compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Jean-Paul Virapoullé.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

mise en œuvre du projet de ligne à grande vitesse en normandie

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question n° 1053, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur la mise en œuvre du projet de ligne à grande vitesse Paris-Normandie dont le Président de la République a annoncé la réalisation lors de sa visite au Havre, le 16 juillet 2009.

Si l’objectif de cette ligne est de faire en sorte que Paris se dote, dans le cadre du Grand Paris, d’une porte maritime, je souhaiterais obtenir quelques assurances sur le fait que le projet concerne bien tout le territoire normand. La future LGV normande doit en effet être l’occasion d’engager une réflexion d’ensemble sur l’aménagement de ce territoire, et je rappelle que ce projet ne sera viable que s’il concerne un tracé desservant Paris-Rouen-Caen-Le Havre.

C’est, en effet, un projet transrégional que l’on doit avoir pour ambition d’élaborer, car il est d’une importance considérable pour l’avenir économique de l’Île-de-France, de la Basse-Normandie et de la Haute-Normandie.

À ce propos, je tiens à souligner l’action conjointe, au sein de l’association pour la promotion du TGV Paris-Normandie, des trois conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, les CESER, et de l’ensemble du monde consulaire de ces trois régions.

À cet égard, je tiens à relayer l’inquiétude exprimée par les présidents des trois CESER face à la difficile mise en œuvre de ce dossier depuis l’annonce du Président de la République. Même si l’on ne peut que se féliciter de l’inscription, au printemps dernier, de ce projet au schéma national des infrastructures de transport, la place qui lui a été accordée ne contribue pas à rassurer les acteurs régionaux.

Cette inquiétude n’a fait que croître en apprenant que le débat public ne devrait intervenir qu’à l’automne 2011 pour s’achever en février 2012 si, comme on peut le souhaiter, RFF a bien saisi la Commission nationale du débat public d’ici à la fin du mois de janvier 2011. Aussi vous demanderai-je, monsieur le secrétaire d'État, de veiller à ce qu’il en soit ainsi, voire, si possible, de faire en sorte que le débat public commence dès la mi-2011.

Enfin, j’aimerais obtenir des assurances quant au délai de mise en œuvre de ce projet, concernant notamment le calendrier de réalisation des travaux. Il faut dès maintenant envisager le projet de manière qu’il soit mené jusqu’à son terme et que la LGV relie in fine le portuaire à l’aéroportuaire, c'est-à-dire que la ligne aille du Havre à Roissy.

En effet, au vu de son coût, un tel chantier ne peut se réaliser que par phases. S’il paraît sans aucun doute réaliste que la première tranche s’arrête à La Défense, j’insiste sur le fait que l’on doit envisager de prolonger, à terme, le tracé de cette ligne jusqu’à Roissy, ce qui permettrait de connecter la Normandie au réseau TGV français et européen.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Madame la sénatrice, lors de son déplacement au Havre, le 6 juillet dernier, Jean-Louis Borloo a bien entendu la requête de l’ensemble des élus en faveur d’un calendrier resserré pour la ligne nouvelle. Aussi a-t-il demandé à Réseau ferré de France et à Jean-Pierre Duport, président du comité de pilotage, d’accélérer le plus possible la date de lancement du débat public, qui portera sur l’ensemble de l’ouvrage Paris-Normandie, dont la section Paris-Mantes constituerait une première tranche fonctionnelle. Il en résulte un calendrier resserré.

Pour que le débat public soit engagé à l’automne 2011, Réseau ferré de France doit saisir la Commission nationale du débat public, la CNDP, dès février 2011, sur la base d’un dossier simplifié.

Les études techniques, économiques et environnementales constituant le dossier de saisine de la CNDP et le dossier support du débat ont commencé dès septembre 2010 et se poursuivront pendant un an. Elles s’appuieront sur le dossier stratégique déjà présenté par RFF et sur toutes les contributions qui ont été apportées par les collectivités et organismes associés.

Le comité de pilotage ainsi que les comités territoriaux sont tenus régulièrement informés des résultats de ces études. C’est ainsi que les premiers scénarios ont pu être présentés au dernier comité territorial réuni le 14 octobre dernier à Rouen.

Le débat public sera l’occasion de présenter diverses options de passage et d’éclairer les décideurs sur les conditions de poursuite de cette opération, notamment pour ce qui concerne le ou les tracés à retenir pour les études opérationnelles qui suivront.

Madame la sénatrice, je sais l’importance que vous attachez à ce projet, et je partage votre idée selon laquelle il doit s’agir d’un grand projet d’aménagement pour la France, notamment pour les trois régions concernées, à savoir l’Île-de-France, la Basse-Normandie et la Haute-Normandie.

Ce matin, après avoir répondu à deux questions orales sans débat, ici, au Sénat, je vais participer à l’inauguration d’un nouveau tronçon de ligne TGV en direction de la Suisse. Ne doutez pas que, au cours des trois heures que je passerai avec le responsable de RFF, je ne manquerai pas d’évoquer la ligne à grande vitesse en Normandie et demanderai le respect du calendrier afin que ce projet puisse voir le jour le plus tôt possible.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse. Toutefois, une question demeure en suspens. J’aimerais avoir l’assurance qu’il est envisagé de prolonger, à terme, la ligne grande vitesse pour relier le portuaire à l’aéroportuaire, c'est-à-dire Le Havre via Rouen à Roissy.

ventes de listes d'appartements aux étudiants par certaines agences immobilières

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 1051, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.

M. Yannick Bodin. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur les ventes de listes d’appartements aux étudiants par certaines agences immobilières, communément appelées les « marchands de listes ».

Le principe est simple : une agence immobilière fournit au client une liste de logements à louer, moyennant le versement d’une somme d’argent. C’est ensuite au locataire potentiel de contacter directement les propriétaires.

Cependant, dans les faits, règne un véritable scandale dans la mesure où les marchands de listes n’assurent pas le service promis.

En effet, les annonces ne sont pas réactualisées, correspondent rarement à la demande formulée à l’origine par l’étudiant, ou les contacts ne sont pas joignables. Lorsque les clients mécontents exigent le remboursement de la somme versée au départ, les marchands de listes, la plupart du temps, refusent. Bref, il s’agit d’une pure escroquerie et d’une exploitation des jeunes étudiants, qui sont dans l’angoisse de trouver un logement.

Chaque année, cette arnaque continue à faire de nombreuses victimes : les étudiants, manquant de temps pour trouver un logement, sont attirés par le moindre coût de cette pratique, en comparaison avec les traditionnels frais d’agence.

Pourtant, une loi existe, mais le cadre réglementaire qu’elle fixe reste limité : elle oblige à établir une convention écrite avec « les caractéristiques du bien recherché, la nature de la prestation promise au client et le montant de la rémunération incombant à ce dernier » et précise que le paiement ne peut plus avoir lieu avant la transmission de la liste.

Actuellement, les contrats ne sont pas assez précis pour établir une réelle obligation de respecter le souhait du client. Les caractéristiques des logements recherchés se limitant à quelques critères, il est ensuite facile soit de proposer des appartements correspondant assez peu à la recherche initiale, soit de fournir une liste ne comportant qu’un ou deux appartements.

Il est donc nécessaire d’imposer des contrats plus détaillés, qui obligent les agences immobilières à remplir le service qu’elles promettent, à savoir mettre en relation propriétaires et locataires en accord sur une offre locative.

Par ailleurs, le paiement du service rendu devrait s’effectuer une fois le client satisfait, ce qui serait un gage de sérieux et dissuaderait les agences de fournir la même liste à des dizaines et des dizaines de clients.

J’ai noté que le Gouvernement a récemment demandé à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, d’enquêter sur ce sujet afin de mieux contrôler les agences immobilières qui se livrent à de telles pratiques. Nous serons nombreux à examiner les conclusions de cette enquête et serons surtout attentifs à la suite que donnera le Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d'État, il est primordial de réformer le marché locatif, car les étudiants sont impuissants face à l’explosion des prix et de la demande. Vous le savez, il n’existe, en France, que 160 000 logements pour 1,3 million d’étudiants. Il appartient donc à l’État de faire en sorte que ceux-ci puissent se loger rapidement, à des coûts raisonnables et dans le cadre de contrats sérieusement encadrés.

Pouvez-vous me dire où en est le Gouvernement sur ce sujet, qui, croyez-moi, préoccupe à chaque rentrée des milliers d’étudiants et de familles ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous avez soulevé un vrai problème.

L’activité de marchand de listes est régie par les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet. Une carte portant la mention « marchand de listes » doit être sollicitée auprès de la préfecture compétente pour l’exercice de cette activité.

Afin de garantir que les offres figurant sur les listes correspondent à des biens effectivement mis sur le marché, cette réglementation prévoit l’obligation, pour le professionnel, de conclure une convention écrite avec le propriétaire du bien, ainsi qu’une convention avec l’acheteur de listes ou de fichiers, en vue de préciser notamment les caractéristiques du bien recherché et les moyens à mettre en œuvre pour que ne figurent sur la liste que des biens disponibles.

Par ailleurs, aucune somme d’argent ou rémunération n’est due au marchand de listes ou ne peut être exigée de lui préalablement à la parfaite exécution de son obligation de fournir effectivement les listes ou fichiers.

Malgré ce dispositif juridique contraignant, des pratiques consistant à proposer des listes non actualisées ou ne correspondant pas aux critères de choix ont été constatées – vous l’avez souligné, monsieur le sénateur –, constat que nous partageons, hélas !

Afin de mettre un terme à ces pratiques illicites, mon collègue Benoist Apparu a demandé au secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation de mobiliser la DGCRF pour étendre ses contrôles aux marchands de listes, lesquels ont débuté le 11 octobre dernier.

Plus généralement, M. le secrétaire d’État chargé du logement a demandé aux partenaires, notamment à l’UNPI, l’Union nationale de la propriété immobilière, à l’UNIS, l’Union des syndicats de l’immobilier, et à la FNAIM, la Fédération nationale des agents immobiliers, de lui faire des propositions pour moraliser la location des micro-surfaces.

Le Gouvernement attend bien évidemment rapidement de leur part des propositions sur la question des marchands de listes, en vue de faire évoluer ce dispositif. Comme vous connaissez bien cette question, monsieur le sénateur, vos suggestions, ou celles d’éminents collègues, seront les bienvenues.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Monsieur le secrétaire d'État, je tiens à vous remercier de votre réponse, car elle témoigne du fait que cette préoccupation est unanimement partagée.

Néanmoins, ce souci est récurrent : chaque année, lors de la rentrée universitaire notamment, les étudiants se plaignent d’avoir payé pour obtenir des listes qui ne correspondent pas à la demande qu’ils ont formulée ou nous signalent que le contact indiqué ne leur répond pas.

Certes, des contrôles ont été mis en place ; mais ceux-ci, on le sait, sont la plupart du temps ponctuels.

Par ailleurs, de quels moyens disposez-vous ? Quels résultats peut-on attendre ? Les cas d’espèce sont multiples dans la seule ville de Paris, et je ne pense pas que vous ayez les moyens de réaliser ces contrôles au-delà du périphérique, si je puis dire, voire ailleurs, alors que l’ensemble de notre pays est concerné.

Tôt ou tard – et le plus tôt sera le mieux ! –, une initiative législative devra s’imposer pour encadrer cette pratique. Certes, on peut faire confiance aux agences immobilières, qui font elles-mêmes confiance aux étudiants et les respectent. Mais lorsque les agissements s’apparentent quelque peu à de l’escroquerie, il faut envisager de réprimer.

situation du lycée agricole de wallis-et-futuna

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, auteur de la question n° 1031, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

M. Robert Laufoaulu. Ma question concerne le lycée agricole de Wallis, dossier que j’ai porté depuis ces dernières années avec le président de l’assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna et qui a reçu le soutien total des différentes autorités locales.

Ce lycée est un peu notre enfant, mais il doit le jour à l’écoute et à la réactivité de Bruno Le Maire et de Marie-Luce Penchard, que je remercie tous deux, ainsi qu’à l’aide de Luc Chatel dans la mesure où le ministère de l’éducation nationale prête ses locaux.

Actuellement, en effet, les enseignements agricoles ont démarré dans un collège de Wallis, et l’effectif dépasse soixante-dix élèves.

À la rentrée 2012, le lycée qui doit voir le jour devrait compter plus d’une centaine d’élèves. Sa création et son développement répondent à une orientation vitale pour un territoire aussi isolé que Wallis-et-Futuna.

Pour filer la métaphore, je dirai que ce lycée, pour grandir, pour prendre son essor et devenir adulte, a d’abord besoin d’un décret officialisant son existence. Je sais que ce décret est en cours de préparation et je souhaiterais savoir à quel moment sa parution est prévue.

Mais il faut aussi des moyens matériels, financiers et humains. Pourriez-vous m’apporter des précisions sur ce point, sachant que le ministère de l’outre-mer, en prévision de l’ouverture du lycée en janvier 2011, a accordé une délégation de crédits de 60 000 euros, sur les 110 000 euros nécessaires, pour l’amélioration des équipements ?

Nous comptons beaucoup sur l’aide du Gouvernement pour trouver dès que possible les 50 000 euros complémentaires, correspondant à l’achat d’un tracteur nécessaire à l’enseignement agricole qui sera délivré.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. Bruno Le Maire, lequel participe en ce moment au conseil des ministres.

Monsieur Laufoaulu, les préoccupations que vous exprimez sur l’avenir du lycée agricole de Wallis-et-Futuna témoignent de l’intérêt et de l’attention que vous manifestez à l’égard de l’enseignement agricole, reconnu comme une filière de réussite et d’insertion sociale et professionnelle dans les territoires, par la diversité de son offre de formation et l’originalité de son ancrage local.

Comme vous le savez, le projet de décret portant création de l’établissement public national d’enseignement et de formation agricoles, dénommé « lycée professionnel agricole de Wallis-et-Futuna », est entré dans la phase finale de consultation auprès des ministres de l’éducation nationale, de l’outre-mer et du budget. Sa parution au Journal officiel est prévue en décembre 2010, pour une mise en application au 1er janvier 2011.

L’accompagnement de cette création, dont vous avez été l’un des initiateurs, a été prévu de la façon suivante.

Pour la prise en charge des coûts d’investissement, le ministère chargé de l’outre-mer s’est engagé sur le versement, dès la création du lycée professionnel agricole, d’un montant de 60 000 euros.

Au titre des coûts de fonctionnement, la subvention versée par le ministère de l’agriculture sur le programme 143 a, de son côté, progressé de 12 %. Cette augmentation correspond à une enveloppe supplémentaire de 8 000 euros, qui a été budgétée dès l’année 2010.

Toutes les possibilités de financement complémentaires au fonctionnement de cet établissement seront examinées avec beaucoup d’attention. Enfin, je souligne que sa dotation en emplois passe de 7,5 équivalents temps plein travaillé pour l’année 2010 à 8 équivalents temps plein pour l’année 2011.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d’État pour cette réponse. J’attends bien sûr la visite de Mme Penchard et de M. Le Maire, qui viendront certainement voir ce lycée. Ils seront accueillis avec beaucoup d’attention et de reconnaissance.

sanctions disciplinaires voire pénales à l'encontre des fonctionnaires en application de l'article 40 du code de procédure pénale

M. le président. La parole est à M. René Vestri, auteur de la question n° 1073, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. René Vestri. Madame la secrétaire d’État, je veux attirer votre attention sur l’obligation de dénonciation faite aux fonctionnaires par l’article 40 du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004.

Cette obligation juridique s’impose non seulement aux fonctionnaires de police mais aussi à toutes les catégories de fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales.

En effet, cet article 40 stipule que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

Alors que les termes de ce texte paraissent clairs, force est de constater que les modalités d’application de cette disposition sont plus que variables et parfois même arbitraires.

J’en veux pour preuve un cas particulier survenu dans mon département des Alpes-Maritimes. Conformément aux dispositions générales de l’article 40, un élu a dénoncé aux plus hautes autorités de l’État les conditions d’attribution d’un marché public portant sur un montant de 150 millions d’euros.

Moi-même, interpellé par différentes associations, je suis intervenu auprès du préfet pour appuyer le dossier, mais aucune réaction des instances de l’État n’est venue étayer ma demande.

Je ne comprends pas cette attitude et je crains que cette situation ne fasse qu’accroître la défiance des citoyens envers l’État, les collectivités locales et la justice.

Aussi, madame la secrétaire d’État, pourriez-vous m’apporter des précisions sur les modalités d’application de l’article 40 du code de procédure pénale et celles de l’article 434-1 du code pénal ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Michel Mercier, qui participe en ce moment au conseil des ministres.

Monsieur Vestri, comme vous l’avez rappelé, l’article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale couvre un domaine beaucoup plus large que d’autres obligations légales qui imposent un devoir de révélation à certaines autorités. Il n’opère pas de distinction entre les crimes et délits selon leur gravité.

Il concerne tous les crimes et délits dont aurait connaissance un fonctionnaire, un officier public ou toute autorité constituée.

Ces personnes sont soumises à des devoirs et à des obligations plus étendus que les citoyens ordinaires, puisque leurs fonctions imposent de servir l’intérêt général dont l’État est le garant.

Cette exigence a été rappelée depuis de nombreuses années par les gardes des sceaux successifs. En effet, l’absence de révélation par l’administration de faits portés à sa connaissance, à l’occasion de l’exercice de ses missions, conduit cette dernière à apprécier, au lieu et place du ministère public, l’opportunité des poursuites. Elle a donc une obligation de révélation.

À l’inverse, et pour les mêmes raisons, un signalement adressé au parquet au titre de l’article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale ne lie pas le ministère public. Ce dernier conserve l’opportunité des poursuites, comme pour toutes les plaintes et dénonciations dont il est saisi. Le parquet apprécie en effet les suites qu’il convient de réserver au signalement, selon les distinctions précisées à l’article 40-1 du code de procédure pénale introduit par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, à savoir la mise en mouvement de l’action publique, l’engagement d’alternatives aux poursuites ou le classement sans suite.

La loi précitée a également institué, à l’article 40-2 du code de procédure pénale, le principe d’un avis du parquet aux plaignants, aux victimes et aux personnes ou autorités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 40 du même code, quand des poursuites ou des alternatives aux poursuites ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement.

Cette information réciproque des autorités administratives et judiciaires sur les infractions dénoncées et les suites qui leur sont réservées à travers l’avis paraît de nature à faciliter, dans le respect des attributions de chacun, un fonctionnement transparent de la vie publique, conforme aux attentes légitimes de nos concitoyens.

Les prescriptions de l’article 40 du code de procédure pénale ne sont assorties d’aucune sanction pénale.

Mme la présidente. La parole est à M. René Vestri.

M. René Vestri. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de rappeler les contraintes de l’article 40.

Dans le cas que je viens d’évoquer, il s’agit d’un marché public de 150 millions d’euros, au sujet duquel le doute était flagrant et la tentative de fraude certaine. Le maire ayant été avisé, il a immédiatement bloqué le marché. C’est donc la preuve qu’il s’est passé quelque chose.

Je pars d’un principe très simple : pour apprécier, il faut comparer. Or, j’ai pu constater que, dans une affaire portant sur 3 000 euros, des perquisitions avaient été immédiatement opérées, des mises en garde à vue avaient été effectuées, et l’ensemble d’un conseil municipal avait été appelé à témoigner. Il s’agissait, je le répète, de 3 000 euros. Or, dans le cas particulier que je viens d’évoquer, madame la secrétaire d’État, c’était un marché public de 150 millions d’euros ! Et rien, rien n’a été fait ! Voilà ! C’est tout !