Article 4 sexies
Dossier législatif : proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine
Article 4 octies

Article 4 septies

(Suppression maintenue)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. About, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le test de la dose maximale tolérée d'un médicament est interdit lorsqu'il est sans lien avec la pathologie du malade auquel il est administré.

La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Le test de la dose maximale est nécessaire lors des essais de phase 1. Il peut même être une chance pour un certain nombre de malades. Mais il n’existe aucune raison d’administrer à des patients la dose maximale d’un produit dont ils ne sont pas susceptibles de tirer le moindre bénéfice.

C’est pourquoi le présent amendement, auquel je tiens beaucoup, tend à préciser que ce test ne peut être pratiqué sur les participants sains aux essais de phase 1.

Il me paraît utile d’inclure cette disposition dans la loi afin d’apporter un peu plus de sécurité aux patients et de mieux garantir le respect de la personne humaine. Celle-ci doit rester, même dans la phase de recherche, un sujet. Elle peut être un sujet de recherche, mais elle ne doit pas devenir objet ou support de recherche.

M. Ronan Kerdraon. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À la première phrase de l'article L. 1125-3 du code de la santé publique, après les mots : « au sens de l'article L. 5121-8, », sont insérés les mots : « sur la première administration à l'homme d'un médicament, ».

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter l’amendement n° 16 et pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. La sécurité des personnes est essentielle et doit évidemment être préservée à tout prix. Monsieur About, je partage votre point de vue : on ne doit pas imposer aux patients des doses excessives.

Néanmoins, dans certaines situations, des évaluations méritent d’être conduites. Par exemple, les personnes atteintes d’insuffisance rénale doivent bien faire l’objet de recherche afin de déterminer la dose maximale de médicament qu’ils peuvent tolérer.

Bien sûr, le malade n’est pas un objet de laboratoire, et en aucun cas il ne doit être utilisé à des fins de recherche sans fondement clinique ou scientifique.

Je propose donc, non pas d’interdire totalement ces recherches, qui sont parfois indispensables, mais de renforcer davantage la protection des personnes qui y participent, en prévoyant que ces recherches sont non seulement réalisées dans des lieux requérant une autorisation spécifique, mais encore soumises à une autorisation expresse de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement de M. About, reprenant à son compte les raisons que celui-ci a avancées. En effet, les essais de phase 1 doivent être menés sans nuire aux patients.

Je crois en outre que, dans le contexte actuel, cet amendement est particulièrement justifié.

Quant à l’amendement n° 16, il tend à renforcer le contrôle de l’AFSSAPS sur les essais de phase 1. Cet amendement me paraît intéressant mais, tel qu’il est présenté, il entre en concurrence avec celui de Nicolas About, alors que les deux dispositions ne sont pas nécessairement antinomiques.

Dans ces conditions, le Gouvernement, s’il tient à la mesure qu’il propose, devrait peut-être rectifier son amendement afin d’en faire un article additionnel.

M. le président. Monsieur About, je crois utile, en cet instant, de vous donner de nouveau la parole, afin que vous puissiez apporter votre propre éclairage sur l’amendement du Gouvernement.

M. Nicolas About. Le sujet est en effet très compliqué, monsieur le président.

Tout d’abord, madame la secrétaire d'État, je ne suis pas sûr que, d’une manière générale, le fait que le lieu où sont effectués les travaux de recherche ait fait l’objet d’une autorisation constitue une garantie au regard de l’intérêt du patient. Nous avons vu les limites de cette disposition.

Ensuite, je ne suis pas sûr non plus que l’autorisation de l’AFSSAPS, malgré tout le respect que je dois à cette institution, apporte une garantie pour le patient.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. Effectivement !

M. François Autain. Comme je suis d’accord avec vous !

M. Nicolas About. Il est important de rappeler que nous ne parlons pas là de gens en parfaite santé, qui acceptent de faire faire sur eux des recherches et pour lesquels la notion de consentement éclairé a vraiment un sens. Il s’agit de personnes malades, très malades, qui se trouvent même peut-être à un stade ultime de la maladie. On ne me fera jamais croire que de telles personnes sont dans un état où elles peuvent consentir véritablement à ce que l’on fasse des recherches qui n’ont aucun lien avec leur pathologie.

M. François Autain. Sinon, ce sont vraiment des cobayes !

M. Nicolas About. Ces personnes doivent donc être particulièrement protégées.

C’est pourquoi, si je suis prêt à compléter mon amendement, je ne suis pas prêt à le dénaturer.

La rédaction proposée pourrait être la suivante : « Le test de la dose maximale tolérée d’un médicament est interdit lorsqu’il est sans lien avec la pathologie du malade auquel il est administré ou qu’il n’est pas susceptible de lui apporter un bénéfice quelconque. »

Cela est très différent de ce que propose Mme la secrétaire d’État puisque, selon l’objet écrit de son amendement, il s’agit de ne pas imposer à des malades « la prescription de doses excessives d’un médicament lorsque leur pathologie ne le justifie pas ».

On peut considérer que la pathologie de l’insuffisance rénale, par exemple, mérite une recherche aussi poussée que possible, mais pas le malade porteur de cette pathologie, parce que lui ne bénéficiera jamais de la recherche en question. Il convient de faire une grande différence entre la pathologie et la personne humaine qui en est atteinte.

Pour ma part, en tant que médecin, je pourrais dire que je me moque de la pathologie elle-même : ce qui m’importe, c’est mon malade, et je ne veux pas qu’on lui fasse quoi que ce soit qui pourrait lui nuire.

M. François Autain. Primum non nocere !

M. Nicolas About. Ce qui intéresse le chercheur, c’est de savoir s’il pourra, demain, utiliser telle nouvelle molécule dans le traitement d’une insuffisance rénale pour des gens qui n’en sont pas du tout au même stade de la maladie que le cancéreux en phase terminale qu’il a devant lui et sur lequel il pourrait être tenté de tester cette molécule, et à très forte dose. Or c’est cela qu’il faut empêcher. Bien sûr, cela fait avancer la science, mais cela n’améliore en rien la situation de ce malade en particulier.

De même, il n’y a aucune raison de tester tel ou tel antimitotique sur un malade qui est au stade terminal d’une insuffisance rénale mais n’a pas de cancer.

Encore une fois, ici, le sujet dont nous nous préoccupons, c’est la personne, non la pathologie.

Si ces essais ont un lien avec la pathologie du malade et qu’il peut en tirer un bénéfice quelconque, aussi minime soit-il, alors oui, on peut les pratiquer ! Mais il ne faut jamais oublier le malade lui-même.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1 rectifié, présenté par M. About, et ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le test de la dose maximale tolérée d'un médicament est interdit lorsqu'il est sans lien avec la pathologie du malade auquel il est administré ou qu'il n'est pas susceptible de lui apporter un bénéfice quelconque.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. La commission est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je sais gré à M. About de placer cette discussion sous le signe de la prudence : cela nous permet de recentrer notre réflexion sur le malade et non pas sur un concept, en l’occurrence telle ou telle la pathologie. Notre débat porte, en effet, sur la protection des personnes.

À la lumière des précisions qui viennent d’être apportées, je rejoins M. About.

M. François Autain. Formidable !

M. le président. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Je l’ai dit, sur le fond, mon amendement et celui du Gouvernement ne sont pas contradictoires. Ils ne le sont que formellement parce que tous deux visent à rétablir un même article dans une rédaction différente.

Si Mme la secrétaire d’État souhaite absolument que, pour la première administration d’un médicament à l’homme, l’AFSSAPS donne son avis, elle peut le proposer à un autre endroit du texte. Cela apporterait une garantie supplémentaire, mais c’est au Gouvernement de choisir.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. La commission ne s’est pas réunie, mais je connais l’esprit dans lequel nous avons travaillé et les discussions que nous avons eues. C’est pourquoi, comme je l’ai indiqué, j’ai émis un avis favorable sur l’amendement n° 1 rectifié.

Bien entendu, comme l’a dit Nicolas About, si le Gouvernement souhaite toutefois introduire cette disposition prévoyant l’avis de l’AFSSAPS, il faudrait en faire un article additionnel.

M. le président. Madame la secrétaire d’État, dans la mesure où, en l’état, au moins sur un plan strictement formel, votre amendement est en concurrence avec celui de M. About – cela signifie que le vôtre deviendra sans objet si le sien est adopté –, je voudrais savoir si vous le rectifiez de manière à le déplacer ou si vous le retirez.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je le retire, monsieur le président.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et M. François Autain. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 16 est retiré.

La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote sur l’amendement n° 1 rectifié.

M. Ronan Kerdraon. Le groupe socialiste avait décidé de voter l’amendement de M. About. Il le votera également dans sa version rectifiée, et celle-ci aurait, à mon sens, de toute façon privé d’objet l’amendement du Gouvernement.

Je me félicite d’autant plus du retrait de l’amendement n° 16 qu’il prévoyait une autorisation expresse de l’AFSSAPS, ce qui est bien plus qu’un simple avis.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. J’étais tout à fait opposé à ce que l’AFSSAPS intervienne, de quelque manière que ce soit, dans la procédure relative à la première administration d’un médicament à l’homme.

Chacun le sait, l’AFSSAPS a déjà énormément de difficulté à rendre tous les avis qui lui sont demandés, d’autant que ses ressources lui sont comptées. Je vous rappelle, madame la secrétaire d’État, que l’État ne verse plus de subventions à l’AFSSAPS, faisant confiance aux laboratoires pour assurer le fonctionnement de cette institution et lui retirer le peu d’indépendance qu’elle avait… peut-être.

En effet, le fait que les laboratoires financent en totalité une agence de l’État porte atteinte à son indépendance et à l’impartialité des avis qu’elle peut donner. Cette opinion est très personnelle, mais je crains qu’elle ne soit de plus en plus partagée dans les semaines et les mois qui viennent.

Bref, l’AFSSAPS traverse de réelles difficultés, et elle n’est d’ailleurs pas la seule agence dans ce cas ! Ce n’est pas le moment de lui confier des compétences ou des tâches supplémentaires. L’heure est plutôt à examiner celles qu’elle exerce, à voir comment elle les exerce et à se demander si elle doit continuer à les exercer.

C’est la raison pour laquelle je suis très heureux que vous ayez retiré votre amendement, madame la secrétaire d’État.

Je me rallie, bien entendu, à l’amendement n° 1 rectifié de mon collègue Nicolas About, qui me convient parfaitement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 4 septies est rétabli dans cette rédaction.

Article 4 septies (Suppression maintenue)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine
Article 4 nonies

Article 4 octies

(Non modifié)

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1125-1 du même code, les mots : « les spécialités pharmaceutiques ou tout autre médicament fabriqués industriellement de thérapie cellulaire, de thérapie génique ou de thérapie cellulaire xénogénique » sont remplacés par les mots : « les médicaments de thérapie innovante tels que définis à l’article 2 du règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004 ». – (Adopté.)

Article 4 octies
Dossier législatif : proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4 nonies

(Non modifié)

Le second alinéa de l’article L. 1245-4 du même code est ainsi modifié :

1° Après la référence : « L. 1243-1 », sont insérés les mots : « et sur les tissus » ;

2° Après le mot : « administration », sont insérés les mots : « ou de greffe ». – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 4 nonies
Dossier législatif : proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. Comme l’avait annoncé mon collègue Jean-Pierre Godefroy lors de la discussion générale, le 17 novembre dernier, il y avait pour notre groupe trois points non négociables dans ce texte : le consentement écrit, la répartition aléatoire des protocoles de recherches et la composition de la Commission nationale des recherches sur la personne.

Il y a un mois, juste avant que l’examen du texte ne soit interrompu, l’amendement n° 5 du Gouvernement, qui tendait à revenir sur la répartition aléatoire des protocoles de recherche, a fort heureusement été rejeté par notre assemblée.

L’équilibre trouvé en commission étant préservé, le groupe socialiste votera cette proposition de loi. Il reviendra ensuite à la commission mixte paritaire de trouver un ultime compromis l’Assemblée nationale et le Sénat sur les points encore en discussion.

M. le président. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis des conditions dans lesquelles a été examiné ce texte. Grâce à Mme la rapporteur et à Mme la présidente de la commission, à qui je rends hommage, nous avons pu travailler dans un climat de confiance qui a rendu possible l’adoption imminente de cette proposition de loi à l’unanimité.

Il nous faut cependant rester vigilants, car nos collègues députés ne sont pas tout à fait sur les mêmes positions que nous. Il nous reviendra donc de faire prévaloir notre point de vue en commission mixte paritaire.

Si le texte, tel qu’il était nous était revenu de l'Assemblée nationale, ne pouvait nous satisfaire, les amendements qui ont été adoptés en commission font que, aujourd'hui, plus rien ne s’oppose à ce que le groupe CRC-SPG le vote.

M. le président. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’instar de François Autain, je me félicite des conditions dans lesquelles nous avons pu examiner cette proposition de loi.

Nous venons de discuter de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et je dois dire, madame la présidente, que vous menez les affaires de la commission des affaires sociales de main de maître ! Quant à vous, madame le rapporteur, tant sur ce sujet que sur d’autres – je pense en particulier à la bioéthique –, vous avez permis à tous les membres de la commission de mieux comprendre les défis qui sont devant nous. En d’autres termes, vous avez toutes deux accompli un excellent travail.

Le groupe de l’Union centriste votera unanimement ce texte. J’espère, pour ma part, que nous n’aurons pas à défendre nos options en commission mixte paritaire parce qu’il sera adopté conforme par l'Assemblée nationale : ce serait tout de même plus simple ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi sera, je l’espère, adoptée à l’unanimité.

Je formulerai deux remarques.

Je déplore que nous ayons dû examiner ce texte de façon morcelée, notamment ce lundi, alors que nous savons que, ce jour-là, les membres de la Haute Assemblée sont moins facilement présents. Bien entendu, les membres de la commission des affaires sociales, eux, étaient là ! (Sourires.)

En revanche, je me réjouis que nous ayons pu étudier ce texte de manière approfondie. Je remercie tout particulièrement notre rapporteur, qui a veillé à fournir toutes les explications nécessaires et qui a été extrêmement attentive à recueillir l’avis de chacun des membres de la commission, de telle sorte que ce texte fasse maintenant consensus. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, à mon tour, je tiens à remercier Mme la présidente et Mme le rapporteur de la commission des affaires sociales, ainsi que Mme la secrétaire d'État, mais aussi chacune et chacun d’entre vous de ce climat de coopération qui nous a permis de travailler dans un esprit constructif.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

L'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine
 

9

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

10

 
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques
Discussion générale (suite)

Contrôle de l'action du Gouvernement

Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques (proposition n° 584 [2009-2010], texte de la commission n° 178, rapport n° 177).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques
Article 1er

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la rénovation de la vie politique et parlementaire demeure une idée en perpétuel mouvement. Nous voulons la faire vivre, vous entendez lui donner corps. Mon expérience de parlementaire ne peut que m’inciter à vous inviter à être innovants au service de l’intérêt général.

Pour donner au Parlement la place qui lui revient au cœur d’une démocratie comme la France, il nous faut affirmer des responsabilités ambitieuses au service d’une plus grande efficacité de l’action publique.

Le rôle des assemblées s’ordonne traditionnellement autour de trois missions : voter le budget, voter la loi, mais aussi contrôler celle-ci, ainsi que l’action du Gouvernement, et évaluer l’efficacité des politiques publiques.

C’est cette dernière mission qu’il s’agit de renforcer pour répondre aux exigences démocratiques d’aujourd’hui, car elle donne toute sa crédibilité aux deux autres. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, à quoi servirait-il de légiférer si vous ne pouviez à la fois contrôler l’action du Gouvernement et évaluer l’efficacité des réformes que vous avez votées ?

Permettez-moi de citer le général de Gaulle : « Les plus nobles principes du monde ne valent que par l’action ». C’est par l’action que vous pourrez apprécier les effets des mesures prises au regard des objectifs retenus et des moyens utilisés.

La réforme de la Constitution a contribué à renforcer le rôle et les pouvoirs du Parlement. À ce titre, l’article 24 de la Constitution, modifié par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, prévoit désormais de manière expresse que le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques sont dévolus aux assemblées parlementaires.

Ainsi, la proposition de loi du président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, soumise en deuxième lecture à votre examen, vise à donner aux organes parlementaires chargés du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques les voies et moyens adaptés pour mener à bien cette mission.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient cette initiative du président de l’Assemblée nationale. C’est une nouvelle pierre à l’édifice que nous bâtissons ensemble pour une plus grande efficacité de l’action du Gouvernement et des prérogatives du Parlement, appelée de ses vœux par le Président de la République.

Comme vous le savez, deux des quatre dispositions de ce texte ont été adoptées conformes.

Elles concernent, d’une part, l’inscription dans l’ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, des modalités selon lesquelles les personnes entendues par une commission d’enquête peuvent prendre connaissance du compte rendu de leur audition et communiquer leurs observations, et, d’autre part, la consécration dans le code des juridictions financières du rôle de la Cour des comptes en matière d’évaluation des politiques publiques.

Je tiens, à cet instant, à saluer le remarquable travail de votre rapporteur, M. Patrice Gélard, et à remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, pour la qualité des débats menés au sein de cette commission.

Sur chacun des deux points restant en discussion, à l’évidence, des nuances demeurent entre la position de l’Assemblée nationale et celle du Sénat.

Le premier point concerne l’article 1er, qui tend à étendre le champ des instances susceptibles de convoquer les personnes dont l’audition semble nécessaire et à élargir les pouvoirs des rapporteurs de ces instances en matière de contrôle sur pièces et sur place et de droit de communication de tout document.

Je pense que, sur le fond, Assemblée nationale et Sénat sont d’accord. Toutefois, la différence essentielle réside dans le fait que l’Assemblée nationale s’est dotée d’un comité de contrôle et d’évaluation des politiques publiques – j’en faisais partie voilà quelques semaines, je connais donc sa vocation –, ce qui, bien entendu, rend plus difficile l’harmonisation des procédures entre les deux chambres.

Le souci de la Haute Assemblée de ne pas réduire les pouvoirs des commissions permanentes – leur statut est constitutionnel – par rapport à ceux des délégations est légitime et compréhensible, puisque vous n’avez pas choisi, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous doter d’un organe spécialement dédié au contrôle.

Le rôle d’un ministre chargé des relations avec le Parlement – pour avoir été président de l’Assemblée nationale et président de commission permanente, j’en perçois toute la mesure – est de respecter l’autonomie d’organisation des assemblées tout en veillant au respect des prérogatives que la Constitution accorde à chaque institution et des principes qui fondent de notre République.

Cependant, je tiens à rappeler que seul le Gouvernement a la faculté de permettre aux responsables administratifs des services de l’État de se rendre devant un organe du Parlement. Il faut donc en passer par lui pour qu’il puisse y souscrire, mais je sais par avance que vous en serez d’accord. D’ailleurs, la modification de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ne remet nullement en cause ce principe, ainsi que l’a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juin 2009.

Pour autant, le Gouvernement entend répondre à toutes les demandes d’information. L’ordonnance du 17 novembre 1958 à laquelle je viens de faire référence lui fait déjà obligation de communiquer aux commissions et délégations parlementaires les informations utiles et les documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

Le second point de discussion entre les deux assemblées concerne la mise en œuvre du nouvel article 47-2 de la Constitution, qui précise les modalités d’assistance de la Cour des comptes dans l’évaluation des politiques publiques.

L’article 3 de la proposition de loi prévoit que la Cour des comptes peut être saisie par le président du Sénat ou le président de l’Assemblée nationale, de leur propre initiative ou sur proposition d’une commission permanente ou de toute instance permanente d’évaluation créée au sein d’une des deux chambres.

Le Gouvernement n’a évidemment pas d’appréciation à porter sur les modalités de l’assistance que la Cour des comptes peut apporter au Parlement dans l’évaluation des politiques publiques. Il peut néanmoins se référer aux avis rendus par les juridictions compétentes, notamment par le Conseil constitutionnel.

À cet égard, ce dernier a rappelé, dans sa décision du 25 juin 2009, les conditions dans lesquelles les organes de contrôle peuvent exercer leur mission. Il a confirmé que le législateur organique avait confié à la commission des finances et à la commission des affaires sociales le soin de suivre le contrôle et l’exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale et d’évaluer toute question relative à ces sujets.

C’est pourquoi je peux tout à fait comprendre que vous soyez soucieux de le rappeler dans la loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il est important de poursuivre la mise en œuvre de l’élargissement des pouvoirs du Parlement qu’a souhaité le constituant.

Il faut bâtir au quotidien, avec détermination et persévérance, un Parlement plus efficace. Par cette proposition de loi, vous y contribuez. Nous avons la République en partage, la vitalité de l’esprit démocratique de notre pays en dépend. Le respect profond dû à nos concitoyens, qui ont placé leur confiance dans la représentation nationale, est à ce prix.

C’est pour ces raisons que le Gouvernement émet le vœu que les deux assemblées de notre Parlement trouvent ensemble et de manière consensuelle le chemin des progrès à accomplir pour renforcer encore les principes qui animent notre démocratie. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.