M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l’amendement n° 165.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous attendons depuis sept ans la transposition de la directive de 2004, ce qui commence à faire un peu long. Nous sommes tout de même parmi les derniers pays européens dans ce cas.

Malheureusement, la transposition n’est pas très satisfaisante : si la notion d’ordre public réapparaît aujourd’hui, celle de charge déraisonnable également, sans que des précisions soient véritablement apportées. Personnellement, je ne sais pas ce qu’est une charge déraisonnable. Comment l’évaluer ? C’est la porte ouverte à l’arbitraire.

Par ailleurs, vous le savez, pour obtenir une carte de résident, il faut justifier d’une assurance volontaire. Dans ces conditions, la charge déraisonnable ne pourra pas être invoquée.

Vous semblez nous dire que l’affaire des Roms relève du fantasme. Vous niez la réalité : il y a eu énormément d’expulsions de Roms ! S’il n’y a pas eu sanction, il y a eu menace de procédure de la part de la Commission européenne. Si cette menace n’a pas été mise à exécution, c’est parce que la France a pris des engagements. Or, à ce jour, ceux-ci n’ont pas été concrétisés.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, je vous donne bien volontiers acte que la Commission européenne n’a pas pris de sanction contre la France.

Cela étant, votre présentation était sinon tendancieuse, du moins un peu orientée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle était partiale !

M. Richard Yung. Le dialogue entre M. Besson, chargé à l’époque du portefeuille de l’immigration, et Mme Reding ne s’apparentait pas à un lit de roses. Je le sais, car, avec un autre membre de la commission des affaires européennes, nous avions rencontré les représentants de la Commission et ceux de la représentation permanente.

La Commission considérait que la France ne transposait pas convenablement les dispositions de la directive de 2004, en particulier les garanties offertes aux personnes qui doivent en faire l’objet.

M. Roland Courteau. C’est très vrai !

M. Richard Yung. La France rétorquait : ces règles font déjà partie intégrante de notre Constitution, de notre droit, de notre jurisprudence, et il n’est donc pas nécessaire de les inscrire dans les textes. La Commission estimait, quant à elle, que, puisqu’il en était ainsi, il serait encore mieux de les inscrire dans les textes. Le débat était donc assez tendu.

Vous avez admis, à juste titre je le reconnais, que les observations de la Commission étaient fondées. En conséquence, vous transposez la directive, mais, je le répète, incomplètement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 165.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. La majorité ne respecte pas l’avis de sagesse de la commission !

M. Brice Hortefeux, ministre. Elle cède à la pression amicale du Gouvernement ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a plus de Parlement !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 367.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 164, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 511-3-2. - En cas d’urgence, le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne se voit notifier par écrit la décision l’enjoignant à quitter le territoire dans des conditions lui permettant d’en saisir le contenu et les effets.

« Les motifs précis et complets d’ordre public, de sécurité publique qui sont à la base d’une décision le concernant sont portés à la connaissance de l’intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.

« L’intéressé peut introduire un recours dans un délai de cinq jours et peut se voir indiquer le délai imparti pour quitter le territoire français qui ne peut, sauf urgence dûment justifiée, être inférieur à un mois à compter de la date de notification. »

II. - En conséquence, alinéa 1

remplacer les mots :

il est inséré un article L. 511-3-1 ainsi rédigé

par les mots :

sont insérés deux articles L. 511-3-1 et L. 511-3-2 ainsi rédigés

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre amendement vise à transposer les articles 30 et 31 de la directive de façon littérale afin que le projet de loi soit compréhensif et précis. Pour l’instant, nous en sommes loin.

Dans son rapport sur l’application de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, la Commission stigmatise très clairement la France pour défaut de transposition. Elle critique l’absence d’intégration dans le droit national de garanties procédurales basiques dans un domaine aussi essentiel que celui de la libre circulation des personnes. En d’autres termes, vous transposez ce qui vous arrange. De plus, vous aggravez certaines dispositions.

La Commission l’indique très clairement : « La transposition des garanties procédurales n’est pas satisfaisante. Seuls quatre États membres […] ont transposé correctement ces garanties. La majorité des problèmes dans ce domaine semblent résulter d’une transposition non conforme. »

Elle poursuit : « En France, aucune garantie procédurale ne s’applique en cas d’urgence absolue. Le citoyen de l’UE concerné ne reçoit aucune notification écrite de la décision d’éloignement, n’est pas informé des motifs qui sont à la base de cette décision et ne dispose d’aucun droit de recours avant l’exécution de la décision. »

Nous refusons bien évidemment l’instauration de cette justice de seconde zone pour les étrangers, dont les droits ne sont pas reconnus. Par ailleurs, si vous voulez transposer les directives, faites-le intégralement et ne reprenez pas uniquement les dispositions déjà appliquées en France, telle la charge déraisonnable, ou celles qui vous arrangent, comme celle qui concerne la sortie du territoire.

M. le président. L’amendement n° 368, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 511-3-2. - En cas d’urgence, le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne se voit notifier par écrit la décision l’enjoignant à quitter le territoire dans des conditions lui permettant d’en saisir le contenu et les effets.

« Les motifs précis et complets d’ordre public ou de sécurité publique qui sont à la base d’une décision le concernant sont portés à la connaissance de l’intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.

« L’intéressé peut introduire un recours dans un délai de cinq jours et peut se voir indiquer le délai imparti pour quitter le territoire français qui ne peut, sauf urgence dûment justifiée, être inférieur à un mois à compter de la date de notification. »

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Notre amendement vise également à transposer de manière littérale, j’ai failli dire « mécanique », les articles 30 et 31 de la directive Libre circulation.

Ne jouons pas sur les mots. Je ne sais pas s’il y a eu menace, toujours est-il que la Commission européenne est au minimum en droit d’émettre des observations à raison de la mauvaise transposition de la directive.

M. Jean-Jacques Mirassou. La Commission estime en effet que la manière dont la France a transposé la directive n’est pas de nature à rendre ses dispositions complètement efficaces.

Les observations de la Commission portent particulièrement sur la transposition des garanties entourant les mesures d’éloignement. Elles visent expressément les articles 30 et 31 de la directive, qui prévoient une procédure de notification par écrit et des garanties procédurales comme l’accès aux voies de recours juridictionnelles. C’est fondamental par rapport à ce qui nous tient à cœur, à savoir garantir les libertés les plus élémentaires.

Certes, la transposition en droit interne n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de la directive. La Cour de justice de l’Union européenne admet qu’un contexte juridique général peut être satisfaisant dès lors que celui-ci assure effectivement « la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise ». L’interprétation reste donc possible.

Dans une jurisprudence constante, la Cour de Luxembourg ajoute : « Les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l’exigence de la sécurité juridique …

M. Roland Courteau. C’est clair et précis !

M. Jean-Jacques Mirassou. … qui requiert que, lorsque la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits. » Vous voyez que le parcours des gens concernés est méthodiquement jalonné.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est pourquoi la Commission européenne demande une transposition expresse des garanties prévues par la directive.

Nous tenons à affirmer ici clairement la spécificité des directives par rapport aux règlements, qui ne laissent pas de marge de manœuvre ou d’interprétation aux États membres. Mais il faut tenir compte de la situation particulière dans laquelle nous sommes. En effet, l’opinion publique, bien au-delà des limites hexagonales, a récemment pointé du doigt notre pays, lequel se targue pourtant, avec parfois un peu de légitimité, d’être une référence en matière de droits de l’homme.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Jacques Mirassou. En outre, le Gouvernement – comment pourrais-je le formuler pour ne pas vous froisser, monsieur le ministre ? – succombe parfois à la tentation de s’aventurer, avec quelques arrière-pensées, sur le terrain de chasse d’un parti qui est encore plus à droite que le vôtre.

M. Charles Gautier. Si c’est possible !

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous l’aurez remarqué, j’ai mis les formes, monsieur le ministre.

M. Jean-Jacques Mirassou. Outre ces arguments juridiques, nous insistons sur la transposition de ces éléments de la directive, car nous remarquons que le Gouvernement transpose avec beaucoup plus de zèle les mesures répressives, comme l’allongement de trente-deux à quarante-cinq jours du délai de la rétention permis par la directive Retour, que les mesures qui garantissent les droits des ressortissants communautaires.

Cet amendement vise donc à mettre en place un référent pertinent dans tous les domaines d’application de la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La plupart des garanties prévues par ces deux amendements existent déjà en droit positif.

En outre, le texte de la commission a déjà pris en compte les principales de ces garanties, à savoir la caractérisation précise de la menace pour l’ordre public et la nécessité pour l’administration de prendre en considération l’ensemble des éléments de la situation personnelle de l’intéressé.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Mirassou, permettez-moi de rendre hommage aux circonlocutions et précautions de langage qui vous ont permis d’exprimer ce que vous pensez, tout en veillant à ne pas être désagréable. Vous ne serez cependant pas étonné que je n’adhère pas à votre argumentation sur le fond.

Je veux faire deux remarques sur votre proposition de préciser les garanties procédurales.

Premièrement, cela n’apporte pas de garanties nouvelles par rapport au droit en vigueur.

Deuxièmement, je ne peux pas laisser dire que la France a mal transposé la directive de 2004 sur la libre circulation en Europe.

M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Borvo Cohen-Seat, vous mentionnez un rapport de la Commission européenne du 10 décembre 2008. Entre cette date et aujourd’hui, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Entre-temps, nous avons apporté des précisions à la Commission.

Le projet de loi que vous examinez a précisément été amendé afin de parachever la transposition. La Commission en a pris acte par un courrier du 26 novembre 2010, si ma mémoire est bonne. C’est donc à ce texte qu’il faut vous référez et non à celui de 2008. Il n’y a donc plus aucune interrogation à avoir à ce sujet.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, on pourrait avoir une discussion sans fin sur la portée de notre amendement. Pour notre part, nous avons la prétention de penser que son adoption apporterait une clarification dans la mesure où, comme je l’évoquais tout à l’heure, vous transposez avec beaucoup plus de zèle ce qui vous arrange que ce qui vous dérange.

En tout état de cause, vous avez une conception de la liberté de circulation des étrangers qui fait que l’aller est souvent beaucoup moins rapide que le retour.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je veux revenir sur ce qu’a dit de façon très pertinente Jean-Jacques Mirassou. Nous ne devons d’ailleurs pas cesser de le répéter.

Pourquoi ce sixième ou septième texte sur le même sujet ? Vous le savez parfaitement, monsieur le ministre de l’intérieur : parce que vous courez après Mme Marine Le Pen. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Brice Hortefeux, ministre. Vous le dites moins bien que M. Mirassou !

M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à le dire non seulement avec clarté, mais également avec gravité.

Mme Françoise Henneron. C’est n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Sueur. Nos collègues de la droite républicaine pensent qu’en tenant de tels discours, en insistant sur ces mêmes propos, en reprenant sans cesse des mots qui induisent que l’étranger est une menace, en jouant sur les peurs, ils récupéreront une partie de l’électorat potentiel de Mme Marine Le Pen. La voilà la vérité ! Vous ne le faites que pour cela, chers collègues ! Je tenais à le dire clairement, ici, au Sénat.

Malheureusement pour vous, cela n’aura pas l’effet escompté. Vous le verrez ! En effet, plus on se place sur le terrain de Mme Marine Le Pen, plus on la conforte. La seule façon de se battre contre ses thèses, c’est d’expliquer inlassablement en quoi elles sont nocives.

L'ensemble des Républicains doivent récuser de toutes leurs forces la logique qui conduit perpétuellement à faire de l’étranger un bouc émissaire, un capital électoral, un objet de peur, cependant que de nombreux êtres humains, qui sont dans des situations difficiles, vivent dans une véritable misère. Voilà la vérité !

Un sénateur de l’UMP. C’est votre vérité !

M. Jean-Pierre Sueur. Je tenais à le dire en toute clarté.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le sénateur, puisque vous avez cru bon de mettre un peu d’ambiance, je vous rappelle tout de même que ce n’est pas nous qui avons dit que le Front national posait les bonnes questions ; c’est M. Fabius !

M. Brice Hortefeux, ministre. De même, ce n’est pas nous non plus qui avons dit que le Front national était notre chance ; c’est Pierre Bérégovoy !

Veillez donc à l’utilisation que vous faites d’une certaine famille politique ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est grave ! Attention, si nous revenions sur l’histoire, nous aurions beaucoup à dire !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 164.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 368.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 25.

(L’article 25 est adopté.)

Article 25
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 27 (Texte non modifié par la commission)

Article 26

(Non modifié)

L’article L. 511-4 du même code est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa, les mots : « ou d’une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre » sont supprimés ;

1° bis Au 10°, les mots : « qu’il ne puisse effectivement bénéficier » sont remplacés par les mots : « de l’indisponibilité » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l’article.

M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 26 est présenté comme un modeste article de coordination. En fait, loin de coordonner, il aggrave la situation sans donner l’air d’y toucher.

L’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile définit les catégories d’étrangers qui ne peuvent pas faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou d’un « arrêté de reconduite à la frontière », cette dernière formulation étant supprimée dans le présent projet de loi.

L’article 26 est donc présenté comme un article de coordination en matière de protection contre les reconduites à la frontière. En fait, il aboutit à l’effet contraire. Il faut le rappeler, il fait partie d’un projet de loi qui durcit considérablement, pour la cinquième fois en neuf ans, le sort réservé aux étrangers en France.

La commission des lois du Sénat a supprimé l’article 17 ter portant sur le séjour des étrangers malades. Mais la question est en quelque sorte réintroduite à l’article 26, notamment en son alinéa 3, qui devrait lui aussi, par coordination, être supprimé. Il y est en effet prévu de modifier le 10° de l’article L. 511-4 pour faire référence à « l’indisponibilité d’un traitement approprié ». Vous apprécierez le caractère vague de la formule ! Celle-ci peut signifier que les traitements, par exemple contre le sida, ne sont pas praticables, mais également que l’étranger ne peut y avoir accès car il vit à des centaines de kilomètres d’un lieu de soin.

Il serait intéressant que M. le rapporteur nous dise ce qu’il entend exactement par « indisponibilité ». À défaut, nous défendrons bien entendu un amendement tendant à supprimer ce terme tout à fait vague.

Par ailleurs, le groupe socialiste soutiendra un amendement visant à maintenir la protection, supprimée par l’alinéa 4 de l’article 26, contre les arrêtés de reconduite à la frontière – désormais remplacés par les obligations de quitter le territoire français – pris dans un certain nombre de cas, dont bénéficient les étrangers issus de pays tiers mais membres de la famille d’un ressortissant de l’Union européenne. Le droit de vivre en famille devant être préservé, il convient en effet de prémunir ces personnes contre une obligation de quitter le territoire français. Dans la mesure où existent des liens familiaux, toutes les précautions nécessaires doivent être prises.

Enfin, je précise que le dernier alinéa de l’article 26 tend à restreindre l’interdiction d’expulser les membres de la famille d’un ressortissant communautaire issus de pays tiers aux personnes qui bénéficient d’un droit au séjour permanent.

Si M. le rapporteur n’était pas en mesure d’apaiser nos graves inquiétudes, comme nous le craignons, nous vous inviterons, mes chers collègues, à voter notre amendement de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nombre d’entre nous ont déjà dit que ce texte constituait une régression inacceptable du droit à la santé des étrangers. Nous avions demandé le retrait de l’article 17 ter du projet de loi. Dans la mesure où l’article 26 comporte des dispositions similaires, en toute logique, nous demandons également sa suppression. En insistant, mes chers collègues, nous finirons peut-être par vous convaincre !

Je le répète : les mots « inaccessible » et « indisponible » ne sont pas synonymes. L’adjectif « disponible », quand on parle d’un traitement médical, suppose que ce dernier se trouve dans le pays en question. Le terme « accessible » signifie que l’étranger pourra effectivement se le procurer. En effet, un traitement peut être disponible sans être accessible à l’étranger, financièrement par exemple, comme c’est d’ailleurs souvent le cas.

Dans les pays en voie de développement, un malade fortuné peut se faire soigner sans grande difficulté lorsque, par exemple, il est atteint d’un cancer ou du sida. Les traitements les plus récents peuvent être disponibles dans certains hôpitaux privés, mais seuls pourront y accéder les membres de la nomenklatura et leurs proches, à l’image de ceux qui viennent d’être chassés pour des raisons morales par la jeunesse tunisienne.

Toutefois, dans la plupart des cas, l’étranger malade ne fait pas partie des cénacles du pouvoir. Il n’est pas nécessairement riche. Le renvoyer dans son pays sous prétexte qu’il peut y trouver son traitement, c’est parfois le condamner à mort.

Notre droit est juste. Aucun changement ne saurait se concevoir. Il ne fait pas l’objet d’abus. Je sais que certains, dans la majorité, pensent que notre droit généreux favorise le tourisme médical. Il n’en est rien. De fait, les études épidémiologiques menées montrent toutes que les étrangers malades en France portent des souches de virus du continent européen ou bien qu’ils ont contracté certaines maladies durant leur migration. Ils ne sont pas partis malades de leur pays en espérant profiter de la sécurité sociale française.

En outre, les études de l’Institut de veille sanitaire et de l’INSERM montrent également, en ce qui concerne les maladies génétiques, que, dans 90 % des cas, c’est à l’issue d’un examen en France que l’étranger découvre le plus souvent sa maladie.

Ces données montrent une certaine stabilité des demandes de titres de séjour en raison de l’état de santé. Il n’y a pas depuis douze ans une inflation des demandes et nous ne sommes pas envahis de malades. Au contraire, depuis 2004, on assiste à une baisse du nombre de demandeurs. Ils étaient 40 000 en 2010, soit moins de 1 % des étrangers résidant en France.

Les remarques sur cette question véhiculent de nombreux fantasmes.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de l’alinéa 3 de l’article 26.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous avez cité tout à l’heure Laurent Fabius et Pierre Bérégovoy. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. François Pillet. C’est hors sujet !

M. Richard Yung. On peut tout de même s’exprimer !

M. Jean-Pierre Sueur. La citation de Laurent Fabius est juste, mais vous avez omis de rappeler le contexte dans lequel il a tenu ces propos. Quoi qu’il en soit, Laurent Fabius étant toujours de ce monde, il peut tout à fait dialoguer avec vous et vous répondre.

Tel n’est pas le cas, en revanche, de Pierre Bérégovoy.

Pierre Bérégovoy, qui fut mon ami et dont j’ai eu l’honneur d’être le ministre, par tout son parcours politique, en tant que syndicaliste, militant socialiste, secrétaire général de l’Élysée, ministre, Premier ministre, a toujours défendu des convictions claires. Il a subi ce que vous savez.

M. François Trucy. Pas de nous !

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai jamais dit cela.

Pierre Bérégovoy mérite respect pour l’œuvre qui a été la sienne au service de ses convictions. C’est pourquoi je ne peux pas laisser dire, ici, qu’il aurait, si peu que cela fût, fait montre d’une quelconque complicité à l’égard du Front national. Ce parti représente tout ce qu’il détestait. Ses idées sont contraires à son parcours, à ses convictions, à ce qu’il était. Il ne peut pas parler aujourd’hui, mais je tiens à ce que l’on respecte sa mémoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, puisqu’il est de nouveau question de la possibilité de reconduire à la frontière un étranger malade, pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous tenez absolument à modifier la terminologie sur ce sujet ?

Je partage le point de vue de mes collègues sur l’accessibilité effective et sur l’indisponibilité. Je ne répéterai pas ce qu’ils ont déjà dit.

Parler d’indisponibilité signifie que, dès lors qu’une thérapie donnée pourra être pratiquée à un seul endroit dans un pays donné, y compris à titre très onéreux, les autorités françaises auront la possibilité d’y renvoyer un étranger malade.

Vous le savez bien, ma collègue Bariza Khiari vient de le rappeler, nous ne sommes pas envahis par des gens malades. Le nombre de personnes ayant recours, en France, à des soins auxquels ils n’ont pas accès dans leur pays d’origine pour des raisons financières ou liées à la distance n’a pas augmenté de façon exponentielle, c’est le moins que l’on puisse dire.

Au demeurant, il s’agit d’une question de santé publique, et nombre de médecins se sont d’ailleurs mobilisés contre le changement que vous proposez.

Monsieur le ministre, il faut vous justifier. Les parlementaires responsables que nous sommes, quelles que soient nos appréciations sur les étrangers, devraient faire attention avec ce genre de dispositions. Il me semble préférable de conserver la terminologie actuelle, pour des raisons de santé publique, mais aussi parce qu’il y va des droits humains. Franchement, sur cette question, nous sommes en dessous de tout !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Mes chers collègues, dès lors que le Sénat a supprimé l’article 17 ter, la commission des lois émettra évidemment un avis favorable sur l’amendement tendant à supprimer l’alinéa 3 de l’article 26.

Mme Éliane Assassi. Cela va mieux en le disant !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est logique ! Certes, nous pouvons avoir indéfiniment les mêmes débats, mais, à un moment, il faut que cela cesse. Avançons ! (M. Jacques Gautier applaudit.)