuite de créer, au sein du FMI, un « radar » sous la forme d’un observatoire de la mondialisation. Cet outil n’existant pas aujourd’hui, chacun fait ce qu’il veut comme il le peut. D’ailleurs, le Président chinois nous l’a dit lui-même : chaque pays doit prendre ses responsabilités ! Or je pense que ces responsabilités devraient être prises collectivement.

J’émets enfin l’idée que le G20 agisse comme un véritable régulateur de la mondialisation.

Si ces trois préconisations ne sont pas mises en place, nous courons au-devant de graves mésaventures économiques, sociales, humaines, aussi. Et nous aurons beau pleurer sur notre sort national, nous aurons beau chercher des remèdes nationaux – il en existe ! –, rien n’aboutira sans recherche de solutions à l’échelon européen, à l’échelon international.

J’en viens maintenant à l’une des régions qui m’intéresse particulièrement, à savoir l’outre-mer.

Monsieur le ministre, mais je m’adresse aussi au rapporteur général et au président de la commission des finances, je dis oui au rabot ; non à la guillotine ! Quant à la lime à ongles, c’est à voir … (Sourires.)

Monsieur le ministre, à l’Assemblée nationale, vous avez déposé un amendement visant à geler la défiscalisation pour le secteur photovoltaïque pendant six mois. Vous justifiez cette décision par le fait qu’il y a eu des abus. Des abus ? Non, monsieur le ministre, des escroqueries ! Je peux même vous donner les noms et les adresses. Envoyez dès la semaine prochaine deux inspecteurs généraux pour les contrôler et vous pourrez récupérer la totalité de l’argent qu’ils ont volé à l’État. Le problème sera ainsi réglé.

Je ne suis pas complice de ces voleurs, qu’il s’agisse de défiscalisation ou pas ! Nous ne pouvons exister comme département français d’outre-mer que si nous jouons la carte de la loyauté, de l’honnêteté, de la sincérité et de l’efficacité dans l’utilisation de l’argent public. Mais les honnêtes gens n’ont pas à payer pour les escrocs !

Alors, suspendez la réalisation des grandes installations photovoltaïques, soit ! Demandez à une commission d’effectuer un véritable diagnostic, de dégager des solutions pour l’avenir et de rédiger un rapport, puis nous verrons ce qu’il conviendra de faire au mois de juin. En revanche, pour les petites installations, acceptez la défiscalisation sur agrément au premier euro, comme ma collègue Anne-Marie Payet et moi-même vous le proposerons.

Permettez-moi tout de même de noter que, si nous sommes dans cette situation, la faute est partagée, et l’État a sa part de responsabilité. Nous réclamons depuis huit mois au ministère que vous avez l’honneur de diriger la publication du décret concernant le watt-crête, c’est-à-dire le prix maximum du watt produit. Si ce décret avait été publié, il n’y aurait pas eu d’abus.

Vous l’avez dit vous-même quand je vous ai rencontré à Biarritz : le logement doit être sanctuarisé. Vous l’avez fait pour le logement social, et je vous en remercie, monsieur le ministre.

En revanche, pour le dispositif Scellier « DOM », les décrets ont été pris tardivement en 2010. Nous souhaiterions, ma collègue Anne-Marie Payet et moi-même, ainsi que d’autres élus de l’outre-mer – si Serge Larcher était présent, c’est une demande qu’il aurait également formulée –, que le rabot puisse être appliqué à ce dispositif - après tout, il n’y a pas de raison -, mais au 1er janvier 2011. En effet, la politique du logement intermédiaire n’a pas encore démarré.

Je terminerai sur une image pleine de promesses.

Savez-vous, mes chers collègues, et je m’adresse notamment à ceux qui vivent dans des régions de pêche maritime, que la France possède, grâce à la Réunion, à Mayotte, à l’archipel des Kerguelen et aux îles Crozet, un espace maritime pillé par les Japonais, les Coréens, les Chinois dont la surface vaut sept fois celle de la Méditerranée. Sept fois, mes chers collègues !

Qu’attend la France pour mettre en place une politique de pêche dans cette zone ?

M. Gérard Longuet. Il y a aussi les îles du canal du Mozambique !

M. Jean-Paul Virapoullé. En effet !

Au lieu de gémir sans cesse, rendez-vous compte que nous avons là des zones de croissance, des zones d’expansion économique : plus de 700 000 tonnes de thon y sont pêchées. Or, dans le même temps, les pêcheurs de métropole se battent pour se répartir des quotas qui rétrécissent comme peau de chagrin.

Monsieur le ministre, je voterai évidemment ce projet de loi de finances. J’appartiens à une majorité, je suis donc loyal. Sachez que je n’engage pas un rapport de force avec le Gouvernement. Je suis simplement un militant qui lui apporte ses réflexions. Reste que je voudrais que vous preniez en compte nos demandes, qui, elles aussi, sont non seulement loyales, mais également justes et équitables.

Vous le savez, l’outre-mer n’a pas un nombre infini de secteurs de développement. Nous avons le logement, le photovoltaïque, l’agroalimentaire, les nouvelles technologies, le tourisme et, demain, la pêche.

Merci de faire preuve de solidarité, et elle est réciproque, entre l’outre-mer et la métropole ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)