M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, j’ai décidé de m’abstenir sur ce projet de budget, parce que certaines orientations ne me conviennent absolument pas.

Depuis un certain nombre d’années, la France est confrontée à un déficit budgétaire considérable.

En matière d’endettement, l’État, comme un ménage, doit, d’un côté, s’efforcer de dépenser moins et, de l’autre, essayer de gagner le plus d’argent possible.

Depuis que l’actuel président de la République est à l’Élysée, on a constamment diminué les ressources de l’État.

M. Jean Louis Masson. Je citerai, par exemple, la loi TEPA, la baisse de la TVA dans la restauration, ou encore la suppression de la taxe professionnelle dont, soit dit en passant, on nous avait assuré qu’elle ne coûterait que quelques milliards d’euros, alors que le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale vient de nous apprendre que le coût de cette réforme, estimé à 3 ou 4 milliards d’euros, s’élèverait plutôt à sept milliards d’euros, pour l’instant…

Le Président de la République déclare qu’il faut s’inspirer de ce que font les Allemands. Mais, étant à l’Élysée depuis un certain temps, il aurait pu s’en rendre compte un peu plus tôt !

En outre, force est de constater que nous ne prenons pas du tout le même chemin que nos voisins.

Les Allemands, depuis un certain nombre d’années, ont pris des mesures sérieuses, ont fait des efforts considérables, n’ont pas jeté l’argent par les fenêtres par tout un ensemble de détaxations, de suppressions d’impôts, comme on l’a vu avec l’actuelle politique qui est conduite.

C’est la première raison qui m’amène à dire que je ne peux pas voter ce budget.

Par ailleurs, je considère que les orientations budgétaires fiscales sont des orientations qui vont complètement à l’encontre de la justice et de l’équité fiscales. Il n’est plus question pour moi de voter un budget où l’on conserve le bouclier fiscal.

Il suffit de voir l’actualité récente. Des super millionnaires, qui étaient censé profiter du bouclier fiscal pour ne pas mettre leur argent à l’étranger, non seulement ont profité du bouclier fiscal en empochant chaque année des millions d’euros, mais continuent de mettre leur argent à l’étranger.

Un sénateur du groupe socialiste. C’étaient des milliardaires !

M. Jean Louis Masson. En effet.

Aussi, je pose la question : quand certaines personnes peuvent distribuer non pas des millions d’euros, mais des milliards d’euros comme je l’entendais à la radio, quand on peut distribuer à un photographe un milliard d’euros, pourquoi ne pourrait-on pas payer le bouclier fiscal ? (Mme Annie Jarraud-Vergnolle applaudit.)

Au regard de la loi portant réforme des retraites et d’un certain nombre de décisions difficiles qui sont prises, il est inconcevable de demander à nos concitoyens de base de faire des efforts si, dans le même temps, la politique qui est conduite et qui est impulsée depuis l’Élysée favorise systématiquement les personnes les plus aisées, et ne prend pas en compte les problèmes de ceux qui rencontrent des difficultés.

Pour ces raisons, j’ai décidé de m’abstenir et je tiens à le dire. Ce n’est pas la première fois que je m’abstiens sur le budget.

M. René-Pierre Signé. Il faut voter contre !

M. Jean Louis Masson. Pour ma part, il est hors de question de voter un budget à l’avenir où l’on n’aurait pas supprimé le bouclier fiscal.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas mal, mais il faut aller plus loin et voter contre !

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de la discussion générale, j’ai exprimé un certain nombre de doutes quant à la crédibilité, la pertinence et, enfin, l’équité du projet de loi de finances pour 2011. Vous ne serez pas surpris si je vous dis, aujourd’hui, que ces doutes n’ont pas été levés depuis, malgré la qualité des échanges que nous avons eus au cours de toutes ces journées et toutes ces longues nuits de débats.

Monsieur le ministre, vous ne tirez pas les leçons du passé en fondant ce budget pour 2011 sur une hypothèse de croissance bien trop élevée. J’aimerais partager votre optimisme sur la prévision de 2 % de croissance. Mais vous savez très bien que la moyenne des prévisions du groupe d’experts relative à la croissance française est de 1,53 %, et que l’embellie ne tient en grande partie qu’à une consommation soutenue par les déficits publics.

Par ailleurs, nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles tensions obligataires, bancaires et boursières. Si l’activité économique se ralentit au cours des prochains mois, cela ne sera pas neutre en termes de recettes fiscales. Vous semblez l’oublier. Et je pense que ce ne sont pas les choix que vous avez opérés en termes de dépenses qui vont soutenir l’activité de notre pays.

Si on peut comprendre votre volonté de faire glisser le déficit public de 7,7 % à 6 % en 2011, on peut néanmoins vous reprocher de vous abriter derrière la norme « zéro volume », désormais complétée par la norme « zéro valeur », pour pratiquer des coupes claires sur des missions dont les actions sont pourtant essentielles à la cohésion économique et sociale de notre pays. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Je pense en particulier à l’éducation nationale dont les suppressions de postes conduisent des directeurs d’école à se transformer en recruteurs pour boucher les trous ! (Mme Odette Herviaux et M. Jean-Louis Carrère applaudissent.)

En matière de logement, vous n’avez pas hésité à ponctionner les HLM,… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yvon Collin. … chers à notre collègue Thierry Repentin.

La sécurité, pourtant une des priorités du candidat Nicolas Sarkozy, voit ses crédits fondre, alors que la violence aux personnes continue d’augmenter. Sur le terrain, la fermeture de commissariats et d’antennes de quartier est très mal vécue par nos concitoyens et par les élus locaux.

M. Jean-Louis Carrère. Et de gendarmeries aussi !

M. Yvon Collin. Ce sont ces mêmes élus locaux qui doivent jongler avec des moyens de plus en plus restreints et une autonomie fiscale de plus en plus réduite. Alors que les collectivités locales représentent un investisseur public essentiel, et qu’elles sont aussi le pivot de l’aide sociale, le gel de leurs dotations pour trois ans est un mauvais choix, et, de surcroît, une atteinte aux libertés locales ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) Quant à la péréquation des ressources, dont nous avons longuement débattu tout à l’heure, cela reste un doux rêve ! Une fois de plus, le principe de l’équité me semble mis à mal.

Il en va des collectivités comme des particuliers : la justice fiscale exige de remettre à plat notre système d’imposition pour permettre une véritable redistribution des revenus.

M. Jean-Louis Carrère. Très bien ! 

M. Yvon Collin. Le sort que vous avez réservé à certaines niches fiscales n’est pas de nature à bouleverser l’architecture budgétaire,…

M. Jean-Louis Carrère. Effectivement !

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Yvon Collin. … qui continue de pénaliser les plus modestes mais aussi les classes moyennes.

Certains de nos amendements, comme celui du RDSE rétablissant l’abattement de 15 % sur les cotisations sociales des particuliers employeurs, étaient destinés à encourager l’emploi et la prise en charge des plus fragiles. Il a été adopté par le sénat avant qu’une seconde délibération vienne remettre en cause ce vote. La multiplication des secondes délibérations, monsieur le ministre, bafoue les droits du Parlement.

C’est décidément une manie, une étonnante manie d’ailleurs, de la part d’un gouvernement qui nous a expliqué en 2008, à Versailles, toute la place qu’il comptait réserver aux droits des assemblées parlementaires dans la Constitution. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Mes chers collègues, parce que le pacte républicain est une nouvelle fois malmené dans ce projet de loi de finances, parce le Gouvernement ne s’attaque pas fondamentalement aux injustices et à l’affairisme qui gangrènent notre société et marginalisent de plus en plus de Français, la majorité des membres du RDSE et l’ensemble des radicaux de gauche se prononceront contre ce projet de loi de finances.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Yvon Collin. Enfin, monsieur le président, au terme de ce marathon budgétaire qui a suivi les textes sur les retraites et le PLFSS, je tiens, au nom de mon groupe, à remercier et à féliciter l’ensemble de nos collaborateurs, et plus largement l’ensemble du personnel du Sénat, avec une mention très spéciale pour les services des comptes rendus pour lesquels les conditions de travail ne vont pas en s’améliorant et qui nous offrent malgré ces difficultés un parfait reflet de la vie colorée et animée de notre assemblée : ils méritent, eux, vos applaudissements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – MM. Daniel Dubois et Charles Guené applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus encore que les années précédentes, la discussion budgétaire aura été longue et éprouvante. Voici enfin venu le moment du vote de la « loi mère », décidant des moyens d’action financiers de l’État. Ce projet de loi de finances vise à relever un double défi : ralentir la progression de la dette et réduire le déficit de 60 milliards d’euros.

Le « rabot » fiscal aura été pour y parvenir un outil essentiel, nécessaire et parfois très douloureux. Les dépenses fiscales diminueront de 500 millions d’euros en 2011, de 2,7 milliards d’euros en 2012 et de 3,6 milliards d’euros en 2013. Il faudrait bien sûr, comme le souhaite le rapporteur général, aller encore plus loin dans la réduction de la dépense.

Sur la période 2011-2014, la règle retenue pour l’indexation des dépenses de l’État, incluant les concours aux collectivités territoriales et à l’Union européenne mais excluant les pensions des agents publics et les intérêts de la dette, se perfectionne en tenant compte de l’inflation et d’une stabilisation à périmètre constant. La Palice aurait pu le dire tout autant que nous : nous ne parviendrons pas à l’équilibre budgétaire sans un effort partagé entre la réduction de la dépense et le maintien des recettes.

Depuis des années, la commission des finances du Sénat, sur l’initiative de M. le président Arthuis et du rapporteur général M. Marini défendue notamment par moi-même, prône l’adoption de son fameux triptyque : « Suppression de l’ISF, suppression du bouclier fiscal, création d’une cinquième tranche d’impôt ».

M. Jean-Louis Carrère. Oui pour les deux dernières, non pour la première !

M. Aymeri de Montesquiou. Son objectif ? Une plus grande justice sociale et fiscale. Cette idée, « tellement séduisante qu’elle mérite une longue réflexion » selon le rapporteur général M. Carrez, pénètre progressivement les esprits, y compris ceux des ministres.

Le triptyque est même devenu une tétralogie, en ajoutant les revenus du patrimoine. Quelle est votre position, monsieur le ministre ?

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que les propositions de la commission des finances auraient pu être mises en œuvre plus tôt ? Le terme de sagesse souvent employé pour le Sénat n’est pas un hasard ! Visant à accorder toute sa place au Parlement, la récente réforme constitutionnelle devait se traduire, avant tout, par plus de considération pour les propositions des parlementaires,…

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. … et en l’occurrence celles des commissaires des finances en matière budgétaire. Peut-être pourriez-vous désigner un volontaire pour étudier nos recommandations ?

M. Aymeri de Montesquiou. Le Président de la République lui-même mesure bien la pertinence de nos travaux, en imaginant un projet de réforme profond, indispensable et consensuel de notre fiscalité,…

M. Jean-Louis Carrère. Je ne vois pas comment un tel projet pourrait être consensuel !

M. Aymeri de Montesquiou. … projet fondé sur notre tétralogie !

Par ailleurs, l’idée de rapprocher les systèmes fiscaux des pays de la zone euro, en particulier français et allemand, va assurément dans le bon sens. Mais il faudra beaucoup d’intelligence et d’abnégation pour harmoniser des systèmes aussi éloignés qu’effroyablement complexes. Quelle méthode comptez-vous mettre en œuvre pour atteindre cet objectif ?

La comparaison de notre fiscalité, et notamment de nos prélèvements obligatoires, à celle de nos voisins représente indiscutablement une voie à suivre. En effet, nombre de nos débats l’ont bien montré au cours de cette loi de finances, le dumping fiscal entraîne déstabilisation de l’euro, perte de compétitivité. La liste est longue des maux qu’il fait subir à notre économie. À cet égard, il est fort dommage que les recommandations du président Delors en faveur d’un rapprochement de nos fiscalités et des politiques communes n’aient pas été entendues en leur temps.

Notre déficit de compétitivité ne cesse de se creuser. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, il faut plus que jamais inciter les entreprises à investir, en particulier dans le domaine de la recherche.

Les efforts considérables entrepris pour tendre à l’équilibre dans le cadre de la programmation triennale me conduisent à voter le budget pour l’année 2011. Mais les plus grands défis budgétaires restent à venir. Je serais vigilant, comme l’ensemble de mes collègues du RDSE, sur les travaux préparatoires à la réforme de la fiscalité.

En recevant son prix Nobel d’économie, Maurice Allais, dont la disparition, comme souvent en de pareilles circonstances, a marqué un regain d’intérêt pour les théories économiques qu’il avait conçues, déclarait que dans ses domaines de compétences, il s’était « libéré des conceptions actuelles, ouvert des voies originales et proposé de nouvelles perspectives ».

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, faites preuve avant tout de courage…

M. Aymeri de Montesquiou. … mais suivez aussi cet économiste éclairé : faites preuve d’audace et d’imagination en matière de politique budgétaire, et vous aurez notre soutien. (Applaudissements au banc des commissions. – MM. Alain Dufaut et Charles Guené applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. « Comment renforcer notre compétitivité sans parler de notre fiscalité ? Elle est un chef-d’œuvre de complexité au point d’en affecter l’efficacité et même l’équité. Nous devons continuer à agir, en nous tenant à trois principes : la fiscalité doit servir notre compétitivité ; la fiscalité doit rechercher la justice ; la fiscalité doit être lisible et donc aussi simple que possible. » C’est le Premier ministre, le 24 novembre dernier, qui s’est exprimé ainsi.

« Il sera créé un nouvel impôt sur le patrimoine, fondé sur un principe : au lieu de taxer le patrimoine en tant que tel, il s’agira de taxer les revenus du patrimoine et les plus-values du patrimoine ». C’est le Président de la République, le 15 novembre dernier, qui a dit cela.

Sous de tels auspices, l’impression qui pourrait rester est que cette loi de finances ne serait juste qu’un texte transitoire, sur le long et nécessaire chemin de la réduction des déficits et de la dette. Et ce alors même que la crise de l’euro s’approfondit avec la situation de l’Irlande, et à cet égard, monsieur le ministre, vous refusez, au motif de ne pas « exciter les marchés financiers », d’organiser dans notre assemblée un débat sur le sujet, comme nous l’avons demandé !

Mais alors, pourquoi ce record de plus de 1 000 amendements ? Et pourquoi ces amendements gouvernementaux de dernière minute remettant en cause ce qui venait à peine d’être débattu, notamment en usant et en abusant de la seconde délibération ?

En fait, ce budget 2011 est un budget de droite, et le sens de la justice fiscale proclamé par François Fillon s’arrête là où commencent de s’exprimer les intérêts particuliers – vos intérêts particuliers ! – qui, depuis plusieurs décennies, ont mis en commandite les politiques publiques et ceux qui les mènent !

Suppression du bouclier fiscal pouvant rapporter 700 millions d’euros ? Ce n’est pas le bon moment !

Remise en cause de la niche Copé permettant aux plus grands groupes de réaliser des raids boursiers sans payer d’impôts, ce qui rendrait 6 milliards d’euros au budget ? Pas question ! Ce serait nuire à la compétitivité de notre économie, avez-vous dit !

Hausse de l’impôt de solidarité sur la fortune qui, sans niches, rapporterait 1,2 milliard de plus ? Ce serait inciter à l’expatriation des « créateurs de richesses »,...

M. Thierry Foucaud. ... termes qui, pour vous, désignent uniquement les chefs d’entreprise. À croire que les usines tournent sans salariés et que le capital s’accumule spontanément !

Réglementer les prix de transfert, aujourd’hui des milliards perdus, utilisés par les groupes pour baisser leurs impôts en « délocalisant » la valeur ajoutée et les profits ? Ce serait, soit disant, s’ingérer dans la gestion des entreprises et prendre le risque des plans sociaux et des licenciements ! Comme s’il n’y avait pas déjà des plans sociaux dans la France de Nicolas Sarkozy !

Le Président de la République n’est plus celui du pouvoir d’achat de 2007 ; il est le président de 4 millions de chômeurs en 2010 ! Vous l’avez d’ailleurs bien aidé !

Je voudrais parler aussi de la discussion sur les finances locales. Elle a montré que la suppression de la taxe professionnelle pose aujourd’hui bien plus de problèmes qu’elle n’en résout !

À quoi ont donc servi les 12,5 milliards d’euros de déficit et de dette supplémentaires que l’État a engagés pour gager la suppression de la taxe professionnelle ? Soit dit en passant, face à ces 12,5 milliards de taxe professionnelle supprimés, il y a zéro création d’emploi !

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Thierry Foucaud. Ils ont servi à réduire l’autonomie fiscale des collectivités aux 6 milliards d’euros de la cotisation foncière des entreprises, au gel pour trois ans des dotations aux collectivités et, enfin, à la hausse de la taxe d’habitation, de la taxe foncière ou de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères !

Ce cadeau de la taxe professionnelle, ce sont les populations qui le paient au MEDEF,…

M. Jean-Louis Carrère. Il a raison !

M. Thierry Foucaud. … ce MEDEF que vous soutenez ici sur les travées de droite ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Vous le savez, cela fera plus d’impôts locaux et moins de services rendus !

Le moins de services rendus, c’est aussi vrai pour l’État, puisque la suppression de milliers de postes d’enseignants, de policiers, d’agents des impôts (M. Roland Courteau s’exclame.) et j’en passe, ce n’est rien d’autre que la hausse des impôts déguisée en réduction de la dépense publique !

M. Thierry Foucaud. Payer autant pour moins de services, c’est payer plus cher ce qui reste !

M. Jean-Louis Carrère. Hou ! l’UMP ! Hou !

M. Thierry Foucaud. Notre fiscalité est complexe, disait le Premier ministre le 24 novembre dernier. Mais si vous cherchiez comment réduire les déficits, peut-être trouveriez-vous quelques outils dans les 82 milliards ou 84 milliards d’euros engloutis dans les remboursements et les dégrèvements, ou encore dans les 172 milliards d’euros de cadeaux fiscaux et sociaux aux entreprises que vous votez en permanence !

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. Thierry Foucaud. Oui, 172 milliards ! C’est l’exacte somme du déficit de l’État et du déficit de la sécurité sociale !

Vous cherchez 172 milliards d’euros ? Ce n’est pas compliqué : évitez de détaxer et vous les trouverez ! Voilà de quoi tenir vos engagements européens. Voilà aussi comment les dérogations au principe de l’impôt conduisent aux déficits et en même temps à l’endettement.

M. Thierry Foucaud. Cela fait des années que ça dure et des années que le moins d’impôts et le moins de cotisations sociales se traduit par plus de travail précaire et plus de chômage !

M. Roland Courteau. Effectivement !

M. Thierry Foucaud. Là encore, ce sont les plus riches, les plus grands groupes qui captent l’essentiel des cadeaux fiscaux !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Thierry Foucaud. Mes chers collègues, réduire l’impôt sur les sociétés des plus grands groupes coûte 60 milliards d’euros, autant que le budget de l’éducation ! Mais pour quel résultat ?

Pour que Total, par exemple, investisse en Birmanie sans se soucier des droits de l’homme, ou encore que Renault fasse monter ses voitures en Slovénie ou en Turquie (Eh oui ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), tout en annonçant un plan de 3 000 départs en préretraite à cinquante-huit ans ?

M. Guy Fischer. C’est scandaleux !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’était du temps de Tito ! C’est du sectarisme !

M. Thierry Foucaud. Monsieur le rapporteur général, question sectarisme, vous n’avez pas de leçons à me donner ! Voilà quelques instants en commission des finances, je vous ai vu à l’œuvre auprès de vos élus : un véritable diktat pour faire voter la seconde délibération (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), alors qu’ils ne partageaient pas la question des quinze points !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est le centralisme démocratique ! Il en faut un peu sinon l’État ne peut être géré. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Thierry Foucaud. Mais on n’est plus pour le centralisme démocratique, monsieur le rapporteur général, révisez vos leçons !

M. Jean-Louis Carrère. M. Marini est un homme du passé !

M. Thierry Foucaud. On s’est aperçu que ce n’était pas bon. Quant au sectarisme, il est de votre côté !

Maintenant j’en viens…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre ? (Non ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Thierry Foucaud. ... à quelques remarques sur la chasse aux niches, annoncée comme déterminante cette année. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Un effort sur les plus values : un pour cent de plus, parce qu’il fallait éviter que seuls les salariés paient le prix de la réforme des retraites !

Pour le reste – bouclier fiscal, investissements en capital, investissements dans le logement locatif, exonération des plus-values des groupes, régime des sociétés mères, dispositif ISF/PME, régime des donations et j’en passe –, aucun changement.

En revanche, on va taxer les quelques euros de dividende de la participation. Et nous avons appris que le mariage et le PACS étaient porteurs d’effets d’aubaine ! Nous qui croyions naïvement que l’on se mariait ou que l’on se pacsait par amour. Mais voilà qu’on va racketter 500 millions d’euros dans les corbeilles de mariage en faisant disparaître la triple déclaration ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Pour compléter, on a décidé de taxer les couvertures maladie mutualistes et on a augmenté la TVA sur les offres Internet-téléphone-télévision !

Sans oublier le droit d’accès à l’aide médicale de l’État ou la ponction sur les organismes d’HLM, faute de financements budgétaires directs, c’est-à-dire qu’on aura pris dans la poche des pauvres, des gens modestes, des classes moyennes, ce que vous vous refusez toujours, pour le moment, à exiger des plus riches et des plus grands groupes.

Seulement mes chers collègues, la France ce n’est pas seulement 240 grandes entreprises et 600 000 contribuables de l’ISF ; c’est près de 3 millions d’entreprises et 36 millions de redevables de l’impôt sur le revenu !

Illustrant d’une certaine manière cette vision tronquée des priorités, je citerai deux exemples qui ont fait polémique.

Le premier est la suppression de l’article prévoyant de faire cotiser à l’impôt, à partir de 1 million d’euros, l’indemnisation du préjudice moral. Ainsi, après avoir taxé l’aide juridictionnelle pour moins de 9 euros de l’heure, on continuerait d’exempter 10 millions d’euros, 20 millions d’euros ou 200 millions d’euros reçus par un quelconque industriel, en « préjudice moral ». Posons la question : un préjudice moral a-t-il une valeur comptable, monétaire ?

Ce qui est honteux, c’est d’accepter de marchander son intégrité morale et il est encore plus honteux de voir des parlementaires valider l’exemption fiscale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Guy Fischer. Il a raison !

M. Thierry Foucaud. Le second exemple, c’est le fait, à l’article 90 du projet de loi, de vouloir revenir sur l’exonération de cotisations sociales des employeurs de salarié à domicile, une exonération qui, comme toutes les autres, tend à tirer les salaires vers le bas et qui, de plus, couvre des métiers bien différents.

Pour une nurse d’enfants ou l’auxiliaire de vie d’une personne âgée, cela peut se comprendre. Mais pour permettre à certains de se payer des valets de pied,…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Des valets de pied ?

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Thierry Foucaud. … des hommes à tout faire et des gardiens de villas sur la Côte d’Azur ou en Corse, est-ce logique ?

M. Guy Fischer. Il connaît son sujet !

M. Thierry Foucaud. Or, en matière fiscale, c’est souvent ainsi.

Avant de terminer (Marques d’approbation sur plusieurs travées de lUMP.), je citerai encore le plus gros chèque du bouclier fiscal. N’a-t-il pas été remis à Mme Bettencourt (Exclamations sur les travées de lUMP.), dont il est évident qu’elle a fraudé le fisc sur la nature de ses revenus et sur la réalité de son patrimoine ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Gisèle Printz et M. René-Pierre Signé applaudissent également.)

Cette loi de finances de transition est, finalement, une loi de continuité.

M. Thierry Foucaud. Elle préserve les privilèges des privilégiés…

Mme Janine Rozier. C’est terminé !

M. Thierry Foucaud. … et elle continue de frapper les plus modestes et les couches moyennes. (Mme Gisèle Printz opine.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Conclusion !

M. Thierry Foucaud. J’en viens à ma conclusion, monsieur le rapporteur général ! (C’est fini ! sur les travées de l’UMP. –La voix de l’orateur est couverte par le brouhaha.)

M. Guy Fischer. On n’entend plus rien !

M. le président. Oui, il faut conclure, monsieur Foucaud !