M. Philippe Richert, ministre. Mais non !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Au fond, cela revient à faire payer aux étrangers retenus votre incurie ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

L’étranger n’est pas un criminel, même s’il est peut-être entré de manière illégale sur notre territoire !

M. Gérard César. Ce n’est pas sérieux ! C’est n’importe quoi !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié ter.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 156 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 153
Contre 184

Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

En conséquence, l’article 37 demeure supprimé.

Article 37 (Supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 38

Articles additionnels après l'article 37

M. le président. L’amendement n° 407, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité, le contrôle de titre prévu à l'alinéa précédent ne peut être fondé que sur des éléments objectifs d'extranéité déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé. »

2° Au dernier alinéa, les mots : « à l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa ».

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement tend à préciser les conditions dans lesquelles peut intervenir un contrôle d’identité.

Nous savons que les contrôles d’identité se fondent principalement sur l’apparence, c’est-à-dire non pas sur ce que les personnes font, mais sur ce qu’elles sont, ou plutôt sur ce qu’elles paraissent être. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat acquiesce.)

Des études de terrain ont ainsi montré que les personnes d’origine africaine ou maghrébine courent de sept à huit fois plus de risques d’être contrôlées que les « caucasiens ». Le style vestimentaire ou l’apparence sont également des facteurs déterminants à cet égard.

Je rappelle que, dans deux décisions rendues en août 1993, le Conseil constitutionnel avait réaffirmé que les contrôles d’identité devaient n’intervenir que dans des circonstances particulières et être nécessairement fondés sur des critères objectifs.

Dans sa décision du 5 août 1993, le juge constitutionnel avait formulé une réserve d’interprétation sur la loi relative aux contrôles et vérifications d’identité. Il avait également précisé que l’autorité procédant au contrôle d’identité doit toujours justifier des circonstances particulières établissant un risque d’atteinte à l’ordre public.

Dans sa décision du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel avait exprimé une autre réserve d’interprétation, portant cette fois sur la loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, en indiquant que les contrôles d’identité doivent s’opérer « en se fondant exclusivement sur des critères objectifs et en excluant […] toute discrimination de quelque nature qu’elle soit entre les personnes ».

Nous estimons que le moment est venu d’inscrire les principes dégagés par la jurisprudence constitutionnelle dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’objectif des auteurs de l’amendement n° 407 est de compléter les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives à l’obligation, pour les étrangers, d’être en mesure de présenter les documents justifiant leur droit à circuler ou à séjourner en France, en ajoutant des conditions inspirées de la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 1993.

Il s’agit de préciser que le contrôle des documents justifiant le droit à séjourner ou à circuler ne peut se fonder que sur des éléments objectifs d’extranéité.

La préoccupation des auteurs de l’amendement est sans doute légitime, mais la commission des lois s’est interrogée sur la clarté de telles dispositions. Elle souhaite entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. J’ai bien compris que les auteurs de l’amendement souhaitent proscrire les contrôles « au faciès », en inscrivant dans la loi que les contrôles de titre de séjour doivent se fonder sur des éléments objectifs d’extranéité déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé.

Il va de soi que les contrôles « au faciès » sont déjà proscrits. La jurisprudence de la Cour de cassation est claire : si un tel contrôle était pratiqué pour l’interpellation d’un étranger séjournant irrégulièrement en France, le juge des libertés et de la détention en tirerait des conséquences de droit, telles que l’impossibilité de prolonger la rétention.

Cela étant dit, je voudrais revenir sur certains de vos propos, monsieur Yung.

J’ai été choqué, monsieur le sénateur, que vous puissiez laisser entendre que les contrôles « au faciès » seraient monnaie courante et que nos policiers, nos gendarmes les pratiqueraient avec délectation… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Philippe Richert, ministre. Il s’agit d’une attaque gratuite contre notre police et notre gendarmerie, qui font leur travail très sérieusement et souvent dans des conditions très difficiles ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a des instructions et elles sont appliquées ! Nous avons pu le vérifier, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Je souhaite réagir aux propos de M. le ministre.

Nous avons procédé à des auditions de policiers. Ces derniers, comme je l’ai déjà dit, en ont assez du travail qu’on leur demande de faire. L’un d’eux a tenu devant nous les propos suivants : « On nous demande de vider la mer avec une petite cuillère, parce que, de toute façon, les immigrés sont là. »

Certains policiers nous ont expliqué qu’on leur avait demandé d’effectuer les contrôles d’identité en tenue civile, parce que de telles opérations faisaient penser à des rafles si l’on y procédait en uniforme…

On leur avait également donné les instructions suivantes : « Il faut faire du Chinois et de l’Indien, parce qu’ils sont plus facilement reconnus par leurs consulats que d’autres. »

Enfin, les personnes auditionnées nous ont indiqué qu’on leur demandait de faire du chiffre en matière de gardes à vue, et que les commissaires de police n’atteignant pas les objectifs fixés voyaient leur carrière en pâtir.

M. Louis Mermaz. Monsieur le ministre, nous avons recueilli des témoignages directs de cet ordre. Par conséquent, j’infirme complètement vos propos et je souhaite que l’amendement présenté par notre collègue Richard Yung soit voté !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je souscris tout à fait aux propos de Richard Yung et de Louis Mermaz et je soutiens pleinement cet amendement.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous poser une question.

Tout à l’heure, vous avez indiqué, s’agissant de l’amendement de M. Longuet, qu’un effort serait consenti en faveur de la justice administrative. Quelle sera la réalité de cet effort ? Je suppose qu’il portera sur l’effectif des magistrats.

Par ailleurs, M. Mercier, ministre de la justice et des libertés, affirme, dans un entretien publié ce soir dans Le Monde, qu’un effort va être accompli pour les juges d’application des peines – c’est la moindre des choses, compte tenu du contexte – et les conseillers d’insertion et de probation, ainsi que pour les greffiers. Enfin, M. Mercier déclare que les réformes nouvelles – l’instauration de jurys populaires en correctionnelle, par exemple – poseraient la question des moyens.

Monsieur le ministre, vous serait-il possible de nous dire – peut-être aurons-nous demain soir des réponses en regardant la télévision, mais il nous paraît bon que le Parlement fasse son office ! – combien de postes seront créés, pour l’année en cours, au titre de l’effort annoncé pour les juges administratifs, les juges d’application des peines, les conseillers d’insertion et de probation, les greffiers et enfin les magistrats, eu égard à l’instauration des jurys populaires en correctionnelle ? En outre, combien de postes prévoyez-vous de créer au titre du budget de 2012 ? Pour la suite, nous verrons…

En tout cas, si vous pouviez nous fournir dans les jours à venir – je comprends tout à fait qu’il vous soit impossible de le faire immédiatement – des données précises sur les mesures que vous prévoyez d’inscrire dans une loi de finances rectificative, d’une part, et dans le projet de loi de finances initiale pour 2012, d’autre part, cela permettrait d’éclairer les débats. Nous devons pouvoir mesurer la portée et la nature exactes des efforts annoncés par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Voilà des questions précises !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je m’associe à ces questions, que nous posons d’ailleurs nous-mêmes régulièrement. À l’heure où les personnels de la justice descendent dans la rue, il importe que le Parlement puisse débattre de la mobilisation de moyens propres à éviter la survenue de catastrophes.

En ce qui concerne les contrôles « au faciès », monsieur le ministre, M. Mermaz a bien exprimé ce que les policiers que nous avons entendus pensent du travail qui leur est demandé.

Étant une élue de Paris, je peux vous affirmer que les stations de métro « Belleville », « Porte d’Ivry », « Porte de Vitry », « Gare du Nord » sont des lieux privilégiés pour procéder à des contrôles « au faciès »… Curieusement, les policiers effectuent beaucoup moins de contrôles d’identité dans d’autres stations ! Je vous invite à aller constater cette réalité par vous-même !

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, loin de nous l’idée de critiquer notre police nationale : nous avons suffisamment dénoncé son manque de moyens et les coups portés aux services publics de notre pays.

Vos propos sont particulièrement provocateurs, dans la mesure où vous savez comme nous que certains jeunes des quartiers sont parfois contrôlés plusieurs fois par jour, par des équipes différentes, parce que les policiers se trouvent dans l’obligation de faire du chiffre, ainsi que l’a rappelé Louis Mermaz.

Ces jeunes gens sont contrôlés, alors qu’ils sont français, à cause de leur couleur de peau, de leur taux de mélanine ! Voilà pourquoi nous parlons de contrôles « au faciès ». Il ne faut pas ignorer ou minorer ces pratiques, qui existent dans notre pays.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 407.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 408, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune obligation de quitter le territoire français ne peut être délivrée à l'encontre d'un étranger consécutivement à un contrôle de titre jugé irrégulier. »

Je constate que cet amendement n’a plus d’objet.

Articles additionnels après l'article 37
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 39

Article 38

L’article L. 552-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 552-2. – Le juge rappelle à l’étranger les droits qui lui sont reconnus et s’assure, d’après les mentions figurant au registre prévu à l’article L. 553-1 émargé par l’intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Il s’assure également que l’étranger n’a pas été privé de la possibilité d’exercer ses droits pour une durée excessive du fait d’un délai anormalement long entre la notification du placement en rétention et l’arrivée au centre de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information des droits et à leur prise d’effet. Il informe l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant. L’intéressé est maintenu à disposition de la justice, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 192 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 409 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 192.

Mme Marie-Agnès Labarre. Les nouvelles dispositions introduites par cet article tendent à mettre les droits des étrangers entre parenthèses pendant tout le temps nécessaire, au gré de la seule administration, à leur arrivée dans un centre de rétention et à la notification de leurs droits.

Concrètement, cela signifie que les nombreux étrangers qui n’arriveront dans un centre de rétention que de longues heures après leur placement théorique dans celui-ci seront privés de leur droit de contester la mesure d'éloignement dont ils font l'objet.

De plus, la privation de liberté durant leur transfert – qui pourra donc s'étendre pendant un temps indéterminé – est dépourvue de tout cadre juridique : ni le régime de la garde à vue ni celui de la rétention administrative ne seront applicables. De ce fait, les étrangers concernés ne seront donc plus protégés et ne jouiront d'aucun droit, ce que nous refusons.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 409.

M. Claude Domeizel. Le présent article est lié à l’article 31 du projet de loi, dont nous avons préalablement contesté les dispositions. Il vise à modifier l’article L. 552-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au détriment des personnes retenues.

En effet, s’il était adopté, serait supprimée l’obligation d’informer l’étranger de ses droits « au moment de la notification de la décision de placement » dans un centre de rétention administrative. Cette obligation serait remplacée par une disposition vague et imprécise, selon laquelle l’étranger serait informé de ses droits « dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention ».

Une telle modification serait lourde de conséquences : les droits des étrangers se trouveraient mis entre parenthèses pendant la période s’étendant de la notification de la décision de placement à l’arrivée effective au centre de rétention administrative.

En outre, sachant que le délai pendant lequel un étranger peut former un recours contre la mesure d’éloignement est de quarante-huit heures, de nombreux étrangers, arrivés dans un centre de rétention de longues heures après leur placement théorique dans ce dernier, seraient privés de la possibilité de contester la mesure d’éloignement dont ils font l’objet.

Le dispositif de cet article est donc une entrave au droit au recours, posé notamment par l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Enfin, l’adoption de cette disposition créerait un véritable vide juridique entre le moment du placement théorique de l’étranger dans un centre de rétention administrative et celui de son arrivée effective dans ce lieu.

En effet, la privation de liberté que subissent les étrangers durant le transfert est dépourvue de tout cadre juridique : ni le régime de la garde à vue ni celui de la rétention administrative ne sont applicables. En conséquence, les étrangers sont privés de liberté sans qu’ils puissent faire valoir leurs droits.

Dans ces conditions, il nous paraît indispensable de supprimer cet article, qui n’est pas viable juridiquement et dont le dispositif constitue une atteinte aux droits fondamentaux des étrangers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 38 est indispensable, puisqu’il détermine les modalités d’intervention du juge des libertés et de la détention en cas de placement en rétention.

La commission est donc défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 192 et 409.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par MM. Nègre, Couderc, Beaumont, Milon, Houel et Cointat, est ainsi libellé :

Alinéa 2

I. - Première phrase

Après les mots :

dans les meilleurs délais

insérer le mot :

possible

II. - Deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Lors de l’examen du texte en commission des lois, celle-ci a opéré deux modifications à l'article 38.

Dans la première phrase, qui enjoint au juge des libertés et de la détention de s'assurer que l'étranger a été pleinement informé de ses droits, l'expression initiale : « dans les meilleurs délais possibles » a été amputée du mot : « possibles ».

Après la première phrase, le texte adopté par la commission des lois précise que le contrôle du juge des libertés et de la détention doit également s'exercer sur l'effectivité des droits au regard de la durée du transfert au centre de rétention.

S'il est bien entendu que ces modifications visent seulement à amender le texte pour éviter une interprétation par trop restrictive des droits de l'étranger, elles n’en risquent pas moins d'avoir un effet contraire à celui auquel tend cet effort de précision.

En effet, l'article 38 a une visée essentiellement pragmatique : il a pour objet d’engager le juge des libertés et de la détention à prendre en considération les circonstances concrètes du placement en rétention.

La suppression du mot « possibles » atténue la portée de cette réforme, qui, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation, vise à rappeler l’obligation faite au juge des libertés et de la détention d’exercer un contrôle in concreto.

Tout d’abord, l'ajout des précisions relatives au contrôle par le juge des libertés et de la détention de l’effectivité, pour l’étranger, de la possibilité de faire valoir ses droits au regard du délai d'acheminement au lieu de rétention est superfétatoire, dès lors qu'il incombe au juge judiciaire d'exercer toutes les investigations utiles pour vérifier l'effectivité de l'exercice des droits de la personne retenue.

Ensuite, cet ajout risque de constituer le support d’un rebond d’un contentieux sensible, connu sous la dénomination de « jurisprudence Mappy », dans lequel des juges de première instance se sont fondés sur les données fournies par des sites internet pour contester la durée des trajets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le présent amendement vise à réintroduire le mot « possibles » au second alinéa de l’article 38, alors qu’il a été supprimé par la commission.

L’expression « dans les meilleurs délais possibles » semblant quelque peu redondante, il paraissait en effet préférable d’en rester au droit en vigueur, qui évoque simplement les « meilleurs délais ».

Par ailleurs, l’amendement vise à supprimer une garantie insérée dans cet article par la commission des lois, dont le texte prévoit que le juge des libertés et de la détention s’assure, corrélativement au report des droits au moment de la rétention, que le délai entre la notification et le placement en rétention n’a pas été anormalement long.

Pour autant, la commission a pour l’essentiel validé la modification souhaitée par le Gouvernement, puisqu’elle a accepté que l’étranger puisse exercer ses droits non plus « dans les meilleurs délais suivant la notification », mais seulement « à compter de son arrivée au lieu de rétention ».

Il s’agit simplement d’éviter ainsi de créer une période indéfinie au cours de laquelle l’étranger ne pourrait exercer ses droits, conformément à la jurisprudence constitutionnelle, qui n’autorise un report que pour des raisons objectives.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement émet pour sa part un avis favorable sur cet amendement. Celui-ci prévoit en effet de supprimer une phrase qui, en ayant pour objet d’attirer de façon plus spécifique l’attention du juge des libertés et de la détention sur le temps de transfert jusqu’au lieu de rétention, pourrait donner à entendre que l’administration prendrait un malin plaisir à faire durer celui-ci !

L’intérêt des services chargés de ces transferts est précisément qu’ils durent le moins longtemps possible, pour pouvoir ensuite se consacrer à d’autres missions.

Si elle n’était pas supprimée grâce à l’adoption de l’amendement de M. Beaumont, la phrase en question risquerait d’inciter le juge des libertés et de la détention à censurer le choix du lieu de rétention opéré par l’administration. Or ce choix répond à de multiples contraintes opérationnelles. Le contraindre davantage encore ne pourrait que nuire à l’efficacité de l’action de nos services. Je sais bien qu’il y a peu de chances que cet amendement soit voté, mais je tenais néanmoins à le souligner.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Nous n’aimons pas cet article 38, dont nous avons d’ailleurs proposé la suppression, à cause de cette nouvelle conception selon laquelle le délai de notification courrait à compter de l’arrivée au centre de rétention. Nous ne pensons nullement, monsieur le ministre, que l’administration prenne un « malin plaisir » à faire durer le transfert, mais nous estimons que la défense des droits et des libertés fondamentales doit être assurée le plus tôt possible.

M. Philippe Richert, ministre. Évidemment !

M. Richard Yung. Cela étant dit, puisque notre amendement de suppression de l’article a été rejeté, nous soutenons la position de la commission des lois : nous préférons la rédaction à laquelle, dans sa grande sagesse, elle est parvenue, car les deux modifications contenues dans l’amendement n° 94 rectifié sont à nos yeux limitatives des libertés individuelles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après le mot :

valoir

Supprimer la fin de cette phrase.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement de repli vise à supprimer les mots : « à compter de son arrivée au lieu de rétention ». Cette formule implique en effet le report du départ du délai de notification de ses droits à l’étranger qui fait l’objet d’une décision de placement en rétention à l’arrivée effective au lieu de rétention.

Les contraintes opérationnelles évoquées par M. le ministre ne sauraient être mises en balance avec le respect des libertés fondamentales. Comme nombre d’autres articles de ce projet de loi, l’article 38 marque un recul à cet égard, sans pour autant faciliter véritablement l’accomplissement de leur travail par les agents de l’administration.

De plus, en restreignant un droit fondamental, cet article contrevient à l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.

J’ajoute que, même avec les améliorations apportées par M. le rapporteur, auxquelles je souscris, l’article 38 sera certainement source de contentieux, car il comporte des expressions particulièrement vagues laissant place à l’interprétation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 91, présenté par Mme Troendle, est ainsi libellé :

Alinéa 2, dernière phrase

Après les mots :

disposition de la justice,

insérer les mots :

dans des conditions fixées par le procureur de la République,

La parole est à Mme Catherine Troendle.